La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 148 , portant article additionnel après l'article 6.
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour soutenir l'amendement n° 148 , précédemment réservé.
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, mes chers collègues, je commencerai par préciser que la commission des finances, saisie pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, est en ce moment même réunie autour de Mme Montchamp, ce qui explique qu'une partie de nos collègues ne puissent prendre part à la séance publique actuellement.
L'amendement n° 148 vise à rétablir une certaine équité fiscale entre tous les titulaires de produits d'épargne solidaire de partage, que l'épargnant recoure ou non au prélèvement forfaitaire libératoire.
Les produits d'épargne solidaire de partage sont des produits d'épargne ou des placements dont une partie des intérêts est consacrée à des oeuvres solidaires, qu'il s'agisse de l'aide au développement, de l'insertion par l'emploi ou le logement, de la lutte contre les exclusions, de l'écologie, ou encore de l'éducation.
La pratique de la retenue à la source du prélèvement forfaitaire libératoire pénalise l'épargnant, qui doit alors acquitter l'impôt non seulement sur les revenus qu'il perçoit effectivement de son épargne, mais également sur les revenus qui font l'objet d'un don à des projets solidaires et que l'épargnant n'a pas perçus.
Chacun s'accorde à reconnaître que l'épargne solidaire de partage doit d'être encouragée, et le Président de la République s'est d'ailleurs lui-même exprimé hier en ce sens. Afin de renforcer l'incitation en faveur de cette forme d'épargne, il est proposé de fixer à taux zéro le prélèvement libératoire forfaitaire sur la part des revenus de l'épargne affectée au don aux oeuvres solidaires – étant précisé que nous sommes ouverts à une proposition de compromis, sous forme d'un sous-amendement, pour ce qui est du taux à retenir.
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 148 .
Pas du tout, je m'interroge simplement sur les modalités d'application de la mesure proposée par M. le président de la commission. Si je comprends bien, la fraction des revenus de l'épargne affectée au don aux oeuvres solidaires va bénéficier d'un cumul de deux réductions : d'une part, la réduction de 66 % appliquée au titre de l'impôt sur le revenu pour les dons ; d'autre part, celle prévue au titre de l'assujettissement au prélèvement fiscal libératoire. C'est pourquoi je me demande, au sujet de la nouvelle réduction proposée, s'il convient vraiment d'opter pour une exonération totale, ou s'il ne faudrait pas plutôt prévoir un taux minimum de prélèvement.
Il me semble en tout cas que l'exonération totale n'est pas souhaitable si l'on veut éviter d'avoir deux aides fiscales simultanées portant exactement sur la même assiette.
Je comprends la préoccupation exprimée par M. le rapporteur général, et s'il souhaite retenir un taux de 5 %, je me rallierai à sa proposition. Je me permets toutefois de lui faire observer qu'il existe déjà des cumuls d'exonération fiscale, qui ont parfois des effets beaucoup plus forts que le dispositif proposé par l'amendement n° 148 – je pense notamment aux investissements outre-mer ou même à l'ISF. L'amendement que je propose vise à encourager l'épargne solidaire, ce qui me paraît aller dans le bon sens, et aurait par ailleurs des effets plutôt modestes.
Si je comprends bien, vous déposez un sous-amendement, monsieur le rapporteur général ?
J'en laisse le soin à M. le président de la commission, monsieur le président.
Je rectifie mon amendement, monsieur le président, pour qu'il prévoie un taux de 5 %.
La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Je ne veux pas m'imposer dans la discussion entre M. le président de la commission et M. le rapporteur général,…
…une discussion qui porte sur un point assez complexe, celui du cumul de deux mécanismes de réduction fiscale : l'un incitant, par une exonération de 66 % dans le cadre de l'impôt sur le revenu, à faire un don à un organisme d'intérêt général, l'autre consistant à considérer les revenus de l'épargne solidaire comme des sortes de dividendes, taxés à 5 % au lieu de 16 %. Ce cumul aboutirait à la création d'un objet original en droit fiscal français, mais sur l'intérêt duquel je m'interroge. Je m'en remets donc à la sagesse du Parlement, et je lève le gage.
Le début du deuxième alinéa de l'article additionnel proposé par l'amendement n° 148 , rectifié, serait donc ainsi rédigé :
« 10° à 5 % pour les revenus des produits d'épargne... »
La commission est favorable à cet amendement n° 148 rectifié , dont le Gouvernement, je le rappelle, lève le gage.
Je mets aux voix l'amendement n° 148 rectifié , compte tenu de la levée du gage.
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Je rappelle que l'article 7 a déjà été discuté.
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 7, précédemment réservés.
Cet amendement nous donne l'occasion de rouvrir un débat que nous avons déjà eu lors de l'examen de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, qui nous semble entrer en contradiction avec les engagements du Président de la République et de la majorité.
Si vous exonérez les heures supplémentaires du paiement de l'impôt sur le revenu – encore faut-il y être assujetti –, en revanche le montant des heures supplémentaires reste pris en compte dans le calcul du revenu imposable. De ce fait, certains salariés risquent de perdre le bénéfice de certains avantages sociaux ou exonérations accordés en fonction du revenu fiscal de référence. L'objet de l'amendement n° 212 est de lever cette contradiction.
La commission est défavorable à cet amendement. Comme je l'ai déjà fait en juillet dernier, je vais à nouveau essayer de convaincre M. Sapin du bien-fondé de notre position, et peut-être ai-je plus de chances d'y parvenir, disposant cette fois d'éléments plus précis.
La prime pour l'emploi évolue en fonction du revenu, selon une courbe en cloche qui atteint son montant maximal pour un revenu situé juste au-dessus du SMIC pour un salarié célibataire. Dans la mesure où son objectif est d'inciter au travail, elle n'est perçue que si le salarié a travaillé au moins 30 % de son temps. Grâce à la prise en compte des heures supplémentaires pour le calcul du revenu de référence, certains travailleurs à temps partiel pourront atteindre ce seuil de 30 % et bénéficier de ce fait d'un gain supplémentaire. Il est exact que ceux qui touchent 1,2 ou 1,3 SMIC sortiront du dispositif de la PPE, mais les montants qu'ils percevaient étaient déjà faibles.
Le gain annuel, avant impôt, d'un salarié au SMIC qui continuerait à travailler 39 heures dans une entreprise de moins de vingt salariés sera de 670 euros – pour quatre heures supplémentaires majorées de 25 % – et de 692 euros avec la PPE. Il reste donc gagnant après application de l'impôt sur le revenu et de la PPE. En revanche, un salarié passant de 35 à 39 heures bénéficierait d'un gain annuel avant impôt de 2 194 euros, et 1 880 euros compte tenu de la diminution de la PPE.
Vous le voyez bien, en termes d'heures supplémentaires, le gain est très supérieur à la perte relative en termes de prime pour l'emploi. Il vaut donc beaucoup mieux intégrer les heures supplémentaires dans le revenu fiscal de référence. C'est ainsi que l'on favorisera les travailleurs dits pauvres, qui sont souvent à temps partiel imposé. Il en résultera seulement une baisse plus importante de la PPE pour ceux qui sont à temps plein, en particulier lorsque leur revenu dépasse légèrement le niveau du SMIC.
Même avis que le rapporteur général. La législation actuelle retient déjà dans le revenu fiscal de référence les revenus d'activité exonérés au titre d'un certain nombre de dispositifs. Il serait paradoxal de minorer le revenu fiscal de référence alors que celui-ci permet par exemple d'accéder à la prime pour l'emploi. Cela reviendrait à réduire les droits d'accès à la prime pour l'emploi. Cet amendement serait donc contre-productif pour les travailleurs.
Non, monsieur Launay : j'applique le règlement : vous ne pouvez prendre la parole que si vous êtes contre l'amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 212 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 239 .
La parole est à M. Michel Sapin, pour le défendre.
Défavorable dans la mesure où les personnes dépendantes bénéficient déjà de l'APA. En outre, il n'y a pas lieu de transformer la réduction d'impôt en crédit d'impôt.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 217 .
La parole est à M. Michel Sapin, pour le défendre.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
Cet amendement vise à étendre le bénéfice de la réduction d'impôt aux dons effectués en faveur des associations de défense de consommateurs.
Il me semble que cet amendement aurait davantage sa place dans le projet de loi relatif à la consommation que va présenter prochainement Luc Chatel. Mais si l'Assemblée souhaite donner droit immédiatement à cette mesure, je m'en remets à sa sagesse.
Je suis désolé, monsieur Sapin, nous sommes passés à l'amendement suivant. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En revanche, vous avez la parole pour soutenir l'amendement n° 218 .
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 278 .
La parole est à M. Michel Sapin, pour le soutenir.
Je considère que cet amendement est défendu. Au moins, il sera soumis au vote et j'espère qu'il sera adopté puisqu'il est identique à l'amendement n° 2 du rapporteur général.
L'amendement que je viens de retirer avait effectivement été adopté en commission. Par souci de cohérence, cependant, il me semble qu'il vaut mieux renvoyer cette mesure au texte relatif à la consommation annoncé par le ministre. Je ne disposais pas de cette information lorsque j'ai émis, en commission, un avis favorable sur ces dispositions.
Je comprends la position du rapporteur général. Mais en faisant appel à la sagesse de l'Assemblée, le ministre ne s'est pas opposé à un vote immédiat sur ces mesures. Sans doute considérait-il que nous pouvions prendre dès maintenant une décision que nous serons amenés à prendre ultérieurement. Je souhaite donc que le vote intervienne dès à présent.
Je suis saisi d'un amendement n° 186 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Les lois de la physique s'appliquent jusque dans cet hémicycle, cher collègue !
Cet amendement trouve donc un écho tout particulier avec la publication, le 13 juillet dernier, d'une tribune cosignée par l'ensemble des syndicats de la profession journalistique – SNJ, SNJ-CGT, CFDT, SGJ-FO, SPC-CFE-CGC et SJ-CFTC. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quelle balkanisation !
Vous devriez en tout cas réviser les sigles des organisations syndicales. Car elles battent aujourd'hui le pavé de Paris et parlent beaucoup de vous et du Gouvernement !
L'article avertissait : « Une information malade, c'est une démocratie en danger. » Il est vrai que la liberté de l'information peut être en danger avec la constitution de l'association des Sarkoboys, qui compte parmi ses membres MM. Bouygues, Lagardère, Bernard Arnault et Dassault.
Dans le texte collectif des syndicats, les professionnels de la presse dénoncent « l'accumulation de faits alarmants qui représentent une menace fondamentale pour l'indépendance et le pluralisme de l'information en France ».
Dans une lettre adressée au Président de la République lui-même, les sociétés de journalistes de vingt-sept médias demandent des mesures légales garantissant l'indépendance de la presse. À la suite du licenciement d'Alain Genestar de la direction de Paris Match, et des tentatives de perquisitions au Canard Enchaîné dans le cadre de l'affaire Clearstream, les journalistes craignent pour leur indépendance et nous ne pouvons que leur donner raison tant les faits parlent d'eux-mêmes. Je vous rappelle que, sans le Canard Enchaîné, nous n'aurions pas su, par exemple, que Mme Lagarde commentait les notes destinées à ses collaborateurs en anglais. Nous n'aurions pas su non plus que tout ce qu'on nous a dit sur l'affaire EADS était faux et que les membres du Gouvernement – l'actuel ou le précédent et je pense en particulier à M. Breton – étaient parfaitement au courant de tout ce qui se tramait.
Comme quoi il est extrêmement important d'avoir des organes de presse qui échappent à Bouygues, Lagardère, Arnault et Dassault !
Que dire du hold-up médiatique auquel s'adonne quotidiennement le Président de la République ? On peut parler de suroccupation des médias. Est-ce si étrange lorsqu'on sait que, dans notre pays, la presse est le cinquième pouvoir et, surtout, le pouvoir financier ? Cette suroccupation est dénoncée, non sans humour, par le Rassemblement pour la démocratie à la télévision, le RDT, qui a lancé un appel pour une journée nationale sans Sarkozy dans les médias, le 30 novembre, jour anniversaire de la candidature de Nicolas Sarkozy à l'Élysée.
La liberté d'expression, cher collègue ! Mais je comprends bien que mon intervention vous agace.
Voici la déclaration du RDT : « Journalistes et citoyens, si vous en avez plus qu'assez de l'omniprésence du Président de la République dans les médias, si vous pensez que quelque chose ne va plus du tout à la télévision, que vous en avez assez des sondages et des superstars du journalisme qui monopolisent la parole, si vous vous dites que les principes de 1a démocratie sont de plus en plus bafoués par une dictature médiatique à laquelle il est primordial et urgent de s'opposer, alors rejoignez le… »
Parti communiste français ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
« …Rassemblement pour la démocratie à la télévision, diffusez largement cet appel autour de vous – c'est précisément ce que je fais – et faites en sorte que la journée du 30 novembre devienne une grande journée de la démocratie et de la liberté de la presse. »
Monsieur Brard, vous êtes le Sarkozy de l'Assemblée ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous qui aimez la transparence, monsieur Woerth, pouvez-vous vérifier que certaines des stars de la présentation des journaux télévisés de TF1, notamment, ont bien leur carte de journaliste ? Je rappelle que, pour en bénéficier, il faut retirer l'essentiel de ses revenus de l'exercice de sa profession. Les personnes en question ne dépendent-elles pas d'activité de promotion de l'idéologie que vous souhaitez promouvoir ?
Nous appelons évidemment l'Assemblée à adopter notre amendement, qui vise à encourager les lecteurs de journaux à soutenir l'indépendance et le pluralisme de la presse écrite d'information générale et politique.
Monsieur Brard, ne craignez-vous pas que vos collègues dénoncent votre omniprésence dans la discussion budgétaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement pour des raisons que vous connaissez bien, monsieur Brard. En effet, le secteur de la presse bénéficie d'ores et déjà d'une multitude d'aides. Si on les additionne – aide au transport avec la compensation des tarifs postaux, réductions d'impôt, amortissements, provisions –, on dépasse les 2 milliards d'euros. Dans le cadre de la loi de finances pour 2007, l'an dernier, nous avons encore voté une réduction d'impôt en cas de souscription au capital d'une entreprise de presse.
En outre, l'amendement n° 186 est totalement imprécis. Il suffirait de créer, sans aucun agrément, une association regroupant des lecteurs et chaque membre pourrait, en franchise d'impôt, investir dans le journal de son choix. Tout cela ne me paraît pas raisonnable, d'autant qu'il n'y a vraiment pas lieu d'ajouter une aide supplémentaire.
L'avis du Gouvernement n'est pas favorable. Le secteur de la presse bénéficie déjà, soit par le biais de la fiscalité, soit par le biais d'aides directes, d'une aide légitime qui lui permet de vivre. Je ne pense pas qu'il faille aller au-delà.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une très brève intervention.
La presse bénéficie évidemment d'un fort soutien : c'est vrai pour Lagardère, Arnault, Bouygues, Dassault, qui contrôlent la quasi-totalité de la presse. Mais la presse libre, celle qui ne fait pas votre propagande ni celle des grands groupes qui dominent l'économie nationale, celle-là, vous voulez la bâillonner ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et le meilleur moyen de la billonner, c'est de ne pas lui permettre de respirer. Or les médias ne peuvent pas respirer sans argent. Le prix de la démocratie, c'est de soutenir la presse libre !
Je vous rappelle, monsieur Brard, que répondre au Gouvernement ou à la commission n'est pas un droit.
Je mets aux voix l'amendement n° 186 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Monsieur le président, je souhaite que nos débats puissent se dérouler de manière aussi satisfaisante que ce matin.
Ce matin, chacun défendait son point de vue et répondait quand il le souhaitait, et il ne me semble pas que quiconque ait pu avoir le sentiment que nous perdions du temps inutilement.
Depuis quelques instants, les choses se passent moins bien. De façon que chacun retrouve ses esprits, je demande une suspension de séance.
Après l'article 7
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures quarante.)
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° 240 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le soutenir.
Cet amendement concerne le développement durable, sans pour autant concerner des dispositions qui, pour être adoptées, supposent que les conclusions du Grenelle de l'environnement soient rendues. Il s'agit de modifier une disposition qui existe déjà et qui n'a donc pas besoin, pour être adoptée, que nous connaissions les conclusions du Grenelle.
Actuellement, le dispositif du crédit d'impôt pour les travaux d'économie d'énergie distingue couples et célibataires. Or chacun conviendra que, dès lors qu'il s'agit de réaliser ce type de travaux, les dépenses sont identiques que l'on habite un appartement seul ou à deux. Notre amendement vise donc à supprimer ce distinguo, et nous espérons qu'on ne nous opposera pas l'objection classique selon laquelle nous devons attendre les conclusions du Grenelle de l'environnement. Ce serait tout à fait inapproprié en l'espèce.
La commission a rejeté cet amendement. Je suis très sensible à l'habileté préventive de M. Cahuzac, mais ce type d'amendement s'inscrit parfaitement dans le Grenelle de l'environnement. Avant de faire des propositions, il faut d'abord, en effet, procéder à un état des lieux. Or, les incitations fiscales pour les économies d'énergie dans le logement portent sur la bagatelle de 2,4 milliards d'euros, dans la mesure où une succession de dispositifs se sont sédimentés au fil du temps : aides à l'achat de portes et fenêtres isolantes, de matériaux de couverture, de pompes à chaleur, de chaudières à condensation, etc.
Il est donc indispensable aujourd'hui d'évaluer l'efficacité réelle de toutes ces dispositions avant de faire des propositions. Soyez donc un peu patient, monsieur Cahuzac, vous aurez satisfaction, mais après le Grenelle de l'environnement, que nous attendons tous avec impatience.
Je peux comprendre ce qui motive cet amendement, mais le plafonnement porte sur des montants très importants, et il faut en mesurer l'impact budgétaire. La taxation et l'imposition écologiques font l'objet de travaux dans le cadre du Grenelle de l'environnement, et il est préférable que l'ensemble de ces sujets soient traités globalement. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Vous avez tous lu le rapport sur le problème du plafonnement des niches. Nous sommes ici sur l'une des douze principales niches, dont l'évolution est la suivante : 400 millions d'euros en 2005, 990 millions en 2006, 1,9 milliard en 2007 et, selon les prévisions, 2,4 milliards en 2008.
Par ailleurs, si l'on commence à défamilialiser les mesures de ce type, il faut regarder l'ensemble des problèmes de familialisation. Soyons prudents en la matière et évitons le bricolage niche par niche.
Je suis saisi d'un amendement n° 241 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le défendre.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 265 .
La parole est à M. Michel Sapin, pour le soutenir.
Le Gouvernement ou la commission ne pourront pas utiliser l'argument du Grenelle de l'environnement. En effet, cet amendement vise à lever des ambiguïtés sur la législation actuellement applicable pour inciter, ou non, à l'installation photovoltaïque chez les particuliers.
Aujourd'hui, l'incitation aux installations de panneaux photovoltaïques – TVA réduite ou crédit d'impôt – est refusée par l'administration fiscale si les reventes sur le réseau sont supérieures aux consommations personnelles, ce qui ne va pas dans le bon sens. Or la France – tout comme ses voisins – a intérêt à favoriser le développement de ces installations, car elles permettent de réaliser des économies d'énergie chez les particuliers, mais aussi d'augmenter la production d'énergie renouvelable.
Je souhaite donc que M. le ministre nous dise s'il est d'accord avec cet amendement, tout du moins qu'il nous précise s'il envisage d'orienter l'ensemble de son administration fiscale vers une amélioration, une précision de l'interprétation des textes dans ce domaine, afin que des dispositifs favorables en direction des particuliers puissent entrer en vigueur sans difficulté.
La commission n'a pas adopté cet amendement, qui, selon moi, appelle une réponse du ministre en termes de doctrine administrative, et non pas une modification législative.
Les interrogations dont vous faites état, monsieur le député, sur la fiscalité applicable aux installations de panneaux photovoltaïques, qu'il s'agisse du bénéfice du crédit d'impôt sur le revenu ou du taux de la taxe sur la valeur ajoutée, ont été portées à ma connaissance, et je peux vous assurer que j'ai prêté la plus grande attention à ce dossier.
C'est pourquoi je vous confirme bien volontiers que l'ensemble des installations dont la puissance n'excède pas 3 kW-crête peuvent bénéficier du crédit d'impôt comme du taux réduit de TVA, et ce quelle que soit la nature du contrat d'achat par EDF de l'énergie produite par l'installation – achat de la totalité de l'énergie produite ou du seul surplus de l'énergie qui n'est pas consommée.
Cette mesure de tempérament est très favorable au contribuable puisqu'elle leur permet de bénéficier à la fois du crédit d'impôt sur le coût de l'équipement, de l'application du taux réduit de TVA sur l'ensemble des dépenses d'installation de ces appareils et d'un tarif préférentiel de rachat de leur production énergétique. Dans le cas, sans doute marginal, où cette puissance serait dépassée, la revente d'électricité doit logiquement être considérée, conformément au droit communautaire, comme une activité commerciale. Dans ce cas, peu importe le taux de TVA appliqué puisque le redevable pourra procéder à la déduction intégrale de la taxe ayant grevé l'installation des équipements.
Les efforts budgétaires consacrés par les pouvoirs publics au développement des énergies renouvelables, et notamment de la filière photovoltaïque, atteignent aujourd'hui un niveau sans précédent,…
…ce qui témoigne de l'engagement en faveur des économies d'énergie et du développement durable.
Ces précisions répondant aux préoccupations exprimées dans votre amendement, monsieur le député, que je vous remercie de bien vouloir le retirer. À défaut, j'en demanderais le rejet.
Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre, et je souhaite qu'elles soient largement diffusées dans votre administration, car j'ai été saisi d'un très grand nombre de cas et de difficultés d'application.
Je retire l'amendement.
Les voitures de petite taille représentent un enjeu écologique important, au même titre que les véhicules électriques ou hybrides, sans parler des avantages qu'elles présentent en matière d'espace public.
Les embouteillages augmentent la pollution ; or les voitures de petite taille permettent de fluidifier la circulation, et ce n'est pas le rapporteur général du budget, lui-même élu francilien, qui me démentira !
Tout notre débat est là : la fiscalité constitue aujourd'hui un levier efficace pour faire évoluer les comportements, comme on l'a constaté en matière d'économies d'énergie et de chauffage. C'est également vrai en matière automobile.
Les acheteurs d'un véhicule « propre » bénéficient d'un crédit d'impôt. Rentrent dans cette catégorie de véhicules propres les voitures ayant une motorisation électrique, GPL, gaz naturel véhicule ou hybride. Cet amendement vise à étendre le bénéfice de ce crédit d'impôt aux véhicules qui mesurent moins de trois mètres et qui émettent moins de 120 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre. Il permettra d'améliorer la fluidité du trafic et de préserver notre environnement afin – objectif affiché du Grenelle de l'environnement – de lutter contre le réchauffement de la planète.
Mon amendement n° 26 qui va suivre prévoit, lui, d'accorder ce crédit d'impôt aux véhicules qui émettent moins de 100 grammes de dioxyde de carbone.
Lors du débat budgétaire de décembre 2006 au Sénat, le ministre du budget de l'époque, qui n'est autre que l'actuel président de notre groupe, Jean-François Copé, se déclara favorable à cette mesure et celle-ci fut adoptée par la Haute Assemblée avec de légères modifications, qui en atténuèrent quelque peu la portée – mais ce sont des pratiques assez courantes, sur lesquelles je ne porte pas de jugement. Cette disposition, très limitée, reconnaissons-le, avait au moins le mérite d'initier un changement de mentalité en matière de pollution automobile et d'aller dans le bon sens. Elle fut malheureusement rejetée en CMP, mais j'espère qu'elle ne subira pas le même sort cette année.
Pour encourager les constructeurs automobiles à produire des véhicules de catégorie A, ceux qui émettent moins de 100 grammes de CO2 par kilomètre, c'est-à-dire les moins polluantes, et à inciter nos compatriotes à faire le choix de ce type de véhicule, nous proposons l'adoption de ce type de mesures.
Mes chers collègues, à l'heure du Grenelle de l'environnement, face à l'urgence environnementale à laquelle nous sommes tous confrontés, si nous décidons d'accorder un crédit d'impôt aux voitures de petite taille peu polluantes, ou du moins aux véhicules les moins polluants de catégorie A sans considération de taille, nous donnerons l'impulsion qui permettra à tous les constructeurs qui le souhaitent et qui sont y sont prêts de se lancer dans la bataille devenue incontournable de la voiture écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cet amendement, monsieur Goujon, la commission le connaît bien ! Quand il est apparu pour la première fois il y a déjà quatre ou cinq ans, il s'appelait « amendement Smart ». Il prévoyait un crédit d'impôt pour les petites voitures, pas hybrides ni au GPL, mais qui a priori polluent moins puisqu'elles sont petites. Or nous avons été conduits à le refuser régulièrement ces dernières années.
Un vrai débat aura lieu toujours dans le cadre – je m'excuse de le répéter – du Grenelle de l'environnement sur les différentes incitations en matière automobile selon les filières. Les crédits d'impôt pour tel ou tel usage de carburant, pour telle caractéristique de voiture, par exemple les voitures hybrides, ont été multipliés, mais nous n'avons jamais pris de mesures spécifiques en faveur de voitures normales, à moteur thermique, sous prétexte que leur taille est plus petite que les autres.
Il n'y a pas lieu de modifier cette position, et – je m'avance peut-être – je ne pense pas que le Grenelle de l'environnement ira dans votre sens.
Je reste donc conforme à la doctrine de la commission des finances, même si j'apprends à l'instant que Jean-François Copé s'en était un peu écarté lors d'un débat, qui devait être très nocturne, au Sénat voici un an.
Avis défavorable, donc.
Monsieur Goujon, je trouve l'amendement intéressant parce qu'il va dans le sens d'un travail sur la problématique de l'impôt écologique. Je ne suis pas sûr que la taille d'une voiture soit le critère essentiel ; il existe déjà des diminutions d'impôt pour les véhicules fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié, à l'électricité, etc.
Renvoyer au Grenelle de l'environnement, ce n'est pas totalement une façon de remettre les choses à plus tard,…
…car le Grenelle de l'environnement n'aura pas lieu dans un an ou dans deux ans mais à la fin du mois d'octobre.
Dans le cadre du Grenelle de l'environnement et des groupes de travail qui y ont participé, il y a un volet fiscal très important qui entrera dans la discussion. Et nous pourrons parfaitement discuter de ce sujet dans le cadre des prochains projets de loi de finances et projets de loi de finances rectificative, quelle que soit la forme juridique que prendra ce débat.
Monsieur le député, je vous propose de voir avec le groupe de travail chargé de la fiscalité si l'on peut établir un lien entre la taille d'un véhicule et les émissions de CO2. Vous visez à la fois un objectif de circulation et un objectif environnemental. Le cumul des deux est peut-être intéressant, mais je n'ai pas, à ce jour, d'éléments pour me prononcer sur ce point. Je vous suggère donc de retirer votre amendement et de l'intégrer à la réflexion menée dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
Je suis sûr que le ministre aurait intérêt à faire de tels calculs pour sa ville. Nous avons, pour notre part, calculé que les automobilistes qui circulent dans la ville de Paris sont, pour 17% d'entre eux, en train de chercher une place de stationnement.
Sans doute, chers collègues, mais vous n'êtes tout de même pas favorables à une interdiction totale des véhicules automobiles en ville !
Même pour ceux qui ne sont pas mathématiciens, il est facile de comprendre qu'un véhicule dont la taille est inférieure de moitié à celle d'un véhicule normal trouve plus facilement une place. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, depuis longtemps déjà, la ville de Paris divise par deux le tarif de stationnement de ces petits véhicules dans ses parcs de stationnement souterrains. Je crois que l'État pourrait accompagner ce genre de pratiques.
J'ajoute que je ne peux pas accepter cette qualification d'« amendement Smart », car, lorsque le crédit d'impôt a été voté pour les véhicules hybrides, un seul constructeur produisait ce type de véhicule. Il n'était pas japonais, mais allemand.
Les choses ont évolué depuis. Plusieurs constructeurs ont d'ailleurs ce type de véhicule dans leur projets et attendent ce crédit d'impôt pour pouvoir les produire.
Enfin, on le sait bien, le marché des véhicules électriques n'a, hélas ! pas décollé aujourd'hui, le GNV demeure confidentiel et le GPL pose des problèmes de sécurité ; parfois même, les propriétaires de 4 X 4 et de grosses berlines sont les premiers à profiter du crédit d'impôt pour s'équiper en GPL, ce qui est tout de même assez paradoxal ! La commission interministérielle pour les véhicules propres et économes avait pointé du doigt cette aberration ; un plafond de 140 grammes de CO2 avait d'ailleurs été ajouté pour empêcher ce type de dérive.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'insiste pour que cet amendement, s'il ne peut être accepté aujourd'hui...
…ce que je peux comprendre étant donné le manque d'études sur ce sujet – soit intégré et étudié dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Car, personnellement, je crois dans les résultats de ce Grenelle ! Auquel cas cet amendement pourrait être redéposé lors du collectif.
Cela dit, j'accepte de le retirer.
Lorsqu'un amendement est repris, il est aussitôt mis aux voix. Vous ne pouvez pas prendre la parole pour défendre de nouveau un amendement qui l'a déjà été par M. Goujon. Un rappel un règlement ne peut vous servir à défendre cet amendement.
Vous avez eu raison, monsieur le président, de mettre cet amendement aux voix, mais vous voyez bien que, si je l'avais défendu, il aurait eu plus de chances d'être adopté. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
D'autre part, je voulais simplement vous expliquer à vous, monsieur le président, pourquoi je l'avais repris.
Nos collègues présentent des amendements pour impressionner le bon peuple et les retirent parce qu'ils n'ont pas des convictions assez solides pour aller jusqu'au bout. Ce n'est pas très acceptable.
Vous comprenez que cela fait partie de la stratégie que le Gouvernement a mise en place avec le Grenelle de l'environnement. Dans l'esprit de M. Borloo et du Gouvernement, il s'agit simplement de bavarder et surtout de bien se garder de prendre des mesures.
Du reste, M. Woerth l'a dit : on verra cela dans les prochaines lois de finances.
Je suis saisi d'un amendement n° 242 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le défendre.
Grenelle également ! (Sourires.)
Oui, monsieur le président !
Je suis saisi d'un amendement n° 26 .
La parole est à M. Philippe Goujon, pour le soutenir.
Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.
Je mets aux voix l'amendement n° 26 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 214 .
La parole est à M. Michel Sapin, pour le soutenir.
Sans vouloir être désobligeant, je voudrais signaler que, si j'ai tenu tout à l'heure à répondre à la commission, c'est parce que M. le rapporteur général s'était exprimé sur l'amendement que je m'apprête à défendre, et non sur celui que je venais de soutenir. Vous le voyez, monsieur le président, en nous laissant répondre à la commission, vous contribuez à éclairer les débats.
Monsieur le rapporteur général, les éléments d'information que vous avez donnés à propos de la PPE nous paraissent insuffisants et nous maintenons notre amendement n° 214 . Mais le précédent amendement portait sur d'autres types d'exonération, tels que la taxe d'habitation. Vous ne nous avez donné à ce propos aucun élément d'information permettant de nous laisser penser qu'il n'y aurait pas trop de désavantages. L'introduction de ces heures supplémentaires dans le revenu fiscal va faire perdre divers avantages à de très nombreux Français : au bout du compte, pour ceux-là, « travailler plus pour gagner plus » risque fort de se traduire par « travailler plus pour gagner moins ». C'est cette réalité que nous entendons souligner en défendant ce type d'amendements. Votre raisonnement dissimule des arnaques de toute nature, et c'est pourquoi nous souhaitons avoir des réponses précises.
La commission a donné un avis défavorable.
Je prie M. Sapin de m'excuser : en effet, j'ai répondu tout à l'heure à l'amendement concernant le revenu fiscal de référence au titre de la PPE et je voudrais maintenant lui répondre rapidement sur la taxe d'habitation. Je parle sous le contrôle de collègues spécialistes de ce sujet, mais il me semble que le problème ne se pose pas. Soit il y a exonération de taxe d'habitation, et c'est lié à un statut, celui de RMIste, par exemple. Soit il y a assujettissement à la taxe d'habitation, et c'est le mécanisme d'écrêtement à 4,3 % par rapport aux revenus, que vous avez introduit en 2000 ou 2001, qui joue. Bien entendu, le revenu incorpore le produit des heures supplémentaires, s'il y en a. Cela ne fait pas perdre un avantage, mais la taxe d'habitation sera légèrement plus élevée tout en restant contenue dans le plafond de 4,3 % du revenu. Il n'y a donc pas, me semble-t-il, de phénomène d'effet de seuil lié à la prise en compte des heures supplémentaires au titre de la taxe d'habitation.
Nous avons déjà eu cette discussion sur la PPE. Le rapporteur général vient de répondre à propos de la taxe d'habitation. On est toujours « gagnant net » à faire des heures supplémentaires. Nous y avons veillé. Ce qui compte, c'est le revenu final. Au moment où nous avons élaboré la loi TEPA, nous avons diminué le taux d'écrêtement à 3,44 % pour tenir compte du nouveau barème de l'impôt sur le revenu. On est donc toujours gagnant net à travailler plus.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission des finances. Si j'ai bien compris le raisonnement de M. le rapporteur général, le plafonnement agit de telle sorte que, si les heures supplémentaires procurent 100, il ne restera pas 100, mais 100 moins les 4,3 % qui seront prélevés au titre de la taxe d'habitation. Je suis d'accord avec M. le ministre, il reste davantage, mais c'est tout de même moins que ce qui était envisagé. Le revenu fiscal de référence étant taxé au titre de la taxe d'habitation, le produit procuré par les heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées sera inférieur à celui espéré par le salarié, puisque, sur ce gain supplémentaire, il aura à payer ce qui revient à la taxe d'habitation.
Il reste une seconde interrogation. Qu'en est-il des dispositifs placés sous seuil, bourses, tarifs des cantines ou tarifs sociaux ? Les exemples ne manquent pas, dans bien des communes. Que se passera-t-il dès lors que le revenu fiscal de référence dépassera le seuil au-delà duquel on n'a plus droit aux bourses, au-delà duquel les tarifs de cantine ou les tarifs sociaux sont plus élevés ? A-t-on réalisé une quelconque étude sur le sujet ? Des villes ont été interrogées à cet effet. Je crains qu'il n'y ait des effets secondaires pénalisants au regard même de ce que vous souhaitiez.
Il n'y a pas d'effet de seuil, mon cher collègue. Comme le ministre l'a rappelé, le seuil a été abaissé à 3,4 % pour tenir compte de l'abattement de 20 %. Si vous dépassez ce seuil, vous ne payez plus au-delà de 3,4 %.
Pour les autres effets de seuil que vous signalez, rien n'empêche les assemblées locales d'adapter leurs dispositifs. Tout système prévoit un niveau en deçà ou au-delà duquel l'on a ou l'on n'a pas droit à la prestation.
Ce n'est pas possible ! On ne va pas faire du cas par cas, entreprise par entreprise ! C'est une globalité !
Pour les aides locales, ce sont les assemblées locales qui décident. Elles peuvent parfaitement adapter leurs dispositions.
C'est à vous d'en juger, mais ne critiquez pas le dispositif. Réjouissons-nous plutôt de cette augmentation du niveau de vie. Nous n'allons tout de même pas nous réjouir quand il y a une baisse du niveau de vie !
L'article 9 vise à élargir les dispositifs d'exonération partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit. Il est donc particulièrement utile de rappeler les dispositifs d'exonération et de réduction qui s'appliquent déjà à l'ISF. Je suis désolé d'en dresser la liste, car elle est assez impressionnante, mais vous n'arrêtez pas d'en rajouter pour faire des cadeaux aux plus riches.
Ainsi, l'on compte déjà l'exonération des objets d'antiquité, d'art ou de collection, des droits de propriété littéraire et artistique et des droits de propriété industrielle pour leur inventeur ;…
…l'exonération des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital de certaines petites et moyennes entreprises, pour 10 millions d'euros ; l'exonération partielle des parts ou des actions de sociétés objet d'un engagement collectif de conservation, pour 75 millions d'euros ; l'exonération des biens professionnels, non chiffrée ; l'exonération des placements financiers des personnes physiques qui n'ont pas en France de domicile fiscal, pour 80 millions d'euros ; l'exonération partielle des bois et forêts et des parts d'intérêts détenues dans un groupe forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme et des parts de GFA, pour 35 millions d'euros…
…l'exonération partielle des titres détenus par les salariés et mandataires sociaux, pour 25 millions d'euros.
Pour ce qui est des réductions, on compte une réduction de droits en raison du nombre d'enfants du déclarant, pour 25 millions d'euros ; une réduction d'impôt au titre des investissements au capital des PME, pour 380 millions d'euros ; une réduction d'impôt au titre de certains dons, pour 160 millions d'euros ; une prise en compte des stocks de vins et d'alcools pour leur valeur comptable − non chiffrée − ; sans oublier l'abattement porté à 30 % sur la valeur de la résidence principale, la réduction au titre des dons au profit des organismes d'intérêt général, ni, bien sûr, le bouclier fiscal à 50 %.
Dans ces conditions, il nous paraît tout à fait inopportun d'alourdir encore cet inventaire et d'accroître son coût pour les finances publiques, ainsi que pour la majorité des contribuables.
Notre collègue vient de dresser la longue liste des exonérations. On retrouve ici une question que nous avons déjà évoquée : la majorité et le Gouvernement souhaitent-ils supprimer cet impôt ? Projet de loi de finances après projet de loi de finances, collectif après collectif, on réduit continuellement l'assiette de manière à en réduire le produit : cela ne nous paraît pas la bonne méthode pour aborder ce problème.
L'impôt de solidarité sur la fortune rapporte aujourd'hui un peu plus de 4 milliards d'euros − je parle sous le contrôle du rapporteur général et du ministre.
Il est donc difficile de le supprimer d'un coup, si l'on songe à l'état assez préoccupant de nos finances publiques. Mais on ne peut aborder l'investissement dans l'entreprise que par le biais de la réduction de l'assiette de l'impôt sur la fortune. Cela ne nous paraît pas sain. Il serait préférable, si vous estimez que l'ISF ne produit que des méfaits, d'avoir un vrai débat sur le sujet. Cela n'est pas plus sain si vous estimez que le problème de nos entreprises est le sous-investissement, car ce n'est évidemment pas en réduisant continûment l'assiette de l'ISF, au motif qu'une partie des sommes récoltées serait investie dans des entreprises, qu'on traitera correctement ce problème de sous-investissement.
C'est la raison pour laquelle le groupe au nom duquel je m'exprime se joint à l'orateur précédent pour demander la suppression de l'article 9.
La commission a rejeté ces amendements de suppression.
Monsieur Sandrier, s'il y avait autant d'exonérations que vous le dites, si elles étaient autant utilisées que vous le prétendez,…
… comment pourrait-on expliquer que ce soit le produit de cet impôt qui, année après année, augmente le plus rapidement et pour lequel le nombre de contribuables assujettis explose ? Je vous rappelle les chiffres : chaque année, le produit de l'impôt progresse de 15 à 20 %, de même que le nombre de contribuables. Ce sont 40 à 50 000 contribuables de plus qui entrent, chaque année, dans le champ de l'ISF. Ne dites pas qu'on démantèle l'ISF : c'est exactement le contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je propose évidemment de rejeter ces amendements. Nous entrons dans un régime de simplification. Pour les mutations à titre gratuit et l'ISF, on simplifie une réglementation extrêmement compliquée, on permet la transmission d'entreprise dans des conditions économiques qui sont, me semble-t-il, efficaces et pertinentes. Vous savez bien que la transmission d'entreprise est un problème français. Plusieurs pactes ont été lancés, le dernier étant le pacte Dutreil. On améliore la situation, dans l'intérêt de l'économie française.
Monsieur Woerth, vous savez qu'un débat est ouvert pour savoir s'il faut suivre les recommandations de l'Académie française concernant la langue et la linguistique. Eh bien, je pense que vous avez toute votre place dans ce débat parce que vous êtes en train de changer le sens des mots. Dans votre bouche, « remplir l'assiette d'un privilégié » devient « simplifier les règles fiscales ». (Sourires.)
M. Carrez vient à mon secours, voilà en effet un synonyme dans la novlangue gouvernementale.
Eh bien, non, nous ne marchons pas ; notre rôle est d'arracher les masques.
M. Carrez a dit une chose exacte : le nombre d'assujettis à l'ISF augmente.
Nous, nous proposons depuis longtemps de modifier l'assiette de cet impôt.
Nous proposions de l'élargir, et même d'en réduire le taux pour les « petits riches », afin de taxer vraiment les « grands riches » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), que vous connaissez d'ailleurs beaucoup mieux que nous parce que vous les fréquentez, coupe de champagne à la main, dans les cocktails. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En décidant l'année dernière d'appliquer un abattement de 30 % à la résidence principale, vous avez privilégié davantage un Bernard Arnault vivant dans un hôtel particulier …
…et Tapie également – tout ça c'est la même farine – que la personne qui a hérité d'un logement bien situé. Mais vous le faites exprès. Vous agissez ainsi pour décrédibiliser peu à peu l'ISF. Vous dévitalisez l'ISF avec le même art que notre collègue Yves Bur, stomatologiste de profession, met à dévitaliser les dents. Votre amour sans limite pour les privilégiés explique votre application et la qualification que vous avez gagnée dans votre exercice. Nous ne pouvons évidemment pas vous suivre et le réquisitoire de notre collègue Jean-Claude Sandrier appelle une nouvelle nuit du 4 août. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il devient lassant d'entendre à chaque fois, loi de finances après loi de finances, collectif budgétaire après collectif budgétaire, les mêmes arguments sur la prétendue volonté de démantèlement de l'ISF qui animerait la majorité.
Gilles Carrez a eu raison de rappeler que le produit de cet impôt augmente chaque année et que c'est aujourd'hui l'impôt dont la croissance est la plus importante.
La vérité, c'est que les richesses augmentent plus vite que votre capacité à les exonérer !
La vérité, c'est que les valeurs immobilières augmentent plus vite et qu'un nombre important de nos concitoyens se retrouvent assujettis à l'ISF alors que leur richesse n'est que virtuelle puisque constituée de leur habitation principale.
Il faut sortir de ce débat. C'est la légitimité des mesures qui ont été prises avec la mise en place du bouclier fiscal ou la revalorisation de l'abattement pour la résidence principale. Maintenant, il va falloir voir si ces mesures permettent de répondre à l'objectif de plus grande rationalité.
Une autre vérité, c'est que la tranche du haut se vide progressivement et que des familles qui étaient confrontées à des problèmes de gestion de succession et qui étaient propriétaires d'entreprises patrimoniales étaient obligées de les vendre à des fonds de pension étrangers. Aujourd'hui, nous avons, je crois, un dispositif équilibré, qui permet à la France, qui a été l'un des pays qui avait le plus d'entreprises patrimoniales en Europe, de ne pas devenir le pays où il y en aura le moins demain. Quand on se préoccupe des délocalisations, on ne peut pas ignorer cet aspect des choses. On ne peut pas ignorer le fait qu'une entreprise patrimoniale, une entreprise dans laquelle l'actionnaire se préoccupe, en conscience, de réinvestir dans l'entreprise avant de toucher des dividendes, c'est tout de même mieux qu'une entreprise propriété d'un fonds de pension dans le Wisconsin ou en Pennsylvanie.
Tant que nous refuserons de voir ces problèmes, nous ne pourrons pas faire nos mutations économiques dans des conditions normales et nous ne pourrons pas préserver notre capital de production et les emplois.
Bien sûr, on peut toujours fermer les yeux, on peut toujours faire de grands discours idéologiques, mais les réalités économiques sont là.
Nous, nous avons pris le parti de constater les faits et d'en tirer les conclusions. Que d'autres restent sur les mêmes schémas, c'est leur choix. Mais nous ne pouvons pas le partager. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi d'un amendement n° 103 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 160 .
La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.
Cet amendement a pour objet de poser le problème des entreprises individuelles au regard du dispositif adopté dans la loi TEPA, lequel consistait à autoriser ceux de nos concitoyens qui paient l'ISF à s'en libérer en investissant dans les PME. Le problème, c'est que nous n'avons prévu que le cas des PME qui ont la forme sociétaire, mais pas celui des entreprises individuelles.
Or je rappelle que les entreprises individuelles représentent à peu près 60 % des petites et moyennes entreprises. C'est donc le schéma majoritaire dans les PME, notamment dans les TPE. L'idée est d'organiser pour elles une intermédiation, qui garantirait le respect de la volonté du législateur.
Cet amendement a pour but de vous interpeller, monsieur le ministre, sur ce que nous pouvons faire pour les entreprises individuelles ?
La commission, après en avoir longuement discuté, a rejeté cet amendement, tout en reconnaissant qu'il soulevait un problème réel : comment faire profiter les entreprises individuelles d'incitations fiscales qui permettent de renforcer les fonds propres des entreprises ? Toutes ces incitations sont dirigées vers des entreprises sous forme de société, parce que, chez elles, la notion de fonds propres est juridiquement, comptablement bien identifiée, ce qui n'est pas le cas dans les entreprises individuelles.
Certes, l'amendement de M. de Courson est ingénieux en proposant de passer par un fonds intermédiaire qui consent ensuite des prêts – puisqu'on ne peut pas parler de fonds propres – à l'entreprise individuelle. Mais il paraît difficile d'y associer l'exonération fiscale d'ISF qui a été prévue par la loi TEPA. C'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas retenu.
Mais le problème demeure, monsieur le ministre. Il faudrait que nous réfléchissions, dans le cadre notamment de la revue générale des incitations fiscales, sur la manière de mieux aider le développement des entreprises individuelles. Philosophiquement, je crois que nous devons – en tout cas la majorité – rester attachés à cette notion d'entreprise individuelle. Mettre en place des mécanismes fiscaux qui ne s'adressent qu'à des sociétés, même si une entreprise individuelle peut se transformer en SARL ou en SAS, ce n'est pas très satisfaisant. Une réflexion doit être ouverte sur ce point, monsieur le ministre.
Monsieur le député, vous posez une question cruciale pour la réussite du dispositif : il faut que nous puissions en faciliter l'accès aux entreprises individuelles. Mais, aujourd'hui, franchement, nous ne sommes pas prêts. Nous avons besoin d'un examen technique de la mesure proposée d'abord parce que, aujourd'hui, l'objectif actuel des fonds d'intermédiation n'est pas de prêter mais plutôt de prendre du capital. Nous, nous souhaitons que la mesure ISF puisse servir à renforcer les capitaux propres des entreprises. Il faut regarder ce que l'on peut faire pour les entrepreneurs individuels. En attendant, je vous invite à retirer votre amendement pour qu'on puisse regarder comment nous pouvons donner vie à votre idée.
Je constate, monsieur le ministre, que vous êtes ouvert – cela nous change de beaucoup de vos prédécesseurs.
Arrêtez de toujours personnaliser les affaires !
Il y a deux solutions. Soit nous distinguons les patrimoines – c'est une réforme à laquelle l'actuel Président de la République était d'ailleurs favorable –,c'est-à-dire que, comme c'est le cas dans beaucoup de pays étrangers, dans le droit britannique ou le droit allemand par exemple, on sépare dans le patrimoine le patrimoine affecté à l'activité individuelle du reste du patrimoine privé. Mais cela suppose une grande réforme sur le statut de l'entrepreneur individuel. Soit, seconde solution, nous prévoyons un montage comme celui que je propose.
Puisque vous êtes « ouvert », monsieur le ministre, je retire cet amendement.
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 9.
Cet amendement va nous permettre de revenir à nouveau sur le thème que notre collègue Bouvard vient d'aborder, à savoir la litanie des propos que nous tiendrions plutôt de ce côté de l'hémicycle, qui prouve simplement que nous avons autant de convictions que lui, sauf que, naturellement, ce ne sont pas les mêmes. Et je m'en voudrais pour ma part de lui reprocher, à lui ou à d'autres, de saisir l'occasion, loi de finances après loi de finances, collectif après collectif, pour reprendre son expression, de réduire d'une certaine manière l'assiette et le rendement de l'ISF. Certes, j'ai bien compris que cet impôt progressait, mais je considère qu'il progresserait davantage encore si vous ne vous ingéniez pas à en vider la substance en en réduisant l'assiette.
Or nous connaissons l'état de nos finances publiques. Je voudrais rappeler une nouvelle fois les propos des plus hauts dirigeants de ce pays : le Premier ministre a parlé d'État en faillite, Mme la ministre de l'économie et des finances a indiqué, devant la commission des finances, que le budget de l'État était à un milliard d'euros près. Cela peut paraître une somme considérable, mais, en réalité, cela ne représente qu'1300e du budget. C'est parce que nous nourrissons de très grandes inquiétudes sur l'avenir financier et les possibilités budgétaires de notre pays que nous avons déposé cet amendement.
Vous savez comme moi, mon cher collègue Bouvard, que, par exemple, ce sont les régions qui assurent les financements que l'État s'était engagé à assurer, notamment pour financer la fin des contrats de plan. La trésorerie est faite par les collectivités locales puisque l'État ne peut plus y pourvoir – les exemples sont très nombreux. L'Association des régions de France, dont le siège se situe de l'autre côté du boulevard Saint-Germain, peut vous le dire.
Cet État impécunieux a-t-il les moyens aujourd'hui, alors que cette mandature s'annonce, de lester nos finances publiques du « boulet fiscal » – l'expression a été utilisée hier par Laurent Fabius avec bonheur, en tout cas avec justesse – que constitue le bouclier fiscal à 50 % alors que les premières estimations des résultats du bouclier fiscal à 60 % sont connues, par vous comme par nous ?
Sur les six premiers mois de l'année, environ 4 000 contribuables se sont vu restituer près de 123 millions d'euros.
Cela signifie qu'en moyenne chaque contribuable s'étant déclaré s'est vu restituer 45 000 à 50 000 euros. Croyez-vous vraiment que l'État français ait aujourd'hui les moyens de rendre 45 000 à 50 000 euros en moyenne à chaque déclarant ? Si vous pensez que oui, vous le ferez – c'est d'ailleurs malheureusement ce qui est en train de se passer –, mais cela se fera évidemment au détriment d'autres dispositions.
Nous avons d'ailleurs eu un débat intéressant tout à l'heure en commission des finances, et certains collègues, sur tous ces bancs, ont manifesté leur émoi devant l'annonce de suppression d'avantages sociaux, en particulier en zones de revitalisation rurale, ce qui placera de nombreuses associations, organismes et hôpitaux dans une situation financière extrêmement difficile. On nous explique que conserver ce dispositif coûterait 180 millions d'euros, mais si on est vraiment à ça près pour maintenir vivant le secteur associatif de l'aide aux personnes âgées à domicile et des hôpitaux de proximité, il faut évidemment revenir sur le bouclier fiscal à 50 % en attendant que soient mieux évalués les effets réels du bouclier fiscal à 60 %. Tel est l'objet de cet amendement.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 174 .
Cet amendement vise à supprimer le bouclier fiscal qui plafonne à 50 % les impôts dus par un contribuable. En le défendant, je mesure l'audace qui m'anime. J'ai en effet peu de chances d'être entendu tant il est vrai que la justice fiscale et sociale cela n'est pas votre fort. Il est pourtant inspiré par le Président de la République lui-même, qui a déclaré – il est vrai que c'était avant les élections ! – : « Je crois à un bouclier fiscal à 50 % intégrant la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale. Autrement dit nul ne paiera au fisc plus de la moitié de ce qu'il a gagné. » Cette annonce a toutes les apparences de la justice. N'importe quel contribuable n'imagine pas que l'on puisse lui prélever plus de 50 % de ce qu'il a gagné. Mais cela n'est absolument pas le contribuable ordinaire qui est concerné par cette hypothèse et par le cadeau présidentiel. Ce sont, comme l'écrivait M. Carrez dans son rapport sur le TEPA à l'occasion de l'énumération des catégories des bénéficiaires potentiels du bouclier, « à l'autre extrémité de l'échelle des revenus, environ 7 000 contribuables relevant des neuvième et dixième déciles ». Nous sommes là dans le vif du sujet, car, dans le langage codé des finances publiques, ce ne sont pas les RMIstes qui sont concernés par les neuvième et dixième déciles, ce sont les riches, surtout dans le dixième décile. En effet, fin août, moins de 3 000 contribuables s'étaient manifestés et ont touché en moyenne 50 000 euros de remboursement. Nous sommes bien loin des annonces initiales et des 93 000 bénéficiaires attendus ! Ce bouclier est un jackpot pour les contribuables riches. Se tromper dans un rapport de 1 à 31, cela n'est pas possible pour Bercy, car on connaît la compétence sans limites de tous les inspecteurs généraux des finances ! Une telle erreur est impossible ! Cela veut dire que vous nous avez délibérément trompés.
Sans vouloir trop en rajouter au réquisitoire de Jean-Claude Sandrier, certains ont eu raison de voter pour vous. En Auvergne, par exemple, vous avez rendu en moyenne 56 490 euros à ceux dont vous avez accepté la requête. En Île-de-France, la moyenne de la restitution, si on peut l'appeler ainsi, est de 79 763 euros. Dans le Nord-Pas-de-Calais, où certaines familles sont spécialisées dans les conserves, les remboursements atteignent 89 880 euros. A-t-on rendu autant d'argent à l'ancien mineur à la retraite ou à l'ancienne ouvrière du textile de Roubaix, que votre politique a mis en difficulté – c'est le moins que l'on puisse dire ? En Rhône-Alpes, vous avez rendu en moyenne 53 861 euros aux 167 personnes dont vous avez accepté la demande.
Pourtant, je croyais que vous étiez très attentif à ce que je disais, monsieur le président,…
…et que vous attendiez que je cite votre région, mais je la réserve pour plus tard !
Si, comme vous le dites, vous êtes si préoccupés de la justice fiscale et sociale, vous devez adopter notre amendement.
La commission est défavorable à ces amendements. Nous avons déjà eu ce débat sur le bouclier fiscal à l'occasion de la loi de finances 2006 et à nouveau en juillet dernier lors de l'examen du TEPA.
Défavorable.
Monsieur Brard, j'ai du mal à vous comprendre. Le plafonnement existe depuis la création de l'ISF. Ce n'est pas le principe du plafonnement que vous devriez contester, c'est plutôt son niveau !
Par ailleurs, le bouclier fiscal n'est pas du tout ce que vous croyez. In fine, par une ruse de l'histoire, comme vous le diriez, cela n'est rien d'autre qu'un mécanisme de détection des fraudeurs.
Si 2 500 demandes seulement ont été formulées, alors que le Gouvernement avait estimé à 22 000 le nombre de personnes concernées par le plafonnement, c'est sans doute que l'assiette a été sous-estimée.
Vous devriez donc soutenir le bouclier fiscal puisque c'est devenu un élément de lutte contre la fraude fiscale.
Je suis frappé par la réponse du rapporteur général et du ministre, qui ont bien compris que moins nous parlons de ce sujet, mieux ils se portent. Quand on fait un coup tordu, il vaut mieux ne pas se faire prendre les doigts dans le pot de confiture ! Or – vous le savez particulièrement, monsieur le président, à l'endroit où vous êtes –, nous sommes regardés aujourd'hui non seulement sur LCP, mais par tous ceux qui suivent nos débats en direct sur leur ordinateur ou leur écran de télévision. Et vous n'aimez pas, messieurs les ministres, que l'on explique votre politique. Si vous étiez de bonne foi, monsieur le ministre des comptes publics, ce qui reste à démontrer (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous prêteriez une oreille attentive à ce que vient de dire Charles-Amédée de Courson, car il a raison ! Vos chiffre prévisionnels étant forcément exacts, on peut supputer qu'il y a près de 90 000 fraudeurs dont les comptes devraient être examinés avec minutie.
Vous dites vouloir combattre la fraude, mais nous avons bien compris que vous faites la chasse aux RMIstes et aux titulaires de la CMU. Pourtant, vous avez là un beau sujet, comme on dit dans le langage de Bercy, un vrai sujet ! Alors, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour débusquer la fraude qui se cache dans les coffres de ces plus riches auxquels vous voulez rendre de l'argent ?
En écoutant M. de Courson et en voyant M. Carrez abonder dans son sens, je viens de prendre conscience que, en définitive, ce bouclier fiscal ira à l'encontre de ce que vous espériez. En effet, si c'est vraiment un outil pour débusquer les fraudeurs, chers collègues de la majorité, vous allez précipiter, aggraver, encourager l'exode fiscal que ce bouclier était pourtant censé réduire !
Il ne faut pas confondre bouclier fiscal et lutte contre la fraude. Cela n'est pas tout à fait la même chose !
Ah ! On respire sur certains bancs ! Enfin une intervention qui calme les angoisses !
Le bouclier fiscal est une bonne mesure de justice fiscale, et j'imagine que vous êtes d'accord avec cette analyse. Il s'agit tout simplement de se demander si l'on ne doit pas fixer un taux maximum d'imposition vous laissant profiter des fruits de votre travail. C'est une mesure d'équité qui est très importante pour la France. Vous semblez très attachés à cette notion binaire d'une France des riches et d'une France des moins riches ou des pauvres, qui est une épouvantable vision caricaturale. Il y a heureusement des Français dont les niveaux de revenus sont différents, mais qui ont les mêmes droits et qui peuvent travailler les uns avec les autres. C'est ça un pays dans sa diversité ! Ce pays permet aux uns et aux autres de payer leurs impôts dans le cadre républicain et le bouclier fiscal est un bel outil républicain.
Puisque vous êtes si attachés à cette notion de riches et de pauvres, je précise que la plupart des bénéficiaires du bouclier fiscal à 50 % …
…sont en général des personnes qui ne sont pas redevables de l'ISF, donc cela ne concerne pas les catégories sur lesquelles vous jetez systématiquement votre opprobre.
S'agissant de la fraude, vous m'avez plusieurs fois mis en cause …
…en disant que ce qui nous intéressait c'était de mettre en cause les titulaires du RMI. Je ne comprends pas votre position là-dessus, mais c'est probablement un effet de manche et j'imagine que l'on peut se retrouver sur le fond. L'on ne peut pas laisser perdurer en France des systèmes de fraude qui sont contraires à l'égalité républicaine. Ce ne sont pas les RMIstes qui sont mis en cause. Comment voulez-vous que l'on mette en cause quelqu'un qui a droit au RMI ? Il l'obtient, et heureusement ! Ce sont ceux qui n'y ont pas droit et qui le touchent que nous visons, car c'est tout à fait anormal. Ils ponctionnent les finances publiques, des euros payés d'ailleurs aussi par les RMIstes puisqu'ils concourent aux finances de l'État et de la sécurité sociale lorsqu'ils consomment.
Il est donc incroyable que vous puissiez tenir de tels propos ! Je suis persuadé que vous n'êtes pas favorable à la fraude. Donc, j'aimerais bien que vous ne vous livriez plus à de telles mises en cause.
Je suis moins spécialisé que vous en la matière !
Je suis saisi d'un amendement n° 48 .
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement de repli. Je voudrais commencer par une remarque sur le rendement de l'ISF. Certains députés UMP le trouvent trop élevé. Ils sont choqués et ne supportent pas que l'ISF rapporte de plus en plus, que de plus en plus de personnes y soient assujetties.
Parlons-en de ce constat ! Il y a quelques années, lorsque l'ISF a été instauré, on nous disait que c'était un impôt purement symbolique qui ne rapporterait rien, que cela ne valait donc pas la peine de le mettre en place et qu'il rapporterait d'autant moins qu'il ferait fuir les capitaux et les grosses fortunes.
Et vous tenez encore ce discours. Mme Lagarde nous a ainsi très bien expliqué au mois de juillet que le bouclier fiscal permettrait de faire revenir de riches Français qui avaient dû s'exiler. Elle a même parlé de la question de la gare du Nord, ce qui était plutôt risible, mais dans ce cas on rit jaune !
Si l'ISF rapporte de plus en plus, vous devriez vous en féliciter, car cela veut dire qu'il y a de plus en plus de personnes qui ont réussi, comme vous dites, qui ont accumulé du patrimoine, quelle que soit la façon dont ils s'y sont pris.
Vous deviez vous en féliciter, au lieu de vous en plaindre.
Vous voudriez nous attendrir, monsieur Bouvard, sur le sort de contribuables qui possèdent un important patrimoine immobilier et se retrouvent redevables de l'ISF pour la seule raison qu'il a pris de la valeur. Mais tout le monde se félicite quand c'est le cas. En juillet, vous nous avez tenu le même discours à propos des héritages : quel héritier se plaint de ce que son bien ait de la valeur ?
Examinons le cas d'un contribuable qui posséderait un patrimoine d'un million d'euros, ce qui, soit dit en passant, représente tout de même quatre maisons d'une valeur de deux cent cinquante mille euros, autant dire quatre résidences.
En effet ! Là où le prix de l'immobilier est très haut, cela représente deux maisons de cinq cent mille euros ; ce n'est pas rien non plus ! Quel est le montant de l'ISF qu'acquitte ce contribuable ? Pas plus que M. Brard, je ne suis inspecteur des finances ; mais je l'évalue à mille euros par an, ce qui représente moins que la taxe d'habitation et la taxe foncière dudit patrimoine, et moins que la taxe foncière acquittée par la plupart des Français propriétaires de leur logement. Au regard de ce chiffre, considérez-vous toujours qu'une telle situation doive nous tirer des larmes ?
Pour revenir à un problème que j'ai déjà soulevé ce matin, je remarque qu'il existe actuellement deux poids et deux mesures. À plusieurs reprises, sur d'autres sujets, vous avez affirmé qu'on devait toujours procéder à une étude d'impact approfondie et imaginer tous les effets, directs ou pervers, des mesures que nous proposions. Or, en l'espèce, vous ne dites plus rien de tel. À peine avez-vous fait voter, l'an dernier, un bouclier fiscal à 60 % que vous proposez déjà de le faire passer à 50 %. Où en serons-nous l'an prochain : à 40 % ou à 30 % ? Mais, quoi qu'il en soit, vous le jugerez toujours trop élevé.
Qui dispose de revenus aussi importants ? Vous avez cité Johnny Hallyday, qui perçoit 10 millions d'euros par an et se plaint d'être imposé à hauteur de quelque 6 millions d'impôt. Cela prouve, à mon sens, qu'il doit être mal conseillé, étant donné le nombre de niches qui pourraient lui permettre de payer moins d'impôt. Mais il jugerait probablement abusif d'en payer 5, 4, voire de ne verser qu'un million à l'État. Certains trouvent toujours qu'ils sont trop imposés, alors même qu'ils devraient s'estimer heureux de gagner de telles sommes.
Enfin, si des problèmes simples et concrets subsistent, apportons-y des réponses simples et concrètes. Si la résidence principale pose problème, contentons-nous de prévoir un abattement, alors que vous proposez de manière unilatérale une mesure très générale.
Dans l'immédiat, puisque vous avez refusé de supprimer le bouclier fiscal, je propose de le fixer à nouveau à 60 %. M. de Courson me soutiendra sûrement, si j'en juge par la démonstration qu'il vient de faire.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 90 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le défendre.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 92 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le soutenir.
Cet amendement propose d'intégrer dans le calcul des revenus des contrats d'assurance-vie l'ensemble des intérêts acquis dans le cadre des supports garantis, qu'il s'agisse de contrats monosupport dits « en euros » ou de contrats multisupports dits « à unités de compte ». Pour ceux-ci, en effet, les intérêts annuels n'entrent pas actuellement dans le calcul des revenus fiscal. Ce régime, depuis qu'il est possible, au titre d'un amendement déposé par un député de l'UMP, de passer comme on veut d'un support à l'autre, nous semble en rupture flagrante avec le principe de l'égalité devant l'impôt sur le revenu.
Il ne s'agit pas réellement d'une injustice, mais d'un gain de trésorerie lié aux modalités de prélèvement de ces contrats qui n'ont de multisupports que le nom, puisque leur part en euros peut atteindre 90 %.
Mais, puisque nous nous intéressons à la prise en compte des revenus de l'assurance-vie pour le calcul du bouclier fiscal, il me paraît opportun d'interroger le ministre du budget sur une difficulté. Le même problème se pose en effet pour la CSG. Nous l'avions évoqué l'an dernier, en mentionnant un amendement déposé par M. Fourgous il y a deux ans et qui me semble excellent – Mme Fourneyron en conviendra –, puisqu'il incite à effectuer des placements en actions. Toutefois, nous n'avons pas suffisamment pris garde à ses conséquences sur le paiement de la CSG. Celui-ci, même si un contrat multisupports ne comporte qu'une infime partie en actions, n'interviendra qu'au débouclage du contrat. C'est pourquoi, à la veille de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je me tourne vers la rapporteure spéciale, Mme Montchamp, car je pense qu'il faut réfléchir à cette question, et je saisis l'occasion de cet amendement pour la lui poser.
Au reste, la commission est défavorable à l'amendement n° 92 , dont la rédaction nous a paru trop systématique.
Je ne suis pas favorable à ce qu'on touche à la fiscalité de l'assurance-vie. Ce problème a déjà été évoqué, mais il vaudrait mieux y réfléchir dans le cadre du groupe de travail sur la fiscalité de l'épargne, qui procédera bientôt à la révision générale des prélèvements obligatoires. Des ajustements peuvent certainement intervenir, et celui qu'a suggéré M. le rapporteur général est particulièrement pertinent. Mais le moment n'est pas venu de trancher cette question.
Nous sommes extrêmement déçus par la réaction du rapporteur général et du ministre. Tout le monde s'accorde à reconnaître que notre législation pêche par défaut, puisqu'il est possible, sinon de plus en plus fréquent, de minorer ses revenus imposables pour profiter encore davantage du bouclier fiscal à 50 %, le gain étant d'autant plus important que les revenus imposables sont minorés.
Il ne me paraît donc pas raisonnable, monsieur le ministre, de renvoyer ainsi la décision à plus tard. Sans aller jusqu'à remettre votre sincérité en cause, comme l'a fait M. Brard, sans doute pour créer un effet oratoire, je souhaiterais obtenir de votre part une réponse plus claire. En admettant que le point doive être examiné dans le cadre d'une réflexion générale sur la fiscalité de l'épargne, on ne peut maintenir une telle possibilité de fuite, au regard des effets multiplicateurs que peut produire le bouclier fiscal à 50 %. La nécessité d'agir exclut toute réponse dilatoire. Nous vous demandons par conséquent de prendre des engagements plus fermes et plus convaincants.
Je suis saisi d'un amendement n° 91 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le soutenir.
L'amendement n° 91 vise à instaurer un impôt minimal pour chaque tranche du barème de l'impôt sur le revenu, ce qui aurait pour conséquence de neutraliser, de manière raisonnable, les effets du bouclier fiscal.
Tout à l'heure, M. de Courson a rappelé à juste titre que l'ISF bénéficiait, à l'origine, d'un double plafonnement, supprimé à l'occasion du plan Juppé, au cours de cet exercice toujours complexe qui consiste à équilibrer les prélèvements supplémentaires que l'on instaure. À l'époque, l'augmentation de 2 % de la CSG s'était accompagnée de la suppression du plafonnement. Les députés qui ont voté ce texte s'en souviennent probablement.
L'amendement n° 91 propose de revenir à l'esprit de cette mesure. Nous espérons que l'ouverture qu'il propose – qui vise, sans toucher à l'ISF, à limiter les effets du bouclier fiscal à 50 % sur son rendement – sera approuvée par le rapporteur et le ministre, et que nos collègues voteront l'amendement.
Défavorable.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 94 , 149 , 150 rectifié et 93 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l'amendement n° 94 .
Il est dommage, mes chers collègues, que vous n'ayez pas voté l'amendement n° 91 , qui, en proposant un plancher pour l'ISF, visait à apporter une première contrepartie au plafonnement de l'impôt. L'amendement n° 94 vise à établir le même dispositif pour l'impôt sur le revenu.
Nous sommes nombreux, pas seulement à la gauche de cet hémicycle, à être choqués quand quelqu'un qui perçoit un revenu élevé ne paie aucun impôt sur le revenu parce qu'il optimise les dispositifs fiscaux. Nous proposons donc, par cet amendement, de limiter la réduction maximale à 40 % de la base de l'impôt sur le revenu.
La commission a rejeté ces amendements. Je ne suis pas intervenu ce matin dans la discussion sur l'impôt minimal et le plafonnement des niches, mais, puisque nous examinons ces amendements, je souhaite à présent m'exprimer sur ce sujet.
Nous avons reçu du Gouvernement, et je l'en remercie, le rapport qu'il nous avait promis en juillet, quand nous examinions le projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Il analyse de manière extrêmement intéressante la possibilité – et la difficulté – d'instaurer un impôt minimal. Nous y avons souvent réfléchi au cours des dernières années, mais il s'avère que toutes les formules que l'on peut imaginer présentent de réelles difficultés.
La première solution qu'analyse le rapport, la plus simple, consisterait à appliquer aux revenus bruts, avant toute déduction, un taux de prélèvement forfaitaire, comme on le fait pour calculer la contribution sociale de solidarité des sociétés ou l'impôt forfaitaire annuel. Mais, si cette démarche offre l'avantage de la simplicité, il s'avère qu'elle n'atteint pas le but recherché. Beaucoup de contribuables déclarant percevoir des BIC, des BNC, voire des bénéfices agricoles ou tout simplement un salaire bénéficient de déductions réelles, liées à des charges professionnelles. Si on ne les prend pas en compte, l'impôt les pénalisera plus que ceux qui bénéficient de niches fiscales.
Une deuxième approche, que j'avais explorée il y a deux ans, est intellectuellement séduisante. Elle consiste, puisque l'impôt est plafonné par le mécanisme du bouclier fiscal, qui prévoit qu'on ne puisse pas acquitter un impôt supérieur à 50 % de son revenu, à instaurer un plancher. Celui-ci pourrait être déterminé par un quotient comparable, obtenu en divisant le revenu par le montant de l'impôt. Mais le rapport a le mérite de montrer que ce procédé n'atteindrait pas non plus sa cible, puisqu'il concernerait, pour deux tiers, des contribuables qui ne bénéficient pas de niches fiscales.
Le système adopté par le Canada ou les États-Unis est plus sophistiqué. L'impôt est calculé une première fois, en tenant compte de toutes les exonérations et déductions dont le contribuable peut bénéficier, puis une seconde fois sans ces réductions. Si l'impôt passe par exemple de 1 000 à 1 500, le contribuable doit s'acquitter de la différence, c'est-à-dire ici de 500, qualifiée d'impôt minimal. La difficulté dans ce cas, c'est que coexistent deux impôts sur le revenu différents, avec deux mécanismes de calcul. Ainsi, une trentaine d'années après sa création, à la fin des années soixante, cet impôt minimal a maintenant atteint ses limites aux États-Unis. Il est en cours de réforme car on a pris conscience que ce deuxième impôt sur le revenu rapportait progressivement plus que l'impôt « normal » et touchait d'abord les classes moyennes.
Je suis un peu long, mais ce point est fondamental.
Nous sommes donc revenus à l'idée que nous avions eu il y a quelques années consistant à regarder de plus près les niches fiscales…
…et à plafonner celles-ci. On trouve dans le rapport des éléments très intéressants sur ce sujet.
En réalité, il y a deux types de niches fiscales, et certaines d'entres elles ne devraient pas être qualifiées de niches. Ainsi, dans le rapport de 2003 qu'il consacre à ce thème, le Conseil des impôts considère-t-il que le quotient familial est une niche fiscale.
Bien sûr, le quotient familial fait partie intégrante du calcul de l'impôt sur le revenu.
Autre exemple, le livret A. Vingt quatre millions de Français détiennent un livret de caisse d'épargne défiscalisé. On ne peut pas dire non plus qu'il y ait là une véritable niche, car l'avantage individuel est très faible et concerne un très grand nombre de contribuables.
En revanche, si l'on s'intéresse de près à certaines niches, on constate que les montants moyens sont très importants alors que le nombre de contribuables concernés est très faible. La consultation de l'annexe 5 du rapport montre même qu'un certain nombre de niches ne sont pas plafonnées du tout.
Il faudrait donc commencer par introduire des plafonds là où il n'y en a pas. Même dans ce cas, monsieur le ministre – et je pense qu'il faut vraiment y venir –, nous ne ferons pas l'économie d'une sorte de « chapeau » général.
Nous avons tous à l'esprit certaines niches que je n'évoquerai pas. Je me bornerai à citer le cas d'une niche dont il a souvent été question ici : les SOFICA. Certes, un plafond est fixé, mais il est très élevé, et, de mémoire, l'avantage fiscal moyen pour le contribuable sur une SOFICA est de l'ordre de 50 000 euros. Il s'agit donc d'une niche extrêmement puissante.
Nous pouvons donc progresser en reprenant la démarche de plafonnement des niches fiscales.
Une décision du Conseil constitutionnel existe sur ce sujet –, j'en suis conscient. Je dois dire au président de la commission des finances et à l'opposition, qu'ils ne nous ont pas aidés en déférant, il y a deux ans, les dispositions relatives aux niches fiscales au Conseil constitutionnel. C'est, en effet, grâce – si je puis dire – à nos collègues de gauche que le plafonnement des niches a été annulé. Le Conseil souhaite que le système de plafonnement soit prévisible par le contribuable et intelligible. Nous devrons faire l'effort, dans les prochaines semaines, de proposer, de la façon la plus consensuelle possible – la commission des finances a là tout son rôle a jouer –, un dispositif de plafonnement des niches qui soit le plus simple possible. Or, pour être simple, il faut qu'il ne souffre aucune exception. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nos débats ne sont pas toujours organisés de la meilleure des manières. En voici à nouveau la démonstration !
En effet, nous avons déjà évoqué ce même sujet ce matin, nous y revenons et il réapparaîtra dans la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances.
Je souhaite, dans la logique des propos que je tenais ce main, que ces amendements soient retirés pour pouvoir être débattus sérieusement en seconde partie. La commission des finances doit pouvoir consacrer une réunion à ce sujet, constituer un groupe de travail réunissant l'ensemble des sensibilités politiques et procéder à certaines auditions pour approfondir le sujet, à partir du rapport qui nous a été présenté.
Le rapporteur général vient de s'exprimer. Depuis plusieurs années, nous abordons cette question sans arriver à rien de concret. L'objectif n'est pas seulement de parler de ce sujet, mais de formuler une proposition concrète, dont nous pourrions débattre en séance lors de l'examen de la seconde partie de ce projet de loi de finances.
Nous devrions par ailleurs éviter de nous faire les uns aux autres des procès fondés sur nos saisines respectives du Conseil constitutionnel. Nous l'avons tous saisi. Aux termes de notre Constitution, il dit le droit. Vous ne pouvez donc reprocher cette saisine à personne, à moins de vouloir proposer la suppression du Conseil. Or, personne – ou presque – ne va jusque-là.
Evitons donc d'utiliser cet argument, qui n'est pas du niveau de notre débat.
Je réitère ma proposition de convoquer la commission, d'ici la discussion de la seconde partie de ce projet de loi de finances, pour trouver une solution dans l'esprit que rappelait le rapporteur général. Nous verrons s'il est possible d'instaurer un plafond, que nous sommes nombreux à souhaiter. Peut-être des dispositifs de plafonnement de chacune des niches peuvent-ils être créés, dans un autre esprit d'ailleurs que celui des propositions précédentes. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que le dispositif qui nous avait été présenté par le précédent gouvernement avait été vidé de son contenu par un certain nombre d'amendements.
Les textes adoptés à ce égard était pratiquement inopérants et relativement incompréhensibles. Le Conseil constitutionnel les a donc jugés comme tels et nous a contraints, d'une certaine façon, à reprendre le sujet. Faisons-le sérieusement ! La question est éminemment politique. Nous pourrons nous exprimer les uns et les autres, mais de façon ordonnée, à partir d'un travail de fond opéré par notre commission des finances. Je demande donc à nouveau aux auteurs des différents amendements, que ce soient ceux du groupe socialiste ou ceux de M. Charles de Courson, de bien vouloir les retirer afin qu'ils puissent être examinés en seconde partie.
Les amendements nos 94 , 149 , 150 rectifié et 93 sont donc retirés.
Je suis saisi d'un amendement n°68 .
La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.
Les premières qualités de l'homme politique sont la cohérence et la ténacité.
Je tâche de m'y conformer et vous présente donc à nouveau un amendement qui parle de lui-même et qui propose simplement la suppression de l'ISF.
Cet impôt est totalement antiéconomique et nous coûte des dizaines d'entreprises par an qui émigrent ou sont livrés à des mains étrangères. Je rappelle que cet impôt est dû par les seuls résidents. On donne donc un superbe atout aux investisseurs étrangers qui se paient des entreprises françaises, pour parfois les démembrer, sans payer cet impôt, contrairement aux actionnaires français résidents.
Cet impôt qui devait rapporter 35 milliards d'euros, en rapporte 4 aujourd'hui, et il nous a coûté 110 à 120 milliards, selon les estimations, en fuite de capitaux, qui ne sont donc pas investis en France. J'ajoute qu' il vient de tuer à nouveau une entreprise française, Business Objects, pourtant une jeune pousse virulente, vendue en Belgique puis rachetée par une entreprise américaine. C'est fabuleux de bêtise et de sottise.
Le coût de l'ISF n'est pas non plus négligeable en termes de collecte, puisque des dizaines, voire des centaines, de fonctionnaires s'y consacrent.
J'ai eu la chance ce matin de rencontrer des banquiers suédois lors d'un petit-déjeuner.
En Suède, le gouvernement socialiste a supprimé tous les droits de succession et tous les impôts sur la fortune ! Eux ont compris les mécanismes de l'économie et le caractère antiéconomique de cet impôt.
Monsieur le ministre, lorsque nous suivons l'évolution des investissements, nous constatons une atonie, car, dans ce pays, la fiscalité commande les investissements.
J'évoquais hier, lors de la discussion générale, la taxation sur la valeur ajouté, mais, avec l'ISF, on fait fuir les capitaux hors de France. Bien sûr, on peut se targuer d'être premier investisseur en Bulgarie ou en Roumanie, mais ce qui me soucie, monsieur le ministre, c'est ce qui se passe dans notre pays. Je vous rappelle que les investissements d'aujourd'hui sont les emplois de demain.
Je serai moins gourmand que M. Myard en évoquant mon amendement n° 12 , qui vise à instaurer le système du quotient familial pour le calcul de l'ISF, tel qu'il existe déjà pour l'impôt sur le revenu. Avec l'impôt sur le revenu, un couple bénéficie toujours d'un double plafond. Si le plafond est fixé à 10 000 euros pour une personne seule, il est de 20 000 euros pour un couple. Pour le calcul de ses impôts, un couple bénéficie de deux parts, permettant d'établir une moyenne entre les deux revenus, qui peuvent parfois être d'un montant inégal.
Pour l'ISF, rien de tout cela ! L'imposition se fait par foyer, qu'il soit composé d'une ou de plusieurs personnes. Je prendrai un exemple simple. Deux personnes ayant chacune un patrimoine de 500 000 euros ne seront pas assujetties à l'ISF si elles ne sont ni mariées, ni pacsées, car aucune ne dépasse le plafond de 760 000 euros.
Soumis à déclaration commune, ce couple devra payer l'ISF.
Ce qui est en jeu ici, c'est une vieille doctrine fiscale, qui veut que l'impôt soit toujours plus favorable quand une personne est mariée, ou maintenant pacsée, que lorsque elle est célibataire. C'est le coeur, l'essence du système du quotient familial. Or, pour l'ISF, on peut, du fait de ce mécanisme d'imposition par foyer, avoir fiscalement intérêt à ne pas être marié.
Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous donniez votre position sur cette tradition fiscale. Voulez-vous que la politique fiscale continue d'être un soutien à la politique familiale ? A l'heure où tant de couples se séparent…
…ou ne formalisent plus leur union, la rendant ainsi plus fragile, je pense que cette politique fiscale d'incitation à la stabilité des unions a encore toute sa pertinence.
La commission a rejeté ces deux amendements. En ce qui concerne l'ISF, nous avons pris en priorité un ensemble de mesures destinées à préserver nos entreprises et nos emplois, car c'était essentiel. Désormais, les actionnaires qui s'engagent à garder leurs actions pendant au moins cinq ans bénéficient d'un abattement de 75 % sur l'ISF. Par ailleurs, le projet de loi TEPA a prévu le même abattement pour ceux qui investissent en fonds propres dans une PME. On peut donc considérer que la question de l'ISF est réglée pour les entreprises – elles le confirment elles-mêmes. Nous n'aurons plus à déplorer de ventes ou de délocalisations dues à l'ISF, comme nous en avons malheureusement trop longtemps connu.
S'agissant de la résidence principale, nous avons également progressé puisque, toujours dans le cadre du projet de loi TEPA, l'abattement a été porté de 20 % à 30 %. J'estime, pour ma part, que nous sommes parvenus à un point d'équilibre et qu'il n'y a pas lieu de renforcer le dispositif d'exonérations. Je demande donc à M. Myard et à M. Tardy de retirer leurs amendements. Les progrès réalisés ces dernières années ont permis de régler l'essentiel des problèmes. Tenons-nous en là.
Comme le rapporteur général, je demande à M. Myard et à M. Tardy de retirer leurs amendements. Il s'agit d'un débat récurrent et, dans le cadre du projet de loi « Travail, emploi et pouvoir d'achat », le Gouvernement a beaucoup travaillé sur le sujet. Ainsi, en ce qui concerne la résidence, les modalités de l'abattement ont été étendues et il est désormais permis de déduire de l'ISF à hauteur de 50 000 euros les sommes investies dans les PME. Bref, beaucoup a été fait pour rendre cet impôt plus juste et plus supportable.
Par ailleurs, le quotient familial ne peut pas s'appliquer à l'impôt sur la fortune, qui n'est pas un impôt sur le revenu. Cette question, qui a été largement débattue, a été tranchée par les instances juridiques de notre pays.
Monsieur Myard, écoutez donc le ministre et le rapporteur général. « N'exagérez pas ! vous disent-ils. Nous avons déjà fait beaucoup et cela risque de devenir visible. Laissez le Gouvernement avancer benoîtement et attendez que les élections municipales soient passées. » Comme la TVA sociale, l'ISF est un gros mot.
En fin de compte, vous nous faites regretter Alain Juppé, monsieur Woerth. Lui, avait fait adopter un plafonnement du plafonnement de l'ISF.
M. Myard nous dit que, dans sa forme actuelle, l'ISF nous coûte des dizaines d'entreprises chaque année.
On entend ce discours depuis des années, mais que l'on nous donne une liste…
…que nous puissions examiner ensemble. Je vous propose d'ailleurs de créer une commission d'enquête sur le sujet.
L'OCDE n'est pas une assemblée élue, chère collègue. Une commission d'enquête parlementaire nous conférerait des pouvoirs d'investigation, mais le Gouvernement ne souhaite pas que les députés puissent exercer leurs talents et lever le coin du voile sur l'obscénité des grandes fortunes.
Je suis très étonné, monsieur Myard. Vous qui, habituellement, défendez le patriotisme,…
…qui sont les mêmes que ceux dont Danton disait : « Qu'ils partent, ils n'emporteront pas la patrie à la semelle de leurs souliers ! » Comment se fait-il, monsieur Myard, que vous souteniez ceux qui détalent avec leurs pépites ?
Il faut prendre des mesures coercitives qui permettent à la nation de se défendre. Parmi ces personnes, on compte des « talents », comme le Gouvernement les appelle : Johnny Halliday ou des footballeurs illustres qui ne doivent leur réputation qu'au fait de jouer en équipe nationale – mais pourquoi les autorise-t-on à jouer en équipe nationale quand ils sont domiciliés à l'étranger ?
La France est, selon les sources, la deuxième ou la troisième destination des investissements étrangers. Il n'est donc pas sérieux de prétendre que notre fiscalité serait dissuasive. J'attends de vous, monsieur Myard, que vous nous proposiez des mesures qui permettraient de faire rendre gorge à ceux qui trahissent la France.
Je suis saisi d'un amendement n° 12 .
La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.
Monsieur le ministre, dans une société en manque de repères, la politique familiale doit être au coeur de notre politique fiscale, y compris pour ce qui concerne l'ISF. J'espère que vous en tiendrez compte lors de notre prochain débat.
Pour ne pas mettre d'huile sur le feu, je retire mon amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je voudrais tout d'abord remercier nos collègues d'avoir permis ce débat. Je rappelle à M. Myard que, en Suède, le Gouvernement n'est plus social-démocrate depuis quelque temps : ceci explique peut-être cela.
Par ailleurs, si les Suédois ont pu supprimer cet impôt, c'est parce que leurs finances publiques sont en bonne santé, ce qui n'est pas le cas chez nous. Enfin, et surtout, je déduis des propos de M. le rapporteur général, qui nous a indiqué que le problème de l'exode fiscal était réglé, que plus aucune loi de finances ni aucun collectif ne comporteront de dispositions visant à réduire encore l'assiette de l'ISF.
Et ne réécrivez pas l'histoire suédoise, monsieur Cahuzac : c'est bien un gouvernement socialiste qui a supprimé l'ISF en Suède, car les socialistes suédois, eux, sont intelligents.
J'en viens à l'amendement n° 69 .
Le fait que la résidence principale soit comprise dans le calcul de l'assiette de l'ISF apparaît comme une injustice totale à nombre de nos concitoyens. Je connais en effet des personnes très modestes qui sont propriétaires et qui, après le décès de leur conjoint par exemple, se retrouvent assujetties à l'ISF à cause de la réévaluation immobilière.
Je demande donc, au nom de la justice, que la résidence principale soit supprimée du calcul de l'ISF. Cet amendement clair est attendu de nos concitoyens.
Non, je suis député du 16e sud, et les archiduchesses vivent dans le nord de l'arrondissement. (Sourires.)
Comme je vous l'ai dit l'année dernière, monsieur Brard, les prix des terrains augmentent aussi à Montreuil, et même dans des proportions plus importantes que dans le 16e arrondissement.
Je vous mets donc en garde contre le changement de votre électorat, car, quand je visite Montreuil, je vois à quel point les promoteurs immobiliers y construisent. Je vous félicite d'ailleurs pour votre esprit d'initiative, car je souhaiterais que le maire de Paris en fasse autant.
Mais méfiez-vous, car, bientôt, Montreuil fera partie de la ceinture bleue qui entoure Paris…
…et vous serez surpris de voir ses habitants assujettis à l'ISF.
Je veux bien que l'on tienne à cet impôt pour des raisons idéologiques, mais je ne comprends pas que l'on veuille maintenir la résidence principale dans son assiette, alors que l'augmentation des prix est due à la spéculation et que les propriétaires n'y sont pour rien. Au reste, c'est bien souvent au moment de l'héritage que l'on s'aperçoit de la valeur d'un bien. L'ISF, en raison de son caractère rétroactif, frappe alors durement les héritiers, qui se trouvent parfois contraints de vendre le bien. Il ne s'agit pas d'idéologie, mais de justice fiscale. Peut-on continuer à imposer des gens qui ont acheté, il y a trente ou quarante ans, un appartement qu'ils ont rénové et dont le prix a augmenté dans d'importantes proportions en raison de la spéculation foncière ?
Dans sa grande sagesse, le Gouvernement a décidé, comme l'avait souhaité le Président de la République, de porter l'abattement à 30 %. Je l'invite à continuer dans la bonne direction. Ne vous arrêtez pas en si bon chemin, monsieur le ministre, et pensez à ce pauvre M. Brard, dont la circonscription va bientôt être touchée.
Puis-je considérer, monsieur Goasguen, que vous avez également défendu l'amendement n° 21 ?
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 181 .
Cet amendement vise à plafonner l'abattement sur la valeur de la résidence principale à un montant indexé sur celui du revenu minimum d'insertion. Le problème du mal-logement reste malheureusement d'actualité. Certes, la misère n'est pas aussi dramatique que dans les années cinquante, car notre pays s'est enrichi. Mais les associations qui viennent en aide aux plus démunis se font l'écho de la situation dramatique que vivent plusieurs dizaines de milliers de familles, situation d'autant plus insupportable que la France vit globalement mieux.
Beaucoup reste à faire pour que chacun dispose d'une habitation digne de ce nom : 100 000 personnes n'ont pas de domicile, autant de personnes vivent en camping ou dans un mobil-home toute l'année, plus de 500 000 vivent dans des meublés, 1 million dans des logements exigus et fortement surpeuplés selon les normes de l'INSEE et 1 million encore ne disposent pas du confort de base.
Dans ce contexte, il serait indécent de ne pas plafonner l'abattement sur la valeur de la résidence principale.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 180 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Monsieur le président, je n'ai pas repris la parole tout à l'heure pour ne pas rallonger le débat, mais je souhaiterais répondre à M. Goasguen, qui m'a quasiment mis en cause personnellement.
Comme l'a dit Jean-Claude Sandrier, nous ne sommes pas favorables à un relèvement du taux d'abattement sur la résidence principale pour le calcul de l'ISF, mais à la mise en place d'un abattement forfaitaire. Tandis que vous souhaitez avantager les propriétaires d'hôtels particuliers, nous voulons, nous, favoriser les petits propriétaires. L'ISF, dans sa forme actuelle, pourrait être beaucoup plus juste si son assiette était élargie et son taux diminué. Mais vous ne voulez pas en entendre parler, car vous avez une idée derrière la tête…
S'agissant de l'amendement n° 180 , depuis que la droite est revenue au pouvoir en 2002, exonérations, abattements, réductions et autres allégements de l'ISF se sont multipliés. Comme, pour des raisons politiques, vous ne pouvez pas le supprimer – en tout cas, pas avant les municipales –, vous essayez de le vider de sa substance. Pour conserver à cet impôt son « dynamisme » – comme on dit dans le jargon –, il faudrait plutôt, je viens de le dire, en élargir l'assiette et supprimer les niches fiscales.
Dans un souci de justice, d'équité et de transparence, cet amendement vise à inclure les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, tout en maintenant, comme j'ai souvent eu l'occasion de l'expliquer, des conditions d'exonération.
À l'époque, il avait en effet fallu une deuxième délibération pour annuler le fruit de la sagesse de l'Assemblée.
Les exonérations proposées préservent la création contemporaine et protègent même les propriétaires qui présentent les oeuvres d'art au public.
Par ailleurs, monsieur Woerth, vous qui prétendez poursuivre la fraude fiscale, inclure les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF permet de les faire sortir de l'obscurité ! Car le commerce de ces oeuvres, s'il ne sert pas qu'à cela, permet aussi de blanchir l'argent sale en toute impunité.
Monsieur Bouvard, je ne dis pas qu'à chaque fois qu'un Picasso fait l'objet d'une transaction, les chefs des réseaux de prostitution de la mafia russe en sont à l'origine ! Quand je parlais de la mafia russe tout à l'heure, M. Woerth faisait semblant de ne pas comprendre…
Je reviens à mon sujet, monsieur le président – encore que je ne m'en éloignais pas tant que cela.
Il s'agit donc d'un amendement culturel…
Oui, comme Rembrandt !
C'est un amendement culturel, disais-je, puisqu'il propose d'exonérer les oeuvres d'art présentées au public, et c'est un amendement contre la fraude. Si vous voulez accorder vos actes à vos paroles, donnez-nous satisfaction !
rapporteur général. Défavorable.
Comme il l'a dit lui-même, M. Brard présente régulièrement cet amendement. Je lui rappelle que les oeuvres d'art ont été exclues de l'impôt sur les grandes fortunes dès sa création en 1982, afin de protéger le marché de l'art et la production artistique.
Défavorable également.
Je suis saisi d'un amendement n° 253 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le soutenir.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 219 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le soutenir.
L'avis de la commission et du Gouvernement est défavorable ?
Je mets aux voix l'amendement n° 219 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'avis de la commission et du Gouvernement est défavorable ?
Je mets aux voix l'amendement n° 221 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement no 79 rectifié .
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour le soutenir.
Défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 79 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 19 .
La parole est à M. Claude Goasguen, pour le soutenir.
Souvent, l'on parle de l'inflation en des termes positifs et, parfois, le Gouvernement indexe – à juste titre – certains dispositifs sur elle. Je suggère que l'on tienne également compte de la spéculation pour indexer les bases d'imposition. L'amendement n° 19 vous propose de faire un effort et de porter le seuil d'imposition à l'ISF de 700 000 à un million d'euros.
Je voudrais rappeler à mes collègues du Gouvernement – ou, plutôt, mes collègues de la majorité…
Il est plutôt rétroactif – pour le moment, en tout cas…
Je voudrais donc leur dire que, lors de la campagne présidentielle, je n'avais pas eu le sentiment d'avoir affaire à des conceptions si étroites – et ce n'était pas dans les dispositions du Président de la République, me semble-t-il. Il est vrai que les textes de campagne étaient ambigus, mais j'avais néanmoins cru comprendre que nous allions dans la direction souhaitée par M. Brard… – à ce propos, je note avec plaisir que ce dernier défend M. Juppé, lequel sera, je l'espère, averti au plus tôt de ce nouveau soutien ; il pourra lui être utile à Bordeaux, bientôt !
La tendance était donc plutôt à vouloir améliorer un impôt économiquement absurde et profondément injuste.
Si l'on pouvait vous entendre ! Mais je n'en suis même pas sûr… Monsieur le ministre, puissiez-vous écouter M. Brard qui réclame à cor et à cri d'abattre enfin cet impôt injuste !
Nous serions davantage dans la ligne du Président de la République si nous faisions dès maintenant cet effort.
Défavorable aussi.
Je suis saisi d'un amendement n° 220 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le soutenir.
Monsieur le président, nous avons déjà abordé la question de la réduction de l'assiette de l'ISF par investissement dans une entreprise. Je considère donc cet amendement comme défendu.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 13 .
La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.
Monsieur le président, la loi « TEPA » donne la possibilité aux contribuables assujettis à l'ISF d'en déduire les investissements réalisés dans les PME, sauf pour le chef d'entreprise qui investit dans sa propre société. L'amendement n° 13 est un amendement de cohérence. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'amendement n° 13 a pour objet d'admettre au bénéfice de la réduction de l'ISF la souscription au capital d'une société dans laquelle le redevable, son conjoint, son partenaire lié par un PACS ou son concubin notoire bénéficie d'un régime d'exonération de l'ISF au titre des biens professionnels.
Le Gouvernement est sensible à cette proposition qui vise à renforcer l'effet incitatif d'une mesure déjà adoptée en encourageant les entrepreneurs à investir dans leur propre société. Toutefois, la rédaction proposée ne permet pas de prévenir le risque d'optimisation fiscale lié à ce type d'investissement. Cet amendement ne peut donc recueillir un avis favorable en l'état.
Le sous-amendement du Gouvernement a pour objet d'accorder aux dirigeants d'entreprise éligibles au régime des biens professionnels, qui investissent dans leur propre société, le bénéfice de l'avantage fiscal accordé aux autres souscripteurs, sous réserve que les sommes restent investies dans la PME pendant une durée d'au moins cinq ans. Le remboursement des apports aux souscripteurs pendant un délai de cinq ans entraînerait ainsi la remise en cause de la réduction de l'ISF, à l'instar du régime applicable à la réduction de l'impôt sur le revenu pour souscription au capital d'une PME.
rapporteur général. Nous avons déjà abondamment débattu de ce sujet à l'occasion de la discussion du projet de loi « TEPA ». À l'époque, nous avions voulu prendre des précautions et, notamment, interdire aux dirigeants qui, détenant plus de 25 % des actions, sont réellement maîtres de leur entreprise – c'est la clause du cercle familial dont nous parlions ce matin – la possibilité d'investir un patrimoine constitué d'éléments extérieurs à cette entreprise dans des actions qui sont considérées comme des biens professionnels, donc exonérées d'ISF.
Si ce dispositif se comprend fort bien du point de vue fiscal, il tend à aller à l'encontre du bon sens économique, puisqu'il permet d'investir en franchise partielle d'ISF dans l'entreprise de ses collègues, voire de ses concurrents, mais pas dans la sienne. Assurément, cela pose problème !
L'adoption du sous-amendement du Gouvernement à l'amendement de MM. Tardy et Cosyns permettrait d'éviter cet écueil puisque celui qui investirait dans sa propre entreprise en franchise d'une partie de son ISF serait obligé de laisser son apport durant cinq ans au moins avant d'être remboursé. Le sous-amendement du Gouvernement étant tout à fait légitime, c'est sous réserve de son adoption que la commission est favorable à l'amendement n° 13 .
Nous étions déjà un peu surpris de l'amendement de M. Tardy. Nous sommes encore plus surpris du sous-amendement du Gouvernement. Nous considérons en effet qu'il en est de l'impôt de solidarité sur la fortune comme de tout impôt : on le paie ou on ne le paie pas, mais on ne l'investit pas ! Dans un tel cas de figure, un rendement sur investissement ne nous semble pas une chose correcte. Nous souhaitons, comme Didier Migaud, avoir un jour un débat de fond sur l'impôt de solidarité sur la fortune, mais nous constatons d'ores et déjà que vous ne cessez de modifier son régime : cet amendement en est une nouvelle preuve. Je le répète : il n'est pas correct de se verser un impôt à soi-même.
Chacun, avant de voter, doit mesurer la portée de son geste, car loin d'être un simple amendement de cohérence, …
…cet amendement vise de fait à accroître très sensiblement les possibilités de s'exonérer de l'ISF, pour des chefs d'entreprise qui sont déjà exonérés au titre des biens professionnels.
C'est pourquoi je tiens à insister sur la véritable dimension de cet amendement : loin d'être, je le répète, un amendement de cohérence, c'est une nouvelle disposition visant à remettre en cause le régime de l'ISF.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 299 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Oui, monsieur le président.
La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a créé une distinction entre les fondations reconnues d'utilité publique et les associations de même nature. Cet amendement vise à rétablir l'égalité de traitement entre les fondations et les associations.
Je tiens à rappeler qu'un amendement allant dans le même sens avait été déposé par Michel Bouvard précisément à l'occasion de l'examen du projet de loi TEPA et qu'en dépit de l'avis favorable du rapporteur général, il avait dû le retirer en raison de remarques inexactes, laissant accroire que les associations reconnues d'utilité publique ne sont pas créées par décret. En fait c'est la reconnaissance d'utilité publique qui est reconnue par décret. L'adoption de cet amendement permettrait à des associations de bénéficier des mêmes avantages que les fondations – je pense notamment à AIDES, l'Alliance française, la SPA, Action contre la faim, Les Familles de France, les Francas, la Fédération des familles orphelines, Les Paralysés de France, Les Restos du coeur, pour n'en citer que quelques-unes.
Louis Cosyns vient de rappeler que Marc Le Fur et moi-même avions déjà déposé un amendement similaire lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat dont l'adoption a effectivement rompu l'égalité de traitement fiscal entre les fondations reconnues d'utilité publique et les associations de même nature.
On s'était alors interrogé, du reste de façon tout à fait légitime, monsieur le ministre, sur le très grand nombre d'associations reconnues d'utilité publique, en en tirant argument pour nous demander de retirer notre amendement. Cela étant, le fait que l'utilité publique fait l'objet d'une reconnaissance officielle par l'État montre bien que certaines associations poursuivent des objectifs similaires à ceux des grandes fondations – je pense notamment à des associations collectant des fonds pour la recherche médicale. Telle est la raison pour laquelle il serait logique qu'elles puissent accéder aux mêmes ressources financières, en ayant, demain, la possibilité de récupérer une partie de l'ISF.
Favorable.
Michel Bouvard doit en effet se rappeler le débat qui avait eu lieu en commission mixte paritaire sur le sujet : nous avions alors tous reconnu que le fait que les associations reconnues d'utilité publique ne puissent pas bénéficier du même dispositif que les fondations de même nature posait un problème.
L'exposé des motifs initial de l'article 6 du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat indique qu'outre l'investissement au capital des PME, « dans le but de soutenir l'effort en faveur de la recherche et de l'insertion des personnes », le dispositif d'investissement de l'ISF « serait étendu aux entreprises d'insertion ou aux oeuvres d'intérêt général comme la recherche ou les universités. »
Monsieur le ministre, il est incohérent que les fondations oeuvrant dans le domaine de la recherche et de l'insertion puissent bénéficier d'un dispositif dont ne profitent pas les associations reconnues d'utilité publique dans ces mêmes domaines. Il s'agit donc de rendre cohérent le dispositif.
Je ne pense pas qu'il faille élargir le dispositif prévu dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, car le Gouvernement souhaite que la cotisation d'ISF soit investie avant tout dans le capital des PME, le dispositif ayant été créé pour doper la croissance. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité l'étendre aux seules fondations reconnues d'utilité publique. Si vous voulez aller plus loin, il conviendrait, avant le passage du texte au Sénat, de prendre le temps de déterminer les associations reconnues d'utilité publique pouvant bénéficier de l'élargissement du dispositif car s'il était étendu à toutes, couvrant trop d'associations, il perdrait toute son efficacité.
En tout cas, cet amendement coûterait moins cher que l'amendement n° 13 que la majorité vient d'adopter !
Je le retire du fait que vous acceptez, monsieur le ministre, de réexaminer le champ de reconnaissance d'utilité publique. Mais nous comptons sur vous !
C'est avec une grande force que je tiens à défendre cet amendement qui vise à revenir sur une disposition inadmissible de notre code général des impôts, à savoir que l'impôt de solidarité sur la fortune est soumis à un droit de reprise de dix ans. C'est un cas exceptionnel que rien ne justifie.
S'agit-il de frapper les portefeuilles des duchesses, comme dirait le maire de Montreuil ? Non, puisque les duchesses, comme les PDG, louent les services d'experts-comptables et d'avocats…
…et disposent d'informations qui leur permettent de savoir en temps utile s'ils sont soumis ou non à un impôt dont l'assiette a la caractéristique d'être parfaitement aléatoire. En revanche, lorsqu'on n'est ni duchesse ni PDG, mais qu'on appartient simplement aux classes moyennes urbaines, on court le risque de ne pas savoir si on a passé la barrière fatidique des 760 000 euros de patrimoine. On regarde Le Point ou L'Express dont les évaluations immobilières ne coïncident jamais, si bien qu'on est condamné à s'en remettre à son flair ! De plus, comme il s'agit d'un impôt déclaratif, on peut être soumis à tout moment à un contrôle fiscal, surtout lorsque le bien est évalué dans le cadre d'une succession. Et voilà le droit de reprise qui peut être appliqué sur dix ans !
Chers collègues, soyons sérieux ! Alors que je suis favorable au réexamen de certaines niches fiscales, ne serait-il pas temps de mettre fin à ce qui représente une véritable niche fiscale à l'envers ? C'est une épée de Damoclès suspendue au-dessus des membres des classes moyennes qui ont commis l'erreur de ne pas avoir suffisamment d'argent pour en donner à des entreprises, à des universités ou à des fondations et qui ont cru de façon assez primaire qu'il est nécessaire d'acheter leur appartement pour le transmettre à leurs héritiers. Quel acte subversif, terroriste, même ! (Sourires.) Montrons-nous indulgents avec les donations aux entreprises, mais surveillons avec zèle ceux qui veulent transmettre un patrimoine à leurs enfants ! Il s'agit, je le répète, d'une niche fiscale à l'envers : un droit de reprise aussi long est un désavantage absolu !
Une telle rétroactivité n'a aucune justification sociale et cet amendement n'est qu'une mesure d'équité visant à réparer une injustice.
Voilà des années que nous réclamons la diminution de la durée de la rétroactivité du droit de reprise et, systématiquement, le Gouvernement, alors que tout cela ne rapporte rien, s'enferme dans une rigidité inacceptable. C'est la raison pour laquelle je dépose cet amendement.
Même avis.
Naturellement, monsieur le président. Ce qui se passe justifie une suspension de séance dont d'autres groupes pourraient profiter utilement. La discussion prend en effet une tournure peu digne, en tout cas peu sérieuse. Nous avons pu constater avec quel enthousiasme le Gouvernement a accepté l'amendement n° 13 , modifié par ses soins par le sous-amendement n° 299 . On a bien senti alors la gêne des uns et des autres ; c'est qu'on ignore totalement le coût des mesures adoptées.
Il n'y a pas de coût !
Dispositions votées quelques instants à peine après que le rapporteur général a lui-même expliqué que la question de la réduction de l'assiette de l'ISF était réglée et qu'il n'y aurait plus d'exode fiscal. Malgré cela, j'insiste, l'Assemblée nationale vient d'adopter un sous-amendement dont on ignore complètement la portée.
On passe ainsi de l'impôt à l'impôt choisi et maintenant de l'impôt choisi à l'impôt que l'on se verse à soi-même ! Une pause paraît donc nécessaire, aussi notre groupe demande une suspension de séance d'un quart d'heure.
D'abord il n'est ici aucunement question d'enthousiasme, monsieur le député ! Le Gouvernement a présenté un sous-amendement qui a toute sa cohérence. Je souligne que les dispositions qu'il contient ne génèrent pas de coût puisqu'il s'agit d'un investissement qui aurait été réalisé de toute façon, que ce soit dans sa propre entreprise ou dans une autre. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Après l'article 9
La séance est suspendue pour dix minutes.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.)
On a bien compris que ce qui s'est passé, encore une fois, ne fait pas honneur aux débats auxquels nous nous efforçons de participer avec dignité depuis le début de l'examen du projet de loi de finances.
D'abord, il nous a été répondu que les dispositions de l'amendement n° 13 , modifié par le sous-amendement n° 299 , ne coûteraient rien. Dès lors, pourquoi cette mesure était-elle gagée et pourquoi a-t-il fallu lever le gage ? Ensuite, on passe d'un concept d'impôt choisi à un impôt choisi qu'on se verse à soi-même, ce qui n'est absolument pas raisonnable. Quant à l'argument qui consiste à soutenir que les investissements en question auraient de toute façon été réalisés ailleurs, il prouve bien l'inutilité de cette disposition !
Enfin, si cette disposition était maintenue – mais l'on peut compter, je l'espère, sur l'examen du texte au Sénat, ou sur la deuxième lecture, voire sur la commission mixte paritaire pour qu'elle ne le soit pas –, on peut envisager un exemple, qui désormais ne serait plus caricatural : il suffirait de créer une entreprise unipersonnelle et de verser au capital de cette entreprise, pour une durée de cinq ans, la somme dont on était redevable au titre de l'ISF pour qu'il ne se passe plus rien.
Tout cela n'est absolument pas raisonnable. J'espère vraiment, mes chers collègues, que nous aurons l'occasion de revenir sur cette disposition qui a été adoptée, comment dirais-je, presque par surprise. J'ose vraiment espérer que la chose ne restera pas en l'état. Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir accordé cette occasion de le rappeler.
Merci, monsieur le président. Le fait que vous nous donniez la parole est certainement de nature à apaiser le débat.
Vous savez, monsieur le président, et c'est très important pour le déroulement de nos débats, à l'évidence, une partie de la majorité a été prise par surprise. Le Gouvernement, lui, n'a pas été surpris, puisqu'il avait préparé un sous-amendement. C'est donc à un coup monté que nous avons assisté. Et la majorité a ses extrémistes. Au moment de la loi sur l'immigration, il y a eu l'amendement Mariani instaurant les tests ADN. Et là, il y a l'amendement Tardy.
C'est très intéressant. Vous prétendez, monsieur le ministre, combattre la fraude. Mais vous n'êtes pas assez précis dans votre vocabulaire. Car ce n'est pas exactement cela. Avec ce que vous venez de faire voter, vous fléchez la fraude, vous l'organisez, vous la légalisez. Comme diraient certains collègues de la majorité – mais je ne veux pas les citer, pour qu'ils puissent s'exprimer eux-mêmes –, une fois que la cotisation de l'ISF est établie, elle appartient aux deniers publics. Or vous, vous organisez les choses pour que quelqu'un, conseillé par quelque conseiller fiscal, crée une structure pour siphonner l'ISF. Comme le disait notre collègue Cahuzac, on peut ainsi décider de se reverser à soi-même la cotisation de l'ISF, par un montage certes habile, mais qui ne nécessite pas non plus un très grand professionnalisme.
Vous voyez, j'évoquais M. Bur et son expérience de la dévitalisation. Eh bien vous, c'est ce que vous continuez à faire avec un aplomb et un cynisme qui, s'il ne s'agissait pas d'un sujet aussi grave, finiraient par forcer l'admiration. Vous arrivez à un niveau d'expertise et de compétence dans cette perversion qui est tout à fait choquant.
On aura noté la réaction de certains de nos collègues, celle une fois encore, de M. Bouvard, dont on connaît la rectitude, la moralité – il sait que ce n'est pas là un propos de circonstance –, et les hésitations de notre collègue Chartier, qui est le chef de file de l'UMP pour ce débat, et qui connaît le sujet dont nous parlons. À l'évidence, certains de nos collègues ont été emportés par le discours, et n'ont pas fait preuve de beaucoup de prudence.
Je voudrais faire quelques rappels sur ce sujet, dont nous avons discuté à l'occasion de l'examen de l'article 6 du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Il n'y avait dans cette loi aucune disposition particulière limitant l'investissement dans les PME de sommes dues au titre de l'ISF. Pourquoi ? Parce que tout le monde est bien d'accord sur l'objectif : étant donné que, de l'avis général, les PME souffrent d'un manque de fonds propres, il convient de favoriser le développement de ceux-ci. J'observe qu'en 1999, quand nos collègues de l'opposition ont minoré le taux de l'impôt sur les sociétés au bénéfice des PME, c'était dans le but que, l'État prélevant une partie plus faible des résultats de l'entreprise, ceux-ci puissent plus facilement être réinvestis en fonds propres. L'objectif est donc parfaitement sain, et tout le monde le partage.
C'est moi qui ai introduit par amendement dans le projet de loi TEPA, en juillet dernier – et nous avons beaucoup discuté de ce sujet en commission –, une disposition qui s'appuyait sur la fameuse clause des 25 % dont je parlais ce matin. Lorsque le cercle familial détient plus de 25 % du capital de l'entreprise, lorsqu'un membre de ce cercle familial est assujetti à l'ISF à un autre titre que l'entreprise – il peut en effet payer l'ISF sur d'autres éléments de patrimoine – et lorsqu'il a le pouvoir dans l'entreprise, il ne peut pas y investir une partie du montant de l'ISF. C'est moi qui ai introduit ce dispositif.
Mais il s'est avéré très rapidement que cette disposition avait quelque chose d'un peu illogique. J'ai été le premier à être confronté, durant cet été, à des observations, tout à fait sincères et de bon sens, de chefs d'entreprise qui soulignaient l'illogisme qu'il y a à ce qu'il soit permis d'investir dans les fonds propres de la PME de son concurrent mais pas dans les fonds propres de sa propre entreprise.
Nous avons réfléchi à la manière dont on pourrait lever cette contrainte. Ce que nous a proposé le Gouvernement, à partir de l'amendement de Charles de Courson – avec qui j'ai souvent discuté, cet été, de ce sujet – c'est d'imposer une vraie contrainte : d'une part, il faut que les fonds soient placés pendant au moins cinq ans, et d'autre part, il ne doit pas y avoir de remboursement des apports pendant ces cinq ans. Si l'entrepreneur investit 100 000 euros, ceux-ci resteront bloqués dans l'entreprise pendant au moins cinq ans, ils ne pourront pas être diminués par le biais d'un remboursement.
Nous ne découvrons pas le dispositif. Nous l'avons voté au mois de juillet, et par cet amendement, nous tentons de répondre à une question qui a été posée à de très nombreuses reprises : comment se fait-il que cette disposition qui va dans le bon sens, celui du développement des fonds propres des entreprises, ne puisse pas jouer pour sa propre entreprise ? Je rassure M. Cahuzac, nous n'avons pas découvert ce dispositif cet après-midi, nous y réfléchissons depuis déjà un certain temps.
Jean-Pierre Brard ayant dit que cet amendement et ce sous-amendement avait suscité en moi des hésitations, je voudrais éclaircir la position du groupe UMP et la mienne.
Tout d'abord, le groupe UMP soutient cet amendement et ce sous-amendement. De quelle démarche procède-t-il ? Chacun sait que la France compte plus d'entreprises de deux ou trois salariés que la moyenne des pays occidentaux, mais moins d'entreprises de 10 à 150 salariés. S'agissant des entreprises de 20 à 50 salariés, qui constituent en principe le tissu des PME de tous les pays occidentaux, leur nombre est en France de 49 % inférieur à la moyenne. Par conséquent, il faut encourager les PME. La mesure contenue dans le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat était une très bonne mesure, car elle incitait les personnes qui acquittent l'impôt de solidarité sur la fortune à investir dans les PME françaises.
Gilles Carrez, comme il l'a rappelé, avait proposé ce dispositif pour que l'investissement aille en priorité vers les autres entreprises, qui en ont besoin, plutôt que vers sa propre entreprise. Mais à quelle situation sommes-nous confrontés ? A une situation dans laquelle on peut aider l'entreprise du voisin mais pas la sienne propre. Chacun en conviendra, il peut être assez difficile de comprendre que l'on ne puisse pas s'aider soi-même alors que l'on en a véritablement besoin.
Cela étant, mais je m'exprime ici à titre personnel, je serais particulièrement sensible à ce que le Gouvernement limite la durée de ce dispositif. Il faut marquer un encouragement réel au développement des PME de taille moyenne en France. Mais en même temps, s'agissant de sa propre entreprise, il serait bon qu'au bout d'un certain temps, qui reste à déterminer – et je fais confiance au Gouvernement et à ses services pour trouver le bon délai –, ce dispositif n'existe plus. Cela marquerait vraiment un encouragement pour nos réseaux d'entreprises, mais en même temps, cela ne tuerait pas dans l'oeuf le principe excellent qui est celui des business angels, qui consiste à investir de l'argent, à prendre des risques pour une entreprise envers laquelle on a une certaine confiance, qui a besoin d'argent, une entreprise qui, en l'occurrence, n'est pas la sienne.
Pour quelqu'un qui n'a pas voté l'amendement, voilà un beau revirement !
Je n'avais pas l'intention d'évoquer cet aspect des choses, mais je le fais puisque le rapporteur général l'a évoqué. La position qu'il a prise est effectivement troublante, puisqu'il avait lui-même, dans la séance du 13 juillet 2007, défendu son amendement de la manière suivante : « Il s'agit de préciser que l'on ne peut évidemment pas bénéficier d'une réduction d'ISF en investissant dans sa propre entreprise. » C'est à la demande du rapporteur général, et avec l'avis favorable du Gouvernement, que cet amendement avait été adopté. Aujourd'hui, c'est manifestement avec l'accord du rapporteur général et du Gouvernement que la position de la majorité vient de changer du tout au tout.
L'argument du rapporteur général selon lequel il est curieux que l'on puisse investir chez son concurrent mais pas dans sa propre entreprise ne me semble pas sérieux. Je connais peu de chefs d'entreprise qui souhaitent investir chez leur concurrent, du moins pour que ceux-ci réussissent. L'exemple est donc extrêmement contestable.
Par ailleurs, et peut-être n'avez-vous pas vu non plus cette conséquence, l'exonération de l'ISF est de 75 %, et pour les 25 % restants, le chef d'entreprise va se verser des dividendes. On est donc passé du concept de l'impôt à l'impôt choisi, puis de l'impôt choisi à l'impôt choisi que l'on se verse à soi-même, et maintenant, l'impôt choisi que l'on se verse à soi-même va, en plus, vous rapporter quelque chose. Cette affaire est absolument honteuse.
Ayant été, avec mon collègue, à l'origine de cette affaire, je me permets de rappeler quel est le problème. Je me tue à le répéter, au nom de quoi un propriétaire de PME assujetti à l'ISF peut-il bénéficier d'une exonération de 75 % s'il investit chez un ami entrepreneur mais pas s'il investit dans sa propre entreprise ? Si vous laissez les choses en l'état, vous allez développer un mécanisme très simple : cette personne va aller voir un de ses collègues qui se trouve dans la même situation que lui, et ils se mettront d'accord pour que chacun investisse 15 000 euros dans l'entreprise de l'autre. Et là, vous trouverez que tout va très bien !
Deuxième observation, pour répondre à Jérôme Chartier, qui a évoqué les business angels : une grande partie des 550 000 assujettis à l'ISF ne sont pas propriétaires d'une PME. Cette disposition ne va donc pas du tout nuire au développement des business angels qu'avait souhaité notre rapporteur général, avec l'appui de la commission et du Gouvernement. Les deux choses ne sont pas du tout exclusives l'une de l'autre.
D'après les services, sur les 550 000 assujettis à l'ISF, 20 % environ seraient propriétaires d'une PME. Les 80 % restant peuvent donc investir dans un système de business angel. Par ailleurs, il n'a jamais été question d'un abattement de 100 %.
Le sous-amendement du Gouvernement est le fruit de l'expérience du terrain, comme l'ont expliqué Gilles Carrez, Charles de Courson et Jérôme Chartier. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas bénéficier de la mesure quand ils ont besoin d'investir dans leur propre système de production, alors qu'ils le peuvent quand ils vont chez le voisin.
Pas du tout, monsieur Cahuzac. Le dispositif actuel finirait par créer une sorte de chambre de compensation incontrôlable. Mieux vaut prendre une mesure qui autorise la pratique en même temps qu'elle l'encadre, de façon à maîtriser les éventuels abus. C'est ce que propose le sous-amendement du Gouvernement. Cela dit, je veux bien que, d'ici à l'examen au Sénat, nous regardions ensemble si le dispositif anti-abus fonctionne suffisamment bien et permet d'instaurer la clarté. Notre volonté est en effet de favoriser l'investissement dans le capital des PME tout en évitant les abus. Ceux qui le souhaitent seront donc invités à donner leur opinion, quitte à reconsidérer le dispositif s'il apparaît trop léger.
Je suis saisi d'un amendement n° 97 .
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour le soutenir.
Cet amendement tend à aligner sur le régime des plus-values les droits de mutation à titre gratuit pour transmission d'entreprises familiales, dont le taux, aujourd'hui bloqué à 75 %, passerait ainsi à 100 %. Le coût de la transmission des patrimoines professionnels dans un cadre familial hypothèque toujours gravement l'économie générale des entreprises françaises à caractère familial. Le Président de la République a pris devant les Français l'engagement clair de faciliter la transmission des patrimoines représentant le fruit d'une vie de travail.
Plusieurs dispositifs fiscaux ont répondu partiellement ces dernières années aux attentes de nos entreprises familiales pour limiter, sous conditions, le coût de transmission constitué des plus-values et des droits de mutation à titre gratuit. Ainsi, l'article 151 nonies I du code général des impôts concerne-t-il les mutations professionnelles. L'objet du présent amendement est de donner corps aux engagements du Président de la République et de parachever le dispositif initié en 2003 en portant le taux d'exonération des dispositifs codifiés aux articles 787 C et 787 B du code général des impôts de 75 % à 100 %.
La commission a émis un avis défavorable. Il est de jurisprudence constante que l'avantage fiscal consenti doit être proportionné à l'objectif recherché. Il s'agit ici d'assurer la pérennité de l'entreprise, qui ne doit pas disparaître ou être absorbée par un groupe étranger à l'occasion de sa transmission – et il y a eu des cas célèbres – parce que les héritiers ne peuvent pas payer les droits de succession. Nous avons récemment porté de 50 % à 75 % le dispositif d'exonération qui a été mis en place il y a une quinzaine d'années. L'incitation fiscale me paraît maintenant suffisamment puissante au regard de l'objectif.
Je vous suggère, monsieur Dhuicq, de retirer votre amendement, qui tend, non pas à diminuer l'impôt dû, mais à le supprimer totalement. L'incitation fiscale ne peut pas aller jusqu'à la suppression de l'impôt ! Outre l'aménagement des pactes d'actionnaires, il existe d'autres mesures facilitant la transmission d'entreprises. C'est pourquoi il me paraît difficile de vous suivre aussi loin que vous le souhaitez.
Je me range à l'avis du Gouvernement et je retire l'amendement. Mon propos était juste d'appeler son attention sur la transmission des entreprises.
Les biens ruraux loués par bail à long terme bénéficient d'une exonération de 75 % en dessous de 76 000 euros et de 50 % au-delà. C'est, à ma connaissance, le seul dispositif d'incitation à l'investissement qui soit plafonné et soumis à deux tranches différentes. Pourquoi ne pas instaurer un taux unique de 75 % sans plafond ?
Avis défavorable. M. le ministre complètera peut-être l'explication que j'ai fournie à M. de Courson en commission. Dès lors qu'il y a poursuite de l'exploitation, tous les dispositifs jouent : l'exonération au titre des biens professionnels et un abattement de 75 % en cas de transmission dans le cadre d'un pacte d'actionnaires. Je ne vois pas où est le problème.
Dans ce domaine, le régime est déjà favorable et il ne me paraît pas nécessaire d'en faire plus. C'est pourquoi je demande le retrait de l'amendement.
Il s'agit d'un amendement de cohérence. Une grande partie des transmissions s'effectue aujourd'hui au travers de l'assurance-vie, qui permet de léguer à chaque héritier jusqu'à 152 500 euros en franchise de droit, seuil au-delà duquel s'applique une taxation de 20 %. La loi TEPA, adoptée l'été dernier, a quasiment supprimé les droits de succession en ligne directe. Pour éviter que les avantages fiscaux au bénéfice des plus aisés ne conduisent à une totale défiscalisation de toutes les successions, il est proposé de ramener l'exonération totale de droits à un montant comparable à celui retenu par le Gouvernement pour les successions proprement dites, soit 100 000 euros.
Avis défavorable également.
Je suis saisi d'un amendement n° 6 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
Il s'agit de revenir sur une disposition introduite dans la loi TEPA, qui limite la possibilité de bénéficier d'une exonération d'imposition sur les plus-values dans le cas où la levée de stock-options est suivie d'une donation, en vertu du principe que les droits de mutation dus au titre d'une donation effacent les droits dus au titre de la plus-value. Dès lors qu'une plus-value est réalisée, celle-ci est exonérée si, à l'issue de la levée il y a une donation. Cet amendement tend à fiscaliser désormais la plus-value, y compris dans le cadre d'un montage en donation, dès la levée de l'option et non plus à partir de son attribution, comme le prévoit la loi TEPA.
Une fois n'est pas coutume, je suis en désaccord avec le rapporteur. Ne revenons pas sur le dispositif que nous avons mis en place dans la loi TEPA. Le droit est le droit et nous nous heurterions à un problème de rétroactivité. Les acteurs économiques ont pris des décisions et nous leur ferions une mauvaise manière en revenant sur les règles. Restons-en à la loi TEPA, qui régularise le processus de donation dans le cadre de la levée des options à partir de la date où les options ont été attribuées. Revenir dessus donnerait un caractère rétroactif à la mesure.
Je suis hostile à la rétroactivité.
Si M. le ministre estime que la mesure serait rétroactive – ce dont je n'étais pas certain –, je retire l'amendement.
Sur l'article 10, je suis saisi d'un amendement n° 17 .
La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.
L'objet de cet amendement est de favoriser les transactions entre l'administration fiscale et les contribuables.
Cette voie de règlement des contentieux est actuellement très peu utilisée. Un dispositif incitant les contribuables à accepter les transactions avec l'administration lorsqu'ils sont fiscalement redressés…
…éviterait des procédures contentieuses lourdes et coûteuses, tant pour l'administration que pour le contribuable, et permettrait de traiter les dossiers plus rapidement. En intégrant les sommes payées au titre des transactions fiscales dans les charges déductibles de l'entreprise, on rendrait cette voie plus attractive.
Défavorable également.
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 10.
Je suis saisi de l'amendement n° 3 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
Monsieur le président, je vous suggère de demander à M. de Courson de défendre cet amendement.
Il s'agit là, mes chers collègues, d'un petit amendement de simplification. (« Oh là ! là » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Lorsque vous achetez un bien pour une somme inférieure à 500 euros, vous pouvez le passer directement en compte d'exploitation. Au-delà de cette somme, vous devez l'immobiliser et l'amortir. Ce montant n'a pas été réévalué depuis des années.
J'avais proposé une réévaluation du seuil à hauteur de 1 500 euros, ce qui aurait permis de « nettoyer » beaucoup de lignes de bilans et de simplifier ces derniers. Après un débat en commission, nous nous sommes mis d'accord sur une somme de 1 000 euros.
Monsieur de Courson, votre proposition créerait des distorsions entre les principes comptables et les principes fiscaux, et elle nécessiterait un dispositif d'encadrement complexe pour retraiter fiscalement les amortissements comptabilisés.
Une telle mesure serait source de coûts pour le budget de l'État et pour celui des collectivités locales, dès lors que la taxe professionnelle est assise sur le prix de revient des immobilisations.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
Cet amendement s'inspire, en le rendant plus rigoureux et en affinant sa rédaction pour en préciser la portée, de celui que l'Assemblée nationale avait adopté sur proposition de la commission des finances à l'instigation de Michel Bouvard lors de l'examen du projet de loi TEPA. La commission mixte paritaire avait ensuite maintenu la suppression de cet article effectuée au Sénat.
Alors que le Gouvernement avait renoncé au bénéfice de cette mesure d'équité qui aurait permis de donner à la loi TEPA une autre dimension, une nouvelle occasion nous est offerte de limiter l'avantage fiscal associé aux rémunérations de type « parachute doré » : au-delà d'un million d'euros pour un même attributaire, ces sommes ne seraient plus, comme c'est le cas aujourd'hui, déduites du bénéfice imposable de l'entreprise, et le budget de l'État ne subirait plus de perte de recettes au titre des « parachutes » les plus généreux.
Au demeurant, le code général des impôts contient déjà des éléments constitutifs de cette équité élémentaire. Ainsi l'article 39, que le présent amendement propose de compléter, dispose, au 1° du 1, que « les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ».
Le 5 du même article 39 contient la même idée. Par cet amendement, il s'agit simplement de la transposer au cas spécifique des « parachutes dorés ».
L'amendement a été adopté par la commission des finances, après avoir été sous-amendé par M. Michel Bouvard et M. Gilles Carrez. J'avais proposé que l'on s'en tienne à un montant plus limité, en référence à certains plafonds. La commission des finances avait adopté, il y a deux ans, un montant de 2 millions d'euros. Nous l'avons ramené à un million d'euros.
L'amendement serait coûteux, d'une certaine façon, pour les entreprises, …
…ce qui est peut-être son objectif. Dans votre esprit, cela tendrait probablement à limiter l'emploi de ces mécanismes, qui ont été déjà revisités dans le cadre de la loi TEPA, en essayant de moraliser le système, en le rendant en tout cas plus transparent.
Je pense que cela correspond à relativement peu de cas.
Je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.
Je confirme que le dispositif, tel qu'il a été adopté par la loi TEPA, n'est manifestement pas complet. Ces cas peu nombreux sont précisément les plus visibles, ceux qui posent le plus de problèmes de moralisation, lors du départ de tel ou tel chef d'entreprise. Chacun d'entre nous a quelques exemples présents à l'esprit.
Il ne s'agit pas de légiférer pour une personne prise individuellement, mais de mettre en place un dispositif général, de le rendre plus coûteux au-delà d'une certaine somme, de manière qu'il y ait une prise de conscience des dirigeants de l'entreprise, des actionnaires au moment où ce type d'avantage est octroyé à celui qui entre dans l'entreprise ou à celui qui la quitte.
La parole est àM. Jérôme Cahuzac, pour défendre le sous-amendement n° 296 .
Avis défavorable.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 296 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 99 .
La parole est M. Bernard Reynès, pour le soutenir.
Cet amendement vise à faire bénéficier les commerçants de détail en fruits et légumes du même avantage fiscal que celui des producteurs locaux vendant leurs propres produits, sans naturellement que l'abattement fiscal au profit des producteurs locaux soit remis en cause.
La mesure proposée développera les débouchés pour les producteurs de fruits et légumes tout en confortant le commerce de proximité.
Cet amendement propose d'instaurer un abattement fiscal en faveur des commerçants de détail en fruits et légumes, à l'instar de celui dont bénéficient actuellement les producteurs de fruits et légumes qui vendent eux-mêmes une partie de leur production. Cet abattement fiscal serait assis sur les bénéfices réalisés par le biais de ventes de produits provenant directement des producteurs locaux.
Cet amendement a une incidence sur trois secteurs : la commercialisation, l'attractivité des centres-villes et l'accès plus facile aux produits coûteux que sont les fruits et légumes.
L'amendement permettrait de diversifier l'offre vis-à-vis du consommateur, en lui montrant qu'un autre choix est possible, tout en offrant aux producteurs une véritable alternative pour la commercialisation et la valorisation de leurs produits.
Nos centres-villes se trouvent quasiment confrontées à des problème de développement du territoire. Les commerces de proximité constituent un facteur de dynamisation des villes et des villages, notamment en province. Lieux de convivialité et d'échanges, ils ne sont pas seulement un facteur économique important pour une commune et un quartier, ils sont également créateurs de lien social. L'actualité récente nous a montré que les commerçants ne sont pas seulement des chefs d'entreprise, mais qu'ils rendaient de grands services aux personnes seules, âgées, en difficulté ou en situation précaire.
Si des avantages fiscaux leur étaient octroyés, cela favoriserait une baisse des prix des fruits et légumes et permettrait de lutter contre ce que l'on appelle communément la « malbouffe ». La consommation plus facile par les ménages les plus modestes de ces produits sains, nécessaires à un bon équilibre alimentaire lutterait contre les désordres alimentaires, en particulier chez les enfants.
La commission n'est pas favorable à cet amendement.
Monsieur Reynès, il est possible de plafonner à 30 % les bénéfices agricoles, d'assimiler à des bénéfices agricoles des recettes qui ne sont pas directement issues de l'activité agricole.
Effectivement.
Elles ne sont pas exonérées, mais intégrées dans la base à partir de laquelle est calculé le bénéfice agricole.
Le bénéfice agricole peut bénéficier par rapport au BIC de certains avantages, au demeurant limités : la déduction pour investissements, la déduction pour aléas. Mais il n'y a pas de distorsion importante entre le régime d'imposition des bénéfices agricoles et celui des BIC.
L'amendement n° 99 créerait une distorsion, car il introduirait un abattement de 30 % au titre des BIC pour les seuls commerçants de fruits et légumes achetés localement. Nous ne pouvons pas accepter un amendement qui créé une telle différence dans les modalités d'imposition au titre des BIC.
Cet amendement pose la question très intéressante du commerce de détail.
Comme le rappelait M. le rapporteur général, on ne peut créer de telles distorsions sur le plan fiscal.
Vous voulez, monsieur Reynès, créer un groupe de travail sur ce thème. Si vous le désirez, les services de mon ministère y participeront activement, pour tenter de trouver une solution intégrable dans le droit fiscal français.
Je vais le retirer monsieur le président.
Je comprends que, sur le plan juridique et fiscal, cet amendement mérite d'être amélioré. Je prends acte de la possibilité de créer un groupe de travail qui rendrait ces propositions compatibles avec les contraintes des finances publiques et conformes aux attentes des commerçants, notamment de fruits et légumes.
Je voudrais, chers collègues que l'Assemblée nationale puisse se doter de moyens de réflexion sur le commerce de proximité et soit en mesure de faire au Gouvernement des propositions concrètes, en vue de la discussion du projet de loi réformant les lois Royer et Raffarin sur l'équipement commercial.
Je souhaite que soit créé au sein de notre assemblée un groupe d'études qui se spécialise sur les questions de sauvegarde et de développement du commerce de proximité. Il sera naturellement question des fruits et légumes, mais il faudra élargir le champ de la réflexion aux autres commerçants – les bouchers, charcutiers, les artisans boulangers, etc. – qui rencontrent les mêmes difficultés.
Je suis saisi d'un amendement n° 144 .
La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.
Le régime fiscal des micro-entreprises comporte un effet de seuil qui peut s'avérer problématique lorsque l'entreprise concernée connaît une progression sensible de son chiffre d'affaires qui lui fait franchir le seuil requis pour le bénéfice de ce régime.
Pour ne pas pénaliser les entreprises qui franchissent ce seuil, le présent amendement propose de lisser, sur deux ans au maximum, la sortie du régime des micro-entreprises, dès lors que le dépassement n'excède pas 50 %, en améliorant pour ce faire le mécanisme de lissage existant, qui est limité à un an et comporte des modalités d'application différentes.
Par ailleurs, pour lisser un deuxième effet de seuil lié aux montants de la franchise en base de TVA, lesquels n'ont pas été revalorisés depuis 1998, cet amendement relève, par cohérence, les montants en cause, de façon circonscrite à ce cas particulier de l'application du régime des micro-entreprises.
Le sujet mérite d'être retravailler, car nous sommes tous confrontés à des difficultés sur le terrain du fait que ce dispositif n'a pas été réactualisé depuis un certain nombre d'années. Je souhaite donc que ce régime soit amélioré dans des délais rapprochés.
Tout en étant d'accord avec l'objectif visé par M. Migaud, la commission n'a pas adopté son amendement, pour des raisons purement techniques. Il conduirait, en effet, à déconnecter les seuils fixés pour les revenus des micro-entreprises et pour la TVA des petites entreprises, ce qui n'est pas souhaitable.
Cette proposition pourrait même se révéler moins favorable que le régime actuel de la micro-entreprise, en cas de dépassement du seuil. Si le dépassement est léger, le régime des micro-entreprises reste applicable l'année qui suit le dépassement. En revanche, l'abattement ne concernera pas le montant qui dépasse le seuil. Cela peut s'avérer plus favorable que le fait d'avoir un abattement réduit de 70 % à 50 % comme le propose notre collègue.
D'ici au collectif budgétaire, nous devrions pouvoir trouver une solution, car je suis d'accord avec le président de la commission sur la nécessité d'améliorer le régime des micro-entreprises, mais du point de vue des revenus et non de la TVA.
Le Gouvernement partage le souci du président de la commission des finances, mais son dispositif ne serait pas aussi incitatif qu'il y paraît. En outre, nous pensons aussi que le relèvement simultané des seuils applicables en matière d'imposition des bénéfices et de TVA représenterait un coût budgétaire élevé, probablement supérieur à plusieurs centaines de millions d'euros – élément dont il nous faut tenir compte.
Si vous en êtes d'accord, nous vous proposons de présenter une mesure au prochain collectif budgétaire, en ayant pris, au préalable, le temps d'approfondir le sujet.
Compte tenu de l'ouverture du rapporteur général et du ministre, je suis tout à fait d'accord pour retirer mon amendement dans la mesure où ce débat aura lieu au moment du collectif.
L'amendement n° 144 est retiré.
Je suis saisi d'un amendement n° 76 rectifié . Cet amendement fait l'objet d'un sous-amendement n° 297 .
La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l'amendement.
Un certain nombre d'agriculteurs se sont d'ores et déjà impliqués dans les énergies renouvelables – méthanisation, biomasse – mais ces initiatives restent limitées.
À l'heure actuelle, la vente d'énergie produite à partir des produits ou sous-produits de l'exploitation agricole constitue un bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Cette situation est dissuasive tant pour les exploitants agricoles à titre individuel que pour les sociétés à objet agricole, imposées dans la catégorie des bénéfices agricoles. En effet, les premiers sont alors tenus à une double comptabilité. Quant aux seconds, ils risquent un passage à l'impôt sur les sociétés dont les conséquences fiscales sont relativement lourdes.
Les tolérances actuelles visées à l'article 75 du code général des impôts permettant de rattacher des recettes non agricoles accessoires aux bénéfices agricoles, seront très souvent inopérantes, puisque les recettes accessoires ne doivent pas excéder annuellement 50 000 euros et 30 % des recettes agricoles.
Aussi, est-il proposé de qualifier d'agricole la vente, par un exploitant agricole, de biomasse dès lors qu'elle est majoritairement issue des produits ou sous-produits de son exploitation. Il est proposé que les recettes des activités de production d'électricité photovoltaïque ou éolienne, commerciales par nature, puissent être rattachées au bénéfice agricole dès lors que les recettes provenant de ces activités n'excèdent pas les recettes agricoles majorées des recettes accessoires qui sont fiscalisées en bénéfice agricole.
S'agissant de productions particulières, l'amendement prévoit que les exploitants exerçant ces activités soient soumis de droit à un régime réel d'imposition. Moyennant quoi, nous pouvons considérer que ces dispositions seront en mesure de stimuler le développement et l'usage des énergies renouvelables, d'améliorer le revenu des exploitants, et de nous permettre de mieux remplir nos objectifs par rapport au protocole de Kyoto.
La commission a adopté cet amendement sous réserve que les recettes accessoires soit plafonnées, avec un double plafond : en pourcentage et en valeur absolue.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement n° 297 .
Le groupe Nouveau Centre est favorable à l'amendement n° 76 rectifié , sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 297 . Il ne faut pas permettre le développement des activités accessoires au point que les activités agricoles deviennent minoritaires.
Nous avons donc prévu un double plafond. Les recettes accessoires ne peuvent excéder 50 % des recettes agricoles ni 100 000 euros. Cela ne s'applique qu'en cas d'activité de type énergétique.
Sinon, on reste à 30 % et 50 000 euros, comme le prévoit le dispositif actuel.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement sous-amendé.
Je tiens à dire que je soutiens cet amendement. Il faut saisir toutes les occasions – et je l'ai dit au moment du débat sur les intérêts d'emprunt immobilier – pour développer les énergies renouvelables et favoriser une façon décentralisée de produire de l'énergie. Je souhaite que tous les Français deviennent de petits entrepreneurs de l'écologie et, à cet égard, les agriculteurs peuvent jouer un rôle-clé. Je suis aussi favorable à la multi-activité des agriculteurs, et leur simplifier la vie, en ce domaine, va dans le bon sens !
Quel est, monsieur le ministre, le régime de TVA applicable à la vente d'énergie produite à partir des produits ou sous-produits agricoles ?
Nous vous apporterons une réponse dans les meilleurs délais ! (Sourires.) Bien entendu, je lève le gage.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 297 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 76 rectifié , modifié par le sous-amendement n° 297 et compte tenu de la suppression du gage.
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 16 .
La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.
Monsieur le président, je défendrai en même temps mes amendements n°s 15 et 16 , puisqu'ils portent tous les deux sur l'imposition forfaitaire annuelle.
La loi de finances pour 2006 a modifié de manière significative le régime de l'imposition forfaitaire annuelle, en changeant son barème et, surtout, en ne permettant plus de l'imputer sur l'impôt sur les sociétés. Désormais, l'IFA est déductible du bénéfice imposable, ce qui n'est plus du tout la même chose.
Alors que l'IFA était auparavant vécue davantage comme une avance sur l'IS, elle est devenue une imposition à part entière, d'autant plus mal vécue par les chefs d'entreprise qu'elle est exigible, même en l'absence de profit. On est taxé, même si on ne gagne rien !
Au moment où l'on parle de libération de la croissance, on continue ainsi de taxer les PME, moteur de la croissance en France. Le président de la République l'a bien compris et s'est engagé, pendant sa campagne, à régler cette question.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de réformer cette imposition forfaitaire annuelle. Je suis conscient du coût de cette mesure et de la nécessité de ménager les finances publiques de notre pays. C'est pourquoi je suis prêt à retirer mon amendement n° 16 , supprimant l'IFA, au profit d'un amendement de repli, n° 15, qui vise à supprimer les tranches basses de l'IFA.
Actuellement, l'IFA est exigible dès que l'entreprise dépasse 400 000 euros de chiffre d'affaires. Mon amendement permettrait de remonter ce seuil à 7,5 millions d'euros hors taxes, sortant ainsi nombre de PME de ce dispositif.
C'est à mon sens une première étape vers une suppression progressive de l'IFA. Un geste de la part du Gouvernement, dès cette année, serait un signal très positif et de nature à renforcer la confiance chez les dirigeants de PME.
La commission a donné un avis défavorable à ces deux amendements tout en reconnaissant, monsieur Tardy, que l'IFA pose problème, nous en sommes conscients.
L'IFA était mieux acceptée lorsqu'elle intervenait en déduction de l'impôt sur les sociétés, même si dans le cas d'entreprises qui faisaient des pertes pendant plus de trois années successives, elle était définitivement due.
Le nouveau dispositif qui l'a transformée en charges déductibles ne donne pas satisfaction comme, du reste, tous les impôts qui interviennent en charge dans le compte d'exploitation de l'entreprise, type taxe professionnelle. Mais, monsieur Tardy, l'IFA représente presque deux milliards d'euros, 1,9 milliard exactement.
Nous ne pouvons pas, aujourd'hui, nous priver d'une telle recette. Dans l'avenir, dès que nous aurons des marges de manoeuvre budgétaires, elle fera partie des impôts que nous essaierons de réformer. Pour le moment, nous n'en avons pas les moyens. J'utilise rarement l'argument budgétaire, mais dans ce cas précis, je me permets de le faire.
Non, monsieur le président. Je souhaite néanmoins que l'IFA soit examinée dans le cadre de la révision générale des prélèvements obligatoires. Je compte sur vous pour me communiquer, en temps utile, le rapport d'évaluation. Conscient du coût budgétaire de la mesure, je retire les amendements nos 15 et 16 .
Je souhaite dire à M. Tardy, qui vient de retirer ses amendements, que j'ai bien compris sa demande. Nous sommes sensibles à ce sujet qu'il faut tenter de régler. Cet impôt a fait l'objet d'un certain nombre de déclarations pendant la campagne présidentielle, nous ne l'avons pas oublié. Mais il ne peut être réglé en un seul exercice. Je recours à l'argument budgétaire sans aucune pudeur : l'IFA rapporte, en effet, 1,6 milliard d'euros au budget de l'État. Et votre amendement de repli représenterait tout de même une charge de 800 millions d'euros pour l'État. Christine Lagarde a été chargée de mener une révision générale des prélèvements obligatoires à laquelle je participe. Le Gouvernement s'engage à examiner la question dans le cadre de cette révision.
Les amendements nos 16 et 15 sont retirés.
Je suis saisi d'un amendement n° 142 rectifié .
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour le soutenir.
Depuis quelque temps, on s'interroge sur la meilleure façon d'aider les entreprises en utilisant l'impôt pour évaluer leurs réponses à certains objectifs. C'est toute la question de la conditionnalité des aides. Je crois même avoir entendu le Président de la République s'exprimer à ce sujet.
Cet amendement vise à moduler les taux de l'impôt sur les sociétés, avec une minoration ou une majoration, selon que le bénéfice imposable est réinvesti ou non dans l'entreprise. Ce dispositif, mis en oeuvre dans certains pays voisins, peut être un outil pertinent de politique fiscale pour orienter les choix des entreprises dans un sens plus favorable à l'économie productive.
Il faut encourager le travail et l'investissement, entend-on souvent. Eh bien, notre proposition peut contribuer à réaliser cet objectif.
La commission est très sensible à cette idée séduisante selon laquelle le réinvestissement dans l'entreprise d'une partie des bénéfices peut donner droit à un taux réduit d'impôt. Cette idée est tellement séduisante qu'elle a déjà été mise en oeuvre dans notre pays en 1997 puis abandonnée en 2001 pour des raisons purement techniques : ce dispositif réclame en effet de distinguer la fraction des bénéfices réinvestis et de lui appliquer un taux différentiel, ce qui est une opération très compliquée. L'Allemagne, qui avait un tel dispositif, l'a d'ailleurs elle aussi supprimé il y a un ou deux ans. À ma connaissance, il ne subsiste que dans un seul pays, l'Estonie.
Le Gouvernement est également très sensible à cette idée, brièvement mise en pratique. Des difficultés techniques liées au suivi des bénéfices réinvestis dans le capital rendant très complexe son application, nous vous proposons de rejeter cet amendement.
Monsieur le président de la commission, êtes-vous sensible aux arguments du Gouvernement ?
Je suis très sensible aux sensibilités qui se sont exprimées ! Elles montrent que nous partageons un même objectif. Peut-être les modalités de cet amendement devront-elles être davantage précisées. Mais, pour l'heure, je le maintiens.
Je mets aux voix l'amendement n° 142 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 143 .
La parole est à M. le président de la commission des finances pour le soutenir.
Nous sommes beaucoup à faire le constat d'un affaiblissement de notre appareil productif et à appeler à une meilleure articulation entre politique de la demande et politique de l'offre à laquelle le projet de loi de finances ne consacre d'ailleurs pas d'autre mesure que le crédit d'impôt-recherche. Nous y reviendrons. Nous mesurons aussi les difficultés des petites et moyennes entreprises, qui tentent de se développer à l'exportation.
Cet amendement vise précisément à promouvoir une politique de l'offre efficace en faveur des petites et moyennes entreprises exportatrices. Il maintient en leur faveur le taux réduit d'impôt sur les sociétés, qui résulte de la réforme fiscale votée à la fin de la onzième législature, jusqu'à des seuils qui devraient normalement écarter tout grief tiré de la méconnaissance de la prohibition des aides d'État par le traité instituant la Communauté européenne. Plaide également dans ce sens le fait que les exportations visées s'effectuent hors de l'espace économique européen.
L'ambition d'un tel dispositif dépasse largement le crédit d'impôt pour dépenses de prospection commerciale créé par la loi de finances initiale pour 2005 qui, bien qu'élargi depuis, n'a qu'un impact limité, tout en présentant par ailleurs quelques fragilités juridiques.
En outre, cet amendement est ciblé : il concerne spécifiquement les petites et moyennes entreprises exportatrices.
La commission a été très séduite par cet amendement qui est, en effet, parfaitement ciblé. Il vise les PME ayant pour caractéristique de réaliser 50 % de leur chiffre d'affaires grâce aux exportations dans des pays n'appartenant pas à l'Union européenne. On est bien dans le « coeur de cible » cher à Mme Lagarde et à notre ancien collègue de la commission des finances, M. Novelli.
Mais tel qu'il est rédigé, il pose problème, monsieur le président de la commission. Il se range en effet non dans la catégorie des aides d'État, et des régimes de minimis, mais dans celle des aides à l'exportation. Dès lors, nous sommes obligés de faire une notification préalable à Bruxelles pour obtenir son autorisation. Et je crains que l'inscription de cette mesure dans la loi n'altère toutes nos chances d'obtenir un accord.
Mieux vaudrait réfléchir ensemble à un dispositif qui concourrait au même objectif – aider efficacement les entreprises à exporter –, en permettant aux PME qui subissent des pertes sur les marchés extérieurs de les imputer sur les résultats qu'elles réalisent en France.
Monsieur le ministre, je n'ai pas à vous dire l'importance qu'il y a à mettre en place des dispositifs aussi bien ciblés que celui proposé par notre collègue.
Je vous propose que nous travaillions ensemble à élaborer des mesures alternatives allant dans ce sens.
Nous devons effectivement travailler ensemble à des solutions alternatives, car dans sa rédaction actuelle, votre amendement se heurterait au refus de la Commission européenne à laquelle nous devons notifier de telles propositions.
Tout dépend en fait de la manière dont on conçoit le dialogue avec la Commission européenne. On pourrait considérer qu'un gouvernement soutenu par un vote du Parlement jouirait d'une position confortée pour obtenir une autorisation de la part de la Commission européenne. Certains pays ont déjà pu formuler ce type de demandes et la réglementation européenne ne nous interdit en rien d'en faire de même. Il s'agit seulement de notifier ce type d'aides.
Si M. le ministre s'engage à reprendre cette proposition pour la faire progresser, je suis tout prêt à retirer mon amendement. Je souhaite seulement qu'il y ait quelques avancées d'ici à la fin de l'année, car cette initiative est de nature à aider très concrètement les petites et moyennes entreprises.
L'amendement n° 143 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements, nos 182 , 291 rectifié et 258 , pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
La parole est à M. Brard, pour soutenir l'amendement n° 182 .
L'échange précédent m'a beaucoup amusé. Il y a deux façons d'aller à Bruxelles et il ne faut pas confondre Bruxelles et Calais.
Cet amendement propose de retirer aux compagnies pétrolières les avantages exorbitants qu'elles retirent du mécanisme fiscal de provisions pour hausse des prix du baril. Le rendement de notre proposition peut être estimé à plus de 1,2 milliard d'euros, ce qui reste cependant très modeste au regard des bénéfices gigantesques que les compagnies réalisent.
Cette mesure est justifiée par la santé florissante, provocante…
…des compagnies pétrolières, qui continuent de dégager des profits considérables, même lorsque le prix du baril s'oriente à la baisse. Si le rythme de croissance se ralentit, les bénéfices n'en peuvent pas moins progresser de 165 % à 300 %.
Une étude de la Fédération américaine des consommateurs a montré, en 2004, qu'aux États-Unis la hausse du prix de l'essence a profité pour 78 % aux sociétés pétrolières et pour 22 % seulement aux fournisseurs de pétrole – Mme Lagarde aurait pu nous le confirmer puisqu'elle y était à cette époque-là. Il en va de même chez nous. Total possède à la fois des puits de pétrole et des pompes : des deux côtés du tuyau, la compagnie est gagnante. La hausse du baril n'est donc pas inéluctable : elle est permise, monsieur le ministre, par la passivité de votre gouvernement et votre absence de volonté politique.
Il est urgent de réagir, car les coûts supplémentaires pour l'économie retombent sur le contribuable par le biais des compensations accordées par l'État aux transporteurs routiers, aux agriculteurs, aux taxis, aux pêcheurs, mais aussi sur les consommateurs, puisque les transporteurs sont autorisés à répercuter les surcoûts de carburant, qui se retrouveront in fine dans les prix du commerce de détail. Mais vous avez décidé de faire payer les usagers et d'exempter les pétroliers.
Il en va de même pour les tarifs appliqués au carburant. Le plein d'essence d'une petite cylindrée atteint maintenant près de 60 euros.
À ce rythme, il faudra dépenser 600 euros de plus chaque année pour aller travailler. N'est-ce pas, de fait, un prélèvement obligatoire ? Pour stopper les pratiques spéculatives, nous proposons de taxer les bénéfices supplémentaires réalisés par les compagnies pétrolières avec l'augmentation du prix du baril.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour soutenir les amendements nos 291 rectifié et 258 .
Ces deux amendements vont dans le même sens que celui de M. Brard.
Le ministre des comptes publics souhaite maîtriser les recettes et les dépenses budgétaires. C'est précisément ce que propose l'amendement n° 291 rectifié puisqu'il prévoit d'apporter des recettes supplémentaires à l'État qui pourraient nous permettre, soit de nous désendetter davantage – on sait que les prévisions en matière de déficit public et d'amélioration de notre dette publique ne sont que très modérément optimistes – soit, dans l'hypothèse où ces chiffres seraient perçus comme acceptables, d'opter pour des régimes plus favorables à l'égard de celles et ceux que nous nous efforçons de défendre.
Nous proposons donc de taxer de façon exceptionnelle les compagnies pétrolières et de tenir compte, par le biais d'une diminution plafonnée de cette imposition, des investissements réalisés dans notre pays dont, en réalité, nous ignorons la nature.
Selon les articles parus dans la presse, la compagnie Total aurait réalisé, en 2006, un bénéfice de 13 milliards d'euros, ce qui est substantiel, compte non tenu de la distribution de dividendes ni de la part consacrée dans ce bénéfice au rachat net d'actions en vue de faire monter le cours desdites actions, au moment précis où certains dirigeants de la société liquidaient leurs stock-options. De telles pratiques sont choquantes.
Dans une situation budgétaire tendue et alors qu'on a demandé aux Français de consentir de nombreux efforts, il me semble normal de lui demander de faire un effort supplémentaire au service de la collectivité, surtout quand elle consacre 7,5 milliards d'euros la même année, soit à la distribution de dividendes, soit au rachat net d'actions afin d'en faire monter le cours.
L'amendement n° 258 , inspiré par les mêmes considérations, permettrait d'investir enfin de façon raisonnable et de donner des moyens aux politiques qui vont être très probablement décidées à la suite du Grenelle de l'environnement.
J'espère que le rapporteur général et le Gouvernement accepteront ces propositions. Cela permettrait de disposer d'un budget un peu moins tendu tout en donnant l'impression que les pouvoirs publics sont attachés à la moralisation de certaines pratiques.
La commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements parce que nous nous sommes inscrits dans la droite ligne de la décision que nous avions prise l'an dernier. Nous avons pensé qu'il valait mieux, plutôt que de créer un impôt supplémentaire, demander aux entreprises pétrolières, et en particulier à Total, de prendre des engagements précis.
Ainsi, la compagnie Total s'est-t-elle engagée à investir dans l'extension des capacités de raffinage, le développement des énergies renouvelables et la distribution de bioéthanol dans plusieurs centaines de stations-service. Un an après, nous souhaiterions savoir où elle en est s'agissant des engagements qu'elle a pris à l'égard de votre prédécesseur.
Nous sommes tout à fait d'accord pour éviter la voie de l'impôt supplémentaire qui a beaucoup d'inconvénients. En effet, si l'on fiscalise à l'excès les résultats de ces entreprises…
La voie choisie par le précédent gouvernement qui consiste à demander des engagements clairs et à vérifier qu'ils sont respectés est bonne. Monsieur le ministre, qu'en est-il des engagements de Total aujourd'hui ?
C'est vrai, les entreprises pétrolières gagnent beaucoup d'argent, mais elles payent aussi beaucoup d'impôts.
Tout dépend aussi de l'endroit où on localise les bénéfices, car il s'agit d'entreprises internationales. Les surtaxer reviendrait probablement à ce qu'elles délocalisent leurs bénéfices.
Voilà pourquoi nous avons discuté avec la filière pétrolière et que des engagements ont été pris, notamment celui qu'elle investisse 3 milliards d'euros d'ici à 2010 dans l'implantation de 250 pompes délivrant du bioéthanol, le développement d'énergies alternatives et la signature de la charte pour l'éthanol E85. À ce jour, 1,65 milliard euros a été investi par la compagnie Total – je peux vous transmettre le détail, si vous le souhaitez.
Peut-être Mme Christine Lagarde réengagera-t-elle des discussions avec ces entreprises. En tout cas, elles devront l'être sur cette base.
Vous avez dit que des centaines de stations-service devaient proposer du bioéthanol. M. Breton en avait inauguré une, en fanfare, à Paris, Porte d'Orléans. Or, les pompes ont été démontées moins de dix jours après car elles n'étaient pas approvisionnées. Ce que je dis peut être vérifié aisément.
Vous parlez d'un investissement de 3 milliards sur quatre ans, alors que chaque année la compagnie Total réalise au moins un bénéfice de 10 milliards d'euros. Autrement dit, sur 40 milliards de bénéfices, elle consent à investir 3 milliards. C'est vraiment dérisoire !
Par ailleurs, comment se réjouir d'un investissement d'un milliard d'euros – investissement contestable puisque les pompes ont été démontées – quand, sur une année, plus de 7 milliards d'euros sont utilisés, soit pour distribuer les dividendes, soit procéder à des rachats d'actions qui font monter les cours et qui majorent encore les revenus accessoires par le biais des stock-options ?
Ni la réponse du rapporteur général ni la vôtre, monsieur le ministre, ne sont acceptables au regard des besoins budgétaires de notre pays.
Enfin, la menace de délocalisation n'est absolument pas sérieuse. Sans l'appui des pouvoirs publics, Total n'aurait pu obtenir les licences de forage en mer du Nord. Il en est de même pour les licences qu'elle est en train de demander.
Il me paraît choquant de laisser une compagnie s'engager sur des montants aussi dérisoires au regard de ses bénéfices et de la rémunération immorale de certains de ses dirigeants.
Je mets aux voix l'amendement n° 291 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2008, n° 189 :
Rapport, n° 276, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton