La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite du débat d'orientation des finances publiques pour 2009.
Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans le débat.
La parole est à M. Philippe Vigier.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, je souhaiterais commencer par quelques observations.
J'ai bien lu votre rapport préparatoire à ce débat qui nous a été remis ce matin et si j'ai pu y retrouver certains des engagements forts du Gouvernement pour l'an dernier, notamment en ce qui concerne l'université ou la justice, quelle n'a pas été ma surprise de constater qu'il n'y avait pas une ligne sur le cinquième risque ou le RSA et que si tout un paragraphe était consacré au Grenelle de l'environnement, en revanche, aucun financement n'était à la clef.
On sait pourtant qu'il s'agit-là d'engagements importants, voire essentiels. De plus, monsieur le ministre, vous qui êtes à la recherche permanente d'un point de croissance, et donc d'emploi, vous savez fort bien que l'Allemagne fait bien mieux que nous dans le domaine de l'environnement au sens large puisque ce secteur compte là-bas 900 000 emplois de plus que chez nous.
La recherche, la biodiversité, l'eau, les risques pour la santé ou la rénovation des logements sociaux sont des thèmes majeurs pour lesquels, je le répète, j'aurais aimé trouver des financements à la clef, d'autant qu'il s'agit à la fois d'engagements du Président de la République…
Comme l'école ou la sécurité routière.
…et, face à la mondialisation, d'enjeux de société et d'enjeux environnementaux.
J'insiste sur ce point dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, parce qu'il est le moment privilégié où nous pouvons évoquer la politique qui sera conduite durant l'année qui vient.
En ce qui concerne les dépenses, je suis heureux de saluer votre rigueur ainsi que la transparence dont vous faites preuve, dans les perspectives que vous évoquez, vis-à-vis des parlementaires – nous pouvons le vérifier lors de chaque réunion de la commission des finances. Je tiens donc à souligner la sincérité qui est la vôtre, même si je regrette que vous n'alliez pas plus loin en matière de recettes.
Vous le savez, le Nouveau Centre est attaché à la mise en place de mesures socialement justes et économiquement efficaces. Vous avez donc compris que je vous parlerai des niches fiscales !
Vous vous êtes déjà exprimé sur le sujet, ainsi que de nombreux députés, à la suite de différents rapports. Or, demain, que se passera-t-il alors que chacun sait que le coût des niches a augmenté considérablement puisque, en l'espace de cinq ans seulement, il est passé de 50 milliards à 73 milliards d'euros ? Il ne s'agit pas, du reste, d'incriminer les uns ou les autres.
Monsieur Emmanuelli, pour défiscaliser dans l'immobilier, il y a eu les lois Robien, Borloo, Demessine, et pour investir dans les DOM-TOM la loi Girardin : bref, pour constituer ce mille-feuilles, chacun y est allé de sa couche, si bien qu'on s'aperçoit que le volume global a augmenté année après année.
C'est la raison pour laquelle nous préconisons trois mesures.
Il s'agit tout d'abord d'instaurer un plafonnement pour chaque contribuable. Comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises, il n'est pas acceptable que ceux qui gagnent le plus aient la possibilité, grâce à des défiscalisations successives, de ne pas payer l'impôt.
Il s'agit ensuite d'assurer la visibilité en mettant en place un plafonnement du coût global des niches pour l'État.
Il s'agit enfin de plafonner l'ensemble des niches fiscales car aucune ne doit échapper au plafonnement.
Il s'agit d'un enjeu d'autant plus important que ces niches, vous le savez, ne sont pas accessibles à tous mais seulement à ceux qui ont les revenus les plus importants. Or le bouclier fiscal existe désormais pour les protéger. Il s'agit donc également de penser aux 6 millions de smicards, de rmistes ou de chômeurs qui n'y ont pas accès. Je suis indigné, je le dis, par ceux qui, gagnant plus d'un million d'euros, ne paient pas d'impôt. C'est totalement injuste.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous considérons qu'il est important de maintenir un niveau de recettes fiscales stable, grâce à un élargissement de l'assiette des grands impôts, et de réduire le déficit public – car il s'agit de cela.
Comme vous l'avez souligné ce matin, il faut assurément évaluer l'incidence et l'apport réel des niches avant de les supprimer naïvement. Toutefois, l'idée de faire 3 ou 4 milliards d'euros d'économies sur ces niches dès l'année 2009 est une idée juste.
Par ailleurs, deux mesures d'économies doivent être prises en matière d'allégements de charges sociales.
La première concerne leur concentration. Monsieur le ministre, vous devez certainement vous le rappeler, Charles de Courson, a, dans son discours de 2007, insisté sur la nécessité de concentrer les allégements de charges sociales sur les PME afin de ne plus permettre aux très grandes entreprises d'en bénéficier. Vous aviez alors trouvé l'idée intéressante et affirmé que vous la creuseriez. Je regrette qu'elle n'ait pas été retenue, d'autant que la Cour des comptes nous donne raison puisqu'elle affirme qu'il faut absolument la mettre en place.
La seconde mesure concerne la baisse du seuil d'exonération des charges de 1,6 à 1,4 SMIC – Charles de Courson l'a évoquée ce matin –, ce qui permettrait d'économiser, ne l'oublions pas, 35 millions d'euros pesant actuellement sur le budget de l'État.
Certains des orateurs qui sont intervenus ce matin ont évoqué un autre débat, qui porte sur la taxation des stock options.
Il n'est pas nouveau pour nous, monsieur Emmanuelli. Comme nous ne nous contentons pas de faire des commentaires, l'année dernière, nous présentions déjà trois mesures concrètes en la matière.
La première consiste à interdire à l'ensemble des mandataires sociaux de lever ou de céder des options tant qu'ils exercent des fonctions dans l'entreprise.
Cette interdiction s'applique évidemment aux attributions d'actions gratuites.
La deuxième mesure vise à instaurer une contribution sociale sur les plus-values de cession de stock options et d'actions gratuites au taux de 8 %, lorsque leur montant dépasse 50 000 euros.
La troisième mesure prévoit d'abaisser à 50 000 euros le seuil en dessous duquel la plus-value d'acquisition est taxée à 30 % et taxer à 40 % les attributions d'actions gratuites pour un montant qui excède 50 000 euros.
La volonté d'assainir les finances publiques est à nos yeux indispensable. Nous vous suivons sur le volet dépenses pour lequel vous avez fait des propositions concrètes. En revanche, en ce qui concerne les recettes, nous vous engageons à nous suivre.
Au Nouveau Centre, nous pensons que c'est l'assainissement des finances publiques qui conditionne en grande partie la croissance économique, et non la croissance économique qui conditionne à elle seule l'assainissement des finances publiques.
Je tiens à insister sur notre volonté de retrouver une croissance durable. Chacun se rappelle le débat sur la règle d'or qui a révélé les divergences entre ceux qui souhaitent laisser filer les déficits publics et ceux qui, comme Charles de Courson, affirment qu'on ne peut pas les laisser dériver. Vous l'avez rappelé devant la commission des finances la semaine dernière : c'est un problème moral et économique que nous devons prendre à bras-le-corps.
Prélever de l'épargne nationale pour financer les dépenses de fonctionnement affaiblit la croissance économique française et accroît le chômage.
Les collectivités locales n'ont rien à dire sur le sujet quand on sait combien les impôts locaux ont augmenté, en particulier dans les collectivités régionales.
Ainsi, l'inscription dans la Constitution d'une règle d'or interdisant de financer les dépenses de fonctionnement par l'emprunt constitue à nos yeux une contribution importante pour aller chercher ce fameux point de croissance qui nous manque.
Privilégier les mesures d'économie d'impôt plutôt que celles qui augmentent la dépense publique, c'est une véritable révolution culturelle.
C'est la raison pour laquelle nous vous soutenons totalement sur la RGPP : c'est audacieux, courageux, volontaire. Il faut y aller, c'est indispensable ! Hier, chacun dénonçait le trop grand nombre d'échelons et la complexité des centres de décisions mais personne ne faisait la réforme.
Toutefois, monsieur le ministre, nous devons également prévoir une véritable programmation pluriannuelle de nos dépenses publiques.
Celle qui prévaut en France reste très éloignée de la gestion pluriannuelle telle que la pratiquent le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou la Suède. Trois conditions sont fondamentales : la première, c'est un engagement politique au plus haut niveau – cela semble être le cas – ; la seconde, ce sont des objectifs crédibles, fixés sur la base d'hypothèses macroéconomiques prudentes – d'aucuns ont aujourd'hui souligné la difficulté du contexte économique national et international – ; la troisième consiste à établir un lien clair entre la programmation pluriannuelle et la procédure budgétaire annuelle.
C'est la raison pour laquelle le fait, pour le Gouvernement, de présenter ses dépenses sur trois années va tout à fait dans le bon sens. En revanche, monsieur le ministre, il faudra être attentif aux risques de fuite vers les dépenses fiscales.
Le Nouveau Centre est au rendez-vous de l'assainissement des dépenses publiques, de la justice sociale et de la relance économique. Une fois n'est pas coutume, nous souhaitons que les mesures d'économies sur les recettes soient socialement justes, moralement indispensables et budgétairement vertueuses. Au plan financier, la priorité des priorités demeure l'assainissement de nos finances publiques. C'est la condition du retour à une croissance durable. Le mur de la dépense n'est pas loin. Alors, n'y fonçons pas tête baissée et mettons en oeuvre, dès le projet de loi de finances pour 2009, des mesures concrètes d'économies, pour 8 à 10 milliards d'euros : nous vous en proposerons dans les prochaines semaines.
On ne saurait mettre de côté des engagements aussi forts que ceux qui ont été pris sur le cinquième risque et le RSA ou dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il convient d'être vertueux, afin que, demain, la politique soit à la hauteur des attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le ministre, le ch'ti étant à la mode, je n'hésite pas à prolonger le plaisir que, comme tant de Français, vous avez sans doute pris à regarder le film, en vous initiant à un mot de vocabulaire supplémentaire : je crains que vous ne soyez un "carottier".
Pour un Ch'ti, qu'est-ce qu'un "carottier" ? C'est une personne habile qui cherche à dissimuler la vérité pour faire croire à son interlocuteur ce qui n'est pas.
De fait, en matière d'éclairage de l'avenir, ni votre rapport préparatoire ni votre discours ne sont compatibles avec la vérité des chiffres et les réalités.
Je prendrai trois brefs exemples.
Vous affirmez que la croissance est « soutenue » et dans le cadrage macroéconomique que vous proposez, tout est en hausse : consommation, investissement, exportations !
Or, qu'observons-nous dans les statistiques de l'INSEE comme dans nos circonscriptions, pour la vie de tous les jours ? Les exportations sont en recul et le déficit commercial n'a jamais été aussi élevé. De leur côté, des ménages appauvris, déjà confrontés à la cherté de la vie et au coût croissant de l'énergie, n'en peuvent plus de devoir payer en plus les franchises médicales : leur pouvoir d'achat n'a jamais été aussi mauvais, ils partent moins en vacances et sont demandeurs de plus d'aides sociales. Les taux d'intérêt, enfin, sont en hausse, certaines entreprises, à l'instar des ménages, ont plus de difficultés à emprunter et le secteur immobilier est en pleine déprime.
Comment cela augmenterait-il demain la croissance ? Personne n'y croit ! L'économiste Patrick Artus, dans Le Monde de dimanche dernier, déclare que la croissance annuelle de la France sera de 1 % pendant deux ans. L'OCDE, dans son rapport Perspectives 2008, prévoit de son côté un ralentissement de la croissance à 1,5 % en 2009. Qui dit la vérité ? L'OCDE, ou vous, monsieur le ministre ?
Nous !
Mon deuxième exemple concerne l'évolution du déficit et de la dette. Vous proclamiez ce matin encore que le déficit pour 2007 améliorait celui de 2006. Vous dites éradiquer les sous-budgétisations et maîtriser la dette. Là encore, ce n'est pas la vérité !
Le déficit de 2007 n'est inférieur à celui de 2006 qu'au prix d'artifices liés au décalage des pensions d'État, à la cession de titres EDF, mais aussi à des dettes non réglées, dissimulées derrière des crédits sous-évalués, tels que les arriérés à la sécurité sociale ou le découvert au Crédit foncier pour l'épargne logement. D'une année à l'autre, l'écart est de 10 milliards d'euros ; la réalité est que le trou s'est creusé de 10 milliards d'euros !
C'est dire si la spirale de la dette risque bien de se poursuivre. D'autant que l'effet boule-de-neige joue à nouveau, tant se creuse l'écart entre les taux d'intérêt – à la hausse – et le taux de croissance – à la baisse –, du moins si l'on en croit l'OCDE. Vu les tendances en cours, vous n'y échapperez pas ; c'est bientôt un coup de massue qui va s'abattre sur nous, et notre stock de dette dérivera une fois de plus.
À la fin mars 2008, la dette publique atteint 1 250,6 milliards d'euros ; elle a donc déjà augmenté de 41,1 milliards d'euros par rapport à fin décembre 2007 ! Celle de l'État a augmenté de 35,8 milliards d'euros. Sait-on que la dette publique a augmenté de plus de 100 milliards d'euros entre fin 2006 et mars 2008, passant de 1 149 à 1 250 milliards d'euros ; que, sur la même période, celle de l'État est passée de 892 à 965 milliards d'euros, soit une progression de 73 milliards d'euros ; enfin, que celle des administrations de sécurité sociale est passée de 39 à 57 milliards d'euros, soit une hausse de 18 milliards d'euros ?
Dissimulation du déficit 2007, mécanique infernale des charges financières, accumulation de la dette sociale, quasi-stagnation des recettes fiscales et, surtout, dépenses fiscales d'hier dont on n'avait pas les moyens, tout s'additionne pour, comme l'écrit dans son rapport préliminaire la Cour des comptes, contribuer à une « aggravation de la situation des finances publiques » et une « dégradation de la situation de l'État ».
Alors, qui dit la vérité ? La Cour des comptes, ou vous, monsieur le ministre ?
Enfin, troisième exemple, vous voulez faire porter sur les collectivités locales les conséquences de l'incurie de la gestion financière de l'État.
La croissance à zéro volume des dotations de l'État que vous annoncez se traduira pour ces collectivités par des dotations forfaitaires en stagnation, par des dotations de compensations encore en nette baisse ; cela signifiera encore souvent que les dotations globales baisseront – baisse assez forte même en 2009 ! Comment faire, alors, avec une inflation à plus de 3 %, et avec des dépenses qui augmentent d'autant ? C'est un garrot en puissance auquel vous condamnez bien des collectivités locales.
Oublieriez-vous qu'elles sont le premier investisseur public en France, à hauteur de 73 % du total ? N'auriez-vous pas entendu Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, qui, en commission des finances, nous déclarait, le 25 juin, qu'il était « difficile d'imputer aux collectivités locales la situation difficile des finances publiques » ? Alors, pour se défausser de ses propres responsabilités, l'État, dans sa gestion financière, s'apprête à commettre une erreur économique et politique aux conséquences sociales dramatiques.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, vous que je crois fondamentalement un honnête homme, je crains que vous ne vous livriez dans vos écrits comme dans vos propos de ce matin à un rôle de composition, sans doute, un rôle d'illusionniste du chiffre et du verbe qui dissimule les réalités, et dont la volonté tient en fait de la méthode Coué.
Nous le dénonçons donc et continuerons de le faire, car, soyez-en certain, monsieur le ministre, si, en 2009, votre objectif est de « gagner des millions », l'opposition, elle, n'a pas encore « dit son dernier mot » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous vous étonnez, monsieur le ministre, que l'on parle autant des collectivités territoriales au cours de ce débat puisque, dites-vous, elles font partie d'un tout. J'en suis bien d'accord, mais vous conviendrez avec moi que la situation n'est pas identique sur tous les points du territoire.
Elle n'est dans doute pas la même chez vous, à Chantilly, que chez moi, à Guéret – et pas seulement à cause du champ de courses. Convenez pourtant que les citoyens devraient, s'ils ont les mêmes devoirs, jouir des mêmes droits : droit à la santé, droit à l'éducation, droit aux transports. Ce qui signifie que tout n'est pas comptable, à moins d'affirmer très clairement que l'on sacrifie des pans entiers du territoire.
Oui, monsieur le ministre, les territoires ruraux ont le sentiment d'être sacrifiés sur l'autel de la rentabilité.
Il y a loin du discours aux actes. On nous dit que l'on nous aime, mais on ne nous le prouve que très rarement.
Vous parliez des zones de revitalisation rurales. En ce qui les concerne, monsieur le ministre, nous n'avons qu'un souhait : qu'on les supprime un jour parce que devenues inutiles. Or, si elles ont été créées, c'est qu'elles répondaient à une évidente nécessité.
Non, nous ne sommes pas tous égaux et convenez avec moi qu'il est normal que nous demandions, pour les territoires les plus fragiles, que l'État soit encore plus attentif que pour les autres.
Sachez bien que nous regrettons tous d'avoir à passer beaucoup plus de temps à nous défendre qu'à construire. Nous croyons en nos territoires, mais nous ne trouvons dans les mesures que vous annoncez aucun encouragement pour toutes celles et tous ceux qui, au quotidien, et quelle que soit leur appartenance politique, n'ont qu'une ambition : celle d'une gestion rigoureuse au service de leurs concitoyens et du développement.
Monsieur le ministre, je préside la commission nationale des territoires ruraux au sein de l'Association des maires de France. J'écoute, j'entends ce que disent les élus et, bien entendu, comme c'est mon rôle, je suis là pour vous en faire part. Nous souhaitons de votre part un discours lisible sur l'avenir. Nous voulons vraiment connaître vos intentions.
Il a fallu un an, monsieur le ministre, pour nommer un secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire !
Ce n'est pas le secrétaire d'État qui en est chargé qui s'occupe à lui seul de l'aménagement du territoire !
Ce n'est pas un bon signe, d'autant qu'on ne l'entend pas beaucoup.
Si nous avons bien compris, l'effort demandé sera le même en tout point du territoire. Cela ne fera donc qu'accentuer la différence entre eux, M. de Courson l'a très bien dit ce matin.
Il n'est cependant pas question d'opposer les territoires les uns aux autres, mais nous pensons que l'argent qui est placé dans les ZRR est de l'argent bien placé. À un moment où vous évoquez des pertes de recettes liées à des réductions de TVA, nous nous inquiétons de leur répercussion, comme nous nous inquiétons des mesures que vous annoncez pour 2009 et au-delà.
Le programme de stabilité que vous proposez suppose un effort considérable, alors que la croissance de la dépense publique n'a jamais pu être durablement ramenée au-dessous de 2 % en volume.
Selon nous, vous n'êtes pas réalistes, et, comme chaque collectivité est dépendante l'une de l'autre, au bout du compte, tout le monde est perdant, y compris les entreprises, donc l'emploi et la croissance – je ne vais pas reprendre le couplet des 72 % d'investissements publics.
Un engagement a été pris par le Président de la République sur la fiscalité locale. C'était il y a près d'un an ; il est temps d'engager la réflexion à ce sujet. Nous savons que les contraintes à prendre en compte sont considérables, que les objectifs à atteindre seront source de débats difficiles, mais, grâce aux rapports que vous connaissez, des pistes sont tracées. Débattons-en ensemble sans perdre trop de temps.
Pour ce qui concerne le court terme, selon la Cour des comptes, « le chantier ne pourra produire des effets que dans le temps et il ne peut se dispenser d'aménagements à plus brève échéance ». Une attention plus grande doit être portée à la péréquation pour éviter que les collectivités à faible potentiel fiscal ne soient plus encore pénalisées par la faiblesse actuelle de la part péréquatrice des dotations de l'État.
Le candidat à la Présidence de la République avait déclaré : « Il est normal que les Hauts-de-Seine aident la Creuse. » Après la théorie, je souhaite maintenant que l'on en vienne à la pratique.
Monsieur le ministre, compte tenu du retard pris par le débat – et dont vous n'êtes pas responsable –, je ne serai pas présent pour vous entendre, et je le regrette car la courtoisie l'aurait voulu. Je conduis tout à l'heure au secrétariat d'État chargé des transports une délégation d'élus locaux qui aimeraient voir les trains s'arrêter chez eux.
Il s'agit-là d'une parfaite illustration de ce que je vous disais : que les trains s'arrêtent et qu'on puisse enfin aménager ce territoire.
Toutefois, monsieur le ministre, si je ne suis pas là, je serai tout de même très attentif à tout ce que vous pourrez dire à ces élus des territoires ruraux qui attendent des réponses précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je souhaite vous dire que, pour ce qui concerne ce second budget de la législature, nul n'est besoin de se livrer à des calculs compliqués pour comprendre que nous devons accélérer les réformes, que nous nous trouvons dans une situation qui suppose que nous soyons ambitieux et que nous ayons le courage de présenter des mesures d'une autre ampleur que celles que nous avons songé à appliquer jusqu'à présent.
L'année qui s'annonce sera en effet dure, sans doute davantage que la précédente, tant les crises de toute nature semblent perdurer. J'entends encore ici ou là quelques-unes parmi les dix spécialistes de la question expliquer que nous étions en train de sortir de la crise des subprimes, que nous pouvions faire preuve d'optimisme, alors qu'en réalité il n'en est rien ! Comme d'habitude, on nous livre de mauvaises interprétations du premier signe d'optimisme venu ; or nous nous trouvons dans une situation difficile, et, comme l'année qui s'annonce a toutes les chances d'être plus dure que celle-ci, il y a matière à s'inquiéter.
En effet, nous avons obtenu une bonne croissance en 2007, toutes choses égales par ailleurs. Nous avons néanmoins dû constater l'alourdissement de la dette publique et l'augmentation des déficits. Cela signifie que si nous n'y prenons garde, nous nous retrouverons dans une situation bien pire à l'issue de cette année.
Monsieur le ministre, vous avez pris d'ores et déjà toute une série de mesures dont on ne peut que vous féliciter.
Elles s'inscrivent dans la continuité de ce que vous-même aviez impulsé il y a quelques années : les stratégies ministérielles de réforme, puis les audits publics ; enfin, aujourd'hui, la RGPP qui est pleine d'ambition.
Elle porte en effet sur un montant global de 425 milliards d'euros, soit 40 % de la dépense publique. Vous me permettrez néanmoins – ce sera l'essentiel de mon propos –, de formuler deux remarques à son sujet pour vous expliquer, même si je ne dispose pas du temps nécessaire pour développer mon argumentation, pourquoi je suis convaincu que toutes les mesures suggérées ce matin par nombre de mes collègues, et en particulier des mesures qui pourraient rapporter quelques milliards d'euros, sont parfaitement appropriées.
Je souhaite tout d'abord souligner que les effets positifs de la RGPP ne viendront qu'à terme, ce qui signifie – j'en suis malheureusement convaincu – que nous ne devons pas escompter, dans les trois ou quatre prochaines années, des économies à hauteur de ce que nous espérons. On avance le chiffre de 6 milliards. Fort bien. Je préciserai deux points sur deux sujets que j'ai l'honneur, au sein de la commission des finances, de suivre régulièrement.
Ainsi, l'immobilier représente 40 % de la RGPP. Les études que nous menons – d'ailleurs de façon très consensuelle en commission – démontrent que, dans les prochaines années, les investissements initiaux seront des investissements lourds, car, avant de rationaliser son parc immobilier, il faudra le réorganiser, ce qui supposera de nouvelles acquisitions, des prises à bail et, de facto, des coûts nouveaux.
Parallèlement, des réformes que j'approuve pleinement, celle de la carte judiciaire comme celle de la carte militaire – même si je comprends parfaitement les inquiétudes qu'elles peuvent susciter –, induiront elles aussi toute une série de coûts. On doit par ailleurs compter avec la mise aux normes HQE, dont le montant, selon certains chiffrages, pourrait s'élever à quelque 25 milliards d'euros pour les dix ou quinze prochaines années.
Par conséquent, en ce qui concerne la RGPP immobilier, en restant optimiste, on peut penser que nous parviendrons tout de même à un point d'équilibre mais guère mieux. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, et je sais que vous suivez ce dossier avec une particulière attention, je pense que toutes les réformes que vous avez engagées doivent être accélérées et en particulier – mais vous nous avez rassurés à cet égard il y a quelques jours – la suppression du décret d'affectation aux ministères de leur patrimoine et, pour tout vous dire, vous savez ma conviction à ce sujet, la suppression de la règle du retour de 85 % des produits de cession qui n'aboutit à rien d'autre qu'à morceler le sentiment du patrimoine de l'État dans les ministères.
Ma deuxième remarque, après l'immobilier, et elle est parfaitement parallèle, concerne la fonction publique. Je constate que le Gouvernement a pris toute une série d'engagements, que j'approuve, mais qui vont être coûteux pour nos finances publiques.
Il s'agit, bien entendu, de cette règle du retour de 50 % des économies générées par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Ce matin, l'un de nos collègues de l'opposition indiquait, à juste titre, qu'il fallait en attendre, au maximum, entre 450 et 500 millions d'euros. Ce n'est donc pas une formidable manne financière.
Il y aura, en second lieu, mes chers collègues, l'impact du Livre blanc, avec l'harmonisation par le haut des régimes indemnitaires. Par définition, la mise en oeuvre du Livre blanc aura un coût. Son auteur a d'ailleurs précisé qu'il lui paraissait opportun que ces mesures ne s'appliquent qu'au terme d'un an ou d'un an et demi, et ce, entre autres, pour des raisons financières.
La loi sur la mobilité, adoptée au Sénat en avril dernier, va aboutir à mettre en place tout un système, qui sera assez onéreux. J'en rappelle quelques-uns des points principaux : l'indemnité temporaire de mobilité, 10 000 euros ; la prime de restructuration, 15 000 euros ; l'indemnité de départ volontaire jusqu'à 24 mois, qui va coûter fort cher.
Et puis, il y a tout ce que vous faites, et que vous faites très bien, dans le consensus – vous parvenez à obtenir par l'accord des résultats que d'autres n'obtenaient que par des décisions unilatérales –, en matière de politique de rémunération, avec en particulier la GIPA, l'indemnité de garantie individuelle du pouvoir d'achat, qui engendrera des coûts supplémentaires.
Monsieur le ministre, comme le temps m'est compté, je voudrais simplement dire, de façon très succincte et très simple, la chose suivante. Quels que soient, je crois, les bancs sur lesquels nous siégeons, nous sommes conscients de la situation des finances publiques. Vous avez lancé la réforme, et vous la poursuivez de manière ambitieuse. Je crois qu'on ne peut pas faire l'économie, dans le prochain budget, de mesures d'une autre nature. C'est la raison pour laquelle je m'associe à ce qui a été dit sur le plafonnement des niches, ainsi que sur la nécessité de réduire de 1,6 à 1,4 fois le SMIC le seuil des exonérations de charges sociales sur les bas salaires.
Je suis convaincu, enfin, qu'il faudra prendre des mesures beaucoup plus ambitieuses dans le domaine du contrôle du périmètre de l'État. Les opérateurs – Michel Bouvard l'a longuement décrit ce matin – sont aujourd'hui complètement exonérés de toutes les règles de maîtrise des dépenses auxquelles l'État s'astreint.
Si l'on ne prend pas des mesures de cette nature, si l'on n'a pas le courage d'aller plus loin, ce sera le second budget qui n'aboutira pas à la réduction du déficit. Et tant par conviction personnelle que par rapport à nos engagements européens, je trouverais cela tout à fait dommageable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire pour 2009 offre à la représentation nationale l'occasion de dresser les perspectives de notre politique budgétaire pour les années à venir, en même temps qu'il nous permet de préciser l'état de nos finances publiques, et donc de prendre l'ampleur de ce qu'il convient d'appeler une faillite.
Un an après les premières mesures économiques et financières du Gouvernement, lesquelles ne rompaient en rien avec la politique des gouvernements Raffarin et Villepin, les craintes que nous n'avons cessé de vous adresser se sont confirmées. Vos mesures ont eu un double coût : un coût indéniable pour le pouvoir d'achat des Français et pour la justice sociale, mais aussi un coût budgétaire, que les derniers chiffres ne font que confirmer, hélas !
Le déficit de l'État dépasse les 50 milliards d'euros et l'aggravation du trou budgétaire est patente sur les deux dernières années, puisque, à la fin de mai 2006, ce même déficit s'élevait à 42,5 milliards d'euros.
Si bien qu'aujourd'hui, toute perspective d'un déficit durablement stabilisé autour de 40 à 50 milliards semble devoir d'ores et déjà être écartée. Et que dire d'un retour à l'équilibre en 2012, comme le promet le Premier ministre ? C'est tout simplement impossible !
Rien que pour tenir nos engagements européens, nous devrions réaliser plus de 65 milliards d'économies entre 2009 et 2011, comme l'a précisé le rapporteur général du Sénat, Philippe Marini, sénateur UMP.
À cela, il convient d'ajouter qu'il devrait y avoir en 2008 entre 3 et 5 milliards de moins-value de recettes fiscales, comme vous l'avez vous-même indiqué, monsieur le ministre, et la charge de la dette devrait augmenter de l'ordre de 2,5 milliards. L'alourdissement de la dette est aujourd'hui estimé à près de 64 % du produit intérieur brut, soit 47 000 euros par actif occupé : un record !
Et la situation pour l'année 2009 ne s'annonce guère meilleure, pour ne pas dire pire : si vos prévisions d'une inflation de 2 % s'avéraient exactes, cela n'empêcherait pas d'alourdir les dépenses sociales de plus de 3 milliards.
Or, la trajectoire prise actuellement par les finances publiques de notre pays est en train de nous conduire tout droit vers un déficit public de 3 % en 2008 et, au mieux, d'autant en 2009.
Les prévisions d'un déficit public compris entre 2 et 2,5 % ne sont plus jugées crédibles. D'ailleurs, la Commission économique, monsieur le ministre, n'a pas manqué de vous adresser un avertissement précisant que le déficit public dépassera en 2009 le seuil de 3 % du PIB.
Au total, la Cour des comptes évalue le solde budgétaire à 44 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter, toujours selon la Cour des Comptes, « les dépenses qui auraient dû être payées en 2007 et qui, ne l'ayant pas été, souvent en raison de l'insuffisance des crédits ouverts, se sont retrouvées purement et simplement reportées sur l'exercice 2008 », pour un montant d'au moins 5,5 milliards d'euros. Autrement dit, le déficit de l'État s'est creusé de près d'un cinquième d'une année sur l'autre.
On est très loin des grandes annonces et des belles formules contenues dans le projet de loi de règlement des comptes pour 2007, lequel parle de « vertu », de « performance », de « maîtrise », ou encore de « chaînage vertueux » !
En matière budgétaire plus encore que dans tout autre domaine, la rhétorique ne peut suffire à cacher la réalité implacable des chiffres.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment vous sera-t-il possible de ramener le déficit public à 2 %, comme vous l'avez annoncé,…
…tout en finançant certaines des grandes priorités décidées par le Gouvernement, comme l'enseignement supérieur, ou encore la justice ? Où trouver les sommes manquantes ? La suppression de 32 000 postes de fonctionnaires en 2009 n'y suffira bien évidemment pas, car cette mesure ne rapportera qu'une somme inférieure à 400 millions d'euros.
C'est donc l'ensemble de votre architecture budgétaire qu'il faut revoir, et de nouveaux choix budgétaires s'imposent pour le budget 2009.
C'est d'ailleurs à une autre politique qu'aspirent les Français, une politique qui soit d'abord fondée sur la transparence et la sincérité budgétaires, et qui s'inscrive dans le long terme. Et certainement pas une politique à courte vue, au coup par coup, et dont les deux piliers sont l'attente du retour providentiel de la croissance mondiale et le choc psychologique !
Aujourd'hui, bien loin de promouvoir « la France de ceux qui se lèvent tôt », la politique du Président de la République favorise la France des riches, les premiers bénéficiaires des niches fiscales.
En outre, notre pays se situe à contre-courant de la politique rigoureuse de la plupart de nos voisins européens et accroît le poids de la dette, au mépris de nos engagements.
Dans ces conditions, nous nous dirigeons encore un peu plus vers une aggravation abyssale de nos déficits, laquelle est synonyme d'aggravation dangereuse des inégalités entre les Français, d'une part, et entre les territoires, d'autre part, au risque d'exacerber les tensions au sein de notre société.
Hormis l'espoir du retour miraculeux d'une croissance improbable à court terme, de quelles marges de manoeuvre disposez-vous, monsieur le ministre ?
Allez-vous construire le projet de loi de finances pour 2009 sur la base d'hypothèses sincères et réalistes, suivant ainsi les conjoncturistes les plus optimistes, qui ne prévoient pas pour 2009 une croissance supérieure à 1,4 % ?
Enfin, pourquoi refuser de réduire, voire de supprimer, des niches fiscales et sociales pour mieux protéger des recettes publiques bien fragiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le marquis est en forme, cet après-midi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, notre majorité a été élue pour réformer, afin de soutenir la croissance et de rendre du pouvoir d'achat aux Français.
Le débat d'orientation budgétaire doit prendre en compte cette exigence. Il y va évidemment de notre crédibilité.
Mais pour cela, il faut poursuivre l'effort d'assainissement de nos finances publiques, pour retrouver des marges de manoeuvre. Dans ce domaine, il n'y a pas de fatalité. Nos voisins européens l'ont fait, et …
C'est un intégriste ! C'est Mgr Lefebvre ! (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. le marquis est en forme, je l'avais dit !
Nos voisins européens l'ont fait, disais-je, et la crise doit être un accélérateur de réformes. Car si la rigueur est une mauvaise réponse, la réforme est la seule bonne et vraie réponse pour affronter la situation dans laquelle se trouve notre pays du fait que tant de gouvernements se sont succédé sans faire les réformes.
La révision générale des politiques publiques, engagée par le Président de la République, et que vous conduisez personnellement, monsieur le ministre, ça marche !
Et le courage, ça marche aussi.
Les réformes de la carte judiciaire, de la carte militaire, de la carte sanitaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), qui font hurler les uns et les autres, ce sont des réformes indispensables. Il faut les affronter de face, avec un peu de courage. Vous en avez manqué, il nous en faut pour rattraper le temps perdu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sur tous les bancs de cette assemblée, et en tout cas à l'UMP, nous voulons participer à ce mouvement de réforme. Mais nous vous demandons de reconnaître le pouvoir d'évaluation du Parlement. Nous y sommes revenus à plusieurs reprises dans cet hémicycle. Avec le président Migaud et avec d'autres collègues siégeant sur tous les bancs, nous vous avons dit combien nous étions prêts à participer, mais le Parlement a le droit d'être destinataire des évaluations et des études d'impact réalisées par le Gouvernement. C'est la moindre des choses, si nous voulons être efficaces, comme c'est évidemment votre objectif, monsieur le ministre.
Et là, j'en viens aux collectivités locales, puisque je vois que beaucoup sourient, à ma gauche.
Visiblement, on a un peu tendance à oublier la responsabilité des collectivités locales. Parce que, au moment où le Gouvernement et sa majorité font des efforts, et des efforts importants, pour serrer la ceinture de l'État (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…
Pour serrer la ceinture des Français ! Demandez à Bouygues et Bolloré si leur ceinture est serrée ! Elle l'est si peu qu'ils l'ont perdue !
…on constate malheureusement que dans les collectivités locales, et notamment les régions, l'effort reste pour le moins à accomplir.
Je le dis très clairement, à l'UMP, nous allons poser ce débat. Nous l'avons fait sur la justice sociale il y a quelques mois – encore un domaine où vous parlez beaucoup mais où vous ne faites pas grand-chose. Eh bien, sur les questions touchant aux collectivités locales, aux niveaux de collectivités, à la carte administrative, à la fiscalité locale, l'UMP va également, d'ici la fin de l'année, organiser une convention. Parce qu'il va bien falloir que dans ce pays, nous prenions nos responsabilités.
Comme à la convention sur la justice sociale, chers collègues de l'opposition, vous êtes invités, si vous voulez participer et débattre. Puisque ces sujets-là, visiblement, vous n'arrivez pas à en débattre au sein de vos familles politiques respectives, nous vous invitons à le faire avec nous.
Nous n'en avons pas les moyens, nous ne sommes pas à la hauteur, avec des intellectuels comme vous !
Avec des intellectuels comme Johnny Hallyday et Doc Gynéco, non merci !
En tout cas, ce sont des débats qu'il faut affronter. Car je veux rappeler ici une vérité historique : le taux de prélèvements obligatoires a atteint son sommet à un moment où vous étiez au pouvoir, en 1999 – cette date doit vous dire quelque chose –, avec 44,9 % du PIB.
Mais je ne dédouane pas non plus la majorité. Car notre taux de prélèvements obligatoires a été systématiquement supérieur à la moyenne de l'Union européenne, celle des Quinze puis celle des Vingt-Sept, comme à la moyenne de l'ensemble des pays de l'OCDE.
Vous avez beaucoup critiqué, attaqué ce que vous avez appelé le paquet fiscal.
Mais je veux dire ici que si ce paquet fiscal n'avait pas été mis en place, avec les heures supplémentaires ou avec la déduction des intérêts d'emprunt, j'imagine ce que serait aujourd'hui l'état de notre pays ! Vous avez beau critiquer, cette mesure a été un amortisseur de crise.
Et le bouclier fiscal, je le dis à M. Emmanuelli,…
…74 % de ceux qui en bénéficient ont un revenu fiscal de référence inférieur à 3 753 euros, c'est-à-dire 312 euros par mois. Est-on riche quand on gagne 312 euros par mois ?
Et ceux qui se lèvent tôt et travaillent dur, mais n'arrivent pas à payer la taxe foncière, considérez-vous qu'ils sont riches ?
Le parti socialiste n'a toujours pas reconnu publiquement cette erreur – notamment M. Montebourg, qui continue d'expliquer que les milliers de contribuables qui reçoivent des chèques du Trésor public sont riches. Pourtant, vous vous seriez grandis à le faire. Mais il n'est jamais trop tard, et je vous engage à profiter de ce débat pour le faire.
Quoi qu'il en soit, pour notre pays, la seule voie est celle de la réforme. Et il faut poursuivre les réformes sous l'angle de la justice sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous avons augmenté massivement la prime pour l'emploi : un milliard d'augmentation en 2007. Ce sont ainsi 9 millions de salariés aux revenus modestes qui disposent d'un treizième mois. Vous en aviez rêvé, nous l'avons fait. Nous allons la redéployer pour mieux la distribuer aux Français les plus modestes.
De la même façon, nous allons mettre en place le RSA, le revenu de solidarité active. Là encore, vous en avez beaucoup parlé mais vous n'avez jamais agi.
Je propose de mettre en place le dividende salarial. Vous avez vu qu'à la SNCF, il a été mis en place par ce grand président qu'est Guillaume Pepy, qui n'est pas connu pour partager nécessairement toutes les idées qui sont les miennes.
Nous allons être intransigeants pour revaloriser les petites retraites. Les bourses étudiantes le seront également.
Mais pour faire des économies, monsieur le ministre, et je le dis avec beaucoup de gravité, il faut, comme s'y étaient essayés Didier Migaud, Gilles Carrez, Pierre Méhaignerie, ou encore Jean-François Copé – et Georges Tron allait tout à l'heure dans le même sens, tout comme le Nouveau Centre, c'est dire s'il y a largement de quoi réunir une majorité autour de cet objectif –, mettre en place un plafond global des niches fiscales.
Il y a des économies à réaliser – vous les chiffrez vous-mêmes entre 800 millions et un milliard d'euros – et, à la clef, il y a plus d'équité.
Vous l'avez compris, les groupes UMP, Nouveau Centre et beaucoup de parlementaires sur tous les bancs, membres de la commission des finances notamment, vous donnent rendez-vous sur cette question, car nous pensons qu'il faut chercher à faire des économies. Nous voulons que le Parlement nous accompagne et nous entendons bien que le Gouvernement nous écoute.
…dirigé vers la justice sociale, où l'on dépense moins, mais où l'on dépense mieux, …
…que nous souhaitons pour 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais débuter mon propos – une fois n'est pas coutume – par une déclaration d'Alain Lambert, sénateur UMP (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), qui date du 28 juin dernier :
« Monsieur le Président de la République, je lis, dans Le Figaro de ce jour, que vous redoutez que les collectivités locales soient la cause du retard pris par la France dans sa modernisation et le redressement de ses comptes publics. Respectueusement, je voudrais vous mettre en garde sur ce qui constitue, selon moi, une vraie erreur de diagnostic. »
C'est un homme assez sensé, qui a été, avec Didier Migaud, à l'origine de la LOLF.
Il connaît assez bien les collectivités locales. Il s'agissait peut-être d'appeler, de manière correcte, l'attention sur celles-ci.
Si j'ai choisi de commencer par cette déclaration, c'est parce qu'elle met en lumière ce qu'est aujourd'hui la politique du Gouvernement à l'égard des collectivités locales : en faire des boucs émissaires, d'une part, et « leur faire les poches », si vous me permettez cette expression, d'autre part.
C'est ainsi que sur deux fronts, l'un idéologique, l'autre financier, le Gouvernement a engagé la plus grande offensive jamais menée dans ce pays contre les collectivités locales.
Cette offensive transparaît par exemple dans le rapport préparatoire remis par le Gouvernement.
Ce rapport, qui est tout de même supposé énoncer les orientations pour l'ensemble des finances publiques, est particulièrement succinct en ce qui concerne les finances locales, à tel point qu'on peut le résumer facilement en quelques rubriques.
Premièrement, le rythme de croissance des dépenses des collectivités est très élevé depuis trente ans, en raison du dynamisme de leurs ressources, qui sont largement financées par l'État.
Deuxièmement, les collectivités doivent donc freiner très nettement leurs dépenses, ce qui permettra à l'État de faire des économies.
J'ai résumé succinctement le rapport, mais je ne crois pas tronquer l'analyse de ce document.
Il me paraît utile, ici, de rappeler à tous ceux qui font régulièrement mine de l'oublier, le principe de libre administration des collectivités locales, posé par l'article 72 de notre Constitution. Depuis que cela figure dans la Constitution, nous n'avons jamais eu autant d'atteintes à la libre administration des collectivités locales.
Ce principe signifie entre autres que le Gouvernement n'a pas à fixer le rythme de dépenses des collectivités locales, qui découle des décisions prises par des conseils élus.
Si l'UMP veut réduire ou ralentir les dépenses locales, elle doit gagner les élections locales, et non chercher à contraindre d'en haut le choix des collectivités. En effet, il n'y a aucune raison de demander aux collectivités de prendre part à la limitation des dépenses publiques, à partir du moment où elles prennent leur juste part de la maîtrise des déficits et de la dette publique, ce qui est précisément la situation actuelle, puisque, fin 2007, la dette des collectivités locales représentait 7,2 % du PIB contre 49,2 % pour l'État.
Cependant, la politique du Gouvernement conduit à remettre en cause cette capacité à limiter les déficits publics, puisqu'il attaque simultanément les deux principales catégories de ressources des collectivités – les dotations et la fiscalité locale.
Ainsi, lors de la dernière conférence nationale des exécutifs, le Gouvernement a annoncé que les concours financiers de l'État aux collectivités évolueraient désormais au rythme de l'inflation.
En outre, il a l'audace d'intégrer le FCTVA, qui permet aux collectivités de se voir rembourser la TVA sur leurs investissements, dans l'enveloppe normée.
Ainsi, plus les collectivités investiront, plus les concours financiers qu'elles percevront, en dehors du FCTVA, seront diminués. (« Tout à fait ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je ne parle pas des conséquences sur la croissance, en particulier dans le bâtiment, où l'on voit bien que la crise du logement ne fait que démarrer, suite à la crise financière. Seuls 70 % des investissements publics financés par les collectivités vont en direction de ce secteur, sans doute clef, du monde de l'emploi.
Quand on se souvient que pour justifier la loi sur les PPP, il y a peu de temps encore, le Gouvernement avait mis en avant la nécessité de développer l'investissement public,…
…on ne peut qu'être frappé par le cynisme de cette décision, qui lui permettra de récupérer, pour la seule année 2009, 660 millions d'euros, avant qu'une réforme du FCTVA prévue en 2010 n'augmente encore ce chiffre.
De même, alors que la presse s'est déjà fait l'écho de scenarii envisagés par le Gouvernement en matière de réforme de la fiscalité locale, comme une baisse du plafonnement de la taxe professionnelle – lequel a déjà coûté 640 millions d'euros aux collectivités en 2007 –, l'exécutif a pour le moment refusé d'indiquer clairement ses intentions.
Pourtant, tout le monde sait qu'il est nécessaire de donner une véritable autonomie fiscale aux collectivités, afin qu'elles disposent des moyens d'assumer les responsabilités qui leur ont été confiées par les Français. Cela implique de mettre fin au système des dégrèvements. Vous voulez que des propositions soient faites. J'ai été chargé par mon groupe de travailler sur ces questions. M. le président de la commission des finances a demandé à M. Laffineur, député UMP, et à moi-même de procéder à une étude.
À titre personnel, je crois qu'il faut s'attaquer à la question des dégrèvements. L'État ne peut pas être le premier contributeur local en France du fait de la multiplicité du principe d'« additionnalité » d'exonérations.
Ouvrons le jeu, touchons au système des dégrèvements qui conduit l'État à financer plus d'un quart du produit des « quatre vieilles »…
…et de donner aux collectivités locales des impositions modernes, qui ne soient ni régressives ni anti-économiques.
C'est pourquoi nous, députés socialistes, avons fait le choix de nous inscrire, aux côtés des associations d'élus, dans les orientations du rapport du Conseil économique et social rédigé par Philippe Valletoux. À ce titre, nous proposons : premièrement, une réforme globale de la fiscalité locale ; deuxièmement, une réforme à prélèvement global constant – État et collectivités – ; troisièmement, l'existence d'un seul pouvoir fiscal local par impôt ; …
…quatrièmement, la mise en place, pour chaque niveau de collectivité, d'un « panier » d'impôts reposant sur les ménages et les entreprises ; cinquièmement, le maintien de la répartition actuelle des prélèvements entre les ménages, d'une part, et, les entreprises, d'autre part.
Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez dire, ici et maintenant, que ces orientations sont aussi les vôtres. Je pense en particulier au maintien de la répartition ménages-entreprises, car les Français doivent savoir si vous envisagez d'augmenter la fiscalité des ménages pour diminuer celle des entreprises.
J'espère que vous serez en mesure de le faire, mais je n'en suis pas certain, car une telle réforme nécessite que le Gouvernement rompe véritablement avec l'attitude qui, jusqu'à présent, a été la sienne, celle d'attaquer la légitimité des collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui sur les orientations de nos finances publiques n'est pas un simple débat technique : c'est un problème politique qui touche aussi bien l'avenir des collectivités locales que le fonctionnement des administrations publiques ou la pérennité de notre système de soins.
Depuis des années, toutes majorités confondues, l'état des finances publiques en France est au mieux médiocre, au pire préoccupant.
Quand tous les gouvernements européens se sont acquittés de leurs obligations et ont réduit leur dette publique, nous nous sommes accommodés d'une situation qui rend chaque année plus douloureux le retour à l'équilibre.
Aujourd'hui, nous sommes une nouvelle fois à la croisée des chemins.
Soit nous engageons résolument une politique de désendettement qui ne donnera des résultats que progressivement, année après année, soit nous estimons que la conjoncture économique est incompatible avec un effort supplémentaire sur les finances publiques et qu'il vaut mieux laisser filer le déficit, ou le contenir tant bien que mal.
Pour ma part, j'estime que nous n'avons pas le choix. Le désendettement de la France n'est pas une obligation budgétaire. C'est une condition de maintien de sa puissance, de la relance de son économie et du retour de la confiance des Français.
C'est aussi le bon sens. Il suffit de regarder l'évolution démographique de notre pays, qui, comme tous les pays développés, vieillit rapidement – l'augmentation du nombre de personnes qui atteignent soixante ans dans l'année de représente une charge supplémentaire de 2,75 milliards d'euros par an pour cette année et de 3 milliards en 2010.
Il suffit aussi de regarder la conjoncture économique : le retour d'une inflation, même limitée, a un impact négatif lourd sur nos finances publiques. L'inflation par les coûts, liée à la hausse du prix du pétrole, réduit les recettes fiscales de l'État et alourdit les dépenses sociales, tandis que l'augmentation des taux d'intérêt accroît mécaniquement la charge de la dette.
Il suffit enfin de regarder la situation de nos principaux partenaires européens, en particulier l'Allemagne, qui ont consenti les efforts de redressement nécessaires. En Allemagne, le déficit structurel est passé de 2,4 % du PIB à 0,3 % en 2007, tandis « que le déficit structurel de la France restait stable, pour la même période, autour de 2,9 % du PIB.
Dans ce contexte, l'assainissement de nos finances publiques était hier une possibilité. C'est aujourd'hui un devoir. Et je me réjouis qu'Éric Woerth et l'ensemble du Gouvernement se soient engagés résolument en ce sens.
Pour inverser le cours des choses, il est essentiel de définir une stratégie ambitieuse et d'avancer dans trois directions.
La première est politique. Il s'agit de faire comprendre aux Français que notre pays se trouve aujourd'hui dans une situation singulière en Europe, que son endettement est un fardeau qui pèse sur l'économie réelle et que le creusement des déficits n'est dans l'intérêt de personne. Il s'agit aussi de les convaincre que le retour à l'équilibre est possible et qu'il peut se faire dans des conditions de justice sociale, auxquelles nous sommes tous attachés.
La deuxième direction concerne l'organisation même de la réforme. La mise en place de la programmation pluriannuelle est un premier outil utile. La RGPP en est un second. Et l'objectif d'équilibre fixé dans la Constitution pourrait en être un troisième, si la révision constitutionnelle était adoptée la semaine prochaine, ce dont je ne doute pas.
Mais il ne faut pas non plus surévaluer l'efficacité de ces outils.
Réduire par exemple les dépenses de fonctionnement de l'État est naturellement un impératif. Mais n'oublions pas qu'elles ne représentent que 35 % de la dépense publique, contre 53 % pour les prestations sociales et les autres transferts. Ce n'est donc pas la seule réduction du train de vie de l'État qui sera le remède à tous nos maux. Il faut aussi rester vigilants et imaginatifs sur toutes les autres formes de dépenses.
C'est la troisième direction d'une stratégie pour les finances publiques : réformer l'organisation même de notre État, réorganiser le financement des collectivités locales pour gagner en simplicité et en lisibilité, réfléchir à une nouvelle donne en matière de dépenses sociales, ce sont des enjeux majeurs. C'est en nous y attaquant que nous sortirons enfin la France de la situation budgétaire dans laquelle elle se trouve. Les petits pas ne suffiront pas. Il ne faut pas avoir peur d'avancer à grandes enjambées et d'engager des modifications structurelles nécessaires. C'est une condition de notre efficacité économique, c'est aussi une condition de l'égalité entre les hommes et entre les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat témoigne du climat d'inquiétude généralisée devant l'état de nos comptes publics, inquiétude qui n'épargne aucun des groupes de notre assemblée – les propos tenus à l'instant par M. Le Maire en témoignent.
Chacun se désespère de ne voir atteindre les objectifs d'équilibre, en raison des fautes majeures de gestion qui ont marqué, comme au fer rouge, cette législature, avec la loi TEPA. Et les millions d'euros gaspillés dans d'absurdes campagnes de propagande ne suffiront pas à conforter votre image et faire oublier votre gestion.
Les Français ressentent la régression de l'action publique et de la protection sociale. Tous les Français, sauf peut-être les députés de l'UMP. Mais je me prends à rêver, chers collègues, que, ayant enfin rencontré les Français à l'occasion du 14 juillet, vous ayez entendu leurs inquiétudes et leur juste colère.
Dans ce débat d'orientation, j'évoquerai exclusivement les comptes de l'assurance maladie, exerçant ainsi notre devoir d'alerte trois mois avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je ne m'étendrai pas sur l'état des lieux, tout le monde le connaît : 4,6 milliards d'euros de déficit en 2007, probablement autant en 2008.
Votre objectif serait d'arriver à 2 milliards d'euros de déficit en 2009, pour atteindre l'équilibre en 2011. Ce même équilibre, M. Bertrand et, avant lui, M. Douste-Blazy l'avaient promis, la main sur le coeur !
Douste-Blazy, quel grand talent ! Il est désormais secrétaire général adjoint à l'ONU. Avoir aggravé le déficit méritait bien une récompense !
Vous-même, monsieur le ministre, venez de le promettre ! Encore faut-il que le principe de justice guide les choix ! Or vous en êtes loin !
Je vous ferai part de trois motifs de vives préoccupations.
Vos priorités vont aux économies, et rarement à la recherche de nouveaux financements. Vous faites des économies au mépris de toute justice sociale, comme en 2007 avec les franchises qui ont profondément choqué nos concitoyens. En 2008 – scandale de l'été – vous vous attaquez aux affections de longue durée. La prise en charge à 100 % est menacée pour une part des médicaments contre le diabète, le cancer ou le sida. Je ne peux pas croire que le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie ait parlé sans l'accord du Gouvernement.
Vous auriez reculé : tant mieux. Mais pour combien de temps ?
La ministre de la santé fait de la surenchère en réclamant plus d'économies. Elle devrait savoir, mieux que personne, que la santé coûtera davantage demain. Alors, dépenser mieux, c'est encore possible. Mais laisser croire que l'on va dépenser moins, c'est une illusion dangereuse qui dispense des réformes nécessaires.
Votre créativité, pourtant si grande, est en panne devant la nécessité de rechercher de nouvelles sources de financement. Lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions, par souci d'équité, abordé la question des prélèvements nécessaires sur les stock- options. Vous êtes tétanisés à l'idée de les soumettre à des prélèvements comme pour tous les revenus. Oui, les niches sociales existent tout comme les niches fiscales. Qu'il s'agisse de stock-options ou de parachutes dorés vous devez prendre vos responsabilités. Aussi longtemps que vous n'aurez pas pris ces responsabilités, et je m'adresse à nos collègues de la majorité, vous ne serez pas crédibles pour demander des efforts supplémentaires au plus grand nombre des salariés,…
…y compris sur l'évolution de la CSG, qui n'est peut-être pas impossible à assumer. Croyez-vous que les Français préfèrent les déremboursements massifs que vous préparez à une modification de la CSG ? Non !
L'exemple doit venir d'en haut, du haut de la pyramide des revenus. Nous devons avoir, monsieur le ministre, ce débat démocratique sur les préférences collectives des Français, non pas au fil de l'eau, mais à l'horizon 2020.
Vos choix sont condamnables.
Deuxième motif d'inquiétude, le pilotage de la politique de santé, erratique depuis des années, diffère les évolutions nécessaires et s'enfonce dans de fausses pistes.
Les évolutions nécessaires sont radicales afin de soigner mieux.
En matière de prévention et de santé publique, des stratégies volontaristes et une mutation des modes de rémunération des professionnels de santé sont nécessaires. Encore faut-il avoir le courage d'affronter le clientélisme et de lutter contre les dépassements d'honoraires. Cela passe aussi par la mise en place de parcours de santé réellement coordonnés.
Les fausses pistes sont légion et vous ne manquez pas de les emprunter : les revalorisations qui ne servent pas une stratégie cohérente, puisque vous oubliez les généralistes ; la culpabilisation des malades. Oui, nous serions prêts à considérer que les malades doivent être responsables, mais doit-on pour autant les traiter en coupables, les prendre en otages ? Cela est contraire à l'esprit de notre République.
Troisième motif d'inquiétude – structurel –, vous substituez peu à peu les dépenses individuelles aux dépenses socialisées. C'est visiblement le premier étage de la fusée : transférer aux mutuelles et aux assurances complémentaires, aux assurances privées ce que la sécurité sociale ne rembourserait plus. J'y vois, monsieur le ministre, un calcul ; permettez-moi de le trouver cynique. Les hausses de tarifs des complémentaires et des mutuelles sont moins visibles que celles des prélèvements obligatoires.
Ces hausses sont-elles, pour autant, plus justes, plus équitables et mieux réparties ? Le principe de solidarité en sort-il renforcé ? C'est doublement condamnable parce que cela signifie une participation accrue des ménages – et d'eux seuls – au financement de leur protection et la réduction de l'effort de solidarité au détriment des familles à revenus modestes, car les tarifs ne sont pas progressifs.
La démission de la sécurité sociale, que vous semblez souhaiter, s'étend bien sûr aux affections de longue durée, mais aussi aux soins dentaires ou optiques, que vous citez souvent comme cibles de ces transferts et de ces déremboursements. Ces soins deviennent inabordables pour beaucoup de Français, retraités, chômeurs et même salariés. Aujourd'hui, c'est souvent grâce à l'entraide familiale qu'ils payent les lunettes ou les prothèses dentaires, au-delà de la maigre prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles.
En écoutant depuis des mois M. Woerth, Mme Bachelot, en lisant les rapports parlementaires émanant de votre majorité, il ne se dégage qu'une seule idée, qu'un seul fil conducteur : la protection sociale coûte trop cher
Le second étage de la fusée est-il la privatisation plus complète de la sécurité sociale ? La manière dont vous procédez depuis six ans nous pousse à le penser et à le redouter. Mais soyez-en sûrs, vous nous trouverez, avec des millions de Français, en travers de votre route. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Un discours tout en nuances !
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes réunis à l'occasion d'un débat budgétaire marqué par la programmation pluriannuelle des finances publiques dont l'objectif est le retour à l'équilibre à l'horizon 2012 afin d'assurer la qualité du service public et la préservation de notre système de protection sociale.
Je ne rappellerai pas les chiffres ; ils sont connus de tous, tant en termes de dette que de déficit. En outre, et cela a été rappelé, nous nous situons dans un contexte mondial difficile, marqué par le retour de l'inflation, le renchérissement des matières premières,..
…les mouvements de délocalisation, une récession rampante pouvant s'accélérer du fait du risque d'effondrement des marchés financiers survenant dans une tendance démographique de fond caractérisée par le vieillissement de la population et retentissant sur nos régimes de solidarité.
Quel tableau ! Bref, il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade !
Afin d'atteindre l'objectif vertueux de retour à l'équilibre, prôné à juste raison par le Gouvernement, il importe que les efforts soient partagés, tant au niveau des recettes que des dépenses. S'agissant des recettes, il est nécessaire que les taux de prélèvement ainsi que les assiettes soient, dans la fonction publique, similaires à ceux du régime général, que ce soit dans le domaine de la maladie, de la vieillesse ou de la dépendance, sans omettre le réexamen des prélèvements sur les stock-options ou une réflexion sur les indemnités de licenciement.
À propos de la dette, le transfert à la CADES de 34 milliards d'euros issus des déficits cumulés de l'ACOSS et du FFIPSA, avec maintien de la date butoir de 2021 sans modification de la CRDS, impose que la fraction de la CSG versée au FSV désormais excédentaire soit suffisante afin d'être conforme à l'article 20 de la loi organique d'août 2005 en matière d'affectation de recettes.
Concernant les dépenses dans le domaine de la vieillesse, l'employabilité des seniors, vous l'avez rappelé, dont le taux est notoirement insuffisant, la date de départ à la retraite…
… et la liquidation des pensions sont les trois les trois leviers sur lesquels il faut peser en les inscrivant dans un dispositif global de flexicurité des parcours professionnels.
Dans le domaine de la santé comme dans celui de la vieillesse, les déficits actuels ne peuvent perdurer. La future loi « patient, santé et territoire » aura notamment cette ambition, mais elle ne peut espérer y répondre qu'à moyen terme. Ainsi que je l'avais formulé lors d'un débat précédent sur la santé, de nombreux rapports ont souligné tant la hauteur remarquable de la prise en charge de l'assurance maladie obligatoire de l'ordre de 77 % depuis plus de dix ans…
…et, dans le même temps, l'importance du reste à charge pour les patients, notamment dans les domaines des soins optiques et dentaires.
Le transfert de quelques points de l'assurance maladie obligatoire – à raison de 1,5 milliard d'euros le point – vers les complémentaires, associé à un relèvement de la prise en charge en matière de soins optiques et dentaires et un renforcement de la mise en oeuvre de la complémentaire santé permettrait de fournir une réponse de court terme tout en renforçant la justice sociale.
Les craintes d'une majoration des primes d'assurance complémentaire doivent être relativisées à la lumière du récent rapport de la Cour des comptes qui a, entre autres, souligné l'importance des coûts de gestion de ces dernières, en moyenne 25 %, c'est-à-dire plus de 5 milliards d'euros, soit quatre à cinq fois supérieurs à ceux de l'assurance maladie obligatoire, ainsi que des fonds propres conséquents. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a, d'ailleurs, confirmé cette analyse.
La complexité de notre système de soins impose, pour le réformer, du temps, de la patience et de la méthode. La coordination des soins, le décloisonnement des structures et leur rationalisation afin d'établir un parcours de soins au service du patient obligent à une maîtrise de l'information, dont le dossier médical personnel constitue un élément essentiel, et feront l'objet de projets de loi à venir. Sans attendre cet avenir radieux, des mesures simples et volontaristes pourraient être prises, notamment dans le cadre du PLFSS 2009.
J'y viens ! Ce ne sont que des éléments de technique mais qui ont un effet de cliquet non négligeable permettant d'optimiser et de rationaliser l'utilisation des deniers publics dans le domaine essentiel de la solidarité entre ceux qui souffrent et ceux qui ne souffrent pas.
Ces mesures simples, les voici : la mise à disposition gratuite d'une clé USB avec une reconnaissance biométrique – dont le coût moyen est de dix euros – pour les huit millions de patients souffrant d'une affection de longue durée, à l'origine de 70 % des dépenses d'assurance maladie, assurerait la continuité de l'information.
Ensuite, il convient de généraliser le « web médecin », le dossier pharmaceutique et les logiciels d'aide à la prescription agréés, tout particulièrement à l'hôpital.
Par ailleurs, la responsabilité de la gestion du risque doit être conférée à l'assurance maladie dans tous les établissements de soins, grâce notamment à l'identification informatique du prescripteur.
Enfin, la lutte contre la fraude grâce aux dispositions que j'ai fait voter lors du PLFSS 2007…
…avec l'établissement d'un NIR commun et dont les données pourraient être croisées avec celles du fisc doivent être opérationnelles dans les délais les plus brefs et mobiliser le maximum de moyens.
Voici des actions que nous pouvons mettre en oeuvre, dès maintenant, dans le domaine de l'assurance maladie. Notre système de protection sanitaire et sociale constitue, en effet, le coeur du pacte républicain et implique que nous le transmettions aux générations futures, libéré de tout handicap financier afin de pérenniser la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Le débat a été riche et captivant, mais je ne veux pas empiéter sur le débat suivant, qui ne manquera pas, lui aussi, d'être très important pour l'avenir de nos services publics, en particulier de l'école.
Le fondement de la politique budgétaire passe par la maîtrise de la dépense, vous en convenez tous et vous avez été nombreux – je pense à Jérôme Chartier, à Philippe Vigier, au rapporteur général et au président de la commission des finances – à saluer la programmation pluriannuelle. La programmation, dont l'exercice est difficile, mais indispensable, est un instrument majeur de pilotage des finances publiques dont on ne peut que tirer avantage s'il est bien utilisé. Je considère pour ma part que c'est un formidable outil de mise en perspective de nos finances publiques et de mise en cohérence avec les éléments que nous transmettons à l'Europe. La programmation pluriannuelle est essentielle pour les dépenses sociales qu'il ne s'agit pas de diminuer, mais de maîtriser. Nul ne pense – et je réponds à Mme Marisol Touraine – que cette stratégie budgétaire qui vise à contenir l'ensemble de nos dépenses publiques consisterait à diminuer la dépense de l'assurance maladie, laquelle progressera plus vite que notre richesse nationale, ce dont on peut se réjouir. Mais nous devons affronter cette nouvelle donne avec beaucoup de lucidité.
S'agissant de la révision générale des politiques publiques, citée par plusieurs d'entre vous, j'insiste sur le fait que cet instrument extraordinaire, d'une richesse fabuleuse, nous permettra de mener un travail qui n'avait jamais entrepris à ce niveau de l'État : suivre l'ensemble de la programmation pluriannuelle.
Le fait est que nous finançons nos priorités. Je n'entre pas dans les détails, car il s'agit d'un débat d'orientation budgétaire, et non d'un débat budgétaire – nous y viendrons en octobre prochain –, mais je vous dois d'ores et déjà la vérité. Si je n'évoque pas la réforme du RSA dans le cadre du débat d'aujourd'hui, c'est que ses modalités ne sont pas encore fixées. La décision de principe a certes été arrêtée par le Président de la République et le Premier ministre, mais nous attendons que la discussion démocratique ait lieu au sein du Parlement pour prendre en compte ses résultats.
Pour ce qui est du Grenelle de l'environnement, évoqué par Philippe Vigier, il est évidemment présent dans l'ensemble des missions proposées, mais également dans les différentes dépenses fiscales existantes, ainsi que dans celles qui seront réorientées.
S'agissant des opérateurs, monsieur Bouvard, j'approuve votre vision. Sinon, il y aurait un « point de fuite », comme on dit dans le jargon budgétaire. Je confirme que le projet de loi de finances comportera un plafond d'emplois pour les opérateurs et que leurs effectifs diminueront.
J'en viens au deuxième grand sujet évoqué par nombre d'entre vous, avec des approches souvent divergentes : les collectivités locales. Il est évident qu'elles ne peuvent rester à l'écart de l'effort que nous voulons consentir en matière de finances publiques. Il ne faut y voir aucune stigmatisation – je le redis après M. de Courson, M. Derosier, M. Baert, M. Lefebvre et M. Balligand, qui ont tous beaucoup insisté sur ce point. Il importe de simplifier encore les rapports entre l'État et les collectivités locales. Nous devons progresser dans beaucoup de domaines, notamment l'autonomie de la fiscalité locale, et clarifier le partage des compétences et des charges. Plutôt que de se jeter des chiffres à la figure, mieux vaut en revenir à la réalité : je remarque que les dépenses des collectivités augmentent fortement, même pour les collectivités qui n'ont pas fait l'objet d'un transfert de compétences. Je ne nie pas que le transfert de compétences provoque des augmentations : le transfert des TOS a ainsi accru les effectifs. Mais les évaluations doivent se faire à périmètre constant et si l'on excepte les augmentations induites par ces transferts, force est de constater que les dépenses et les effectifs augmentent beaucoup plus vite que ce qu'autoriserait une gestion des finances publiques mieux coordonnée. Nous souhaitons donc une meilleure coordination entre les collectivités, dont les responsables gardent leur indépendance, et l'État, dont le système financier est jugé dans sa globalité. Nous devons pour cela mieux communiquer entre nous. À cet égard, la conférence des exécutifs représente un grand progrès. Beaucoup de suggestions y sont faites, notamment en matière de fiscalité locale, et nous aurons à coeur de les concrétiser.
Il nous faudra retirer du débat budgétaire tout élément de polémique inutile. Ce qui compte, c'est, d'une part, que nous progressions dans la voie de l'équilibre des finances publiques et, de l'autre, que les collectivités locales, à la place qui est la leur et selon les moyens dont elles disposent, bien inférieurs à ceux de l'État, participent à ce débat et à cet effort.
J'en viens à un troisième sujet, qui a été beaucoup discuté : la préservation de nos recettes. Je suis le premier à partager cette idée.
Nous aurons l'occasion de revenir sur les dépenses fiscales et les dépenses sociales – je l'ai déjà indiqué. S'agissant du plafonnement global des niches évoqué par Frédéric Lefebvre, je suis favorable à ce que l'on ne ferme pas toutes les portes.
Dès lors que nous nous assurons du respect du principe selon lequel nul ne peut s'exonérer de l'impôt, nous pouvons explorer cette voie de la façon la plus décontractée possible mais aussi la plus objective.
En outre, je précise à l'intention de ceux qui estimaient qu'ils ne disposaient pas d'éléments de recettes suffisants que la loi de programmation comportera une trajectoire précise de recettes, non seulement pour l'année 2009 mais pour les années 2010, 2011 et 2012.
À propos de la pertinence de notre politique économique face à la conjoncture, l'opposition s'est exprimée de façon – comment dire ? – peu objective… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je vais sans doute trop loin, vous avez raison…
Notre politique économique – je le dis clairement à M. Sapin, à M. de Rugy, à M. Brard et bien d'autres – représente une rupture s'agissant du degré de maîtrise des dépenses.
La crise nous oblige aussi à trouver des ressorts internes. La loi de modernisation de l'économie ou la loi portant modernisation du marché du travail – M. de Courson l'a dit lui-même – constituent autant de réponses à la dégradation de la situation économique globale.
Le paquet fiscal n'est pas inéquitable.
Je tiens à redire que ce dispositif concerne à 85 % des personnes modestes. Le bouclier fiscal est une bonne politique, fondée sur une forme de moralité de l'impôt.
Mais nous aurons du mal à nous mettre d'accord sur ce point !
Restent, madame Orliac, que nos hypothèses sont sincères et réalistes, même si, comme toutes les hypothèses, elles sont éminemment discutables. Nous aurons encore à nous expliquer là-dessus à l'automne.
Monsieur Perruchot, sachez que nous protégeons le Fonds de réserve des retraites, en préservant son stock de crédits, autrement dit ses actifs, mais aussi les recettes qui lui sont affectées. Seulement, nous avons choisi une autre manière de financer la dette sociale – je l'ai indiqué ce matin.
Pour finir, j'aimerais revenir aux finances sociales – même si Pierre Morange a été très clair à ce sujet –, car Christian Paul s'est livré à un véritable tir de barrage. Il faut quand même regarder les choses de la façon la plus responsable possible : les finances sociales vont mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le déficit de l'assurance maladie est ainsi passé de 11 milliards à environ 4 milliards d'euros. Même si ce n'est pas l'équilibre visé il y a quelques années, c'est une réduction par deux, ce qui constitue une amélioration notable.
Par ailleurs, nous sommes capables de revenir à l'équilibre des finances sociales, notamment de l'assurance maladie, dans les deux ou trois ans qui viennent. Il faut simplement bien partager les charges car aucun acteur du système de santé ne détient seul la vérité. L'assurance maladie assure actuellement 77 % du remboursement des dépenses de santé dans leur ensemble. Or, chaque année, compte tenu de certains mécanismes, notamment des remboursements liés aux affections de longue durée, 500 millions à 600 millions d'euros transitent des assurances complémentaires vers l'assurance maladie. Si nous voulons préserver les équilibres du système, il faudra nous efforcer de résorber ces transferts de dépenses vers le système de solidarité. Pour assurer à chacun un accès aux meilleurs soins – et nous pouvons tous nous accorder sur cet objectif fondamental de notre système de santé –, soins qui sont de plus en plus onéreux, allant jusqu'à 100 000 euros par an, nous devons mieux organiser le système. Et avec Roselyne Bachelot, j'ai bien l'intention de traiter ce sujet de grande ampleur, avec le plus de justice possible. Il ne s'agit pas de céder à une attitude faussement compassionnelle mais d'examiner les choses calmement, en nous efforçant d'assurer l'égalité des citoyens devant la maladie. Et sur ce sujet, nous devrions, majorité et opposition, pouvoir mener un débat responsable, sincère et serein. Ce débat, que j'appelle de mes voeux, nous l'aurons nécessairement à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale.
Nous sommes peut-être à la croisée des chemins, comme Bruno Le Maire l'a indiqué. Pour notre part, nous avons choisi notre chemin, …
…celui de l'équilibre des finances publiques. Nous ne lâcherons rien. Nous ne renoncerons ni à notre volonté de réduire la dépense publique, ni à notre action de réforme, ni à notre intention de construire un budget social, qui soit aussi un buget-vérité, à même de traduire la réalité des finances publiques de notre pays.
J'ai lu dans un journal du soir que le Gouvernement était dans une position défensive. Je crois au contraire que nous sommes offensifs, qu'il s'agisse de limiter les dépenses ou de changer d'approche budgétaire. Nous ne pouvons plus lire aujourd'hui les budgets d'un pays comme le nôtre avec les mêmes lunettes qu'il y a cinq ou dix ans. Il faut radicalement changer de culture. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) L'équilibre de nos finances publiques et la préservation des marges de manoeuvre de notre pays sont à ce prix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Bernard Accoyer.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire (nos 1008, 1045, 1032).
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, chaque fois que la société française a réclamé plus de liberté, plus de justice, plus de progrès social, elle a trouvé dans l'école de la République son plus sûr allié.
Lorsqu'elle conquit le suffrage universel, c'est à l'école qu'elle demanda de forger une citoyenneté nouvelle. Quand elle reconnut le rôle des femmes, c'est à l'école que s'imposa la mixité des genres. Quand elle voulut donner à chacun les mêmes chances d'accéder à l'enseignement supérieur, c'est évidemment à l'école qu'elle demanda de se réformer pour y parvenir. Il n'est pas de progrès qui soit étranger à la cause de l'école.
Aussi l'école a-t-elle appris à respecter et à enseigner le respect de toutes les formes d'expression reconnues dans l'espace démocratique. C'est le cas, naturellement, du droit de grève, que les enseignants peuvent exercer librement chaque fois qu'ils le jugent nécessaire, et dans le respect des modalités prévues par la loi.
Toutefois, l'institution scolaire peine à justifier le fait que, tout en incarnant et en revendiquant le progrès social pour les familles les plus modestes, elle puisse pénaliser régulièrement ces mêmes familles en les exposant à la contrainte imprévisible et impérative de devoir assurer elles-mêmes la garde de leurs enfants lorsque les enseignements sont suspendus du fait d'un préavis de grève.
Au moment où l'État et les partenaires sociaux s'efforcent de moderniser les conditions du dialogue social en évitant de faire porter le poids des conflits sociaux sur les usagers, l'école doit, une nouvelle fois, se trouver aux avant-postes de ce nouveau progrès en définissant un droit nouveau à l'accueil des enfants durant le temps scolaire habituel, droit qui doit pouvoir s'exercer de façon permanente et immédiate.
Tel est le sens de la volonté exprimée par le Président de la République,…
…qui a souhaité que la nature et les modalités d'application de ce droit soient définies par le projet de loi voté par le Sénat en première lecture le 26 juin dernier et que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant votre assemblée.
Quel est le dispositif prévu par le présent projet de loi ? Le texte qu'il vous revient d'examiner pose le principe de ce droit. Il garantit à tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique de pouvoir y être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour recevoir les enseignements prévus par les programmes.
En temps ordinaire, ce droit à l'accueil relève donc de la responsabilité de l'État lui-même, qui doit notamment veiller à ce que les enseignants absents soient rapidement remplacés, en dehors des cas où leur absence s'inscrit dans le cadre d'un préavis de grève.
Pour y parvenir, et pour exercer toute ma responsabilité, j'ai décidé de moderniser en profondeur l'ensemble de la politique du remplacement conduite par le ministère de l'éducation nationale et de créer à cet effet une Agence nationale du remplacement, qui dépendra directement du ministère…
…et n'aura donc aucun caractère privé. Elle aura, parmi ses objectifs, le souci d'optimiser constamment l'utilisation de tous les moyens de remplacement afin de limiter au maximum les conséquences d'une absence sur le bon déroulement de la scolarité des écoliers.
Je souhaite travailler efficacement et rapidement sur ce thème, car il n'est pas normal que, aujourd'hui, les 50 000 professeurs chargés du remplacement ne soient utilisés qu'à 80 % et qu'un professeur d'Avignon ne puisse pas faire un remplacement à Villeneuve-lès-Avignon, de l'autre côté du Rhône, cette commune dépendant d'une autre académie.
Ne cherchez pas, comme j'ai pu l'entendre parfois, dans le présent texte de loi une manoeuvre à laquelle je me livrerais pour installer des animateurs à la place des professeurs… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Qui pourrait penser une chose pareille ? Ces procès d'intention sont insupportables ! (Sourires.)
…pour dégrader la qualité de l'enseignement. J'étais certain que cette formule vous réveillerait.
Au contraire, ce texte m'engage. Il m'engage à réformer notre système de remplacement pour l'améliorer et garantir la continuité du service public de l'enseignement.
En cas de grève, les enseignements suspendus ne sauraient être remplacés, à moins de prendre des mesures qui seraient contraires au droit de grève des fonctionnaires. Les élèves pourront cependant continuer à être accueillis durant le temps scolaire, ce qui permettra ainsi à leurs parents de poursuivre normalement leur activité professionnelle. Le texte initial prévoyait que, en dessous de 10 % de grévistes, c'est l'État qui assure l'accueil des élèves. Sur proposition de son rapporteur, le Sénat a remonté ce seuil à 20 % par école.
En cas de mouvement de grève plus important, la mise en place d'un véritable dispositif d'accueil s'impose. Le projet de loi en confie la mise en oeuvre aux communes, avec la participation financière de l'État.
Je veux vous préciser d'emblée que, contrairement à ce que j'ai lu ou entendu à ce sujet, ce projet de loi ne porte pas atteinte à la libre administration des communes. En effet, la création d'une nouvelle compétence pour les communes, accompagnée de moyens financiers pour l'assurer, est parfaitement conforme aux exigences constitutionnelles qui découlent des articles 72 et 72-2 de la Constitution.
Cet accueil pourra être organisé par la commune, sans contrainte. En effet, je ne souhaite imposer aux collectivités ni contraintes superflues ni normes nouvelles. C'est la raison pour laquelle le texte voté par le Sénat substitue la responsabilité administrative de l'État à celle de la commune dans tous les cas de dommages causés aux enfants et liés à l'organisation ou au fonctionnement global du service d'accueil.
Je suis d'autant plus satisfait de cette évolution qu'elle apporte une réponse très claire aux inquiétudes des élus et des collectivités locales. Permettez-moi de remercier le député Frédéric Lefebvre qui est à l'origine de cette avancée importante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous pouvez le féliciter, en effet.
C'est aussi la raison pour laquelle j'ai souhaité que les communes puissent disposer de la plus grande souplesse pour organiser ce service.
Cette souplesse doit pouvoir trouver sa pleine expression, d'une part, dans le choix du lieu où la commune organise l'accueil. Ce peut être au sein même de l'école, si elle est fermée, mais aussi si elle est partiellement ouverte. Dans ce dernier cas, ce sera bien sûr dans les locaux inutilisés pour faire classe. Tel est d'ailleurs le sens de l'article 7 de ce texte, car ce serait bien le comble que la commune, propriétaire des locaux scolaires, ne puisse les utiliser pour assurer le service d'accueil. Mais l'accueil peut également être organisé ailleurs, par exemple dans un centre de loisirs.
La souplesse prévaut également dans la manière dont plusieurs communes peuvent s'entendre pour organiser le service : le projet de loi permet en effet aux communes de conventionner librement pour confier à l'une d'entre elles l'organisation du service. C'est, je crois, une solution adaptée en milieu rural, dans les regroupements pédagogiques intercommunaux – les RPI –, qui, d'ailleurs, ne sont pas toujours adossés à un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI. Ainsi, trois ou quatre communes membres d'un regroupement pédagogique intercommunal diffus pourront confier à l'une d'entre elles l'organisation du service.
Enfin, la souplesse est également de mise dans le choix des intervenants que la commune décidera de mobiliser pour assurer l'accueil : celui-ci pourra être assuré par les assistantes maternelles, les ATSEM, par d'autres fonctionnaires municipaux que les communes pourraient mobiliser, mais aussi par des associations gestionnaires de centres de loisirs ou des associations familiales, des mères de familles, voire des enseignants retraités ou des étudiants.
L'amendement voté au Sénat créant un « vivier » d'intervenants permettra à l'ensemble des communes de préparer en amont l'organisation de ce service.
Je rappelle à cette occasion que le code de l'action sociale et des familles n'exige pas de qualification spécifique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
…ni n'impose de normes en termes d'encadrement tant que l'accueil ne dépasse pas quatorze jours. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je ne suis pas chargé, ici, de refaire le code de l'action sociale et des familles. (Mêmes mouvements.)
Mes chers collègues, chacun aura l'occasion de s'exprimer ! Pour l'instant, M. le ministre est seul à avoir la parole.
Il n'y a pas d'aveu à constater ce que dit un code !
C'était d'ailleurs, monsieur le président Pélissard, une des demandes de l'AMF en 2006, lorsque la réglementation sur l'encadrement des mineurs a vu le jour.
Par ailleurs, la bonne organisation de ce nouveau service d'accueil suppose, d'une part, que l'État et les représentants des personnels aient pris toutes leurs responsabilités pour prévenir le déclenchement de la grève et, d'autre part, que l'État puisse transmettre aux communes dans un délai raisonnable le nombre d'enseignants ayant déclaré leur intention de se mettre en grève.
C'est pourquoi le projet de loi propose d'instaurer un dispositif d'alerte sociale, novateur dans la fonction publique, en créant une obligation de négociation pour l'employeur, c'est-à-dire l'État, et les organisations syndicales représentatives pendant une période ne pouvant excéder huit jours. Par organisation représentative, il faut entendre celles reconnues comme telles au regard des critères classiques du droit commun de la fonction publique.
Il s'agit en fait d'anticiper le dépôt d'un préavis et de permettre l'émergence d'un vrai dialogue social conduit dans la sérénité sur des bases claires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La procédure mise en place, qui sera précisée dans le décret joint, garantit à la fois cette transparence et la parfaite information des personnels.
Pour que ce dialogue social soit un véritable instrument de prévention des conflits, il faut évidemment que l'échange soit conduit au bon niveau,…
…c'est-à-dire au niveau des autorités déconcentrées lorsque le sujet concerne l'échelon local ou au niveau des autorités nationales lorsque la question est d'ampleur nationale. C'est ce que prévoit explicitement le projet de loi.
Par ailleurs, le texte fait obligation aux personnes ayant l'intention de participer à une grève d'en informer leur autorité administrative au plus tard quarante-huit heures avant la date de déclenchement prévue par le préavis. Un amendement voté par le Sénat prévoit également que ce délai devra comprendre au moins un jour ouvré.
Il ne s'agit bien évidemment pas d'une mesure contre les syndicats ou contre le droit de grève. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Personne ne peut le penser.
Ce délai est réellement nécessaire à la mise en place de l'accueil par les communes, et je rappelle d'ailleurs que d'aucuns pensaient que ce délai était trop bref.
Si le délai est nécessaire, la procédure de déclaration à l'autorité administrative l'est tout autant. On ne peut en effet se contenter d'une information des familles, car, alors, l'accueil deviendrait difficile à organiser.
Le projet de loi précise les garanties propres à assurer la confidentialité des informations recueillies sur les personnes.
Enfin, il prévoit naturellement le dispositif de financement dont bénéficieront les communes pour l'exercice de cette nouvelle compétence. Je me suis d'ailleurs engagé au Sénat à relever la prise en charge financière, qui sera inscrite dans le décret financier, de 90 euros à 110 euros par groupe de quinze élèves. En outre, un amendement voté par le Sénat prévoit un forfait minimal de 200 euros qui sera versé même si le nombre des élèves accueillis demeure très faible.
Parlons du travail avec les élus. Protéger la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève, tel est l'objet et l'esprit de ce texte, qui marque une étape nouvelle dans les relations entre l'école, la famille et les personnels enseignants.
Soucieux de donner son entière extension à ce droit nouveau et sa pleine efficacité au dispositif que je vous ai présenté, j'ai engagé depuis plusieurs semaines un travail de fond avec les élus de toutes les sensibilités.
Ainsi, j'ai rencontré des députés, des sénateurs, des maires, dont des maires d'arrondissement de l'opposition parisienne (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), de nombreuses associations d'élus, comme l'Association des maires de France, l'Association des maires de grandes villes de France ou encore l'Association nationale des élus de montagne.
Je veux souligner la qualité de ces discussions et du travail de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale. Je tiens donc à remercier l'ensemble des députés qui y ont contribué, à commencer bien sûr par Charles de La Verpillière, rapporteur au fond, et Françoise Guégot, rapporteur pour avis sur ce texte, pour leurs propositions et leurs conseils.
Ils ont utilement complété le travail des sénateurs. Je remercie également Jean-François Lamour pour sa contribution à l'amélioration de ce texte.
Je veux en outre saluer le courage et l'engagement de ceux qui oeuvrent depuis plusieurs mois à rendre son émergence possible. Je pense en particulier aux pionniers, comme Franck Marlin à Étampes,…
…ainsi qu'à tous ceux qui ont expérimenté le service minimum d'accueil dans leur commune à l'occasion des grèves de janvier et de mai : Françoise Guégot à Mont-Saint-Aignan, Michel Heinrich à Épinal, Guy Geoffroy à Combs-la-Ville, Georges Mothron à Argenteuil, Jean Dionis du Séjour à Agen, Brigitte Barèges à Montauban, Bernard Perrut à Villefranche-sur-Saône, François Cornut-Gentille à Saint-Dizier, Michel Herbillon à Maisons-Alfort, et tant d'autres.
Cette concertation, menée avec l'ensemble des élus concernés par la mise en place du droit d'accueil, a permis de clarifier plusieurs points et de dissiper nombre de malentendus, en apportant des réponses pratiques aux interrogations des collectivités locales. Surtout, elle a permis d'aller au fond des choses et d'obtenir des avancées concrètes dont je ne peux que me féliciter.
Quoi qu'en disent les rumeurs, j'ai été très attentif aux observations et aux propositions présentées tant lors du travail préliminaire que durant la discussion en commission.
Sans entamer le débat proprement dit, je souhaite vous apporter d'ores et déjà des éclairages sur plusieurs points soulevés par la représentation nationale.
S'agissant du taux précis de grévistes à partir duquel il reviendra à la commune d'organiser le service d'accueil, nous avons beaucoup travaillé avec les deux rapporteurs et Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France. Leur préoccupation était de faire en sorte que, dans une école comptant dix enseignants, s'il n'y en a pas plus de deux qui pensent faire grève – ou un dans une école de cinq enseignants –, ce soit toujours l'État qui assure l'accueil. L'amendement déposé par vos deux rapporteurs permet de répondre à ce cas de figure, en proposant que la commune organise l'accueil à partir d'un taux de gréviste strictement supérieur à 20 %, et non plus égal ou supérieur à 20 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je rends donc hommage aux deux rapporteurs, Françoise Guégot et Charles de La Verpillière, ainsi qu'à Jacques Pélissard, pour leur souci d'améliorer ce texte et pour la pertinence de leurs propositions.
S'agissant de la compensation financière que l'État versera aux communes qui organiseront un service d'accueil,…
…la discussion au Sénat a permis, je l'ai dit, des avancées importantes, en fixant un montant minimal de 200 euros, auquel s'ajoutera une somme forfaitaire de 110 euros par groupe d'un à quinze élèves accueillis. Cependant, les rapporteurs ont souhaité aller plus loin, afin de répondre aux attentes des maires des grandes villes – comme je m'y étais engagé auprès de l'Association des maires des grandes villes de France. Ils ont fait une proposition intéressante : créer une sorte de filet de sécurité qui garantisse aux communes une rémunération minimale dans l'hypothèse où le nombre d'élèves accueillis serait très inférieur à leurs prévisions. Cette rémunération serait fonction du nombre effectif d'enseignants grévistes. Si la contribution calculée sur le nombre d'élèves lui était supérieure, le calcul le plus favorable à la commune serait évidemment retenu. Pour des raisons de recevabilité financière, j'ai repris au nom du Gouvernement l'amendement déposé par le rapporteur au fond, mais je salue le travail accompli par l'Association des maires des grandes villes de France et son président Michel Destot.
Vous ne réagissez plus, mesdames, messieurs de l'opposition ?
Bravo ! Remarquable ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La responsabilité pénale des maires qui organisent l'accueil des enfants les jours de grève est un sujet qui tient à coeur à Jacques Pélissard ; je veux le remercier pour le travail qu'il a accompli, avec Frédéric Lefebvre, sur cette question.
L'amendement qu'ils ont proposé, et que je reprends au nom du Gouvernement, permet à l'État de se substituer à la commune afin d'assurer la protection juridique du maire…
Ce n'est pas la responsabilité pénale ! Et cela ne nous empêchera pas de nous retrouver en correctionnelle !
…en cas de faits non intentionnels ayant causé dommage à un enfant, dans le cadre de sa mission d'organisation et de contrôle de l'accueil.
L'extension du dispositif à l'enseignement privé sous contrat est proposée par Yvan Lachaud et Jean-Philippe Maurer, dont les amendements prévoient de confier aux organismes de gestion de l'enseignement privé le soin d'organiser le service d'accueil. Les élèves scolarisés dans les écoles privées bénéficieraient ainsi du même droit que leurs camarades du public.
Afin d'éviter tout mauvais débat, je souligne dès à présent que ce service d'accueil pour l'enseignement privé serait assuré par les organismes gestionnaires et n'impliquerait donc pas les communes.
Je soutiendrai ces amendements. Là encore, pour des raisons de recevabilité, j'ai repris à mon compte l'amendement financier déposé par Yvan Lachaud, afin de lui éviter de tomber sous le coup de l'article 40, mais je tiens à saluer son travail sur cette question.
Charles de La Verpillière et Françoise Guégot ont souhaité qu'un effort soit fait pour informer suffisamment tôt les familles de la mise en place d'un service d'accueil. Soucieux d'assurer l'effectivité du droit que nous créons et l'efficacité du dispositif qui y est lié, je suis bien entendu prêt à soutenir cette démarche.
Enfin, les deux rapporteurs ont souhaité apporter des précisions sur le « vivier ». Ils proposent notamment que les personnes susceptibles de participer à l'accueil soient averties qu'un contrôle est systématiquement effectué dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes et que la liste « vivier » soit transmise aux parents d'élèves élus au conseil d'école. Ces précisions, qui relèvent de la simple prudence, sont souhaitables, et je les appuierai.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, le texte que je vous présente aujourd'hui a fait l'objet d'une véritable concertation avec les élus de toutes les sensibilités politiques. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je ne doute pas que les échanges à venir et vos propositions en renforceront encore la portée. Je suis convaincu qu'au terme d'un travail parlementaire responsable et calme, nous parviendrons à un texte équilibré qui répondra pleinement aux attentes des familles ainsi qu'aux interrogations légitimes des élus et des collectivités locales.
L'école n'est pas une icône immuable, intangible et étrangère aux tumultes de son temps, comme voudraient l'y réduire les adversaires déterminés du changement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…
…mais un symbole dépassant les contradictions et les oppositions de ceux qui l'animent pour les rassembler autour d'un projet commun. Elle est, surtout, le lieu familier où des millions de Français ont rendez-vous chaque jour avec l'idéal républicain de promotion individuelle par l'étude, le travail et le mérite.
Rien ne saurait altérer la force de cet idéal – que partagent aussi les enseignants qui, pour des raisons qu'ils jugent légitimes, participent à un mouvement de grève –, pas même les contraintes que représente la mise en place d'un service d'accueil des enfants par les collectivités locales, auxquelles ce texte apporte les précisions et les garanties demandées.
Si nous voulons que l'école reste en dehors des polémiques, il faut que nous lui donnions les moyens de ne pas y impliquer les enfants dont elle a la charge et les parents qui les lui ont confiés.
Mesdames, messieurs les députés, ce nouveau progrès de la société, porté par l'école, est entre vos mains. À présent, il vous appartient de lui donner sa pleine expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Un roturier !
Tout le monde ne peut pas s'appeler Brard !
(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, si l'école de la République a pour mission fondamentale d'assurer l'éducation de nos enfants, elle doit aussi les accueillir et les surveiller, particulièrement les plus jeunes. La notion d'accueil figure d'ailleurs à l'article L.113-1 du code de l'éducation : « Les classes enfantines ou les écoles maternelles sont ouvertes aux enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire. Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une école enfantine le plus près possible de son domicile. L'accueil des enfants de deux ans est étendu en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé. »
Dans une société où la plupart des parents travaillent, souvent loin de leur domicile, il est essentiel de garantir la continuité de cet accueil. Toute interruption de ce service public,…
…notamment en cas de grève des enseignants, perturbe gravement la vie des parents et peut être source de difficultés économiques, particulièrement pour les familles monoparentales et celles qui sont en situation de précarité.
C'est pourquoi, à la demande du Président de la République, vous avez, monsieur le ministre, préparé ce projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques, adopté en première lecture par le Sénat, et sur lequel l'Assemblée nationale doit à son tour se prononcer.
Vous en avez présenté les dispositions beaucoup mieux que je ne saurais le faire.
Je me contenterai donc de rappeler les principales articulations du texte.
Tout d'abord, est affirmé, à l'article 2, le droit pour tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique à y être accueilli gratuitement, lorsque son professeur habituel est absent et n'a pu être remplacé. (« À cause de qui ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il s'agit d'un principe général, qui s'applique quelle que soit la raison de l'absence, grève ou autre.
L'article 3 instaure ensuite un dispositif d'alarme sociale et de prévention des grèves, qui, s'inspirant de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres (« Cela n'a rien à voir ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), oblige syndicats et administration à négocier et impose aux enseignants qui souhaitent faire grève de se déclarer quarante-huit heures à l'avance.
Enfin, une série de dispositions, aux articles 4 à 9, concerne spécifiquement l'accueil en cas de grève. Celui-ci incombera à l'éducation nationale,…
…sauf dans les écoles où 20 % au moins des enseignants seront grévistes, auquel cas la commune devra intervenir, moyennant une compensation financière.
La commission des lois, saisie au fond, et la commission des affaires culturelles, saisie pour avis, ont procédé ensemble à de nombreuses auditions :…
…elles ont entendu le ministre de l'éducation nationale, bien sûr, mais aussi deux professeurs de droit constitutionnel, six organisations syndicales des personnels de l'éducation nationale, deux fédérations de parents d'élèves, l'Association des maires de France et l'Union nationale des associations familiales. Ces échanges nous ont permis d'identifier les principales questions que soulève ce texte.
Notre collègue, Françoise Guégot, rapporteure pour avis, exposera dans un instant les amendements de la commission des affaires culturelles. Pour sa part, la commission des lois estime que trois séries d'améliorations pourraient être apportées.
La première concerne le rôle des communes et le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. En l'état du texte transmis par le Sénat, les communes n'organiseront le service d'accueil qu'en cas de grève et à condition que le pourcentage de grévistes soit égal ou supérieur à 20 % par école ; cela signifie que l'éducation nationale restera chargée de l'accueil dans tous les autres cas : grève moins importante, mais aussi absence ou empêchement ayant une autre cause, comme une maladie ou une formation.
L'appel aux communes nous a paru tout à fait justifié, tant leur implication dans l'enseignement primaire est ancienne – elle remonte à Jules Ferry – et importante : propriétaires des écoles, elles en assurent aussi le fonctionnement, et leurs agents – ATSEM, personnels d'entretien – sont déjà sur place. En outre, très nombreuses sont les communes qui gèrent des services périscolaires, avec leurs propres agents ou avec l'aide d'associations.
La commission des lois a cependant été sensible aux arguments de l'Association des maires de France, présentés avec talent par son président, notre collègue Jacques Pélissard.
Nous suggérons donc de mieux définir et de mieux encadrer l'intervention des communes sur trois points.
En premier lieu, l'amendement n° 16 , à l'article 5, propose de relever le seuil d'intervention des communes : au lieu qu'elles interviennent dès que le taux de 20 % de grévistes est atteint, nous souhaitons qu'elles ne le fassent qu'au-dessus de ce taux. Cette modification peut paraître anodine mais, en réalité, elle changerait tout dans les petites écoles : dans une école à cinq classes – en milieu rural, c'est le cas de la plupart des écoles –, un seul gréviste ne suffirait pas à déclencher l'intervention de la commune, il en faudrait deux.
En second lieu, l'amendement no 111 , à l'article 8, initialement déposé par votre rapporteur, mais repris par le Gouvernement en raison de son incidence budgétaire – vous l'avez évoqué, monsieur le ministre –, devrait augmenter la contrepartie financière qui sera versée aux communes.
Enfin, nous nous associons à l'initiative de nos collègues Frédéric Lefebvre et Jacques Pélissard, reprise par le Gouvernement dans l'amendement n° 112 , à l'article 8 bis, tendant à ce que l'État accorde sa protection aux maires en cas de mise en cause de leur responsabilité pénale. Une telle disposition compléterait utilement cet article, qui prévoit que la responsabilité administrative de l'État est substituée à celle des communes en cas d'accident.
La deuxième série d'amendements de la commission des lois concerne le respect du droit de grève et la réaffirmation de la primauté de la mission d'enseignement.
La plupart de nos interlocuteurs ont admis que les restrictions apportées au droit de grève des enseignants n'étaient pas excessives. En effet, le texte ne crée pas un service minimum qui serait imposé aux enseignants par voie de réquisition. On leur demande simplement de déclarer quarante-huit heures à l'avance leur intention de faire grève, formalité qui a été jugée conforme à la Constitution, dans le domaine des transports, par la décision n° 2007-556 DC du Conseil constitutionnel.
En revanche, plusieurs personnes auditionnées ont souligné que l'obligation générale d'accueil instituée par l'article 2 du projet de loi ne devrait en aucun cas être un substitut à l'obligation d'enseignement, dont j'ai rappelé, au début de mon intervention, qu'elle est et demeure la mission fondamentale de l'école. En d'autres termes, lorsque l'absence d'un enseignant a une cause autre que la grève, l'éducation nationale doit tout faire pour le remplacer et ne doit pas s'en dispenser au motif que l'accueil des enfants est assuré : l'accueil est un filet de sécurité, une prestation minimale réservée aux cas de grève et aux absences imprévisibles et de courte durée. Tel est l'objet de l'amendement n° 42 , à l'article 2.
Je terminerai en évoquant la troisième série d'amendements, qui concerne les modalités d'organisation par les communes du service d'accueil en cas de grève.
Votre commission des lois estime qu'il est possible, tout en maintenant la souplesse du dispositif, de renforcer les garanties de qualité du service. À cet égard, nous vous proposons, d'une part, que les communes soient tenues d'informer les familles de la mise en place du service d'accueil, et, d'autre part, que les personnes qui figureront sur la liste des intervenants soient informées des vérifications et des contrôles dont elles peuvent faire l'objet, et que, si elles sont écartées par l'autorité académique, les motifs n'en soient pas divulgués.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les propositions de la commission des lois. Il nous semble qu'ainsi amendé, le projet de loi permettra l'organisation d'un service d'accueil efficace, respectueux des principes constitutionnels et répondant à l'attente des familles de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Françoise Guégot, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapporteur de la commission saisie au fond, Charles de La Verpillière, a présenté, avec beaucoup de pédagogie, les points forts du texte dont nous débattons aujourd'hui. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je ne referai pas ce travail de présentation, mais, en tant que rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, saisie pour avis, je souhaite revenir sur un des aspects du texte qui me paraît essentiel, et vous présenter les amendements adoptés par la commission.
Au préalable, je tiens à remercier Charles de La Verpillière d'avoir accepté le principe d'auditions communes sur les enjeux posés par ce texte. Je tiens aussi à saluer l'esprit d'équipe qui nous a animés pendant le travail effectué avant et après les réunions de nos commissions, et qui se traduit par la présentation d'amendements identiques.
J'en viens maintenant au premier temps de mon exposé, à savoir l'avancée considérable que représente l'institution du droit d'accueil pour les enfants scolarisés dans les écoles primaires. S'agit-il d'une institution ou d'une consécration ? La question n'est pas anodine. En effet, l'école a toujours accordé une place centrale à l'accueil. Mais cette place n'avait pas été encore pleinement consacrée par la loi.
Je rappelle que l'objectif premier de la grande loi de Jules Ferry sur l'enseignement primaire de 1882 était de soustraire les jeunes enfants aux influences du milieu familial, social et professionnel, pour les accueillir dans un milieu neutre où leur serait dispensé un enseignement.
Il n'y avait pas que cela ! Jules ferry avait plus de hauteur de vues !
En 1989, le législateur reconnaissait le droit à la scolarisation des enfants âgés de trois ans en liant l'accueil au droit à l'éducation : selon les termes de l'article L. 113-1 du code de l'éducation, « tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près de son domicile ».
Bref, le droit à l'accueil que le projet de loi propose d'instituer existait déjà,…
…mais virtuellement, dans le code de l'éducation. Avec le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, vous lui faites franchir un pas décisif : il devient un droit réel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Dès qu'un enfant est scolarisé, il doit, pendant le temps scolaire, être accueilli à l'école pour recevoir les enseignements prévus par les programmes. Le droit d'accueil complète ainsi le droit à l'éducation, formant avec celui-ci un couple juridique aussi logique qu'incontestable. Le projet de loi garantit alors à l'enfant qu'il sera accueilli même si les enseignements prévus ne peuvent lui être dispensés en raison de l'impossibilité de remplacer son professeur, quelle que soit la raison de l'absence de ce dernier.
Certains voient dans cette avancée une opération scandaleuse (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), destinée à substituer une prestation de garderie à l'éducation. Or le vrai scandale est que l'école soit incapable aujourd'hui d'assurer l'accueil systématique des enfants de manière équitable sur l'ensemble du territoire,…
…au point que, certains jours, des parents se retrouvent devant des établissements fermés ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Nous ne pouvons plus admettre qu'un service public organisé pour de jeunes enfants puisse être interrompu, entraînant pour les familles des situations parfois inextricables,…
…contraintes qu'elles sont de trouver en urgence une solution pour faire garder leurs enfants. Cet état d'urgence est très déstabilisant pour eux, sans parler des angoisses générées dans toute la famille.
Le mérite du projet de loi est bien de placer l'enfant au coeur de son dispositif et de permettre à la société de remplir pleinement son rôle en garantissant l'équité dans le service public de l'école. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'en viens maintenant aux amendements adoptés mardi dernier par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Une même volonté a conduit à leur adoption : rassurer l'ensemble des parties prenantes du futur service d'accueil, à savoir les enseignants, les enfants, les parents et les maires. Permettez-moi de vous présenter brièvement ces amendements.
La commission a adopté trois amendements, présentés par Yvan Lachaud et cosignés par Jean-Philippe Maurer, qui visent à étendre le dispositif du service d'accueil à l'ensemble des établissements d'enseignement privé sous contrat. Pour les écoles élémentaires, ce sont 890 000 enfants qui sont concernés par ces amendements. Même si ceux-ci ont été déclarés irrecevables en vertu de l'article 40, je sais, monsieur le ministre – vous nous l'avez confirmé –, que vous nous proposerez une solution qui permette de généraliser de manière équitable le service d'accueil à ces enfants.
La commission a aussi pensé aux familles : elle a adopté trois amendements visant à préciser les modalités d'élaboration de la liste des personnes susceptibles d'assurer le service d'accueil quand il est pris en charge par les communes. Pour l'essentiel, le maire devra veiller à ce que ces personnes possèdent les qualités requises pour encadrer des enfants, et cette liste sera transmise pour information aux représentants des parents élus au conseil d'école : ces deux avancées sont destinées à rassurer les familles sur la qualité de la prestation qui leur sera proposée.
Dans le souci de rassurer les communes, la commission a adopté un amendement tendant à modifier le seuil de déclenchement du service d'accueil. Avec le seuil de 20 % d'enseignants grévistes déclarant leur intention de faire grève retenu par le Sénat, la grève d'un seul enseignant dans les écoles comprenant cinq classes ou moins suffirait à obliger la commune à mettre en oeuvre le service d'accueil.
Et la décentralisation ? Et la liberté des collectivités ? Vous les piétinez !
Ces établissements représentent 67 % des écoles du premier degré. En prévoyant un seuil qui sera strictement supérieur à 20 %, l'amendement adopté par la commission exclut cette éventualité, et la situation sera alors gérée très simplement grâce à la répartition des enfants dans les quatre autres classes. Je pense que cette disposition est équitable : équitable vis-à-vis des familles, qui ne seront pas privées du service d'accueil ; équitable vis-à-vis des communes, qui seront ainsi sollicitées uniquement en cas de grève importante.
La commission a également pensé à la diversité des situations communales en supprimant une disposition adoptée par le Sénat – M. de La Verpillière en a parlé – qui propose de confier de plein droit la compétence d'organisation du service d'accueil aux établissements publics de coopération intercommunale lorsque ces établissements exercent les compétences relatives au fonctionnement des écoles.
Il nous a en effet semblé que les possibilités de conventionnement ouvertes par l'article 9 du projet de loi et par l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales étaient suffisantes. Le dispositif adopté par le Sénat risquait d'introduire de la rigidité dans un domaine caractérisé par des situations très variables.
Enfin, la commission a adopté un amendement portant article additionnel prévoyant une évaluation des articles de la loi relatifs à la mise en place du service d'accueil par les communes. Il porte notamment sur les difficultés matérielles éventuellement rencontrées par ces collectivités.
S'il y a un dispositif qui doit être évalué dans ses effets pratiques sur les communes et, par ricochet, sur les enfants et leurs parents, c'est bien celui-là.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné, à l'issue de ses travaux, un avis favorable à l'adoption du projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
La parole est aux passéistes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'y a pas si longtemps, M. Xavier Darcos indiquait que la priorité du Gouvernement n'était pas le recours à la loi pour instaurer un éventuel accueil des élèves en cas de grève dans l'éducation nationale.
Ce n'était pas une priorité, mais comme vous ne l'avez pas fait, il fallait bien qu'on le fasse !
C'est ainsi que l'expérimentation de janvier s'est faite sur la base du volontariat des communes.
L'idée était simple : payer les mairies qui acceptaient la basse besogne de jouer les briseurs de grève. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'État leur proposait le versement de fonds correspondant aux retenues sur le traitement des enseignants grévistes, en échange de l'organisation d'un service d'accueil pour les enfants ! (Mêmes mouvements.)
Les personnels municipaux étaient mis à contribution dans les maternelles et les écoles élémentaires. Aujourd'hui, nous pouvons en faire le maigre bilan ! Selon la presse, là où l'accueil a été organisé lors des dernières journées de grève, moins de 10 % des parents y ont eu recours ; au total, quelque 31 000 élèves ont été accueillis, dans seulement 2 800 communes.
Je pense donc ne pas me tromper en disant que, très clairement, le raz-de-marée d'élèves attendu n'a pas eu lieu, et que, sur le terrain, les municipalités volontaires étaient bien rares ! Cette mesure, avant tout idéologique, n'a pas fait recette, même dans les rangs de la droite. Les élus locaux de la majorité se sont comportés en croyants non pratiquants !
Mais il est vrai que, déjà aux élections de mars, les étiquettes « UMP » n'avaient pas non plus beaucoup de succès !
Malheureusement, malgré cet échec notoire, le Gouvernement entend maintenant passer en force…
…pour imposer son service d'accueil, dont manifestement personne ne veut.
Ce choix brutal est une caricature de ce qu'on appelle la « politique de l'autruche ». À ce sujet, je me permettrais une réflexion :…
Le spécialiste de l'autruche va parler ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
…quelle contradiction que de voir le Gouvernement ériger le libre choix en valeur universelle uniquement quand il s'agit de démolir les 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
On le voit, la volonté des communes est mise entre parenthèses quand leur choix n'est pas conforme à celui du Gouvernement.
Cependant, il y a plus grave encore. Je vous le dis sans détour : alors que l'éducation nationale traverse une crise sans précédent…
…le choix d'imposer ce service d'accueil est une véritable provocation !
Car l'objectif inavoué de ce projet de loi est de couper l'herbe sous le pied de ceux qui luttent pour l'avenir de l'enseignement. Depuis plusieurs années, l'école publique est attaquée de toutes parts (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) par la politique du Gouvernement qui compte, avec ce projet de loi, infliger une gifle aux enseignants.
La destruction de l'éducation nationale et l'imposition du droit d'accueil sont bien les deux faces d'une même politique réactionnaire. Pourtant, toutes les enquêtes d'opinion confirment que les Français sont très majoritairement attachés à la qualité de l'école publique,…
Ils savent aussi que les enseignants ne se mettent pas en grève par plaisir.
Les élus communistes et républicains que nous sommes soutiennent sans réserve le mouvement enseignant – et nous ne devons pas être les seuls ! Au lieu de la politique de casse, il faudrait au contraire investir pour un service maximum en faveur de ceux qui sont l'avenir de la nation. (Brouhaha sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, M. Candelier s'exprime. Même ceux qui ne partagent pas son avis doivent l'écouter. Poursuivez, monsieur Candelier.
C'est vrai que certains ne sont pas du tout respectueux. Aujourd'hui, après les déclarations intempestives sur l'utilité même de la maternelle, après les coupes claires dans les effectifs enseignants – on parle encore de la suppression de 13 500 postes supplémentaires en 2009 –, après les fermetures de classes, après la refonte des programmes par quelques experts, c'est une politique différente qui est attendue par la communauté éducative et par les familles. (« Et par les contribuables ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Avec ce projet de loi, le Gouvernement ne répond ni aux préoccupations des enseignants ni à celles des parents. À vrai dire, obliger les municipalités à organiser un service d'accueil en cas de grève a tout de la fausse bonne idée.
Bien sûr, il faut être à l'écoute des besoins des parents : il n'est agréable pour personne d'avoir des complications d'agenda. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cependant, transformer les écoles en véritables garderies – comme l'hémicycle cet après-midi – est une perversion grave de leur mission (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ce service d'accueil est une supercherie à l'égard des parents, car le rôle de l'école est de fournir des enseignements. Le service d'accueil n'est donc pas un cadeau pour les parents, et encore moins pour les enfants !
Ne parlons même pas des maires ! J'aurai l'occasion d'y revenir.
Ce texte est donc un leurre, et à plusieurs titres. D'une part, si une forte majorité des professeurs était en grève, strictement aucun enseignement ne pourrait être assuré. D'autre part, aucun service d'accueil ne pourrait en fait être mis en oeuvre correctement. En réalité, y compris dans le cadre de ce projet de loi qui comporte des restrictions inédites au droit de grève, les municipalités seraient complètement dépassées.
Cependant, pour l'État l'essentiel est ailleurs : il s'agit de faire supporter la charge des conflits avec ses agents par les collectivités territoriales. En cas de crise, on entendra à coup sûr : « Allez voir votre maire ! » Voilà l'un des objectifs de ce projet !
Une telle défausse n'est certes pas inédite. Depuis la décentralisation made in UMP, tout notre pacte républicain se retrouve dans le collimateur. Au fond, votre projet de loi tente d'exploiter un sentiment d'abandon des parents par l'école publique, pour durcir les conditions d'exercice du droit de grève et dissuader les enseignants du premier degré d'y recourir.
Il faut rappeler que l'État est seul responsable de ce sentiment d'abandon qui résulte de la politique de casse de l'éducation nationale. Le renoncement n'est pas celui des enseignants. C'est pourquoi j'estime qu'il est parfaitement injuste de leur imposer une limitation du droit de grève.
On ne peut que déplorer le fait que ce projet de loi se situe dans le droit fil des déclarations revanchardes et provocatrices du chef de l'État lors du dernier conseil national de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour la droite, le but est plus que jamais de chercher à museler l'expression revendicative et contestataire. Après la loi sur le service minimum dans les transports, c'est le droit de grève des enseignants qui est ici visé !
Mais croyez-moi, gare aux lendemains qui déchantent ! Ne criez pas victoire trop vite ! Car si le calme est relativement de mise dans cet hémicycle, selon toute vraisemblance la rentrée sociale s'annonce agitée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous en reparlerons. D'ailleurs, le Gouvernement n'est pas du tout serein. Comment interpréter autrement son choix de la voie législative à la sauvette, je dirai même à la hussarde, en plein congés d'été ? (Mêmes mouvements.)
Par crainte d'une réaction, on fait passer les mauvais coups en juillet, lorsqu'une grande partie des enfants, parents et élus est au repos. Je pense très sincèrement que le Gouvernement manque de sens des responsabilités.
Il est ainsi parfaitement démagogique d'opposer les parents aux professeurs et aux élus, car leurs intérêts pour une école de qualité coïncident. J'en suis convaincu, en tournant le dos au dialogue social et en rendant plus difficile le recours à la grève, ce texte produira en réalité le résultat inverse.
Nul doute que la solidarité du citoyen et de l'usager s'exprimera de nouveau, vu l'ampleur de l'abandon du système éducatif. C'est alors que nous constaterons que ce piteux projet de loi sur l'accueil des enfants à l'école n'aura rien réglé du tout.
Pour justifier ce projet, le Gouvernement invoque principalement la nécessité d'accueillir les enfants et la liberté des parents de travailler. Alors, pourquoi ne fait-il rien pour la garde des enfants de moins de trois ans ?
Pourquoi se limiter au temps scolaire obligatoire et rédiger un texte qui, d'après les calculs, s'appliquera en moyenne deux à quatre jours par an ?
De même, pourquoi le Gouvernement ne manifeste-t-il strictement aucun intérêt pour l'accueil des jeunes le soir après l'école, à midi, entre les cours, le mercredi, le samedi matin et durant toutes les vacances scolaires ? (« Cela n'a rien à voir avec le sujet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Est-ce pour faciliter la vie des familles que l'école a été supprimée arbitrairement le samedi ? Pourquoi ce texte ne s'attaque-t-il qu'aux écoles publiques et non aux écoles privées ? Mais d'après les propos de M. le ministre, j'ai cru comprendre qu'un amendement allait modifier la situation. Dans le texte, rien n'est d'ailleurs prévu dans l'hypothèse où les personnels recrutés pour assurer le service d'accueil se mettraient eux aussi en grève. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Est-ce pour faciliter la vie des familles que le Gouvernement favorise le travail le dimanche ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Malheureusement, les journées de RTT vont être purement et simplement supprimées. Le temps de travail va être allongé dans des limites encore inconnues pour toutes les catégories de salariés. (Mêmes mouvements.) Alors, oui les familles vont avoir des journées ingérables, mais je pose une question simple : à qui la faute ? (Mêmes mouvements.)
Pour les parents qui travaillent, les difficultés sont énormes, il n'est pas question de le nier. Il s'agit d'un casse-tête quotidien qui comporte des coûts de garde difficilement supportables, sans compter le temps passé à essayer de trouver des solutions. Voilà un problème important. Cependant, la source de ce problème n'est pas la grève car, comme je l'ai dit, on ne compte que quelques jours de grève par an. Mais voilà : pour le Gouvernement, c'est déjà insupportable ! Dès lors, l'objectif est de faire d'une pierre deux coups, en criminalisant l'action revendicative tout en opérant un habile renversement sur la cause des difficultés des familles.
Je le dis donc solennellement et sans ambiguïté : par cette motion de procédure, les députés communistes et républicains entendent réaffirmer leur défense absolue du droit de grève.
Au niveau des principes, ce droit de grève a valeur constitutionnelle – tout comme la continuité du service public, certes. Cependant, il ne faut pas tout mettre sur le même plan. La mission de l'école ne se résume pas à l'accueil des élèves, mais consiste à dispenser des enseignements. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De ce fait, contrairement à ce qui est dit sur un ton pavoisant, ce projet ne réconcilie aucunement les deux.
Au niveau juridique, le droit de grève est reconnu par le préambule de la Constitution de 1946, repris par celle de 1958. Selon la Constitution, « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. » Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 22 juillet 1980, il s'agit d'une compétence exclusive du législateur, qui ne saurait comporter aucune délégation au profit du Gouvernement. Or l'article 3 du projet précise qu'un décret en Conseil d'État fixe les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable entre l'État et les organisations syndicales, et notamment les conditions de notification et de dépôt d'un éventuel préavis de grève.
Cet article 3 renvoie encore à un décret la fixation du délai donné à l'autorité administrative pour réunir les organisations syndicales, la durée de la négociation préalable, les conditions dans lesquelles se déroule la négociation ainsi que les modalités d'élaboration du relevé des conclusions.
Excusez du peu ! On le voit, tout sera balisé par un décret ultérieur. Or toutes ces modalités concernent les conditions mêmes de l'exercice du droit de grève. Nous ne pouvons donc pas considérer que le décret en question est un simple décret d'application. Il doit plutôt être considéré comme un abaissement du rôle du législateur et une délégation de compétence.
Dans le même ordre d'idée, l'imprécision des formulations telles que « les conditions de la négociation », « les informations transmises » ou encore « les conditions d'information » revient à abandonner au pouvoir réglementaire des compétences dont le Conseil constitutionnel a rappelé la dévolution exclusive au législateur.
Enfin, cet article 3 du projet dispose que « lorsqu'un préavis a été déposé dans les conditions prévues à l'article L. 2512-2 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé avant que la procédure de concertation prévue n'ait été mise en oeuvre. »
Évidemment, il s'agit d'une nouvelle entrave à l'exercice du droit de grève, au motif de l'accueil des enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En outre, l'article 5 impose à chaque enseignant gréviste l'obligation d'informer son administration de sa participation à la grève, 48 heures avant son début. Si le ministre parle d'une « atteinte non excessive au droit de grève », ce qui ne veut d'ailleurs rien dire, je constate avec un certain effroi que cette atteinte au droit de grève est parfaitement assumée. (Mêmes mouvements.)
Alors bien sûr, on s'entend dire que ces restrictions sont justifiées par le fait qu'il serait introduit, par ailleurs, une garantie d'accès au ministère en cas de crise. Plutôt que de légiférer à nouveau, pourquoi ne pas faire en sorte que l'État-patron soit véritablement à l'écoute dans le cadre existant ?
Tout le monde le sait bien, cette « garantie » ne représente absolument pas une avancée. Tous les syndicats le diront ! Je l'ai rappelé : les familles et les enseignants aspirent à un authentique service de l'éducation. De ce point de vue, je n'exagère pas en affirmant que le ministère s'assoit littéralement sur leurs aspirations ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Que signifie avoir le droit de négocier avec un gouvernement qui supprime autoritairement les postes, tripatouille sournoisement les programmes et laisse filer le pouvoir d'achat de ses agents depuis tant d'années ? Un tel droit n'apportera pas grand-chose !
D'ailleurs, pour s'en convaincre, il suffit de regarder la manière dont ce projet de loi a été concocté dans le dos de la communauté éducative. C'est la défiance générale qui s'est installée ! Je me permets donc de penser que les syndicats n'ont pas de leçons de dialogue à recevoir de la part de l'État et que les « bloqueurs » ne sont certainement pas ces fonctionnaires que le Gouvernement entend rendre coupables de tous les maux.
Votre projet de loi soulève également des questions de constitutionnalité, relatives au statut des collectivités territoriales. Le principe de leur libre administration, posé par l'article 72 de la Constitution, est ici largement bafoué. La commune n'a jamais été l'autorité organisatrice de l'enseignement. Cette compétence est tout à fait celle de l'État. Responsables pénalement et civilement en cas de problèmes, les maires seront placés devant de nouvelles et lourdes responsabilités.
Sur ce point aussi, j'ai cru comprendre qu'un amendement allait modifier les choses. Cette immixtion dans les affaires communales est manifeste. Elle constitue le coeur de ce droit d'accueil : le législateur ne se contente pas de poser des principes ou d'attribuer des compétences, il fait de l'ingérence ! Le ministre dirige carrément l'action des municipalités !
Malgré le verdict des urnes, en mars dernier – ce n'est pas si loin –, le Gouvernement reste sourd. Cela le mènera droit dans le mur, j'en suis persuadé. Ce projet oblige les mairies à assumer les conséquences d'un conflit entre l'État et ses personnels. D'ordinaire, l'accueil des enfants relève de la responsabilité de l'État lui-même qui doit veiller à ce que les enseignants absents soient rapidement remplacés. Or la formulation de l'article 2 du projet laisse entendre que l'accueil sera obligatoire également pour toute absence – en cas de problèmes de santé, par exemple. La contradiction est donc éclatante avec les ambitions déclarées du Gouvernement, concernant l'amélioration du remplacement des professeurs absents. En réalité, on risque d'assister à la fin des remplacements des enseignants absents dans les écoles maternelles et élémentaires.
Ce texte ne respecte pas non plus le principe d'égalité des usagers devant le service public, auquel le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 juin 1998, a aussi reconnu une valeur constitutionnelle. Le projet précise en effet que l'accueil des enfants est assuré ou non « en fonction du nombre d'enseignants grévistes. » De fait, cet accueil ne sera donc pas assuré partout, et notamment dans les écoles privées – mais j'ai entendu parler de l'amendement miracle.
Nous voyons qu'à tous égards ce projet de loi nous conduit à une rupture à la fois juridique, politique et du dialogue social. De plus, comme dit le proverbe, « le diable se niche dans les détails. ». C'est bien le cas ici. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Car les dispositions du texte le rendent source de grands dangers.
Ainsi, il est prévu l'enregistrement des déclarations de grève individuelles, au motif d'un savant comptage. Les enseignants seront davantage fichés par l'éducation nationale et par l'inspecteur d'académie, leur supérieur hiérarchique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est précisé à l'article 6 que les « informations issues des déclarations individuelles de grève sont couvertes par le secret professionnel ». Bien entendu, leur utilisation à d'autres fins est interdite. Mais un risque est bel et bien introduit et toutes les précautions pénales ne le supprimeront jamais. Les garanties apparaissent sur ce plan pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire inexistantes.
Par ailleurs, selon le texte, l'accueil sera strictement obligatoire à partir de plus de 20 % d'enseignants grévistes. Sauf qu'un tel calcul n'est pas sans poser problème ! Premièrement, à l'heure actuelle, on ne sait toujours pas si ce sont les calculettes du rectorat, du ministère – pourquoi pas ? –, de l'inspecteur d'académie ou des municipalités qui seront utilisées pour l'accomplissement de ces calculs risibles. Mais surtout, comment compter des fractions d'enseignants ? Devra-t-on faire les calculs en nombre d'heures de travail ? Faudra-t-il intégrer les sacro-saintes heures supplémentaires ? Et comment prendre en compte les enseignants à temps partiel ? Un tel pourcentage n'a rien de sérieux.
D'une façon générale, je dirais que ce texte est une véritable mine d'aberrations et de manques. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Par exemple, c'est avec un grand intérêt que j'ai pu constater, à l'article 9, que les communes pourraient confier l'organisation du service d'accueil à d'autres communes, voire à un EPCI, un établissement public de coopération intercommunale. Après la défausse de l'État sur les communes, la défausse des communes sur les autres communes ou sur les EPCI ! Malheureusement, aucune possibilité de conventions avec l'État n'est prévue : le retour à l'envoyeur eût pourtant été salutaire !
Cette possibilité de convention n'est en fait ni plus ni moins qu'un constat d'impuissance. Elle prouve en elle-même que l'organisation sera dans les faits rendue très difficile pour certaines communes, notamment les plus petites. Il est écrit d'avance dans le texte que celles-ci seront complètement démunies pour remplir les obligations que l'État va leur imposer.
De même, on peut dire que la responsabilité donnée aux maires est écrasante : où trouveront-t-ils le personnel d'encadrement ? Il paraît pourtant évident que le rôle des maires n'est pas d'être les DRH de l'éducation nationale ni, d'ailleurs, les collaborateurs forcés de la police antigrève que va progressivement devenir l'administration de l'éducation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Venons-en à la question du financement de cette nouvelle réglementation. L'artifice de l'article 8, censé régler la question, est le suivant : dans l'optique du Gouvernement, les coûts de l'organisation du service d'accueil se limitent à la rémunération des personnes chargées de l'accueil. Or dans les faits, bien sûr, il n'en est rien. Il existe des frais de mise en oeuvre. La compensation intégrale des charges des communes par l'État, principe pourtant constitutionnel, n'aura donc pas lieu. Et ce n'est pas en inscrivant que la compensation financière sera fonction du nombre d'élèves accueillis que l'arbitraire d'un décret ultérieur quant au montant est écarté : le garde-fou est très largement insuffisant.
Par ailleurs, le ministre nous parle d'un vivier de personnes susceptibles d'assurer l'accueil. Fort heureusement, ce vivier sera préalablement débarrassé des délinquants sexuels, grâce à un amendement adopté à la hâte au Sénat. Il s'agit d'une mauvaise plaisanterie. Rien n'est réellement prévu pour garantir la qualité des encadrants. Je rappelle ici qu'en vertu de l'instruction du 23 mai 2003 et de la loi du 17 juillet 2001, les exigences d'encadrement sont drastiques. Pour les moins de six ans, il faut un animateur pour huit enfants en centre de loisirs sans hébergement – ceux d'entre nous qui sont maires doivent le savoir – et un pour dix en période périscolaire. Pour les six ans et plus, il en faut un pour douze en centre de loisirs et un pour quatorze en période périscolaire. Ici, rien n'est prévu !
De même, s'agissant de l'encadrement des élèves accueillis, pourquoi ne pas avoir prévu la détention du BAFA, le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur ? C'est pourtant la règle posée pour l'encadrement dans les centres de loisirs et lors des activités périscolaires. Ajoutez à cela que les lieux utilisés ne seront pas obligatoirement ceux de l'école, et alors la confusion est totale ! Pour la sieste des petits, un préau fera-t-il l'affaire ? Il n'existe aucune réponse à cette question.
J'ai l'impression que la sécurité des enfants sera sacrifiée sur l'autel de la démagogie. (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
S'il s'agit d'organiser le service d'accueil pour toute une école, pendant une journée entière, il faut bien comprendre que cela induit l'accueil avant et après la classe, ainsi que la cantine.
Le recours à des personnels intérimaires recrutés au dernier moment, en vingt-quatre heures, non qualifiés et, qui plus est, dans des locaux inadaptés, sera incompréhensible pour les familles. Le malheur, c'est qu'à aucun moment elles n'auront leur mot à dire.
Chers collègues, j'ai déjà eu l'occasion d'alerter les maires de ma circonscription sur les dangers d'un service d'accueil dans les écoles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour les députés communistes et républicains, le plus urgent et le plus vital pour l'avenir de notre jeunesse, c'est la reconquête du service public. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – « Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Après avoir provoqué une situation de conflit dans l'éducation nationale en bafouant tous les principes de l'école publique, il s'agit maintenant pour le Gouvernement de dissuader et d'empêcher les agents de se mettre en grève (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), tout en se défaussant sur les communes pour organiser un service d'accueil des enfants.
Mais contrairement à ce que voudrait penser la majorité, une journée de garderie ne remplacera jamais une journée de cours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Compte tenu des difficultés de mise en oeuvre, ce projet ne suscitera aucunement l'enthousiasme des maires. On a vu ce que cela a donné sur la base du volontariat : ce fut un échec !
Je le réaffirme avec gravité, le service public de l'éducation mérite mieux qu'une usine à gaz dont le but est d'escamoter les vrais enjeux de l'enseignement en France, c'est-à-dire le débat sur ses objectifs et ses moyens. Ce projet de loi a une portée considérable.
Il concerne plus de cinq millions d'élèves et leurs familles, et 23 000 communes ont au moins une école sur leur territoire. Des centaines de milliers de fonctionnaires territoriaux et 330 000 enseignants du premier degré sont particulièrement visés.
Je vous le redis donc, la précipitation n'est pas une bonne méthode de gouvernement. Plus que jamais, il faudrait au contraire réunir les conditions pour qu'une véritable école républicaine, gratuite, laïque et obligatoire garantisse à chaque enfant les moyens nécessaires pour s'épanouir dans notre société. Sur ce sujet comme sur tous les autres, l'opposition des députés communistes et des Verts, en métropole comme en outre-mer, est donc frontale. Il n'y a strictement rien à améliorer et rien à garder dans ce projet : tout, jusque dans sa philosophie, est à jeter par la fenêtre ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est pourquoi je vous invite à voter l'exception d'irrecevabilité soutenue par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – « Encore ! encore ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Rien de ce qui vient d'être dit ne peut justifier l'exception d'irrecevabilité déposée par nos collègues communistes, sinon quelques propos excessifs.
Il aurait fallu proposer des arguments d'ordre constitutionnel ; or nous n'en avons pas entendus.
Au contraire, la démonstration a été faite que le projet de loi respectait le principe de libre administration des collectivités territoriales, ne serait-ce que par l'article 8, qui fixe le niveau des ressources que les communes recevront en contrepartie de leur intervention.
De même, s'agissant du droit de grève, les mécanismes prévus – l'obligation de négociation préalable et celle, pour les grévistes, de se déclarer individuellement – ont été jugées conformes à notre loi fondamentale par le Conseil constitutionnel, et ce pas plus tard que l'an dernier.
Je pense donc que l'exception d'irrecevabilité ne peut être que rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Sans vouloir être désobligeant, j'ai le sentiment que nous avons entendu, avec les propos de M. Candelier, un certain nombre d'incongruités. La première l'est d'ailleurs au regard des chiffres. Vous invoquez bien à tort l'opinion publique, monsieur Candelier, et vous n'êtes pas habilité à parler au nom des familles : selon des sondages que je vous invite à lire, 82 % d'entre elles approuvent le dispositif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Reconnaissez au moins aux instituts de sondage la même légitimité qu'à un député pour évoquer ce que pensent les familles !
Je ne vous interdis pas de croire à ce que vous dites, mais vous citez des chiffres inexacts.
Deuxième remarque : vous avez laissé entendre que le dispositif était une atteinte de plus à l'école primaire. Mais puis-je vous rappeler que, contrairement à ce que vous affirmez, nous ne retirons aucun emploi dans l'école primaire ? Nous en ajoutons au contraire pour la rentrée prochaine !
Puis-je également vous rappeler que nous avons créé des stages pour les élèves de CM1 et de CM2 ? Ils sont cette semaine 110 000 à les utiliser !
Nous avons aussi mis en place l'accompagnement éducatif, et les enseignants consacreront deux heures de leur service aux élèves en difficulté. Bref, vous ne pouvez pas dire que le texte est une attaque contre l'école primaire, alors que jamais un gouvernement n'a fait autant pour elle ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il n'est pas vrai non plus de dire que nous avons sournoisement « tripatouillé » les programmes du primaire, dont nous avons consulté tous les enseignants sans exception !
Ceux-ci ont produit 11 000 synthèses pour donner leur avis, et nous avons modifié les choses en conséquence. Vous défendiez une exception d'irrecevabilité : il est donc normal que vous amplifiiez un peu le propos, mais il faut quand même vérifier ce que vous dites.
J'en viens aux deux questions de fond que vous avez soulevées. Le dispositif proposé est-il une atteinte au droit de grève ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Évidemment non : il ne fait que constater le droit de grève et ne le concerne donc pas en soi. Lorsque celui-ci est susceptible de nuire aux familles, le système d'accueil se met en place. Bref, le droit de grève n'a même pas sa place dans notre discussion, sinon pour dire que la mise en place du droit d'accueil suppose que l'on sache qui est gréviste.
J'ajoute qu'il y a une incongruité supplémentaire à présenter comme une régression le fait d'accueillir des enfants plutôt que de les laisser dans la rue. Il est tout à fait souhaitable de rendre service aux familles, notamment les monoparentales et les plus modestes, qui ne savent pas quoi faire de leurs enfants les jours de grève.
Vous affirmez en outre que ce nouveau droit servira peu. C'est possible, mais je préfère un droit universel utile ne serait-ce qu'à un seul à une situation d'injustice qui pèserait sur tous. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dernier point : la constitutionnalité du dispositif. Comme je l'ai rappelé plusieurs fois, le Conseil constitutionnel s'est souvent déclaré favorable à ce que les obligations à la charge des collectivités soient, quant à leur portée et à leur objet, définies avec précision : c'est en l'occurrence le cas. L'enseignement relève de la compétence exclusive de l'État, et le service qu'il est demandé aux communes d'assurer constitue seulement une prestation d'accueil et de surveillance des enfants. Il n'y a donc là rien qui soit inconstitutionnel : nous l'avons évidemment vérifié.
Je souhaite par conséquent que l'exception d'irrecevabilité soit rejetée, non seulement parce que les propos tenus pour la défendre ne reflètent pas la situation objective,…
…mais aussi parce qu'il y va d'un droit que nous devons aux familles de France, qui d'ailleurs le réclament. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.
Tout nous oppose, monsieur Candelier ! Vous avez parlé pendant une demi-heure de la grève. Nous, nous parlons des enfants et de leurs familles, nous parlons du droit de travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au lendemain du 14 juillet, qui célèbre les valeurs de la République, nous voulons à travers ce texte illustrer les principes d'égalité et de liberté qui en sont le fondement ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons souhaité que l'engagement du Président de la République devienne un droit réel pour toutes les familles de France. Lors des journées de grève, le 20 novembre 2007, puis le 24 janvier, le 18 mars, les 15, 22 et 24 mai, et enfin les 10 et 17 juin, n'avez-vous pas entendu, dans vos communes…
…les parents d'élèves se plaindre de ne savoir que faire de leurs enfants, et, pour ceux qui n'ont pas d'assistante à domicile, de ne pas pouvoir se rendre à leur travail ?
Aujourd'hui, le Gouvernement et les parlementaires de l'UMP répondent à leur attente.
Ce projet de loi instaure un droit d'accueil pendant le temps scolaire. Ce droit associe deux libertés : celle de faire grève, que personne ne songe à remettre en cause (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et celle de travailler, tout aussi essentielle. Ce texte repose sur un équilibre entre la nécessité de ne pas remplacer les enseignants, afin de ne pas ôter aux grévistes leurs moyens d'action, et celle, impérieuse, de pourvoir à l'accueil des enfants, afin de ne pas priver les parents d'une journée de travail.
Il contribue aussi à lutter contre les inégalités sociales et territoriales, puisque les enfants pourront désormais être accueillis dans toutes les communes. Pourquoi, en effet, les Français ne seraient-ils pas égaux face à la grève des personnels de l'éducation nationale ? Pourquoi certains pourraient-il travailler, tandis que d'autres ne le pourraient pas ? Car la grève pose en effet un problème en termes d'égalité. On l'a vu dans nos communes : certains parents ont la possibilité de faire garder leurs enfants parce qu'ils ont de la famille ou une assistante, mais les familles modestes, car il s'agit le plus souvent de celles-là, doivent faire face à ces difficultés.
Ce texte s'étend naturellement à l'enseignement privé, afin de garantir une égalité totale entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
Les inquiétudes des maires de France, exprimées par leur président, M. Pélissard, sont également prises en compte. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Oui, l'État prend ses responsabilités puisqu'il prévoit une compensation financière, avec un montant minimal, et une indemnisation qui, je l'espère, couvrira réellement les frais engagés. De même, il se substitue à la commune pour ce qui concerne la responsabilité administrative et pénale de l'accueil.
Oui, l'État prend ses responsabilités puisqu'il prévoit un dispositif assez souple pour que les communes puissent conclure entre elles des conventions pour partager un lieu d'accueil et des intervenants. C'est un point essentiel.
Au fond, ce texte dépasse largement la question du service minimum puisqu'il s'agit du droit à l'accueil tout au long de l'année. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Désormais, lorsqu'un enseignant sera absent, l'État assumera ses responsabilités. M. Xavier Darcos a évoqué l'organisation qu'il souhaite mettre en place pour cela.
En bref, ce texte respecte parfaitement la Constitution – vous n'avez apporté aucun élément démontrant le contraire. Il ne porte pas non plus atteinte à la libre administration des communes, puisque seul le maire, avec le conseil municipal, décide de l'ouverture des classes et établit la liste des élèves soumis à l'obligation scolaire. Sur ce point, les deux rapporteurs et le ministre ont apporté les garanties nécessaires. Enfin, il met en oeuvre les principes de notre République : la liberté, l'égalité, et naturellement la fraternité.
Voilà les principes qui guident l'école républicaine, comme ils guident les députés du groupe UMP qui, pour toutes ces raisons, rejetteront l'exception d'irrecevabilité que vous nous avez présentée, cher collègue Candelier, plus comme un spectacle qui aurait fait rire les élèves que comme un moment sérieux du débat parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, je ne voudrais pas paraître prétentieuse, mais j'ai l'habitude de dire que les discours les plus courts sont les meilleurs.
Je serai brève, en effet. Le discours de M. Candelier est à la fois passéiste et confus. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En quelques mots, le droit d'accueil dans les écoles est un service attendu par les parents depuis de nombreuses années, dans toutes les communes, grandes ou petites, dans les écoles publiques comme dans les écoles privées sous contrat.
Ce texte a été bien préparé…
…et très bien amendé. Le groupe Nouveau Centre, qui m'a demandé d'exprimer sa position, rejettera donc cette exception d'irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Reconnaissez que M. Candelier vous a mis en verve au point de vous faire vibrer, et même trembler ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Heureusement qu'il y a des médecins dans l'hémicycle, car ce sursaut d'adrénaline n'est pas sans risque, monsieur le ministre, comme on a pu le voir tout à l'heure !
Mon taux d'adrénaline est normal !
Vous avez mobilisé tous les fantassins de la droite, venus en bataillons serrés pour s'opposer à l'exception d'irrecevabilité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais les vitupérations ne valent pas argumentation, mes chers collègues, et ne remplacent ni les convictions ni l'engagement en faveur de l'éducation des enfants de la nation – notion que vous ignorez. Mais j'y reviendrai.
Monsieur le ministre, vous ne manquez pas d'audace quand vous proposez de régler la démocratie par sondages, alors que le prince qui nous gouverne vient de refuser le référendum, d'une essence, vous en conviendrez – si je peux me permettre d'employer une expression que tous ne pourront comprendre – bien supérieure !
Le ministre l'a reconnu : c'est à la demande du Président de la République qu'il nous a présenté ce texte, ce qui constitue une violation caractérisée de l'article 5 de la Constitution ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le Président de la République ne peut se mêler que des domaines qui lui sont attribués par la Constitution.
Eh oui, monsieur Goasguen : vous, le député des douairières et des immigrés choisis des Émirats d'Arabie (Rires), vous étiez dubitatif tout à l'heure ! Quant à vous, madame Guégot, lorsque vous parliez, j'ai vu M. Darcos : il regardait le bout de ses chaussures ! Oser dire, devant un pédagogue issu de l'illustre maison qu'est l'éducation nationale, que le rôle de l'école est de soustraire les enfants à l'influence de leur milieu : quelle insulte à Condorcet, à Ferdinand Buisson, à Jules Ferry et à Henri Wallon ! Ce n'est pas du tout son rôle !
Votre texte, monsieur le ministre, comporte en outre de nombreuses incertitudes. Ainsi, comment préviendrez-vous les familles « assez tôt » lorsque la grève sera décidée un mercredi après-midi ou un vendredi soir ? Vous voyez bien que cela ne tient pas la route ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est prévu dans la loi !
Que se passera-t-il quand un syndicat facétieux demandera à l'ensemble des enseignants de se déclarer en grève même si tous ne la font pas ? Que ferez-vous des personnes qui auront été désignées pour accueillir les enfants ? Au fond, ce texte relève d'une idéologie de Prisunic !
Derrière ce texte, il y a la provocation récente du Président de la République : votre seule ambition est de faire en sorte que les mouvements sociaux passent inaperçus pour briser toute solidarité entre ceux qui ont vocation à mener combat commun contre les mauvaises politiques, en l'occurrence les parents d'élèves et les enseignants.
Vous avez parlé de dialogue social, monsieur le ministre. Il faut vous reconnaître un certain talent pour rétablir des usages en vogue au temps de Mme de Sévigné ou de Mme Tallien : vous recevez, on cause, mais cela n'a aucune conséquence ! (Sourires.)
Je ne fais pas de cogestion, monsieur !
En sortant, on se dit : il est très sympathique, mais cela n'a servi à rien ! Si vous le permettez, monsieur le ministre, je vous ferai une recommandation : plutôt que de réactiver de vieilles traditions historiques qui ont marqué notre littérature, je vous propose de supprimer les raisons de faire grève ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Pourquoi ne pas aider les enfants en difficulté, sans se limiter à des stages dont chacun reconnaît qu'ils sont insuffisants pour rattraper les enfants qui ont perdu pied ?
Certaines écoles ont besoin d'un ou de deux enseignants supplémentaires pour assurer un soutien personnalisé (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) afin qu'aucun enfant ne soit exclu de la communauté scolaire.
C'est en cela que l'exception d'irrecevabilité, d'abord motivée par le viol de l'article 5 de la Constitution par le Président de la République, est légitime. Et l'on pourrait encore disserter, en particulier en revenant sur les propos de Mme Guégot, qui a usé et abusé des notions d'équité et d'équitable au point de faire se retourner dans leur tombe les autorités intellectuelles que j'évoquais tout à l'heure, à commencer par Condorcet, qui a fait honneur à la Révolution et à l'école publique. M. Darcos, intellectuellement, ne peut qu'être d'accord avec moi, même s'il ne peut l'assumer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ne parlez pas à ma place !
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Notre collègue Candelier a fait preuve de sobriété en se limitant à quelques motifs d'inconstitutionnalité de ce texte. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il y en a bien d'autres. Répondant à la sollicitation du rapporteur Charles de la Verpillière, j'en évoquerai cinq.
Le premier est central : ce texte est totalement contraire au principe constitutionnel du droit à l'éducation.
Permettez-moi, madame, de vous interrompre quelques instants.
Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Poursuivez, madame Mazetier.
Il s'oppose surtout au devoir de l'État d'organiser l'enseignement public, gratuit et laïc à tous les degrés, reconnu dans le préambule de la Constitution. Dès lors que le droit d'accueil est mis sur le même plan que le droit à l'éducation, il ne manquera pas de s'y substituer progressivement.
Le deuxième motif d'irrecevabilité de ce texte, quoi qu'en disent les rapporteurs et le ministre, est qu'il porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Je vous rappelle les termes de l'article 72 de la Constitution, auquel vous n'avez manifestement pas été très attentifs : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ».
Avouez, mes chers collègues, que l'accueil dans les écoles ne relève pas du champ des compétences évidentes des collectivités territoriales, mais de celles de l'État, et notamment de l'éducation nationale.
Le troisième motif d'irrecevabilité de ce texte concerne l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution, qui prévoit que la nation garantit à tous, et notamment à l'enfant, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Avez-vous vraiment l'impression, mes chers collègues, que ce texte garantisse en quoi que ce soit la santé et la sécurité des enfants…
…alors qu'il ouvre la possibilité à n'importe qui, sans préparation à l'encadrement de jeunes enfants ou de pré-adolescents en nombre, de les garder dans leurs écoles pendant des journées entières ?
Sans être nécessairement inscrits au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, des adultes, quand bien même seraient-ils parents d'élèves, peuvent se livrer à des violences, perdre leur calme, administrer une gifle ou une fessée…
Cela s'est vu et cela se verra encore. Vous-mêmes, mes chers collègues, vous porteriez-vous volontaires pour encadrer de jeunes enfants de maternelle ou de CM2 dans leur école pendant des journées entières ? Pouvez-vous imaginer, même les plus patients et les plus expérimentés de nos collègues, Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, surveillant l'atelier de pâte à modeler, ou encore Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, animant l'atelier gommettes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela n'a aucun sens, vous en êtes conscients !
Ce texte, sans même imaginer de catastrophe, bafoue l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le quatrième motif d'irrecevabilité se fonde sur l'article 72-2 de la Constitution, qui prévoit que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. » Par la loi, mes chers collègues, et non par un décret, qui ne prévoit ni la couverture du risque pénal encouru par les maires ni le transfert de compétences aux collectivités ni le temps passé en gestion de ressources humaines, en émission de fiches de paie, en signatures de contrat, en vérifications auprès des services compétents de la non-inscription au fichier, précédemment cité, des auteurs d'infractions sexuelles. Ce quatrième motif est imparable. Votre projet ne respectant pas l'article 72-2 de la Constitution, vous êtes bien en peine de le compléter.
Pour conclure, monsieur le président, le cinquième motif d'irrecevabilité se fonde sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui prévoit que la loi est l'expression de la volonté générale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le droit d'accueil a été expérimenté grandeur nature, à l'échelle nationale, l'hiver dernier, et 90 % des communes ont refusé de le mettre en oeuvre. Il semble que la volonté générale ait manifesté son opposition à ce dispositif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'exception d'irrecevabilité.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 210
Nombre de suffrages exprimés 210
Majorité absolue 106
Pour l'adoption 42
Contre 168
L'exception d'irrecevabilité est rejetée. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire n'existait pas, faudrait-il l'inventer ?
Tel est le sens de la question préalable que je pose au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mme Guégot et M. de La Verpillière y ont répondu d'une certaine manière, en avouant, avec une touchante naïveté, que l'accueil existait dans le code de l'éducation, dès la création de l'école publique, laïque et obligatoire.
Pour la première fois depuis le début de cette législature, nous examinons un texte qui concerne l'école. C'est donc un grand rendez-vous pour les parlementaires que nous sommes et pour le Gouvernement. Les premiers textes sont, plus que tout autre, porteurs des convictions d'une majorité, révélateurs d'un projet, d'une vision du Gouvernement et du ministre concerné sur les solutions à apporter à un problème largement évoqué lors d'une campagne électorale.
S'agissant du premier texte présenté par le ministre de l'éducation nationale, nous aurions pu espérer débattre et légiférer plus tôt dans la législature, et sur de grands sujets de fond qui concernent l'école. Au lieu de cela, nous avons un texte qui pourrait n'être qu'inutile, comme l'ont démontré avant moi les deux rapporteurs, voire impraticable, comme cela a déjà été évoqué, s'il n'était avant tout dangereux.
Nous aurions pu ainsi débattre de la meilleure manière d'atteindre un objectif qui fait consensus : celui de la maîtrise de la langue française par tous les élèves. Cela nous aurait donné l'occasion de discuter à nouveau de l'âge à partir duquel doit s'appliquer l'obligation scolaire. Pour notre part, nous pensons qu'elle doit commencer à trois ans et qu'il faut même promouvoir une socialisation plus précoce encore des enfants (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour corriger à la base les inégalités linguistiques et culturelles qui préexistent à la scolarisation.
Cela aurait fait débat entre nous, mes chers collègues. Mais avouez que c'eût été un beau débat, digne de l'école de la République que nous prétendons tous défendre, et digne des élus de la nation que nous sommes.
Nous aurions pu débattre de l'école en général, de ce que nous attendons d'elle et de l'effort que la nation est prête à consentir pour lui permettre d'atteindre les objectifs toujours plus nombreux que nous lui fixons.
Nous aurions pu débattre de tous les cycles, de tous les niveaux et de leur articulation, de la maternelle au lycée, de la nature et du contenu des programmes à chacune de ces étapes.
Nous aurions pu, par exemple, monsieur le ministre, débattre des cinq piliers du socle commun de connaissances défini par la loi en 2005, qui dispose, je vous le rappelle, que « l'acquisition du socle commun par les élèves fait l'objet d'une évaluation qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité. » La loi précise également que « le Gouvernement présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun de connaissances et sur la maîtrise de celui-ci par les élèves au cours de leur scolarité obligatoire. »
Au lieu de ce rendez-vous prévu par la loi, sur des programmes que vous avez vous-même contribué à mettre en place, vous avez décidé unilatéralement de revoir, sur des bases que vous seul connaissez, les programmes du primaire, de même que vous avez unilatéralement et sans la moindre étude d'impact, décidé de réduire de deux heures par semaine, le temps de scolarité obligatoire…
…au cours duquel les écoliers sont censés acquérir la maîtrise de ces savoirs et de ces compétences.
Nous aurions pu débattre de l'éducation prioritaire, laissée en déshérence, de la suppression de la carte scolaire dont un rapport – que vous ne publiez pas, on ignore pourquoi – dénonce les effets discriminatoires. Nous aurions pu débattre de la place et du rôle de l'histoire et de la mémoire dans les programmes, ou de celle de l'éducation artistique ailleurs qu'au théâtre des Amandiers. Nous aurions pu débattre des enseignements professionnels, de la réforme du lycée ou de celle du baccalauréat.
Bref, nous aurions pu débattre de très nombreux sujets tout aussi importants et légitimes les uns que les autres. Autant de sujets que vous ne vous êtes pas privé d'évoquer, monsieur le ministre, mais hélas, le plus loin possible du Parlement. À croire que vous vous en méfiez, vous qui écriviez pourtant, il y a quelques années, dans votre ouvrage L'art d'apprendre à ignorer –…
…une technique que vous vous appliquez peut-être à vous-même –, que « ce serait une belle conquête démocratique qu'un Parlement réfléchissant publiquement à ce qui doit s'enseigner à la jeunesse de la nation. »
Quel dommage ! Au lieu de cela, vous nous présentez un texte qui pourrait n'être, je le répète, qu'inutile et inapplicable, s'il n'était d'abord dangereux.
Ce projet de loi institue en effet un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire. Si le mot « accueil » n'existait pas dans le code de l'éducation, il faudrait peut-être l'y inscrire. Mais avouez que cela n'aurait pas un caractère d'urgence et qu'une loi ne serait pas nécessaire.
Les rapporteurs l'ont dit, le mot « accueil » figure dans plusieurs articles du code l'éducation, Tous les élèves inscrits à l'école sont accueillis dans les locaux scolaires avant même que d'y être instruits. Et l'on ne connaît pas de cas d'élèves refoulés à l'entrée des écoles maternelles et primaires !
L'accueil est un présupposé de l'école publique, laïque et obligatoire, conçu comme un moyen et non comme une fin en soi. C'est à cette inversion des valeurs que, sans le dire, vous nous demandez d'acquiescer. En érigeant l'accueil en droit, vous en faites une mission à part entière de l'école, placée au même rang que l'éducation elle-même. C'est probablement l'atteinte la plus sournoise aux missions de l'éducation nationale que l'on ait vue depuis longtemps.
Le pire, mes chers collègues de la majorité, c'est qu'elle ne vous est pas présentée pour ce qu'elle est vraiment, car elle ne s'assume pas comme telle. Aussi, avant de l'approuver, mesurez la portée de ce qu'on nous propose, de ce qu'on prétend vous faire adopter, et de ce que contient réellement ce texte !
Nous avons déjà vu les nombreux motifs d'irrecevabilité du projet de loi, et je n'y reviendrai pas. Parlons plutôt de l'opportunité de ce texte au regard des problèmes rencontrés par l'école, par les élèves, les parents et les enseignants.
On vous a présenté ce projet comme le pendant pour l'école de la loi sur le service minimum dans les transports. C'est d'ailleurs à l'occasion de l'examen de ce texte, l'été dernier, que le ministre l'a évoqué pour la première fois. Puis il y a eu, cet hiver, l'épisode infructueux de l'expérimentation volontaire de la prise en charge par les communes des élèves les jours de grève. Vous avez voulu en faire un élément d'offensive électorale en pleine campagne municipale et cantonale. Vous n'avez réussi qu'à démontrer l'immense distance qui vous sépare des réalités, de la vraie vie des gens vrais, des problèmes effectivement rencontrés par les Français et par leurs élus locaux. Vous n'avez témoigné que du caractère instrumental et politicien de cette mesure et, d'une certaine manière, de ce que vous entreprenez pour l'école, du mépris que vous inspire la communauté scolaire dans son ensemble et du rôle de croupion que vous assignez aux élus, même s'ils font partie de votre majorité.
Pourtant, moins de 10 % des communes ont répondu à l'appel. C'est un piteux résultat, mais un vrai sondage grandeur nature ! Car, quoi que vous en disiez, les élections n'avaient pas encore eu lieu et nous ne détenions pas les 90 % de communes récalcitrantes.
« Ce texte est inacceptable en l'état ! » Qui a dit cela ?
C'est M. Pélissard, notre collègue, président UMP de l'Association des maires de France et maire de Lons-le-Saunier.
« Cela me paraît tout à fait surréaliste ! ». Qui a proféré ces coupables propos ? C'est M. Ambroise Dupont, distingué sénateur UMP du Calvados,…
…lors de l'examen de l'article 9 de ce projet de loi par le Sénat. Ce dangereux sénateur a ainsi argumenté : « Les petites communes sont strictement incapables d'exercer la compétence d'accueil : il faudrait pour cela que la communauté de communes, qui gère la compétence scolaire, puisse aviser de la grève dans les établissements scolaires chacun des maires de la communauté de communes et que les parents des enfants soient avertis pour que le maire de leur commune de résidence puisse organiser la compétence d'accueil. »
Je poursuis cette succession d'avis flatteurs avec une autre citation. « Les jours de grève, Xavier Bertrand ne demande pas aux maires de conduire les trains. Je ne vois pas pourquoi l'éducation nationale ne pourrait pas s'occuper de prendre en charge les élèves… Moi, j'essaie de m'occuper des vrais problèmes, pas des tempêtes dans un verre d'eau. »
Quel est le dangereux maire gauchiste qui a tenu de si violents propos ? C'est M. Pierre André, maire UMP de Saint-Quentin, dont le conseil municipal compte, parmi les membres de sa majorité, M. Xavier Bertrand, ministre du travail. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Pierre André parlait de la mise en place du droit d'accueil que vous avez testé au printemps dernier.
Pour paraphraser un ancien Président de la République que vous avez fort bien connu, monsieur le ministre, cet essai, contrairement à ce que vous avez affirmé lors de votre audition en commission des lois, a fait « pschitt » !
C'est simplement, mais de manière éclatante, par pragmatisme que 90 % des communes n'ont pas participé à cette expérimentation. Le pragmatisme : vous affectionnez le mot, au point de l'employer chaque mardi et mercredi lors des questions d'actualité, mais vous en faites bien peu preuve. Car ce que vous appelez un « service » ne répond en rien aux problèmes rencontrés sur le terrain par les élèves, par la communauté scolaire et par les élus locaux attentifs que sont les maires.
L'intervention des communes ne permet pas d'assurer en quoi que ce soit la continuité d'un service public d'éducation – du moins au sens où on l'entendait jusqu'à présent, c'est-à-dire un service centré sur l'enseignement.
Loin d'être ébranlé par ce sondage grandeur nature, par cette preuve administrée par la France tout entière de l'inutilité et de l'inopportunité de ces dispositions, vous persévérez, car être utile, répondre aux préoccupations de la communauté éducative et des parents d'élèves, ce n'est pas vraiment votre problème. C'est d'ailleurs l'une des grandes habiletés du texte que de prétendre résoudre un problème qui ne se pose pas pour occulter votre incapacité à résoudre les problèmes qui se posent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le 15 mai dernier, au soir d'une journée de mobilisation très suivie dans l'éducation nationale, par une habile manoeuvre de diversion dont il est coutumier, le Président de la République a annoncé le vote de ce texte avant l'été. Dès lors, il n'a plus été question que de cette annonce dans les médias. On n'a plus évoqué ni l'ampleur de la mobilisation, ni les raisons invoquées par les grévistes et les manifestants. On n'a pas relevé la présence nombreuse, dans les cortèges, de professeurs des écoles qui protestaient contre la réforme des programmes du primaire et la suppression des cours le samedi matin. Aucune revendication, qu'elle soit de nature quantitative ou qualitative, n'était désormais audible. On ne retiendra rien du ras-le-bol qui s'est exprimé ce jour-là dans toute la France : seule restait l'annonce de ce fameux service minimum à l'école.
De ce point de vue, l'opération a été plus que réussie. Ce jour-là, de manière prémonitoire, Nicolas Sarkozy a vu se réaliser son rêve secret. Une grève importante était organisée dans le pays, à propos d'une institution, l'école, qui concerne tous les Français, et où se joue largement le destin du pays, mais on l'a à peine évoquée au « 20 heures ». Or dans notre société postmoderne et médiatique, la preuve ontologique de 1'existence est justement ce passage au « 20 heures », sur TF1 de préférence. Cette grève n'avait donc plus d'existence. La voilà, la motivation initiale de ce projet de loi : faire diversion, ne pas évoquer les vrais problèmes, les rendre invisibles, inaudibles, incompréhensibles.
Pour justifier ce texte qui ne présente pas le moindre intérêt, on invoque les grandes valeurs républicaines : rien moins que la liberté et l'égalité – vous n'avez pas été jusqu'à citer la fraternité, monsieur le ministre, mais on n'en était pas loin.
On présente ce texte comme un moyen, en cas de grève, de préserver la liberté de ceux qui veulent travailler et l'égalité entre ceux qui sont censés pouvoir le faire et les autres. Lors de votre audition – très courte – par la commission des lois, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que « le projet de loi présenté se justifie en raison de l'inégalité affectant les familles en cas de grève dans l'école primaire ». Il y a là une imposture à plus d'un titre.
C'est une imposture de faire croire que ce texte ne s'applique qu'à la circonstance de grève et aux seules communes alors qu'il dépasse largement ce cadre ; une imposture, de faire croire que la grève est la cause principale de l'absence des enseignants, alors que le rapport entre les jours chômés pour fait de grève et pour cause de maladie, de formation ou de maternité est de un pour dix ; une imposture de vouloir faire oublier que vous avez décidé unilatéralement la fermeture des écoles tous les samedis matin à partir de la rentrée prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
C'est une imposture de prétendre aider les familles quand vous allez les plonger dans les plus grandes difficultés. Les mères célibataires, qui vous sont si chères, qu'en ferez-vous le samedi matin ? Ces personnes qui travaillent le samedi, et bientôt le dimanche dans les supermarchés ou les centres commerciaux que votre gouvernement souhaite voir ouverts en permanence, ces femmes seules avec enfants, que faites-vous de leur liberté ? Comment pourront-elles travailler tout en faisant bénéficier leurs enfants d'une éducation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'école, ce n'est pas la garderie ! Pour cela, il existe déjà toute une organisation !
Enfin, et surtout, ce texte consacre l'abaissement des missions de l'école et des devoirs de l'État : de l'éducation, on passe à l'accueil.
La première imposture apparaît évidente dès l'intitulé du projet de loi. Ni le titre ni l'article 1er, non plus que l'article 2 n'évoquent la grève : il n'est question que de l'absence des enseignants et de la possibilité de les remplacer par des gens qui ne sont pas diplômés de l'enseignement.
Ce n'est plus l'éducation nationale, mais la garderie nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les sénateurs ne s'y sont pas trompés, quand ils ont amendé l'article 4 pour faire préciser que ce service d'accueil serait assumé par l'État, et non par les communes.
Des absences, il y en a tous les hivers, en cas d'épidémie ! Il y en a dans toutes les académies, dans toutes les écoles ! Et les remplacements non pourvus sont de plus en plus nombreux, parce que les listes de remplaçants s'épuisent. Au mieux, vous prévoyez de généraliser le remplacement par des personnels autres qu'enseignants ; au pire, de généraliser – pour une durée allant jusqu'à quatorze jours et sans fixer un taux d'encadrement – la répartition des élèves dans les classes des collègues des enseignants absents pour maladie, formation ou maternité.
Les brigades de remplaçants sont déjà toutes utilisées sur des postes de titulaires durablement absents. Certaines académies ont même dû faire appel à des enseignants à la retraite ou – plus grave – à des contractuels non titulaires de diplômes de l'enseignement. Mon collègue Marcel Rogemont, député d'Ille-et-Vilaine, vous en parlerait mieux que moi.
La deuxième imposture, c'est de faire croire que la grève est la principale cause de l'absence des enseignants, alors que sur dix-sept jours d'absence en moyenne, il n'y en a que deux pour fait de grève. Ce sont les autres jours qui intéressent les parents d'élèves.
Et ce sont ces jours qui devraient intéresser la représentation nationale. Que deviennent alors les élèves ? N'ont-ils pas le droit d'apprendre, le droit d'être éduqués et encadrés par des personnes compétentes, formées à l'enseignement ?
Gouverner c'est prévoir. Vous avez tout prévu, monsieur le ministre, et notamment que ces absences vont se multiplier, parce que le corps des professeurs des écoles est en plein renouvellement et rajeunissement. Mais de même qu'une loi ou une circulaire ne peut abolir les épidémies pendant l'hiver, on ne peut pas empêcher les jeunes professeurs des écoles de faire des enfants et de prendre des congés de maternité ou pour enfant malade. Et cela concerne aussi les papas !
Il faut neuf mois pour faire un bébé ! Cela se prépare, tout de même, un remplacement !
Mais justement, ce que ce texte prévoit, c'est que les professeurs absents seront remplacés par d'autres personnels.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cela n'a rien à voir !
C'est bien ce que prévoit ce projet de loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il faut justement préparer l'arrivée de ces jeunes professeurs des écoles, anticiper l'évolution de leur mode de travail, de leurs aspirations. Cette nouvelle génération, habituée à l'obsolescence de plus en plus rapide des méthodes et des techniques, voudra – et c'est tout à son honneur – se former tout au long de sa carrière. Elle voudra même se former tout court, car parmi vos nombreux projets de suppression de postes et d'économies, figure la fin des IUFM, ce qui entraînera la réduction de la formation initiale dispensée aux professeurs des écoles. Pour les remplacer, on puisera dans un « vivier ».
Parce que l'État est défaillant à accomplir comme il le devrait son devoir d'éducation, on invente un devoir de garderie.
Si ce texte est adopté, nous n'aurons plus la certitude que, demain, un enseignant sera remplacé par un autre enseignant en cas d'absence. La situation, vous le savez, va empirer avec les 13 500 suppressions de postes que vous avez annoncées pour l'an prochain et qui viennent s'ajouter aux 40 000 suppressions déjà effectuées.
Cette imposture se double d'une stigmatisation des enseignants. Vous ne cessez de dire que vous les aimez, mais vous mettez à le rappeler une telle insistance que ces déclarations d'amour sont devenues suspectes.
Cette question préalable est donc l'occasion de rappeler dans cette enceinte quelques vérités bonnes à dire et à répéter.
Dans toutes les études réalisées auprès des enseignants, les trois motivations citées en premier par ceux-ci pour justifier le choix de leur métier sont : enseigner la discipline qu'ils aiment, être en contact avec les élèves et transmettre des savoirs et des connaissances. Les questions de la rémunération, du statut, voire des vacances, ne viennent que très loin derrière, et de manière si marginale que je considère que ce texte tendancieux met en cause la probité et le sens du service public de notre corps enseignant.
La troisième imposture, c'est de faire oublier que vous avez unilatéralement décidé et organisé l'absence d'école tous les samedis matin à partir de la rentrée prochaine.
Le temps perdu ne se rattrape pas, et c'est avec des semaines entières de classe en moins que nos enfants devront affronter les évaluations de leurs connaissances.
La quatrième imposture, c'est de prétendre aider les familles, quand vous allez les plonger dans les pires difficultés.
Qu'il s'agisse des couples, des mères célibataires comme des pères célibataires, d'ailleurs – mais vous parlez rarement de ceux-ci, monsieur le ministre, car vous avez une vision de la parentalité qui vous est propre…
C'est vraiment délirant ! Je vous interdis de dire une chose pareille !
C'est spontanément aux femmes que vous pensez pour garder les enfants dans le cadre du service d'accueil.
Vous n'avez pas de leçon à me donner, madame !
Ma vie privée, mes parents, mes enfants, tout cela me regarde !
Vous assignez les femmes à résidence et à la garde des enfants ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vos propos sont inacceptables ! J'exige des excuses !
Les femmes ont autant le droit de travailler que les hommes. Ça aussi, c'est constitutionnel, monsieur le ministre !
Derrière la posture du pragmatisme, c'est cette série d'impostures que nous voulons mettre à jour à travers cette question préalable. Derrière la posture de l'instauration d'un droit, c'est la défaillance de l'État dans ses devoirs fondamentaux que nous démontrons. (Brouhaha sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je sors ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et commencent à quitter l'hémicycle à la suite de M. le ministre.)
Vous fuyez devant vos responsabilités, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ce que révèle ce texte, c'est l'ensemble de ces anticipations négatives sur l'avenir de l'école.
Vous anticipez les nombreux mouvements de grève que va provoquer votre politique.
Question préalable
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
La séance est reprise.
Madame Mazetier, veuillez reprendre la défense de la question préalable.
Monsieur le président, je tiens tout d'abord à dire à M. le ministre que, s'il a interprété mes propos comme une mise en cause personnelle, telle n'était pas mon intention. Je faisais allusion à son intervention au Sénat, lorsqu'il évoquait les « mamans » qui pouvaient prendre en charge le service d'accueil. C'est cette vision de la disponibilité par principe des mamans, donc quelque peu sexuée, vous en conviendrez, de la répartition des rôles dans notre société, que j'ai déplorée.
Ce ne sont pas des excuses ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je vais maintenant poursuivre la défense de la question préalable.
Derrière la posture de l'instauration d'un droit, c'est la défaillance de l'État dans ses devoirs fondamentaux que nous démontrons.
Le projet de loi révèle l'ensemble de ces anticipations négatives de l'avenir de l'école.
Ce texte nous dit que vous anticipez de nombreux mouvements de grève provoqués par votre politique. Il constate d'ores et déjà l'épuisement du corps des remplaçants du fait des suppressions de postes déjà effectuées. Il plonge, enfin, les familles et les communes dans l'incertitude et dans le risque.
Pour le premier texte de la législature qui concerne l'école, il n'est pas anodin que vous touchiez au titre III du livre Ier du code de l'éducation, consacré aux principes généraux de l'éducation nationale. Vous instaurez ce « droit d'accueil » en le plaçant au même rang que l'obligation et la gratuité scolaire.
Avouez que les grands républicains, évoqués par Mme Guégot dans son rapport, qui ont pensé l'instruction publique, gratuite et obligatoire, doivent se retourner dans leur tombe ! Ils voulaient soustraire les enfants de France à toutes les contraintes et à tous les déterminismes qui pouvaient peser sur eux, qu'ils soient économiques, familiaux, religieux, pour les instruire loin des champs, de l'atelier ou de l'usine, et non pour les distraire. Et vous flanquez avec désinvolture ces deux colonnes du temple que sont l'obligation et la gratuité scolaires d'un droit d'accueil appendice ! Vous faites de l'éducation nationale un service de dépose minute d'enfants, à mille lieux des hautes missions qui sont les siennes.
Ce texte est dangereux par ce qu'il est, par ce qu'il anticipe et par ce qu'il sacrifie. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Avant de conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…et cela va encore provoquer des mouvements, je ne peux m'empêcher, quand j'entends les mots « droit d'accueil », de penser à ces enfants accueillis et scolarisés dans nos écoles et que le Gouvernement s'apprête à expulser du territoire français dans les jours qui viennent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et que leurs camarades de classe ne retrouveront pas à la rentrée prochaine. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je voulais ici avoir une pensée pour le droit d'accueil et le droit d'asile sur notre territoire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce texte organise l'invisibilité des mouvements dans l'éducation nationale et l'impossibilité pour les parents d'élèves de rappeler, demain, l'État à ses devoirs.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous demandions à nos collègues de voter, sur ce texte inutile, impraticable et, surtout, dangereux, la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nos collègues socialistes ont déposé une question préalable. Il leur appartenait donc de démontrer l'inutilité du projet de loi.
Or, mes chers collègues socialistes, les faits sont têtus. Deux chiffres sont tout de même très évocateurs de ce besoin. Le nombre de jours de grève dans le premier degré était de 265 000 en 2005, de 296 000 en 2006 et de 88 500 en 2007.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Donc, de 0,33 par enseignant !
Un sondage, dont a parlé M. le ministre, révèle, par ailleurs, que 78 % de nos concitoyens attendent que la question de l'accueil des enfants dans les écoles en cas de grève soit réglée.
Faute d'avoir pu démontrer, et pour cause, cette inutilité, vous avez, madame Mazetier, proféré des accusations totalement hors sujet, s'agissant du droit d'asile, de la refonte des programmes et de la modification des rythmes de travail.
Ce qui est hors sujet, c'est le Gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez ensuite affirmé que l'effort budgétaire du Gouvernement se réduirait dans le premier degré, alors que c'est l'inverse. Enfin, vous vous êtes livrée à un procès d'intention : l'accueil, contrairement à ce que vous considérez, n'est pas un substitut au remplacement des enseignants. Si les déclarations du ministre ne vous suffisent pas – sans doute avez-vous le droit de le penser – je vous invite à lire l'article 2 du projet de loi,…
C'est bien cet article qui nous inquiète ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
…tel qu'il a été modifié par le Sénat et tel qu'il va être amendé par notre assemblée. Peut-être alors nous suivrez-vous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous verrez alors que, contrairement à ce que vous affirmez, l'accueil constitue uniquement un filet de sécurité, une prestation minimale réservée aux cas de grève et aux absences imprévisibles et de courte durée.
Il ne s'agit donc en aucun cas, je le répète, d'un substitut à l'obligation de remplacement !
Comme vos arguments s'effondrent, il faut chercher ce qui se cache derrière cette question préalable.
La vérité, c'est que vous n'admettez pas que la majorité se saisisse d'un sujet concernant l'école, parce que l'école, c'est votre chasse gardée, votre domaine réservé. Mais vous avez, dans ce domaine comme dans les autres, vingt ans de retard. La communauté éducative a changé (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et vous ne vous en êtes pas aperçus. Les parents aussi ont changé, ils attendent des réformes qui améliorent leur vie quotidienne. Celle qui fait l'objet de ce projet de loi en est une. C'est la raison pour laquelle il faut rejeter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame Mazetier, le rapporteur vient de vous donner les raisons de fond pour lesquelles la question préalable ne saurait être acceptée. J'ajouterai un mot sur le ton et sur la forme de votre propos.
D'abord, je trouve illégitime que vous prétendiez donner l'exemple au ministre sur ce ton d'imprécation et d'anathème dès lors que vous n'avez pas plus de légitimité que moi pour parler de l'école. J'ai le droit d'en parler et d'avoir un avis (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) sans qu'on mette en cause ma vie privée, ma carrière, mes conceptions, voire l'idée que je me fais du rôle de la femme dans la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) À mes yeux, ce n'est pas acceptable.
J'observe d'ailleurs que vous ne vous êtes pas excusée lorsque je vous ai demandé de ne pas dire votre opinion sur la manière dont je concevrais mon métier de père ou d'époux. Je trouve que ce n'était pas souhaitable.
Vous considérez que vous avez la parole révélée sur l'éducation nationale. Vous pouvez donc montrer du doigt ceux qui y ont consacré quarante ans de leur vie et vous livrer à une sorte d'exégèse de nos comportements et de nos engagements. C'est votre droit, mais c'est une manière d'aborder la politique que je n'approuve pas (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), et je ne suis sans doute pas le seul.
Je l'approuve d'autant moins que, sur plusieurs points, vous avez dit des choses qui ne sont pas exactes.
Vous avez expliqué par exemple que je cherchais, par des moyens subreptices, à organiser une sorte de garderie à la place des enseignements. Or j'ai dit exactement le contraire en présentant le projet. Je crée une agence de remplacement précisément pour éviter ce risque, et c'est moi qui ai souhaité que ce soit inscrit dans le préambule de la loi pour qu'il n'y ait pas d'équivoque.
Non : il dit que l'État s'engage à remplacer les enseignants chaque fois que c'est possible et que, en cas d'impossibilité majeure, non prévisible, exceptionnelle, et si les enfants ne peuvent pas être accueillis dans les classes, on les gardera. Il n'a jamais été dans nos intentions de nous substituer à l'école.
Vous nous faites aussi un procès sur l'organisation scolaire. Vous avez parlé du samedi matin, en disant que c'est un abandon. Savez-vous que 30 % des écoles de France n'organisent pas de cours le samedi matin depuis plus de vingt ans ? Vous ont-elles donné l'impression de marcher moins bien que les autres ? Savez-vous que la semaine de quatre jours et de quatre jours et demi existe dans le monde entier et que personne ne s'en plaint ? Vous parlez des rythmes de l'enfant. Mais qu'est-ce que c'est que cette science qui s'arrête à la frontière belge puisque, dans tous les autres pays du monde, cela se fait sans que les enfants réussissent moins bien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Admettons, nous avons tort de nous occuper de l'école, mais répondrez-vous à la question de fond ? Comment se fait-il que 15 % des élèves ne sachent pas lire en sixième, et qu'un fils de cadre supérieur ait neuf fois plus de chances de savoir lire qu'un fils d'ouvrier ? (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Face à un tel problème, le Gouvernement a décidé que les élèves en difficulté seraient pris en charge par les enseignants, qu'on leur offrirait des aides supplémentaires.
Franchement, cette leçon de socialisme, de sens social, de partage, de générosité pour les élèves que vous voulez nous donner est bien mal placée ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il me paraîtrait utile, pour que nous reprenions les débats dans un climat apaisé, que des distances soient prises au nom du groupe socialiste avec ce qui a été dit tout à l'heure. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous entamons un débat important parce qu'il touche à l'école.
Chacun d'entre nous, et c'est peut-être ce qui explique la passion de nos débats, est attaché, avec sa conception propre, à l'école de la République et à la réussite des enfants.
Baratin ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Non, ce n'est pas du baratin !
Je n'ai pas l'habitude d'interrompre ou de proférer des insultes, en particulier envers vous, monsieur le ministre.
Nous avons souvent débattu, avec une très grande fermeté mais en nous respectant toujours. Je crois d'ailleurs que c'est le cas de chacun ici.
Très sincèrement, je souhaite que nous puissions poursuivre ce débat de fond essentiel, qui touche aux racines mêmes de ce qu'est l'école, dans la sérénité. Cela n'empêche pas, et Mme Mazetier l'a montré tout à l'heure, d'être ferme dans ses convictions et donc dans son expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Des excuses !
Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.
La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame Mazetier, je regrette le ton de vos propos à l'égard du ministre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous aurions aimé que vous vous excusiez avec un peu plus d'énergie.
Contrairement à ce que vous avez proposé au nom du groupe SRC, je pense que nous devons délibérer sur ce projet, qui est utile et équitable. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous l'avoir proposé. L'institution d'un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques est une avancée. C'est un nouveau droit, un vrai progrès.
Il faut un droit à l'éducation ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Votre projet reconnaît aux agents de la fonction publique la liberté de cesser leur travail pour marquer leur désaccord avec leur employeur. Il institue des modalités relatives à l'application du droit de grève. Il faut aujourd'hui concilier deux libertés, la liberté de travailler et celle de faire grève. Tout enfant doit pouvoir être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire, y compris quand les cours ne peuvent être dispensés. C'est la prise en compte des besoins des enfants, des besoins des parents.
Madame Mazetier, vous avez peu parlé des enfants et des familles. Moi, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, au nom des nombreux foyers monoparentaux, dont le chef de famille est le plus souvent une femme, à la situation professionnelle qui peut être précaire, et au nom de toutes les familles qui ont leurs enfants dans nos écoles. Grâce à ce droit de voir accueillir les enfants, y compris les jours de grève, le service public respecte chacun.
Quand les familles ont les moyens de recourir à un mode de garde familial ou rémunéré, elles surmontent l'absence d'accueil. Sinon, il faut prendre un jour de congé, aménager ponctuellement ses horaires de travail, ce qui entraîne une perte de rémunération ou d'éventuelles difficultés professionnelles.
Le droit de grève des enseignants n'est nullement atteint. Le texte fait simplement obligation aux personnes grévistes d'informer leur autorité administrative quarante-huit heures au plus tard avant le début de la grève. C'est le minimum pour que l'information soit transmise aux communes et que l'on organise un accueil de qualité.
En cas de grève, de nombreuses communes offrent déjà un tel service. Il est facultatif. Grâce à vous, il bénéficiera d'un cadre légal et d'un financement précis et réaliste. Le texte respecte la liberté des enseignants et la liberté de travailler. Le dispositif sera entièrement gratuit pour toutes les familles. Son financement a été élaboré en concertation avec les maires, la commission des lois, la commission des affaires culturelles et vos services.
J'ai ici la convention que la ville de Bordeaux signe aujourd'hui avec l'inspection académique pour les grèves des 15 et 22 mai et pour les trois prochaines années. J'en profite pour rappeler que, les 15 et 22 mai, il n'y avait que 25 % de grévistes.
Le texte prévoit que l'État versera une contribution minimale, indépendamment du nombre d'enfants accueillis, pour prendre en compte la situation des petites communes.
Vous le comprenez, mes chers collègues, ce service de garde des enfants est très attendu par les parents, des écoles publiques comme des écoles privées. Ce sont les mêmes enfants, les enfants de France, qui y reçoivent un enseignement.
Accueillir les enfants, protéger la liberté de travailler, c'est une grande avancée pour tous et c'est un vrai progrès. C'est plus de justice, plus d'égalité, plus de liberté.
Je ne comprends pas le parti socialiste, qui ne parle pas des parents en difficulté, qui ne les écoute pas, qui ne répond pas à leurs besoins.
Votre intervention, madame Mazetier, était hors sujet…
Dans la commune de Bordeaux, il y a plus de vingt ans que nous avons supprimé l'école le samedi matin, en parfaite concertation avec les enseignants et les familles.
Vous préférez que les enfants soient dans la rue ou que leurs parents ne puissent pas aller travailler. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ce service est un vrai service pour les familles. C'est pour cette raison, monsieur le ministre, que le groupe UMP soutient votre projet et rejette la question préalable, dont les principaux arguments étaient hors sujet puisqu'ils ne concernaient pas l'accueil des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mes propos vont concerner le texte, pas les personnes, sur lesquelles je ne ferai aucun commentaire. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela dit, je vais dire du mal de ce texte, pour plusieurs raisons.
D'abord, il arrive dans un contexte incontestablement difficile.
L'éducation nationale est touchée par l'annonce de suppressions de postes qui semblent obéir plus à la consigne présidentielle qu'à la réalité des besoins.
Les programmes de 2002 ont été modifiés, après peut-être une concertation en interne mais sans aucun débat public sur leur pertinence. Ils n'ont pas été évalués publiquement, et l'on brûle en 2008 ce que l'on avait adoré en 2002.
Enfin, les horaires de la semaine ont également été modifiés. Cela donne parfois satisfaction, c'est vrai, mais cela peut aussi poser de graves problèmes, notamment à ceux qui veulent rencontrer les enseignants le samedi matin ou à ceux qui avaient organisé leur semaine en fonction des horaires précédents.
Le texte est aussi critiquable pour d'autres raisons.
D'abord, il ne respecte pas l'article 72 de la Constitution, qui prévoit que les collectivités locales s'administrent librement. En forfaitisant l'indemnisation, la loi fait peser sur elles une obligation, ce qui est contraire à la règle de la libre administration.
J'ajoute qu'un grand nombre de maires trouvent irréalisable de constituer un vivier de personnes auxquelles il pourra être fait appel en cas de difficulté ou d'absence, quel que soit le motif de l'absence. Il sera très difficile de trouver du personnel recrutable sur-le-champ pour remplacer de façon inopinée des professeurs absents.
Ce texte est également critiquable en ce qu'il porte atteinte au droit de grève, l'obligation de préavis telle qu'il l'institue étant incontestablement une limitation de ce droit. De plus, comme l'a souligné un orateur précédent, il renvoie à un décret l'organisation du préavis, alors que le préambule de la Constitution de 1946 prévoit que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois, et non des décrets, qui le réglementent.
C'est un mauvais texte également parce que l'obligation d'accueil risque de se substituer à l'obligation d'enseignement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne dis pas que telle est votre intention, mais que c'est une porte ouverte à une telle substitution,…
…d'autant plus que le texte ne vise pas seulement la grève, mais tous les motifs d'absence.
Ce texte est mauvais aussi en ce qu'il manifeste une certaine désinvolture quant à la qualification de ceux qui seront appelés à intervenir dans les écoles. Il ne pose aucune obligation de compétence, pas même celle qui est sanctionnée par le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur, le BAFA. Il suffira de ne jamais avoir été condamné pour des faits de nature sexuelle, ce qui est une obligation bien légère au regard de celles qui incombent à ceux qui gardent les enfants.
Enfin, ce texte n'est pas très utile. Il suffit pour s'en convaincre de lire le rapport, où notre rapporteur rappelle que le nombre de jour de grève par enseignant et par an est de 0,28. Tant d'efforts, tant de discussions, tant de passion pour une absence de 0,28 jour par an et par enseignant, cela semble bien dérisoire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche vous appelle, chers collègues, à voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi a le mérite de prévoir un dispositif d'accueil à l'école court, facile à mettre en place, même pour les petites communes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La liberté laissée aux communes d'opérer un recrutement diversifié, avec, bien entendu, tout le sérieux dont elles sont les garantes,assure la souplesse ce dispositif. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut croire aux talents qui peuvent se révéler lorsqu'on fait appel à la solidarité. Les enfants seront bien accueillis et les parents pourront travailler l'esprit libre.
D'ailleurs, cette souplesse de recrutement est déjà demandée aux maires pour suppléer aux absences de personnels dans les crèches, le temps de recruter un ou une remplaçante.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. N'importe quoi !
Le Nouveau Centre rejettera cette question préalable et vous réaffirme son soutien, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le ministre, sont particulièrement choquants en ce qu'ils ont semblé, aux yeux de beaucoup d'entre nous tout du moins, contester le droit à parler de l'école de députés de la nation.
N'avez-vous pas dit que seuls quarante ans d'expérience donnaient une légitimité suffisante pour s'exprimer ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Représentant tous ici les Français, Mme Mazetier autant que moi ou tout autre de nos collègues avons tous un droit égal à nous exprimer sur tous les sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C'est d'autant plus vrai en l'espèce que l'école publique, dont vous n'avez pas toujours été les plus grands défenseurs (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), n'appartient à personne en particulier, et notre attachement à ce qui est le bien commun de tous les Français n'est pas à rappeler : nous n'avons pas de leçons à recevoir sur ce sujet. (Mêmes mouvements.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Savonarole !
Vos vociférations n'y changeront rien !
Monsieur le rapporteur, répondant à Mme Mazetier, vous avez égrené, et la porte-parole de l'UMP après vous, chacun de ses propos en prétendant qu'ils étaient tous hors sujet. (« Mais c'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous pose donc une question toute simple : l'école et la vie dans nos écoles sont-ils hors sujet dans ce débat ? Car, en réalité, c'est cela, la question, et votre réponse est un aveu : l'école n'est pas votre préoccupation quand vous défendez ce texte.
Votre préoccupation, c'est de liguer les Français les uns contre les autres (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), les syndiqués contre ceux qui ne le sont pas, les fonctionnaires contre les salariés du privé. Telle est la réalité de votre texte, et c'est pourquoi nous le combattons.
Votre objectif est de dresser un écran de fumée, comme le prouve le fait que vous ayez choisi d'en débattre au coeur du mois de juillet, comme par hasard, plutôt qu'en avril, en mai, en septembre ou en octobre. C'est qu'il s'agit de masquer les vrais problèmes de l'école, que vous n'avez pas réglés depuis un an que vous êtes aux affaires, quand vous ne les avez pas vous-mêmes créés, notamment en supprimant des postes, comme cela a été dit il y a quelques instants. Et vous essayez de nous faire croire que la grève serait le principal problème de l'école ! Est-il bien sérieux de le prétendre aujourd'hui ?
Pourtant, le premier débat consacré à l'école dans cet hémicycle depuis un an porte sur le service minimum. Comme l'a fait observer Mme Mazetier, depuis un an vous multipliez les déclarations fracassantes sur l'école, semant le désordre dans les écoles de France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne fais que répéter ce que m'ont dit les enseignants et les parents de ma circonscription ces derniers mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Or, jamais, depuis un an, notre assemblée n'a pu débattre de l'école, en dépit de ces déclarations et alors qu'il s'agit d'un sujet ô combien important pour tous nous concitoyens, puisqu'il s'agit de l'avenir de nos enfants et, surtout, de la France. À quoi bon se gargariser de grands discours sur la société de la connaissance, si notre Assemblée nationale ne peut même pas discuter des conditions concrètes d'exercice du service public de l'éducation nationale ?
Voilà pourquoi, les députés Verts et communistes et l'ensemble du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront la question préalable.
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Je voulais simplement dire, monsieur le président, que j'avais reçu de Mme Mazetier un mot par lequel elle m'exprime ses regrets quant au fait que j'aie pu considérer qu'elle parlait de ma vie privée, et non de ma vie professionnelle. Je vous en donne acte, madame la députée, et l'incident est donc clos.
J'ajoute, monsieur de Rugy, que je ne conteste évidemment à personne le droit de débattre de l'école : j'ai simplement contesté le droit de mettre en cause la vie des personnes qui s'intéressent à ce sujet, ce qui est tout à fait différent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il y a des sujets qui, dans cet hémicycle, donnent souvent lieu à des prises de position politiques et à des instrumentalisations plus ou moins démagogiques, l'école est bien de ceux-là, et nous venons d'en avoir une démonstration éclatante.
Sur ce projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, que n'avons-nous pas entendu ! Le Gouvernement et les parlementaires, dont nous sommes, qui soutiennent ce texte ont été tour à tour accusés de porter atteinte au droit de grève ou de vouloir mettre à bas le système scolaire de notre pays, et le ministre vient même d'être victime d'attaques personnelles.
Je voudrais rétablir la vérité, en revenant à la lettre et à l'impartialité des textes.
Ce projet de loi, dont je vous félicite, monsieur le ministre, se situe à la confluence de trois préoccupations : assurer l'intérêt de l'enfant, préserver la liberté de sa famille et celle des parents qui travaillent, garantir enfin les droits de ses professeurs.
Depuis le siècle des Lumières, notre pays s'honore de mettre l'instruction et le progrès des consciences au-dessus de tout, et les pères fondateurs de la IIIe République ont voulu placer l'école en dehors des querelles politiques et religieuses. C'est dans cet esprit que nous voulons aujourd'hui placer l'école au-dessus des contingences engendrées par les discussions, voire les conflits liés aux évolutions de l'institution scolaire.
Ce projet de loi pose une règle très simple, à laquelle tous les parents et tous les enfants trouveront avantage : quand les enseignants usent de leur droit de grève, droit incontestable, les enfants ont droit à être accueillis dans l'école et les parents ont le droit de travailler. Dans une société démocratique qui fonctionne bien et où les mots « dialogue social » ont un sens, l'exercice d'un droit par les uns ne prive pas les autres d'un autre droit : le droit de grève des enseignants ne doit pas empêcher le droit au travail des parents d'élèves.
Si l'on considère que l'école est avant tout un lieu où l'on apprend à respecter les libertés, quel meilleur exercice pratique et quel plus bel exemple pour les élèves que de voir l'État faire en sorte de garantir les libertés des uns et des autres et de concilier l'intérêt des uns avec celui des autres ?
Jusqu'ici, les parents qui trouvaient porte close quand ils amenaient leurs enfants à l'école un jour de grève étaient contraints de trouver des expédients dans l'urgence : payer une nourrice, qu'il est déjà difficile de trouver, ou bien appeler à la rescousse un grand-père ou une grand-mère, voire une voisine. Mais, le plus souvent, l'un des deux parents posait un jour de congé, ce qui bien souvent finissait par dégrader les relations avec l'employeur.
Bien évidemment, ces difficultés pesaient particulièrement sur les familles les plus modestes et pénalisaient singulièrement les familles monoparentales. On ne pouvait pas se satisfaire d'une telle situation. Loin de remettre en cause le droit de grève, nous demandons simplement à l'État de prendre les dispositions propres à concilier ce droit de grève et la mission de service public qui est celle des personnels de l'éducation nationale.
L'inscription dans la loi de ce droit des élèves à être accueillis pendant le temps scolaire permettra de rétablir l'égalité des Français face aux mouvements de grève, quel que soit le taux de conflictualité de l'école où leurs enfants sont scolarisés et leur capacité à trouver un mode de garde. Il ne s'agira pas d'un simple service offert aux familles et variable en fonction des circonstances, mais d'un droit qui pourra désormais s'exercer de façon permanente et immédiate dans le temps.
Le dispositif prévu par le projet de loi comporte toutes les dispositions propres à satisfaire, non seulement les parents, les élèves devant être accueillis par du personnel sûr et compétent pour encadrer des enfants, mais aussi les communes, puisque les maires ont toute liberté pour s'organiser et que l'État engage sa responsabilité et leur verse une compensation financière. Ce projet de loi ne porte absolument pas atteinte à la libre administration des communes : la création d'une nouvelle compétence pour les communes est accompagnée des moyens financiers nécessaires à son exercice.
Enfin, cet accueil pourra être organisé par les communes sans contrainte ni normes nouvelles, aspect auquel les parlementaires centristes ont été particulièrement sensibles.
Plusieurs amendements ont encore amélioré l'organisation de ce droit d'accueil pour les élèves, qu'ils aient été proposés par le Sénat ou par notre assemblée : je pense notamment à l'établissement d'une liste des personnes susceptibles de participer à l'organisation du service d'accueil. La commune pourra librement choisir les intervenants mobilisés pour assurer l'accueil : il pourra s'agir d'assistantes maternelles ou d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui travailleraient ce jour-là, ou d'autres fonctionnaires municipaux, mais aussi d'associations gestionnaires de centres de loisirs ou d'associations familiales, de mères ou pères de famille, voire d'enseignants retraités ou d'étudiants. Il est important que le libre choix soit laissé aux communes.
J'ai souhaité, en particulier, avec le soutien de bon nombre de mes collègues, que ce droit d'accueil puisse bénéficier également aux élèves des classes maternelles et élémentaires des établissements privés sous contrat. En effet, ces établissements se trouvent parfois confrontés aux mêmes situations de grève, de sorte qu'il serait à la fois anormal et inéquitable que les élèves des établissements privés sous contrat restent à la porte des écoles quand une solution d'accueil existe pour les enfants des écoles publiques. Ce ne serait en tout cas pas conforme à l'esprit de notre République ni à la volonté de nos compatriotes.
Ce projet de loi répond à l'intérêt bien compris de tous : à celui des élèves, d'abord, qui prendront conscience que l'obligation scolaire doit être respectée tous les jours, y compris les jours de grève, et vous savez tous l'importance de l'exemplarité des institutions publiques pour l'éducation des jeunes générations ; à l'intérêt des parents, ensuite, qui seront rassurés par la garantie de voir accueillis leurs enfants dans des conditions pérennes et satisfaisantes ; mais aussi à l'intérêt des enseignants, car je suis persuadé que leurs mouvements de grève seront d'autant mieux compris et acceptés qu'ils n'auront pas de conséquences pénibles pour la vie quotidienne des familles.
On peut dire enfin que ce projet de loi répond à l'intérêt de l'éducation nationale dans son ensemble, à l'intérêt de l'institution scolaire, car le secteur public garantira l'accueil permanent des élèves dans des conditions dignes d'un vrai service public. Il crée les conditions pour permettre à tous les acteurs de la communauté éducative – parents, enseignants, État et collectivités locales – de prendre conscience de leurs responsabilités partagées dans l'éducation de nos enfants et de mieux les assurer.
Ce droit d'accueil se situe dans la droite ligne des fondements de notre service public de l'enseignement, de ses trois principes sacrés de gratuité, d'obligation et de laïcité. Bien loin d'y porter atteinte, comme certains nous en font le reproche, il assure les conditions concrètes du respect de ces trois principes et permet l'exercice de la mission de service public qui est celle de l'éducation nationale.
À celles et à ceux qui ne voient dans ce projet de loi que manoeuvre politique et mauvaises intentions, nous disons que nous n'avons pas la même vision – on le savait déjà ! Parce que ce projet de loi privilégie l'intérêt des enfants et des parents, et même celui des enseignants, le groupe Nouveau Centre le votera avec confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Merci, monsieur Lachaud.
Ce texte, monsieur le ministre, l'UMP l'espérait. Elle le soutient donc avec d'autant plus d'enthousiasme qu'il marque une vraie rupture avec l'attitude si fataliste de vos prédécesseurs.
Les Français, et notamment les plus modestes, étaient confrontés depuis des décennies à de véritables galères les jours de grève. À la pagaille dans les transports s'ajoutait pour les Françaises et les Français qui voulaient travailler un parcours du combattant, très coûteux de surcroît.
Rassurez-vous : les Français qui n'ont pas de difficultés financières et qui ont la chance d'avoir une famille parvenaient toujours à se débrouiller, mais ceux qui « trinquaient » à chaque grève, c'étaient toujours les mêmes. Un petit salaire, pas le choix de prendre des RTT, pas de famille pour s'occuper des enfants : voila ceux pour qui cette loi est faite en priorité.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui ! Pour les plus modestes !
Les familles ne sont pas identiquement exposées et préparées à ces mouvements de grève. Chacun sait que seules les plus aisées peuvent se permettre de bénéficier d'une garde d'enfant et que les plus modestes doivent, au contraire, subir les conséquences de la grève.
Conséquences financières, car ces familles sont contraintes de faire appel à un système payant de garde d'enfants. Conséquences professionnelles aussi, car elles doivent réorganiser au dernier moment leur journée de travail ou poser un jour de congé. Si donc les professeurs sont libres de manifester, les parents ne sont pas libres de se rendre à leur travail.
On oserait, au PS, remettre en question la légitimité du droit d'accueil ? Je fais partie de ceux qui se seraient bien passés d'une loi. De nombreux maires – et pas seulement de l'UMP – avaient décidé de prendre les choses en main,…
…comme vous les y aviez d'ailleurs incités, monsieur le ministre.
Lors des grèves du mois de janvier, un dispositif expérimental d'accueil dans les écoles a été mis en place dans plus de 2 000 communes de France.
Au mois de mai, ce sont 2 837 communes qui ont appliqué le service minimum d'accueil, sur 22 500 comptant au moins une école, et un plus grand nombre de parents d'élèves ont pu se rendre au travail librement sans avoir à organiser dans l'urgence une garde pour leurs enfants.
Par idéologie, cependant, poussés par le parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), qui n'est jamais en retard d'une bataille d'arrière-garde, certains maires ont fait la grève du service minimum d'accueil – par solidarité avec les professeurs, disaient-ils. Les parents d'élèves les plus modestes étaient le cadet de leurs soucis !
…Bertrand Delanoë s'est illustré avec un sectarisme appuyé dans cette guerre du passé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Bertrand Delanoë, qui donne de grandes leçons,…
…a empêché toutes les initiatives prises par les maires d'arrondissement de droite. Il a fait fermer les écoles.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il a bien fait !
…et a empêché, dans certains arrondissements, les élus parisiens de mettre en place le service minimum qu'attendaient les parents d'élèves.
Monsieur le ministre, si l'UMP vous a suivi pour affirmer la nécessité d'une loi, c'est précisément – quel comble ! – pour contrer la complicité de certains élus avec ce qui s'apparentait parfois à une prise en otages de nos enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il n'est pas question de revenir avec cette loi sur le droit de grève des enseignants, comme l'ont très bien dit les rapporteurs et le ministre lui-même. Et c'est sans doute ce qui explique votre gêne du côté gauche de l'hémicycle. Il n'est pas question de « casser les mouvements de grève », comme j'ai pu l'entendre dire, mais simplement de garantir aux Français un nouveau droit : celui de travailler quand certains font grève. « Oui » au droit de grève, mais « non » au droit de nuire aux Français ! C'est assez simple,…
…et cela résume assez simplement ce texte que vous avez, monsieur le ministre, le courage de nous présenter. Cette loi va donner aux familles un droit nouveau garantissant l'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques durant le temps scolaire obligatoire. Ce n'est pas là une mesure qui serait attendue par la droite ou par la gauche, mais une nécessité que réclament tous les parents d'élèves – 82 % des Français sont en effet favorables à cette loi.
Monsieur Valls,…
…l'éditorial qui figure en page 2 du Monde d'aujourd'hui devrait vous faire réfléchir.
Si vous en êtes à penser que nous avons payé, alors…
Cet éditorial dit très bien que la gauche est gênée,…
…car les parents d'élèves attendent cette loi, partout en France, à Paris comme ailleurs.
Je ne vous ferai pas de procès d'intention.
Ce texte est une avancée dans le domaine des relations entre l'école et les familles. Il vise à ne pas monter systématiquement les uns contre les autres. Chacun aura la possibilité de jouir de ses droits et de ses libertés, ce qui devrait vous plaire, monsieur Valls !
Il n'est pas, cependant, sans poser des problèmes aux élus que nous sommes. Il n'y a pas de débat indigne et je tiens à rendre hommage dans cet hémicycle à notre collègue Jacques Pélissard,…
…président de l'Association des maires de France, qui a eu le courage de poser des questions qui n'étaient pas faciles et qui étaient d'autant plus importantes pour nous que nous savions que les Français attendaient cette réforme et que les élus rencontraient des difficultés pour l'appliquer.
Comme le sait Jacques Pélissard, nous avons adressé un questionnaire à l'ensemble des élus UMP.
Le Mouvement national des élus locaux – le MNEL – a interrogé plusieurs milliers de petits maires, dont les réponses ont fait apparaître la même chose que les sondages d'opinion : pour les élus, la difficulté était celle de la responsabilité.
J'avais d'ailleurs eu l'occasion, monsieur le ministre, de vous interpeller sur ce sujet dans l'hémicycle au cours d'une séance de questions d'actualité. Vous aviez alors déclaré que vous étiez ouvert à la discussion.
Jacques Pélissard…
…a un avantage sur vous comme sur moi, monsieur Valls : en tant que président de l'Association des maires de France, il a en quelque sorte un pied au Sénat. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est ce qui lui a permis…
Je vais vous rassurer, monsieur Valls, précisément parce que vous êtes maire : d'importants progrès ont été faits au Sénat sur la question de la responsabilité, notamment administrative, et nos deux rapporteurs ont dit assez clairement tout à l'heure que cette inquiétude a pu être clarifiée dans les commissions.
Restait la question de la responsabilité pénale.
Jacques Pélissard,…
…et moi-même avons déposé un amendement, auquel s'applique cependant la jurisprudence de l'article 40 et que nous n'aurons donc pas le plaisir de discuter avec vous dans l'hémicycle. Nous proposions que l'État puisse se substituer aux collectivités locales pour la protection juridique des maires en cas de difficulté d'ordre pénal.
Bien sûr que cela existe ! D'autant plus que j'ai demandé au ministre de bien vouloir reprendre cet amendement…
…qui n'a pas été jugé recevable, et que j'ai constaté, avant de prendre la parole ce soir, qu'il l'avait déposé.
Je veux donc dire, avec Jacques Pélissard…
…et l'ensemble des élus de l'UMP – et M. Valls pourrait faire siens mes propos –…
…que le fait que le Gouvernement accepte l'idée d'une substitution de l'État aux collectivités locales dans la protection juridique des maires face au risque pénal…
…est évidemment une avancée.
Le fait, monsieur le ministre, que vous ayez vous-même déposé cet amendement vient nous éclairer. Nous attendions depuis le début ce geste du Gouvernement, avec…
Vous m'enlevez les mots de la bouche !
Avec les avancées réalisées au Sénat et celles que nous réaliserons à l'Assemblée nationale sur la question de la responsabilité, nos collègues socialistes, dont je ne veux pas mettre en cause la bonne foi et qui ne veulent pas faire de procès d'intention à ce texte, ont désormais la possibilité de le voter, sinon avec enthousiasme – il ne faut pas trop leur en demander –, du moins avec sérénité. Vous allez en effet avoir comme nous, chers collègues, la possibilité de répondre à l'inquiétude des Français. Nous avons aussi, tous ensemble, les moyens d'apporter des réponses aux questions soulevées par les maires.
Vous avez en tout cas compris, monsieur le ministre, que les élus de l'UMP vous remercient de ce texte. Nous pourrons partir en vacances avec le sentiment qu'à la rentrée prochaine rien ne sera plus comme avant.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ça, c'est bien vrai ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En répondant aux attentes des Français – 82 %, ce n'est pas rien ! –, nous faisons notre travail de législateur. Certains oublient trop souvent – je ne vise personne, monsieur Valls ! – que le rôle du Parlement est avant tout de se mobiliser à chaque instant pour défendre les intérêts des Français et répondre à leurs attentes. Avec ce texte, monsieur le ministre, vous nous donnez l'occasion de répondre à une attente forte de notre pays, des parents d'élèves et des Français.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte après l'avoir amendé. Il le fera avec beaucoup d'enthousiasme, en vous remerciant d'avoir pris cette initiative – qui prouve en outre que l'on peut finalement faire de belles réformes au mois de juillet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Lefebvre, le rôle du Parlement n'est pas forcément, du moins quand il s'agit de faire les lois, de commenter quotidiennement un article du Monde, si brillant soit-il, et encore moins répondre chiffre pour chiffre à des sondages. Si c'était le cas, le Président de la République rencontrerait d'ailleurs quelques problèmes, notamment pour la nomination du responsable de France Télévisions.
Monsieur le ministre, avant de créer un droit nouveau, encore faudrait-il assurer les droits fondamentaux de la République, notamment ce droit essentiel à l'éducation. qui est inscrit dans nos textes fondateurs.
Combien de jours de classe ont été perdus pour fait de grève au regard des jours non assurés par manque de remplaçants ? Il convient également de rappeler que, les jours de grève, les enfants ne sont pas mis à la rue et que les directeurs d'école ont à la fois le devoir et la conscience d'accueillir les élèves,…
…de les répartir entre les collègues non grévistes et d'avertir les parents lorsque tous les enseignants sont grévistes, ce qui peut arriver.
Combien d'heures d'enseignements sont-elles amputées par votre décision unilatérale de suppression de l'école le samedi matin ? Vous avez affirmé avoir procédé à des concertations, mais j'ai l'impression que tel n'a pas été le cas, compte tenu, monsieur Pélissard, des réactions des maires et des conseils municipaux de certaines communes, qui ne sont pas toutes de gauche et qui ont voté des motions demandant au moins le report de la suppression de l'école le samedi matin. Il existe assurément un véritable problème des rythmes scolaires, mais ce n'est pas uniquement en s'attaquant au samedi matin qu'on le réglera : il est bien plus profond que cela.
Quant à la suppression des IUFM, c'est-à-dire de la formation initiale des maîtres, qui est programmée dans les dispositions que vous avez prises, elle est la négation même de la spécificité du métier d'enseignant, que vous défendiez pourtant avec un grand talent lorsque vous étiez le directeur de cabinet de François Bayrou.
Il est normal que toutes ces mesures provoquent un tollé général, tant chez les pédagogues, que vous méprisez,…
…que chez les enseignants à qui vous êtes obligé de répéter à coup d'articles dans les journaux que vous les aimez, pour tenter encore de les en persuader, malgré tout.
Il est normal, dis-je, que toutes ces mesures provoquent des mouvements de grèves, auxquels ceux qui défendent vraiment l'école ne participent jamais par plaisir. À vous entendre, on a l'impression que les enseignants font grève pour leur plaisir ! Avez-vous remarqué que les dernières grèves des enseignants ne portaient pas sur des revendications corporatistes ni salariales, mais toujours sur des problèmes de fond et de principe, notamment sur les programmes ? Quand les enseignants prennent l'initiative d'amputer leur salaire, qui n'est pas excessif, d'un jour de grève, c'est pour défendre leur conception de l'école et non pour leur intérêt particulier. Cela méritait d'être rappelé !
Il faut aussi rappeler que les parents n'ont pas toujours la possibilité de garder leur enfant !
Or votre seule réponse à l'angoisse de tous ceux qui ont choisi cette forme de lutte pour défendre l'école publique a été d'annoncer, le soir même d'un mouvement de ce type, votre projet de loi sur ce qu'il faut bien appeler un service minimum à l'école. Comment ne pas voir une véritable provocation dans ce discours solennel, vous derrière le Président de la République, le jour d'un mouvement social ? Avant de chercher à faire remonter les sondages – j'ai dit ce que j'en pensais –, en apportant de fausses réponses aux réels problèmes que connaissent les parents en cas de grève des enseignants, il serait peut-être préférable d'avoir une politique éducative et une pratique sociale qui rendent le recours à la grève exceptionnel.
Il convient d'éviter la grève grâce à la politique qu'on mène avant d'y apporter une réponse dans le cadre d'une loi qui, en quelque sorte, l'institutionnalise. En effet, le dépôt de ce texte en urgence est l'aveu de l'échec de votre politique, tant sur le plan des postes d'enseignant – vous annoncez la perte de 13 500 nouveaux postes pour l'éducation nationale, même s'il est vrai que le primaire connaît une légère augmentation, insuffisante pour répondre à la vague démographique –, que sur le plan de la capacité de l'école à porter chaque enfant au plus haut de lui-même et à lui faire comprendre la complexité du monde dans lequel il vivra. Nous reviendrons du reste au cours de l'examen des amendements sur la modification des programmes dans l'enseignement primaire sans évaluation préalable des programmes précédents.
Vous devez craindre des réactions fortes à votre politique dès la rentrée pour que vous imposiez l'urgence sur un projet de loi tellement mal ficelé que toutes les associations de maires vous en demandent au moins le report, quand ce n'est pas la suppression.
De fait, votre projet de loi est inapplicable et dangereux. C'est du reste son caractère inapplicable qui vous oblige à l'imposer aux communes par la loi. En janvier dernier, vous ne parliez que du volontariat. Il a été un échec, puisque seules 2 000 communes sur les 36 000 que compte la France ont répondu à votre appel à organiser volontairement ce service minimum. Vous avez imputé cet échec – M. Lefebvre l'a rappelé – à la volonté des maires de gauche de « saboter » votre idée. Vous l'aviez vous-même affirmé dans une réponse à une question d'actualité.
Au mois de mai, pas en janvier !
Je ne savais pas qu'il y avait autant de maires de gauche et je m'en réjouis.
Les associations de maires, notamment les maires des petites communes rurales, que nous avons reçus, comme vous probablement, vous ont posé des questions, notamment en ce qui concerne leur responsabilité, auxquelles vous n'avez pas apporté de véritables réponses, même lors de la discussion au Sénat. Nous verrons les amendements. Je ne reviens pas non plus sur les questions liées au financement par l'État et à son mode de calcul – vous évoquez du reste non un financement mais une compensation, terme qu'il vous faudra clarifier. Je me contenterai de prendre trois exemples concrets.
Premièrement, comment le maire d'une commune rurale qui ne dispose pas du personnel municipal suffisant recrutera-t-il ou mobilisera-t-il des personnes susceptibles d'encadrer les enfants, dont on ne peut d'ailleurs savoir le nombre le matin même de la grève ? Vous répondez que des communes peuvent dans ce cas-là mettre leurs moyens en commun pour assurer le service d'accueil. Cette solution est possible quand il existe un regroupement pédagogique intercommunal, mais c'est loin d'être le cas de la majorité des communes rurales. Qu'adviendra-il en cas de grèves locales, qui sont fréquentes ?
Deuxièmement, comment concilier, sur les plans pédagogique et juridique, la cohabitation dans les mêmes locaux des élèves qui travaillent sous la responsabilité de l'éducation nationale quand leur maître est non gréviste, et des élèves qui ne sont qu'accueillis quand leur maître est gréviste ? Ils utiliseront la même cour, les mêmes couloirs, avec les mêmes horaires.
Troisièmement, qu'adviendra-t-il en cas de grève touchant l'ensemble des fonctions publiques ? Je suis également maire, monsieur le ministre. Demanderai-je au personnel municipal de « casser » la grève de leurs collègues d'une fonction publique d'État, en l'occurrence les enseignants ? C'est ainsi qu'ils ressentiront leur rôle. Et quand ils feront grève eux-mêmes, que ferai-je ? Vous n'apportez aucune réponse à ces questions.
Inapplicable, ce projet est également dangereux. Vous souhaitez créer un nouveau droit, celui de l'accueil, alors que, dans le code de l'éducation, il est d'abord fait mention du droit à l'éducation, comme Mme Mazetier et M. Candelier l'ont rappelé. Or, au travers d'un droit à l'accueil pendant le temps scolaire obligatoire, vous déliez l'État de son obligation de continuité de l'enseignement. Cette mesure est particulièrement nette quand on examine l'article 2 du texte, même amendé au Sénat, puisque, même si la commune n'a pas à se substituer à l'État dans les autres cas que la grève, en l'absence d'un enseignant pour cause de maladie ou de formation – ce dernier cas de figure est de plus en plus rare, compte tenu du manque de crédits pour la formation –, on insiste sur le fait que l'enfant n'est plus éduqué mais seulement accueilli. Monsieur le ministre, vos mettez le doigt dans un engrenage terrible, puisque, à terme, il n'y aura plus de continuité de l'obligation scolaire par manque de remplaçants.
De cette manière, vous épongez quelques milliers de postes tout en affirmant que vous contentez les parents puisque vous accueillez leurs enfants : cela leur fait évidemment plaisir, mais ils devraient surtout demander que leurs enfants soient éduqués.
Votre annonce concernant la création d'une agence nationale de remplacement, sans précision sur sa nature, son statut, son organisation ou son recrutement, fait craindre que le recours à l'intérim pour remplacer les fonctionnaires ne devienne la règle. Le remplacement d'un enseignant absent deviendrait alors un simple accueil des élèves et non plus de l'enseignement à la charge de l'État.
De même, de récentes déclarations concernant l'école maternelle et qui n'ont pas été combattues avec la vigueur qu'on aurait souhaitée par votre ministère – Il faut supprimer l'école maternelle : tel est le titre d'un livre récent –,…
Je n'y suis pour rien !
…peuvent faire craindre le pire quand on sait qu'il y a là une possible économie de 8 500 équivalents temps plein.
Monsieur le ministre, l'école maternelle est à nos yeux en danger. Pourrez-vous au cours de l'examen des amendements nous confirmer solennellement que l'école maternelle, comme l'a proclamé dans un rapport à la rentrée dernière le Haut conseil à l'éducation, doit conserver sa place spécifique, avec des enseignants formés à cet effet, au sein de l'éducation nationale française, dont elle reste un des joyaux, si on lui en donne évidemment les moyens ?
Monsieur le ministre, il n'y a pas entre nous ce faux clivage que vous nous opposez à chaque discussion, entre, d'un côté, vous qui chercheriez à faire évoluer l'école et, de l'autre, nous qui serions les immobilistes, les ringards, ceux qui ont vingt ans de retard. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Non, monsieur le ministre ! Ce qui nous partage, ce sont deux conceptions de l'école que nous devons avoir le courage de confronter. D'un côté, il y a les tenants d'une école minimaliste, au champ réduit et pour laquelle l'éducation, c'est seulement apprendre à lire, écrire et compter, et non s'ouvrir vers le monde.
Il n'est qu'à voir comment vos programmes bafouent l'histoire et éliminent la culture.
De l'autre côté, notre conception vise à apporter des réponses individuelles à des questions collectives en essayant d'aller au fond des choses avec les moyens suffisants.
Tel est le débat que je souhaiterais avoir avec vous, loin de cette antienne sur notre prétendue ringardise, avec laquelle vous nous harcelez. Non, monsieur le ministre, nous ne sommes pas des immobilistes ! C'est notre attachement à l'école qui nous pousse à la défendre comme nous le faisons. Laissez-nous user de ce droit, qui est également le vôtre. C'est ce que nous ferons au cours de la bataille des amendements que nous mènerons, en allant au fond des choses – c'est du moins ce que je souhaite.
Dans l'état actuel de sa rédaction, nous voterons contre ce texte et expliquerons pourquoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le ministre, en ce début d'été, on aurait pu penser que vous auriez eu pour les enfants de France d'autres priorités que ce texte. On aurait ainsi pu penser que l'urgence était à l'organisation d'un droit aux vacances pour tous les enfants de France. Je sais que ni l'époque ni le discours du Gouvernement actuel ne vont en ce sens ; je souhaiterais néanmoins qu'on pense aujourd'hui aux millions d'enfants qui ne pourront pas partir en vacances cette année. Il aurait été plus urgent de s'occuper de cette question que de celle que vous nous proposez. On aurait également pu penser que l'urgence était à la préparation de la rentrée scolaire 2008.
Vous allez nous répondre que ce texte passe précisément en urgence à l'Assemblée nationale au coeur de l'été pour anticiper sur la situation au sein de l'éducation nationale à la rentrée. N'est-ce pas toutefois un peu triste, quand on est ministre de l'éducation nationale, que d'anticiper la rentrée uniquement sous l'angle du conflit avec les enseignants ? N'est-ce pas un terrible aveu de votre part sur le climat qui règne au sein de cette grande institution que de préparer la rentrée uniquement avec ce texte sur le service minimum dans les écoles en cas de grève ?
Il y a à cela, on le sait, deux motivations. La première – je l'ai déjà évoquée – est d'opposer les parents d'élèves aux enseignants.
Le Président de la République s'en cache à peine ! Sachez-le, monsieur le ministre, la politique qui vise à monter les uns contre les autres, les fonctionnaires contre les salariés du privé ou les enseignants contre les parents d'élèves, ne marche pas.
Je vous le dis d'autant plus tranquillement que je connais bien le milieu enseignant pour être à la fois fils et petit-fils d'enseignants – et j'espère que ce n'est pas une tare aux yeux de certains –, mais aussi parent d'élèves.
Je vous le dis surtout sur le fondement des nombreux contacts que j'ai pu avoir, comme de nombreux collègues, avant la fin de l'année scolaire, dans les écoles de ma circonscription de Nantes-Orvault-Sautron. C'est main dans la main que les parents d'élèves et les enseignants s'y battent pour la qualité de l'enseignement dans l'école. J'ajoute – c'est suffisamment rare pour être souligné – que c'est autant le cas au sein de l'école publique qu'au sein des écoles privées. Je peux vous donner des exemples très concrets, et les banderoles sont d'ailleurs encore suspendues aux portes des écoles, qu'elles soient publiques ou privées. Ce sont, encore une fois, autant les parents que les enseignants qui sont mobilisés.
C'est avec les parents que les enseignants ont envie de parler des questions de moyens et, d'ailleurs, pas seulement de ce qui relève de leur intérêt propre : ils souhaitent aussi évoquer les sujets généraux comme les programmes. C'est dans ce sens qu'ils ont organisé de nombreuses réunions d'échanges et d'information. Je me souviens que vous aviez brocardé les occupations d'écoles, n'y voyant qu'une sorte de carnaval et soutenant que ce genre de manifestation n'avait pas sa place dans les écoles.
Il s'agit d'une attitude regrettable de votre part car ces moments ont permis des échanges très fructueux entre parents et enseignants. Au passage, d'autres collègues l'ont dit, la suppression de l'école le samedi matin rendra demain plus difficiles encore ces échanges, et c'est bien dommage.
Comme vous constatez que cette politique d'affrontement entre les parents et les enseignants, ourdie sans doute davantage à l'Élysée que dans les bureaux du ministère de l'éducation, ne marche pas, vous avez décidé d'aller à l'affrontement direct avec les enseignants. On a même carrément l'impression que vous vous trouvez réduit – alors qu'il ne s'agissait sans doute pas de votre position au début – à « casser du prof », si vous me permettez l'expression, au motif que cela vous rendrait populaire à l'Élysée et sur les bancs de l'UMP. On l'a constaté, malheureusement, lors de nombreuses questions d'actualité, quand vous avez été applaudi à tout rompre par nos collègues de l'UMP alors que vous critiquiez le monde enseignant.
Il y a quelque paradoxe à raviver ce discours « anti-prof » sur la question des grèves alors même que c'est un des secteurs de la fonction publique où l'on comptait traditionnellement le moins de jours de grève. Vous devriez peut-être commencer par vous interroger sur les raisons qui ont conduit à cette crispation. En vous arc-boutant sur ce projet de loi sur le service minimum en cas de grève, vous tentez d'escamoter le débat sur les causes réelles, profondes du mécontentement dans l'éducation nationale qui, encore une fois, fédère autant les enseignants que les parents d'élèves.
Vous répondez alors que vous avez les sondages avec vous. Vous l'avez encore dit tout à l'heure dans une réponse à M. Candelier. Voilà un raisonnement étrange de votre part ! Les Français s'expriment quotidiennement, depuis des mois, sondage après sondage, contre les principaux aspects de votre politique ! Avec ce raisonnement, vous devriez changer de politique et même appeler le Président de la République à la démission ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous voyez bien que vos raisonnements ne tiennent pas : quand on fonde une politique sur des sondages, on ne va nulle part.
En fait, la déclaration de Nicolas Sarkozy devant le conseil national de l'UMP – on se demande d'ailleurs bien ce qu'un Président de la République va faire devant le conseil national d'un parti (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) –, selon laquelle « la France change puisque maintenant, quand il y a une grève, plus personne ne s'en rend compte », sonne comme un défi lancé aux enseignants et, à travers eux, à tous les fonctionnaires. Si le Président de la République veut un bras de fer au point que la France soit paralysée par les mouvements sociaux, qu'il le dise !
Surtout, alors que l'éducation nationale vient de connaître une année agitée, où tous les niveaux – c'est une première –, de la maternelle à l'université, ont été touchés, alors qu'ont été concernés les parents, les enseignants et, au lycée et à l'université, les élèves, la première urgence est-elle de défier les enseignants, de faire preuve de méfiance à leur égard ? Toute votre politique se résume dans cette attitude.
Enfin, nous aurions un ministre de l'éducation nationale qui va au conflit avec les enseignants, un ministre qui ne cède pas : tel est le portrait qui est fait de vous à l'Élysée et à l'UMP – c'est ce que nous lisons chaque jour dans la presse.
Il y en a eu d'autres ! On a bien vu, avec Claude Allègre, où cela nous a menés !
Remarquez que ce sera d'autant plus facile si vous faites voter une loi pour casser les grèves, d'autant plus facile de régler les conflits en empêchant qu'ils n'aient lieu. Sur le fond, cependant, est-ce là le bon indicateur de l'efficacité d'une politique de l'éducation ? Est-ce sur la capacité à créer du conflit avec les enseignants que se juge une bonne politique éducative préparant l'avenir de nos enfants ?
Nous, les Verts, nous croyons au contraire que c'est dans la capacité à s'appuyer sur les enseignants, sur la capacité à leur faire confiance que l'on gagnera la bataille de la société de la connaissance pour tous. C'est en soutenant les enseignants dans leur difficile tâche que l'on améliorera les résultats scolaires. Quiconque a été enseignant sait qu'il s'agit d'une tâche particulièrement difficile que de faire face à une classe,…
…que ce soit en maternelle, à l'école primaire, au collège, au lycée ou à l'université.
C'est en soutenant l'innovation pédagogique que l'on fera progresser tous les enfants.
C'est en fixant des objectifs de résultats et en laissant la plus grande liberté aux enseignants sur les moyens pour y parvenir que l'on améliorera le service public de l'éducation nationale, et non en pondant des directives autoritaires.
Ce serait, en quelque sorte, la réforme permanente. Bien loin de l'idéologie ou de la petite politique politicienne qui caractérisent vos postures « anti-prof », ce serait la vraie réforme, celle qui se diffuse à partir de l'expérimentation, celle qui donne des résultats concrets, celle qui est vraiment au service des enfants de France et de la qualité de l'enseignement qui leur est délivré.
Cette question d'état d'esprit et de méthode est, comme pour toute réforme, l'un des éléments clés de la réussite. Nous le disions de la même façon quand Claude Allègre traitait l'éducation nationale de « mammouth ». Le fait, d'ailleurs, qu'il soutienne de plus en plus votre politique est plutôt de mauvais augure pour vous !
On peut d'ailleurs se souvenir que, sur cette question du service minimum, nous avons failli, nous, députés, ainsi que nos collègues sénateurs, ne pas avoir la parole. Un tel dispositif a en effet déjà été expérimenté depuis le début de l'année 2008 par le biais d'une circulaire. Pour mémoire, la circulaire du 8 janvier 2008 instaurait un service minimum d'accueil, opérationnel pour les mouvements du 25 janvier et du 15 mai. Ce dispositif était fondé sur le volontariat et peu de communes se sont empressées de le mettre en place : seulement 1 750 d'entre elles, la première fois, et 2 837 la seconde, sur les 36 600 communes que compte la France. On a eu maintes fois l'occasion de vous le dire : ce n'est pas parce qu'il y avait 34 000 communes de gauche…
…que ce service minimum n'a volontairement pas été mis en place dans ces communes.
Cette circulaire ne respectait pas l'article 34 de la Constitution car le dispositif qu'elle instaurait relevait du domaine de la loi. Instaurer de nouvelles obligations aux collectivités et limiter le droit de grève, cela relève de la loi.
Sur le fond, vous rappelez que le présent texte prévoit que la déclaration de grève, quarante-huit heures à l'avance, doit être précédée d'une négociation entre les syndicats et l'État.
…que la négociation préalable est rendue obligatoire avant l'arrêt de travail. Notons le paradoxe : ce texte qui fait, apparemment, l'éloge de la négociation préalable, du dialogue social, a été préparé dans la précipitation, sans concertation, ni avec les syndicats ni avec les associations de parents d'élèves qui, pour plusieurs d'entre elles, se sont élevées contre ce projet. Une telle attitude, franchement, augure mal des relations entre les enseignants, les parents d'élèves et le ministère de l'éducation nationale.
En ce qui concerne le dispositif d'accueil, d'autres collègues l'ont dit, on note une ambiguïté assez choquante puisque l'on est passé d'un dispositif d'accueil prévu pour les cas d'un mouvement de grève à un dispositif d'accueil en cas d'absence non motivée.
Je cite le texte : « Lorsque, par suite de l'absence ou de l'empêchement du professeur habituel de l'élève et de l'impossibilité de le remplacer, ces enseignements ne peuvent lui être délivrés », il bénéficiera d'un service d'accueil. Précisez votre pensée : les collectivités locales vont-elles être appelées à suppléer l'État en cas d'absence des enseignants pour maladie ?
Alors, il faut que vous l'écriviez noir sur blanc, chers collègues de la majorité !
D'autant plus que cela se situe tout de même dans un contexte rappelé par notre collègue Yves Durand. J'ajouterai que de nombreux enseignants et syndicats d'enseignants ont déclaré que votre ministère ne donne plus de consignes pour regrouper les heures supplémentaires et créer de vrais postes, notamment pour pourvoir aux remplacements, mais il donne au contraire la consigne de fractionner un certain nombre de postes en heures supplémentaires pour supprimer des postes de titulaires à plein temps. Comme l'a dit notre collègue, on voit bien qu'une telle pratique peut déboucher sur une réelle dégradation de la qualité de l'enseignement si l'on fait appel à des intérimaires.
Voilà le contexte général dans lequel vous présentez ce projet.
Par ailleurs, la Constitution dispose, en son article 72, que les collectivités locales s'administrent librement. Or, dans ce cas, la loi leur impose certaines contraintes comme l'organisation – ce n'est pas rien – de l'accueil des élèves en cas de grève des enseignants, qui sont des fonctionnaires d'État et non, jusqu'à nouvel ordre, des fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale. Cela provoque, bien entendu, une levée de boucliers de la part de tous les maires de France – y compris du président de l'Association des maires de France –, de ceux des petites communes comme de ceux des grandes villes. Nous avons d'ailleurs été saisis par l'Association des maires des grandes villes de France qui regroupe des maires de toutes tendances et selon laquelle il fallait combattre ce projet.
De surcroît, le Sénat a ajouté, par le biais d'un amendement, l'obligation de constituer aux côtés de l'inspection académique, au préalable, un fichier de personnes susceptibles de participer à l'organisation de ce service minimum d'accueil. Cela signifie bien que l'on place les communes en première ligne alors que cela ne relève pas de leurs compétences.
Tout cela, je l'ai dit, survient dans un contexte général qui suscite de nombreuses inquiétudes auxquelles vous ne répondez pas. À propos des suppressions de postes, je me souviens, il y a un peu plus d'un an, après la campagne électorale, juste après l'entrée en fonction de ce Gouvernement, que nous avons interpellé votre collègue ministre des comptes publics pour l'avertir qu'à force de dépouiller l'État de ses moyens, à cause du « paquet fiscal », vous seriez bien obligés de tailler dans les effectifs de la fonction publique.
Quand on a demandé au Gouvernement dans quels secteurs seraient supprimés des postes – éducation, police, justice, services publics ? –, on nous a répondu de ne surtout pas nous inquiéter, que l'éducation ne serait pas touchée. On se souvient que le candidat qui deviendrait Président de la République avait essayé de nous faire croire que seule l'administration des douanes serait concernée par les suppressions de postes. On voit aujourd'hui le résultat ! C'est l'éducation nationale qui est en première ligne : presque un poste sur deux, sur les 30 000 que vous comptez supprimer.
J'ai évoqué la question des heures supplémentaires. Je pourrais parler, dans ce contexte particulièrement idéologique, de la suppression des IUFM.
…si ce n'est pour faire un clin d'oeil aux milieux les plus conservateurs de l'éducation nationale, dont vous faites peut-être partie, monsieur Goasguen, ou bien pour faire des économies ?
Cela qui signifie que, demain – enseignants et parents d'élèves l'ont très bien compris –, on passera directement du statut d'étudiant à celui de professeur.
On réussira un concours et l'on ira enseigner sans formation préalable à la pédagogie.
Est-ce là le progrès que vous nous proposez pour l'éducation nationale ?
Voilà les vrais débats qu'il nous faudrait aborder.
Je ne parle même pas de la menace de suppression de l'école maternelle. Un livre a été écrit sur le sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous ne sommes pas responsables de tout ce qui s'écrit, monsieur de Rugy !
Si vous ne l'approuvez pas, alors prenez clairement vos distances avec lui ! Les positions qu'il défend sont en tout cas issues, on le sait, des milieux les plus conservateurs sur l'éducation nationale.
Je sais, pour ma part, ce qu'est l'éducation nationale ! À vous entendre, il s'agit d'un complot des curés !
C'est particulièrement grave. Lorsque Mme Mazetier a déclaré que l'on aurait pu parler de l'obligation scolaire dès l'âge de trois ans, on a entendu de nombreuses protestations sur les bancs de l'UMP. Voilà qui rassurerait les parents et les enseignants !
Alors, le minimum, monsieur le ministre, aurait été que ce soit l'État et lui seul qui assume ce service d'accueil.
Pour toutes ces raisons et parce que l'école mériterait mieux qu'un projet désolant de pauvreté et choquant par l'idéologie qu'il exprime, les députés Verts voteront contre votre projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l'on m'excuse à l'avance : mon propos portera sur ce texte et non sur tous les fantasmes…
…que l'on peut nourrir sur des sujets sur lesquels tout ce qui vient d'être dit n'a pas grand rapport avec la réalité.
Monsieur le ministre, vous le savez, et chacun le sait, nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à être issus de ce très joli métier qui est celui d'enseignant.
Parmi celles-ci se trouve celle à laquelle certains voudraient faire croire que l'on envisageât de toucher : le droit de grève.
Homme de l'enseignement public, fier de l'être, j'ai toujours été, je resterai toujours attaché au droit fondamental qu'est le droit de grève.
Y a-t-il une contradiction entre ce que je viens de dire et le soutien massif et évident que notre groupe apportera à ce texte de loi ?
Bien sûr que non. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce texte n'a absolument pas pour ambition, contrairement à ce qui a été dit sur certains bancs, de casser, d'une quelconque manière, le droit de grève.
Il a pour ambition de préciser des choses qui méritent de l'être, et d'ouvrir pour les familles, de manière plus certaine que ce n'est le cas actuellement, un droit qui, aujourd'hui, n'est pas totalement assuré.
Je pose une question : comment se fait-il – bien sûr, on dira que ceci est lié au statut de chacun des établissements – que, dans le second degré, là où les enfants sont un peu plus grands, l'accueil soit une obligation du système éducatif, en toute occasion, même lorsqu'un certain nombre d'enseignants sont en grève, et que ce ne soit pas le cas dans les écoles maternelles et élémentaires, là où les enfants sont plus petits ? Dans ce cas, les parents peuvent légitimement, et doivent, se poser des questions sur l'enseignement qui est dispensé à leurs enfants, bien sûr, mais aussi sur ce qu'ils vont devenir pendant la journée en fonction d'éventuelles indisponibilités. N'est-il pas normal que, pour ces établissements, soit prévu un droit légitime d'accueil pour les familles ?
C'est là une première question à laquelle ce texte apporte une réponse. Oui, les familles ont droit, de manière légitime, à un accueil pour leur enfant.
Et cet accueil n'est absolument pas à confondre avec le premier des droits fondamentaux des parents vis-à-vis de l'école où se trouve leur enfant, c'est-à-dire l'enseignement et l'éducation. Mais il était important de le rappeler, et c'est le premier mérite de votre texte, monsieur le ministre, que de le faire.
À ce niveau, je voudrais faire une observation. Nous aurions été nombreux à souhaiter que le recours à la loi ne soit pas nécessaire. Nous aurions été nombreux à souhaiter que les maires, peu à peu – et ils l'auraient fait, peut-être, s'il n'y avait pas eu une emprise politique en quelques endroits de notre territoire –, …
…décident, les uns après les autres, d'adhérer à un dispositif qui, finalement, sur le terrain, ne suscitait pas tant d'oppositions que cela.
Et je voudrais, pour illustrer mon propos, vous raconter une petite anecdote. Nous sommes entre 1997 et 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…
…quelque part dans les années Jospin, à l'époque où M. Allègre est ministre de l'éducation nationale. Je suis, depuis quelque temps, maire de ma commune. Et dans mon conseil municipal siège l'ancien maire, socialiste, qui un jour m'interpelle de la manière suivante :
« Monsieur le maire, me dit-il, les enseignants sont en grève. » Je précise que les enseignants ont le front d'être en grève contre M. Allègre, ce qui est insupportable lorsqu'on est dans ces années-là et qu'on est socialiste.
« Monsieur le maire, poursuit-il, qu'allez-vous prévoir pour que l'accueil des enfants soit assuré à l'occasion de cette grève dans l'éducation nationale ? »
Tout était dit. Lorsque le ministre est socialiste et qu'on fait la grève contre lui, ce qui est un scandale, que fait le maire de droite ? Il n'organise pas d'accueil ?
Eh bien, je salue la sagesse de mon prédécesseur à la tête de ma commune, qui, avec beaucoup d'années d'avance, et très légitimement, demandait à son successeur comment il allait faire pour assurer l'accueil des enfants les jours de grève.
Qu'est-ce que vous êtes politicien, monsieur Geoffroy ! Comme toujours !
C'est de cela qu'il s'agit, et de rien d'autre. C'est la deuxième sagesse de ce texte que de prévoir, contrairement à ce que vous feignez de ne pas avoir lu – mais peut-être n'êtes-vous pas allés, chers collègues de l'opposition, au-delà de l'article 4 –,…
…que cet accueil est obligatoire pour l'État en toute situation, jusqu'à une limite que l'article 5 définit de manière très précise : en cas de grève – et dans aucun autre cas que la grève –,…
…et quand le pourcentage d'enseignants grévistes, connu au préalable de l'inspection académique et donc de la mairie, est égal ou supérieur à 20 %.
Où est le scandale ? Il n'y a nul scandale à tout cela. Il y a beaucoup de bon sens, et beaucoup de sens de la responsabilité. L'État sait, il nous le dit, et il s'y engage, que, jusqu'à cette limite, il lui reviendra, à défaut de pouvoir assurer, à tout moment, l'enseignement, d'assumer au minimum l'accueil. Et au-delà de cette limite, ce sont bien les communes qui seront appelées à mettre en place un service d'accueil, dans des conditions qui ont déjà fait leurs preuves, même si ce fut à une petite échelle, aux mois de janvier et d'avril derniers.
Comme beaucoup de mes collègues, je reviendrai sur toutes ces questions à l'occasion de l'examen des articles et des amendements. Mais je souhaitais dire, dans ce propos liminaire, comme l'a fait Frédéric Lefebvre tout à l'heure, que, pour le groupe UMP, il n'y a pas d'autre débat que celui-ci : il s'agit de donner clairement et définitivement aux parents le droit de savoir que leur enfant sera accueilli.
Là est la question. Les dispositions qui ont été prévues sont bonnes, et les amendements que vous vous apprêtez à accepter, monsieur le ministre, vont donner au texte encore plus de clarté et d'efficacité.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que le groupe UMP, sans états d'âme, sans autre souci que celui de servir la cause de l'école et des familles, votera ce texte après l'avoir amélioré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma