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Intervention de Jean-Pierre Balligand

Réunion du 17 septembre 2009 à 9h30
Accès au crédit des petites et moyennes entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Balligand :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous examinons la proposition de loi de Mme Chantal Brunel.

Après avoir présenté des amendements dont certains avaient été acceptés, le groupe socialiste avait voté ce texte en première lecture, considérant que la situation des PME était telle qu'il fallait envoyer un message aux banques. C'était au mois de mars ; nous sommes maintenant au début de l'automne. En un an, le CAC 40 est passé de 2 700 points à plus de 3 800, ce qui a l'air d'intéresser certaines de nos banques dont les départements de gestion d'actifs sont actuellement au travail. En revanche, le secteur historique, la banque domestique, celle qui sert des crédits aux particuliers ou aux entreprises, se trouve en grave difficulté.

Pourquoi ce secteur est-il en grave difficulté ? Un certain nombre de gens se sont exprimés sur la situation des entreprises : le président de la CGPME – vous l'avez rappelé, madame la rapporteure –, mais aussi les gestionnaires de trésorerie, dont les publications font état d'une diminution des crédits de trésorerie d'environ 10 % en un an.

Je ne reprendrai pas la démonstration que j'ai faite au nom de mon groupe en première lecture. C'est très simple : les PME françaises sont sous-capitalisées. Et, contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, monsieur le ministre, ce n'est pas partout pareil. L'Allemagne n'a pas du tout ce type de problème : ses PME sont fortement capitalisées, contrairement aux nôtres qui présentent la caractéristique inverse.

Mi-2008, on a dit aux entreprises de tenir le coup parce que l'économie repartirait à la mi-2009. Que s'est-il passé ? Les PME ont alors épuisé leur trésorerie. En l'absence de relais bancaire, le vrai danger se situera au moment du redémarrage, en raison de la fragilité des PME. Si l'économie redémarre – ce que nous espérons tous –, il faudra un afflux de trésorerie pour payer les produits entrants et verser les salaires avant de pouvoir produire. C'est le coeur du sujet et il y a urgence.

Les banques développent un argumentaire simple pour tenter de justifier ces chiffres : si les encours diminuent, ou s'ils croissent beaucoup moins vite qu'avant, ce n'est pas parce qu'elles réduisent l'offre, c'est parce que la demande baisse. Autrement dit, c'est parce que les entreprises anticipent une diminution des commandes, réduisent leur production et leurs investissements et ont donc moins besoin de crédit.

Cet argument n'est pas complètement erroné, encore qu'il faille s'interroger sur la raison pour laquelle les entreprises anticipent une diminution des commandes. Mais prétendre qu'il explique la totalité ou même l'essentiel de l'évolution des encours de crédit, c'est tout simplement faire preuve de mauvaise foi. Pourquoi ? Parce que les banques ont un moyen très simple pour rétablir une croissance du crédit qui permette de sortir le plus rapidement possible de la crise économique : baisser le coût du crédit. Le durcissement du crédit, ce n'est en effet pas seulement son rationnement, c'est aussi le renchérissement de son coût.

Or que constate-t-on ? Les taux d'intérêt pratiqués par la BCE sont historiquement bas. Or, plutôt que de répercuter vraiment cette baisse, les banques en profitent pour reconstituer leurs marges. L'Association française des trésoriers d'entreprise ne dit pas autre chose, notamment dans un éditorial de la Lettre du Trésorier de juin dernier : « Une grande partie de la baisse des taux d'intérêt est accaparée par les établissements financiers. Ceux-ci reconstituent leur marge au détriment des entreprises. »

Quand on se souvient des épisodes précédents, on peut donc résumer ainsi l'enchaînement des événements. Premier temps : la crise financière éclate en raison de comportements et de mécanismes auxquelles plusieurs établissements français ont pris part. Deuxième temps : pour pallier les effets économiques de cette crise, on donne plus de moyens aux banques afin de soutenir la production de crédit. Outre le plan de soutien contenu dans la loi de finances rectificative et la baisse des taux d'intérêt de la BCE, il faut notamment citer les 16,5 milliards d'euros d'épargne réglementée dont la gestion a été confiée aux banques, à charge pour elles de les prêter aux PME. Troisième temps : les banques utilisent ces moyens pour refaire leurs marges et non pas pour tenir leurs engagements en matière de croissance du crédit. Enfin, quatrième temps : tandis que les PME ferment par milliers ou traversent de graves difficultés, absolument aucune mesure de sanction n'est prise à l'encontre des banques, lesquelles sont simplement conviées de temps en temps à recevoir une gentille admonestation à Bercy, à Matignon ou à l'Élysée.

On utilise parfois la métaphore du pompier pyromane pour décrire une situation où certains créent des problèmes pour tirer ensuite avantage de leur résolution. Mais si l'on voulait décrire véritablement la situation, il faudrait imaginer des pompiers pyromanes qui non seulement allument des feux, mais encore refusent de les éteindre alors même qu'on leur en a donné les moyens, et qui, par-dessus le marché, ne sont pas sanctionnés.

Honnêtement, il m'a rarement été donné de voir une situation combinant autant de cynisme des intérêts privés et autant de manque de volonté de la part des pouvoirs publics. C'est d'autant plus choquant que les enjeux économiques et sociaux sont capitaux et qu'il y a urgence. Les socialistes ne sont pas les seuls à faire ce constat. La CGPME qui, vous me l'accorderez monsieur le ministre, n'a rien d'un club de gauchistes enragés (Sourires), déclarait récemment : « Les admonestations ne suffisent plus. Les banques doivent respecter leurs engagements, légitimes contreparties du plan public de soutien au secteur bancaire, et il est aujourd'hui de la responsabilité des pouvoirs publics de tout mettre en oeuvre pour y parvenir. »

Dans ce contexte, la proposition de loi de notre collègue Chantal Brunel était une occasion utile de chercher des solutions aux problèmes rencontrés par les PME dans leur accès au crédit. Elle a d'ailleurs permis de dégager plusieurs propositions consensuelles en première lecture. C'est pour cette raison que, tenant compte de la nouvelle procédure, nous n'avons pas repris les amendements que vous n'aviez pas acceptés, et que nous n'avons pas déposé de motion de renvoi en commission. Nous considérons que certaines dispositions sont utiles pour les PME.

Pourtant, même si elle allait globalement dans le bon sens – ce qui a justifié le vote positif de notre groupe –, la proposition de loi n'allait pas encore assez loin, faute notamment d'avoir repris quelques-uns de nos amendements. Je me permets de le dire au ministre, ce qui fera peut-être bouger les curseurs dans les débats ultérieurs ou par la voie réglementaire.

Nous avions d'abord demandé un document annuel indiquant, pour chaque réseau, le montant total des sommes perçues pour chaque catégorie de produits ou services dont bénéficient les PME, ainsi que le montant moyen pour une unité de chaque catégorie de produits ou de services fournis. Il nous serait fort utile, en effet, de disposer de ces données. Dans un autre amendement, non repris, nous avions également demandé la facilitation du report des dettes fiscales et sociales des entreprises, moyennant le paiement d'un intérêt. Enfin, nous avions proposé une rédaction beaucoup plus ambitieuse et plus complète de l'article 5, relatif à la collecte de données statistiques. Voilà quelles étaient nos demandes.

Quant au Sénat, s'il a permis de préciser certains articles de la proposition initiale – parfois, d'ailleurs, en en affaiblissant quelque peu la portée –, il n'a adopté aucun article supplémentaire relatif à l'accès des PME au crédit. Il a préféré faire le choix – à notre sens discutable – d'ajouter des articles ayant trait aux marchés financiers, ou même d'autres qui n'ont rien à voir ni avec ce sujet ni avec celui de l'accès des PME au crédit.

Il a ainsi pris le risque de brouiller le message que la proposition de loi avait envoyé : un grand discours adressé aux banques sur la question du financement des PME. Cet aspect a été laissé de côté, soit pour adopter, à l'initiative du sénateur Marini,…

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