La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2 857).
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen de la première partie du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 2824/406">406 après l'article 2.
Les amendements portant article additionnel après l'article 2 jusqu'aux amendements portant article additionnel après l'article 14 ont été réservés à la demande du Gouvernement. En conséquence, nous en venons à l'article 15.
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je veux rappeler, comme je l'ai indiqué dans mon intervention générale, à quel point le crédit d'impôt recherche, que nous avons triplé en 2007 au bénéfice de toutes les entreprises, petites, moyennes, intermédiaires et grandes, et qui institue un partenariat entre la France et les entreprises qui décident d'investir dans l'innovation, est un instrument d'attractivité extrêmement puissant. Tous les responsables d'entreprise que j'ai interrogés et qui se sont peut-être manifesté auprès de vous ont souligné qu'il s'agissait d'un instrument déterminant de localisation sur notre territoire de leurs centres de recherche et développement pour celles qui ont le choix, déterminant aussi pour inciter celles qui hésitaient à s'engager dans une démarche de recherche et développement.
Les entreprises bénéficiaires sont de toutes tailles, de tous secteurs. En 2007, nous avons simplifié un mécanisme effroyablement compliqué, puisque, jusque là, on tenait compte à la fois de l'augmentation nette en recherche et développement et de l'accroissement par rapport à la moyenne des exercices précédents ; nous en avons triplé le montant ; nous avons prévu un mécanisme spécifique pour inciter les entreprises qui n'avaient jamais fait de recherche et développement à s'y engager ; enfin, nous avons doublé l'avantage pour les entreprises qui décident de faire de la recherche-développement en liaison avec un établissement public de recherche. Ce mécanisme, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, me paraît donc équilibré et, surtout, stabilisé.
Pendant vingt-cinq ans, jusqu'en 2007, le crédit impôt recherche a été modifié chaque année. Or lorsqu'une entreprise décide d'investir dans la recherche-développement, lorsqu'une entreprise étrangère décide de venir le faire en France, c'est en général sur des projets de long terme. Un système modifié chaque année, fût-ce à la marge, crée une insécurité fiscale qui elle-même entraîne l'attentisme dans le meilleur des cas ou un autre choix dans d'autres.
Je le dis en toute simplicité et toute franchise : ma préférence absolue, c'est qu'on ne change pas le crédit d'impôt recherche. Nous avons tout à gagner à la stabilité du système, à sa simplicité. Ce n'est pas parce qu'en 2009 le montant des crédits budgétaires a été très élevé, de façon bien compréhensible, puisque nous avons fait « dégorger les tuyaux » en permettant aux entreprises de bénéficier du remboursement de l'intégralité des créances dues par l'État, y compris sur des périodes allant jusqu'à trois ans, que nous devons modifier le système.
On va également m'opposer un autre argument– je les connais tous et certains sont effectivement fondés – selon lequel des abus ont été constatés ici ou là. Cela est peut-être vrai, mais nous devons prendre le risque de laisser subsister des abus occasionnels, minoritaires, au bénéfice d'un système qui est, dans la majorité des cas, utile, efficace, nécessaire pour l'innovation dans nos entreprises.
Le salon de l'automobile vient de fermer ses portes. J'ai demandé à tous les constructeurs qui fabriquent sur notre pays si le crédit impôt recherche était utile pour eux et s'il déterminait ou non l'implantation sur notre sol d'activités de recherche et développement. Tous sans exception, qu'il s'agisse de constructeurs au nom bien français ou de constructeurs étrangers qui ont décidé de faire de la recherche-développement sur notre territoire, ont dit que c'était déterminant pour une localisation en France. En effet, la Chine, l'Inde, d'autres pays aux systèmes de formation beaucoup plus développés qu'on ne les imaginait, disposent d'ingénieurs d'excellente qualité qui travaillent à un coût extrêmement favorable pour les entreprises. Dans ces conditions, le crédit impôt recherche est un facteur d'attractivité car il réduit le coût global pour l'entreprise d'une localisation en France de ses activités de recherche et développement.
Je le répète, ma préférence absolue est qu'on ne touche pas au système, qu'on ne le déstabilise pas, ni au motif qu'il privilégierait de grandes entreprises, ni au motif qu'il privilégierait des entreprises qui ont à dessein « saucissonné » leurs investissements en créant des filiales ici ou là, ni même au motif que, peut-être, à la marge, il y a un peu de fraude. Introduire des variations, déséquilibrer un système enfin équilibré me paraît dangereux pour l'innovation dans notre pays, laquelle est déterminante pour sa compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
De nombreux orateurs sont inscrits sur l'article 15. Je rappelle que le temps de parole est de deux minutes par inscrit.
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, je vais dire moins bien ce que Mme Lagarde vient d'exprimer excellemment. Cependant en tant que président de la commission des affaires économiques, qui a une certaine compétence sur la recherche, je me dois d'intervenir, en reprenant les arguments que Mme Lagarde a développés.
Je tiens d'abord à dire à M. Cahuzac et à M. Carrez que j'apprécie tout à fait le travail qu'ils font pour limiter les effets de certaines incitations fiscales,…
…terme que je préfère à celui de « niches ». Toutefois – peut-être ai-je tort de dire cela, monsieur Carrez – si certaines incitations fiscales sont l'occasion de spéculation d'autres sont vertueuses. Je préfère qu'on supprime les premières, qu'on les « rabote » à fond, mais qu'on ne touche pas aux secondes car elles créent de la valeur ajoutée, de l'emploi, et de la recherche.
De quoi manquent les entreprise se France ? De dynamisme dans la recherche, donc de développement.
Effectivement, comme l'a souligné Mme la ministre – j'en suis témoin à Rueil-Malmaison et cela est vrai aussi à Issy-les-Moulineaux – c'est grâce au crédit impôt recherche que les chefs d'entreprise préfèrent s'installer en France plutôt qu'en Angleterre ou en Belgique. Je souhaite donc, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, une extrême prudence dans la manière dont vous voulez traiter la question des économies sur les incitations fiscales. Ne donnons pas un mauvais signal à nos entreprises.
Avec le commissaire aux investissements d'avenir, nous sommes en train de mettre en place pour 35 milliards d'euros d'investissements qui seront un levier pour en susciter 60 milliards. Or ces investissements sont liés aux résultats de la recherche française dans les dix années à venir. Il faut donc que la recherche soit au niveau, pour être au rendez-vous du grand emprunt et des effort énormes que nous faisons.
Je souhaite donc qu'on se mette d'accord pour limiter les effets des amendements qui ont été déposés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Le crédit impôt recherche a été créé en 1983 par la gauche pour soutenir la recherche et maintenir en France les emplois qui y sont associés. À cet égard, je souligne le cas de filières industrielles dont l'activité repose sur l'innovation et qui tirent la croissance de notre pays, en particulier dans le secteur des technologies de l'information et de la communication. Dans ce domaine où la concurrence est rude, nous avons le devoir de maintenir une forte capacité de recherche et développement. Tout retard dans ce secteur aurait, à brève échéance, des conséquences sur l'emploi, ce qui est essentiel pour nous ; il y va aussi de notre indépendance technologique. Dans ce contexte, le crédit impôt recherche est un outil pertinent pour soutenir la recherche et limiter les risques de délocalisation.
Cependant, dans un rapport récent, la MEC révèle que certaines entreprises, dans divers secteurs, détournent le dispositif à des fins d'optimisation fiscale en multipliant le nombre de leurs filiales. Ce phénomène est inquiétant pour nos finances publiques et il faut y répondre de façon appropriée.
Néanmoins à tire personnel, je ne voudrais pas qu'une modification du dispositif puisse, par ricochet, pénaliser des industries qui investissent réellement et massivement dans la recherche et développement en France et qui concourent au développement de l'emploi. Ce point est essentiel.
Pour parvenir à cet objectif, seul un contrôle renforcé du dispositif par l'État permettrait de s'assurer de la bonne gestion des deniers publics sans pour autant créer un effet potentiellement désincitatif. Un tel contrôle nécessite que l'État dégage un certain nombre de moyens et opère un décloisonnement des processus d'évaluation.
On ne doit pas, à mes yeux, opposer grands groupes et PME, qui contribuent ensemble à la création d'emplois sur nos territoires. Derrière ces entreprises, il y a des salariés, et nous sommes tous concernés par le problème dans nos régions respectives.
Il est peu de sujets qui font l'unanimité dans notre assemblée, mais tout le monde soutient le principe du crédit d'impôt recherche. Nos collègues de gauche ont rappelé qu'un de leurs gouvernements était à l'origine de cette mesure. Nous en avons beaucoup amplifié la portée, notamment lors de la dernière réforme, au point d'ailleurs que son coût a augmenté considérablement, au-delà de ce qu'on pensait.
La MEC a essayé de répondre à la question de savoir si cette dépense a été efficace. Il est vrai qu'elle a connu une très forte croissance, mais les chiffres donnés par les rapporteurs montrent que globalement, les dépenses de recherche n'ont pas augmenté beaucoup par rapport au investissements. On peut donc, de ce fait, soutenir que, dans cette période de crise, le mécanisme a empêché la chute des dépenses de recherche et a permis à des entreprises, notamment petites et moyennes, de se lancer dans la recherche.
Alors où est le problème ?
Mme la ministre a raison de nous inciter à ne pas changer en permanence les règles fiscales. Toutefois les travaux de nos collègues, membres de la mission d'évaluation et de contrôle, montrent bien qu'il est indispensable que nous résolvions deux ou trois problèmes.
Tout d'abord, le crédit d'impôt recherche n'est pas neutre au regard de l'organisation des groupes. Pour ma part, j'ai défendu l'idée que si l'on devait, le cas échéant, globaliser le crédit d'impôt recherche au niveau du groupe, il faudrait revoir à la hausse le plafond actuel des 100 millions d'euros. Si nous ne le faisions pas, nous constaterions le développement, comme c'est le cas aujourd'hui, d'un phénomène d'optimisation fiscale. Que ceux qui demandent que l'on ne touche à rien viennent nous expliquer s'il est normal que les banques aient détourné le crédit d'impôt recherche. Il faut tout de même être un peu sérieux !
Ensuite, se pose le problème du taux forfaitaire de 75 %. Ce dernier n'est pas représentatif du coût moyen, mais il faut savoir que le coût réel est très différent d'une entreprise à une autre.
Enfin, se pose la question des taux de démarrage qui s'élèvent à 50 % la première année et à 40 % la deuxième, avant de se fixer à 30 % la troisième année. Ce problème n'est pas majeur.
J'ai soutenu les amendements de la commission qui visent à améliorer l'efficacité du crédit d'impôt recherche. Il faut soutenir la commission des finances.
Madame la ministre, j'ai été l'un des auteurs du rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle, et nous sommes tous d'accord : le crédit d'impôt recherche est utile.
Pour ma part, je ne conteste pas la réforme de 2008. Cependant, aujourd'hui, il reste un effort considérable à accomplir dans notre pays.
Si nous consultons les chiffres, en particulier ceux relatifs à la recherche privée, nous constatons que, en France, la recherche et développement représente approximativement 2,1 % du PIB, ce qui nous place derrière l'Allemagne, les États-Unis ou le Japon.
Quelle est la cible du crédit d'impôt recherche ? Il s'agit principalement des PME innovantes. Ce choix partagé doit nous permettre d'assurer notre croissance dans une économie de la connaissance. Il reste qu'une dépense publique qui aura atteint 5,4 milliards d'euros en 2009, et 4 milliards en 2010, mérite d'être évaluée. C'est ce que nous avons fait, tout comme l'inspection générale des finances et le Sénat. Quant au conseil des prélèvements obligatoires, il a esquissé la même démarche dans son rapport Entreprises et « niches » fiscales et sociales. Il en ressort qu'aujourd'hui nous devons traiter un certain nombre de sujets.
Non, madame la ministre, il n'y a pas de petites fraudes ! Quand les fraudes existent, il faut les corriger. Quelles pistes devons-vous privilégier pour le faire ?
La première n'est pas législative. Il faut en effet préciser la directive fiscale pour savoir ce qui éligible au crédit d'impôt recherche et ce qui ne l'est pas. Il y a actuellement une confusion entre la recherche et l'innovation ; je pense en particulier au cas des banques.
Il faut aussi s'intéresser aux dépenses forfaitaires : une avancée consisterait à réduire le taux de 75 %, même s'il faut pour cela élargir l'assiette. Sans remettre en cause l'architecture globale du crédit d'impôt recherche, nous pouvons trouver un accord sur ce point.
La troisième piste concerne les filiales.
Madame la ministre, vous savez comme moi qu'entre 2007 et 2008, le nombre de filiales de moins de dix salariés a augmenté de 250 %. Nos amendements ont inquiété les grands groupes : je peux le comprendre, mais il est nécessaire que le Gouvernement fasse un effort en matière de transparence. Depuis 2008, il y a eu un certain nombre d'abus. Dans les douze mois qui viennent, le Gouvernement doit fournir au Parlement toutes les informations nécessaires sur l'optimisation fiscale par la création de filiales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
J'ai pris connaissance avec intérêt du travail complet de nos collègues de la commission des finances sur le crédit d'impôt recherche.
Parmi nous, personne ne souhaite jeter le bébé avec l'eau du bain. Tout le monde reconnaît la nécessité d'une alliance entre la recherche privée et la recherche publique qu'il ne faut pas dévêtir, malheureusement, elle perd parfois des moyens. Je suis élu d'une région où l'association est étroite entre la recherche publique, en amont, et la recherche privée. C'est de cette façon que l'on développe des technologies nouvelles qui servent à la fois aux grands groupes et aux petites entreprises.
Le crédit d'impôt recherche a incontestablement provoqué des effets d'aubaine, mais il n'est pas le seul dispositif concerné. Il existe plusieurs autres mesures pour lesquelles sont prévus des effets de seuil auxquels les entreprises essaient d'échapper, et je dirais que « ce n'est pas de jeu ». Je pense aux franchises commerciales mises en place pour contourner certaines dispositions. Quant à la localisation dans différents pays européens du siège social d'une société, de l'entreprise elle-même et du lieu de vente – ce qui permet éventuellement de payer un impôt très faible en Suisse et nul en France –, la méthode pose un gros problème. Et que dire des certificats d'économies d'énergie ? Même si le sujet ne relève pas de la loi de finances, ces systèmes permettent à certains de spéculer sur le dos des autres et d'échapper au financement des certificats en démantelant leur entreprise et en la filialisant.
Il faut que nous travaillions sur tous ces sujets, car la moralisation du comportement de nos acteurs économiques ne concerne pas seulement le crédit d'impôt recherche.
Notre groupe politique a demandé, ce matin, lors de la réunion de la commission des affaires économiques, que nous puissions aborder ces sujets tous ensemble. Le président Ollier a accepté le principe d'une telle réflexion. Je remercie les différents présidents des commissions concernées, y compris celle des finances, de bien vouloir accepter qu'une mission d'information élargie se penche sur cette stratégie de filialisation déguisée et de démantèlement organisé dont l'objet n'est certainement pas de servir notre pays.
Monsieur Brottes, je vous remercie de votre concision.
La parole est à M. Michel Bouvard.
Madame la ministre, nous constatons tous l'intérêt du crédit d'impôt recherche. Il n'y a aucun doute : le besoin est patent. Nous pouvons aussi tous partager l'objectif de stabilité fiscale que vous avez défendu : il ne faut pas que nous donnions le sentiment de détricoter le lendemain ce que nous avons fait la veille.
Cela étant, lorsque l'on demande au Parlement de faire du contrôle, ce qui constitue l'une de ses missions, et d'améliorer la qualité de la dépense publique, il convient de tenir compte de ses travaux.
La mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances a travaillé sur le sujet avec sérieux et compétence. Elle a identifié certaines déviances. Ces dernières, comme la déconsolidation, sont parfois difficiles à traiter. Néanmoins s'il est vrai que, comme par hasard, des filiales se sont multipliées dans le domaine de la recherche, il existe aussi de grands groupes d'excellence qui n'ont pas utilisé ce procédé et qui ont besoin du crédit d'impôt recherche pour faire face à la concurrence de pays étrangers. Ces derniers n'hésitent d'ailleurs pas à financer la recherche amont par d'autres moyens, par exemple en surpayant les dépenses militaires.
Il n'en demeure pas moins que certains effets pervers doivent être corrigés. Ainsi le risque de mise en place d'un système de carrousel comme on en connaît sur la TVA – dans ce domaine, le problème n'est toujours pas réglé au niveau européen – est patent. Cela suppose que l'on prenne les dispositions indispensables avant que la machine ne s'emballe.
Se posent aussi le problème des rémunérations d'intermédiaires, celui des fausses recherches ou de l'innovation qui mérite parfois à peine de porter ce nom.
Je demande à nos collègues qui sont présents ce soir parce qu'ils s'intéressent au crédit d'impôt recherche, mais qui ne suivront pas nécessairement tous les débats relatifs au projet de loi de finances, de faire confiance au travail d'une commission qui s'est saisie du fond du dossier ainsi qu'à ceux d'entre nous qui se sont investis durant plusieurs mois sur ce sujet pour résoudre les problèmes et faire des propositions. Avec le Gouvernement, je ne doute pas que nous puissions trouver en ce sens des solutions équilibrées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
J'ai eu l'honneur, avec Olivier Carré, de coprésider les travaux de la MEC sur le crédit d'impôt recherche. Pendant plusieurs mois nous avons travaillé sur ce dossier de façon consensuelle avant de proposer des pistes de réflexion.
Ainsi, à l'issue de nos travaux, il est clair qu'il est nécessaire de clarifier l'assiette. À ce sujet, Alain Claeys a rappelé qu'il fallait différencier recherche et innovation. Après avoir été surpris par l'attitude d'un certain nombre de grands groupes qui ont détourné le dispositif pour optimiser leurs dépenses et leurs recettes, nous avons préconisé une clarification de la directive fiscale et un recentrage du dispositif sur certains secteurs. Le secteur bancaire a été cité ce soir à plusieurs reprises ; on peut incontestablement s'interroger sur l'utilisation du crédit d'impôt recherche dans ce domaine d'activité.
En ce qui concerne les dépenses forfaitaires, la réduction du taux de 75 % a été admise par l'ensemble des députés membres de la MEC. Je suis surpris que nos travaux soient remis en cause en faisant fi de quatre mois de réflexion et de travail consacrés à trouver un point d'équilibre afin de permettre au dispositif du crédit d'impôt recherche d'atteindre son objectif et de rendre notre tissu productif plus efficace en matière de recherche.
J'ai le privilège d'être l'élu d'une circonscription qui compte beaucoup de petites entreprises du textile. Elles font appel au crédit d'impôt recherche dans le cadre des collections sans avoir les moyens d'embaucher une personne pour cela ; elles ont donc recours à des intermédiaires.
Si nous pénalisons ces derniers, nous pénalisons directement les entreprises de création, notamment les petites. J'appelle donc à une extrême prudence sur ce sujet. Je m'en suis déjà expliqué avec le rapporteur général : il ne faudrait pas que, sous prétexte de vertu budgétaire, on pénalise, au détour de quelques amendements, tout un secteur qui ne s'en sort aujourd'hui que grâce au crédit d'impôt recherche.
Je veux dire à mon excellent collègue, M. Bouvard, qu'il n'y a pas deux types de députés dans cette assemblée : ceux qui participent aux travaux de la commission des finances et les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Certains appartiennent très modestement, comme moi, à la commission de la défense nationale et ils pestent contre les entreprises américaines qui bénéficient des crédits gouvernementaux pour faire de la recherche civile.
Quand vous faites du contrôle en matière de défense, on vous fait confiance !
En tout cas, cela n'est pas acceptable et il nous faut protéger nos grands groupes.
Le crédit d'impôt recherche n'est pas une niche fiscale ; c'est un outil, reconnu partout en Europe, dont s'est dotée la France pour faire en sorte de muscler ses entreprises et d'attirer de grands groupes sur son territoire. Il s'agit de permettre que des centres de recherche et développement s'implantent définitivement en France : ils ont été près de quarante à le faire en 2009.
Je vous donne l'exemple de Gemalto, leader mondial de la carte à puce, installé dans ma circonscription. Son centre de recherche et développement de La Ciotat compte sept cents chercheurs. Nous avons fait en sorte que ce centre reste en France, et nous y sommes parvenus parce qu'il y a eu le crédit d'impôt recherche, et grâce au FSI, le fonds stratégique d'investissement.
Je soutiens le Gouvernement et je demande à mes collègues de le soutenir également. Nous nous rallierons au président Ollier qui a excellemment décrit nos positions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Alors que la recherche publique française n'a pas à souffrir des comparaisons internationales, la recherche privée est depuis longtemps le point faible de la recherche et développement dans notre pays. On se demandait, depuis des décennies, comment parvenir à la stimuler ; le crédit d'impôt recherche a permis de le faire de manière remarquable.
Il s'agit désormais d'un facteur d'attractivité majeur de notre territoire. Selon des études menées par la chambre de commerce et d'industrie de Paris, c'est même le deuxième facteur pour l'implantation des entreprises étrangères dans la région Île-de-France.
N'oublions pas que la recherche aussi peut être délocalisée. C'est pourquoi il nous faut soutenir la position du Gouvernement et toucher le moins possible au dispositif, sous peine de porter préjudice à nos entreprises et d'envoyer un très mauvais signal aux investisseurs étrangers qui ont, eux aussi, besoin de stabilité.
Le crédit d'impôt recherche est nécessaire à des secteurs industriels majeurs. Je pense notamment à l'industrie de la défense, dont nous resserrons les crédits budgétaires, si bien que les entreprises seront obligées, demain, d'accroître leurs investissements en matière de recherche et développement. Je pense également au secteur de l'automobile, dont les entreprises réalisent des profits relativement modestes, alors qu'elles doivent consentir des efforts considérables dans le domaine de la recherche pour affronter les changements structurels et préparer les modèles de demain.
A ceux qui s'inquiètent du coût du dispositif, je rappelle, outre ses effets vertueux, soulignés hier par Christine Lagarde, que beaucoup trop peu de nos dépenses budgétaires sont destinées à préparer l'avenir. À titre d'information, je vous indique que la Chine consacre, cette année, 50 milliards de dollars au seul développement des énergies renouvelables.
En conclusion, j'espère que la majorité de nos collègues suivront la position du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
En tant que vice-président du groupe d'études sur le textile, je veux évoquer le crédit d'impôt collection, dont bénéficie la filière textile. Ce dispositif a en effet permis à ce secteur, qui souffre depuis de nombreuses années, de rebondir. Le supprimer, ce serait condamner définitivement la filière textile dans notre pays.
Deux pôles de compétitivité sont consacrés au textile ; ne pas prendre en compte le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt collection, ce serait les condamner également.
C'est pourquoi je soutiens la position du Gouvernement et j'en appelle à mes collègues pour que nous maintenions ce type de dispositif dont bénéficie l'ensemble de notre industrie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je tiens, tout d'abord, à souligner le succès du crédit d'impôt recherche. Dans la loi TEPA, le Gouvernement s'était fixé comme objectif de tripler son montant ; or celui-ci est passé de 1,5 milliard à 4,5 milliards d'euros. En comparaison, les États-Unis, qui ont un dispositif équivalent, y consacrent 3,1 milliards d'euros. Quant au Japon, dont le PIB est beaucoup plus élevé que le nôtre, il y consacre le même montant que la France, c'est-à-dire 4,5 milliards d'euros. C'est dire combien ce dispositif est puissant et combien il est important qu'il soit soutenable à terme.
Par ailleurs, j'ignore ce que l'on a raconté à certains de nos collègues, mais les conclusions du rapporteur, celles de la MEC et les amendements qui ont été retenus ne sont pas hostiles à ce dispositif. Des améliorations ont été évoquées, des évolutions techniques ont dû être entreprises pour éviter certaines dérives, très circonscrites et, comme le diraient Gilles Carrez et le président Cahuzac, raisonnables. C'est pourquoi je suis certain que la discussion gagnera en sérénité au fur et à mesure de son déroulement.
Nous en venons à l'examen des amendements à l'article 15.
Je suis d'abord saisie d'un amendement n° 418 , tendant à supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
Le crédit d'impôt recherche est un dispositif qui coûte très cher. D'un montant inférieur à 500 millions d'euros en 2003, il a atteint, en 2009, plus de 5,8 milliards, ce qui fait de lui la première dépense fiscale de l'État. Comme le souligne L'Express, sa principale fonction est de constituer un vrai jackpot depuis 2009. Il ressort ainsi du rapport du conseil des prélèvements obligatoires, daté du 7 octobre 2009, que « la réforme du CIR constitue une baisse, qui peut être qualifiée de déguisée, du taux normal de l'impôt sur les sociétés de l'ordre de deux à trois points et est ciblée de fait sur les grandes entreprises qui effectuent des dépenses de recherche et développement […] Les grandes entreprises ont été les principales bénéficiaires du CIR [depuis la réforme de 2008.] »
Outre ce déséquilibre des montants en faveur des grands groupes, on observe un déséquilibre sectoriel. En effet, à qui profite le détournement ? Aux banques, une fois de plus ! Comme l'a constaté Gilles Carrez, dans son rapport d'information sur l'application des mesures fiscales du 2 juillet 2009, ce sont les services bancaires et les assurances qui constituent les premiers bénéficiaires de ce dispositif. C'est tout de même scandaleux !
Le crédit d'impôt recherche se révèle donc totalement inefficace quant à son objectif principal : favoriser la recherche et les entreprises innovantes en France. C'est pourquoi nous proposons que les entreprises qui favorisent réellement la recherche bénéficient d'un crédit à taux bonifié et que celles qui privilégient la rémunération du capital soient pénalisées, de manière à orienter l'argent vers des investissements utiles, tels que ceux faits dans la recherche et la formation. Nous souhaitons donc supprimer l'article 15.
La parole est M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
La commission a rejeté cet amendement de suppression, car, ainsi que l'ont indiqué les orateurs précédents, sur tous les bancs, le crédit d'impôt recherche est un excellent dispositif, dont je rappelle qu'il a été créé en 1983 et trop souvent modifié, à raison d'une fois par an ou presque, jusqu'à ce que nous parvenions à un équilibre dans le cadre de la réforme de 2008.
Actuellement, il est parfaitement lisible et fonctionne de manière simple, puisqu'il permet de prendre en charge les dépenses de recherche grâce à un crédit d'impôt de 30 % – c'est un taux élevé – jusqu'à 100 millions de dépenses, et de 5 % au-delà. Je rappelle qu'auparavant, il fonctionnait en accroissement – le pourcentage augmentait d'une année sur l'autre et il y avait un petit pourcentage en stock – et que les entreprises avaient beaucoup de difficultés à l'utiliser. Aujourd'hui, le dispositif est stable et efficace ; il faut le conforter par tous les moyens.
Monsieur Sandrier, la mission d'évaluation et de contrôle a auditionné des dizaines de chefs d'entreprises, petites et grandes. Un travail approfondi, qui a duré plusieurs mois, a été mené par Jean-Pierre Gorges – dont j'excuse l'absence ce soir, due à la visite du ministre de l'industrie à Chartres –, de Pierre Lasbordes, membre de la commission des affaires économiques, et d'Alain Claeys, sous la coprésidence de David Habib et d'Olivier Carré. La mission a conclu à la nécessité absolue de conforter le crédit d'impôt recherche, en évitant de modifier son architecture générale. Toutefois – et c'est l'objet de différents amendements –,nous risquons d'assister à certaines dérives, en raison du taux élevé du crédit d'impôt. Pour éviter que de telles dérives, mises sur la place publique, ne jettent le discrédit sur le dispositif, nous souhaitons apporter quelques ajustements à la marge. Tel est l'esprit dans lequel nous avons travaillé.
Olivier Carré a rappelé les chiffres ; ceux-ci sont très éloquents. Le crédit d'impôt recherche, dont le montant s'élevait, avant la réforme de 2008, à environ 1 milliard d'euros, devrait atteindre son régime de croisière en 2012, avec un montant de l'ordre de 5 milliards d'euros. L'inspection générale des finances, qui a également accompli un travail remarquable et qui a rendu ses conclusions à Mme Lagarde mi-septembre, estime même que ce montant pourrait atteindre 6 milliards d'euros. Ce dispositif est donc l'incitation fiscale la plus forte au titre de l'impôt sur les sociétés.
Ainsi que l'ont excellemment indiqué Charles de Courson et Michel Bouvard, face à des montants aussi importants, le devoir du Parlement est d'exercer sa mission de contrôle ; cela a été fait à la fois par l'Assemblée nationale et par le Sénat, ainsi que par l'inspection des finances à la demande du Gouvernement. Les résultats de ces différents travaux convergent, puisque leurs auteurs s'accordent sur le grand intérêt que présente le crédit d'impôt recherche et sur la nécessité de consolider son architecture. C'est pourquoi il convient de rejeter l'amendement de notre collègue Sandrier.
Je suis évidemment défavorable à cet amendement. En effet, celui-ci pénaliserait gravement les petites et moyennes entreprises qui ont pu bénéficier, lors de la crise, d'un remboursement anticipé pour l'intégralité des créances qu'elles détenaient sur l'État. Accepter cet amendement serait remettre en cause un mécanisme qui, dans une période de reprise d'activité, est absolument indispensable à la poursuite de leurs investissements dans la recherche et le développement.
Nous ne sommes pas favorables à cet amendement. En effet, il est question, non pas de remettre en cause le crédit d'impôt recherche dans la configuration que lui a donnée la réforme de 2008, mais de l'évaluer. À cet égard je tiens à indiquer à nos collègues de la commission des affaires économiques qu'il n'y a pas lieu de se livrer à je ne sais quelle concurrence entre commissions. Il est simplement de notre devoir collectif d'évaluer une dépense fiscale qui coûte aujourd'hui à l'État 5 milliards d'euros.
Nos propositions vont, du reste, dans le sens des recommandations de l'inspection générale des finances. Encore une fois, il ne s'agit pas de remettre en cause le dispositif ; il est nécessaire que celui-ci soit stable pour être lisible. En revanche nous devons procéder à quelques ajustements, qui permettront de renforcer la crédibilité du crédit d'impôt recherche.
La parole est à M. le rapporteur général pour défendre l'amendement n° 135 .
Il s'agit du premier amendement anti-abus, qui permettra de consolider le crédit d'impôt recherche.
Je rappelle que celui-ci fonctionne par auto-liquidation : c'est l'entreprise qui calcule elle-même l'impact du crédit d'impôt recherche sur son impôt et qui procède à la déduction. La commission des finances et, surtout, la mission d'évaluation et de contrôle ont proposé que, pour les petites et moyennes entreprises, l'excellente mesure que nous avons prise dans le cadre du plan de relance, c'est-à-dire le remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche, soit pérennisée. Or cette pérennisation est proposée dans l'article 15. Sur ce point, le Gouvernement et la mission d'évaluation et de contrôle convergent donc totalement.
Le problème qui peut se poser, c'est qu'une PME dont le crédit d'impôt recherche est remboursé immédiatement peut être tentée, compte tenu du taux élevé de ce crédit, de pratiquer ce que l'on observe avec les carrousels de TVA : une entreprise est créée avec une activité fictive, déduit elle-même, sans factures – puisque c'est de l'auto-liquidation –, ses dépenses de recherche, obtient un chèque de l'administration au titre du remboursement immédiat, puis disparaît. On ne connaît que trop bien ce type de fraude.
Nous devons absolument essayer – au moins essayer – de mettre en place des garde-fous là où il n'y en a pas aujourd'hui. Avec l'amendement n° 135 , nous proposons, lorsqu'une entreprise n'a jamais payé d'impôt sur les sociétés lors des cinq années précédentes et qu'elle vient à demander un remboursement de 200 000 euros, 300 000 euros, voire un million d'euros, que cette entreprise fasse l'objet d'un contrôle fiscal sous la forme d'une visite d'un inspecteur des impôts, ayant pour but de vérifier que l'entreprise existe physiquement, c'est-à-dire qu'elle n'est pas une simple boîte aux lettres.
Je précise que le Gouvernement, conscient du problème, va nous proposer ultérieurement un amendement ayant le même objet, mais prévoyant une autre forme de contrôle. Il estime en effet que l'on ne peut pas déplacer des inspecteurs des impôts pour effectuer des contrôles sur place, comme peuvent le faire le rapporteur général ou le président de la commission des finances. Afin de vous montrer dans quel esprit nous travaillons avec le Gouvernement, je précise d'ores et déjà que je suis tout à fait disposé à me rallier à cet amendement.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais présenter directement l'amendement du Gouvernement dont M. le rapporteur général a fait mention. Nous avons effectivement travaillé dans un climat de grande confiance, ce qui nous a amenés à évoquer le risque d'une fraude basée sur le même principe que le carrousel à la TVA, qui s'est pratiqué en France et dans d'autres pays européens, notamment sur les quotas d'émissions de CO2, des biens incorporels qu'il est très difficile de localiser, ce qui a favorisé certains abus.
Notre amendement n° 616 vise les jeunes sociétés, que l'on peut soupçonner d'avoir été créées uniquement pour les besoins de la cause, en l'occurrence, de la fraude. Il est proposé que toute opération de remboursement du crédit d'impôt soit subordonnée, pour les entreprises créées depuis moins de deux ans, à la présentation de documents spécifiques. Au lieu de présenter simplement une créance destinée à obtenir un remboursement, les sociétés concernées devront fournir à l'appui de leur demande un certain nombre de documents authentiques attestant de leur ancienneté, de leur constitution, de leur objet social et de la nature de leurs activités de recherche et développement.
Sous le bénéfice de cet amendement n° 616 , je vous invite à retirer le vôtre, monsieur le rapporteur général. Vous savez tout comme moi qu'il est fréquent que les entreprises, en particulier les petites et moyennes, hésitent à utiliser le crédit d'impôt recherche, terrifiées qu'elles sont à l'idée que le fait d'y recourir va leur valoir un contrôle fiscal dès l'année suivante. Pour cette raison, il me paraît préférable de demander aux entreprises de fournir des documents authentiques justifiant de leur activité, plutôt que d'associer systématiquement l'utilisation du crédit d'impôt recherche au déclenchement d'un contrôle fiscal. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je veux simplement confirmer que je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 135 est retiré.)
Je trouve pour ma part que l'amendement du Gouvernement est réducteur par rapport à l'amendement du rapporteur général. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Ma préférence allant à l'amendement de M. Carrez, qui répond vraiment au constat que nous avons fait sur les risques de fraude, je le reprends cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux simplement rappeler l'existence de la procédure de rescrit, un contrôle préalable justement mis en place pour sécuriser les entreprises s'engageant dans un processus de recherche donnant droit à un crédit d'impôt, en leur confirmant qu'elles pourront effectivement bénéficier d'un remboursement.
Une entreprise qui fait ses premiers pas craint toujours un peu de faire l'objet d'un contrôle de l'administration, car celle-ci, sans être tatillonne, doit jouer son rôle. Comme l'a rappelé à juste titre Mme la ministre, ce n'est pas un très bon signal que de faire intervenir, dans un dispositif incluant déjà une procédure de sécurité pour l'administration et le contribuable, un contrôle fiscal qui, au demeurant, me paraît plutôt relever du droit commun.
La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l'amendement n° 288 .
Cet amendement vise à limiter les rémunérations des intermédiaires, car il y a là un gros problème, que je vais vous exposer.
Aujourd'hui, du fait du taux très élevé du crédit d'impôt recherche – 30 %, et même 50 % la première année, 40 % la deuxième année –, l'économie fiscale susceptible d'être réalisée peut être très importante ; il peut s'agir de millions d'euros.
Comme cela a été le cas avec des dispositifs de défiscalisation outre-mer, des intermédiaires se sont mis sur le marché. Nombre d'entre eux se rémunèrent au moyen de success fees, c'est-à-dire de commissions prélevées sur l'économie fiscale qu'ils permettent de réaliser. Ils démarchent les entreprises et leur proposent d'assurer la constitution d'un dossier de demande de crédit d'impôt, leur prestation étant rémunérée, en cas de succès, par une commission de l'ordre de 40 % sur le montant du crédit effectivement obtenu de l'État. De telles rémunérations sont purement scandaleuses et je pèse mes mots ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et SRC.)
Nous pensons qu'il faut essayer de réguler ce dispositif, car s'il est normal qu'un intermédiaire soit rémunéré, sa rémunération doit être raisonnable. L'amendement n° 288 vise à ce que la rémunération des intermédiaires soit de nature forfaitaire plutôt que proportionnelle à l'économie d'impôt obtenue.
En effet, je ne trouve pas moral que l'on se rémunère sur une économie fiscale potentielle. Avec cet amendement, nous allons dans le sens d'une rémunération plus transparente et plus raisonnable.
Nous rencontrons en fait le même genre de problèmes chaque fois que nous sommes en présence d'un avantage fiscal très important. Ainsi, nous avons connu le même problème dès 2008 avec le dispositif d'investissement ISF-PME, prévoyant une réduction d'impôt de 75 % ou de 50 %. Nous avons commencé à avancer sur cette question en apportant quelques ajustements et, lorsque nous aborderons l'article relatif au dispositif ISF-PME, le Gouvernement, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, nous proposera un certain nombre de mesures de régulation des rémunérations d'intermédiaires. C'est dans le même esprit que je propose d'encadrer la rémunération des intermédiaires au titre du crédit d'impôt recherche.
Cela étant, nous devons être conscients du fait qu'une PME n'est pas capable de monter seule un dossier de demande de crédit d'impôt recherche, même si nous avons beaucoup simplifié les choses. C'est pourquoi nous avons veillé à rédiger un amendement équilibré, qui ne rejette pas le principe d'une rémunération des intermédiaires, mais vise à ce que cette rémunération soit raisonnable et transparente.
Monsieur le rapporteur général, je souscris à la philosophie de vos propos (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) car j'estime qu'il n'est effectivement pas raisonnable de prévoir des rémunérations déterminées en fonction d'un pourcentage de l'économie d'impôt réalisée par un contribuable ; il peut en effet y avoir une disproportion majeure entre la prestation réalisée et le gain que cette prestation va procurer à l'intermédiaire.
Ce qui m'inquiète en revanche, monsieur le rapporteur général, c'est que votre amendement puisse être compris, non pas comme une mesure d'encadrement, mais comme une interdiction. Il me paraît souhaitable, pour ma part, que nous restions bien dans une logique d'encadrement, permettant à l'entreprise de bénéficier d'une forme de sécurité juridique. Bien souvent, le système est trop compliqué pour que les petites et moyennes entreprises soient capables de déterminer elles-mêmes quel type de recherches, quel volume de charges de personnel, quel pourcentage de personnel affecté à la recherche, quel type d'amortissement sont éligibles : elles ont donc réellement besoin de prestataires de services.
Je souhaite donc savoir si vous n'avez pas prévu un autre amendement qui serait, plus clairement que celui-ci, de nature à encadrer la rémunération des intermédiaires. Si tel était le cas, c'est plutôt à cet autre amendement que je serais favorable.
Le premier est plus dur que le second. Il consiste à déduire la rémunération de l'intermédiaire de l'économie d'impôt proprement dite. Par exemple, si une entreprise réalise une économie d'impôt de 500 000 euros et qu'elle a versé une rémunération de 40 %, soit 200 000 euros, à son intermédiaire, elle percevra un crédit d'impôt minoré du montant de cette commission, donc ramené à 300 000 euros. Ce mécanisme est très vertueux.
Monsieur Jacob, je tiens à votre disposition un ensemble de dossiers où vous pourrez constater que la commission perçue par l'intermédiaire était de 40 %. Il est vrai que parfois, quand la PME négocie bien, le taux de cette rémunération peut descendre à 15 %, ce qui est, j'en conviens, un taux tout à fait raisonnable.
Des intermédiaires ne perçoivent pas 40 % du montant du crédit impôt-recherche si la moyenne est de 15 % !
La moyenne n'est pas de 15 % ! La fourchette va de 15 à 40 %, ce qui est tout à fait différent.
Quant à l'amendement n° 620 , il est moins dur que l'amendement n° 288 puisqu'il consiste à enlever la rémunération, non pas de l'économie d'impôt, mais de la base qui sert à calculer cette économie d'impôt, autrement dit de la déduire de l'assiette. Si Mme la ministre préfère cet amendement, je suis prêt à me rallier à sa position.
En tout état de cause, mes chers collègues, j'espère vous avoir convaincus qu'un problème se pose quant à la rémunération des intermédiaires et que nous devons le traiter dès maintenant, sinon nous risquons de voir le crédit d'impôt auquel nous tenons tous discrédité par quelques affaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC, et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, au vu de cette réponse, je suppose que vous souhaitez donner votre avis sur ces deux amendements.
Tout à fait, madame la présidente.
Tout d'abord, je remercie le rapporteur général pour ses explications. S'il retirait l'amendement n° 288 au bénéfice de l'amendement n° 620 , je souhaiterais le sous-amender en vue de majorer légèrement ce taux de 5 %. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Compte tenu de ce qu'indique le rapport de la MEC, et de l'IGF sur les taux habituellement pratiqués, il me semble que le seuil de 10 % serait raisonnable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Emmanuelli, préparez des dossiers de CIR, et vous verrez !
Ce seuil de 10 % pourrait satisfaire l'ensemble des intervenants.
L'amendement n° 620 , qui prévoit un taux de 5 %, revient à accepter que 16 % de l'économie fiscale soient versés aux intermédiaires. Si ce taux était porté à 10 %, ce serait 32 % de l'économie fiscale qui seraient rendus, ce qui me paraît trop élevé.
Je suis prêt à faire un effort, mais pas fixer le taux à 10 %, car je considère que l'on irait trop loin.
M. Carrez vient de nous dire que la rémunération d'un intermédiaire pouvait atteindre 40 %, dans le cas d'une économie d'impôt de 540 000 euros. Ce n'est pas vrai ! Il peut se trouver des cabinets qui demandent ce pourcentage, mais pas pour de telles sommes. En effet, en cas de sommes importantes, le pourcentage sera plus faible. Aussi, son explication est-elle quelque peu caricaturale.
Ensuite, je rappelle que les entreprises qui font appel à ces cabinets n'ont pas le couteau sous la gorge.
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est de l'argent public !
Certes, elles vont récupérer de l'argent public, mais nous n'avons pas à savoir comment elles vont l'utiliser, que ce soit pour rémunérer des prestataires de service ou du personnel par exemple. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Non, ce n'est pas notre problème, sauf à demander aux entreprises ce qu'elles font de toutes leurs déductions d'impôts.
Par ailleurs, je le répète, nous ne parlons pas ici des grandes entreprises qui se débrouillent toutes seules et qui bénéficient de fortes déductions d'impôts dans le cadre du CIR, mais des PME de nos circonscriptions qui n'ont, pour l'immense majorité d'entre elles, pas les moyens d'employer un salarié pour faire ce travail. Si vous édictez des règles qui restreignent l'abord de ces cabinets, vous pénaliserez avant tout les PME qui vont se retrouver dans des situations intenables. J'ai déjà cité des entreprises de ma circonscription, notamment pour le crédit collection.
Cet amendement, sous couvert de faire quelques économies…
…ou d'essayer d'apporter un peu d'orthodoxie, risque en fait de dynamiter le principe même du crédit d'impôt recherche.
Vous allez nous proposer une rémunération forfaitaire, mais je n'y suis pas favorable.
Je conclus, madame la présidente.
L'avantage de rémunérer les intermédiaires au pourcentage, c'est qu'ils ne perçoivent aucune rémunération si l'entreprise n'obtient rien, alors que, dans le cadre d'une rémunération forfaitaire, ils toucheront une somme, ce qui aura doublement pénalisé l'entreprise.
Nous soutenons l'amendement n° 288 .
Je me tiens à la disposition de M. Nicolin pour reprendre, avec lui, le compte rendu des auditions auxquelles a procédé la MEC.
Comme l'a rappelé le rapporteur général, le contrôle fait partie intégrante de notre mission. Les chiffres qu'il a donnés sur le taux de rémunération des intermédiaires sont exacts.
L'augmentation toujours plus grande des rémunérations des intermédiaires ne favorisera jamais la recherche ni dans les PME ni dans toutes les entreprises en général. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il est de notre responsabilité de savoir fixer des limites – à cet égard je remercie le rapporteur général d'avoir déposé l'amendement n° 288 – et d'encadrer le rôle des intermédiaires pour la constitution de dossiers, pour reprendre l'expression de Mme la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je m'en remettrai à la sagesse du rapporteur général.
Je vais donner un exemple, qui m'a particulièrement indigné, même si une hirondelle ne fait pas le printemps, et qui concerne une entreprise de recherche végétale de ma circonscription. Celle-ci a bénéficié de 72 000 euros de crédit impôt recherche. Or l'intermédiaire a perçu 45 000 euros, soit 60 % du montant du CIR. Voilà pourquoi il faut encadrer le système.
Par ailleurs, nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le crédit d'impôt recherche est utile car il permet de soutenir la recherche dans notre pays. Or en rémunérant de la sorte les intermédiaires, on ne la soutient pas. C'est pourquoi je me rallie à l'argument du rapporteur général.
Je tenais à vous citer cet exemple, que je tiens à votre disposition, car il m'a profondément ému. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
…car j'estime qu'il faut lutter contre les chasseurs de prime.
Si l'on veut un système vertueux, il faut l'encadrer suffisamment afin qu'il ne puisse pas donner lieu à des évasions inacceptables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC, et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, peut-être pourrions-nous encadrer plus fortement la mise en place du crédit d'impôt recherche par la voie réglementaire.
Monsieur le rapporteur général, je veux fonder nos rapports sur le respect réciproque. Je respecte votre travail, et j'aimerais que, à votre tour – je ne dis pas que vous ne le faites pas – vous respectiez le nôtre et le soutien que nous voulons apporter aux entreprises. C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 288 mais favorable à l'amendement n° 620 car la mesure me paraît juste. Nous sommes là dans un système de vérité.
Ce dernier amendement constitue un bon consensus et la démonstration que l'on peut aller dans le sens des travaux que vous menez. Je ne voudrais pas que vous ayez le sentiment que nous sommes systématiquement contre vos propositions, car tout à l'heure nous vous demanderons, à notre tour, le même effort.
Je remercie M. Ollier.
Lorsque nous défendons des amendements, les uns et les autres, nous réfléchissons toujours à la manière de les organiser. Ainsi que je l'ai indiqué, l'amendement n° 288 est un peu dur. En revanche, madame la ministre, je tiens beaucoup à l'amendement n° 620 .
M. Nicolin a indiqué que le taux de rémunération normal était de l'ordre de 15 %, et je suis d'accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Retenir le taux de 5 % revient à dire que la rémunération des intermédiaires sera égale à 16 % de l'avantage en impôt. Cette proposition devrait satisfaire tout le monde. Aussi, je vous propose de vous rallier à l'amendement n° 620 . Nous aurons trouvé, si ce n'est l'unanimité, du moins un consensus sur ce point.
Nous sommes au coeur du débat sur l'efficacité de la dépense fiscale. Cela suppose que la plus grande part de la dépense fiscale soit affectée à ce pourquoi elle a été créée par le Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et NC.)
Quand il y a détournement de la dépense fiscale à hauteur d'un tiers voire au-delà –comme c'est le cas sur un certain nombre de dossiers – et que l'on s'éloigne de l'objectif qui a été fixé par le Parlement, on affaiblit la légitimité et la crédibilité de la dépense fiscale.
En l'occurrence la dépense fiscale est destinée à aider la recherche et non à rémunérer les intermédiaires juridiques et financiers, quelles que soient leur qualité et leur utilité.
Je suis spontanément favorable à l'amendement n° 288 , à défaut, à l'amendement n° 620 , mais je ne souhaite pas que le Gouvernement modifie le taux proposé, sinon cela voudrait dire que nous renonçons à corriger ce qui est, quelque part, une dégradation de la qualité de la dépense fiscale.
Je suis plutôt favorable à l'amendement n° 620 .
Effectivement, comme le dit M. Ollier, il faut fixer des bornes. M. le rapporteur général parle d'une rémunération de 16 % du montant de l'avantage en impôt. J'aimerais avoir une explication technique, car cela nous permettrait de nous forger une opinion.
Comme Patrick Ollier et Michel Bouvard, je voterai l'amendement n° 620 . Il n'est pas question que les contribuables payent des intermédiaires.
J'ai vu, dans ma circonscription, des intermédiaires percevoir plus de 15 % de l'avantage en impôt. Or le budget de la France est là pour financer les investissements de la recherche, non les intermédiaires.
Je sais bien que certaines petites entreprises doivent avoir recours à des intermédiaires, mais il ne faut pas aller au-delà des dispositions de l'amendement n° 620 qui prévoient la rémunération de ceux-ci à hauteur de 16 % de l'avantage en impôt.
Une fois encore, je m'attache aux petites entreprises.
J'ai bien compris que l'amendement n° 288 risquait de ne pas bénéficier de la faveur de l'Assemblée et que l'amendement n° 620 , en revanche, intéressait beaucoup de monde. Ce qui me gène, monsieur Carrez, et j'irai dans le sens de Mme la ministre, c'est que, selon vous, le taux de 5 % correspond à une rémunération de l'intermédiaire de 16 %. Or vous savez comme moi que ces dossiers sont très complexes. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ignore, mes chers collègues, si vous en avez déjà vu mais, j'insiste, ces dossiers sont très difficiles à monter. Leur constitution ne nécessite pas une équipe de secrétaires mais des gens pourvus de compétences fiscales avérées.
M. Carrez a donné des chiffres – 40 % de taux de rémunération –, d'autres ont parlé de 15 %. La moyenne se situe en fait autour de 20 %. Si vous tombez en dessous d'un taux de rémunération de 20 %, ces entreprises intermédiaires ne vont s'intéresser qu'aux grosses PME voire aux grandes entreprises, et délaisser le marché des petites entreprises qui se trouveront par conséquent exclues du crédit d'impôt recherche, ce que je considère comme dangereux.
Je souhaite que Mme la ministre fasse une proposition intermédiaire, en tout cas supérieure au taux de 5 % qui me paraît vraiment trop faible.
Le présent débat a un côté quelque peu surréaliste quand on considère la situation des finances publiques.
Nos concitoyens seront appelés à consentir des efforts considérables. Il est nécessaire, certes, de soutenir la recherche et les décisions que nous devons prendre doivent toutes avoir pour objet d'inciter à la recherche. Il n'en n'est pas moins indécent,…
…dans la situation actuelle, de perpétuer des dispositifs à cause desquels tout une partie du crédit d'impôt recherche…
…est perçue par des intermédiaires. Cela est non seulement indécent, mais scandaleux ! Si vous voulez vraiment défendre le crédit d'impôt recherche, faites en sorte qu'il soit juste et efficace.
Le rapporteur général est prêt à retirer son amendement n° 288 pour défendre l'amendement n° 620 , ce que je comprends ; dès lors, notre groupe reprendrait à son compte l'amendement n° 288 .
La dépense fiscale doit aller principalement à la recherche. Comme le rappelait à l'instant Yves Nicolin, les petites entreprises ont plus souvent recours que les autres aux intermédiaires. En effet, madame la ministre, les dossiers demeurent trop complexes. Au-delà de la part versée aux intermédiaires, c'est de la complexité des dossiers qu'il est ici question et le sujet est loin d'être clos.
Si je prends cette position, c'est parce que de nombreux chefs d'entreprises de ma circonscription m'ont fait part d'une différence de traitement : une grosse entreprise, elle, dispose des services ad hoc. Je rejoins donc Yves Nicolin mais ma conclusion diffère de la sienne : nous devons demander des efforts non en réduisant le crédit d'impôt recherche, mais en diminuant la part de certains intermédiaires qui doivent consentir, comme tous, aux efforts nécessaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je souhaite contribuer à dépassionner le débat.
Il n'est pas ici question de principes.
Nous sommes tous favorables au développement de la recherche française que nous considérons comme un enjeu majeur puisqu'il y va de la place de notre pays dans le monde.
Nous avons accordé un avantage fiscal important : un crédit d'impôt de 30 % pour les dépenses de recherche et développement. Peu d'investissements bénéficient d'un tel avantage qui implique en retour de légitimes exigences.
Nos concitoyens s'imaginent que cet argent va à la recherche. Imaginez leur réaction s'ils apprenaient que des sommes considérables, au-delà de 15, 20 voire 30 % des crédits d'impôt, vont en fait à des intermédiaires dont le but est de faire du papier ; et nous savons tous que bien souvent ces intermédiaires se contentent de pratiquer le « copier-coller » de dossiers identiques quels que soient leurs clients.
Nous devons donc fixer des limites. C'est pourquoi je souscris totalement à l'amendement n° 620 proposé par le rapporteur général. Il ne faut plus y toucher : il s'agit déjà d'un amendement de repli. Nous ne devons pas reculer et, j'insiste, il nous faut marquer très clairement les bornes à ne pas franchir.
Il est repris par M. Alain Muet au nom du groupe SRC.
Je le mets donc aux voix.
(L'amendement n° 288 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 48 rectifié et 404 .
La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l'amendement n° 48 rectifié , qui fera l'objet de plusieurs sous-amendements.
Cet amendement de la commission reprend plusieurs propositions de la mission d'évaluation et de contrôle. Je parle donc sous le contrôle de nos collègues MM. Claeys et Habib, même si ce dernier n'est pas cosignataire de l'amendement.
Celui-ci vise à modifier l'article portant sur le crédit d'impôt recherche, notamment les dispositions relatives aux jeunes entreprises.
Il a en effet été observé que, pour les entreprises entrant dans le dispositif, le taux majoré de 50 puis de 40 % au titre des deux premières années qui a remplacé le taux habituel de 30 %, est sans doute trop élevé. Nous aurons l'occasion d'aborder cette question en examinant les sous-amendements.
Ensuite, les dépenses de fonctionnement sont aujourd'hui fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel. Le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle et celui de l'inspection générale des finances soulignent que ce taux est surévalué. Le taux moyen réel avoisine en effet plutôt 60 %. Surtout, il diffère sensiblement selon les secteurs. On peut le comprendre facilement : l'entourage est plus important dans la recherche mécanique, dans l'industrie, dans l'aéronautique et dans le domaine pharmaceutique où le taux peut même dépasser 100 %, que dans le secteur des services où l'intensité capitalistique qui entoure le chercheur est bien plus faible, les frais généraux ne dépassant pas 30 %.
Face à cette grande hétérogénéité, la mission d'évaluation et de contrôle a proposé un dispositif – qui n'est pas ici directement repris – abaissant le taux au niveau de la moyenne la plus faible, c'est-à-dire environ un tiers, le ramenant donc de 75 % à 33 %, avec néanmoins la possibilité pour une entreprise de recourir aux frais réels. Ainsi, dans le secteur pharmaceutique, comme les frais généraux sont d'environ 120 % des dépenses de personnel, une entreprise pharmaceutique à même de prouver un tel taux pourrait avoir recours aux frais réels.
Après en avoir débattu, nous avons conclu qu'il était très compliqué pour une entreprise de démontrer l'ensemble de ses frais et qu'une telle pratique pouvait entraîner certains risques fiscaux. La formalisation nécessaire serait du reste allée à l'encontre du principe de 2007 d'un impôt très simple à déclarer. Nous en sommes donc restés à l'idée d'une base forfaitaire de 50 % qui reste un peu inférieure à la moyenne générale.
Un sous-amendement nécessitera des explications de la part de Mme la ministre : il prévoit un dispositif concernant les jeunes chercheurs.
Le crédit d'impôt recherche n'est pas né en 2007. La construction antérieure, plutôt complexe, prévoyait déjà que, pour stimuler l'embauche des jeunes chercheurs, la prise en considération des dépenses les concernant était doublée – ce qui me paraît une excellente mesure.
Le mécanisme du crédit d'impôt recherche lui-même, construit sur une base forfaitaire, prévoit le doublement de la « ristourne » accordée à l'entreprise, si bien que le montant du crédit d'impôt recherche pourrait se révéler supérieur au coût du jeune chercheur. Cette disposition nous paraît donc devoir être corrigée.
Enfin, l'amendement prévoit un dispositif qui vise à éviter l'appel à des filiales sises à l'étranger dont il est difficile de contrôler la réalité des recherches même si le donneur d'ordre est domicilié en France.
(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
Je comprends la portée générale de cet amendement. Si vous y consentez, monsieur le président, je donnerai l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements au fur et à mesure.
En ce qui concerne la question de M. Carré sur les jeunes chercheurs, la mesure consistant à doubler, deux fois pour ainsi dire, le coût de personnel pour la prise en compte à la fois du jeune chercheur et de son environnement, visait vraiment à encourager les jeunes entreprises à embaucher de jeunes chercheurs, donc à gonfler artificiellement la partie correspondant à leurs frais de personnels avec charges et à leur environnement de recherche.
Je souhaite que nous maintenions ce dispositif tant il paraît important que des jeunes chercheurs puissent rester en France, travailler dans des centres de recherche et développement situés en France, plutôt que de céder aux sirènes étrangères souvent fort incitatives.
La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir le sous-amendement n° 611 .
À la suite de différentes réflexions, le présent sous-amendement vise à conserver les taux majorés de 50 et 40 % au titre des deux premières années. Nous avons néanmoins renforcé les clauses anti-abus car il convient de codifier certaines pratiques. Il s'agit donc d'abord de préserver la logique d'entreprise innovante, car nous sommes tous très attachés à l'idée qu'il faille donner un « coup de pouce » aux entreprises qui démarrent.
Il s'agit ensuite de limiter les abus. Certains seraient tentés de constituer des filiales un peu fictives dans le seul but de toucher le crédit impôt recherche, ce qui ne correspondrait évidemment pas du tout à l'esprit de la loi.
La commission est favorable à ce sous-amendement.
Lorsque la MEC a rendu son rapport, elle ne proposait pas la suppression des taux majorés de 50 et 40 %, pour les deux premières années, concernant les PME. Au mois de juillet, nous avons pris connaissance du rapport de l'inspection générale des finances, commandé par Mme Lagarde. Ce rapport est catégorique : il propose la suppression des taux de 50 et 40 %, au motif que, avec des taux aussi élevés, il risque d'y avoir des abus.
Nous avons donc, dans un premier temps, comme il est naturel, repris la proposition de l'inspection générale des finances. Cependant nous avons ensuite approfondi la réflexion, notamment avec des membres de la commission des affaires économiques, qui ont souligné qu'il ne fallait surtout pas prendre le risque de pénaliser les PME et qu'il convenait de conserver ces taux.
C'est ainsi que nous avons abouti, finalement, à une proposition qui me semble équilibrée.
Nous en revenons à la proposition initiale de la MEC qui consiste à maintenir les taux de 50 et 40 % pour les PME, mais en introduisant des clauses anti-abus. Il faut par exemple éviter qu'un chercheur travaillant dans une entreprise monte une nouvelle entreprise dans le but de bénéficier, pendant les deux premières années, des taux de 50 et 40 %, alors qu'il sous-traite en réalité la totalité de son travail à son ancienne entreprise. Par ce sous-amendement, je crois que l'on arrive à un bon équilibre.
Nous n'avons pas travaillé seuls, en salle. Nous avons essayé de prendre appui sur l'excellent travail accompli au sein du ministère par l'inspection générale des finances, mais aussi sur les observations qui ont été formulées par plusieurs collègues.
Ce sous-amendement maintient le principe des taux de 50 et 40 %, tout en prévoyant un mécanisme anti-abus visant des sociétés qui se constitueraient, puis fermeraient, puis rouvriraient, dans le but, en réalité, de frauder. Avis favorable du Gouvernement.
Nous sommes favorables à l'amendement de M. Carré. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement identique.
Il est vrai que la MEC n'avait pas proposé 50 %, mais 33 % ou le réel. Cependant il nous est apparu, après l'audition de l'inspection générale des finances, que le taux de 50 % était plus clair et correspondait à une moyenne.
S'agissant du sous-amendement n° 611 , les explications du rapporteur général sont justes. Il s'agit de conserver pour les entreprises, lors des deux premières années, cet avantage, mais d'introduire en contrepartie des dispositifs pour lutter contre la fraude.
Madame la ministre, en ce qui concerne les jeunes chercheurs, je suis d'accord avec vous, mais, avant la séance, nous avons fait le calcul avec le rapporteur général. Je souhaite donc que vos services refassent ce calcul, car, pratiquement, le crédit impôt recherche que touche l'entreprise est supérieur à ce que lui coûtent les chercheurs. Il convient donc de regarder cela de très près.
(Le sous-amendement n° 611 est adopté.)
Je suis saisi de trois sous-amendements, nos 627 , 606 rectifié et 628 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir le sous-amendement no 627 .
Le crédit impôt recherche est un outil reconnu afin d'inciter les grands groupes et les PME à conserver leur recherche-développement en France.
Vous savez tous que les chercheurs de recherche-développement, en milieu privé, sont sur un marché international. J'ai donc l'intime conviction qu'il nous faut conserver le système actuel du crédit impôt recherche, tant pour les grands groupes que pour les PME. C'est une mesure saluée par toutes les industries et toutes les entreprises innovantes, ce qui est assez rare en France. Il s'agit d'une mesure très louable, bonne pour l'emploi.
Je tiens à évoquer les PME innovantes dans un secteur qui m'est particulièrement cher, le numérique.
Coïncidence d'agendas, j'étais avec des dirigeants de certaines d'entre elles il y a quelques heures, dans le cadre de la mission d'information sur la neutralité d'internet. L'un d'entre eux m'a dit combien le crédit impôt recherche était essentiel au bon développement de sa société, à sa rentabilité, pour qu'il puisse réinvestir en France ses résultats, afin de toujours maintenir sa société en pointe au niveau de la technologie, dans un secteur en mouvement permanent. Sans le crédit impôt recherche, sa société serait tout juste à l'équilibre, ce qui signifie qu'aucun réinvestissement ne serait possible.
Mes chers collègues, nous sommes à un moment décisif. Nous avons, avec le crédit impôt recherche, un excellent outil d'attractivité et de compétitivité pour les entreprises. Ainsi que cela a déjà été dit, le CIR ne peut être efficace que dans la durée. Ce serait un mauvais signal d'y toucher ce soir, un mauvais signal pour l'attractivité économique de la France. En dehors de la qualité de nos salariés, en France, et en dehors du crédit impôt recherche, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que nous n'avons pas beaucoup d'autres outils d'attractivité économique. N'y touchons pas.
C'est pourquoi j'ai déposé ce sous-amendement visant à maintenir, pour le calcul du crédit impôt recherche, le taux forfaitaire des frais de fonctionnement à 75 % des dépenses de personnel. C'est une mesure essentielle, en particulier pour les PME innovantes.
Madame de La Raudière, puis-je considérer que vous venez de défendre également le sous-amendement n° 628 , qui est en quelque sorte un sous-amendement de repli ?
La parole est à M. le rapporteur général, pour donner l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 627 et 628 et pour soutenir l'amendement n° 606 rectifié .
Je suis défavorable aux sous-amendements de Mme de La Raudière, et bien sûr favorable au sous-amendement n° 606 rectifié , que j'ai cosigné avec mes collègues Olivier Carré et Patrick Ollier.
Je m'empresse de souligner que je suis 100 % d'accord avec tout ce qu'a dit Mme de La Raudière, sauf avec sa dernière phrase, c'est-à-dire avec les 75 %.
Aujourd'hui, le système est le suivant. On calcule les dépenses de fonctionnement à partir d'une seule base, une seule assiette, à savoir les dépenses de personnel de recherche. Or, pour faire de la recherche, il faut des chercheurs, mais il faut aussi du matériel. Et plus on est dans l'industrie, plus le matériel coûte cher. C'est pourquoi, dans le sous-amendement n° 606 rectifié , nous vous proposons de grossir l'assiette en y ajoutant les dotations aux amortissements. Ce faisant, nous favoriserons l'industrie.
Quel est l'inconvénient de ne retenir comme base de calcul que les dépenses de personnels ? C'est un point sur lequel notre collègue Jean-Pierre Gorges a été très attentif, parce que, sur le plan professionnel, il a travaillé dans ce secteur. Beaucoup se sont étonnés, l'an dernier, de ce que la banque et l'assurance captaient une grande partie du crédit impôt recherche. En effet, elles mettent dans leurs dépenses les logiciels, qui sont très utilisés pour toutes sortes d'usages, aussi bien dans la banque que dans l'assurance. Or l'essentiel des dépenses pour la création des logiciels est constitué de dépenses de personnels.
Nous souhaitons donc rééquilibrer le crédit impôt recherche au bénéfice de l'industrie, à commencer par les petites et moyennes entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
C'est l'objet du sous-amendement n° 606 rectifié . Je le préfère à ceux de Mme de La Raudière, que j'espère avoir convaincue.
Il est vrai que le sous-amendement de Mme de La Raudière a une vertu : il permet le maintien du statu quo. Et pour être tout à fait franche, monsieur le rapporteur général, je n'aime pas beaucoup votre sous-amendement. Pourtant, je vais le soutenir.
Je ne l'aime pas beaucoup parce que je trouve qu'il apporte un élément de complexité. Il propose de prendre en charge l'intégralité des frais de personnel pour le personnel affecté à l'activité de recherche et développement, y compris les charges, et de maintenir une évaluation forfaitaire sur la base d'une fraction de ces frais de personnel, en considérant que cette évaluation forfaitaire est ce qui correspond à l'environnement nécessaire pour qu'un chercheur puisse mener à bien ces travaux.
Vous abaissez le seuil de 75 % à 50 %, et vous y ajoutez autre chose, à savoir la prise en compte de la dotation aux amortissements, de manière « surpondérée », si j'ose dire. Vous m'accorderez que cela introduit de la complexité dans le système.
Néanmoins, j'émettrai un avis favorable à ce sous-amendement, en invitant Mme de La Raudière à retirer les siens. Parce que cette « surpondération » bénéficie très clairement à un secteur que nous voulons encourager, à savoir l'industrie sur le territoire français.
Pour autant, je crois qu'il faut veiller à ne pas stigmatiser tel ou tel secteur d'activité. Quand on analyse les chiffres – je sais que vous l'avez fait, monsieur le rapporteur général – et quand on regarde la ligne « crédit impôt recherche » affectée au secteur dit financier, on voit un chiffre très élevé, mais on y retrouve aussi toute une série de holdings. Il faut donc bien dissocier, à l'intérieur de cette ligne, les holdings et le secteur financier. De mémoire, ce secteur financier doit représenter à peu près 1,5 % par rapport à une valeur ajoutée de 8.
Il ne faut pas charger la barque en stigmatisant le secteur financier. Il ne faut pas non plus condamner le secteur des services en général, qui apporte sa valeur ajoutée à notre économie.
Nous avons le souci, dans le droit fil des états généraux de l'industrie, de maintenir l'activité industrielle en France. C'est pourquoi je suis d'accord avec ce facteur de surpondération, même si je regrette qu'il complexifie un peu le système. Avis favorable, donc, au sous-amendement n° 606 rectifié . (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances.
Je me réjouis de la façon dont le débat évolue. Pour autant, je ne peux pas dire que j'en sois surpris. Aussi bien au sein de la mission d'évaluation et de contrôle qu'au sein de la commission des finances, les travaux qui ont précédé les différents textes qui nous sont soumis ont en effet été placés sous le signe, non pas de l'unanimité, mais en tout cas d'un très large consensus. Il aurait été surprenant que le consensus ainsi constaté au sein de la MEC et de la commission des finances aboutisse, en séance publique, à un climat complètement différent. Je ne peux donc pas dire que je sois surpris et je m'en réjouis.
Je ne suis pas surpris, parce que, sur le principe du crédit impôt recherche, nous sommes tous d'accord, et parce que nous avons tous le souci de l'efficacité de la dépense publique.
L'ensemble des dispositions qui vous ont été présentées, au nom de la commission des finances, par le rapporteur général ont été adoptées par cette commission au nom du souci de l'efficacité de la dépense publique. En définitive, la représentation nationale, dans les votes précédents, a montré que ce souci était partagé, cher monsieur Deflesselles, largement au-delà des bancs de la commission des finances, ce qui est tout de même tout à fait normal.
Je ne peux pas dire que je sois surpris, mais je ne m'en réjouis pas moins. Nous sommes tous d'accord sur le principe du crédit d'impôt recherche, et nous partageons tous le souci de l'efficacité de la dépense publique.
L'ensemble des dispositions qui vous ont été présentées par le rapporteur général au nom de la commission des finances ont été adoptées par souci de l'efficacité de la dépense publique et, en définitive, la représentation nationale a montré dans les votes précédents que ce souci était partagé largement au-delà des bancs de la commission des finances, ce qui est tout à fait normal.
Je ne suis pas surpris, donc, et je me réjouis également que l'Assemblée joue parfaitement son rôle ce soir en discutant. Mme la ministre fait un effort auquel je pense que mes collègues seront sensibles, et le rapporteur général a fait ce qui relève précisément de sa fonction, c'est-à-dire trouver un point d'équilibre entre les uns, qui voient dans leur circonscription tout l'intérêt et toute l'utilité du crédit d'impôt recherche, et nous tous qui avons le souci de la dépense publique.
En conclusion, je crois que nous parviendrons, avec le soutien du Gouvernement, dont je remercie encore la ministre, et par un vote sans doute unanime, en tout cas très consensuel, à un dispositif crédibilisé, parfaitement stable et, surtout, plus efficace à dépense égale.
Je veux expliquer pourquoi j'ai cosigné le sous-amendement n° 606 .
Monsieur le rapporteur général, nous vous l'avons dit, la commission des affaires économiques avait réagi avec beaucoup de vigueur, et nous n'aurions pas voté ce soir l'amendement n° 48 rectifié .
Nous considérons que la vision comptable est légitime, je comprends le travail qui a été fait, je l'apprécie et le soutiens. Il faut lutter contre les effets d'aubaine et nous sommes favorables aux efforts louables que vous faites en ce sens.
Mais il n'y a pas que la vision comptable, il faut également avoir une vision économique. Tel qu'il était présenté, l'amendement n° 48 rectifié adressait un très mauvais signal à celles et ceux qui veulent investir dans la recherche dans notre pays, notamment les entreprises étrangères, et ce mauvais signal devait être gommé.
Je remercie, au nom de la commission des affaires économiques, M. Carrez, pour avoir ouvert le dialogue dont est résulté ce sous-amendement qui, en élargissant l'assiette du calcul forfaitaire des frais de fonctionnement, gomme précisément le mauvais signal donné par l'amendement dans sa brutalité. Nous sommes tout à fait prêts à voter celui-ci ainsi modifié, et je me réjouis de l'accord qui a été conclu hier pour en arriver à ce résultat.
Nous avons encore d'autre rendez-vous dans quelques instants ; j'espère, monsieur le rapporteur général, que vous ferez les mêmes efforts.
Je ne sais pas si le signal était mauvais, mais il était indispensable.
Le sous-amendement que présente le rapporteur général aura notre soutien. En effet, il conserve le taux de 50 % pour les dépenses de personnel et élargit l'assiette aux amortissements où le taux de 75 % sera appliqué – et j'entends bien l'argument développé par le rapporteur, surtout compte tenu des critiques que nous avons entendues à propos du secteur bancaire : le crédit d'impôt doit privilégier l'industrie.
Madame la ministre, je suis très sensible à la question de la déclaration, pour en avoir rempli beaucoup pendant vingt-cinq ans d'une vie antérieure. La simplification est importante à mes yeux, et c'est pourquoi les amortissements qui servent à l'assiette sont ceux repris ultérieurement dans la déclaration. Le chiffre peut éventuellement être pondéré par un taux, c'est certes un peu plus compliqué, mais pas tant que cela.
Je veux également insister pour que les relations entre la direction générale des finances publiques et le ministère de la recherche soient améliorées. Il y a des problèmes de dialogue, d'évolution de définitions, et le manuel de Frascati n'est pas suffisant pour éviter un certain nombre de malentendus, malentendus qui mettent en danger les entreprises elles-mêmes, soit parce qu'elles ont un modèle s'appuyant trop sur l'aide publique, soit parce que le crédit d'impôt leur est tout simplement refusé par l'administration. C'est un élément qui ne paraît pas avoir été suffisamment souligné, sauf par notre collègue Claeys tout à l'heure, et je pense qu'il faut y insister.
J'aurais été favorable à ce que nous maintenions le taux forfaitaire de frais de fonctionnement à 75 % des dépenses de personnel, à la fois pour l'efficacité de la mesure et pour le signal adressé aux entreprises.
Mme de La Raudière avait proposé, dans son sous-amendement de repli, de porter le taux de 50 % à 60 % pour les dépenses de personnel. Le maintenir à 50 % et fixer un taux de 75 % pour les frais d'amortissement est, me semble-t-il, une meilleure solution, et je m'y rallie, dans l'esprit de ce que vient de déclarer le président Ollier concernant l'industrie.
Nous sommes tout à fait favorables à l'amendement tel que modifié par le sous-amendement n° 606 rectifié . Un point, toutefois, n'a pas été abordé concernant l'amortissement des équipements de recherche : il existe, vous le savez, des dispositifs spécifiques d'amortissement accéléré, qui amplifieront encore l'effet du sous-amendement, ce qui va dans le sens du soutien prioritaire à la recherche dans l'industrie.
Nous avions déposé, madame la ministre, un amendement quelque peu provocateur, qui tendait à exclure les banques et les sociétés d'assurance, sur la base d'une information qui était partiellement erronée, selon laquelle ces deux secteurs capteraient une part extravagante du crédit d'impôt recherche. En réalité, le calcul est faussé par le crédit-bail sur les équipements de recherche, mais, déduction faite de cet élément, la part des banques et de sociétés d'assurance est tout de même de 1,8 % ! Or, il nous semble que le crédit d'impôt recherche n'est pas fait pour financer – je le dis avec une pointe d'esprit polémique – la mise au point de logiciels informatiques servant à spéculer en bourse et sur les marchés de matières premières…
L'amendement de MM. Carré et Carrez est bon pour l'industrie, et je m'en réjouis, mais il ne répond pas aux besoins de certaines branches d'activité dynamiques, notamment à ceux d'un domaine qui m'est cher, le numérique. Il me semble que, pour bon nombre de PME innovantes de ce secteur, le petit coup de rabot que nous sommes en train de passer sur le crédit d'impôt recherche crée un déséquilibre au détriment du secteur des services.
Je respecte néanmoins les arguments du rapporteur général et du Gouvernement et, bien que je regrette que l'on néglige un secteur qui représente 40 % de la croissance du PIB en France, je retire mes deux sous-amendements.
Je voudrais rassurer Mme de La Raudière sur un point : dans le domaine qui lui est cher, les équipements font l'objet d'amortissements accélérés. La durée d'amortissement étant fortement raccourcie, la dotation aux amortissements sera plus importante. Cet effet « dotation » devrait répondre en partie à sa préoccupation.
Oui, monsieur le président.
(Le sous-amendement n° 606 rectifié , tel que modifié par la suppression du gage, est adopté.)
La parole est à M. Serge Poignant, pour soutenir le sous-amendement n° 619 .
Il s'agit de maintenir le système actuel de soutien aux jeunes doctorants, qui est avantageux à la fois pour les petites entreprises, nombreuses à y recourir, pour les relations public-privé, et pour les intéressés eux-mêmes.
J'ai bien entendu la ministre et j'ai compris qu'elle y était favorable, j'ai également entendu mon collègue Olivier Carré, mais j'insiste pour que nous conservions ce soutien privilégié, en particulier dans les laboratoires privés.
Je suis entièrement d'accord avec Serge Poignant : il faut un taux d'aide maximale pour les jeunes doctorants. Mais, en étudiant les choses de près, nous nous sommes aperçus d'un problème, que j'aimerais que l'on résolve.
Imaginons un jeune doctorant recevant un salaire de 100. Cette somme étant doublée pour le calcul du crédit d'impôt, cela fait 200. Puis on double l'assiette au titre des dépenses de fonctionnement, ce qui fait 400. Si l'on applique le taux de 30 %, on aboutit à une aide fiscale de 120, supérieure au salaire versé. Je pense qu'il ne faudrait pas dépasser 100. Je suis favorable au sous-amendement, mais je souhaite que l'on ajuste les choses au Sénat, car vous conviendrez qu'il est légitime que la dépense soit plafonnée à 100.
Je me pose également la question suivante : l'État va consentir une dépense fiscale de 120 pour rémunérer 100 un jeune docteur, mais il ne lui en aurait coûté que 100 si ce dernier était resté au CNRS. C'est une situation paradoxale que celle où le coût pour l'État est supérieur si le jeune docteur est dans une entreprise. Il faudrait également un petit ajustement sur ce point.
Favorable.
Il y a, dans l'économie marchande, un problème avec les doctorants. Nous sommes un des pays d'Europe qui en compte le moins, pour plusieurs raisons dont l'une est notre système d'écoles d'ingénieurs. Il faut donc mettre en place des dispositifs favorisant l'embauche de nouveaux docteurs.
Nous nous abstiendrons sur ce sous-amendement, car je fais mien le calcul que vient de nous livrer Gilles Carrez. C'est une situation qu'on ne peut pas accepter. Il faudrait que le Gouvernement vérifie tout cela, mais je crois que, malheureusement, Gilles Carrez a raison.
(Le sous-amendement n° 619 est adopté.)
La parole est à M. Serge Poignant, pour soutenir le sous-amendement n° 618 .
Il porte sur le recours à la sous-traitance.
Il faut certes prendre garde à ne pas soutenir des entreprises qui ne seraient que des « boîtes à lettres », et c'est d'ailleurs pourquoi il est proposé par la commission des finances de limiter les dépenses de recherche éligibles au crédit d'impôt au montant des dépenses effectuées directement par l'entreprise.
Toutefois, son amendement nous paraît trop restrictif. Tout d'abord, cela risque de restreindre la possibilité pour les entreprises de faire appel à des organismes de recherche publics. Ensuite, certaines recherches nécessitent des compétences extérieures à l'entreprise, que seuls possèdent, parfois, des prestataires très spécialisés.
Il faut, me semble-t-il, plus de souplesse, et c'est pourquoi nous proposons d'élargir l'assiette.
La commission est favorable à ce sous-amendement. Nous n'avons pas trouvé, pour l'instant, la solution idéale. Le risque est que, si l'on accepte une part trop importante de sous-traitance, celle-ci soit effectuée à l'étranger.
La sous-traitance est essentielle. Elle favorise notamment les liens entre entreprises privées et laboratoires publics, et tout le monde souhaite encourager la sous-traitance de travaux de recherche à des laboratoires publics par des entreprises privées. Mais il faut éviter, comme l'a dit Mme la ministre, que des entreprises étrangères, notamment européennes, ayant des filiales françaises, ne soient tentées de bénéficier du crédit d'impôt au niveau de ces filiales, tout en sous-traitant la part la plus élevée possible de leurs recherches à des laboratoires situés à Heidelberg, à Munich ou à Londres.
Il nous faut donc, Serge Poignant en est d'ailleurs bien conscient, rester vigilants, afin que la sous-traitance ne bénéficie pas dans des proportions excessives à des laboratoires étrangers. Nous ne devons pas perdre de vue l'objectif essentiel du crédit d'impôt recherche – et cela marche bien, Patrick Ollier a cité l'exemple d'entreprises de Rueil – qui est de soutenir la recherche en France.
Avis favorable.
Le rapporteur général a dénoncé un certain nombre d'abus et rappelé l'objectif. Je voudrais aller plus loin.
Les relations qui se nouent entre les entreprises privées et l'université sont un autre aspect important. Le plan mis en oeuvre en amont en faveur de la recherche et de l'université est en train de prendre corps – on a évoqué le grand emprunt pour les investissements d'avenir, le plan Campus. C'est parce que des commanditaires passeront commande à des laboratoires – comme cela se fait, de façon beaucoup moins timide, dans d'autres pays, notamment anglo-saxons – que finira par se créer la relation équilibrée qui lancera cette dynamique universitaire que nous attendons.
Il serait intéressant d'étudier les contrats passés avec un certain nombre d'organismes – notamment universitaires – pour voir comment aller au-delà de la limite de 50 % et toucher jusqu'à 100 % de l'effort de recherche des entreprises.
Nous voterons le sous-amendement n° 618 . Mais, comme l'a reconnu avec beaucoup de modestie notre rapporteur général, il se pose un problème de droit communautaire.
En effet, si un groupe étranger crée une filiale en France et lui fait faire 25 % de sa recherche – les 75 % restants étant sous-traités dans d'autres pays –, il bénéficiera du dispositif. Si c'est à l'intérieur de l'Union européenne, il paraît difficile de l'éviter. C'est le problème des groupes étrangers ayant un laboratoire en France.
Mais le cas inverse existe aussi : celui du groupe français qui a plusieurs filiales. Le système actuel n'assure pas la neutralité au regard de l'organisation interne des groupes. Or, un bon dispositif fiscal est un dispositif neutre de ce point de vue.
(Le sous-amendement n° 618 est adopté.)
(L'amendement n° 48 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
Il s'agit de parer à l'optimisation fiscale. Aujourd'hui, le taux du crédit d'impôt recherche est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction excédant ce montant.
Au seul titre des groupes fiscalement intégrés, l'appréciation filiale par filiale – c'est le mécanisme en vigueur – renchérit aujourd'hui le coût du crédit d'impôt de 390 millions d'euros.
Nous voulons que soit traité le problème de l'optimisation fiscale. Au-delà du vote de cet amendement, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez dans les prochains mois, compte tenu des études qui seront entreprises par votre ministère, éclairer la représentation nationale.
La politique de filialisation pose aujourd'hui des problèmes. Entre 2007 et 2008 – c'est l'année de la réforme – le nombre d'entreprises de moins de dix salariés intégrées fiscalement à un groupe a augmenté de plus de 250 %. Je sais que l'amendement a fait réagir un grand nombre de groupes. Nous avons été contactés, les uns et les autres. Il importe, je crois, que la représentation nationale soit rapidement éclairée sur la situation, car il en va de la crédibilité du crédit d'impôt recherche et de l'évaluation d'une dépense publique importante.
Nous avons achoppé, dans les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, sur la question de l'appréciation du seuil de 100 millions d'euros au niveau des filiales des grands groupes – car cette question ne concerne que les très grands groupes – ou des groupes eux-mêmes. Nous avons donc souhaité avoir un échange dans l'hémicycle sur ce point. Mais, ainsi que l'a souligné M. Claeys, ce sujet est devant nous.
Lorsque la mission a rendu son rapport, c'est-à-dire au mois de juin, nous ne disposions pas de tous les éléments. Ce travail a été repris par l'Inspection générale des finances, qui a conclu, fin juillet, qu'il existait des risques d'optimisation. Elle a cité un certain nombre d'exemples de groupes qui ont créé des filiales supplémentaires, ou qui se sont intégrés fiscalement, et qui bénéficient donc du dispositif. Elle a observé que, si l'on devait consolider le plafond des 100 millions d'euros au niveau des groupes français, cela les mettrait en situation d'infériorité par rapport aux groupes étrangers dont les filiales ne seraient pas consolidées.
Nous sommes arrivés à la conclusion – car nos principaux groupes, pharmaceutiques, aéronautiques, sont concernés – qu'il ne fallait pas consolider. Nous avons malgré tout souhaité faire état de cette question, car il faudra la réexaminer d'un peu plus près dans un proche avenir.
Alain Claeys et moi-même avons été convaincus par un autre argument. Nous avons reçu beaucoup de responsables de ces grands groupes. Le crédit d'impôt recherche est à la fois approprié au niveau de la direction générale, dans ses grandes décisions stratégiques, et au niveau des filiales, du fait qu'il est géré, en termes de retour sur investissement, au plus près des filiales en question et, donc, des laboratoires de ces filiales. Si on le consolidait, on perdrait cet avantage.
Je suis partisan du retrait des amendements, mais les questions posées par M. Claeys méritent réflexion.
Notre discussion en commission a été très constructive. J'ai dit tout à l'heure que le crédit d'impôt recherche avait été inventé en 1983. Notre collègue Henri Emmanuelli n'était pas encore en séance. Nous avons ici le père du crédit d'impôt recherche car il était ministre du budget à l'époque, je tiens à le souligner ! (Applaudissements et rires sur divers bancs.)
M. le rapporteur général vient d'indiquer les conditions de sa proposition de retrait des amendements, et M. Claeys a lancé, en les défendant celui-ci, une sorte d'appel afin que nous examinions les conditions éventuelles d'optimisation pratiquées par certains groupes, et qui consisteraient à créer des filiales à seule fin de bénéficier au maximum du crédit d'impôt recherche.
Je suis d'accord pour que l'on examine les conditions éventuelles d'optimisation. Je voudrais cependant rappeler que quelque 2 milliards d'euros de dépenses de recherche sont aujourd'hui effectuées au-delà du seuil de 100 millions, et bénéficient donc d'un crédit d'impôt de 5 % seulement. Cela veut dire que, si optimisation il y a, il y a aussi un certain nombre de sociétés qui ne s'amusent pas à ce jeu du saucissonnage.
J'ajoute qu'une société française susceptible de consolidation serait concernée par vos propositions, alors qu'un groupe étranger qui consolide hors de France, mais qui possède un certain nombre de filiales sous forme non consolidée dans notre pays, bénéficierait à plein du seuil de 100 millions d'euros.
Voilà un argument supplémentaire pour ne pas adopter ces amendements, de nature à bouleverser l'équilibre d'un système que nous souhaitons voir stabilisé car nous voulons qu'il continue à avoir du succès. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie, madame la ministre, pour vos remarques, notamment la dernière, fort juste, concernant les filiales étrangères. Si vous confirmez que votre ministère est prêt à fournir à la représentation nationale toute information sur ce sujet, nous sommes prêts à en tenir compte et à retirer notre amendement.
En termes de dispositif, il faudrait peut-être réfléchir à d'autres pistes. Le seuil des 100 millions est-il aujourd'hui pertinent, ou faut-il envisager un niveau différent ? Le débat est ouvert.
Dès lors que nous disposerons d'éléments d'informations complémentaires, nos commissions respectives pourront en débattre le moment venu au cours de l'année 2011.
Je souhaite confirmer les propos de Mme la ministre. En tant que rapporteur spécial pour le transport aérien, j'ai longuement discuté avec les dirigeants d'EADS et de Safran. Ces deux groupes n'ont jamais modifié la localisation de leur recherche pour des raisons liées au crédit d'impôt recherche, dont ils bénéficient pour 120 et 130 millions d'euros respectivement.
Les amendements de nos collègues ne peuvent être votés en l'état. Ils posent le problème, mais ils ne le résolvent pas.
Il faudrait réfléchir à un montant plafond supérieur à 100 millions pour les groupes intégrés. À ma connaissance, seize groupes…
Dix-neuf.
…dix-neuf groupes dépassent les 100 millions. Jusqu'où faut-il relever la barre ? Quoi qu'il en soit, en restant à 100 millions, il est impossible de résoudre le problème.
Réfléchissons aussi à d'autres moyens d'empêcher l'optimisation du dispositif par ceux qui créent des structures ad hoc pour en bénéficier, car nous ne réussirons jamais à prouver l'abus de droit, tant il est facile d'invoquer toutes sortes d'arguments justificatifs.
Je souhaite témoigner de l'excellent travail de concertation qui a eu lieu entre le rapporteur général et la commission des affaires économiques. Je lui sais gré d'avoir accepté de discuter de la possibilité de revoir le dispositif.
Évitons, monsieur Claeys, d'envoyer de mauvais signaux. La diversité des activités au sein d'une entreprise, cela existe. Et une entreprise peut être amenée à créer pour diverses raisons des filiales spécialisées. Ce n'est pas toujours pour échapper à des obligations.
Une entreprise étrangère dont la filiale n'a qu'une seule activité de recherche en France bénéficie des 100 millions. Il ne s'agit pas d'une question de niveau, monsieur de Courson, mais de principe. Une entreprise française qui serait consolidée et qui aurait deux activités de recherche distinctes ne pourrait bénéficier que de 100 millions. Est-ce juste ?
Le principe même de la consolidation, monsieur Claeys, crée une distorsion de compétitivité entre les entreprises françaises et les entreprises étrangères qui bénéficieraient de manière outrancière de cet avantage fiscal.
La solution ne réside pas, à mes yeux, dans la consolidation. Soyons suffisamment astucieux pour résoudre le problème car il faut éviter de gêner la recherche dans les entreprises françaises.
(Les amendements 49 et 407 sont retirés.)
(L'article 15, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 15.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 177 .
Je précise tout d'abord à M. Ollier que la proposition de Charles de Courson ne visait pas à rester dans le cadre d'une intégration des filiales à 100 millions d'euros, mais, au contraire, d'en tenir compte et de passer à 150 millions.
Notre amendement a pour objet d'exclure du champ du crédit d'impôt recherche l'ensemble des établissements de crédit. Je vous rassure, madame la ministre, je ne fais pas une fixation sur les banques et les assurances. Comme vous l'avez rappelé, ce secteur ne représente que 1,4 % de la recherche française. En outre, ces établissements ont des possibilités d'amortissement – pour les logiciels informatiques – considérablement raccourcies : deux ans dans certains cas, voire un an. Le montant de l'amortissement augmentant mécaniquement, il serait tout de même surprenant et même indécent que ce secteur – dont les résultats pour 2010 témoignent d'une vigueur toute particulière – bénéficie du crédit d'impôt recherche au même titre que des activités industrielles.
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement, tout en reconnaissant la justesse des arguments évoqués par Philippe Vigier.
Également défavorable.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 178 deuxième rectification.
Cet amendement a pour but de fixer un plafond de 150 millions d'euros, voire davantage, et de ramener en contrepartie le crédit d'impôt de 30 à 25 %. Sachant que seuls dix-neuf groupes sont directement concernés, comme Mme la ministre vient de l'indiquer, et que des groupes comme EADS et Safran bénéficient du crédit d'impôt recherche pour 120 et 130 millions d'euros respectivement, je ne pense pas que notre proposition soit de nature à bouleverser l'équilibre du dispositif. Elle permettrait, en revanche, de rendre celui-ci plus vertueux et d'éviter la filialisation abusive.
À cet égard, je vous invite à lire l'excellent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle, qui a démontré que certains grands groupes ont créé des filiales spécifiques pour bénéficier du crédit d'impôt recherche. Si le calcul ne se fait plus à l'échelle de la filiale mais au niveau du groupe, et si vous acceptez de relever le plafond, nous aboutirons à un texte vertueux.
Défavorable à l'ensemble de ces amendements, dans la mesure où nous sommes arrivés à un point d'équilibre.
(Les amendements n°s 178 deuxième rectification, 180 et 179, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement traite du cas particulier des entreprises qui ont subi un sinistre.
Le crédit d'impôt recherche s'applique aux immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche. En cas de sinistre, l'entreprise perd la partie du crédit d'impôt correspondant aux machines détruites, ce qui la place dans une situation difficile, les assurances ne couvrant que rarement l'intégralité du coût de remplacement, alors que le plan de financement de l'installation incluait l'avantage fiscal. L'entreprise ne bénéficiant plus du dispositif peut donc être amenée à renoncer à son effort de recherche.
Je précise que la mesure que je propose ne saurait constituer une incitation à ne pas s'assurer, puisque 70 % de la dépense reste de toute façon à la charge de l'entreprise et que la charge sera d'autant plus lourde que le niveau d'assurance est faible.
Cet amendement nous a laissé perplexes. En fait, la question qu'il soulève relève des assurances. En cas de sinistre, les dotations aux amortissements ont été prises en compte, étant donné qu'elles figurent dans l'assiette du crédit d'impôt recherche. Il faudrait que M. Bouvard transmette au ministère le dossier qui justifie son amendement. (Sourires.)
Je suggère à M. Bouvard de retirer son amendement, et réserverai à son dossier un examen attentif
(L'amendement n° 471 est retiré.)
Je m'intéresse beaucoup aux textiles innovants, domaine pour lequel Nord-Pas-de-Calais est leader avec plus de 15 000 emplois. Sans le crédit d'impôt recherche, cela n'aurait jamais été possible. Un centre européen des textiles innovants verra d'ailleurs bientôt le jour dans ma région.
Il manque cependant, à ce jour, un dispositif approprié. C'est pourquoi nous proposons que le champ d'application du crédit d'impôt recherche soit étendu aux marques, dessins et modèles. Si nous voulons rester à la pointe de l'innovation et être présents sur les marchés à l'exportation, nous avons besoin de cet outil complémentaire. Tel est l'objet de notre amendement.
La commission n'a pas retenu l'amendement, car sa portée est trop large : il est susceptible en effet de concerner non seulement le textile, mais aussi, par exemple, la musique, les titres musicaux dès lors qu'ils présentent une originalité. Veillons à limiter l'assiette du crédit d'impôt recherche à ce qui constitue incontestablement des dépenses de recherche !
Même avis.
Avec cet amendement, nous sommes à la frontière entre la recherche et l'innovation. L'amendement de M. Gérard concerne plutôt l'innovation et ne relève pas du crédit d'impôt recherche.
(L'amendement n° 77 n'est pas adopté.)
La consolidation des banques européennes est en cours avec les accords de Bâle III, dont la mise en oeuvre progressive devrait permettre aux banques françaises d'augmenter leurs réserves sans dommage. Cette mesure opportune soulève néanmoins quelques interrogations. Tout d'abord, quel en sera l'effet sur les taux d'intérêt ?
Ensuite, n'introduit-on pas un nouvel élément de fragilité en contraignant les banques à emprunter davantage sur les marchés pour satisfaire leurs clients ? En effet, on va immobiliser une part plus importante de leurs fonds propres.
Enfin, ces nouvelles règles ne vont-elles pas favoriser leurs concurrentes nord-américaines ou asiatiques ?
Voilà donc toute une série de questions.
Il faudrait également veiller à la compétitivité des services bancaires, en aidant nos établissements à mieux affronter leurs concurrents étrangers. Leurs meilleures équipes peuvent être débauchées. Ce fut le cas tout récemment, à Londres, pour une équipe spécialisée en dette souveraine, à cause de règles nationales de rémunération qui, assez curieusement, s'appliquent à Hong-Kong comme à Paris, ce qui, à l'heure de la mondialisation, n'a guère de sens.
Il faudrait probablement réfléchir à une évolution de cet encadrement national des rémunérations.
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 139, de M. le rapporteur général.
(L'amendement n° 139 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 356 rectifié et 511 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l'amendement n° 356 rectifié .
La taxe instaurée par cet article est déductible de l'impôt sur les sociétés. Or la taxe du même type que nos collègues allemands ont instauré ne l'est pas. La convergence que vous souhaitez sur un certain nombre de sujets devrait vous conduire à faire un choix identique.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 511 .
Vous êtes allé un peu vite sur l'amendement n° 509 , monsieur le président, en ne me donnant pas la parole, mais ce n'est pas grave. Il s'agit d'amendements de réflexion.
Au Nouveau Centre, nous sommes beaucoup plus proches des positions allemandes que des propositions du gouvernement français. Pourquoi donc ? Les Allemands ont créé la même taxe que nous, pour un montant – presque trois fois supérieur – d'environ 1,5 milliard d'euros, qu'ils ont affecté à un fonds dédié, lequel pourrait servir en cas de risque systémique. C'est une espèce de prime d'assurance, dont – première différence avec le dispositif qui nous est proposé – ils n'ont pas fait une recette du budget fédéral.
Deuxième point, partiellement lié au premier, la taxe n'est pas déductible car ce fonds est propriété commune des banques et il y sera fait appel en cas de risque systémique, ce qui réduira d'autant le coût supporté, si nécessaire, par les finances publiques.
Il y a, enfin, la suppression de la franchise de 500 millions d'euros, destinée à élargir l'assiette de la taxe. Les Allemands me paraissent plus subtils que nous, puisqu'ils définissent l'assiette comme la différence entre, d'une part, le coût moyen des crédits pondéré par le risque et, d'autre part, les fonds propres. Par conséquent, plus les fonds propres sont importants, plus l'assiette est réduite, ce qui est vertueux. La première assurance, c'est effectivement un niveau élevé de fonds propres ; le fonds systémique n'intervient qu'ensuite.
Nous avons déposé cet amendement parce que le Gouvernement ne propose, à notre avis, qu'un succédané du système allemand, lequel nous paraît plus cohérent et plus efficace pour faire face au risque systémique.
La commission a rejeté ces amendements, qui soulèvent une question de forme et une question de fond.
Tout d'abord, une taxe doit être déductible. C'est un principe auquel la commission des finances et tous nos collègues ne peuvent qu'être attachés, et auquel il ne faut pas déroger. Certes, vous pourrez m'objecter que telle ou telle bribe de taxe n'est pas totalement déductible, par exemple la taxe sur les véhicules de société, mais le principe est qu'une taxe doit être déductible.
Cela dit, nos collègues entendent peut-être, en rendant cette taxe non déductible, augmenter la charge pesant sur les banques. Faut-il donc augmenter les taxes pesant sur le secteur bancaire ? Pour ma part, je pense que non. Contrairement à ce qui s'est produit en Allemagne, pays cité par M. de Courson – on aurait aussi pu parler du Royaume-Uni –, les banques françaises n'ont pas coûté au contribuable.
Dexia fait certes exception, mais pour un montant limité.
En Allemagne et au Royaume-Uni, ce sont des dizaines de milliards d'euros qui ont été demandés au contribuable.
En outre, nos banques supportent des charges fiscales qui ne sont pas négligeables. On peut notamment citer la taxe sur les salaires, et, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, les banques sont l'un des rares secteurs dont la charge globale va augmenter, de l'ordre, si ma mémoire est bonne, d'une centaine de millions d'euros. En outre, le taux facial de l'impôt sur les sociétés est plus élevé qu'au Royaume-Uni ou en Allemagne.
Sur la forme, ce serait donc une erreur que de rendre cette taxe non déductible.
Sur le fond, elle me paraît correctement calibrée dans son montant. Il n'y a donc pas lieu de l'alourdir.
Pour répondre au dernier point de votre intervention et à d'autres amendements, l'assiette choisie par le Gouvernement a beaucoup de sens. Elle est en effet composée des actifs pondérés par les facteurs de risque, les actifs étant les prêts consentis par les banques. De ce point de vue, on ne peut donc pas dire que ce sont les fonds propres des banques qui sont pris en compte : ce sont les créances détenues par elles. Sans doute Mme la ministre précisera-t-elle ce point mais, si l'assiette retenue n'est pas la même que celle de la taxe allemande ou que celle proposée par le rapport de M. Lepetit, ce n'en est pas moins une assiette qui a du sens.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement que vient de présenter M. Muet, pour l'essentiel des raisons données par M. le rapporteur général et pour une raison complémentaire : en matière fiscale, la non-déductibilité ne s'applique qu'aux sommes qui ont le caractère de pénalité ou de sanction.
Or, en l'espèce, la taxation que nous proposons de mettre en place n'est pas destinée à pénaliser ou à sanctionner, mais à constituer la contrepartie d'une prise en charge au titre d'un risque comme celui que nous avons pu rencontrer au cours des deux dernières années. Sur la forme, il me paraît donc tout à fait légitime que la taxe soit déductible.
M. le rapporteur général a évoqué toute une série de faits. Je reprends à mon compte ces considérations. En particulier, je ne crois pas légitime de comparer des situations qui ne sont pas comparables. Vous l'avez parfaitement dit, monsieur le rapporteur général : les banques françaises ne se sont pas retrouvées dans la même situation que les banques allemandes, et le montant du plan de soutien allemand était bien plus élevé que celui du plan de soutien et de refinancement que nous avions mis en place pour les banques françaises.
Il n'est donc pas légitime de comparer les deux taxes à ce titre. De même n'est-il pas légitime de tirer argument des remboursements : les banques françaises ont effectivement remboursé, à hauteur de 80 %, les avances et les renforcements dont elles avaient bénéficié au titre de leurs fonds propres,…
…alors que les banques allemandes ont à peine commencé à rembourser.
Par ailleurs, ce plan allemand a constitué un véritable coût pour le contribuable, alors que le plan français, s'il a pu être interprété par certains comme une perte de chances, a surtout été une source de revenus. À ce jour, le plan français a effectivement rapporté 2,4 milliards d'euros au contribuable français. La comparaison n'est donc pas légitime.
Nous avons délibérément choisi de ne pas vous proposer l'affectation de cette taxe à un fonds de résolution particulier car il ne nous paraît pas souhaitable de constituer une espèce de réserve d'assurance, tout simplement au regard de l'aléa moral.
Nous proposons donc de lever une taxe déductible et affectée au budget général de l'État français. Elle est la contrepartie d'un facteur de risque qui tient à la nature de l'activité en question. Nous considérons que l'assiette, qui est bien constituée des fonds propres pondérés par les risques, est effectivement de nature à encourager les banques à développer leur activité, c'est-à-dire le financement de l'économie française, et surtout pas à réduire leur bilan comme elles seraient tentées de le faire si la taxe s'appuyait sur une assiette de passif, telle celle retenue par l'Allemagne. Nous avons, pour notre part, retenu la même assiette que la Grande-Bretagne.
La non-affectation à un fonds spécifique de résolution suit, de même, le modèle britannique, et aussi le modèle suédois.
Je ne souhaite pas, madame la ministre, rouvrir, à l'heure qu'il est, un débat que nous avons déjà eu, mais expliquer que cela n'a rien coûté au contribuable, c'est quand même une manière assez particulière de présenter les choses.
L'intervention publique assortie de la non-dilution du capital a représenté, pour les actionnaires, un gain très supérieur aux intérêts que vous évoquez. Comme par hasard, vous oubliez systématiquement de le rappeler !
On sait comment fonctionne un marché, quand même, et on sait aussi ce qu'est le risque !
Quand un risque se réalise, ce sont donc les contribuables qui sont sollicités contre paiement d'un intérêt à taux fixe. Vous savez bien ce qu'étaient les cours des actions des banques au moment de l'émission des titres de participation et ce qu'ils étaient devenus six mois plus tard, au moment des remboursements. Je ne vois donc pas pourquoi un fonctionnement de marché vaudrait dans certaines circonstances et non dans d'autres.
Je maintiens et j'affirme que nous avons perdu plusieurs milliards d'euros, si l'on considère les montants que nous aurions gagnés grâce à une prise de participation. Je peux vous le démontrer quand vous voulez, et nous l'avions déjà dit au moment même de l'émission des titres. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Si ! Nous avons insisté, en commission des finances, pour que l'on ne choisisse pas les titres finalement retenus, et nous avons expliqué pourquoi. Nous vous l'avons dit : c'était le contribuable qui prenait le risque, tandis que la remontée des cours profiterait aux actionnaires. Relisez donc les comptes rendus des réunions de la commission des finances ! Je ne présente donc pas un raisonnement nouveau.
Tout le monde comprend très bien, dans le pays, ce qui s'est passé, y compris l'opinion publique. Certes, elle n'est pas forcément avertie des questions financières, mais elle n'est pas non plus tout à fait idiote.
Cela dit, je ne comprends pas très bien, madame la ministre, que le produit de la taxe proposée ne soit pas affecté à un fonds mais au budget de l'État. Très franchement, on a l'impression d'une concession faite à l'opinion publique : comme le contribuable a payé, il faut faire quelque chose. Comme si l'on pouvait quantifier aujourd'hui ce qui se passera !
En ce moment, nous menons une enquête sur la spéculation, avec un rapporteur issu des rangs de l'UMP, M. Jean-François Mancel. Eh bien, contrairement à ce qui se dit, nous sommes loin de pouvoir dire que la crise soit derrière nous, mais je n'y insisterai pas, par sens des responsabilités. Je donnerai simplement deux chiffres : il y a 60 000 milliards de dollars de PIB mondial mais 700 000 milliards de dollars d'OTC émises, dont 90 % hors des chambres de compensation. Dans de telles conditions, il faut faire preuve d'un solide optimisme pour nous expliquer que tout va bien ! Pour ma part, je ferais des fonds de précaution pour l'avenir.
Henri Emmanuelli a dit l'essentiel. Il est vrai que, si nous étions intervenus sous la forme de prises de participations, la plus-value aurait été de 5,8 milliards d'euros.
C'est ce que nous dit le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.
On sait bien, également, que c'est l'intervention publique qui a permis le redressement des banques. On ne peut pas oublier les leçons de la crise ! Il fallait intervenir mais les États, qui se retrouvent dans les situations budgétaires que l'on connaît, ont droit à un juste retour pour leur intervention. Or, nous parlons ici de sommes qui ne sont pas du tout comparables : cette taxe ne rapportera pas 5,8 milliards.
S'agissant de l'argument de selon lequel une taxe ne pourrait être non déductible que s'il s'agit d'une pénalité, faut-il rappeler que la CSG, qui a une composante non déductible, n'est pas une pénalité ? Je ne vois pas au nom de quoi on justifierait que la présente taxe soit déductible.
À cet égard, l'argument avancé par Charles de Courson me paraît parfaitement justifié. Cette taxe a vocation à alimenter un fonds destiné à éviter aux États d'intervenir comme ils ont dû le faire lors de la crise. Il est assez naturel de la considérer comme une couverture assurantielle que l'État impose aux banques. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi elle serait déductible.
Je ne souhaite pas revenir sur la déductibilité, car je risquerais de répéter les arguments déjà avancés. En revanche, j'aimerais intervenir sur la nature de l'assiette et appeler l'attention de ceux que ce sujet intéresse – et ils sont nombreux – sur les critiques du rapport Lepetit, qui ne sont pas de nature morale mais économique.
Premièrement, cette taxe exonère les institutions financières qui ne calculent pas d'encours d'actifs pondérés par les risques. Le risque systémique va donc s'accumuler dans certaines institutions sans que la taxation puisse corriger d'éventuels excès puisque ces institutions ne sont pas soumises à la taxe.
Je ne pense pas que l'on puisse écarter cette critique d'un revers de main. Et en tant que président de la commission des finances, je souhaite prendre date : je crois que ces critiques préalables formulées par le rapport Lepetit auraient mérité une lecture plus attentive.
Deuxièmement, le rapport Lepetit met en évidence le manque total de complémentarité de la taxe avec la réglementation prudentielle. Non seulement l'assiette retenue épargne des institutions au sein desquelles vont s'accumuler des risques mais, de surcroît, ces institutions sont très imparfaitement couvertes par cette réglementation.
Troisièmement, cette assiette favorise les banques de marché au détriment des banques universelles, ce qui ne paraît pas cohérent avec le choix opéré par les institutions bancaires de notre pays, et encouragé par les autorités, de ne pas opérer une telle scission.
Ces trois critiques ne sont ni relatives au passé – fallait-il ou non intervenir ? –, ni de nature morale – faut-il ou non punir les banques ? Sont-elles coupables ? –, mais reposent sur des concepts purement économiques et prudentiels. À ce titre, elles ne me semblent pas pouvoir être écartées aussi simplement que cela.
S'agissant du rapport Lepetit, j'entends bien ce que vient de dire le président de la commission des finances. Retenir les actifs non pondérés par les risques exclurait tous les établissements relevant de Bâle III et de Solvabilité II, c'est-à-dire, par définition, tous les établissements de crédit et toutes les compagnies d'assurance.
Le rapport Lepetit critique en fait toutes les sociétés et quasi-sociétés qui ne sont pas réglementées et qui ne relèvent pas des chambres de compensation. Ce sont elles que vise notamment la directive « AIFM », qui a notamment vu le jour grâce au travail efficace du gouvernement français et de Christine Lagarde pour trouver un compromis.
Les auteurs du rapport Lepetit ont certes raison, mais seulement pour un champ de sociétés dont on a déjà su cerner les contours et pour lequel on a trouvé une solution,…
…qui consiste notamment à établir un passeport européen afin de bien les identifier et de pouvoir, le cas échéant, les pointer du doigt. Nous espérons qu'un jour, à travers les chambres de compensation, ces sociétés seront mieux connues et qu'un système de régulation du type Bâle III permettra de les faire passer sous les fourches caudines d'une évaluation des risques liés aux encours.
Le rapport Lepetit est certes de qualité, mais il cerne seulement une partie du problème et exclut l'essentiel.
La nécessité d'une taxe de risque systémique s'est fait sentir en France, mais également dans de nombreux pays d'Europe, dont l'Allemagne. À cet égard, soulignons la différence de taux de l'impôt sur les sociétés entre les deux pays : en France, 33 % ; en Allemagne, 15 % auxquels s'ajoute 5 % du produit de la taxe spéciale pour la réunification, soit 15,88 %. Il s'agit de deux situations radicalement différentes.
Comme le rappelait Gilles Carrez, la tradition française veut que les taxes soient déductibles,…
…et je ne vois pas au nom de quoi il serait subitement décidé que cette taxe ne le serait pas.
Je voudrais maintenant revenir sur les propos de M. Emmanuelli.
Charles de Courson a rappelé, comme Christine Lagarde, que le système bancaire français a été suffisamment solide pour résister à la crise. Notre pays l'y a aidé et n'a pas connu de situations désastreuses, exception faite de Dexia. Or l'État était actionnaire de Dexia, monsieur Emmanuelli.
Reportons-nous à la mi-2009, au tout début de la crise financière. La France est dans une situation d'incertitude profonde ; seuls les meilleurs économistes, qui sont presque les cartomanciens d'aujourd'hui,…
…affirment que tout le monde va s'en sortir. Mais, en vérité, personne ne sait ce qu'il va advenir.
Deux solutions se présentent : la première consiste en une prise de capital, avec le risque que l'ensemble des établissements aidés connaissent le même sort que Dexia, ce qui provoquerait une perte abyssale ; la deuxième –celle que le Gouvernement a retenue – consiste à aider les établissements de crédit, par l'intermédiaire de quasi-fonds propres, à recouvrer la confiance des marchés s'agissant des prêts à court et moyen termes, solution qui a rapporté beaucoup d'argent à notre pays, comme Christine Lagarde l'a rappelé.
Vous n'êtes pas content, monsieur Emmanuelli, je le comprends. Vous ne pouvez pas contester ce qui est incontestable.
Je tenais, monsieur le président, à revenir sur ces quelques points.
Face aux critiques du rapport Lepetit, il faut rappeler que la taxe systémique porte sur les établissements de crédit qui font l'objet d'une évaluation de type Bâle III, et non pas sur les autres. Le rapport enfonce des portes ouvertes, mais nous espérons que ces portes seront utiles un jour.
Il importait d'apporter ces précisions et de saluer la réaction qui fut celle de la France au coeur de la crise financière. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Compte tenu des propos que vient de tenir M. le président de la commission des finances, j'imagine que notre amendement n° 508 , qui vise à modifier l'assiette de la taxe, le satisfera pleinement.
Madame la ministre, vous appelez souvent de vos voeux une convergence avec l'Allemagne, qui est notre premier partenaire. Nous avons examiné de près la situation dans ce pays. Comme vous le savez, il a choisi de taxer le recours à l'endettement des institutions financières. L'assiette de la taxe y correspond à l'ensemble du passif diminué des fonds propres – ressources permanentes dont le remboursement est à la main de l'émetteur – et des dépôts – ressources privées non levées sur les marchés et garanties dans la plupart des pays. Cette assiette couvre donc tous les instruments de dette utilisés comme effet de levier.
Le changement d'assiette que nous proposons a pour effet de lui donner le même objectif qu'en Allemagne : rembourser le coût de la crise pour les pouvoirs publics. Il nous paraît essentiel que les banques participent directement. Nous savons ce que notre pays a dû injecter dans l'économie pour faire face à ce drame. Cette modification nous rapprocherait de notre premier partenaire, irait dans le sens de la convergence, et produirait une recette beaucoup plus importante, comparable à celle de l'Allemagne, qui est de l'ordre de 1,4 milliard d'euros.
Nous pouvons considérer que vous avez ainsi défendu l'amendement n° 508 , monsieur Vigier.
(L'amendement n° 511 est retiré.)
(L'amendement n° 356 rectifié n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 508 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Ces amendements consistent à demander au Gouvernement de déposer dans un délai d'un an un rapport détaillant la possibilité d'affecter le produit de la taxe à un fonds pour la prévention des risques systémiques, à l'instar du modèle allemand.
J'aimerais que M. de Courson retire ces amendements, qui visent à demander un rapport spécifique au Gouvernement.
Je pense qu'un tel rapport n'est pas nécessaire dans la mesure où nous allons présenter à chaque exécution de loi de finances un compte rendu sur la taxe, son prélèvement, son volume, l'évolution des fonds propres des banques en fonction de l'avancée de l'application de Bâle III.
Je souhaite, à ce moment du débat, clarifier un point en ce qui concerne l'assiette, constituée par les fonds propres pondérés par les risques. Cela signifie, compte tenu du ratio de fonds propres exigé des banques d'investissement, que le facteur de majoration pour ces établissements est de trois, ce qui a pour effet d'augmenter l'assiette de la taxe. Par conséquent, les banques dites d'investissement, ou d'affaires, seront davantage taxées que les banques dites traditionnelles, tournées vers le financement classique de l'économie.
Je reconnais bien volontiers qu'il y a une vraie différence avec la taxe allemande. Nous avons souhaité nous aligner plutôt sur le modèle britannique, tant en ce qui concerne l'affectation que l'assiette. Il nous semblerait dommage de donner une image assurantielle à la taxe en l'affectant à un fonds spécifique.
Je ne suis pas certaine qu'un rapport de plus ajouterait quelque chose.
Madame la ministre, ces amendements ont pour seul objet de s'interroger sur la pertinence d'affecter cette taxe à un fonds dédié, selon le modèle allemand.
Au fond, je trouve regrettable que cette taxe, qui est une sorte de prime d'assurance, apparaisse parmi les recettes du budget de l'État. Le jour où un risque systémique se manifestera – espérons qu'il ne viendra jamais –, nous n'aurons pas les fonds nécessaires pour y faire face. Pour nous, le versement de primes implique la capitalisation.
De ce point de vue, je suis Allemand – le président Kennedy a bien déclaré Ich bin ein Berliner – et pas Anglais. D'ailleurs, entre nous, il faut reconnaître que les Anglais et les Américains ont été les grands responsables de la crise financière par leurs excès de toute nature.
(Les amendements identiques nos 50 et 510 ne sont pas adoptés.)
(L'article 16, amendé, est adopté.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 16.
Je suis saisi de deux amendements, nos 359 rectifié et 238 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour soutenir l'amendement n° 359 rectifié .
La parole est à M. François de Rugy pour soutenir l'amendement n° 238 .
Avec cet amendement, nous poursuivons le débat que nous venons d'avoir sur la taxe systémique, revenant un peu, au passage, sur le plan de sauvetage des banques. Nous proposons de soumettre à une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés les établissements de crédit, en l'occurrence les banques, à un taux de 10 %.
En hommage au précédent président de la commission des finances, elle pourrait s'appeler « taxe Migaud ». Nous avions eu, en effet, une grande discussion lors du projet de loi de finances pour 2010, à l'occasion de laquelle le président Migaud avait parfaitement démontré combien le dispositif de sauvetage des banques choisi par le Gouvernement était défavorable aux intérêts de l'État français, mais notre sens des responsabilités l'a emporté et nous ne nous y sommes pas opposés. Nous proposons maintenant un juste retour à la collectivité, à l'État sans la garantie duquel le sauvetage n'aurait pas été possible.
Soyons clairs, il ne s'agit pas d'une taxe sur l'activité bancaire. Il n'est pas question de taxer des banques qui auraient encore des difficultés et seraient déficitaires. Il s'agit bien d'une taxe sur les bénéfices qui, à la surprise de bien des observateurs, sont revenus beaucoup plus vite que prévu et dans des proportions très importantes pour beaucoup d'établissements bancaires français. Si une banque fait des bénéfices maintenant, il paraît logique qu'il y ait un retour exceptionnel pour les finances publiques, c'est l'objet de cet amendement.
(Les amendements nos 359 rectifié et 238 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement important concerne les commissions perçues au titre des opérations de paiement par carte bancaire.
La carte bancaire est le moyen de paiement préféré des Français depuis de longues années déjà. Aujourd'hui, 90 millions de cartes sont sur le marché. Les banques ont travaillé et investi pour garantir la sécurité des paiements, et le taux de fraude sur les cartes dans le système français a considérablement baissé. Le dispositif qui a été mis en place avec beaucoup d'efficacité est aujourd'hui bien rodé. En moyenne, près de 15 milliards d'euros sont ainsi échangés chaque jour.
Tous les professionnels considèrent que ce mode de paiement est un service nécessaire à apporter à leur clientèle, mais le coût pour eux est très important. Ils doivent assumer le coût de la location et de la maintenance d'un terminal de paiement électronique, celui des communications et surtout la commission interbancaire de paiement. Cette commission, variable d'un professionnel à l'autre selon qu'il est petit ou gros, ou selon son secteur d'activité, est une charge contrainte. Que la banque facture un service rendu, personne ne le conteste, mais les montants facturés sont jugés abusifs et suscitent un fort ressentiment.
Aucun professionnel indépendant n'est en mesure de définir à quoi correspond la commission interbancaire de paiement, quel est son fondement réel et son mode de calcul, ni de comparer la stratégie de commissionnement de chaque banque. Les petits commerçants de proximité se voient appliquer les taux de commission les plus élevés, alors que c'est la vente à distance qui suscite le plus fort taux de fraude. La part de la transaction est nettement moindre chez les petits professionnels que chez les grandes surfaces pour qui le taux de commissionnement constaté est le plus faible. Ce n'est pas logique ni, surtout, équitable dans un contexte économique difficile.
Les commissions facturées sont très éloignées du coût réel du fonctionnement du système. Il conviendrait de mettre un peu plus de transparence dans l'établissement du commissionnement et de se rapprocher du coût réel de la prestation fournie par la banque.
La commission s'est montrée très réservée sur cet amendement, rédigé de façon beaucoup trop générale. Nous avons considéré que, comme vous le dites très justement, si la carte bancaire est devenue le mode de paiement préféré des Français, c'est parce qu'il y a en contrepartie un vrai service : …
…prise en charge en cas d'incident ou de sinistre. Pour en avoir fait l'expérience assez récemment (Sourires), je peux témoigner que la prise en charge est rapide et complète.
J'observe, comme l'a fait Henri Emmanuelli en commission, que, même si c'est illégal, beaucoup de commerces refusent aujourd'hui les chèques, ce qui oblige les clients à payer par carte de crédit. Il s'agit donc d'un vrai service et il est normal qu'il soit rémunéré.
J'ai ainsi résumé la discussion que nous avons eue en commission des finances.
La parole est à Mme la ministre, pour donner l'avis du Gouvernement et présenter les sous-amendements.
Madame Branget, vous avez, avec les deux autres signataires de l'amendement, beaucoup travaillé sur la question, vous avez auditionné l'ensemble des parties concernées. Votre amendement, d'une part, vise à encadrer les frais facturés en précisant qu'ils doivent être fonction des coûts réels supportés et en mettant en place un plafonnement des commissions payées à l'occasion des paiements par carte bancaire. D'autre part, il crée un relevé annuel qui me paraît tout à fait légitime et auquel je me rallie parce qu'il permet au commerçant de bien comprendre les frais perçus.
Si je suis favorable à des mesures qui visent à mieux encadrer les commissions interbancaires, celles que vous proposez me semblent excessives et prévoir un encadrement disproportionné. Je vous propose donc deux sous-amendements.
Le premier tend à renforcer l'efficacité de votre dispositif en prévoyant que les commissions interbancaires ne doivent pas s'éloigner abusivement des coûts réels supportés par les opérateurs. Tous les mots comptent et sont importants à cet égard. Cela permettra d'éviter les excès que l'on constate encore trop souvent.
Ce sous-amendement apporte également un levier supplémentaire à l'Autorité de la concurrence qui, à la suite de la décision rendue très récemment en matière de frais bancaires, a engagé une procédure de concertation avec l'ensemble des acteurs du secteur bancaire pour éviter des risques de la nature de ceux qui ont pu être constatés en matière d'images-chèques.
Pour le reste, je souhaite que soit menée une analyse très précise des difficultés que rencontrent certains secteurs particuliers. Je suggère que soit confiée aux trois cosignataires de l'amendement une mission, à laquelle pourraient être associés des experts spécialisés dans ces matières, afin d'examiner quelles professions subissent des risques particuliers, de préciser et d'affiner les mesures prises en matière de transparence, de faire la lumière sur les secteurs qui connaissent des difficultés – taxis, buralistes, petits commerçants dont on sait que les problèmes sont à l'origine de votre amendement –, et de définir les modalités d'une réduction des commissions appliquées aux petits commerçants et sur les paiements de petits montants ; cela, sans compromettre la pérennité d'un système auquel les consommateurs sont attachés et qui présente des qualités de garantie et des conditions de sécurité d'autant plus essentielles que les paiements sont de plus en plus dématérialisés et que l'on doit pouvoir continuer à tracer, à vérifier et les origines et les destinations des paiements, ce que permet le système de paiement par carte tel qu'il est actuellement géré.
Sous réserve de l'adoption de ces deux sous-amendements, je donne un avis favorable à votre amendement, madame Branget.
Mes chers collègues, il est certes un peu tard, mais je me permets d'attirer votre attention sur cet amendement. M. Mallié, M. Debré et Mme Branget, députés UMP, ont mis le doigt sur un problème très important, que l'on cherche, si j'ai bien compris, à évacuer.
Pas du tout.
C'est la première fois en trente ans que j'ai à le dire : cet amendement fait, depuis quelques jours, l'objet d'un lobbying particulièrement indécent.
Nous avons un système de paiement par carte très efficace et très utilisé, c'est vrai, monsieur le rapporteur général. Mais il est vrai aussi qu'il constitue une véritable mine d'or pour les banques, auxquelles il rapporte près de 3 milliards d'euros par an. Il y a trois types de commission : l'une variable, l'autre fixe, la troisième pour couvrir le risque – le risque est couvert, monsieur le rapporteur général, mais ce n'est pas gratuit.
Les consommateurs se sont réveillés, les petits commerçants aussi, mais également, avec eux, tout le secteur des grandes surfaces. Il faut dire que, si nous votons l'amendement de M. Debré, de M. Mallié et de Mme Branget, nous allons, madame la ministre, et ce n'est pas un détail, rendre environ 1,5 milliard d'euros de pouvoir d'achat aux consommateurs. Ce n'est donc pas une mince affaire, et c'est pour cela qu'un intense lobbying est à l'oeuvre depuis quelques jours, qui n'a épargné personne.
Je trouve cela choquant, car le rôle du ministère des finances est de défendre le pouvoir d'achat des consommateurs, et non de préserver des pratiques dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles sont peu transparentes. Je comprends que l'on constitue des missions sur ce sujet très important. Monsieur le rapporteur général, il est vrai que le débat a été difficile, mais je n'ai pas eu l'impression que les commissaires aux finances étaient indifférents au problème.
Vous avez dit qu'ils étaient réservés : personne n'est réservé quand il s'agit de rendre du pouvoir d'achat aux consommateurs et de revenir à une tarification décente !
Ce sujet arrive bien tard dans la soirée, et l'amendement ne figurait d'ailleurs pas sur la feuille de séance. Néanmoins, je suis heureux de pouvoir participer à cette discussion pour signaler plusieurs points que nos collègues n'ont pas pris en considération.
La France a été en pointe dans l'introduction et la généralisation des cartes de paiement. La carte à puce est une invention française, que nous sommes parmi les premiers pays à avoir su introduire de façon très sécurisée dans le système de paiement.
La carte à puce a plusieurs caractéristiques. D'une part, l'invention a été transposée dans d'autres pays, en s'appuyant sur le modèle de paiement qui avait été mis en place en France. D'autre part, elle a eu pour conséquence le fait que les chèques et, dans certains cas, les virements bancaires, sont devenus de moins en moins fréquents pour les paiements de petite ou moyenne importance.
À partir de cette analyse, il est intéressant de rappeler les progrès réalisés grâce à l'introduction du paiement par carte.
La question posée porte sur les commissions ; elle est évidemment légitime, et elle l'est d'autant plus que l'on regarde les contreparties. Je pense notamment aux paiements internationaux. Si vous êtes une petite entreprise prestataire de services en France qui facture à des clients non français ou résidant hors de France dans la zone euro, la meilleure solution est en effet le règlement par correspondance avec un numéro de carte.
Autrefois, monsieur Emmanuelli, et il n'y a pas encore si longtemps, ce type de règlement se faisait par virement bancaire. Or les frais étaient bien plus importants.
Bref, sachons voir les progrès accomplis. Il s'agit, d'une part, de la sécurisation permise par la puce, qui est une invention tout à fait remarquable, et, d'autre part, des possibilités de paiement en dehors de France, y compris pour de petits montants. Il s'agit là d'une avancée tout à fait intéressante, y compris pour l'entreprise qui en bénéficie.
Nos collègues Richard Mallié et Françoise Branget ont raison de poser cette question, qui est une vraie question.
En comptabilité analytique, il semble que les marges soient très élevées,…
…ce qui n'est pas le but du dispositif.
En revanche, l'amendement a un inconvénient : à mon avis, on ne doit pas fixer les taux de commission dans la loi, puisque les technologies, entre autres, évoluent. L'idée du Gouvernement, qui est la même, est donc sympathique, mais à plusieurs conditions, madame la ministre.
D'abord, qu'est-ce que « s'éloigner de façon abusive des cours réels » ? Qui l'appréciera ?
Voilà quand même deux questions auxquelles il faudrait répondre. Je ne suis pas un grand spécialiste du droit de la concurrence, mais l'expression « de façon abusive » ne me paraît pas très juridique.
Comme vous dites, monsieur le rapporteur, avec d'ailleurs beaucoup d'élégance. Pour parler clair, cela s'appelle un taux de marge. Qui va le contrôler ?
J'ai une autre question, qui porte sur le sous-amendement n° 630 , c'est-à-dire sur la sanction, car il n'y a pas de règle sans sanction. Si l'on découvre des pratiques abusives, celles-ci relèvent de « la peine d'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe ». C'est ridicule au regard des masses en jeu !
Je pense que l'on ferait mieux d'avoir une approche du type de celle prévue par le droit anglo-saxon, dans laquelle l'amende est fonction du bénéfice abusif. C'est la règle dite du triplement : quand quelqu'un est pris en faute et qu'il a prélevé cent, la sanction est de trois cents. Ainsi, les gens réfléchissent avant de se lancer dans ce genre d'abus. Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur ces trois points ?
Cet amendement, brillamment défendu par Mme Branget, est surtout, en fait, un amendement d'appel vis-à-vis du Gouvernement.
Nous en avions déjà discuté une première fois, mais très brièvement, dans le cadre du projet de loi sur la régulation bancaire et financière. Aujourd'hui, nous avons l'occasion d'en débattre un peu plus longuement.
Je dois vous dire que je suis tout à fait d'accord avec Louis Giscard d'Estaing quand il estime que la carte à puce et le paiement par carte bancaire sont des avancées incontestables. J'en veux pour preuve le fait que le taux de fraude n'a fait que diminuer. Certes, aujourd'hui, avec Internet, c'est un peu différent ; il augmente à nouveau car d'autres problèmes se posent.
Notre amendement a le mérite d'apporter un peu de transparence alors que nous étions jusqu'à présent dans le flou. Aujourd'hui, les banques avouent certaines choses. Je crois donc, encore une fois, que c'est une incontestable avancée.
Cher Charles-Amédée de Courson, il faut considérer l'esprit de la loi. Or le sous-amendement du Gouvernement comporte les mots : « de façon abusive ». Il appartient ensuite au juge de dire ce qu'il en est. Il est vrai que, dans notre amendement, nous prévoyions de dire que l'amende était aussi importante que ce qui était réclamé, ce qui me semblait important.
En résumé, il appartient au juge de dire ce qu'il en est. C'est du moins comme cela que je comprends les choses, mais vous allez peut-être, madame la ministre, nous éclairer sur ce point.
En tout état de cause, je suis favorable aux sous-amendements présentés par le Gouvernement.
Une observation, tout d'abord, sur ce qu'a dit M. Emmanuelli tout à l'heure. Il est vrai que cet amendement intéresse tout le monde, et pas seulement les défenseurs des consommateurs. Sont aussi concernés les défenseurs des commerçants, voire des très gros commerçants qui ne répercuteraient pas forcément sur les prix l'économie ainsi réalisée, monsieur Emmanuelli.
J'insiste donc sur notre intérêt à regarder cette affaire pour ce qu'elle est, et comme nous en avons l'habitude, c'est-à-dire du point de vue de l'intérêt général. Or, de quoi parle-t-on ?
On parle d'abord d'un service qui n'est certes pas un service public, mais qui a vocation, du fait d'une activité quasi monopolistique, à rendre un service à tous les Français.
Deuxième observation, nous parlons d'un service bancaire qui s'est substitué de fait, et par la volonté des commerçants, pour des raisons de sécurité, au chèque. Ainsi, comme l'a rappelé Gilles Carrez en commission des finances, beaucoup de commerçants refusent les chèques pour des raisons de sécurité. En effet, la carte bancaire garantit la sécurité, ce que ne fait que très imparfaitement le chèque.
Bref, nous avons un système sécurisé de contre-valeur qui remplit bien des fonctions, qui est extrêmement performant – nous avons en France un système interbancaire tel qu'il n'en existe pas forcément dans les autres pays – et qui assure une fluidité pour tous les distributeurs automatiques de billets, pour tous les commerçants et pour toutes les cartes bancaires, quel que soit l'établissement dont elles proviennent.
Faut-il pour autant veiller à ce que cette situation de quasi-monopole du groupement d'intérêt économique des cartes bancaires n'entraîne pas des abus ? La réponse est oui, et c'est la raison pour laquelle l'amendement, tel que le Gouvernement propose de le sous-amender, inspire confiance. En effet, il fixe – je le dis à l'intention de Charles-Amédée de Courson – le principe selon lequel l'autorité de contrôle prudentiel est le régulateur des commissions interbancaires.
Non, mon cher collègue, cette partie-là reste car je parle de l'alinéa 1, tandis que ce sont les alinéas 2 à 7 qui sont modifiés par les sous-amendements du Gouvernement.
Le texte désigne donc bien l'autorité de contrôle prudentiel comme l'autorité qui régule les commissions interbancaires. Celle-ci va, par conséquent, pouvoir faire un travail approfondi pour veiller à ce que, comme le dit le sous-amendement du Gouvernement, les commissions ne soient pas déterminées faites « de façon abusive ».
Cette expression fait référence à de nombreux éléments que l'on a mis dans la loi de régulation bancaire et financière s'agissant – et c'est là, monsieur le président, un élément très important – …
…de la relation entre les banques et leurs clients.
C'est la raison pour laquelle le principe de commissions non abusives peut être regardé au titre du droit par l'autorité de contrôle prudentiel.
La parole est à M. Henri Emmanuelli.
Essayons tout de même de tenir nos horaires, mes chers collègues.
C'est un sujet à quelques milliards d'euros, monsieur le président !
Je ne comprends pas très bien la manière dont évolue la discussion. En effet, que nous ayons inventé la carte à puce, personne n'en doute (Sourires) ; que le système fonctionne bien, personne ne l'a contesté.
Ce qui est en jeu, c'est le coût de la rémunération, qui est exorbitant. Vous évoquiez les marges qui sont prises, mais tout à l'heure, quand Mme la ministre a parlé des banques, qui sont censées être parfaites, elle a oublié l'amende record qu'elles viennent d'« encaisser », si j'ose dire. Cela prouve que leur déontologie a des limites lorsqu'il s'agit de facturer les commissions. On vient de le vivre, alors que le président de l'Association française des banques était venu nous expliquer en commission des finances que tout allait bien et qu'il n'était pas vrai qu'il y avait des abus. Il en a été jugé autrement !
Les grandes surfaces incluent dans leurs prix le coût de la commission – qui est payé, à l'arrivée, par le consommateur – car elles peuvent négocier avec le groupement, ce qui n'est pas le cas des petits commerçants.
Il ne s'agit donc pas, monsieur Giscard d'Estaing, de mettre en cause le système, ni d'en limiter le fonctionnement. Il s'agit d'aller vers une rémunération décente. Les spécialistes pensent qu'avec la moitié de ce qui est prélevé, les personnes concernées gagneraient déjà beaucoup d'argent. C'est ce qui a justifié, je le répète même si c'est inconvenant, un lobbying lourd, pesant et insistant tout au long de la semaine.
(Les sous-amendements nos 629 et 630 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'amendement n° 532 , troisième rectification, sous-amendé, est adopté.)
La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l'amendement n° 428 .
Il s'agit de pérenniser le dispositif de taxation des bonus des traders. Ces rémunérations, souvent extravagantes, ont beaucoup choqué nos compatriotes, et un dispositif nous avait été présenté comme devant moraliser la sphère financière, le secteur de la finance spéculative : nous proposons donc de rendre ce dispositif durable, au lieu de le limiter à une seule année.
La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 513 .
Défavorable aux trois amendements, conformément à la position que nous avions adoptée au début de l'année lorsque cette taxe a été votée en loi de finances rectificative.
(Les amendements identiques nos 357 et 428 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
(L'amendement n° 513 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 512 .
Tout à l'heure, on nous a dit que le modèle anglais était préférable au modèle allemand. Ce que propose cet amendement, c'est justement le modèle anglais : la taxe similaire instaurée au Royaume-Uni n'est pas déductible.
(L'amendement n° 512 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l'amendement, n° 51 , tendant à supprimer l'article 17.
Il s'agit de reporter à la seconde partie de la loi de finances cet article qui n'a pas sa place en première partie, puisqu'il n'a pas d'incidence sur l'équilibre budgétaire.
(L'amendement n° 51 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Prochaine séance, jeudi 21 octobre à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 21 octobre 2010, à une heure.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma