La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (nos 1240, 1486, 1481, 1504).
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques 1240%2C1486%2C1481%2C1504/13">13 , 1240%2C1486%2C1481%2C1504/267">267 et 1240%2C1486%2C1481%2C1504/385-">385 à l'article 2.
La parole est à Mme Martine Billard pour présenter l'amendement n° 13 de la commission des affaires culturelles, dont elle est signataire.
L'alinéa 78 porte que la commission de la protection des droits peut prononcer « une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté et à en rendre compte à la Haute Autorité, le cas échéant sous astreinte. »
Je précise d'entrée de jeu que je ne suis pas du tout d'accord avec cette disposition. Mais, craignant qu'elle ne soit de toute façon votée, je veux essayer d'éviter le pire. Que signifie exactement « prendre des mesures de nature à prévenir… » ? Cette rédaction est d'un flou qui a de quoi inquiéter quant aux obligations qui pourraient être imposées à l'internaute.
Nous préférons donc, par cet amendement – le groupe GDR a déposé un amendement 385 identique – rédiger ainsi l'alinéa 78 :
« 2° Une injonction de mettre en oeuvre un moyen de sécurisation figurant sur la liste définie à l'article L. 331-30, adapté à la configuration de son installation, le cas échéant sous astreinte et à en rendre compte à la Haute Autorité. »
Cela évitera au moins les problèmes d'interprétation sur les possibilités ouvertes à la commission.
En défendant l'amendement identique n° 267 , je tiens d'abord à m'associer aux propos de Mme Billard, pour écarter toute confusion chez ceux qui suivraient le feuilleton de nos débats. De même que nous sommes contre la suspension de l'abonnement à Internet, nous sommes contre l'injonction. L'amendement vise donc à rendre l'action de la commission moins répressive, et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est allée dans le même sens, pour amortir le coup.
Reste que ce mauvais projet donne à la Haute autorité une latitude d'action qui laisse les députés de l'opposition perplexes. Nous saisirons d'ailleurs le Conseil constitutionnel sur ce point. En effet, la Haute autorité pourra, selon son bon plaisir, à la tête du client peut-être, choisir de suspendre l'abonnement à Internet ou, selon des critères qu'on ignore, se contenter d'une injonction. Ce pouvoir au mieux aléatoire, mais au vrai arbitraire, constitue une rupture d'égalité. Or le Conseil constitutionnel est particulièrement vigilant sur ce point. Nous souhaiterions donc que le rapporteur ou la ministre nous dise en fonction de quels critères la Haute autorité choisira la suspension ou l'injonction.
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
La commission des affaires culturelles a adopté cet amendement en pensant que la référence à un moyen de sécurisation labellisé serait plus claire pour les internautes. Mais il semblerait que les amendements nos 58 et 59 de M. Riester sont formulés de façon encore plus satisfaisante. J'aimerais qu'il nous éclaire à ce sujet.
Par ailleurs, je rappelle à M. Bloche que ce sont des magistrats qui ont à choisir entre les différents options, après dialogue et transaction. C'est leur faire injure que de penser qu'ils ne seront pas objectifs.
La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 13 et aux amendements identiques. Son amendement n° 59 , que nous allons examiner ensuite, donne bien la possibilité à la Haute autorité d'enjoindre à l'internaute de recourir à un moyen de sécurisation figurant sur la liste définie à l'article L. 331-30 notamment, mais cela ne doit pas être exclusif. Il faut laisser à la Haute autorité la souplesse nécessaire pour faire face à toutes les situations. Nous sommes ici dans la même situation que pour le télétravail. Comme l'a indiqué cet après-midi Mme la ministre, la commission de protection des droits peut prononcer des sanctions, après injonction d'avoir à sécuriser l'accès, en fonction de la gravité des manquements. Laissons les magistrats de cette commission décider des sanctions les plus adaptées.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Avis également défavorable. Il faut laisser toute souplesse à la Haute autorité qui peut décider, dans le cas d'une collectivité locale par exemple, que la mesure appropriée pour éviter que le manquement ne se renouvelle peut être une campagne d'information.
Il me semblait qu'en règle générale on évitait d'introduire dans la loi le terme « notamment », qui rend la législation très floue.
Par ailleurs je m'inquiète. Il existe en effet des rapports, comme celui du Conseil général des technologies de l'information, qui recommande de mener à bref délai une expérimentation sur le filtrage sur le poste client synchronisé avec un serveur central. Cette proposition a reçu l'aval de votre conseiller juridique, madame la ministre, lors d'un chat sur 01net. au motif, a-t-il indiqué, que ces dispositifs auraient pour but de faire obstacle à certains protocoles. Le problème, c'est qu'on a l'impression de voir réapparaître tout à coup le fantasme de l'interdiction du protocole peer to peer.
D'autre part, la Haute autorité serait informée de la désactivation des moyens de sécurisation par leurs éditeurs. Il y aurait donc obligation de sécuriser le poste de travail grâce à un logiciel – de Microsoft, on a compris à travers les propos de Mme la ministre qu'il n'y aura pas beaucoup d'autres logiciels labellisés. Si on le désactive, un serveur stockera cette information et la Haute autorité pourra avoir accès à ce serveur pour vérifier si quelqu'un a désactivé son logiciel de sécurisation. Cela signifie que l'internaute ne bénéficie plus de la présomption d'innocence, mais est sous le coup d'une présomption de culpabilité, considéré comme un délinquant en puissance. Voilà ce qu'implique la rédaction proposée par le rapporteur. Tous les ordinateurs, partout en France, seront soumis à une surveillance constante. Or on commence à vendre des appareils avec des puces intégrées dans la carte-mère qui ont pour objectif d'empêcher l'utilisation de logiciels peer to peer. Actuellement, elles ne sont pas activées, mais si elles le sont par la suite et que vous voulez utiliser un de ces logiciels peer to peer, qui sont des outils neutres, et très utilisés par les entreprises et les universités, ce qui n'est pas interdit par la loi.
Ce que la loi interdit c'est de pratiquer des téléchargements illégaux. Si donc vous voulez utiliser un de ces logiciels, il faudra désactiver cette puce. On voit ce qu'il adviendra dans ce cas, avec cette disposition que le rapporteur propose d'aggraver.
Si j'ai bien compris ce qu'ont dit le rapporteur et Mme la ministre, leur proposition vise à laisser plus de choix à la Haute autorité de prendre des décisions, qui ne sont pas prévues de façon restrictive – et donc finalement plus de liberté à l'internaute. Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 13 .
(L'amendement n°13 est retiré.)
Madame la rapporteure, avec tout le respect que je vous dois, vous n'avez rien compris. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Non : je peux dire à Mme la rapporteur qu'elle n'a rien compris. Ce n'est pas désobligeant.
Je ne mets pas en cause ses capacités, je souligne une erreur d'interprétation qu'elle commet. Ou alors, elle a une telle affection pour le rapporteur qu'elle lui cède tout. J'ai observé en effet que chaque fois qu'il y a conflit entre la commission des lois et les commissions saisies pour avis, qui ont pourtant voté des amendements intéressants, les rapporteurs pour avis cèdent.
Ils s'inclinent devant la pertinence des arguments de la commission des lois.
Et puis, madame Marland-Militello, s'il y a bien trois magistrats dans la commission de protection des droits – un de la Cour des comptes, un du Conseil d'État et un de la Cour de cassation – il ne s'agit pas d'une procédure judiciaire, mais administrative, donc sans les garanties qui entourent une procédure pénale. De façon paradoxale, si un ayant droit saisit le juge pour délit de contrefaçon, passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende, l'internaute visé aura plus de garanties, s'agissant de la présomption d'innocence, des droits de la défense et de la procédure contradictoire, que si cet ayant droit saisit la Haute autorité, pour obtenir comme sanction la suspension de l'abonnement à Internet.
La logique de fond de ce projet de loi est bien de faire des dix-huit millions d'abonnés à haut débit que compte notre pays des suspects en puissance.
La présomption d'innocence ne joue pas : vous instaurez une présomption de culpabilité, et la charge de la preuve repose sur l'internaute. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
L'amendement n° 267 prévoit que l'injonction faite par l'HADOPI portera sur la mise en oeuvre d'un moyen de sécurisation « adapté à la configuration » de l'installation de l'internaute. Cette précision est indispensable. Or j'ai regardé de près les amendements nos 58 et 59 du rapporteur : ce point n'y figure pas.
L'amendement n° 58 vise seulement à ce que les mesures qui font l'objet de l'injonction soient prises « dans un délai » déterminé par l'HADOPI. Cela ne fait donc qu'ajouter au dispositif un nouveau critère aléatoire. Quant à l'amendement n° 59 , il ne prévoit pas que le moyen de sécurisation pris par l'internaute doit être adapté à la configuration de son installation ; il se contente de préciser que ce moyen devra figurer sur une liste définie à un alinéa de l'article 2 que nous examinerons ultérieurement.
Voilà pourquoi, Mme la rapporteure pour avis, avec tout le respect que je vous dois, je vous ai dit que vous étiez trompée par le rapporteur de la commission saisie au fond. En fait, l'amendement n° 13 , adopté par la commission des affaires culturelles et sociales, allait beaucoup plus loin dans la sécurisation ou, du moins, dans la protection de l'internaute que les amendements nos 58 et 59 .
(Les amendements identiques nos 267 et 385 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 58 de la commission.
La parole est à M. le rapporteur.
Il est important de préciser que l'HADOPI déterminera le délai dans lequel l'internaute doit répondre à l'injonction qui lui est faite de sécuriser son accès Internet. Cela permet de mieux définir les marges de manoeuvre de l'autorité indépendante.
(L'amendement n° 58 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Cet amendement vise à préciser les « mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté » en mentionnant les moyens de sécurisations labellisés selon la procédure définie à l'article L. 331-30.
La parole est à Mme Martine Billard pour défendre le sous-amendement n° 506 .
L'Assemblée a précédemment adopté un amendement n° 456 , présenté par le Gouvernement, pour compléter l'alinéa 52 de l'article 2. Il prévoit que l'habilitation des agents de l'HADOPI « ne dispense pas de l'application des dispositions définissant les procédures autorisant l'accès aux secrets protégés par la loi ».
Or le Gouvernement est tellement obsédé par son idée d'empêcher les internautes de télécharger qu'il en oublie que toutes les situations ne sont pas individuelles, et qu'elles ne concernent pas que les jeunes, ou les moins jeunes, utilisant Internet pour télécharger des oeuvres sans en payer les droits. Mon sous-amendement précise donc que l'injonction s'applique, « sauf à l'encontre des personnes habilitées dans le cadre du décret n° 98-608 du 17 juillet 1998 », c'est-à-dire les personnes habilitées au secret défense.
En effet, il ne faut pas oublier ceux qui travaillent pour la DGSE, en particulier lorsqu'ils utilisent un ordinateur depuis leur domicile – on peut supposer que, dans les locaux de cette direction, les protections sont suffisantes. Au-delà de la DGSE, d'autres personnes peuvent aussi être habilitées au secret défense, notamment celles qui travaillent dans certaines entreprises comme Dassault ou SAFRAN.
Mon sous-amendement permet d'éviter qu'à terme, cette loi s'appliquant sans avoir prévu cette situation, nous soyons confrontés à de réelles difficultés. Ceux qui ont participé aux débats sur le projet de loi DADVSI se souviennent du problème que nous ont posé les logiciels libres : nous nous étions rendu compte qu'ils avaient été choisis par certaines entreprises sensibles, mais aussi par la police, la gendarmerie ou des ministères, qui souhaitaient améliorer la sécurité de leurs réseaux informatique. Ces acteurs considéraient que les réseaux équipés de logiciels fournis par des entreprises comme Microsoft pouvaient être confrontés à des problèmes d'intrusion.
Il s'agit d'un sous-amendement très technique, et je m'en remets à l'avis du Gouvernement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 59 et le sous-amendement ?
Madame la ministre, j'avoue que je ne comprends pas bien votre réponse. Mon sous-amendement a pour objectif de protéger le secret défense et vous me parlez des consommateurs !
Je vous rappelle que vous nous avez fait adopter votre amendement n° 496 qui avait le même objectif. À juste titre, à ce moment, vous n'avez pas argué de la liberté du consommateur !
(Le sous-amendement n° 506 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 59 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 60.
(L'amendement n° 60 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 192 rectifié .
La parole est à M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Cet amendement dont je suis l'auteur avec mon excellent collègue Jean-Pierre Decool a été adopté par la commission des affaires économiques.
Il concerne le télétravail, que nous souhaitons développer en France. En effet, les télétravailleurs ne sont pas assez nombreux dans notre pays puisque nous n'en comptons que 6 % – alors qu'ils sont 20 % en Allemagne et 25 % aux États-Unis. Cet amendement vise à préciser que, en cas de téléchargement illégal, les télétravailleurs se verront appliquer la même sanction que celle prévue pour les entreprises, à savoir l'obligation d'installer un dispositif permettant d'empêcher le piratage, plutôt qu'une coupure de l'accès à Internet.
Je partage la volonté de M. Gérard de prendre en compte le télétravail, mais le dispositif prévu par l'amendement n° 192 rectifié est satisfait par la rédaction du premier alinéa de l'article L. 131-25 qui prévoit que la commission de protection des droits prononce des sanctions en fonction de « l'usage de l'accès » par l'abonné. Le télétravail est bien un usage particulier d'Internet, et la commission de la protection des droits tiendra évidemment compte du fait que la personne concernée utilise sa connexion à cette fin.
En conséquence, j'invite M. Gérard à retirer son amendement.
Défavorable. Je voulais également inviter Bernard Gérard à retirer son amendement parce que je crois qu'il est satisfait.
La commission se prononce en fonction de l'usage de l'accès Internet et tient donc compte de toutes les circonstances d'espèce ; elle peut prononcer une injonction de nature à éviter le renouvellement du manquement.
Je soutiens l'amendement de la commission des affaires économiques.
Vous nous dites que la commission de protection des droits se prononce en fonction de l'usage de l'accès. Certes, mais elle peut se prononcer dans le sens qu'elle veut. Elle peut considérer que l'usage d'Internet à des fins de télétravail par l'abonné rend préférable le choix d'une autre sanction afin de ne pas empêcher ce dernier de travailler – cela éviterait de compter un chômeur de plus. Mais la commission peut aussi estimer que l'abonné n'avait qu'à y penser avant.
Madame la ministre, vous nous avez parlé du permis de conduire mais, si les points sont bien retirés par une instance administrative, pour le retrait du permis, le juge doit intervenir. En ce qui concerne la connexion Internet, un dispositif semblable devrait être mis en place.
J'ajoute que nous aurions dû déposer des amendements similaires à l'amendement n° 192 rectifié , par exemple au bénéfice des médecins – je regrette de ne pas y avoir pensé. Imaginez que l'ordinateur professionnel d'un médecin ait été utilisé, à son insu ou non, par un membre de sa famille : sa connexion Internet pourrait être coupée. Le même problème se posera d'ailleurs pour d'autres professions libérales comme les avocats,…
Monsieur Gosselin, cela montre surtout que votre projet de loi ne tient pas la route. Nous sommes même sur une sortie de route totale !
Mon amendement n'est pas révolutionnaire, mais je le maintiens.
J'ai déposé une proposition de loi sur le télétravail avec Jean-Pierre Decool et Pierre Morel-A-l'Huissier, et j'attache du prix à cet amendement. Si l'on veut véritablement développer le télétravail en France, il faut rassurer ceux qui vont utiliser ce moyen de travailler de façon différente. Le télétravail concerne souvent des personnes vulnérables comme les handicapés. Mon amendement est de nature à les rassurer et à les conforter dans leur choix. Même s'il est éventuellement redondant par rapport à un dispositif qui existe déjà, il me semble intéressant de mettre le télétravail sous les projecteurs. Toutes les fois que nous le ferons, nous agirons dans le bon sens.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission des lois, je suis assez surpris.
Certes, nous partageons tous la volonté que la loi ne soit pas trop bavarde afin qu'elle puisse être clairement comprise. Mais encore faut-il qu'une loi soit précise !
M. Gérard et M. Decool ont, entre autres qualités, celle de venir du Nord (Sourires) et donc d'avoir de la hauteur…
Le Nord, c'est le haut de la France : tout là-haut, nous avons une vue d'ensemble du pays.
En écoutant les arguments de M. Gérard, je m'attendais à ce que le Gouvernement soit favorable à l'amendement n° 192 rectifié . Cela n'a pas été le cas parce que, selon Mme la ministre, l'amendement serait déjà satisfait. Pourtant, le télétravail n'est pas nommément protégé : il est seulement spécifié dans le projet de loi que la commission de protection des droits se prononce en tenant compte de l'usage d'Internet. Mais elle peut se prononcer dans le sens qu'elle veut.
Madame la ministre, si vous pensez qu'aujourd'hui il faut protéger les travailleurs ayant recours au télétravail, alors il faut l'écrire. Si vous ne le faites pas, c'est que vous pensez que la sanction peut être quadruple : la suspension de la connexion d'Internet, la poursuite du paiement de l'abonnement, les effets de la loi DADVSI, et maintenant la privation de travail. L'addition est lourde.
Encore une fois, si vous voulez protéger le télétravail, il faut voter cet amendement, qui rassurerait les travailleurs, à une époque où, que l'on soit au nord ou au sud, on voit le chômage monter en flèche.
(L'amendement n° 192 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 268 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
Cet amendement vise à insérer, après l'alinéa 78 de l'article 2, l'alinéa suivant : « Les personnes morales ne peuvent faire l'objet que de la sanction mentionnée au 2° du présent article », c'est-à-dire une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté.
En effet, l'exposé des motifs du projet de loi lui-même précise que la « sanction alternative sous la forme d'une injonction délivrée à l'abonné de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement », mentionnée au 2° du nouvel article L.331-25, « est plus particulièrement destinée aux entreprises et aux personnes morales en général, pour lesquelles la suspension de l'accès à Internet pourrait revêtir des conséquences disproportionnées. »
Chacun, ici, peut comprendre la nécessité d'une telle mesure, nombre d'entre nous ayant des responsabilités dans des collectivités territoriales qui mettent en place, par exemple, des réseaux wi-fi ouverts, notamment dans les bibliothèques ou les espaces verts.
J'ajoute que le rapporteur lui-même a également affirmé que l'injonction s'adressait aux personnes morales en raison du « souci légitime de ne pas exposer les entreprises et les personnes morales à une privation de leur utilisation d'Internet, aux conséquences économiques potentiellement considérables. » Pourtant, cette précision ne figure pas dans le projet de loi. Notre amendement s'inscrit ainsi dans la même logique que celui de M. Gérard, qui visait à protéger les adeptes du télétravail contre une éventuelle suspension brutale de leur accès à Internet.
Mais j'entends déjà M. le rapporteur nous répondre que cela va de soi et qu'il faut faire confiance à la HADOPI, laquelle ne coupera évidemment jamais l'accès à Internet d'une entreprise, d'une collectivité territoriale ou d'une personne morale. Eh bien, il me semble qu'il vaut mieux l'inscrire dans la loi et exprimer ainsi clairement la volonté du législateur. Les meilleures lois sont celles qui énoncent clairement les choses.
J'apprécie que M. Bloche, non seulement défende son amendement, mais donne également l'avis de la commission : il me facilite la tâche et nous fait gagner du temps.
Son amendement est une petite chausse-trape. En effet, on ne peut différencier la sanction selon qu'elle est prononcée contre une personne physique ou contre une personne morale. Il est donc nécessaire de laisser à l'HADOPI le soin de prendre la bonne décision en fonction de la situation. Il ne faudrait pas, par exemple, que des associations puissent se constituer avec, pour seule vocation, de télécharger illégalement, car l'objectif du projet de loi serait alors contourné.
L'HADOPI prendra évidemment en compte le caractère professionnel de l'usage de l'accès à Internet et elle prononcera certainement contre les entreprises et les collectivités une sanction qui prendra la forme d'une injonction de sécuriser leur accès à Internet. Avis défavorable, donc.
Avis défavorable également, pour les mêmes raisons que la commission. Cet amendement présente en effet un fort risque d'inconstitutionnalité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pardonnez-moi, madame la ministre, mais j'ai du mal à garder mon sérieux. En effet, le risque d'inconstitutionnalité que vous venez d'évoquer pèse sur l'ensemble de votre texte. Ainsi, le fait, comme le rapporteur nous l'a expliqué lundi dernier, que la représentation nationale ne puisse pas connaître les critères en fonction desquels l'HADOPI décidera de prendre telle ou telle sanction,…
…d'envoyer ou non les e-mails d'avertissement et les lettres recommandées, pose problème à cet égard. Car cela signifie que la décision dépendra de la tête du client, si je puis dire. Or une telle mesure, qui introduit une rupture de l'égalité devant la loi, est inconstitutionnelle.
Par ailleurs, comment pouvez-vous penser, monsieur le rapporteur, que des associations vont se constituer en ayant pour seule vocation de télécharger illégalement ? Cela tourne à l'obsession ! Je ne vois pas comment les statuts de telles associations, dont l'objet serait illicite, pourraient être acceptés par la préfecture. La loi ne le permet pas.
Cet amendement est une mesure de bon sens. Encore une fois, nous sommes contre ces alinéas. Nous voulons donc en quelque sorte faire votre bonheur malgré vous, puisque, craignant que ce texte ne soit voté, nous tentons, par ces amendements, de le sécuriser en anticipant les conséquences funestes de son application.
En l'espèce, il s'agit notamment de protéger l'économie du pays. Car enfin, chers collègues, vous savez bien que l'accès à Internet n'est pas accessoire dans la vie d'une entreprise ! C'est un moyen majeur de communication interne et externe sans lequel aucune entreprise ne pourrait actuellement fonctionner. Suspendre l'accès à Internet d'une entreprise aurait donc des conséquences totalement disproportionnées par rapport à l'objectif, au demeurant tout à fait louable, de protection des droits d'auteur. La CNIL a déjà souligné que ce texte instaurait un déséquilibre entre la protection du droit d'auteur et celle de la vie privée. En rejetant cet amendement, vous créeriez un autre déséquilibre, au détriment, cette fois, des intérêts économiques du pays et, je le dis sans esprit polémique, de l'emploi.
L'HADOPI, ce sont sept petites mains qui, quotidiennement, enverront 10 000 avertissements et 3 000 lettres recommandées et prononceront 1 000 suspensions : comment voulez-vous qu'elle procède à un examen au cas par cas ? C'est une des grandes faiblesses de votre projet de loi et l'une de ses contradictions majeures. D'un côté, vous plaidez en faveur d'un système automatisé ; de l'autre, vous nous expliquez que cette commission, composée de magistrats indépendants – combien de fois ne l'avons-nous pas entendu ! –, prendra des décisions au cas par cas, selon des critères encore inconnus de nous. Les risques d'erreur sont tels que nous essayons de limiter la casse, en évitant que votre texte n'ait pour conséquence de pénaliser l'activité économique de notre pays.
Je ne comprends pas pourquoi vous refusez un tel amendement, qui va dans le sens que vous souhaitez.
(L'amendement n° 268 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 79 de l'article 2. Celui-ci prévoit en effet que la commission de protection des droits peut décider que l'injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté fera l'objet d'une publication aux frais des personnes sanctionnées. Or il nous a semblé que cette disposition additionnelle était inutile, voire discriminatoire, puisque les critères en fonction desquels cette publication sera décidée ne sont pas précisés.
Nous comprenons bien que cette disposition est plutôt destinée aux entreprises, voire aux collectivités, en complément de l'injonction délivrée par l'HADOPI de prendre des mesures de sécurisation des postes mis à la disposition des salariés et du public. Nous savons également que la publication par voie de presse constitue une sanction complémentaire courante, que ce soit en matière de procédure administrative ou judiciaire. Mais il nous a semblé qu'il fallait à tout prix éviter de multiplier les sanctions, car l'objectif du projet de loi est avant tout pédagogique et nous avons le sentiment que l'alinéa 79 de l'article 2 est contraire à l'esprit de la loi.
Le plaidoyer de Mme la rapporteure pour avis est tellement convaincant que je n'ai rien à ajouter, et je pense que nous voterons la suppression de l'alinéa 79 à l'unanimité.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 387 .
Comme l'a bien rappelé Mme Marland-Militello, la publication est une possibilité offerte à l'HADOPI de compléter l'injonction de sécuriser l'accès à Internet, notamment lorsque celle-ci est adressée à une personne morale, afin de renforcer la sanction. Nous souhaitons conserver ainsi une certaine souplesse au dispositif et permettre à l'HADOPI d'adapter la sanction à la situation.
Même avis que la commission. On laisse couramment au juge et aux autorités administratives toute latitude pour décider d'une telle publication, laquelle permet d'élargir la palette de leurs décisions. Cette publication peut être imposée, par exemple, à une entreprise manifestement négligente en ce qui concerne ses accès à Internet.
Nous souhaitons tous avancer à bonne allure dans l'examen de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle je me suis contenté d'approuver le plaidoyer particulièrement convaincant de Mme Marland-Militello. Et voilà que nous allons perdre du temps, tout simplement parce que le rapporteur et Mme la ministre ne font pas les gestes que tout rapporteur et tout ministre font dans une discussion parlementaire.
Aux termes de cet alinéa, la commission peut décider que l'injonction « fera l'objet d'une insertion dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne », les frais étant supportés par les personnes sanctionnées. Mais cela n'apporte strictement rien, ni d'un point de vue pédagogique, ni d'un point de vue dissuasif. Cette disposition a un caractère purement punitif.
En outre, que penser de la publication dans des journaux à l'ère numérique ?
Enfin, critique que je réitère avec force, cette mesure relève de l'arbitraire. Le choix du support sera en effet soumis au bon vouloir de la HADOPI.
J'ai vécu plus d'un débat parlementaire dans cet hémicycle et il y a des sujets où il est nécessaire d'agir avec un peu de tact.
Monsieur le président, j'ai une pensée émue pour les membres de l'HADOPI. Plus on avance dans l'examen du texte, plus on saisit l'ampleur des tâches qui leur sont assignées : envoyer des avertissements et prononcer des suspensions, gérer des litiges, gérer la contradiction, déterminer au cas par cas les délais de mise en place des moyens de sécurisation, mais aussi décider de la publication des sanctions. C'est impressionnant : à moins d'être des surhommes, je me demande comment ils pourront s'en sortir. Il va falloir penser à renforcer les effectifs.
Monsieur le président, je maintiens cet amendement. Le charme du rapporteur a des limites : mes convictions. (Sourires.) J'estime très important qu'une loi ait un esprit. En l'occurrence, l'esprit de ce projet de loi est pédagogique. Il ne s'agit pas de pénaliser les usagers par une publication pour laquelle aucun critère de décision n'est indiqué. Cela ne me paraît pas un bon signe à envoyer aux internautes et aux artistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe NC.)
La protection des droits des artistes et des auteurs est un intérêt général mais la mise à la disposition du public des oeuvres culturelles en est un autre.
Nous avons eu un débat en commission des lois sur ce sujet et avons souhaité trouver une solution afin de concilier ces deux intérêts généraux.
Cet amendement propose de prendre en compte, lors d'une éventuelle sanction, l'intérêt général que représente la mise à la disposition du public des oeuvres culturelles. Pour être très concret, il ne serait pas légitime que la commission utilise toute la gradation des sanctions pour protéger les droits d'auteurs qui organiseraient eux-mêmes la pénurie en ne mettant pas à disposition leurs oeuvres en ligne sous forme d'offre légale. Ils sont certes maîtres de l'usage qu'ils font de leurs droits de propriété. Mais c'est notre droit à nous, législateurs, de mettre en balance les deux intérêts généraux et de trancher.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l'amendement n° 279 .
Je n'ai pas beaucoup à ajouter au plaidoyer du président Warsmann. Un long cheminement a permis d'aboutir à cette formulation. Il s'agit d'éviter que l'HADOPI ne mobilise ses forces pour défendre des artistes qui ne feraient pas l'effort de mettre en ligne une offre légale en ligne pour leurs oeuvres.
Il s'agissait d'éviter plusieurs écueils, la chronologie des médias, notamment, en matière cinématographique. Et au prix de mises au point successives, nous sommes parvenus à cette rédaction.
Cela dit, je me rallie à l'amendement de M. Warsmann et retire le mien.
(L'amendement n° 279 est retiré.)
Nous avons eu hier de longs débats sur cette question particulière et cela a été pour moi l'occasion de rappeler à notre assemblée qu'un amendement rédigé avec M. Warsmann avait permis de faire la synthèse de toutes les discussions que nous avions eues en commission des lois à ce sujet. Je remercie Jean Dionis du Séjour de s'être rallié à cette rédaction.
Je comprends fort bien le souci du président Warsmann d'encourager l'offre légale. Je m'interroge cependant sur un problème de constitutionnalité que pourrait soulever son amendement.
La Haute autorité sanctionne le manquement à l'obligation de surveillance, qui est le fait de l'abonné, et non pas l'acte de contrefaçon, qui est le fait du téléchargeur illégal. Or ces deux infractions peuvent être commises par deux personnes différentes, l'abonné n'étant pas nécessairement le pirate. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est donc un peu délicat de faire entrer en ligne de compte le choix des oeuvres effectué par le téléchargeur lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité de l'abonné. De plus, on subordonne la sanction prononcée aux choix commerciaux des ayants droit.
Cela dit, je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.
(L'amendement n° 210 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 271 .
La parole est à M. Christian Paul.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 80. Je vous entends déjà nous rétorquer, monsieur le rapporteur, que nous voulons ainsi supprimer l'obligation faite à l'HADOPI d'informer les internautes en cas de sanctions prises à leur encontre. Il ne s'agit évidemment pas de cela et je me dois d'anticiper sur votre réaction malicieuse. Nous voulons simplement montrer le caractère absurde de l'édifice répressif que vous êtes en train de bâtir.
À cet égard, je voudrais vous poser à nouveau une question après une première réponse de votre part qui n'était pas digne du fin juriste que vous êtes.
Aux termes de l'alinéa 80, « La commission notifie à l'abonné la sanction prise à son encontre et l'informe des voies et délais de recours ». Mais nous n'avons toujours pas compris certains points et je m'adresse aussi bien à M. le président de la commission des lois, commission garante des libertés.
M. le rapporteur a introduit une catégorie nouvelle en droit français – je renvoie au compte rendu publié au Journal officiel : la faculté du juge de décider du caractère suspensif d'un recours. À cette idée, Mme Lebranchu, qui a été une grande garde des sceaux, est prise d'hilarité. Veuillez la pardonner de trouver cela comique.
Sachez, monsieur le rapporteur, qu'il n'y a qu'une alternative : ou bien le recours est suspensif et, en ce cas, la sanction ne peut être exécutée ; ou il ne l'est pas, et l'affaire est jugée au tribunal.
Et sur ce point, monsieur Riester, sans remettre en cause vos droits en tant que rapporteur, permettez que je me tourne directement vers le président de la commission des lois pour lui demander de nous préciser la nature exacte du recours après la sanction décidée par la commission de protection des droits : est-il ou non suspensif ?
Avis défavorable.
D'abord, je constate que, comme M. Bloche, vous vous plaisez à anticiper mes réactions. Eh bien, pour répondre à cette question précise, sachez qu'un décret en Conseil d'État fixera la procédure administrative liée au recours et qu'il reviendra au juge de décider si le recours est suspensif ou non. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Défavorable pour les mêmes raisons.
C'est la séance qu'il va falloir suspendre : vous nous faites trop de farces en ce 1er avril !
L'alinéa 80 indique : « La commission notifie à l'abonné la sanction prise à son encontre et l'informe des voies et délais de recours ». L'abonné qui considère qu'il n'est en rien responsable des faits qui lui sont reprochés pourra décider de déposer un recours devant le juge. Certes, mais la sanction aura bel et bien été prononcée : elle provoquera la suspension de l'accès à Internet, dont les FAI nous ont précisé qu'elle peut être pratiquée de manière immédiate, après inscription de l'utilisateur dans leurs fichiers.
Vous vantez le caractère pédagogique de ce projet de loi. Mais, déjà, nous ne connaissons pas les critères retenus pour les avertissements qui semblent dépendre de la tête de l'usager avec, selon les cas, l'envoi d'un mail ou non. Et pour ce qui est du caractère suspensif du recours, le juge n'aura que très peu d'éléments pour décider si l'usager est de bonne foi. Un amendement du groupe GDR déposé en commission des affaires culturelles ainsi qu'un autre amendement déposé par le groupe SRC en commission des lois visaient à ce que le recours soit d'emblée suspensif.
On nous a répondu que ce n'était pas possible, sinon les abonnés de mauvaise foi déposeraient immédiatement un recours suspensif, ce qui aurait pour conséquence d'engorger les tribunaux, et qu'il était préférable de suspendre la connexion Internet et que les abonnés fassent un recours pour protester contre la suspension de leur abonnement alors qu'ils n'avaient commis aucun délit.
Monsieur le rapporteur, il y a donc une contradiction entre ce qui nous a été répondu en commission des affaires culturelles et en commission des lois, ce qui est écrit dans votre rapport et ce que vous venez de nous répondre.
En cas de recours devant le magistrat, celui-ci infirme ou confirme la sanction. Il ne dira pas au bout de trois, six mois ou plus que le recours est suspensif.
Monsieur Warsmann, je ne peux pas croire que vous nous obligiez à créer une forme de référé pour savoir dans quel cas le recours sera suspensif ou non. M. Riester vient de nous dire que c'est le magistrat consulté qui indiquera si le recours est suspensif. Mais cela n'existe pas. Soit un recours est suspensif dans tous les cas de figure, soit il ne l'est pas. Le juge sera saisi pour infirmer ou confirmer la sanction.
Monsieur le président de la commission des lois, dites-nous s'il existe en droit français des cas où le recours devient suspensif après décision du juge.
Non, monsieur le président. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je suis saisi d'un amendement n° 159 .
Quel est l'avis de la commission ?
La commission est défavorable à cet amendement.
D'un point de vue juridique, c'est bien l'abonné qui se trouve mis en cause au titre de son obligation de surveillance de son accès Internet. Il est donc normal et logique que la sanction qui lui est applicable lui soit notifiée, même s'il n'est pas à l'origine du piratage décelé.
Au demeurant, la commission de protection des droits n'aura pas la possibilité technique d'identifier quelle personne, au sein d'un foyer par exemple, aura procédé à un acte de piratage illicite.
Défavorable.
(L'amendement n° 159 n'est pas adopté.)
Monsieur le président, vous aurez noté notre souci de ne pas ralentir les débats. Cela dit, la réponse du rapporteur nous a interpellés, et notamment Mme Lebranchu, ancien garde des sceaux. M. Riester nous a indiqué en effet que c'était le juge qui décidait si le recours était suspensif ou non. Mme Lebranchu a répondu, le plus clairement possible, que soit le recours est suspensif, soit il ne l'est pas. Il est essentiel que nos concitoyens internautes sachent si, en cas de recours, la connexion à Internet sera immédiatement rétablie.
Mme Lebranchu a interpellé le président de la commission des lois pour qu'il nous donne son opinion en la matière. S'il ne lui a pas répondu, c'est sans doute parce qu'il n'a pas eu le temps de réfléchir.
Aussi, je demande, sur la base de l'article 58, alinéa 2, une suspension de séance afin de réunir mon groupe, en espérant qu'à la reprise de la séance la commission des lois pourra nous donner son avis sur cette question.
La réponse sera très claire : la personne qui veut former un recours le fait contre le fond de la sanction qui est proposée. Elle peut l'assortir d'une demande de non-exécution de la sanction.
Et le magistrat la lui accorde ou non.
J'ajoute que cela existe pour une foultitude de sujets.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante.)
Cette suspension de séance a permis d'avoir un échange avec la commission des lois, échange qui aurait pu avoir lieu plus tôt.
Nous avons partiellement clarifié cette affaire. Contrairement aux assertions initiales du rapporteur, il est clair maintenant que l'acte de recours n'est pas suspensif.
Merci, monsieur le rapporteur pour avis !
Monsieur Riester, vous semblez souhaiter que le juge, étant saisi d'un recours, puisse suspendre la sanction. Vous êtes totalement subordonné à la diligence du juge et à sa capacité à digérer la montagne de contentieux qui ne manqueront pas de s'abattre sur les juridictions. Il serait intéressant que vous puissiez donner votre propre version à l'Assemblée nationale.
En tout cas, nous sommes convaincus qu'il ne s'agit pas d'un recours suspensif, mais d'un renvoi devant les tribunaux, qui vont être engorgés.
Je tiens à rappeler que les syndicats de magistrats ont pris des positions très fermes lors du débat sur le projet de loi DADVSI, en 2005, à un moment où, Nicolas Sarkozy étant ministre de l'intérieur, la situation dans un grand nombre de banlieues françaises était très dégradée, comme aujourd'hui du reste. Les juges faisaient à juste titre savoir au gouvernement de l'époque que, dans une telle période, ils avaient mieux à faire en termes de prévention de la délinquance et de décisions de justice que « la chasse aux pirates ». L'état d'esprit est le même aujourd'hui dans un grand nombre de juridictions. Ne vous attendez donc pas à une coopération très motivée de la part des magistrats français, pour lesquels il convient de définir des priorités en termes de politique pénale : ils ne répondront pas aux contentieux soulevés par le texte dans les délais que vous envisagez.
Monsieur le rapporteur, je serais très heureux de vous entendre de façon définitive sur ce point.
Je suis saisi d'un amendement n° 211 .
La parole est à M. le président de la commission des lois.
Le projet de loi vise à mettre en place un dispositif pédagogique de défense de la propriété et des droits d'auteur des artistes. Demeure toutefois le problème des ayants droit qui choisissent de ne pas payer leurs impôts ou leurs charges sociales en France ou dans un pays à régime fiscal équivalent mais préfèrent aller dans un pays à régime fiscal privilégié, mentionné par l'article 238 A du code général des impôts.
L'objet de cet amendement est très simple : aucune sanction ne pourra être prise sur le fondement du présent article pour des faits concernant une oeuvre ou un objet protégé dont tous les ayants droit résident dans un paradis fiscal. Il n'est pas légitime, en effet, de dépenser l'argent public pour mettre en place un dispositif visant à protéger leurs droits. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avons précisé « tous les ayants droit » afin de respecter le principe d'égalité.
Ce n'est pas, en effet, de la faute d'un ayant droit si un autre est parti dans un paradis fiscal.
Cet amendement vise à assurer une morale sociale minimale.
Favorable.
…où majorité et opposition peuvent se retrouver : le président de la commission des lois fait oeuvre de patriotisme face à ceux qui, comme le disait Anatole France, ne peuvent pas emporter les usines à la semelle de leurs chaussures.
Cet amendement devrait du reste inspirer d'autres mesures patriotiques, comme celle d'interdire aux footballeurs qui sont domiciliés à Monaco de jouer en équipe nationale.
J'approuve totalement la proposition du président Warsmann, parce qu'il s'agit, enfin, d'une mesure de justice, peut-être la première depuis trois jours !
Nous trouvons très intéressant cet amendement et je n'exclus pas que nous le votions – nous nous concerterons à ce sujet.
Monsieur Warsmann, je serais pour ma part tenté de présenter un sous-amendement, que Mme la ministre de la culture pourrait accepter et qui prévoirait – tel est son esprit, la lettre reste à préciser – qu'aucune invitation ne pourra être lancée pour le jour de la Fête nationale à des artistes qui s'affranchissent de leurs devoirs fiscaux. Ce sous-amendement compléterait utilement votre amendement de moralisation et, pour reprendre le mot utilisé par M. Brard, de « patriotisme » fiscal, qui, en tant que tel, est un amendement civique – terrain sur lequel nous voulons bien vous suivre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous sommes donc prêts à voter votre amendement, monsieur le président de la commission, mais nous souhaitons auparavant le compléter par un sous-amendement visant à interdire à des artistes qui n'ont plus leur résidence fiscale sur le territoire national de venir interpréter leurs oeuvres le jour de la Fête nationale. Puisque, apparemment, la tentation existe du côté de certains palais de la République de lancer ce mauvais signal, l'Assemblée nationale s'honorerait en adoptant ce sous-amendement.
Monsieur le président, je tiens à votre disposition une rédaction provisoire de ce sous-amendement, que nous pourrions préciser à l'occasion d'une suspension de séance.
Et le sous-amendement que j'ai présenté ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 211 est adopté.)
Vous ne m'en avez pas donné le texte.
La parole est à M. le président de la commission.
Non seulement ce sous-amendement est éloigné de l'objet du texte mais, de plus, il ne concerne pas le domaine législatif. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En effet, il vise à préciser la manière dont une autorité municipale ou gouvernementale…
Monsieur le président, je souhaite connaître vos souhaits en matière de présentation d'un sous-amendement en séance. Je vous avais prévenu que je souhaitais présenter un sous-amendement : il est rédigé et je m'apprêtais à vous le transmettre, comme je l'ai suggéré, à l'occasion d'une suspension de séance. Or vous n'en avez pas tenu compte !
Monsieur le président de la commission, si j'ai bien compris, il s'agit d'une loi pédagogique. Une pédagogie fiscale un peu appuyée à l'égard de certains artistes que nous pouvons trouver, par ailleurs, intéressants sur le plan musical, serait particulièrement bienvenue à l'occasion de ce texte. En l'acceptant, vous feriez réellement oeuvre de pédagogie.
Monsieur Paul, votre proposition excédant le cadre d'un sous-amendement, elle aurait dû faire l'objet d'un amendement.
Le fait que certains artistes viennent sur les plateaux de télévision français témoigner de la compassion sur la situation du pays alors qu'eux-mêmes n'y paient plus aucun impôt ni aucune charge sociale est proprement scandaleux. Je suis heureux que, ce soir, le débat qui a lieu à l'Assemblée permette, au moins, de couvrir d'opprobre ces artistes qui ne se comportent pas civiquement.
Par ailleurs, sur les plans juridique et législatif, l'amendement est allé aussi loin qu'il le pouvait.
Défavorable.
(L'amendement n° 125 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 319 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement, qui concerne la question des recours, vise à laisser au juge le temps nécessaire pour apprécier le bien fondé de la demande de sursis à exécution d'une suspension d'abonnement à Internet.
Pour cette raison, l'amendement propose que le recours contre les sanctions prises soit « formé dans un délai de sept jours francs suivant leur notification à l'abonné ».
Favorable.
Monsieur le rapporteur, cet amendement a été voté dans le cadre de l'article 88 de notre règlement. Pouvez-vous nous confirmer que c'est en vous fondant sur cet amendement que vous avez été conduit, de manière péremptoire, à répondre cet après-midi à Christian Paul que le recours est suspensif ?
Votre amendement, monsieur le rapporteur, vise à préciser que les « sanctions » – injonction ou suspension de l'abonnement – « prises en application du présent article peuvent faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation par les parties en cause devant les juridictions judiciaires, formé dans un délai de sept jours francs suivant leur notification à l'abonné ». Cela signifie que l'abonné n'aura que sept jours pour former un recours : au-delà de sept jours, il ne pourra plus former de recours devant le juge.
Et c'est ce que vous appelez un recours suspensif ! J'espère que cela n'a rien à voir !
De fait, cet amendement limite la possibilité pour l'abonné de former un recours devant le juge. S'il ne réagit pas dans les sept jours, il ne pourra plus en former. Que se passera-t-il pour un abonné parti en vacances durant deux semaines et dont on aura suspendu l'abonnement à Internet ? Non seulement, lorsqu'il reviendra, son abonnement sera suspendu mais comme, de plus, les sept jours francs après la notification de la sanction seront passés, il ne pourra même plus former de recours devant le juge ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Un amendement apparemment innocent dissimule en fait un ébranlement invraisemblable de notre État de droit ! Le déséquilibre ainsi créé au nom de la protection du droit d'auteur – après sept jours l'abonné n'aura plus aucun droit de recours – conduit à ce que la raison l'emporte : monsieur le rapporteur, retirez cet amendement indigne !
Je suis saisi d'un sous-amendement, n° 510 , à l'amendement n° 319 rectifié , qui vise à substituer les mots : « trente jours » aux mots : « sept jours ».
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, la procédure ne prévoit déjà pas le contradictoire, ce qui est exorbitant du droit commun !
Il est déjà bien beau que nous essayions de l'améliorer ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Et même que nous participions à la discussion ! Nous faisons ainsi preuve de mansuétude.
Sept jours francs, c'est un faux nez, ce n'est pas un droit. C'est un alibi, que vous consentez. En effet, il suffit que la personne se soit absentée pour un déplacement familial ou pour une hospitalisation pour qu'elle ne puisse plus former de recours. En réalité, vous ne lui reconnaissez pas ce droit ! C'est la raison pour laquelle j'ai rédigé à toute vitesse un sous-amendement. Or, monsieur le président, en même temps que je vous le passais, je me suis rendu compte de sa limite puisqu'il ne propose que trente jours, ce qui ne fait pas beaucoup !
Je vous rappelle que j'ai fait adopter, en matière de fraude à la Carte bleue, un délai de soixante-douze jours, car il correspond à deux relevés bancaires mensuels. Le délai de sept jours n'est pas acceptable et celui de trente jours est sans doute trop court.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, si nous pouvions nous mettre d'accord sur un délai raisonnable, nous reconnaîtrions aux victimes de votre démarche un vrai droit, dont vous voulez aujourd'hui les priver.
Je tiens à compléter la présentation que j'ai faite de l'amendement n° 319 rectifié . Il vise bien à laisser le temps, non seulement à un abonné suspendu de former contre la sanction un recours devant le juge, mais également au juge de se prononcer sur le bien fondé de la demande de sursis à exécution. La commission des lois a travaillé sur le sujet et elle a accepté cet amendement, qui prévoit de laisser sept jours francs au titulaire de l'accès à Internet pour former son recours, la suspension de l'abonnement ne se produisant qu'entre trois et quatre semaines après la notification de la suspension, ce qui laissera quinze jours au juge pour se prononcer sur le bien fondé de la demande de sursis à exécution.
Cet amendement permet donc à l'abonné d'être certain que son abonnement ne sera pas suspendu avant que le juge ait pu se prononcer sur le bien fondé de sa demande.
C'est la raison pour laquelle j'émets, à titre personnel, un avis défavorable au sous-amendement n° 510 .
Défavorable.
Si nous ne tranchons pas la question des délais ce soir, nous y reviendrons en commission mixte paritaire. Admettez, au passage, qu'il est difficile pour le rapporteur de réagir dans l'instant.
Je suis pour ma part sensible à la nécessité d'un délai de recours matériellement compatible avec la vie d'aujourd'hui. L'internaute doit avoir le temps de former son recours et de demander la suspension de la décision de la Haute autorité. De son côté, le juge doit pouvoir décider du caractère suspensif du recours avant l'exécution de la sanction.
Ce n'est pas le début de la sagesse mais rien que la logique.
Une hiérarchie des délais s'impose donc. Un délai allant jusqu'à une trentaine de jours pour que l'internaute puisse former son recours ne me choquerait pas, le délai prévu pour d'autres procédures étant en effet assez voisin.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. L'usage est un délai de deux mois !
Nous pouvons revoir cet amendement ou bien attendre la réunion de la CMP.
Ma conviction est que nous devons parvenir à un tel dispositif. J'en prends l'engagement devant vous.
Nous pouvons prendre une décision dès ce soir. Le président de la commission des lois avait fort bien commencé son intervention et parlait même d'or.
Puisqu'il s'agit d'un recours devant une juridiction, un abonné peut demander à bénéficier de l'aide juridictionnelle ; or il ne l'obtiendra jamais en sept jours ni même en trente, surtout à Paris.
Je propose que nous portions le délai de sept jours, prévu par l'amendement n° 319 rectifié , à trente jours et de mettre aux voix immédiatement l'amendement ainsi rectifié une seconde fois. Si des cadrages se révèlent nécessaires en termes de hiérarchie des délais, nous pourrons examiner la question en CMP.
Je vais suspendre la séance pour cinq minutes, afin que nous fassions le point.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.)
La séance est reprise.
L'amendement n° 319 rectifié de la commission est rectifié une seconde fois. Il s'agit désormais de compléter l'alinéa 81 par les mots : « , formé dans un délai de trente jours francs suivant leur notification à l'abonné. »
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1 du règlement. Même si la deuxième rectification de l'amendement de la commission est de nature à nous rassurer quelque peu, nous avons entendu des déclarations du président Warsmann pour le moins surprenantes. Déjà, tout à l'heure, il proposait qu'on s'adresse au juge pour décider du caractère suspensif d'un recours, cela en présence d'une ancienne ministre spécialiste en la matière qui, hilare, se demandait si elle avait affaire à un sketch du Schmilblick ou à une séance de l'Assemblée. Et le même président Warsmann de nous déclarer il y a quelques instants, avec une bonne foi déconcertante, ne pas savoir ce que nous pourrions faire ici ce soir.
Alors que nous nous trouvons dans le lieu où l'on fait la loi, M. Warsmann propose que l'on décide ultérieurement et ailleurs des délais pour former un recours. Je souhaite donc rappeler, monsieur le président, que ce lieu est celui, en France, où l'on fait la loi et que nous pouvons par définition tout faire. Il nous revient de le décider.
C'est aussi le lieu où les députés doivent se respecter les uns et les autres.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 511 .
La parole est à Patrick Bloche, pour le soutenir.
Il est ici question d'une décision d'une haute autorité administrative, donc d'une décision à caractère administratif, par délégation des pouvoirs publics. Or tous nos concitoyens savent qu'ils disposent d'un délai de deux mois pour déposer un recours contre une décision administrative dont ils estiment qu'elle leur porte préjudice.
Aussi, puisque vous inscrivez votre action dans une perspective pédagogique, donnons dans la simplicité et que tous nos concitoyens sachent que, dès lors que l'HADOPI prendra une sanction à leur encontre – injonction ou suspension de leur abonnement –, ils disposeront de deux mois pour former un recours, comme c'est le cas pour toute décision administrative.
Défavorable. L'amendement n° 319 rectifié proposait un délai de sept jours, mesure dont je vous rappelle qu'elle était le fruit d'un travail en commission. Comme me le rappelait M. Gosselin en aparté, cette disposition technique satisfaisait déjà les intérêts des internautes puisqu'il s'agissait de s'assurer qu'ils avaient bien reçu la notification en mains propres et disposé du temps nécessaire pour former un recours devant le juge afin de savoir s'il serait suspensif ou non. Vous avez proposé un délai de trente jours et l'amendement de la commission vient de nouveau d'être rectifié en ce sens. Or vous demandez désormais deux mois.
C'est en effet la logique du « toujours plus ». Essayons, quand nous parvenons ensemble à trouver un accord, de ne pas encore en rajouter une couche. Il importe que ceux qui regardent nos débats se disent que nous arrivons, au-delà des clivages politiques, et notamment quand il s'agit de questions techniques, à trouver des solutions dans l'intérêt général.
Défavorable.
Je voudrais simplement faire observer à nos collègues socialistes que lorsque vous ne payez pas votre abonnement, vous pouvez être immédiatement suspendu par le fournisseur d'accès. Vous tentez, en empruntant une échelle de perroquet, d'aller jusqu'à un délai de soixante jours, ce qui aboutit à offrir une plus grande protection au fraudeur qu'au malheureux qui a une défaillance de paiement.
Si, cela a un rapport tout à fait direct. Vous accordez au fraudeur un délai beaucoup plus important.
Dans l'exemple que vous donnez, le fournisseur d'accès applique ce qui est prévu par le contrat.
Certes, mais le contrat, madame Lebranchu, il est aussi dans la loi, qui interdit de télécharger si l'on ne paie pas de droits. Les personnes qui enfreignent cette règle sont prévenues, elles reçoivent une lettre recommandée, et la suspension n'intervient qu'à la fin du processus.
Tout à l'heure, j'entendais M. Bloche qui disait : « Vous vous rendez compte ! Si la personne part huit jours en vacances, elle ne pourra même pas faire de recours… » Écoutez, si cette personne part huit jours en vacances après avoir reçu des avertissements, puis une lettre recommandée, c'est qu'elle s'en fiche comme de l'an quarante ! Très sincèrement, je ne crois pas qu'il faille accorder des délais trop longs.
Le rapporteur propose d'aller jusqu'à trente jours. Soyons raisonnables, soyons efficaces. Mais, avec soixante jours, on dépasse les bornes.
Je dois reconnaître que le président de la commission des lois a essayé de sortir par le haut de cette situation. Et il n'y a aucun déshonneur, monsieur le rapporteur, à reconnaître que l'on a pu se tromper. Cela arrive à tout le monde. À partir du moment où le délai de sept jours a donné lieu à une discussion et où il est apparu qu'il n'était ni crédible ni efficace, vous pouviez vous raviser et proposer un autre délai.
M. Brard, en proposant trente jours, a permis d'ouvrir le débat et de mettre à profit la suspension de séance pour essayer de trouver une solution. Mais je rappelle que notre assemblée examinera prochainement en deuxième lecture la loi relative à la simplification du droit. Essayons donc de ne pas instaurer systématiquement des délais différents selon les procédures et d'adopter quelques principes généraux sur les délais. Celui que proposait Jean-Pierre Brard visait à répondre à l'urgence, en obligeant au débat dans le but de trouver une solution. La proposition de nos collègues socialistes, dont nous avons discuté en aparté, consiste à retenir le délai aujourd'hui en vigueur dans les procédures du même type.
Vous nous dites en substance, monsieur Nicolin : « Comment ! On va protéger le fraudeur ! » Mais je rappelle qu'il y a une présomption d'innocence en droit français, et que les internautes qui déposeront des recours ne seront pas, a priori, ceux qui auront été pris sur le fait, avec des preuves bien établies ; ils feront partie du tiers des abonnés qui auront été mis en cause bien qu'ils n'aient procédé à aucun acte illégal. Les recours, c'est pour eux qu'ils sont prévus. Dès lors, il faut leur donner la possibilité de se retourner, pour qu'ils puissent démontrer qu'ils n'ont rien fait d'illégal, ce qui n'est pas si facile, étant donné la complexité technique. Ils doivent avoir le temps de prendre un conseil s'ils le souhaitent, et éventuellement de demander l'aide juridictionnelle.
Voilà le sens du délai de recours. La question n'est pas de protéger ou de ne pas protéger. Il s'agit tout simplement de respecter un principe de droit :…
…même quand une personne assassine quelqu'un, elle a le droit de se défendre, selon des principes inscrits dans la loi. Rien de plus.
Madame la ministre, tout cela sent l'impréparation, l'improvisation. Et j'imagine que les gens qui nous regardent doivent être assez impressionnés, mais pas dans le bon sens.
Le rapporteur nous dit que la durée du délai est une question technique. Mais il ne s'agit pas seulement d'un temps de recours. Un droit que l'on n'a pas le temps de mettre en oeuvre, ce n'est pas un droit, c'est une illusion. Cela va donc bien au-delà de la technique.
Tout à l'heure, le président Warsmann, en aparté, proposait que l'on ajoute au délai le délai de recours au juge, pour qu'il soit également suspensif. Cela permettrait peut-être de trouver une solution de compromis, qui serait protectrice des droits de la personne.
Et l'on ne peut pas confondre, monsieur Nicolin, un contrat commercial qui a été signé entre un client et un fournisseur de services, d'une part, et la loi, d'autre part. En faisant la loi, nous édictons des règles et nous formulons des droits, qui doivent être protecteurs du citoyen.
Et quand je vous vois vous acharner sur les fraudeurs, je voudrais bien que vous vous acharniez sur les gros, par exemple M. Forgeard, l'ancien patron d'EADS, ou Johnny Hallyday, qui pratique l'évasion fiscale.
Vous voulez que je continue la liste ? Il suffit de prendre la revue Capital, ou Challenge, et vous en avez des centaines, servis sur un plateau. Et alors là, compte tenu de l'état des finances publiques, je peux vous dire que ça vaut le coup, parce que ceux-là, pour frauder, ils s'y connaissent, et ils fraudent beaucoup.
Tandis que vous, vous vous acharnez sur les petits poissons. C'est peut-être parce que ce sont des poissons rouges qu'ils ne vous plaisent pas.
Ici, ce sont plutôt des poissons roses et rouges. Les poissons verts, c'est plus exotique, madame Billard. (Sourires.)
Monsieur Nicolin, il faut savoir raison garder. Si vous ouvrez la boîte de Pandore sur les fraudeurs, vous ouvrez une mauvaise boîte, parce que vous vous acharnez sur les petites gens. L'internaute qui télécharge, ce n'est pas un grand voyou. Il ne respecte pas la loi à un moment donné, mais vous reconnaîtrez avec moi que, pour prendre une référence religieuse, c'est un péché véniel et non pas un péché mortel.
Il faut que nous trouvions un compromis, et M. Warsmann y était prêt. Quant à vous, monsieur Riester, il ne faut pas vous emballer. Vous avez pour vous l'excuse de la jeunesse, y compris dans cet hémicycle. L'erreur est pardonnable, et nous sommes prêts à vous donner l'absolution, à condition que vous ne persévériez point dans le péché.
(Le sous-amendement n° 511 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 319 deuxième rectification est adopté.)
Il s'agit d'un amendement de clarification, après les explications très embarrassées de notre rapporteur, qu'est heureusement venu aider le président de la commission des lois.
Durant toute cette journée, monsieur le rapporteur et madame la ministre, vous n'avez fait qu'accroître la confusion. Mais j'ai consulté à l'instant Mme Lebranchu, et je crois que nous sommes maintenant à peu près au clair sur ce que nous avons à vous proposer. Il y a deux stratégies possibles, entre lesquelles vous devrez choisir : ou bien, après la décision de la commission de l'HADOPI, le recours est suspensif – et c'est le sens de cet amendement –, ou bien il peut être demandé au juge un sursis à exécution.
Si le débat se déroule dans une certaine confusion, c'est parce que le rapporteur qui, en son âme et conscience, penche plutôt pour le sursis à exécution, nous a dit, à un certain moment de la journée, qu'il s'agissait d'un recours suspensif. Alors, nous allons vous aider. Nous allons faire encore une fois votre bonheur malgré vous. Vous avez le choix, disais-je, entre deux stratégies : le recours suspensif ou le sursis à exécution. Ce sont, en droit, des notions relativement connues, monsieur Warsmann. Mais il va falloir choisir. Et comme vous avez dit, monsieur Riester, l'un et l'autre alternativement, au cours de l'après-midi, il serait bon que la position de la majorité soit clarifiée. Là encore, j'en appelle à la hauteur de vue du président Warsmann, et aux juristes qui accompagnent Mme la ministre, pour que nous puissions sortir de l'ambiguïté qui nous a un peu tétanisés intellectuellement depuis plusieurs heures.
Eh oui, monsieur Jacob. Vous nous rejoignez, et peut-être pourrez-vous venir à la rescousse. Vous n'avez pas été garde des sceaux mais vous avez été ministre de la fonction publique. Vous pouvez donc nous aider, surtout s'il s'agit d'un recours devant le tribunal administratif, question qui n'a d'ailleurs pas toujours été très finement éclairée.
Pour terminer, je constate, monsieur Nicolin, que vous vous acharnez sur les internautes. Votre propos était d'une rare virulence, comme si vous souhaitiez assimiler le partage d'oeuvres culturelles à un vol de voiture ou à un braquage !
Mais la contrefaçon, c'est cela ! Regardez dans le textile : des centaines de milliers d'emplois détruits !
Monsieur Nicolin, je crains que vous ne soyez très loin de ce débat. Pour faire la loi, il faut d'abord regarder la société, en France et ailleurs. Ensuite, le législateur, au nom de l'intérêt général, fixe un équilibre entre les droits en présence : en l'occurrence, entre les droits du public, ceux des artistes et ceux de tous les ayants droit. Nous devons nous inspirer de la réalité de la société. Et sur ces questions, qui n'ont rien à voir avec le vol à la tire ou l'agression dans la rue, le monde bouge. À cet égard, j'appelle votre attention sur l'un des exemples les plus récents, qui date seulement de cette semaine mais qui annonce un séisme dans le monde de la musique, au plan planétaire ; je cite un quotidien paru ce matin : « En Chine, Google légalise le piratage de musique. » Concrètement, cela veut dire quoi ?
Non, ce sont les Français, nous a dit Mme Albanel, qui sont les champions du monde du piratage.
J'ai dit : parmi les pays comparables.
Cela veut dire qu'en Chine, dans quelques semaines – et demain en France, à l'initiative des majors, tandis que vous regarderez passer les trains, monsieur Nicolin, en inscrivant ce texte dépassé dans les lois de la République –, des millions de morceaux de musique pourront être téléchargés gratuitement, de façon tout à fait légale. C'est la démonstration que votre loi est absurde. Le monde bouge, mais vous, vous restez immobiles.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 390 .
Toujours pour faire écho à nos échanges, je vais vous raconter une histoire qui va beaucoup vous intéresser sur la fraude. Le Gouvernement vient de remettre 3 milliards d'euros à Renault. Simultanément, savez-vous ce que fait M. Carlos Ghosn, qui est un grand éviteur d'impôt ? Il organise deux sociétés, deux coquilles vides, pour frauder. D'un côté il reçoit de l'argent, de l'autre il fraude, pour récupérer – vous êtes bien assis ? – 25 millions d'euros au titre du crédit d'impôt recherche, à la suite d'une manipulation complètement frauduleuse. Mais, monsieur Nicolin, vous qui cherchez à écraser le petit fraudeur qui est, par rapport à Carlos Ghosn, un moustique comparé à un éléphant, cela ne vous empêche pas de dormir !
Vous défendez les voleurs. Moi, je défends les pauvres gens. C'est cela, la différence !
Vous, vous défendez les victimes ? Les victimes du grand capital, elles sont de ce côté-ci. Vous, vous êtes du côté des fondés de pouvoir.
Mais j'en viens à l'amendement n° 390 . M. Riester, à l'appui du refus d'un amendement similaire, a indiqué que le caractère suspensif du recours dépendrait de la décision du juge saisi. D'habitude, ce n'est pas ainsi que cela se décide. Ou c'est suspensif, ou ce ne l'est pas. Ce ne peut pas être laissé à l'arbitraire d'une décision aléatoire. La demande que nous réitérons ici n'aurait donc pas lieu d'être.
Premier écueil : les éléments de preuve. Le tribunal de Guingamp – auquel il a été maintes fois fait référence dans notre hémicycle – a très récemment jugé que l'adresse IP ne pouvait pas être considérée comme une preuve matérielle suffisante, pour des raisons évidentes qui ont déjà été développées. Le juge n'aura donc pas d'élément matériel tangible pour décider de la matérialité du manquement. Je ne reprendrai pas l'excellent argumentaire de Mme Marylise Lebranchu, auquel je souscris. Nous n'irons pas plus loin dans les discussions avec le président de la commission.
Mais, au-delà de la création d'un nouveau référé, l'imprécision de votre texte à cet égard soulève un problème de taille. L'internaute incriminé se trouvera sous le coup d'une décision de sanction administrative, donc exécutoire, contre laquelle il pourra former un recours, qui sera nécessairement non suspensif, devant l'autorité judiciaire.
Il y a d'autres lacunes dans votre texte. Vous ne dites nulle part comment la décision dont l'internaute est l'objet – ou plutôt la victime – sera notifiée. Si, dans le texte, vous ne réglez pas cette question, vous ouvrez une zone d'incertitude juridique. L'internaute, indûment sanctionné, exécutera, subira la sanction et ne se verra rétablir dans son bon droit qu'à l'issue d'une procédure judiciaire normale, c'est-à-dire après plusieurs mois, voire plusieurs années, car il y aura toujours le même problème de matérialité des faits reprochés.
Vos réponses avalisent, en fait, le caractère particulièrement répressif et non pas pédagogique de votre texte. C'est pourquoi nous réitérons notre proposition d'inscrire noir sur blanc que le recours de la décision est suspensif.
Monsieur Warsmann, si j'ai bien compris ce que nous disions pendant la suspension de séance incline plutôt pour cette solution.
Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, je rappelle que j'ai travaillé avec d'autres collègues sur la fraude et que nous avons découvert des erreurs terribles sur le plan fiscal.
Monsieur le président, il s'agit des libertés : cela vaut la peine de prendre cinq minutes.
Il y a eu des erreurs terribles d'homonymie. Le bien d'une personne avait été saisi, vendu par l'État. L'erreur a été reconnue trois ans après. Où peut se trouver la réparation lorsqu'une telle erreur est commise ?
Il faut donc que le texte soit le plus protecteur possible. Et dans la mesure où le président de la commission des lois – il est assez grand pour s'exprimer seul – semblait favorable à l'ajout de cette disposition, nous pourrions trouver un compromis utile.
Le principe de la suspension de l'abonnement a été voté, au détriment de l'amende.
Le texte prévoit que les décisions de l'HADOPI ne peuvent être contestées devant le juge qu'une fois prononcées, en renvoyant à un décret la liste des possibilités et des modalités de sursis à exécution contre ces décisions.
Il me semble indispensable de rendre suspensif le recours juridictionnel contre une décision de l'HADOPI. Une annulation de la décision de l'HADOPI n'aurait en effet plus de sens si l'internaute avait déjà purgé sa peine.
À défaut, le fait que l'annulation intervienne après que l'internaute aura purgé sa peine risque d'être la norme. Beaucoup de dossiers nécessiteront une expertise et ils ne pourront pas être traités rapidement par les juges. Dans de nombreux cas, l'internaute aura purgé sa peine. Je pense donc que le caractère suspensif du recours est essentiel.
Avis défavorable.
La procédure a été suffisamment traitée. Le président de la commission des lois s'est exprimé. Prévoir un sursis à exécution systématique en cas de recours conduirait inéluctablement à un enlisement procédural et n'est donc pas souhaitable. Le système doit fonctionner. Le juge décidera si le recours est suspensif ou non.
Le texte est clair : « Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les sanctions peuvent faire l'objet d'un sursis à exécution. » Celui-ci est demandé devant le même juge que le contentieux de l'annulation – le juge judiciaire –, qui garde un pouvoir d'appréciation pour l'accorder ou non. Si le recours en annulation était suspensif de droit, il y aurait des risques considérables de recours dilatoires.
Le recours contre les sanctions administratives n'est jamais automatiquement suspensif.
Je ne voudrais pas me poser en victime, mais M. Paul a été un peu outrancier à mon égard. Je n'oublie pas que le monde bouge. Je voudrais rappeler qu'en 1993 M. Longuet, ministre de l'industrie, avait défendu un texte sur la contrefaçon.
À l'époque, sur vos bancs – vous n'étiez pas encore élu, monsieur Paul –, certains disaient : « Lutter contre la contrefaçon, c'est aussi entraver la créativité... » (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Notre industrie textile a perdu des centaines de milliers d'emplois à cause de la contrefaçon. Nous sommes là aussi dans la contrefaçon. Demain, nous perdrons peut-être des centaines de milliers d'emplois dans la création culturelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis très surprise par cette déclaration. J'ai eu l'honneur d'être secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Je n'ai jamais reçu un parlementaire socialiste, communiste ou vert qui se soit opposé à la lutte contre la contrefaçon.
Je voudrais revenir un instant sur l'ensemble des problèmes que pose le dispositif de sanction prévu. Avec ce texte, vous créez quelque chose de phénoménal, que nous n'avons jamais réussi à mettre en place, ni les uns ni les autres, après moult débats sur le crédit revolving : une liste remise à des opérateurs privés, contraints de ne pas abonner les personnes qui y sont inscrites.
D'abord, compte tenu du manque à gagner, je pense qu'un certain nombre d'opérateurs s'arrangeront pour ne jamais disposer de la liste.
Ensuite, si une personne forme un recours, à quel moment sera-t-elle inscrite sur la liste ? Dès le prononcé de la sanction, après le sursis, après le jugement ? Vous n'en dites rien et il est important que nous le sachions ce soir.
Par ailleurs, la filiale française de l'opérateur privé ne manquera pas de proposer à l'internaute sanctionné un abonnement à l'étranger en attendant la fin de son histoire. La DGCCRF, chargée de la répression de la contrefaçon, a relevé de nombreux abonnements souscrits à l'étranger et qu'elle était dans l'incapacité de vérifier. C'est en recherchant l'origine des contrefaçons vendues en ligne qu'elle a découvert qu'il est possible de s'abonner ailleurs pour ne pas être pisté sous contrôle judiciaire. Voilà pourquoi je pense que votre dispositif est inefficace.
Je suis inquiète aussi car l'on fournit des arguments de droit à des sociétés privées pour ne pas remplir les obligations liées à l'abonnement. Quelles sanctions sont prévues pour l'opérateur qui aura réabonné M. Nicolin (Sourires) en prétextant ne pas avoir encore vu son nom sur la liste ? Il aura tout intérêt à lui faire souscrire un contrat et à le suspendre ensuite, puisque l'internaute sanctionné ne sera pas remboursé de cette nouvelle inscription.
Tout cela me paraît à la fois très grave et très complexe. Comment un magistrat pourra-t-il s'en sortir lorsqu'il sera saisi d'une demande de sursis à exécution de la sanction et que dans le même temps on lui dira que l'internaute a souscrit un abonnement avec un autre opérateur ? L'opérateur sera-t-il traduit en même temps devant le juge ? Et devant quelle juridiction ?
On crée des fichiers, des listes noires, pour des choses qui seront bientôt – vous avez le droit de le penser, même si je ne partage pas cette opinion – de l'ordre du délit, mais qui ne sont pas de nature à troubler l'ordre public.
Lorsque je considère le nombre de postes de contractuels qu'il faudra créer pour faire le travail – envoyer les lettres recommandées, vérifier qu'elles sont arrivées, transmettre aux autorités judiciaires les éléments de preuve que l'on possède ou non, car la preuve en la matière est extrêmement difficile à établir –, j'en déduis qu'il faudra un budget très important. Ou alors, cela signifie que l'on n'appliquera pas la loi. Certains, dans les couloirs, disaient que c'était une loi pour faire peur et qu'on ne l'appliquerait peut-être pas. C'est grave !
J'aurais préféré que l'on emploie les mêmes crédits pour aider les créateurs qui ont peu de revenus à se protéger, à s'adapter à la nouvelle culture. Cette gabegie financière des ministères de la culture et de la justice…
Je suis saisi d'un amendement n° 391 .
Qui le défend ? M. Brard ? Mme Billard ?
Cet amendement prévoit l'indemnisation du préjudice subi lorsqu'un titulaire d'abonnement est victime de sanctions ensuite annulées par le juge.
Nous sommes toujours en pleine incertitude. Lors de la suspension de séance, il a été dit que si la sanction était la coupure de la connexion Internet, un amendement de la commission des lois prévoirait un délai de trois semaines entre la notification de la sanction et la coupure réelle par le fournisseur Internet. Mais, actuellement, dans le texte proposé, l'article L. 331-29 précise que, lorsque la sanction comporte une suspension de l'accès Internet de l'abonné, la commission de protection des droits notifie ladite suspension au fournisseur d'accès et lui « enjoint de mettre en oeuvre cette mesure de suspension dans un délai de quinze jours ». En outre, quels seront les délais de notification ? Cela dépendra du procédé choisi : par mail, par courrier, par lettre recommandée. Quelques jours seront perdus.
Parallèlement, la commission notifie au FAI qu'il doit couper la connexion au plus tard dans les quinze jours, sous peine d'amende. La sanction financière prévue est d'un montant maximal de 5 000 euros.
On fait valoir qu'il y aura un délai pour les recours. Cet argument ne tient pas dans la mesure où la coupure aura déjà eu lieu. Des titulaires d'abonnement seront sanctionnés alors qu'ils ne sont responsables de rien. Dans tous les pays qui ont mis en oeuvre ce type de procédure – et qui, depuis, ont reculé – on a observé qu'il y avait environ un tiers d'erreurs, compte tenu de la non-fiabilité des adresses IP.
Il est donc normal que les personnes accusées à tort, et dont la connexion à Internet aura été coupée, puissent percevoir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Le préjudice peut se limiter à la coupure de la connexion à Internet si l'abonné utilise cette connexion uniquement pour ses activités personnelles, de loisirs par exemple, mais il peut être plus grave si la connexion a une utilité professionnelle.
…ce cas de figure étant déjà couvert par les principes généraux des procédures administratives. Les décisions de la commission de protection des droits, composée de trois magistrats, pourront donner lieu, devant le juge administratif, à indemnisation au titre de la responsabilité de l'État pour faute.
Avis défavorable. Tout dommage est susceptible d'obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité civile ; cela fait partie des principes généraux du droit.
Certes, nous savons, madame la ministre, que la réparation fait partie des principes généraux du droit. Nous faisons seulement remarquer que votre dispositif risque d'entraîner de forts embouteillages dans les tribunaux. Vous ne mesurez pas les conséquences de la suspension d'un abonnement et du préjudice que subiront les personnes morales. Vous n'avez pas voulu de notre amendement qui visait à exclure du champ d'application de la loi les personnes morales. Or ce sont elles, en particulier, qui subiront les conséquences de fautes qu'elles n'auront probablement pas commises. Elles seront sanctionnées parce que leur adresse IP aura été falsifiée, parce que leur port wifi n'aura pas été correctement protégé ou encore parce que des petits malins auront réussi à contourner les obstacles pour arriver jusqu'à leur adresse IP.
Il y a une certaine forme d'inconscience à vouloir embouteiller à ce point les tribunaux. Si un tiers des personnes qui recevront des messages d'avertissement – 10 000 par jour, il faut rappeler les chiffres – ou seulement 10 % d'entre elles portent leur affaire devant les tribunaux, cela fera du monde ! Par conséquent, à moins qu'il n'anticipe le plan de relance numéro deux pour soutenir l'emploi en France, votre système est complètement irréaliste et sera très coûteux pour les finances de l'État. Non seulement il faudra recruter de nombreux agents, mais tous ceux qui subiront des préjudices graves en matière économique vous le feront payer cher. Les juges administratifs suivront, en effet, les demandes des requérants. Si des entreprises n'ont pu conclure des contrats parce qu'elles ne disposaient plus de l'accès à Internet pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures, voire trois semaines, alors que dans certains secteurs, comme la sous-traitance automobile, les prises de commande passent exclusivement par Internet, vous le sentirez passer !
En prenant nos amendements à la légère, vous faites preuve de la plus grande inconscience. Je vous demande donc de réviser cette position irréaliste, qui serait lourde de conséquences pour le budget de l'État.
Mme Billard l'a fait. J'ai cru comprendre que vous étiez interchangeables… (Sourires.)
(L'amendement n° 391 n'est pas adopté.)
Je tiens à faire remarquer que cet amendement a été cosigné par plusieurs collègues du groupe UMP.
Après l'adoption de ce projet de loi, l'internaute téléchargeant illégalement pourra être poursuivi de deux manières : par l'intermédaire de l'HADOPI ou par le biais d'une action en justice pour contrefaçon. En l'état actuel du texte, rien n'empêche les ayants droit de lancer simultanément les deux procédures. Or, dans ses observations, la Commission européenne avait explicitement spécifié que ce projet de loi devait garantir que les mesures envisagées satisferaient aux critères de proportionnalité. Elle avait en particulier mis l'accent sur la nécessité d'exclure que l'on puisse mener de front une procédure pénale et une procédure administrative pour les mêmes faits.
Notre amendement propose de se mettre en conformité avec les observations de la Commission européenne en empêchant les ayants droit de poursuivre l'internaute devant la justice s'ils ont déjà engagé une procédure devant l'HADOPI, tant que la Haute autorité ne s'est pas prononcée. Si, après une suspension de son abonnement Internet, un pirate continue à télécharger illégalement, il sera possible de le poursuivre pour contrefaçon.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 434 .
Cet amendement est assez proche de celui de M. Tardy.
Je tiens pour ma part à insister sur le caractère bloqué de la discussion. Décidément, l'UMP, son gouvernement et son rapporteur sont droits dans leurs bottes ! Ce n'est, hélas, pas la première fois dès lors qu'il s'agit de défendre ce qui est capital, si je puis dire,…
…au sens de La Fontaine : « intérêt et capital ». On voit bien que vous êtes tous là sur instruction, comme des sentinelles. Même M. Mallié, qui ne travaille que le dimanche (Sourires), est présent !
Chers collègues de la majorité, vous n'avez pas bougé sur le bouclier fiscal pas plus que sur la nomination des présidents de l'audiovisuel, et encore moins sur le règlement de l'Assemblée nationale. Chaque fois, vous êtes là sur instruction.
Vous ajustez le bâillon de ceux qui sont là pour représenter nos concitoyens. M. Tardy a dit des choses fort justes, notamment que vous refusiez de tenir compte de l'avis de l'Union européenne. Nous ne sommes pas des fanatiques des avis de l'Union européenne…
…mais lorsque ces avis sont, pour une fois, favorables aux libertés, il faut sans réticence les relayer.
Il fut des périodes, monsieur Jacob, où, fort heureusement, gaullistes et communistes ont eu des connivences : quand il s'est agi de défendre la liberté du pays contre l'occupant nazi ! Permettez-moi de le rappeler en passant.
Non, il y a eu aussi les ouvriers de la vingt-cinquième heure. Je ne parle pas de vous, cher collègue, car comme moi, vous étiez trop jeune !
Notre amendement s'appuie sur le principe juridique Non bis in idem, selon lequel nul ne peut être poursuivi ni puni administrativement et pénalement à raison des mêmes faits. Nous nous opposons à la possibilité pour les ayants droit de poursuivre pénalement les personnes ayant manqué à l'obligation inscrite à l'article L. 336-3. Certes, madame la ministre, vous me rétorquerez que l'obligation inscrite à cet article diffère de l'incrimination à raison d'un acte de contrefaçon. C'est là votre subterfuge. Je sais que vous n'aimez pas ce mot mais, si vous le contestez, j'irai à nouveau chercher le Littré à la bibliothèque et je vous démontrerai à quel point son usage est en l'occurrence pertinent.
C'est donc là le subterfuge le plus malin, mais aussi le plus pernicieux, voire le plus pervers, de votre texte. Je n'en disconviens pas, il fallait bien en passer par là pour mettre en place ce que vous appelez la riposte graduée. Au fond, il s'agit bien des mêmes faits et c'est la raison de notre amendement qui vise à vous faire sortir de votre acharnement – qui tourne à l'obsession – dans la répression.
Avis défavorable. Nous en avons déjà longuement parlé hier et avant-hier.
En effet, monsieur Paul, c'est toute une pratique… (Sourires.)
Nous en venons toujours au même problème : à savoir que le travail de consolidation entre la loi DADVSI et la loi HADOPI n'a pas eu lieu. L'amendement n° 127 de nos collègues de l'UMP met le doigt sur l'interférence entre ces deux textes. Quelle loi s'appliquera au téléchargement illégal dès lors que des dispositions du code de la propriété intellectuelle l'assimilent à un délit de contrefaçon ?
Vous ne voulez pas trancher, ce qui est un manquement grave. L'amendement n° 127 répondant à cette question, nous nous y associerons.
Nous retrouvons ici ce que nous appelons communément la double peine. On peut même parler de triple peine, sachant que l'abonné devra continuer à payer son abonnement sans bénéficier de la prestation due en contrepartie. Sanction financière, sanction administrative et sanction pénale se cumulent. Voilà le résultat pour ne pas avoir abrogé les dispositions de la loi DADVSI.
La CNIL a fait valoir que les ayants droit auront un pouvoir exorbitant de qualification des faits. Ils seront, en effet, en mesure de saisir soit l'HADOPI, pour sanctionner administrativement le manquement à l'obligation de surveillance, soit le juge au titre d'un délit de contrefaçon.
Plusieurs collègues ont comparé la coupure de l'accès à Internet à la coupure d'eau ou d'électricité en faisant référence au droit de la consommation, et nous avons avec nous, en Mme Lebranchu, une spécialiste de ce sujet. Mme de Panafieu, ici présente, indiquait dans une interview au Figaro : « Une coupure d'abonnement Internet, ce n'est pas pire qu'une coupure d'eau ou d'électricité. »
Permettez-moi, à cet égard, de citer les propos de notre collègue sénateur Bruno Retailleau, repris dans l'excellent rapport de Mme Marland-Militello :
« Dans le cas où la suspension de l'accès Internet serait prononcée par la commission de protection des droits, il convient d'écarter alors l'application des dispositions générales prévues par le code de la consommation concernant les contrats de services de télécommunications électroniques : en effet, la suspension constitue une modification contractuelle ; or, au titre de l'article L. 121-84 du code de la consommation, le fournisseur de services devrait normalement informer le consommateur de ce projet de modification au moins un mois avant son entrée en vigueur et lui indiquer qu'il peut, tant qu'il n'a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, jusque dans un délai de quatre mois après l'entrée en vigueur de la modification. Ces dispositions sont évidemment inapplicables en cas de suspension imposée par l'HADOPI à titre de sanction. »
Si bien qu'à ce moment du débat, et grâce à la perspicacité du sénateur Retailleau, nous en arrivons à une quadruple peine : aux sanctions pénale, administrative et financière vient s'ajouter une quatrième sanction, que nous avions laissée de côté, consistant – je parle toujours sous le contrôle de Mme Lebranchu – en l'impossibilité pour l'internaute de bénéficier des dispositions plus protectrices du code de la consommation.
(L'amendement n° 127 n'est pas adopté.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n'est pas certain ! Il faut recompter, ou procéder à un vote par assis et levé !
Nous proposons de supprimer les alinéas 84 à 88 de l'article 2, c'est-à-dire le nouvel article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle. Nous sommes en effet très défavorables à ce qui constitue l'une des originalités de ce projet de loi, à savoir la possibilité pour l'HADOPI de proposer une transaction. La Haute autorité pourrait ainsi sanctionner selon son bon vouloir : en envoyant une injonction, en suspendant l'abonnement à Internet ou en proposant une transaction – comme les instituteurs d'antan donnant un coup de règle sur les doigts d'un élève.
Cela revient quasiment à copier-coller le mécanisme de sanctions voté par la majorité à l'article précédent. Nous estimons pour notre part qu'il est préférable de supprimer ce dispositif marqué par un caractère fortement aléatoire : actuellement, ni le Gouvernement ni le rapporteur ne sont en mesure de nous indiquer sur quels critères l'HADOPI choisirait de suspendre la connexion d'un abonné ou de lui proposer une transaction. La loi serait donc appliquée à la tête du client par une haute autorité administrative, sans que soient garantis un certain nombre de principes généraux du droit. Cette nouvelle incertitude juridique contribuerait à la rupture d'égalité provoquée par ce texte et viendrait s'ajouter, si l'amendement n'était pas adopté, aux éléments que nous invoquerons à l'appui de notre saisine du Conseil constitutionnel.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 435 .
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il est défendu !
Pas du tout. Et n'espérez pas nous avoir à l'usure, nous sommes increvables ! Nous sommes là pour défendre les gens que vous voulez museler, et nous tiendrons le temps qu'il faudra.
Voire au-delà.
Madame la ministre, la procédure de transaction transforme l'HADOPI en une sorte de procureur spécial. La Haute autorité dispose déjà de pouvoirs habituellement dévolus à la seule autorité judiciaire, notamment l'accès aux données de connexion des fournisseurs d'accès et la restriction des libertés publiques que représente la suspension de l'accès à Internet. Je rappelle pour la énième fois – non pas tant pour nos collègues de l'UMP, qui font exprès de débrancher leur sonotone, que pour les gens qui assistent à nos débats – que cela fait partie de la dérive autoritaire, voulue, organisée…
Bien sûr qu'elle est liberticide, comme l'idole devant laquelle vous vous prosternez : sa majesté impériale ! Ce texte fait partie de la dérive autoritaire du régime actuel, qui voudrait museler toutes les libertés.
Pour cela, vous mettez en place une véritable juridiction pénale d'exception. La transaction proposée est présentée de manière unilatérale. Il n'est même pas fait mention dans le texte des conditions de la négociation. De plus, celle-ci ne diffère en rien de la sanction initiale, à part la réduction de la suspension d'un an à trois mois. Quel avantage l'abonné trouvera-t-il à se plier à cette transaction, et sur quelle base la Haute autorité pourra-t-elle la proposer ou non ? Si l'on peut se demander si la transaction sera proposée lorsque le téléchargement concernera un obscur artiste débutant et dont les ayants droit n'ont pas pignon sur rue, il y a fort à parier que la coupure sera immédiate si le téléchargement en cause fait intervenir des ayants droit suffisamment puissants. Même si nous voulons croire à l'impartialité des membres de la commission, il serait plus juste que les critères soient définis clairement ou, à défaut, que cette disposition soit supprimée.
Que vous le vouliez le dissimuler, on peut le comprendre, mais il est tout de même évident qu'il y a là une sorte de privatisation de la justice. On m'a appris qu'il fallait faire confiance à la justice de mon pays. Ce n'est manifestement pas votre cas, puisque vous soustrayez progressivement des secteurs importants de l'activité sociale à la justice, pour confier le rendu de décisions à des structures au service d'intérêts privés, ceux des majors.
Elle y est défavorable, la transaction constituant l'un des éléments importants de ce texte. Je m'étonne d'ailleurs que nos collègues de l'opposition n'y soient pas favorables, puisqu'elle vise à renforcer le caractère pédagogique de la loi et à donner la possibilité à l'HADOPI d'entrer facilement en contact avec l'internaute afin de l'inciter à s'engager à respecter la loi – c'est-à-dire à télécharger, à l'avenir, de manière légale – en contrepartie d'une sanction plus légère. C'est bien à l'HADOPI que doit revenir la décision de proposer cette transaction et cette sanction modulée.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, la transaction constituant un élément de pédagogie utile et innovant.
Je me félicite que le Parlement ait introduit cette possibilité en droit français dans le cadre des attributions de la HALDE, notamment en matière pénale.
Je me demande si la séparation des pouvoirs est encore assurée quand je vois Mme la ministre répéter de plus en plus fidèlement ce que dit le rapporteur…
Si je suis d'accord avec le rapporteur, je ne vois pas pourquoi je devrais dire autre chose !
…alors que le Gouvernement n'a pas, en principe, à s'aligner sur l'avis du Parlement.
Certes, du moment que Mme la ministre et M. le rapporteur n'ont pas le même conseiller souffleur !
Par ailleurs, vous savez, madame la ministre, qu'il y eut au Moyen Âge une querelle théologique sur le point de savoir s'il était possible de peser les âmes. La transaction dont il est question n'est en fait rien d'autre qu'un arrangement, un deal, comme on dit parfois dans les cités. Ce ne sont pas des critères objectifs qui vont entraîner la décision finale, mais une discussion dont on ne connaît ni le contexte, ni l'environnement. Cette transaction sera marquée par l'arbitraire, puisque vous vous défiez des juges et préférez vous en remettre à une structure qui n'est là que pour servir la soupe à ceux qui exploitent les créateurs,…
…les artistes pour lesquels il existe un véritable problème de rémunération, que vous ne voulez pas régler en faisant contribuer ceux qui profitent de leur travail.
…ce texte, qui nécessite apparemment des facultés hors du commun pour celui ou celle qui cherche à en saisir le sens.
Il a bien été dit que nous n'étions plus, avec cette disposition, dans un cadre commercial, mais dans un cadre pénal. Je m'étonne de la formulation utilisée pour décrire un mécanisme d'ordre pénal : « avant d'engager une procédure de sanction dans les conditions prévues à l'article L. 331-25, la commission de protection des droits peut proposer à l'abonné passible de sanction une transaction ». Pourquoi le texte dit-il que la commission « peut proposer », plutôt que « doit proposer » ou « propose » ? Le principe, fondamental en droit français, de l'égalité de droit est sérieusement mis à mal !
Il faut absolument remédier à ce problème, soit en corrigeant, soit en supprimant l'alinéa concerné. Les sanctions ne sont pas appliquées de la même façon, mais peut-être pourrez-vous régler ce problème en CMP.
Malheureusement, ce n'est pas le seul. L'alinéa 88 est ainsi rédigé : « En cas d'inexécution, du fait de l'abonné, d'une transaction acceptée par celui-ci, la commission de protection des droits peut prononcer la ou les sanctions prévues à l'article L. 331-25. » Celui qui sert l'abonné le fait au nom d'un contrat, impliquant la prestation d'un service d'une certaine qualité en contrepartie d'un paiement. De quel moyen celui qui a la qualité de commerçant disposera-t-il pour suspendre la prestation qu'il devait délivrer aux termes d'un contrat qu'il avait souscrit ? Allez-vous exiger que tous les contrats de ce type comportent un alinéa supplémentaire indiquant que le prestataire dispose de la faculté de suspendre l'abonnement si la Haute autorité a établi que l'autre partie au contrat – l'abonné – a téléchargé de manière illégale ? Si ce n'est pas écrit dans le contrat, on peut s'attendre à ce qu'aucun commerçant n'accepte de suspendre un abonnement, car il pourrait, à juste titre, craindre de se voir accuser d'une rupture de contrat.
Comme on peut le voir, les quelques alinéas dont il est question suscitent à eux seuls trois problèmes – relatifs au code de la consommation, au droit des contrats et à l'égalité de droit – auxquels aucune solution n'est proposée.
(Les amendements identiques nos 225 et 435 ne sont pas adoptés.)
Sans vouloir mettre en cause la présidence de séance, je veux souligner que nous avons à examiner un texte abominablement compliqué, improvisé, bâclé et mal écrit,…
Ce texte pose, quasiment à chaque alinéa, des problèmes juridiques que la Haute autorité que vous tenez à mettre en place aura à affronter – sans parler de l'abondant contentieux que son application ne manquera pas de susciter,…
…alors que nos juridictions sont déjà surchargées et que vous continuez à supprimer des tribunaux et des postes de magistrat.
Mme Lebranchu, forte de son expérience de garde des sceaux, vient de mettre en relief un certain nombre de difficultés juridiques. Madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, vous avez la possibilité de parfaire la rédaction de ce texte – que nous ne soutenons pas mais que nous souhaitons tout de même améliorer. Alors que Mme Lebranchu vous a posé trois questions relatives aux quelques alinéas concernés par l'amendement en discussion, vous n'avez pas eu la moindre réaction, vous n'avez pas dit le moindre mot pour tenter d'éclairer la représentation nationale.
Au vu de la tournure que prennent les débats, le groupe SRC souhaite se réunir. Pour cela, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.
Je pense qu'une minute sur place suffira, monsieur Paul. Il ne faut pas exagérer ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 2 avril 2009 à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure seize.)
Rappel au règlement
Monsieur le président, nos travaux se sont déroulés dans la plus grande confusion du fait de la médiocre qualité du texte gouvernemental, mais en même temps dans la sérénité. Vous y avez d'ailleurs certainement contribué. J'ai cependant le sentiment que vous changez de ligne. Il est légitime que nous puissions nous réunir lorsque nous avons besoin de nous concerter.
Sont présents en séance trois rapporteurs, le président de la commission des lois et la ministre. Mais ils restent cois bien qu'il s'agisse d'une disposition importante. Certes, lorsqu'on n'a rien à dire, il vaut mieux se taire que dire des sottises.
C'est vous qui faites des procès en sorcellerie aux internautes ! Nous, nous les défendons.
Monsieur le président, j'ai été interpellé ! C'est une mise en cause personnelle. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Il n'est pas acceptable que ni les rapporteurs ni la ministre ne répondent plus. C'est comme si l'électro-encéphalogramme était plat.
Certes, nos interventions répétées vous ont repoussés dans les cordes et vous ne savez plus comment vous défendre. Vous ne savez plus quels arguments nous opposer parce que nous avons arraché le masque. Vous croyez au dialogue républicain ou vous n'y croyez pas. En tout cas, monsieur le rapporteur de la commission des lois, si vous avez fait une belle expérience avec ce texte, on a le sentiment que vous avez maintenant perdu le don de la parole.
Ou bien les rapporteurs et la ministre nous répondent, ou bien, monsieur le président, il vaut mieux aller se coucher. Et s'ils ne nous répondent pas et que la séance n'est pas levée, nous allons multiplier les demandes de suspension.
Favorable !
Nous n'acceptons pas cette méthode. Nous, nous sommes en pleine forme et nous pouvons passer la nuit à travailler. Même si la séance reprend à neuf heures et demie demain matin, nous serons là pour défendre l'État de droit face à un projet de loi qui remet en cause nos libertés individuelles dans des conditions qui nous amèneront à saisir le juge constitutionnel. Point de fatigue chez les députés de l'opposition !
Comment le rapporteur peut-il se borner à dire « défendu » ? Certes, il agit sur la pointe des pieds. Pour qui regarde de près ses amendements – ce que nous faisons car c'est notre rôle –, il apparaît qu'il durcit systématiquement les dispositions initiales proposées par le Gouvernement ou celles adoptées par nos collègues sénateurs.
M. Riester a ainsi subrepticement durci le texte en début d'après-midi. Dans le texte initial du Gouvernement, je le rappelle, la suspension de l'abonnement à Internet était au minimum de trois mois et au maximum d'un an. Le Sénat, avec une certaine sagesse, avait fait passer cette durée minimale de trois à un mois. Or qu'a fait M. Riester ? Il s'est engouffré dans la brèche et a porté la durée minimale à deux mois. Voilà ce qu'il a fait passer grâce à ses amis de l'UMP !
Nous regardons donc de près les amendements du rapporteur, d'autant que nous avons noté qu'il voulait limiter à sept jours la possibilité de recours devant le juge par les internautes. Alors qu'avec l'évolution du droit au niveau européen, il faudra une décision préalable du juge avant de couper l'abonnement Internet, M. Riester souhaitait lui que la décision a posteriori soit confirmée dans les sept jours suivant la notification à l'abonné de la suspension de son accès à Internet.
Mesdames et messieurs de la majorité, il est minuit vingt, mais sachez quand même ce que vous vous apprêtez à voter. Nous, nous sommes en pleine forme et nous faisons notre boulot. Voici donc quelle était la rédaction du Sénat :
« Art. L. 331-26. – Avant d'engager une procédure de sanction dans les conditions prévues à l'article L. 331-25, la commission de protection des droits peut proposer à l'abonné passible de sanction une transaction. »
La rédaction que nous propose M. Riester est la suivante :
« Art. L. 331-26. – Avant d'engager une procédure de sanction dans les conditions prévues à l'article L. 331-25, la commission de protection des droits peut proposer une transaction à l'abonné qui s'engage à ne pas réitérer le manquement constaté à l'obligation prévue à l'article L. 336-3 ou à prévenir son renouvellement. »
Ainsi, la transaction n'est plus proposée à tous les abonnés passibles de sanction, comme l'avait prévu le Sénat. Mais le rapporteur n'a pas cru utile de présenter cet amendement. Il s'est borné à dire « défendu ». Même si nous contestons le fondement de cette transaction, pourquoi cette dernière ne devrait-elle être proposée qu'à un nombre limité d'abonnés ?
Dans cet hémicycle, on n'est pas censé faire du droit canon, monsieur le rapporteur !
On a en effet le sentiment d'être en droit canon. L'exposé sommaire est très clair puisqu'on peut lire que cet amendement « vise à prévoir explicitement des contreparties à la transaction ». On nous explique donc que l'abonné doit s'engager à ne pas réitérer le manquement. Comment fera-t-il ? Devra-t-il jurer sur la Constitution, puisque nous sommes dans un État laïc ? Devra-t-il lever la main et cracher par terre ?
En effet. Mais il ne faut pas jurer non plus. L'abonné devra donc promettre humblement qu'il ne recommencera pas.
Et s'il recommence, il sera condamné.
Tout cela n'est vraiment pas sérieux. Je vous rappelle qu'il ne s'agit pas d'un rapport ou d'un exposé des motifs mais de la rédaction d'un article du code de la propriété intellectuelle. Et nous allons y introduire un nouveau concept : l'engagement à ne pas réitérer un manquement.
Monsieur le président, le rappel à la loi est encadré et n'est pas une sanction. Il est au contraire pédagogique. C'est précisément un préalable à la sanction pour prévenir la réitération d'un acte. Or, là, nous sommes dans la transaction avant une éventuelle sanction définitive.
La rédaction de ce texte est souvent surprenante. S'agissant de ce point précis, je me demande vraiment si la Chancellerie a été consultée.
Évidemment !
A-t-elle été convaincue par cette rédaction ? A-t-elle souhaité des modifications ? À lire en tout cas certains articles ou amendements, on ne peut pas ne pas s'interroger. Je me croyais dans un État laïc mais j'en arrive à me poser des questions…
Je vais mettre aux voix l'amendement de la commission. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(L'amendement n° 63 est adopté.)
Nous légiférons sur des choses sérieuses. Or le rapporteur ne prend même pas la peine de présenter son amendement, ce qui nous amène à contre-argumenter, à expliquer pourquoi la disposition proposée nous pose problème. Mais il ne nous répond même pas.
Je demande une suspension de séance de dix minutes pour réunir mon groupe, au vu des conditions dans lesquelles nous délibérons. Nous écrivons la loi de façon tout à fait imprécise.
Il est clair que le rapporteur et la ministre ne maîtrisent plus rien sur le plan technique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis vingt et une heure trente, la ministre et le rapporteur pataugent.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Un peu de respect !
Voilà la réalité ! Cela fait trois heures qu'ils pataugent ! C'est la raison pour laquelle je ressens le besoin de réunir mon groupe pour faire le point sur les conditions de ce débat.
Je vous accorde une minute. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et de la Gauche démocrate et républicaine.)
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure vingt-huit, est reprise à zéro heure vingt-neuf.)
Rappel au règlement
Sur le fondement de l'article 58, alinéa 1.
Monsieur le président, la réforme de la Constitution en cours va modifier notre façon de travailler. Nous le savons, un temps législatif contraint est prévu, et les députés ne pourront plus défendre tous les amendements qu'ils auront déposés. Mais la réforme prévoit que la commission, elle, pourra continuer à défendre l'ensemble des amendements qu'elle a déposés. Nous sommes au Parlement pour légiférer. Dès lors que des amendements sont déposés par une commission, la moindre des choses nous semble donc qu'ils soient expressément défendus et fassent l'objet d'un débat. Ils peuvent présenter des difficultés de compréhension du fait d'une rédaction dont les finesses peuvent nous échapper. Certaines notions ne sont pas forcément familières à l'ensemble d'entre nous. Lorsqu'on n'a pas reçu une éducation chrétienne, par exemple, on peut avoir du mal à comprendre la subtilité de l'amendement de notre rapporteur. C'est mon cas, et j'aurais bien aimé qu'il nous fournisse une explication plus complète.
Nous proposons de compléter l'alinéa 84 par une disposition qui permettrait aux internautes d'être assistés d'un conseil en cas de transaction.
J'aimerais convaincre le rapporteur et le Gouvernement de l'intérêt de cette disposition. Il nous paraît en effet important de manifester clairement que nous défendons aussi bien les droits des internautes que les droits des auteurs. Les personnes qui ont le plus besoin d'un conseil sont précisément celles qui connaissent mal leurs droits et ne savent pas qu'elles peuvent bénéficier d'un appui. Il est donc important de les en informer.
On peut certes me rétorquer qu'une transaction est contractuelle et que la présence de ce conseil pourrait lui donner une dimension contentieuse. Il me semble néanmoins que ce risque est de peu d'importance au regard de la nécessité d'informer les internautes de leurs droits.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour défendre l'amendement n° 226 .
Toute personne peut être assistée lors d'une transaction commerciale quelle qu'en soit la nature, et nous souhaitons simplement en alerter les internautes.
J'ai par ailleurs une question : cet accompagnement peut-il prendre ici la forme de l'aide juridictionnelle ? Nous avons en effet affaire à des gens qui n'ont pas de revenus…
Nous avons beau être dans l'hémicycle, nos discussions ressemblent à celles qui ont lieu en commission.
Mme la rapporteure parlait de protéger ceux qui connaissent le moins leurs droits et ont peu de moyens. Le recours à un conseil peut-il dans ce cas bénéficier de l'aide juridictionnelle ?
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
L'amendement précise que « l'abonné sera informé de son droit d'être assisté d'un conseil ». Il n'est pas question d'avocat.
Ce peut être, par exemple, une association de consommateurs. S'agissant d'une démarche transactionnelle, vous savez fort bien, madame Lebranchu, pour avoir été ministre de la justice, que l'aide juridictionnelle ne peut pas s'appliquer.
Nous sommes dans le cadre d'une procédure qui respecte le contradictoire. L'internaute peut donc se faire assister à tous les stades par un conseil, qui peut prendre des formes diverses. Même si cela donne à l'affaire une tournure un peu contentieuse, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
La confusion dans laquelle nous nous trouvons s'accroît de minute en minute, enfonçant le Gouvernement et sa majorité dans une ornière dont je crains qu'ils n'aient du mal à se sortir.
Nous posons des questions précises. La ministre ne répond pas, le président de la commission des lois non plus ; c'est un rapporteur de la commission des affaires économiques qui vole à leur secours, pour confirmer que Mme Lebranchu a dit vrai et que l'aide juridictionnelle ne peut s'appliquer en l'espèce. La ministre enfin finit par s'en remettre à notre sagesse.
Que nous fassions la loi dans ces conditions me rend extrêmement perplexe. Je ne suis pas intervenu jusqu'ici – on ne peut pas travailler sur tous les textes, chacun en conviendra – mais j'ai suivi les débats, et la manière dont ils évoluent est particulièrement instructive.
À un moment donné, le Gouvernement et sa majorité ont souhaité engager l'opposition dans un rapport de force, prenant l'opinion à témoin et opposant les artistes et les internautes. Sans doute était-ce pour dissimuler que le dispositif prévu par le projet de loi est d'une très grande complexité et qu'il se révèle, alinéa après alinéa, totalement inapplicable. Sans doute était-ce aussi pour dissimuler qu'il est déjà dépassé par l'évolution des techniques – qui, dans ce domaine, progressent chaque jour –, qu'il est attentatoire aux libertés publiques et qu'aucune garantie n'est prévue contre ces atteintes aux libertés. Sans doute était-ce enfin parce que le Gouvernement est absolument incapable de fournir des explications cohérentes : pour parer aux critiques de l'opposition, il fournit une explication, puis en donne une autre à l'alinéa suivant, au risque de se contredire.
La confusion s'accroît donc d'heure en heure. J'ai l'impression d'assister à une véritable Bérézina. Nous atteignons à présent le stade ultime, celui où vont s'arrêter les débats, puisque le Gouvernement et sa majorité sont littéralement muets ! Ils sont en train de se rendre doucement compte – et la nuit les aidera sans nul doute à parachever cette prise de conscience – qu'ils défendent une affaire qui les dépasse complètement, que quelqu'un, quelque part – nous voyons bien qui –, leur a demandé de soutenir, mais qu'ils sont incapables d'expliquer.
Il serait donc sage, monsieur le président, de donner à cette majorité le temps du repos nécessaire pour qu'elle admette qu'il lui faut abandonner la défense d'un texte inutile, stupide, dangereux, totalement inapplicable, et qui ne manquera pas de ternir l'image du Gouvernement dans l'opinion – ce dont nous nous soucions beaucoup. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais saluer l'attitude de la majorité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Se faire insulter de longues minutes durant, se voir qualifier de stupide et d'incompétente et rester calme et respectueuse ainsi qu'il sied dans un parlement, mérite d'être applaudi. La majorité donne une belle image de l'écoute et du respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame Lebranchu, les amendements ont été discutés. Vous connaissez le règlement.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 64 , 16 , 193 rectifié et 227 .
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 64 .
Par cet amendement, la commission des lois entend préciser qu'il ne peut y avoir de cumul de sanctions et qu'en conséquence, y compris dans le cas d'une transaction, l'HADOPI doit choisir entre les différentes sanctions à sa disposition.
Les amendements nos 16 et 193 rectifié de la commission des affaires culturelles et de la commission des affaires économiques sont défendus.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 227 .
Nous sommes à l'origine de cet amendement par souci de précision.
La transaction permet de proposer des sanctions de moindre importance mais qui restent des sanctions. Que les choses soient claires : elle ne permet en aucun cas d'échapper à la sanction. Ainsi, la suspension, au lieu d'être de deux mois minimum à un an maximum pourra être ramenée de un à trois mois.
À bien y réfléchir, ce principe de transaction a quelque chose de judéo-chrétien. C'est un peu le confessionnal : si vous avouez votre péché et que, de surcroît, vous vous engagez à ne pas recommencer, le confesseur – en l'occurrence l'HADOPI – peut faire varier la pénitence, et ce qui distingue la transaction de la sanction, ce n'est finalement que le nombre d'Ave et de Pater !
Le texte du Sénat parlait de simples « mesures » ; nous souhaitons préciser qu'il s'agit toujours de sanctions. Car, comme on le sait grâce à Mme la ministre et à M. le rapporteur, la sanction est dissuasive, pédagogique, mais jamais répressive !
(Les amendements identiques nos 64 , 16 , 193 rectifié et 227 sont adoptés.)
Monsieur le président, je retire les amendements nos 472 rectifié , 485 et 473 .
(Les amendements nos 472 rectifié , 485 et 473 sont retirés.)
L'argumentaire est le même que pour l'amendement n° 123 , voté à l'unanimité.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
En conséquence de la suppression de l'alinéa 86, les amendements nos 67 rectifié , 436 , 17 et 194 tombent.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux.
Prochaine séance, jeudi 2 avril à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 2 avril 2009, à zéro heure quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma