Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il y a des sujets qui, dans cet hémicycle, donnent souvent lieu à des prises de position politiques et à des instrumentalisations plus ou moins démagogiques, l'école est bien de ceux-là, et nous venons d'en avoir une démonstration éclatante.
Sur ce projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, que n'avons-nous pas entendu ! Le Gouvernement et les parlementaires, dont nous sommes, qui soutiennent ce texte ont été tour à tour accusés de porter atteinte au droit de grève ou de vouloir mettre à bas le système scolaire de notre pays, et le ministre vient même d'être victime d'attaques personnelles.
Je voudrais rétablir la vérité, en revenant à la lettre et à l'impartialité des textes.
Ce projet de loi, dont je vous félicite, monsieur le ministre, se situe à la confluence de trois préoccupations : assurer l'intérêt de l'enfant, préserver la liberté de sa famille et celle des parents qui travaillent, garantir enfin les droits de ses professeurs.
Depuis le siècle des Lumières, notre pays s'honore de mettre l'instruction et le progrès des consciences au-dessus de tout, et les pères fondateurs de la IIIe République ont voulu placer l'école en dehors des querelles politiques et religieuses. C'est dans cet esprit que nous voulons aujourd'hui placer l'école au-dessus des contingences engendrées par les discussions, voire les conflits liés aux évolutions de l'institution scolaire.
Ce projet de loi pose une règle très simple, à laquelle tous les parents et tous les enfants trouveront avantage : quand les enseignants usent de leur droit de grève, droit incontestable, les enfants ont droit à être accueillis dans l'école et les parents ont le droit de travailler. Dans une société démocratique qui fonctionne bien et où les mots « dialogue social » ont un sens, l'exercice d'un droit par les uns ne prive pas les autres d'un autre droit : le droit de grève des enseignants ne doit pas empêcher le droit au travail des parents d'élèves.
Si l'on considère que l'école est avant tout un lieu où l'on apprend à respecter les libertés, quel meilleur exercice pratique et quel plus bel exemple pour les élèves que de voir l'État faire en sorte de garantir les libertés des uns et des autres et de concilier l'intérêt des uns avec celui des autres ?
Jusqu'ici, les parents qui trouvaient porte close quand ils amenaient leurs enfants à l'école un jour de grève étaient contraints de trouver des expédients dans l'urgence : payer une nourrice, qu'il est déjà difficile de trouver, ou bien appeler à la rescousse un grand-père ou une grand-mère, voire une voisine. Mais, le plus souvent, l'un des deux parents posait un jour de congé, ce qui bien souvent finissait par dégrader les relations avec l'employeur.
Bien évidemment, ces difficultés pesaient particulièrement sur les familles les plus modestes et pénalisaient singulièrement les familles monoparentales. On ne pouvait pas se satisfaire d'une telle situation. Loin de remettre en cause le droit de grève, nous demandons simplement à l'État de prendre les dispositions propres à concilier ce droit de grève et la mission de service public qui est celle des personnels de l'éducation nationale.
L'inscription dans la loi de ce droit des élèves à être accueillis pendant le temps scolaire permettra de rétablir l'égalité des Français face aux mouvements de grève, quel que soit le taux de conflictualité de l'école où leurs enfants sont scolarisés et leur capacité à trouver un mode de garde. Il ne s'agira pas d'un simple service offert aux familles et variable en fonction des circonstances, mais d'un droit qui pourra désormais s'exercer de façon permanente et immédiate dans le temps.
Le dispositif prévu par le projet de loi comporte toutes les dispositions propres à satisfaire, non seulement les parents, les élèves devant être accueillis par du personnel sûr et compétent pour encadrer des enfants, mais aussi les communes, puisque les maires ont toute liberté pour s'organiser et que l'État engage sa responsabilité et leur verse une compensation financière. Ce projet de loi ne porte absolument pas atteinte à la libre administration des communes : la création d'une nouvelle compétence pour les communes est accompagnée des moyens financiers nécessaires à son exercice.
Enfin, cet accueil pourra être organisé par les communes sans contrainte ni normes nouvelles, aspect auquel les parlementaires centristes ont été particulièrement sensibles.
Plusieurs amendements ont encore amélioré l'organisation de ce droit d'accueil pour les élèves, qu'ils aient été proposés par le Sénat ou par notre assemblée : je pense notamment à l'établissement d'une liste des personnes susceptibles de participer à l'organisation du service d'accueil. La commune pourra librement choisir les intervenants mobilisés pour assurer l'accueil : il pourra s'agir d'assistantes maternelles ou d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui travailleraient ce jour-là, ou d'autres fonctionnaires municipaux, mais aussi d'associations gestionnaires de centres de loisirs ou d'associations familiales, de mères ou pères de famille, voire d'enseignants retraités ou d'étudiants. Il est important que le libre choix soit laissé aux communes.
J'ai souhaité, en particulier, avec le soutien de bon nombre de mes collègues, que ce droit d'accueil puisse bénéficier également aux élèves des classes maternelles et élémentaires des établissements privés sous contrat. En effet, ces établissements se trouvent parfois confrontés aux mêmes situations de grève, de sorte qu'il serait à la fois anormal et inéquitable que les élèves des établissements privés sous contrat restent à la porte des écoles quand une solution d'accueil existe pour les enfants des écoles publiques. Ce ne serait en tout cas pas conforme à l'esprit de notre République ni à la volonté de nos compatriotes.
Ce projet de loi répond à l'intérêt bien compris de tous : à celui des élèves, d'abord, qui prendront conscience que l'obligation scolaire doit être respectée tous les jours, y compris les jours de grève, et vous savez tous l'importance de l'exemplarité des institutions publiques pour l'éducation des jeunes générations ; à l'intérêt des parents, ensuite, qui seront rassurés par la garantie de voir accueillis leurs enfants dans des conditions pérennes et satisfaisantes ; mais aussi à l'intérêt des enseignants, car je suis persuadé que leurs mouvements de grève seront d'autant mieux compris et acceptés qu'ils n'auront pas de conséquences pénibles pour la vie quotidienne des familles.
On peut dire enfin que ce projet de loi répond à l'intérêt de l'éducation nationale dans son ensemble, à l'intérêt de l'institution scolaire, car le secteur public garantira l'accueil permanent des élèves dans des conditions dignes d'un vrai service public. Il crée les conditions pour permettre à tous les acteurs de la communauté éducative – parents, enseignants, État et collectivités locales – de prendre conscience de leurs responsabilités partagées dans l'éducation de nos enfants et de mieux les assurer.
Ce droit d'accueil se situe dans la droite ligne des fondements de notre service public de l'enseignement, de ses trois principes sacrés de gratuité, d'obligation et de laïcité. Bien loin d'y porter atteinte, comme certains nous en font le reproche, il assure les conditions concrètes du respect de ces trois principes et permet l'exercice de la mission de service public qui est celle de l'éducation nationale.
À celles et à ceux qui ne voient dans ce projet de loi que manoeuvre politique et mauvaises intentions, nous disons que nous n'avons pas la même vision – on le savait déjà ! Parce que ce projet de loi privilégie l'intérêt des enfants et des parents, et même celui des enseignants, le groupe Nouveau Centre le votera avec confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)