La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
J'appelle, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet de loi constitutionnelle.
Je suis saisi d'une série d'amendements, portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 371 .
Je tiens d'abord à préciser que, pour nous, l'enjeu politique consiste à donner une chance non pas à la réforme, mais à la démocratie, ainsi que du pouvoir à nos concitoyens.
Dans une société qui respecterait les droits fondamentaux, leur opposabilité n'aurait pas lieu d'être. Malheureusement, il en va tout autrement. Les politiques menées par votre gouvernement et par vos prédécesseurs n'ont jamais cessé de porter atteinte à ces droits. Les coups donnés actuellement à l'éducation nationale en constituent l'exemple le plus probant. Ainsi le principe d'égalité d'accès à l'éducation se trouve-t-il bafoué dans les règles de l'art : remise en cause de la carte scolaire, suppression de 11 200 postes dès la rentrée 2008 – autant d'attaques assénées à un secteur crucial de nos politiques publiques.
Le droit de grève, l'accès à la santé, aux services publics, au logement, et j'en passe, font régulièrement l'objet de votre part d'atteintes plus ou moins agressives au détriment de nos concitoyens. Vous avez donc beau jeu, aujourd'hui, d'avoir systématiquement recours au droit opposable dans ces domaines que vous ne cessez de vilipender.
Dans le contexte actuel, compte tenu du projet politique que vous entendez mener à bien, face à une dérive libérale plus large et qui semble malheureusement avoir de l'avenir, il est indispensable de créer des garde-fous pour que les citoyens puissent revendiquer des droits qui leur appartiennent. Je ne vais pas tous les citer, mais parmi les droits essentiels on compte le droit à l'emploi, le droit à la formation, le droit à la santé, le droit à l'éducation, le droit au logement et le droit à l'énergie.
C'est pourquoi nous souhaitons que l'opposabilité des droits fondamentaux soit inscrite dans la Constitution.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 371 .
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 371 .
Vous souhaitez, monsieur Sandrier, que l'on inscrive dans la Constitution le principe d'opposabilité des droits fondamentaux. Or, par définition, ces droits sont opposables. Aussi cette précision n'est-elle pas nécessaire.
Par ailleurs, vous le savez, Simone Veil préside un comité chargé de compléter les droits énoncés dans le préambule de la Constitution par d'autres principes. Laissons donc ce comité prospecter ce terrain.
Reste que, j'insiste, les droits fondamentaux sont par définition opposables d'une manière générale et en particulier à la puissance publique.
Madame la ministre, puisque vous évoquez d'emblée la préparation d'un nouveau préambule de la Constitution par le comité présidé par Mme Veil, permettez-nous de nous interroger sur la méthode choisie par le Gouvernement. Jusqu'à présent, les constituants ont compilé des textes antérieurs : en 1946, par exemple, on s'est référé à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; en 1958, on a ajouté la référence au préambule de la Constitution de 1946. Il s'agissait d'inscrire dans le marbre du préambule les règles qui, plongeant leurs racines dans l'histoire, donnent son sens et sa force à la Constitution.
Aussi sommes-nous quelque peu étonnés et voudrions-nous des explications sur les raisons pour lesquelles il a été décidé de poursuivre dans le même temps, d'un côté, la réforme constitutionnelle en invitant les parlementaires à devenir constituants et, de l'autre côté, de lancer un comité de travail chargé de reformuler le préambule. Il ne s'agit pas, bien sûr, de contester la qualité de ses membres dès lors qu'ils sont portés par un idéal que nous partageons. Seulement, ils pourraient entrer en contradiction avec les parlementaires, la réforme des institutions ne reprenant pas certains éléments contenus dans le nouveau préambule.
Nous voudrions donc que vous nous expliquiez les raisons du choix de cette méthode. J'insiste : le préambule ne risque-t-il pas de sanctuariser des principes auxquels nous adhérerions tous, mais qui ne trouveraient pas de traduction dans la règle constitutionnelle ?
Nous abordons ce débat par la discussion d'un amendement, présenté par Jean-Claude Sandrier et plusieurs collègues de son groupe, relatif au préambule de la Constitution. Or, depuis les débats en commission, Jean-Yves Le Bouillonnec vient de le dire, nous nous posons la question de l'articulation entre la réforme du préambule et celle du corps même de la Constitution. Nous avons mesuré à quel point cette articulation se révélait pour l'instant mystérieuse. Nous attendons des réponses à nos questions.
Quel est le calendrier du Gouvernement ? Pour quelles raisons allons-nous nous rendre deux fois au Congrès plutôt qu'une ? Je rappelle que de nombreux députés, y compris sur les bancs de la majorité, ont évoqué la nécessité de prendre le temps de donner toutes ses chances à la réforme et donc à la démocratie, car le système politique national actuel doit être réformé.
Nous voudrions donc savoir comment, dans l'esprit du Gouvernement, les deux réformes s'articulent. Pour quelles raisons ne mène-t-on pas les deux en même temps pour aboutir à un accord général et complet dans le souci d'élaborer une bonne réforme ? Il ne s'agit d'ailleurs pas de la seule question que nous vous poserons.
Vous avez remarqué que le nombre d'amendements que nous avons déposés reste assez modéré – on en compte une soixantaine et, si l'on ajoute les sous-amendements, on ne devrait pas dépasser le chiffre de soixante-dix sur les quelque 500 qui sont en discussion. Le groupe socialiste cherche non pas à gagner du temps, mais tantôt à comprendre, tantôt à avancer, tantôt à combattre quand il n'est pas d'accord. Notre position est pour le moment de chercher à savoir. Nous voudrions donc que Mme la ministre ou M. le secrétaire d'État nous réponde précisément. Que savez-vous de ce calendrier ? Où allons-nous ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi plus tard ? Comment cela marche ?
Monsieur le député, nous discutons aujourd'hui de la répartition des pouvoirs. Le comité présidé par Simone Veil étudie pour sa part le contenu des droits fondamentaux et la possibilité d'inscrire de nouveaux principes dans le préambule de la Constitution. Ces deux exercices sont donc différents.
Dans le cadre de la discussion portant sur la révision constitutionnelle, il s'agit d'examiner la possibilité de renforcer les pouvoirs du Parlement, et non de définir le contenu des droits devant figurer dans le préambule. Le comité présidé par Simone Veil non seulement revoit le contenu de ces droits, mais cherche également à savoir si d'autres principes peuvent être inscrits dans le préambule.
Nous ne l'avons pas fait car, je le répète, les deux exercices sont différents.
D'ailleurs, la question n'a pas été évoquée par le comité présidé par Édouard Balladur. Quant au comité présidé par Simone Veil, ses travaux devraient s'achever d'ici à la fin de l'année.
Je suis saisi d'un amendement n° 273 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Cet amendement vise à la reconnaissance des langues régionales.
Voilà déjà longtemps que nous discutons de ce sujet. Nous savons qu'une partie de la majorité est favorable à l'introduction de la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution. Personne n'a dit ici qu'il s'agissait de démanteler l'unité nationale et de ne plus faire du français la langue de notre pays. Mais nous savons aussi qu'il y a des langues de France qui doivent pouvoir être protégées.
Les Verts ont souvent réclamé l'application dans le droit français de la Charte européenne des langues régionales et le présent amendement vise à ce que le Conseil constitutionnel ne puisse plus opposer la Constitution à l'application de cette charte.
Il s'agit non pas de favoriser ce que certains vont sans doute appeler le « communautarisme », mais de tenir compte du fait que notre pays se nourrit de sa diversité. Je veux parler non seulement de sa diversité culturelle, y compris celle venue de l'autre rive de la Méditerranée, mais aussi de la diversité des langues sur nos territoires. Si nous voulons rejoindre de nombreux autres pays de l'Union européenne, dont la construction politico-administrative est bien différente de la nôtre, beaucoup moins centralisée, beaucoup moins jacobine, pour employer une expression française, je pense que nous pourrions nous accorder pour garantir par la Constitution la reconnaissance des langues régionales.
Avis défavorable. Je défendrai tout à l'heure un amendement n° 605 concernant les langues régionales.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
Je n'interviendrai pas longuement, tant le texte de cet amendement parle de lui-même. Le terme de « race » est contraire à notre tradition constitutionnelle, et ce depuis 1789. Il est apparu dans notre droit constitutionnel de manière conjoncturelle et historiquement datée, en 1946, pour des raisons que chacun comprendra, au lendemain de l'horreur de la Seconde Guerre mondiale, et à la demande de deux parlementaires insoupçonnables et de haute volée, Pierre Cot et Paul Ramadier. Ils avaient fait inscrire la phrase suivante dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. »
Cela a permis au professeur Carcassonne d'estimer que cette phrase « a pour objet de dénier toute portée » au terme de race, ce que chacun comprendra. Il n'en demeure pas moins que ce terme figure dans notre texte constitutionnel et qu'il est, de notre point de vue, politiquement et juridiquement dangereux. Nous suggérons donc de le supprimer, supprimant ainsi, non pas le discours raciste mais la légitimité qu'il pourrait puiser dans notre loi fondamentale. Voilà pourquoi nous proposons de ne conserver dans cet article 1er que le terme d' « origine », ce qui permettra de continuer la lutte contre le racisme.
En outre, le fait de supprimer le terme de « race » n'éteindra pas le support juridique permettant de prononcer des condamnations, puisqu'il figure dans notre bloc de constitutionalité, et notamment dans le préambule de la Constitution de 1946.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 372 .
Sous la précédente législature, le groupe communiste avait été à l'origine du dépôt et de la discussion d'une proposition de loi qui tendait à supprimer le mot « race » de notre législation. Le présent amendement poursuit un objectif identique en visant à supprimer la référence à ce terme dans le corps de notre texte fondamental.
Rappelons que le terme de « race » n'est apparu dans notre législation que tardivement. Ce point pose un petit problème, qui sera sans doute réglé par les historiens ou les juristes. Pour ma part, je pense que l'apparition de ce terme remonte, non pas au préambule de la Constitution de 1946, mais au décret Marchandeau du 21 avril 1939, qui a introduit pour la première fois le mot « race » dans le lexique juridique. Ce texte réprimait la diffamation commise par voie de presse envers « un groupe de personnes appartenant par leur origine à une race ou à une religion déterminée ».
C'est le régime de Vichy qui devait consacrer l'usage de ce terme, dans les lois tristement célèbres des 3 octobre 1940 et 2 juin 1941, érigeant des règles vexatoires et discriminatoires en raison de l'appartenance à la « race » juive. À partir de 1945, un grand nombre de textes sont venus proscrire les discriminations fondées sur la « race ». S'il s'agissait là d'une réaction contre le nazisme et le régime de Vichy, il n'en reste pas moins que le législateur a conservé le terme de race et, par conséquent, la catégorie juridique.
Malgré lui, et malgré sa volonté de signifier solennellement que les discriminations raciales et les actes commis contre des individus « à raison de leur appartenance ou de la non-appartenance à une nation, une race, une ethnie ou une religion déterminée » étaient inacceptables et contraires à nos valeurs fondamentales, le législateur a implicitement reconnu l'existence des « races ».
C'est afin de mettre un terme à cette incohérence qui veut que la race constitue une catégorie juridique, alors que l'ensemble de notre législation vise à combattre le racisme, que nous vous proposons le présent amendement, convaincus par ailleurs que ce terme de « race » fonde malheureusement encore la conviction de certaines doctrines politiques, auxquelles seules ce terme peut encore servir d'outil.
Je ne doute pas que la majorité de notre assemblée soutiendra et approuvera le présent amendement.
S'agissant tout d'abord des deux amendements que viennent de soutenir nos collègues Urvoas et Sandrier, il me paraît évident que l'unanimité peut se faire autour de la nécessité de supprimer le mot race dans le texte de notre loi fondamentale, tant il est vrai que c'est un concept dépassé.
Je voudrais rappeler ce qui a été écrit par de nombreux philosophes, et pas seulement par des scientifiques, car en la matière, ce n'est pas sur la science qu'il faut s'appuyer. Tout le monde s'accorde à dire que de « races », il n'y en a pas, mais qu'il existe une espèce humaine. À cet égard, je vous recommande vivement de lire les livres d'Albert Jacquard sur ce sujet.
Ce que nous proposons par cet amendement n° 305 , dans le droit-fil de ceux qui viennent d'être soutenus, c'est que la lutte contre toutes les formes de discrimination figure en toutes lettres dans le corps de notre loi fondamentale. Et que l'on ne vienne pas nous dire qu'il faut renvoyer ce problème à la commission présidée par Simone Veil sur le préambule de la Constitution !
Je n'ai pas besoin de rappeler ici à nos collègues de l'Assemblée, qu'ils soient de droite ou de gauche, les « faits divers », pour employer un euphémisme, qui se produisent régulièrement, et qui montrent que les discriminations sont aujourd'hui une réalité, qu'elles soient liées à la couleur de peau, à l'origine, à la religion, ou même à la langue ou à l'orientation sexuelle. Il nous semble donc évident que cette précision doit figurer dans le texte de notre loi fondamentale.
Je ne vais pas aujourd'hui relancer des polémiques que nous avons pu avoir, mais nous connaissons d'autres discriminations qui subsistent dans le texte que vous nous proposez d'adopter. Je pense, par exemple, au refus – mais peut-être reviendrez-vous à la raison lorsque nous aborderons ce sujet ! – d'accorder le droit de vote aux résidents étrangers non ressortissants de l'Union européenne. C'est effectivement une autre discrimination que de dire que dans notre pays, il pourrait y avoir des citoyens étrangers qui ont le droit de vote parce qu'ils sont européens, et d'autres qui ne l'ont pas, parce qu'ils n'ont pas la nationalité française. C'est aussi une forme de discrimination.
Mais j'en reste pour l'instant aux discriminations que nous avons énumérées dans cet amendement n° 305 , et qui doivent être combattues. Cette précision devrait figurer dans notre loi fondamentale.
De plus, nous sommes un grand pays, qui prétend exporter les vertus de la démocratie dans le monde entier. Adopter cet amendement serait aussi une manière de conduire les citoyens français au respect du texte fondamental en ce qu'il proscrit toute forme de discrimination.
La commission y est défavorable.
En ce qui concerne la suppression du mot « race », comme l'a très bien dit notre collègue Sandrier, le groupe communiste avait effectivement déposé, sous la précédente législature, une proposition de loi en ce sens, que notre assemblée avait examinée en séance publique et repoussée le 13 mars 2003. Les raisons qui nous avaient amenés à la repousser sont toujours valables aujourd'hui.
L'utilisation du mot « race » est un outil nécessaire pour l'incrimination des infractions racistes. La rédaction de l'article 1er de la Constitution vise précisément à dénier toute distinction qui serait fondée sur la prétendue « race ».
Je me permets d'ajouter, pour que chacun soit éclairé, que la citation du professeur Carcassonne figurant dans l'exposé sommaire de l'amendement n° 275 mérite d'être complétée. Le professeur Carcassonne dit précisément ceci : « Ce n'est que parce qu'il s'inscrit dans une phrase qui a justement pour objet de lui dénier toute portée que le terme “race” peut être présent dans la Constitution ».
De plus, le fait de supprimer le mot « race » dans l'article 1er n'aurait absolument pas pour effet de le faire disparaître de notre ordre juridique. D'abord, il figure également dans le préambule de la Constitution de 1946. Ensuite, il figure aussi dans de très nombreux textes internationaux : l'article 1er de la Charte des Nations unies, l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, le préambule de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l'article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 10 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'il résulte du Traité de Lisbonne, et l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de 2001.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 275 et 372 . Quant à l'amendement n° 305 , elle y est également défavorable, pour la simple raison que le principe d'égalité est l'un de ceux qui sont le plus fortement protégés dans notre ordre juridique. C'est d'ailleurs en partie grâce à lui que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 27 décembre 1973, a étendu le bloc de constitutionnalité.
Je ne vois pas l'intérêt que la Constitution dresse la liste de toute une série de discriminations. Ce n'est pas l'objet d'une constitution, la loi peut très bien le faire. De surcroît, faire figurer dans la Constitution une liste de discriminations peut produire un effet totalement contraire au but poursuivi, au cas où telle ou telle discrimination aurait été oubliée. Restons-en donc au principe d'égalité tel qu'il figure dans la Constitution.
Pour aller dans le sens des observations qui viennent d'être faites par le président Warsmann, s'agissant des amendements identiques nos 275 et 372 , qui visent à supprimer le terme de « race » de la Constitution, je ne reprendrai pas les textes internationaux dans lesquels ce terme est mentionné.
Je comprends tout à fait la démarche qui inspire les auteurs de ces amendements. Cela étant, dans le code pénal, ce terme est mentionné à dix-sept reprises. C'est un élément d'aggravation des infractions. Le faire disparaître de notre texte fondateur, c'est risquer d'atténuer la portée de la poursuite des infractions dans le cadre de la lutte contre le racisme. Il vaut donc mieux le maintenir, afin d'assurer une cohérence avec nos textes pénaux.
S'agissant de l'amendement n° 305 , soutenu par Noël Mamère, je rappelle que le principe d'égalité devant la loi est mentionné dans l'article 1er de notre Constitution, mais également dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ces textes fondateurs assurent le principe d'égalité devant la loi. Ils garantissent le caractère inconstitutionnel de toute forme de discrimination. En la matière, le mieux peut être l'ennemi du bien. Il vaut mieux ne pas dresser une liste de discriminations, pour éviter d'en oublier. Mais je rappelle que dans le code pénal, les discriminations indiquées dans le texte de votre amendement, monsieur Mamère, sont largement énumérées. La jurisprudence peut d'ailleurs reconnaître l'existence d'autres discriminations. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Ce n'est pas la première fois que nous avons ce débat dans l'hémicycle. Il porte sur un problème réel, et sérieux. À chaque fois, la position de la commission consiste à souligner que le terme de race est présent dans d'autres textes législatifs. Il n'en reste pas moins, chers collègues, que tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'il n'y a pas de races différentes au sein de l'espèce humaine. Il y a des ethnies différentes, mais pas de races.
Notre droit, pour des raisons historiques, puis, aujourd'hui, pour des raisons installées, conserve un mot qui laisserait entendre qu'il existe des races. Cela permet à des gens – on sait bien lesquels – de s'appuyer sur ce mot pour développer des théories absurdes, que nous devons combattre.
À l'attention de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux, je voudrais demander une chose. Vous nous dites que le terme de race apparaît à dix-sept reprises dans le code pénal. Cela signifie qu'il faudrait modifier celui-ci en dix-sept endroits. Afin que nous n'ayons pas ce débat à chaque fois que nous traitons d'une loi où le mot « race » apparaît, il serait bon qu'un travail très simple soit effectué. Il pourrait l'être par la commission des lois, en collaboration avec le ministère de la justice. Il faut faire ce que vous avez fait vous-même, monsieur le rapporteur, volontairement ou involontairement, au début de votre explication. Vous avez parlé de « prétendue race ». Notre loi fondamentale, comme le reste de notre droit, devrait inclure les mots « prétendue race », de sorte que la représentation nationale marque aujourd'hui, et pour l'avenir, qu'il n'y a pas de races dans l'espèce humaine, mais qu'il y a une espèce humaine avec des ethnies différentes. Ce travail nous éviterait tous ces débats et nous donnerait une arme supplémentaire pour combattre le racisme.
Je suis favorable aux amendements identiques nos 275 et 372 . Je voudrais reprendre deux observations que j'ai déjà formulées sur ce sujet dans cet hémicycle, lors de débats antérieurs.
Premièrement, le mot « race » appartient à cette catégorie de mots dont la signification a évolué. Il fut un temps où il n'était en aucune manière péjoratif. Chez moi, on était très fier de dire : « Le Béarnais est une race fière. » Et je crois que l'on avait raison. (Sourires.)
Ce mot était beaucoup utilisé dans ce sens, qui ne prêtait nullement à confusion et qui caractérisait simplement l'identité, morale en particulier, de tel ou tel groupe.
Puis, après les horreurs commises lors de la Seconde Guerre mondiale, la référence à la « « race » est devenue une blessure morale pour l'humanité. La stigmatisation de la race est devenue quelque chose d'extrêmement lourd.
Deuxièmement, il me semble, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que l'on devrait prendre garde au libellé. Il y a dans ce texte quelque chose d'extrêmement troublant. Le fait qu'y figurent les mots « d'origine, de race » pourrait laisser sous-entendre que la race et l'origine, ce n'est pas la même chose, que cela n'a pas la même signification, que l'on peut être de la même origine en étant de race différente. Cela n'a absolument rien à voir avec les dix-sept autres mentions figurant dans le code pénal, qui stigmatisent l'utilisation de la notion de race pour caractériser, éliminer ou injurier un citoyen.
C'est la raison pour laquelle il me paraît très important de voter ces amendements qui ramènent à l'« origine » l'ensemble des caractérisations. Ce sera un message envoyé à nombre de nos concitoyens qui ressentent trop souvent le regard porté sur eux comme discriminant.
Sur le vote des amendements identiques nos 275 et 372 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, le règlement prévoit, vous le savez, qu'une fois l'amendement présenté par son auteur, la parole ne peut être donnée qu'à un orateur contre. Les circonstances étant un peu particulières, je laisserai le débat se prolonger, mais je serai ensuite conduit, pour assurer le bon déroulement de nos travaux, à faire respecter plus strictement notre règlement.
La parole est à M. Charles de Courson.
Je ne connais aucun raciste dans notre hémicycle. Je trouve donc dommage que nous ayons ce débat. La proposition qui consiste à reprendre le terme du code pénal « prétendue race » permet de répondre à l'objection selon laquelle il y a non pas des races, mais une race unique : la race humaine.
Je trouve donc dommage que les amendements n'aient pas été retirés au profit de cette proposition. En effet, si nous votons contre ces amendements, comme le suggèrent Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur, des racistes tireront argument de ce rejet. Il y a des esprits pervers !
La question est de première importance et je suis extrêmement sensible aux amendements déposés par l'opposition. Sur le fond, je partage, comme vous tous, la même préoccupation.
Dois-je rappeler, qu'à quelques pas d'ici, avait été organisée, il y a soixante ans, par le gouvernement français de l'époque, une exposition publique destinée à expliquer ce qu'était la « race juive ». On y voyait des instruments en métal destinés à mesurer le nez, les tempes, le front, etc.
La mention du mot « race » dans la Constitution française m'interpelle. Ma sympathie va donc vers ces amendements. Je suis d'ailleurs l'auteur d'une proposition de loi visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe qui a été votée à l'unanimité des deux chambres, et qui est devenue la loi du 3 février 2003. Nous avions déjà eu ce débat sémantique à l'époque, mais je constate, comme vous, que la négation morale du mot « race » ne supprime malheureusement pas le racisme. C'est ce qui me conduit à approuver Mme la garde des sceaux. En effet, soit nous toilettons complètement le code pénal en insérant, à chaque fois, devant le mot « race », le mot « prétendue », comme l'a proposé M. de Courson, et en maintenant les circonstances aggravantes et les sanctions visant à condamner le racisme, qui, lui, ne disparaît pas, soit – cela me paraît la solution de sagesse – nous nous rallions à la position de Mme garde des sceaux visant à repousser les amendements tout en étant, chacun l'aura compris, totalement d'accord avec vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sur le fond, nous sommes tous d'accord. Notre demande est symbolique.
La suppression du terme « race » de la Constitution ne supprimera évidemment pas le racisme. Comme l'ont dit Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur, il restera dans notre arsenal juridique, notamment dans la Convention européenne des droits de l'homme.
Il y a une dimension symbolique à retirer des premières lignes de notre loi fondamentale un terme porteur d'ignominie. En outre, les exégètes feront remarquer que la Constitution interdit à la loi d'établir des distinctions selon la race, mais que, de ce fait, elle légitime paradoxalement, et donc en creux, l'opinion selon laquelle il existe des races distinctes. Il faut donc, pour des raisons symboliques et historiques, supprimer ce terme de la Constitution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Que les opinions convergent sur tous les bancs devrait faire réfléchir. Le mot « race » n'est ni un concept scientifique ni un concept philosophique. C'est un vocable idéologique. Nous connaissons l'utilisation qui en a été faite. Lorsque les nazis sont arrivés chez nous, ils ont fait remarquer qu'il y avait eu, avant le théoricien nazi Rosenberg, un Français, Gobineau, qui avait théorisé sur la race. Nous devons prendre tout cela en compte. Nous ne pouvons pas dire que la notion de race est une ignominie et ne rien faire. Il a été fait plusieurs fois référence au code pénal, mais nous sommes en train toiletter notre loi fondamentale. Nous ne nous occupons ni du code de la route ni du code pénal ! C'est maintenant qu'il faut agir, sinon on nous rétorquera après, en invoquant la Constitution, que ce n'est pas possible.
L'argument selon lequel il faudrait ensuite toiletter le code pénal n'en est pas un. C'est une argutie de faiblesse, de renoncement, de capitulation sur des choses fondamentales.
Je suis d'accord à la fois avec François Bayrou – une fois n'est pas coutume ! – , avec Jean-Christophe Lagarde, avec mes collègues de gauche et, si j'ai bien compris, avec beaucoup d'autres collègues de droite. Quand, sur de tels sujets, apparaissent des convergences fortes, cela vaut la peine de réfléchir et que le Gouvernement nous écoute, branche son sonotone (Sourires), ce à quoi il ne semble pas être décidé pour l'instant.
Je suis saisi d'un amendement n° 243 .
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.
Cet amendement vise à inscrire dans la Constitution un principe fondamental issu de la Révolution française. Depuis la Révolution, la France cherche à faire partager ses valeurs, c'est-à-dire ce qui constitue sa nationalité et sa citoyenneté.
Je souhaite que soit inscrit dans notre Constitution, ou, ultérieurement, dans son préambule : « La France a pour vocation de faire devenir citoyens français, si elle le désire, toute personne qu'elle accueille régulièrement sur son territoire et qui souhaite s'y installer. »
J'avais suggéré, il y a deux ans, lors d'un débat relatif aux lois sur l'immigration, que la nationalité française soit proposée à une personne venant renouveler un titre de séjour, donc installée régulièrement sur notre territoire depuis dix ans.
Cela montrerait à nos concitoyens que la France, fidèle aux valeurs de la République depuis la Révolution, a l'ambition de faire partager la nationalité française, c'est-à-dire les valeurs de la République à celui qu'elle a accepté sur son territoire.
Je comprends l'objectif poursuivi par l'auteur de l'amendement, mais la commission est totalement défavorable à une telle proposition. Adopter cet amendement donnerait l'impression que la naturalisation pourrait être de droit…
Je rejoins la position du président Warsmann. La rédaction de l'amendement laisse entendre que toute personne séjournant régulièrement dans notre pays aurait vocation à devenir français.
Cela reviendrait à accorder automatiquement la nationalité française. Or, il est normal qu'un pays prévoit des conditions d'accès à la nationalité. On a d'ailleurs pu mesurer les dégâts occasionnés par l'acquisition automatique de la nationalité, en termes de politique d'intégration. Il est donc nécessaire de poser certaines conditions préalables pour y prétendre et que la démarche soit volontaire. Mais je puis vous assurer, monsieur Lagarde, que le Gouvernement travaille sur les conditions d'accès à la nationalité et sur la notion de citoyenneté dans le cadre de la politique d'intégration. Avis défavorable.
L'amendement de M. Lagarde serait extrêmement dangereux. Imaginez le nombre de recours qui seraient intentés devant le Conseil constitutionnel ! Les personnes en attente de la nationalité française pourraient invoquer la Constitution au motif qu'elles y ont automatiquement droit ! Il est inconcevable que nous votions un tel amendement !
Madame la garde des sceaux, vous interprétez l'amendement de M. Lagarde. Il n'y a, en effet, pas de vocation naturelle pour un étranger résidant sur notre territoire à devenir citoyen français. M. Lagarde précise que c'est la France – l'État français, la nation française – qui a pour vocation à faire devenir citoyen français toute personne qui souhaite s'y installer, si celle-ci le désire. Ce qui n'est pas la même chose et ne correspond pas à l'interprétation de Mme la garde des sceaux.
J'ajoute que de nombreuses personnes attendent une réponse quant à leur demande d'acquisition de la nationalité française. En adoptant cet amendement, nous leur adresserions un signe. Je ne vois pas en quoi ce serait un signe négatif, puisque la procédure requiert un certain délai. Si cela figurait dans la Constitution, cela serait une très bonne chose.
Je suis saisi d'un amendement n° 370 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Le régime actuel traverse une crise politique sans précédent avec un paradoxe extraordinaire : le Président de la République est élu au suffrage universel, à la différence de ce qui se passe en Allemagne et en Italie. Dans ces deux pays, le président a une vraie autorité morale alors que chez nous, il en est dépourvu.
Jamais les Français ne se sont sentis aussi mal représentés par leurs assemblées. Le texte sur le traité constitutionnel en est la preuve incontestable. Rappelez-vous que vous avez obéi et voté pour, mais que vous avez été désavoués par le peuple français ensuite.
Votre projet est surtout remarquable – nous aurons l'occasion d'y revenir pendant le débat – par ses lacunes qui auraient pu atténuer, si elles avaient été comblées, les effets de cette crise. Vous auriez pu, par exemple, introduire une dose de proportionnelle. Puisque vous brandissez toujours les exemples étrangers dès que vous voulez faire un coup tordu, vous auriez pu, dès lors qu'il y a une position morale à prendre, vous inspirer de l'Allemagne : système proportionnel, non-cumul des mandats, élaboration d'un véritable statut de l'élu.
En attendant, et parce que nous ne pouvons nous permettre de perdre le lien avec les citoyens, il nous semble indispensable de reconnaître les bien-fondés de la démocratie participative – la vraie, l'authentique – qui répond aujourd'hui à des formes nouvelles de participation politique des citoyens à la vie quotidienne. La démocratie participative ne s'oppose pas à la démocratie représentative. Au contraire, ces deux types de représentation sont parfaitement complémentaires, l'une appuyant l'autre.
Hier, M. le Premier ministre insistait sur le fait que la politique ne devait pas se faire dans la rue ou dans les forums interactifs. Mais c'est un fait, une simple constatation de l'évolution de notre société : les outils de communication, les échanges, les formes nouvelles d'expression citoyenne et participative voient quotidiennement le jour. Elles fonctionnent d'elles-mêmes et tant mieux ! Elles sont l'expression de la vitalité de nos concitoyens, de leur volonté de s'exprimer dans des lieux qu'ils créent à leur image.
L'élaboration de normes, comme des choix de gestion, à tous les niveaux, ne peut se faire devant les citoyens spectateurs. Au contraire, ces derniers doivent se reconnaître des droits d'initiative sous différentes formes, à commencer par celles de la démocratie participative, de budgets participatifs de quartiers, d'initiatives populaires diverses.
La démocratie participative est aujourd'hui un complément indispensable de la démocratie représentative qui, hélas, l'est de moins en moins. Elle peut apporter un souffle d'air frais à la participation citoyenne à la vie de la cité.
La commission est défavorable à cet amendement. En effet, il faudrait commencer par définir précisément la démocratie participative. Apparemment, il y en aurait plusieurs puisque M. Brard a parlé de « la vraie », de « l'authentique ». Faire figurer une notion aussi floue dans la Constitution, nous n'en voyons pas l'intérêt. Permettez-moi de faire remarquer que la « vraie » démocratie, c'est l'élection, le suffrage universel. Nos concitoyens ont largement l'occasion de se prononcer. Je crois savoir que le Gouvernement s'apprête à donner un avis favorable à une nouvelle forme d'expression avec le référendum d'initiative populaire. Laissons faire le suffrage universel, car c'est le meilleur mode d'expression démocratique ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je confirme ce que vient de dire M. Warsmann. Nous discuterons du référendum d'initiative populaire. Nous proposons également de nouveaux droits et des avancées concrètes pour les citoyens, comme le droit de pétition devant le Conseil économique et social, qui est un relais supplémentaire. Nous sommes bien dans une démocratie représentative, et la démocratie participative n'a d'autre définition que celle que vous venez de donner. Donc, avis défavorable à cet amendement.
Monsieur Brard, j'ai beaucoup moins apprécié votre dernière intervention que la précédente.
Je trouve pour le moins choquant qu'un parlementaire, c'est-à-dire le symbole vivant de la démocratie représentative, soit le premier à se dresser contre elle, allant même jusqu'à dire qu'elle serait en pleine décadence, ce que, pour ma part, je ne pense pas, puisque nous sommes précisément réunis ici pour donner plus de poids au Parlement.
Et voilà que vous dites que tout cela ne sert à rien, que le Président de la République comme le Parlement sont décrédibilisés.
Et selon vous, il faudrait que tout cela soit remplacé par des comités Théodule de citoyens. Méfiez-vous, chers collègues ! À force de dire que la démocratie doit régner dans tel ou tel quartier et non au niveau de la nation tout entière, vous aurez, comme le disait Orwell, des citoyens « plus égaux que les autres » ! Or, on connaît ceux qui défendent de telles idées : ce sont ceux qui veulent s'affranchir de la véritable démocratie, c'est-à-dire celle que nous représentons !
Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur ont déjà évoqué une solution possible, à savoir le référendum d'initiative populaire proposé par le comité Balladur. Il faudra, en effet, que nous introduisions de la démocratie directe dans nos institutions, mais, bien entendu, au niveau national ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous sommes rassurés. Mme Dati et M. Warsmann sont d'accord : l'ordre règne de nouveau !
Monsieur Vanneste, s'agissant de la légitimité, je vous rappelle que 80 % de parlementaires ont voté le traité constitutionnel que les Français ont rejeté ! Pour moi, ce n'est pas fromage ou dessert ! C'est la démocratie directe et la démocratie représentative. L'une n'est pas opposable à l'autre.
Quant au Parlement, il est nécessaire d'avoir des contrepoids. Voulez-vous que je vous rappelle 1940, et le vote des parlementaires ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
D'ailleurs, Charles de Courson m'approuve, lui qui eut un aïeul qui fut patriote dans ces conditions difficiles (M. de Courson fait un geste de dénégation) comme un certain nombre de députés qui siégeaient de ce côté de l'hémicycle.
Soyez prudents dans vos affirmations parce qu'il y eut dans notre histoire des parlementaires félons. Heureusement, il y eut aussi des personnages comme le général de Gaulle (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui ne tinrent pas compte de ces parlementaires félons ! Vous feriez mieux de vous inspirer de cet exemple magnifique de notre histoire, plutôt que de le trahir !
m le président. Je suis saisi d'un amendement n° 115 .
La parole est à M. Joël Giraud, pour le soutenir.
Hier, Gérard Charasse nous a, du haut de la tribune, invités, au nom de l'ensemble des députés radicaux de gauche, à saisir l'opportunité de cette discussion sur la modernisation de nos institutions pour marquer notre attachement à la République et à ses principes. Il ne s'agit pas, pour nous, de conservatisme, car nous sommes convaincus qu'avec des principes fondamentaux comme points de repère, nous pouvons oser réformer en profondeur nos institutions. L'intransigeance que nous prônons passe par le respect de la laïcité, ce qui impose que nous nous entendions sur sa signification.
Le principe de laïcité se suffit à lui-même. Or, il est souvent accompagné d'adjectifs divers. On parle ainsi de laïcité « plurielle », « positive », « ouverte ». Nous souhaitons rappeler où ce principe, plus que jamais d'actualité, prend ses sources, à savoir la loi du 9 décembre 1905. Il n'est pas inutile de définir précisément la laïcité, et je vais vous faire part d'une expérience récente, éclairante à cet égard sur de possibles dérapages. Dans mon département, un déplacement ministériel fut annoncé, pour le dimanche 4 mai 2008, par la voie d'un courrier officiel à en-tête du cabinet d'un secrétariat d'État faisant état d'une cérémonie religieuse de reconnaissance de miracle ! (Sourires.)
C'est déjà un miracle que l'information soit arrivée ! (Sourires.) Il n'y a pas de raison que cela se passe toujours à Lourdes !
Bref, ce courrier émanait du secrétariat d'État à l'aménagement du territoire !
Le principe de laïcité doit donc être rappelé avec sa référence à la loi du 5 décembre 1905 : ce sera utile aux ministres de la République comme à la République !
J'ai bien noté que M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire faisait des miracles lors de ses déplacements. J'espère qu'il viendra prochainement dans mon département ! (Sourires.)
Cela étant, la commission a émis un avis défavorable, non qu'elle soit hostile au principe de laïcité, mais parce que cet amendement est satisfait par l'article 1er de la Constitution qui dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». De plus, il existe une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel réaffirmant le principe de laïcité.
Comme vous, monsieur le député, nous sommes très attachés au principe de laïcité, mais il figure déjà dans la Constitution. Il serait par ailleurs difficile de faire référence dans la loi fondamentale à la loi de 1905 qui, par définition, est contingente. Je vous invite donc à bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
J'aimerais ajouter un élément important aux arguments de M. Warsmann et de Mme la garde des sceaux. L'adoption de cet amendement créerait un précédent : nous inscririons dans la Constitution une référence à une loi, du reste modifiée plusieurs fois depuis son instauration, ce qui poserait un problème sur le plan des normes. Pourquoi ne pas imaginer ensuite de faire figurer une référence à un décret ou à une circulaire ? Pour cette simple raison de forme, il faut repousser cet amendement.
Pourquoi soutenons-nous cet amendement à valeur symbolique ? Parce que nous assistons à une confessionnalisation rampante des rapports sociaux depuis quelques années. Lorsque M. Sarkozy était ministre de l'intérieur, plusieurs faits l'ont montré. Et depuis qu'il est devenu Président de la République, il a, à plusieurs reprises – il n'a jamais varié sur cette question même s'il a apporté des aménagements à ses déclarations –, expliqué ex cathedra que, pour lui, le prêtre et le pasteur valaient autant que l'instituteur.
Oui, même plus ! Tous les Français ne l'ont peut-être pas noté, mais c'est une illustration du fait que sa conception de la laïcité est à géométrie variable. C'est aussi une confirmation de sa volonté de raboter ce principe inscrit dans notre loi fondamentale.
Est-il besoin de rappeler que lorsque des actes antisémites ont été commis dans une banlieue, le ministre de l'intérieur qu'il était avait renvoyé le règlement du problème à l'imam et au rabbin ? Comme s'il était de la responsabilité des chefs religieux de régler les problèmes sociaux ! Nous pourrions citer bien d'autres exemples de cette dérive.
Il a même embauché la mère supérieure Emmanuelle Mignon ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je soutiens donc cet amendement qui nous rappelle à l'ordre de la laïcité.
Je suis saisi d'un amendement n° 116 .
La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le soutenir.
Puisque le Gouvernement semble avoir un problème avec la loi de 1905, nous proposons de rappeler que notre pays « permet l'application du principe fondamental de laïcité reconnu par les lois de la République ». Ainsi évitons-nous la référence précise à la loi de 1905 tout en réaffirmant clairement le principe de laïcité. Les députés radicaux de gauche y tiennent d'autant plus que celui-ci fait l'objet d'atteintes régulières.
Cet amendement ne saurait subir le même sort que le précédent. Les députés du Nouveau Centre ne peuvent en effet lui opposer la même posture intellectuelle. Il n'est pas question ici, monsieur Folliot, de constitutionnaliser une loi.
Nous entendons faire reconnaître l'apport de la loi de 1905 en tant que pilier de la République, point de rassemblement des Français autour de la place de la religion dans la société et ancrage des pouvoirs publics à travers la séparation de l'Église et de l'État. Ce point est pour nous intangible et nous sommes attentifs à la façon dont la Constitution peut faire évoluer l'exigence à l'égard de ce principe.
Cet amendement, présenté par nos excellents collègues radicaux de gauche, y contribue de façon modérée et raisonnable. Il se justifie par le fait que le Président de la République, au sein du pouvoir exécutif, n'a pas manqué de heurter des croyants comme des non-croyants, des militants laïques comme des personnes sans préférence partisane, par son exaltation de la supériorité de la spiritualité non seulement comme outil d'épanouissement individuel, ce qui relève de la conscience privée, mais aussi comme outil d'organisation de la société. Et cette intrusion du spirituel dans la sphère publique est pour nous un motif d'inquiétude.
Cet amendement peut contribuer à stabiliser l'acquis laïque de notre République et ses apports. Il ne se contente pas, comme l'a proposé le rapporteur, de maintenir l'affirmation du principe d'une République laïque. Dieu soit loué (Sourires), elle l'est et le restera. Mais nous avons besoin de dire comment elle le sera. Cet amendement apporte la pierre à l'édifice commun qui nous unit. Nous vous prions donc de le soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cet amendement est redondant par rapport au texte de la Constitution qui est extrêmement clair. La France « respecte toutes les croyances » est-il affirmé à l'article 1er. C'est cela la laïcité !
Malheureusement, en France, nous avons un vieux débat, remontant à plus d'un siècle, où sont confondues une laïcité frileuse, hostile à la religion, et une laïcité moderne, selon laquelle la République ne doit se réclamer d'aucune religion mais doit toutes les respecter. Je suis surpris de votre attitude en ce domaine, car lorsqu'il est question de reconnaissance de la diversité, nous sommes tous d'accord.
Merci pour vos leçons de tolérance et de diversité, monsieur Vanneste ! Vous éclairez l'Assemblée !
Je suis très cohérent avec moi-même, nous en reparlerons !
Tout à l'heure, je vous ai suivis sur la suppression du mot « race » de la Constitution, car la race n'est pas une réalité qui fonde la diversité. En revanche, croyez-moi, mes chers collègues, la religion, si ! Beaucoup de personnes tirent leur richesse intérieure d'une certaine spiritualité. Spiritualité religieuse et spiritualité laïque d'ailleurs : l'une vaut bien l'autre, je suis le premier à le reconnaître.
Alors, de grâce, cessez de vouloir ressusciter le petit père Combes. Il nous a quittés depuis longtemps. Assumez plutôt une conception moderne de la laïcité !
Je suis surpris par cette démarche qui met en doute le fait que la France est une République laïque. L'article 1er de la Constitution le stipule clairement : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Pourquoi vouloir le réaffirmer ? Est-il besoin de préciser que la France est une République démocratique ou une République sociale ? Cet amendement n'a aucune portée, il ne changera rien.
Oui, mais quand on sait que le Président de la République est le gardien de la Constitution, mieux vaut s'entourer de précautions !
Et si c'est l'expression du Président de la République qui est visée, comme vient de le reconnaître M. Mamère, cela n'a pas grand intérêt pour notre débat.
Il s'agit d'un amendement de repli, après le refus qui nous a été opposé d'inscrire dans la Constitution la Charte européenne des langues régionales et minoritaires.
Cet amendement vise à rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution : « Le français est la langue officielle de la République. Les langues régionales de France sont également reconnues par la République ». Cela nous permettrait de sortir du statut de simple tolérance de ces langues pour arriver à une reconnaissance. Certes, il ne s'agirait pas d'une reconnaissance au sens de la Charte européenne, comme elle existe dans de nombreux pays de l'Union européenne, mais cela constituerait un petit progrès. Je n'insisterai pas sur le fait que les écoles dispensant l'enseignement de ces langues, qu'il s'agisse des écoles Diwan ou des Iskatola, sont très peu aidées par rapport à d'autres pays comme l'Espagne. Reste que toutes les enquêtes menées auprès des élèves de ces écoles montrent que la maîtrise d'une langue régionale, loin de nuire à l'apprentissage du français, le nourrit et le renforce.
Je n'ignore pas que le rapporteur va présenter un amendement à ce sujet, mais sa rédaction est très différente.
Comme vous le savez, la commission des lois travaille à résoudre les difficultés soulevées pour essayer de trouver des points d'équilibre qui soient les plus constructifs possible.
Certains de nos collègues, dont M. Mamère et M. Folliot, ont manifesté leur grand attachement à la reconnaissance des langues régionales dans notre Constitution. Comme l'a très bien dit M. Mamère, il ne s'agit dans l'esprit de personne de remettre en cause l'article 2 de notre Constitution posant le principe que « la langue de la République est le français ». Il s'agit de donner un ancrage à la richesse linguistique régionale de notre pays.
Lors du débat sur les langues régionales, il y a quelques semaines, le Gouvernement a pris l'engagement de faire voter une loi en ce domaine. Et certains collègues se sont inquiétés du fait, que sans ancrage constitutionnel, cette loi risquait de paraître fragile au Conseil constitutionnel.
Loin de toute idée de concurrence entre les langues régionales et le français, cet amendement vise à introduire dans notre Constitution la richesse que constitue le patrimoine des langues régionales en affirmant à l'article 1er de notre Constitution, qui pose les principes auxquels la France est attachée, que ces langues appartiennent au patrimoine de notre pays.
Nous voulons ainsi marquer l'attachement de la France à ce patrimoine sans pour autant créer un droit pour les particuliers d'exiger de la part des administrations l'usage d'une autre langue que le français ou des droits spécifiques pour des groupes.
Cet amendement permettra demain de voter la loi que le Gouvernement s'est engagé à présenter, répondant aux attentes de nombreux collègues sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l'amendement n° 569 .
Nous pouvons nous reconnaître dans nombre des amendements qui sont présentés, car nous avons pour ambition commune de défendre des identités qui nous rassemblent et d'appartenir à une nation qui s'enrichit de sa diversité. Pour ma part, je me rallierai volontiers à un amendement qui, au prix de grands efforts, permet le consensus.
Mesdames, messieurs de l'opposition, j'espère que nous saurons nous retrouver sur un sujet essentiel puisque, pour la première fois, nous allons introduire les langues régionales dans notre Constitution, leur donnant par là même une portée considérable. Nous devons comprendre qu'il s'agit d'un patrimoine vivant, que ces langues doivent retrouver leur vitalité et que la nation doit les soutenir. À aucun moment il ne s'est agi, dans notre esprit, d'opposer les langues régionales au français.
Je me rallie donc à l'amendement de M. Warsmann qui vise à mentionner dans la Constitution l'existence de nos langues régionales auxquelles nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 276 .
Nous retirons l'amendement n° 276 au profit de celui du président de la commission des lois (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), en nous félicitant du chemin parcouru depuis la dernière réunion de la commission. Nous avions en effet beaucoup argumenté pour convaincre et nous avions échoué de peu. Je veux y voir un bon signe pour ce débat. Quand la majorité fait des efforts, l'opposition sait les reconnaître. Nous ne serons donc pas parcimonieux dans nos compliments si vous les méritez, madame la garde des sceaux.
Effectivement, pour l'heure, le compte n'y est pas !
Il était évident que, sans modification de la Constitution, la loi sur les langues régionales que Mme Albanel nous a annoncée rencontrerait des obstacles. Du reste, notre passé juridique nous rappelle que quand Jack Lang, alors en charge de l'éducation nationale, avait signé, le 5 septembre 2001, un protocole avec l'association Diwan qui pratique la langue bretonne par immersion, montrant ainsi son attachement aux langues et cultures régionales, le Conseil d'État, saisi en référé par une ordonnance du 20 octobre 2001, avait estimé que c'était méconnaître l'article 2 de la Constitution. Il faisait ainsi naître un doute sérieux quant à la légalité du protocole et l'application de la mesure avait été suspendue, ce qui avait contribué à fragiliser durablement ce réseau d'établissements scolaires gratuit et laïc.
L'amendement du président de la commission des lois va dans le bon sens. Nous espérons qu'il permettra d'assurer non seulement la protection des langues régionales, mais aussi sur leur épanouissement.
Malheureusement, la loi qui nous est annoncée ne suffira pas puisque je rappelle qu'un demi-siècle après le vote de la loi Deixonne de 1951, qui avait prévu la généralisation progressive de l'enseignement bilingue dans les régions de France, nous n'y sommes pas vraiment.
Enfin, les langues régionales vont être reconnues dans notre Constitution ! Des millions de Français attendaient ce moment depuis longtemps, car ces langues font partie de notre patrimoine, au même titre que le patrimoine culturel ou bâti. Notre patrimoine linguistique caractérise notre pays. Pendant des siècles, la nation s'est constituée d'apports successifs avec des parlers différents. Reconnaître dans la Constitution la richesse de ce patrimoine linguistique constitue une avancée particulièrement importante et significative.
Beaucoup de choses sont liées. L'enseignement permet de maintenir les langues régionales vivantes. C'est un enjeu fondamental. En Occitanie, des jeunes issus d'autres régions et dont les parents ne parlent pas forcément ces langues régionales s'y mettent petit à petit. Au fond, ce combat pour les langues régionales est parallèle à celui que nous menons pour la défense du français. Défendre les langues régionales, c'est en effet un peu comme défendre le français par rapport à la toute-puissance de l'anglais au plan international. Dans ce cadre, l'amendement du rapporteur constitue une avancée intéressante.
Un sous-amendement prévoit d'aller plus loin encore en reconnaissant explicitement que la République protège les langues régionales. Certes, par définition, la République protège tout ce qui a trait aux éléments fondamentaux qui sont inscrits dans les premiers articles de la Constitution. Mais, au regard de l'histoire, il nous paraît utile d'apporter cette précision supplémentaire.
La commission ayant adopté l'amendement n° 605 rectifié , j'émets un avis défavorable sur les autres amendements qui seraient maintenus.
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez que l'on mentionne les langues régionales dans notre Constitution. Cette question avait déjà été débattue lors de la révision constitutionnelle liée à la ratification du traité de Lisbonne. Le Gouvernement s'était alors engagé à organiser un débat à l'Assemblée sur les langues régionales. Il a eu lieu le 7 mai dernier. À cette occasion, Christine Albanel s'est engagée à présenter une loi afin de mettre en oeuvre les dispositions existantes.
Vous souhaitez aller plus loin en inscrivant les langues régionales dans la Constitution et nous y sommes favorables. Il me semble logique de le faire à l'article 1er, qui prévoit que la France est une République décentralisée, plutôt que d'opposer le français aux langues régionales à l'article 2.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 605 rectifié et défavorable aux autres amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je tiens à remercier le Gouvernement et le président de la commission des lois.
Par trois fois, à l'occasion de trois débats constitutionnels successifs, je me suis exprimé pour introduire les langues régionales dans la Constitution. Par trois fois, nous avons échoué, mais à chaque fois plus de collègues, de différents groupes, se joignaient à nous.
Aujourd'hui, les choses ont fondamentalement changé. En janvier dernier, le Premier ministre s'était engagé à organiser un débat, engagement qu'il a tenu. Et le débat du 7 mai a abouti puisque Mme Albanel s'est engagée à ce qu'une loi soit votée dès 2009. Mais pour qu'elle le soit en toute sécurité juridique, il fallait introduire la notion de langues régionale dans la Constitution, ce que l'on fait, et dès l'article 1er, ce qui a une grande portée symbolique.
Mes chers collègues, je suis convaincu que l'unité n'est pas l'uniformité, que l'égalité est non pas la confusion, mais la possibilité pour chacun d'être soi-même. Pour bon nombre de nos concitoyens, les langues régionales signifient quelque chose, même pour ceux qui ne les maîtrisent pas totalement.
Je conclurai mon intervention en évoquant un souvenir historique. En juin 1940, un quart des marins et des soldats français qui avaient rejoint le général de Gaulle venaient de l'île de Sein qui se trouve à l'extrémité ouest de la pointe la plus occidentale du pays. Si ces hommes ne maîtrisaient pas parfaitement les subtilités de la langue française, il n'en demeure pas moins qu'ils se sont battus pour la France, que nombre d'entre eux n'ont pas revu leur île et qu'ils parlaient une langue à laquelle ils étaient attachés. Aujourd'hui, non seulement nous leur rendons hommage, mais nous faisons évoluer positivement notre droit objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
On ne peut que se féliciter que le Gouvernement accepte l'amendement de M. Warsmann.
Considérer que les langues régionales font partie de notre patrimoine, comme les monuments historiques et les archives, cela ne les rend pas pour autant vivantes. Aussi, à l'amendement n° 605 rectifié , je propose d'ajouter, après le mot : « patrimoine » le mot : « vivant ». Cela permettra peut-être à M. Bayrou de retirer son sous-amendement dans la mesure où l'on n'a pas forcément besoin de protéger quelque chose qui vit.
Sans cette précision, on pourrait considérer que ces langues régionales font partie de notre patrimoine folklorique passé, sans pour autant les rendre vivantes. On peut les protéger, comme on protège les monuments historiques, car ce sont des témoignages du passé. Le mot « vivant » apporterait une précision et montrerait que les langues régionales ont toujours vocation à être parlées. Même si nous considérons qu'il faut une langue unique à notre nation, l'unité n'est pas l'uniformité. Du reste, j'espère que cela nous fera réfléchir sur la pratique des langues étrangères sur notre territoire, car j'ai l'impression qu'on est attaché aux langues régionales mais pas à la culture des étrangers.
L'amendement de M. Warsmann remplit parfaitement son rôle. Comme nos débats parlementaires sont une source subsidiaire du droit et que je vois bien qu'un contentieux naîtra sur l'interprétation de la formule que nous allons adopter, je voudrais apporter quelques précisions.
D'abord, l'amendement n'a rien à voir avec la charte. La ratification d'une charte est un acte complètement indépendant d'une stipulation dans la Constitution.
Ensuite, il faut préciser ce que l'on entend par « langues régionales ». Avec le mot « région », on a un critère d'implantation géographique sur le territoire de la République. Avec celui de « langue », on suppose, par opposition aux dialectes et au patois, que cette langue est suffisamment ancrée dans la culture nationale pour qu'elle possède un patrimoine écrit.
Enfin, monsieur Braouezec, le terme « vivant » est superflu : l'objectif est non pas de donner une crédibilité à la politique des langues régionales, mais de rendre juridiquement possible l'application de textes visant à mettre en oeuvre – ou non, suivant le souhait du législateur – une telle politique. Celle-ci n'est pas obligatoire ! En revanche, les futurs gouvernements pourront se dégager de l'étreinte du Conseil constitutionnel, qui aurait probablement annulé les dispositions non seulement de la future loi, mais aussi des suivantes, en raison de son interprétation souvent restrictive de la Constitution sur ce sujet. Le terme « patrimoine » traduit parfaitement cette volonté de lever par voie législative les obstacles posés par le Conseil constitutionnel ou par le Conseil d'État, afin d'ouvrir la voie non seulement à des mesures législatives, mais aussi à des actes réglementaires pris par des régions ou des collectivités locales souhaitant défendre activement les langues régionales. Aussi ce « patrimoine » est-il nécessairement « vivant ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les choses allant mieux en le disant, et comme je crains d'avoir été mal compris, je précise que, compte tenu de l'accord qui vient d'avoir lieu, je retire mon amendement au profit de celui du président de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, je souhaite rectifier l'amendement n° 605 . La phrase qu'il vise à introduire à l'article 1er de la Constitution sera dès lors la suivante : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».
Je souhaite tout d'abord exprimer ma satisfaction : je suis, avec Marc Le Fur, de ceux qui, dans cet hémicycle, mènent depuis longtemps le combat en faveur de la reconnaissance des langues régionales. Et je tiens à rassurer M. Goasguen : certaines langues régionales possèdent une littérature antérieure de cinq siècles à l'apparition du français !
À cet égard, monsieur Warsmann, l'amendement que vous proposez constitue un important pas en avant.
Cela étant, et même si la rédaction de l'amendement mériterait d'être complétée, une chose me trouble infiniment : qu'on veuille inscrire la mention des langues régionales dans l'article 1er de la Constitution, qui édicte les principes fondamentaux de la République – l'égalité, la laïcité, le respect des croyances… Dieu sait que je me suis toujours battu en faveur des langues régionales. C'est ainsi moi qui, en tant que ministre de l'éducation nationale, ait apporté le soutien de l'État aux écoles Ikastola, Diwan et Calendretas, alors moribondes, en leur faisant bénéficier, à l'issue d'une longue lutte, des dispositions de la loi Debré ; et cela reste pour moi un combat de tous les jours. Pourtant, la reconnaissance des langues régionales ne me semble pas avoir sa place à l'article 1er de la Constitution, car il ne s'agit pas d'un principe fondamental de la République – ou alors il fallait adopter l'amendement de M. Mamère sur la diversité.
Il s'agit, au contraire, de régler un problème technique né d'une mauvaise interprétation du premier alinéa de l'article 2 – « La langue de la République est le français » –, qui a donné lieu à une jurisprudence du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel hostile aux langues régionales.
Cette assemblée devrait avoir suffisamment l'amour du droit et des principes pour ne pas placer dans l'article 1er une chose qui ne devrait pas y être ! Je suis ravi que les langues régionales soient inscrites dans la Constitution, mais il faudrait qu'elles figurent à un autre article, car cette bizarrerie me semble être de nature à troubler le bon ordonnancement de la Constitution, au motif de régler un problème, certes réel et profond, mais qui ne tient pas aux principes de la République.
Cela dit, le sous-amendement n° 606 vise à modifier l'amendement du rapporteur en indiquant que ces langues régionales appartiennent au patrimoine « de la Nation » – plutôt que « national » – et en ajoutant : « La République les protège ». L'emploi d'un tel verbe d'action permet d'affirmer les devoirs qu'a la République à l'égard des langues formant notre patrimoine culturel.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 607 .
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le soutenir.
Les interrogations de notre collègue François Bayrou sur le positionnement de la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution sont tout à fait intéressantes. Cependant, l'essentiel est que ces langues soient effectivement reconnues. Il sera toujours temps, dans le cadre de la navette parlementaire, de procéder à des ajustements. Mais ce qui est acquis reste acquis !
Le sous-amendement n° 607 , qui reprend en fait la deuxième partie de l'amendement n° 262 , vise à ajouter la phrase suivante : « La République les protège ». Cette notion de protection qui, comme on vient de le rappeler, suppose une action, doit être affirmée et précisée : si nous débattons aujourd'hui des langues régionales, c'est probablement parce que, durant des décennies, la République n'a pas assez « protégé » cette part importante de son patrimoine vivant. Inscrire ce devoir de protection dans la Constitution me semble être une garantie supplémentaire utile et attendue par celles et ceux qui tiennent aux langues régionales.
Monsieur le président, si j'ai bien compris, M. Bayrou rectifie son sous-amendement et supprime les mots « de la Nation. » ?
Soit : il devient alors identique au sous-amendement n° 607 que vient de nous présenter M. Folliot. Je ne suis favorable à aucun des deux, car une telle précision est totalement inutile.
En effet, l'article 1er de la Constitution commence ainsi : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. ». L'amendement n° 605 rectifié vise à le compléter par la phrase : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine. ». Pourquoi ajouter : « La République les protège » ? On parle de la France !
En outre, on ne va pas préciser à chaque mention d'un principe fondamental que celui-ci est protégé par la République ! Il suffit de dire : « La France est une République démocratique » et « Elle respecte les croyances » !
Notre débat vient de le montrer, notre objectif commun est d'inscrire l'existence des langues régionales dans la Constitution. Il suffit, en droit, de l'exprimer clairement et sobrement : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine. ». Une telle formulation leur permet de faire leur entrée dans la Constitution, tout en apportant, je crois, satisfaction à tous.
Même avis que la commission.
J'accepte de retirer le sous-amendement n° 606 . J'espère toutefois que la navette parlementaire permettra de remettre un peu d'ordre dans cette affaire.
D'abord, l'évolution en cours est positive : ne la ternissons pas !
Ensuite, le verbe « protéger » ne me convient pas, car il évoque les monuments historiques ! Il s'agit ici non pas de protéger, mais de promouvoir. Je préfère donc la rédaction de la commission, plus claire.
Enfin, je ne doute pas de l'engagement militant de mes collègues en faveur des langues régionales, en particulier celui de François Bayrou, mais, contrairement à lui, je trouve judicieux que cette reconnaissance intervienne précisément à l'article 1er, car cela nous évite toute ambiguïté dans l'article 2 : nous ne sommes pas opposés à la langue française, bien au contraire, nous militons en sa faveur, ainsi qu'en faveur des langues régionales. L'article 1er de la Constitution est le plus important, ce qui est une très bonne chose pour les langues régionales.
Je voudrais préciser deux points.
D'abord, si, bien entendu, je suis très favorable à la notion de « langues régionales », il me semble que les critères géographiques évoqués par Claude Goasguen sont fondamentaux pour la suite des événements. Eu égard aux évolutions que connaît notre pays, les langues régionales d'aujourd'hui ne sont pas forcément celles de demain. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Qu'est-ce que cela signifie ?
Ensuite, une chose me gêne : la langue de la République est actuellement mentionnée à l'article 2 de la Constitution, puisqu'elle définit l'identité de la nation et, partant, sa souveraineté. En évoquant les questions linguistiques à l'article 1er, on les sépare des autres instruments de la souveraineté nationale que sont l'emblème, l'hymne ou la devise. Je souhaite donc que la mention des langues régionales apparaisse au titre XII, relatif aux collectivités territoriales, et que la définition de la langue de la République demeure liée à la souveraineté.
Ce débat est extrêmement important. Comme l'a souligné Claude Goasguen, non seulement cette rédaction alimentera des contentieux, mais elle contribuera à l'élaboration de nombreux dispositifs, à l'échelle nationale comme à l'échelle régionale.
François Bayrou a rappelé que la langue figurait à l'article 2 au titre d'élément de souveraineté. Or, l'amendement n° 605 rectifié vise à inscrire les langues régionales à l'article 1er : nous ne sommes donc pas dans la même situation. Selon moi, la place de ce dispositif est bien à l'article 1er, le sous-amendement n° 607 devant permettre de répondre aux demandes de chacun.
Toutefois, madame la garde des sceaux, il vous appartient, les députés ne pouvant se mettre à la place du Gouvernement, de nous indiquer quels seront les effets de cette disposition sur la protection des langues régionales. Quelle conséquence concrète aura le fait que la phrase : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine » soit placée à l'article 1er de la Constitution, c'est-à-dire, en quelque sorte, dans le patrimoine de celle-ci, sur les dispositifs qui sont actuellement en cours d'élaboration et qui permettront, demain, de protéger les langues régionales et d'initier des pédagogies ? Nous attendons votre réponse sur le sujet afin d'éviter qu'après avoir célébré cette avancée votée par notre assemblée le législateur ou les régions ne soient de nouveau confrontés à des obstacles, notamment d'interprétation constitutionnelle. Madame la garde des sceaux, il vous appartient de clarifier ce point, ou plutôt de confirmer que nous sommes sur la bonne voie, celle que la majorité d'entre nous, manifestement, souhaite emprunter.
Plus on parle des langues régionales, plus on fait progresser leur cause, qui est essentielle. Or non seulement nous avons passé du temps à les évoquer, mais j'ai pris également bonne note des propos de M. le rapporteur et des différentes interventions qui ont enrichi le débat. Je retire le sous-amendement n° 607 , ne serait-ce que parce que, sur tous les bancs de notre assemblée, l'avancée que représente l'amendement n° 605 rectifié fait l'unanimité ou presque : je ne voudrais pas la ternir en maintenant un sous-amendement qui, manifestement, fait débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le sous-amendement n° 607 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 605 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Une fois n'est pas coutume, monsieur le président, ce rappel au règlement aura un caractère quelque peu solennel. Je tiens en effet à souligner que le travail que nous avons effectué en commission sur la question des langues régionales, au cours duquel tous les groupes ont émis des propositions, a non seulement permis de déblayer le terrain, mais également conduit l'Assemblée nationale à adopter à la quasi-unanimité une avancée décisive, dont les conséquences concrètes, en termes de protection des langues régionales, apparaîtront au fur et à mesure de l'adoption, par chaque institution compétente, de nouvelles normes juridiques. Je le répète : c'est pour nous, socialistes, une avancée positive.
Cette méthode, empreinte d'une certaine lenteur et faite d'écoute mutuelle et de travail en commun, en dépit, parfois, d'une certaine confusion entre amendements, amendements rectifiés et sous-amendements, nous a conduits à nous rassembler autour de la position du président de la commission des lois, rapporteur du texte.
J'ai de nombreux désaccords avec le président Warsmann comme avec la majorité, mais je serais heureux si nous maintenions, à titre de précaution, la méthode employée pour les langues régionales en vue de traiter d'autres points du projet de loi constitutionnelle – j'en ai identifié un certain nombre –, lesquels, à la suite de nos débats en commission, ont donné naissance, sur tous les bancs, à de nombreux amendements qui rejoignent parfois les nôtres et que nous aurons à examiner dans les prochains jours.
Monsieur le président de la commission, c'est ici que nous devons le décider. Le président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, Jean-Marc Ayrault, et l'ensemble des membres du groupe, quelle que soit leur sensibilité, souhaitent donner à ce débat toutes ses chances d'aboutir. Monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, vous qui nous regardez d'un oeil attentif, vigilant même, sachez que telle est l'optique dans laquelle nous souhaitons travailler jusqu'au bout pour que nos discussions soient fructueuses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Hier l'UDF, aujourd'hui le Nouveau Centre ont toujours souhaité non seulement que l'on puisse dégager des majorités au Parlement comme dans les autres assemblées de la République, mais aussi et surtout que soit assurée une représentation pluraliste des opinions afin, d'une part, de renforcer la légitimité de ces assemblées et, d'autre part, de permettre aux débats qui s'y déroulent d'exprimer toutes les opinions qui se sont manifestées lors des élections. En effet, si nous admettons qu' il est nécessaire de dégager des majorités, nous estimons que nos modes de scrutins amplifient celles-ci de manière excessive, ce qui ne permet pas de garantir une représentation véritablement pluraliste des opinions.
L'amendement n° 244 vise donc à compléter par la phrase suivante le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution : « Les modes de scrutin des assemblées élues de la République assurent la représentation pluraliste des opinions et des territoires. »
S'il n'est pas question que la Constitution détermine les modes de scrutin, il est en revanche utile, voire nécessaire, qu'elle fixe les principes de représentation de nos assemblées. Si les modes de scrutin, dans leurs détails, relèvent du code électoral, les principes, eux, comme le fait que le suffrage soit universel et secret, relèvent de la Constitution. L'objet de l'amendement n° 244 est de garantir le pluralisme dans toutes les assemblées de la République.
Jean-Christophe Lagarde vient de le rappeler, il s'agit, pour nombre d'entre nous, de l'un des sujets les plus importants de cette réforme. Sur ce sujet, un argument « bateau » est employé à satiété, selon lequel la question soulevée par cet amendement ne serait pas d'ordre constitutionnel. J'invite ceux qui y recourent à relire la Constitution qui, non seulement, précise que le suffrage peut être direct ou indirect, mais, de surcroît, qu'il est toujours universel, secret et égal. La simple affirmation du principe d'égalité du suffrage devrait rendre superfétatoire l'amendement n° 244 ainsi que les deux sous-amendements nos 592 et 602 . Or, faut-il rappeler qu'aujourd'hui ce n'est pas la peine qu'un électeur de gauche se déplace pour voter à Neuilly-sur-Seine puisqu'il n'a aucune chance d'influencer le scrutin et qu'il en est de même d'un électeur de droite à Saint-Denis ?
Ce n'est pas vrai : il faut simplement qu'ils soient plus nombreux à se déplacer. (Sourires.)
Du reste, cet argument n'est pas mien : Léon Blum l'avait utilisé avant moi dans un débat du même ordre pour justifier le choix fondateur d'une loi électorale juste.
Le sous-amendement n° 592 vise à améliorer l'amendement n° 244 sur le plan juridique puisque, au début de l'alinéa 2 de cet amendement, il vise à remplacer la mention des « modes de scrutin », qui n'est pas d'ordre constitutionnel, par celle de « la loi » qui doit, en outre, garantir la représentation à la fois « équitable et » pluraliste des opinions et des territoires, comme le précise le sous-amendement n° 602 .
Si de telles dispositions étaient adoptées, cela permettrait de répondre à la crise de nos institutions qui, comme je me suis efforcé de le rappeler au cours de la discussion générale, tient à la soumission mécanique du législatif à l'exécutif, en raison de la concomitance des élections, et au scrutin majoritaire, lequel interdit aux Français d'être égaux devant le suffrage, leur vote ne permettant pas à un grand nombre d'entre eux d'être représentés à l'Assemblée nationale.
Je tiens à rappeler que dans tous les pays de l'Europe continentale, la France exceptée, c'est une loi équitable et pluraliste de cette nature qui assure l'équilibre démocratique.
Défavorable à l'amendement et aux deux sous-amendements.
Nous connaissons tous par coeur les arguments relatifs aux modes de scrutin. Je pourrais répondre à M. Bayrou que dans une assemblée élue avec une dose importante de proportionnelle, les députés d'un groupe représentant 45 % de l'assemblée ne pèsent rien tandis que ceux d'un groupe qui représente seulement 2 % pèsent tout, parce qu'ils emportent la décision en permettant la constitution d'une majorité. Les électeurs qui ont voté pour le premier groupe ne pèsent donc pas grand-chose par rapport à ceux qui ont voté pour le second.
Monsieur le Premier ministre l'a rappelé à la tribune, il n'y a pas de consensus sur ce point et nous ne souhaitons donc pas que les modes de scrutin entrent dans le champ de la révision constitutionnelle.
Par ailleurs, quand bien même l'amendement ne serait pas anticonstitutionnel, ce que je ne crois pas, il ne ferait que décrire la situation actuelle : une assemblée nationale élue au suffrage universel direct, aucune section du peuple ni aucun individu ne pouvant s'attribuer l'exercice de la souveraineté, une seconde chambre – « pluralisme des territoires » – représentant les collectivités territoriales. Cet amendement n'ajouterait donc rien à la Constitution et ne remettrait pas en cause le système actuel.
Monsieur le Premier ministre nous a montré la voie de la sagesse. N'entrons pas dans ce débat, puisqu'il ne peut y avoir de consensus !
Votre réponse, monsieur le rapporteur, est sectaire, pour ne pas dire choquante. Ainsi, parce qu'il n'y aurait pas de majorité dans cet hémicycle sur la question de la proportionnelle, celle-ci ne mériterait pas que nous en débattions !
Cela revient pourtant à cela, puisque vous avez affirmé que tout amendement ayant pour objet la proportionnelle ne mérite pas d'être débattu, puisque vous êtes majoritaires pour la refuser.
Vous avez balayé d'un revers de main les débats que pourrait soulever cette juste demande.
Dans quelques instants, nous défendrons l'amendement des députés Verts sur la proportionnelle. Comment pouvez-vous sérieusement prétendre que vous voulez réformer la Constitution ou comment pouvez-vous sérieusement soutenir qu'il ne faut pas passer à côté de cette occasion historique et que l'opposition ferait preuve de sectarisme si, en agissant à court terme en fonction de ses petits intérêts, elle s'obstinait à voter contre le texte, alors même que, loin de toute perspective historique, vous vous arc-boutez contre le vote des étrangers non communautaires, contre l'introduction du pluralisme dans les médias et que vous avez bricolé un amendement qui, pour avoir permis un consensus en inscrivant les langues régionales à l'article 1er de la Constitution, ne leur garantit pour autant pas, comme l'a fort bien montré M. Le Bouillonnec, la protection juridique que permettrait l'application de la charte européenne des langues régionales et minoritaires, dont l'adoption est rendue d'autant plus aisée par la signature du traité de Lisbonne ? Vous nous répondez que la proportionnelle n'a rien à voir avec cela. Et lorsque nous demandons une meilleure représentativité du Parlement, vous nous demandez de circuler, car il n'y a rien à voir, et vous en restez au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Vous savez pourtant, monsieur le rapporteur, que certaines forces politiques, ici même, sont largement sous-représentées par rapport à leur poids réel dans la société. En nous répondant comme vous le faites, d'une manière un peu hautaine…
…vous ne faites que conforter le bipartisme. Combien de fois avons-nous été confrontés, dans cet hémicycle, à des débats n'opposant que l'UMP et le groupe socialiste ? Croyez-vous vraiment qu'un parti comme les Verts, qui a su poser les questions qui sont aujourd'hui au coeur des préoccupations de notre société et proposer de véritables réponses à la crise écologique, économique et sociale que nous traversons, acceptera longtemps de rester sous la coupe de son grand frère, le parti socialiste, pour obtenir quatre sièges de députés, comme si c'était une aumône qu'on lui faisait ?
La proportionnelle est nécessaire pour garantir une juste représentation des différentes familles politiques.
Par ailleurs, regardez la couleur de votre peau, mesdames, messieurs : la représentation nationale n'est pas le reflet de la diversité sociale de ce pays, pas plus que le reflet de sa diversité politique. Voilà pourquoi la proportionnelle est nécessaire !
Et ne nous dites pas que la proportionnelle favoriserait l'extrême droite ! En Allemagne, où 50 % des sièges sont attribués à la proportionnelle, l'équivalent du Front national, dirigé par M. Shönhuber, n'existe quasiment plus.
Cela ne vous étonnera pas, monsieur le rapporteur, que je sois de votre avis : la proportionnelle est extrêmement dangereuse.
Non parce qu'elle peut représenter différentes opinions, mais parce qu'elle permet à un petit nombre de députés de prendre l'ascendant sur l'Assemblée nationale. C'est ce qui s'est passé en 1986 : la majorité n'était que de trois voix.
En 1986, la proportionnelle a été imposée par François Mitterrand qui, refusant le fait majoritaire, a voulu atteindre l'Assemblée, car il craignait qu'elle ne lui soit hostile. Ce sont des manipulations.
À vous écouter, monsieur Mamère, on peut se féliciter que la République soit laïque, car on a l'impression que vous nous adressez en permanence des leçons de morale, comme si vous déteniez la vérité et que nous étions d'affreux personnages n'ayant pas le droit d'avoir un avis. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes contre la proportionnelle, nous l'avons dit, et nous voterons contre l'amendement n° 244 !
Je suis également contre cet amendement. Monsieur Mamère, l'histoire est riche d'exemples, qui ne sont d'ailleurs pas tous négatifs. Il est vrai que certains pays qui ont adopté la proportionnelle ont connu des régimes totalitaires, mais il est également vrai que les plus vieilles démocraties du monde, c'est-à-dire les pays les plus solides, ont recours au scrutin uninominal à un tour. Ce choix, reconnaissons-le, traduit une conception personnaliste de la démocratie : les représentants du peuple ne sont pas de simples pions manipulés par les apparatchiks du parti, ce sont des personnes en chair et en os, avec leur qualité spirituelle, qui se présentent devant les électeurs et les représentent en toute responsabilité. C'est donc un système infiniment plus sain.
Dans la région Nord-Pas-de-Calais, où je suis élu, nous avons subi pendant six ans une majorité un peu curieuse.
La présidence était exercée par un membre de votre parti, monsieur Mamère, qui ne comptait pas plus de cinq représentants, alors que nous, de notre côté, étions une trentaine. Ces élus avaient pourtant le pouvoir, d'une façon parfaitement antidémocratique ! L'un de nos amis – que vous connaissez mais dont, par charité chrétienne, je tairai le nom – nous a alors proposé –Dieu merci, nous ne l'avons pas écouté ! – de soutenir la candidature d'un représentant des « chasseurs et pêcheurs » afin de remporter la présidence. Nous aurions peut-être gagné, mais cette victoire aurait été profondément immorale et antidémocratique !
Je rappelle que nous débattons de la proportionnelle alors que ni l'amendement de M. Lagarde ni les sous-amendements de M. Bayrou ne la mentionnent explicitement. Ils font simplement référence – je préfère, pour ma part, la rédaction de M. Bayrou – à la garantie d'une expression pluraliste au sein des assemblées.
Ces amendements, qui traitent de la proportionnelle, comme d'autres que nous examinerons dans quelques instants, reflètent ce que je soulignais hier dans la motion de renvoi en commission : il y a de graves lacunes dans ce texte.
L'un d'entre nous l'a dit avant moi, notre pays traverse une véritable crise de la représentation politique. La preuve, c'est que nos concitoyens, mise à part l'élection présidentielle, très médiatisée, à laquelle ils ont participé massivement, sont de plus en plus nombreux à s'abstenir pour des scrutins dont l'importance est tout aussi considérable.
M. Bayrou se demandait tout à l'heure pourquoi un citoyen de gauche va voter à Neuilly et un citoyen de droite à Saint-Denis. C'est vrai, certains de nos concitoyens, atteints d'une certaine lassitude, se demandent à quoi leur vote peut bien servir. Tous les amendements relatifs à la proportionnelle posent la question de l'égalité des votes.
Je préfère la formulation de M. Bayrou, que je trouve idoine. Sans aller jusqu'à la proportionnelle intégrale, la loi doit faire en sorte que toutes les composantes de l'électorat soient représentées. Il faut donc insuffler une dose de proportionnelle, qui ne remette pas en cause l'émergence d'une majorité, mais permette à toutes les sensibilités politiques d'exister dans cet hémicycle. C'est une nécessité si nous voulons que nos citoyens reprennent le chemin des urnes et fassent vivre notre démocratie.
Je suis saisi de plusieurs demandes de parole. Dans la mesure où nous allons examiner un grand nombre d'amendements traitant de la proportionnelle qui est, j'en conviens, un sujet très important, je vous propose, dans le respect du règlement, de répartir vos interventions.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, puisqu'il y a un amendement et deux sous-amendements en débat, cela ouvre la possibilité à six interventions distinctes.
Le décompte a été correctement effectué : j'ai donné la parole à ceux qui défendent l'amendement et les sous-amendements, puis à ceux qui sont contre, comme le prévoit l'article 100. Ensuite, j'ai permis que l'on réponde au président de la commission et au Gouvernement, conformément à l'article 56. Le règlement a donc été parfaitement respecté.
Nous pouvons encore nous exprimer contre les sous-amendements, car vous n'avez donné la parole qu'à ceux qui y étaient favorables. Il se trouve que j'ai moi aussi présidé quelques séances de l'Assemblée… Je vous demande simplement de me donner la parole pour répondre aux sous-amendements, puisque je suis l'auteur de l'amendement : cela me semble la moindre des choses. Certes, nous ne devons pas ralentir le débat, mais il doit se dérouler dans des conditions normales.
Je l'ai présenté, en effet, mais il a fait l'objet de sous-amendements !
Je ne pense pas que le sous-amendement n° 592 de M. Bayrou soit de même nature que mon amendement. Le débat s'est égaré : il est question de proportionnelle intégrale, alors que j'avais pris la précaution de préciser que nous devions veiller à ce que les modes de scrutin dégagent des majorités. Je souhaite d'ailleurs que l'on conserve le terme de « modes de scrutin » qui figure dans l'amendement, au lieu de le remplacer par celui de « loi » proposé par M. Bayrou dans son sous-amendement, qui a un sens trop général.
On nous répond que le système serait totalement ingérable. Si vous le pensez, mes chers collègues, demandez la suppression du mode de scrutin municipal et régional, qui est proportionnel, et son remplacement par un scrutin uninominal majoritaire à un ou deux tours !
J'indique à ceux qui sont contre l'amendement qu'ils font une erreur en prétendant que la proportionnelle empêche, par nature, de dégager des majorités.
C'est un autre débat, monsieur le rapporteur, mais nous souhaitons qu'il y ait, dans chaque assemblée de la République, une représentation pluraliste des opinions et des territoires, ici comme au Sénat. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il y a au minimum deux députés par département. Je suis également d'accord avec le sous-amendement n° 602 de M. Bayrou, qui précise que la représentation doit également être « équitable ».
Il me semble que la Constitution doit fixer les principes que doivent respecter les modes de scrutin, tout en laissant à la loi électorale le soin d'en régler le détail. Avec la rédaction qui vous est proposée, la majorité pourra gouverner, et toutes les sensibilités seront représentées. Tel est le sens de l'amendement. Je ne pouvais donc accepter qu'il soit dénaturé.
Enfin, monsieur Vanneste, qu'on ne nous dise pas que la proportionnelle favorise les mouvements totalitaires. Je vous fais observer que l'essentiel des pays de l'Union européenne ont adopté des modes de scrutin proportionnels, et ce depuis longtemps !
Vous critiquez certains de ces pays, mais je vous signale que leur croissance est supérieure à celle de la France !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 592 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 602 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 307 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Cet amendement va dans le même sens que ce dont nous avons débattu jusqu'à présent.
Je conseillerai à M. Vanneste de relire ses auteurs. Il confond sans doute le personnalisme avec la personnalisation du pouvoir.
C'est Emmanuel Mounier, fondateur de la revue Esprit, qui a donné naissance à la théorie du personnalisme, mais il s'agit de tout autre chose !
Vous dites d'autre part que le mode de scrutin proportionnel conduit à l'instauration de régimes totalitaires. Il me semble que nombre de ces régimes sont issus de révolutions qui ne se sont guère embarrassées de ces questions de modes de scrutin, majoritaires ou proportionnels ! Il en subsiste d'ailleurs quelques-uns du côté de l'Amérique…
Je le dis très fermement, nous n'avons jamais demandé une proportionnelle intégrale. J'ai cité tout à l'heure l'exemple de l'Allemagne où la moitié des sièges sont attribués à la proportionnelle et l'autre moitié au scrutin majoritaire.
L'instauration d'une dose de proportionnelle garantirait une meilleure représentativité, ce qui est l'objet même des amendements déposés par M. Lagarde et M. Bayrou. Il faut non pas procéder à un simple ajustement, mais compléter le système majoritaire par une dose de proportionnelle, comme dans le mode de scrutin utilisé lors des élections municipales, qui est un habile mélange des systèmes majoritaire et proportionnel et aboutit, peu ou prou, à une bonne représentation des forces politiques de la cité.
Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, je ne comprends pas pourquoi vous vous arc-boutez ainsi dans le refus. Ce projet de loi qui renvoie, sans aucune précision, à des lois organiques ultérieures ou au règlement de l'Assemblée, est en réalité un blanc-seing que nous ne pouvons vous accorder s'agissant d'un projet aussi important, qui concerne la loi fondamentale.
Mais, je le répète, nous sommes toujours confrontés au refus réitéré du Gouvernement et du rapporteur d'accepter ce qui aurait été l'épine dorsale de la révision constitutionnelle, laquelle ne sera, si vous parvenez à rassembler les voix des trois cinquièmes des membres de nos assemblées, que bricolage. Comment peut-on sérieusement parler de réforme des institutions sans traiter du système électoral, de la stricte limitation du cumul des mandats, de l'introduction d'une part de proportionnelle dans les scrutins, du vote des étrangers ou du pluralisme dans les médias ? Voilà cinq sujets sur lesquels nous devrions débattre.
Nous vous demandons de faire certaines concessions, et non de reculer. Il ne s'agit pas pour nous de vous donner des leçons, comme l'a dit M. Debré. Nous voulons simplement parler des éléments constitutifs de ce qui serait, selon nous, une vraie réforme constitutionnelle. M. Debré a été applaudi tout à l'heure par certains de ses collègues de la majorité après nous avoir reproché de vouloir donner des leçons de morale. Je suis originaire du pays de Montesquieu, qui prône la séparation des pouvoirs. Et, comme l'a dit M. Vallini, je préfère Montesquieu à Bonaparte ! Mais je suis aussi du pays de Montaigne, qui avait opposé le doute sceptique au doute méthodique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Chaque fois que je suis confronté à un texte dans cette assemblée, je me pose cette question : « Que sais-je ? »
Sur le vote de l'amendement n° 307 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Le mode de scrutin n'est pas un sujet de débat médiocre, mais ce n'est pas celui qui nous réunit aujourd'hui. J'ai bien compris les appels des uns et des autres et je me référerai à ce qu'a dit hier le Premier ministre. Il s'agit de réformer la Constitution et, comme l'a rappelé Arnaud Montebourg, nous sommes à la recherche d'un consensus sur l'objet du texte, et non sur des éléments qui constitueraient, comme le souhaiterait M. Mamère, des préalables ou des oukases. On voit bien qu'il y a, sur les bancs de la gauche, plusieurs écoles. J'ai bien écouté Arnaud Montebourg et j'ai eu l'impression qu'il s'adressait plus à son président de groupe qu'à nous-mêmes lorsqu'il disait qu'il fallait absolument parvenir à un consensus sur un texte constitutionnel tendant à donner plus de pouvoirs au Parlement. J'ai également entendu M. Mamère répétant inlassablement les raisons pour lesquelles il ne votera pas, de toute façon, le texte que nous lui proposons aujourd'hui. Je rappelle à M. le député- maire de Bègles qu'avant de prôner la limitation du cumul des mandats, il pourrait se l'appliquer d'abord à lui-même !
Nous devons nous concentrer sur le texte qui nous est soumis et tenter de trouver, avec passion certes, mais avec méthode, les éléments de consensus qui montreront que nous sommes capables de rénover notre Constitution. Sortons des sentiers battus que sont le non-cumul des mandats et la proportionnelle, sujets par ailleurs fort honorables, mais qui ne font pas l'objet du débat d'aujourd'hui et risquent de nous enliser dans une querelle sémantique inutile.
Nous sommes contre ces amendements, parce qu'ils n'ont pas d'objet dans ce texte, mais nous sommes bien entendu ouverts à un débat sur les modes de scrutin, ailleurs et en d'autre temps.
Les propos de notre collègue Mamère sont empreints de contradictions. Il présente un amendement précisant que le mode de scrutin proportionnel est la règle. Puis, dans son intervention, il nous explique qu'il ne faut pas faire la confusion avec un système de proportionnelle intégrale, que ce n'est pas l'objet de son amendement, et qu'il souhaiterait un système mixte. M. Mamère ne peut pas affirmer que le mode de scrutin proportionnel est la règle et demander en même temps l'instauration d'un système mixte. Pour ma part, je renverrai dos à dos M. Mamère, partisan de la proportionnelle intégrale, et M. Debré, partisan, quant à lui, du mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours intégral.
Ce que nous défendons, c'est un mode de scrutin à base majoritaire pour garantir, avec 90 % des députés élus de cette façon, l'expression de la majorité. Avec 10 % de députés élus à la proportionnelle, la représentation des différents courants sera assurée et toutes les sensibilités, de l'extrême droite à l'extrême gauche, pourront s'exprimer à l'Assemblée. Nous préférons les combattre ici même, dans cet hémicycle, en confrontant nos arguments, plutôt que les laisser s'exprimer de manière démagogique dans la rue.
Enfin, je m'étonne du silence assourdissant du groupe socialiste sur cet amendement.
Il serait intéressant de connaître sa position. Car c'est bien la problématique du pluralisme qu'a posée M. Lagarde avec l'amendement du groupe du Nouveau Centre, qui visait à inscrire dans la Constitution la prise en compte de la diversité des opinions et des territoires, ainsi que l'introduction d'une part de proportionnelle permettant une meilleure représentation des citoyens.
Je tiens d'abord à corriger une inexactitude dans les propos de M. Mamère : le mode de scrutin en Allemagne, bien que fondé sur une base majoritaire par circonscription, est en fin de compte, par l'application d'un correctif, totalement proportionnel pour tous les partis ayant obtenu plus de 5 % des suffrages.
Cet élément est essentiel, car il garantira, dans cette enceinte, une représentation équitable de tous les grands courants de pensée.
Par ailleurs, je veux dire à Jean Leonetti que nous sommes précisément au coeur du sujet. C'est, bien sûr, une question intéressante et honorable, mais, contrairement à ce qu'il a dit, elle est centrale. Si l'on en croit les multiples déclarations que nous avons entendues sur le but de cette réforme, il s'agirait de rééquilibrer nos institutions au profit du Parlement. Certains d'entre vous ont défendu l'idée qu'il faudrait pour cela lui donner davantage de pouvoirs. Selon moi, cette question est secondaire. La question principale est celle de la dépendance. C'est parce que le législatif dépend, en France, de l'exécutif, que le Parlement n'exerce pas les pouvoirs que la Constitution et le règlement lui ont d'ores et déjà donnés. Si l'on veut rééquilibrer les pouvoirs, il faut donc couper ce cordon ombilical qui fait dépendre l'élection des députés de celle du Président de la République et de leur soumission à ce dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il en va de même pour les députés de l'opposition qui doivent, eux aussi, être soumis au principal parti de l'opposition. La vérité c'est qu'on ne peut être représenté dans cette enceinte que si l'on accepte d'être soumis. Faute de quoi, et je parle d'expérience, cela complique singulièrement le jeu ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La question du rééquilibrage est bien au coeur de notre débat. La preuve en est que l'exposé des motifs du projet de loi – je ne peux pas choisir un texte plus orthodoxe et plus fidèle à la pensée de ceux qui ont proposé ce changement – précise à la page 10 qu'« un Parlement renforcé est enfin un Parlement plus représentatif ». Paroles d'or que celles-là ! Le problème, c'est qu'à l'issue de l'examen de ce texte, le Parlement ne sera pas plus représentatif qu'aujourd'hui, et que vous n'aurez rien changé. Il s'agit en vérité d'un transfert de pouvoirs de l'exécutif aux amis de l'exécutif, et cela ne changera pas, quels que soient ces amis et quel que soit l'exécutif. Les choses ne changeront que si l'on modifie le point fondamental de la dépendance d'une partie au moins de cette assemblée. J'estime, moi aussi, que 10 % des sièges, peuvent aboutir à une représentation plus équitable. Il s'agit de rendre les députés libres de voter contre un texte parce qu'ils ne dépendront pas de l'investiture du pouvoir ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 307 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 113
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 13
Contre 98
L'amendement n° 307 est rejeté.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 373 .
Cet amendement est plus souple que celui défendu par M. Mamère. Il demande en effet non pas que le mode de scrutin proportionnel soit la règle, mais qu'il garantisse une juste représentation au sein des assemblées. Comme François Bayrou, je considère que cette question est centrale pour nos institutions ; elle devrait donc être au centre de la réforme.
Ainsi que je l'ai souligné hier en défendant la motion de renvoi en commission, on a annoncé à nos concitoyens, à grand renfort de médiatisation, que la Constitution serait rendue plus conforme à leurs attentes. Mais pensez-vous vraiment qu'ils réclament une meilleure répartition des tâches entre le Président de la République et le Premier ministre…
…ou demandent l'abandon du 49-3, utilisé seulement une dizaine de fois depuis que je suis député ? Ne croyez-vous pas qu'ils souhaiteraient plutôt un meilleur fonctionnement de la démocratie, afin qu'elle soit vraiment représentative de leur diversité ? Nous y reviendrons à propos du droit de vote des étrangers.
La proportionnelle n'est donc pas une question annexe. Aujourd'hui, selon les élections et les assemblées, entre 15 et 30 % des électeurs qui se sont déplacés pour voter ne sont pas représentés. Ce n'est pas normal !
Nous ne demandons pas, avec cet amendement, l'application de la proportionnelle intégrale, mais nous considérons qu'une juste représentation est nécessaire. La loi doit garantir le pluralisme au sein des assemblées.
M. Warsmann nous répète que, la proposition ne faisant pas consensus, il est inutile d'en discuter. Pourtant l'aborder aujourd'hui n'est pas seulement un droit ; c'est un devoir. D'ailleurs, si cette question ne fait pas consensus dans vos rangs, à l'instar du droit de vote des étrangers ou du cumul des mandats, il n'en est pas de même dans l'opinion publique. Nombreux sont les citoyens qui réclament avec force l'application de la proportionnelle, souhaitent attribuer le droit de vote – notamment aux élections locales – aux personnes installées sur le territoire depuis plus de cinq ans, ou aspirent à une démocratie vivante, favorisant le renouvellement du personnel politique au détriment des plans de carrière.
Si la réforme constitutionnelle tient compte de ces exigences, je peux vous assurer que nous la voterons avec vous. Dans le cas contraire, elle ne serait pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens et je suis certain qu'ils le comprendront parfaitement.
Le Gouvernement a également un avis défavorable.
Sur le vote de l'amendement n° 373 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain Gest.
L'un des arguments de M. Braouezec est pour le moins désobligeant, à l'égard des députés que nous sommes.
Notre système n'assure pas une juste représentativité. Ce n'est pas désobligeant, c'est la réalité !
J'ai le sentiment – et il en est de même quand je pense à vous, monsieur Braouezec, ou à n'importe lequel de nos collègues – de représenter pleinement l'ensemble des électeurs. Dans notre mode de scrutin actuel, au deuxième tour, ces derniers sont amenés à faire un choix, à apporter leur suffrage à un candidat plutôt qu'à un autre. Quel que soit ce candidat – qu'il s'agisse de M. Braouezec, M. Mamère, M. Debré ou M Gest – …
…il représente l'ensemble des électeurs, bien au-delà de l'électorat naturel de sa formation politique. Par conséquent, réclamer une « représentation juste », c'est mettre en cause la légitimité des élus qui siègent dans cet hémicycle.
Je me tourne maintenant vers François Bayrou, avec qui j'ai siégé dans le même groupe – celui de l'UDF – il y a quelques années.
À l'époque, il comptait 215 députés. Que n'avez-vous fait, monsieur Bayrou, pour que cette formation soit toujours aussi forte !
Quoi qu'il en soit, je n'avais pas du tout le sentiment, à l'époque, d'être soumis à un quelconque autre parti ou de dépendre du Président de la République. Notre formation n'avait pas fait le choix de la soumission, mais celui de l'alliance.
L'alliance est le fondement de la Ve République, le choix ayant été fait d'assurer la stabilité des gouvernements en favorisant l'émergence de majorités fortes.
Or même 10 % de proportionnelle pourraient, à terme, conduire à ce qu'il n'y ait qu'une majorité relative à l'Assemblée. Et cela, nous ne le voulons pas.
C'est pourquoi nous rejetons cette série d'amendements, d'autant qu'ils portent atteinte à la dignité des députés de cet hémicycle, qui représentent l'ensemble des électeurs de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La recherche de la représentativité devrait être une obsession permanente dans tout système démocratique. Dans la mesure, en effet, où la souveraineté du peuple constitue le socle de nos institutions, l'élection n'étant que la délégation de ce pouvoir à quelques-uns, la réalité de la représentativité doit être questionnée à tout moment.
Il est donc légitime d'aborder cette question dans le cadre d'un projet de réforme constitutionnelle, donc d'évoquer également celle, fondamentale, des modes de scrutin. Le groupe socialiste souhaite prendre part à ce débat, mais pas à l'occasion des amendements portant articles additionnels avant l'article 1er. En effet, les amendements que nous avons déposés concernent l'article 9 du projet de loi, c'est-à-dire l'article 24 de la Constitution. Ils tendent à introduire la proportionnelle pour l'élection de 10 % des députés et à modifier le collège électoral du Sénat. Leur examen sera donc l'occasion d'aborder à nouveau cette question essentielle.
Dans l'immédiat, même si nous sommes d'accord avec les arguments, similaires, de M. Mamère et de M. Braouezec, nous faisons une distinction entre leurs amendements. Le premier souhaite en effet la proportionnelle intégrale, tandis que le second se contente de vouloir inscrire à l'article 3 de la Constitution le principe selon lequel « le mode de scrutin proportionnel assure une juste représentation du peuple. » Le choix de l'emplacement est judicieux : l'article 3 rappelle notamment qu'aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté. De plus l'amendement rejoint nos propres propositions, car introduire une part de proportionnelle serait un moyen d'affiner, voire de corriger la représentativité, d'en conforter la réalité. Nous voterons donc en faveur de l'amendement n° 373 .
Permettez-moi par ailleurs, monsieur le président, de revenir sur les allusions qui ont été faites à des articles parus dans la presse.
Je considère que j'assume aujourd'hui l'une des charges les plus importantes pour un député, celle de constituant et je ne laisserai personne me priver de cette faculté ; aucune tribune, aucune pression ne pourra donc m'empêcher d'effectuer ce travail. Nous irons jusqu'au bout, car, comme l'ont rappelé le président Ayrault et Arnaud Montebourg, ce n'est qu'au terme de ce débat que nous saurons si le Gouvernement et la majorité ont fait leur partie du chemin, et si nous pouvons faire converger nos conceptions respectives de l'idéal républicain. Dans le cas contraire nous ne pourrons pas, pour notre part, voter en faveur de ce projet. Et c'est ici, et non à l'extérieur ou par voie de presse, que le débat doit se dérouler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis un peu étonné, je l'avoue, d'entendre dire que la question de la représentativité ne relèverait pas du débat que nous avons aujourd'hui. C'est une affirmation plutôt inquiétante, et qui en dit long sur vos intentions. La question d'une plus juste représentation du peuple fait, au contraire, partie du débat, qui devrait même commencer par là.
Nos concitoyens sont-ils tous représentés dans le système actuel ? Quelle que soit la réponse qu'on apporte à cette question, il est légitime de la poser. Comment le Premier ministre peut-il parler de « main tendue » ou affirmer rechercher le consensus si vous refusez toute discussion sur ce point fondamental ? Et, comme l'a souligné notre collègue, l'article 3 de la Constitution n'est-il pas le plus indiqué pour l'aborder ?
Des millions de Français ne se sentent pas correctement représentés. Le mode de scrutin actuel pousse à une bipolarisation que nul ne peut tenir pour l'expression d'un degré supérieur de démocratie. Nous proposons simplement que l'Assemblée nationale représente le peuple de manière plus juste. Si cette formulation pose problème, je suis d'accord pour employer l'expression « la plus juste représentation possible ».
L'argument qui vient immédiatement à l'esprit lorsque l'on évoque la proportionnelle, est qu'elle ne permet pas d'avoir des majorités stables.
Nous demandons que soit introduite la notion de garantie de stabilité. Nous ne sommes pas opposés à un système qui permet la proportionnelle et garantit une stabilité.
Si ! Cela existe en Allemagne et, maintenant, dans les conseils régionaux et municipaux…
Nous proposons non d'ériger une règle, mais d'énoncer un principe dont la mise en application serait prévue par une loi, afin de garantir cette stabilité.
En tout cas, il ne s'agit absolument pas un d'un retour à la IVe République.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 373 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 123
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 34
Contre 89
L'amendement n° 373 est rejeté.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance. En effet, je ne suis pas persuadé que le temps de parole dévolu à notre groupe, aux termes de notre règlement, soit respecté. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je souhaite donc réunir mon groupe pour en discuter.
Reprise de la discussion
La séance est suspendue pour cinq minutes.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
Ces amendements sont soumis à une discussion commune. Pourtant, l'amendement n° 245 est bien différent des amendements nos 308 et 374 qui visent à permettre à des gens qui ne sont pas citoyens français, et qui n'en font pas la demande, de voter. Je propose uniquement, quant à moi, de parfaire notre législation en corrigeant une anomalie dans notre dispositif actuel.
Ainsi, après la ratification du traité de Maastricht par le peuple français, il a été prévu dans notre Constitution, puis dans notre législation électorale, que les citoyens, membres de l'Union européenne, dès lors qu'ils avaient une certaine durée de résidence sur le territoire national, pouvaient participer aux élections municipales et européennes. Mon amendement vise, en l'occurrence, à permettre à tous les citoyens de l'Union européenne de participer aux scrutins, non seulement municipaux et européens, mais présidentiels, législatifs, cantonaux et régionaux.
Je considère en effet qu'un citoyen ne peut pas se découper en tranches en fonction des élections. On ne peut pas ainsi le « saucissonner ». Un débat assez récurrent dans notre vie politique porte, en effet, sur la possibilité pour un citoyen de voter à telle ou telle élection en fonction de ses intérêts. Par exemple, des ressortissants européens qui délibèrent dans nos conseils municipaux sur l'aménagement des établissements scolaires dépendant des villes, c'est-à-dire, les écoles maternelles et primaires, ne peuvent plus le faire lorsque leurs enfants entrent au collège ou au lycée. Pourquoi leur citoyenneté s'arrêterait-elle à un moment donné du parcours scolaire de leurs enfants ? De la même façon, on dispense aujourd'hui à ces mêmes enfants un enseignement décidé par un gouvernement, issu de la représentation nationale, notamment à la suite d'élections législatives.
Il se trouve que, l'année prochaine, se dérouleront les élections européennes. Les ressortissants européens inscrits sur les listes électorales avant le 31 décembre 2008 pourront désigner les représentants de la France au Parlement européen. Ceux-ci, plus communément appelés députés européens, seront amenés à élire le président du Parlement européen qui siégera au conseil des chefs d'État et de gouvernement de l'Europe dans lequel le Président de la République représente la France. Le citoyen européen qui vit dans notre pays et vote aux élections européennes n'est donc qu'à moitié représenté à cette table, en l'occurrence par le président de l'Assemblée européenne, mais pas par le Président de la République française.
Monsieur Lagarde, ces trois amendements sont soumis à une discussion commune parce qu'ils sont exclusifs les uns des autres. Ainsi, l'adoption du premier ferait tomber les suivants.
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 308 .
Je ne suis pas sûr, monsieur le président, que l'adoption de l'amendement présenté par notre collègue M. Lagarde ferait tomber mon amendement et celui de M. Sandrier, puisqu'il ne traite que des citoyens européens, alors que les deux suivants concernent les résidents étrangers qui ne sont pas citoyens européens. Peut-être me répondra-t-on que je ne connais pas assez bien le règlement…
L'amendement n° 308 vise tout simplement à faire reconnaître le statut des résidents étrangers dans notre pays, en leur donnant, en application d'un principe fondateur de la souveraineté, le droit de vote. Cela mettrait fin à une discrimination très fortement ressentie par ceux qui vivent dans notre pays depuis de très nombreuses années, venant bien souvent de nos anciennes colonies, là où ils étaient considérés comme des « indigènes ».
On leur demande aujourd'hui de participer à la richesse de notre pays, de payer leurs impôts, de respecter les principes de notre République ; on les compte même pour déterminer le nombre de conseillers municipaux dans une ville. En revanche, lorsqu'il s'agit de décider de leur destin collectif, donc quand il faut voter, on leur dit : « Circulez, il n'y a rien à voir !»
Ils ressentent aussi très durement cette discrimination face aux citoyens européens, qu'ils soient italiens, portugais ou espagnols. En effet ces derniers ne vont parfois passer que quelques années de leur vie en France avant de repartir dans leur pays d'origine. Ils sont donc beaucoup moins implantés que des résidents étrangers non communautaires tels que les Tunisiens, les Marocains ou les Algériens…
…pour ne parler que de nos anciennes colonies. Pourtant ils ont, eux, le droit de vote lors des élections locales, depuis la ratification du traité de Maastricht.
Je rappelle d'ailleurs à cette occasion que notre pays a mis beaucoup de temps à appliquer ce traité et l'a fait a minima, puisque si les citoyens européens ont le droit de vote et sont éligibles, ils ne peuvent pas être maires ou adjoints, puisque ces derniers sont de grands électeurs et participent, paraît-il, de la souveraineté de notre pays.
Il me semble donc que le moment est venu, de très longues années après les promesses formulées en 1981 par le Président Mitterrand, d'accepter cet amendement et de donner le droit de vote aux résidents étrangers.
La proposition que nous faisons n'est d'ailleurs pas maximaliste puisqu'il s'agit d'inscrire dans la Constitution le principe de la citoyenneté de résidence, à travers le vote dans les élections locales, comme c'est le cas pour les citoyens membres de l'Union européenne.
En l'occurrence, et ce n'est pas notre habitude, nous sommes prêts à aider le Président de la République, qui, à plusieurs reprises, et récemment au cours d'un entretien télévisé, a expliqué aux journalistes qu'il était pour le vote des résidents étrangers non communautaires dans les élections locales mais qu'il n'avait pas de majorité pour y parvenir.
Sur les bancs de la gauche, nous voulons aider le Président de la République…
…à trouver une majorité pour que ce projet de réforme ne soit pas qu'une sorte d'alibi pour la majorité. En effet cette dernière veut nous faire croire qu'elle réforme et refonde la Constitution et les institutions alors qu'elle ne procède qu'à une opération de communication et a tendu un piège à l'opposition, dans lequel sont tombés quelques-uns de nos collègues socialistes, si l'on en croit les journaux de l'après-midi. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le vote des étrangers non communautaires dans les élections locales est un passage incontournable pour parvenir à un consensus avant le congrès de Versailles.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 374 .
Je vais ajouter quelques arguments à ceux que vient de développer M. Mamère.
Cet amendement sur le droit de vote des étrangers non communautaires est l'un des points de nature à nous amener à revoir notre position sur la réforme constitutionnelle que vous nous proposez.
Il y a, dans ce pays, une injustice de plus en plus flagrante vécue non seulement par les intéressés eux-mêmes, mais aussi par leurs enfants qui, pour la plupart, ont acquis la nationalité française. Leurs pères, leurs mères, qui ont contribué au développement de la richesse de notre pays, se voient en effet privés d'un droit qui semble être fondamental quand on leur demande d'être des citoyens à part entière, celui de participer au choix des représentants locaux qui auront à les administrer, de leurs représentants au conseil municipal.
Bon nombre de communes ont demandé à la population de se prononcer sur le droit de vote et d'éligibilité des résidents étrangers non communautaires et, à chaque fois, une majorité s'est dessinée en ce sens. C'est un sentiment partagé dans l'opinion publique : selon un récent sondage, 56 % des personnes interrogées considèrent qu'il serait juste d'accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales.
Il est vrai qu'il n'y a pas encore de consensus dans votre majorité, monsieur Warsmann. Est-ce pour autant qu'il faut renvoyer encore la question alors que vous considérez que c'est une réforme constitutionnelle fondamentale ? Si vous n'y intégriez pas le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales, vous renverriez à ces mêmes personnes et à leurs enfants l'image que, finalement, ils ne méritent pas de la République, ils ne méritent pas d'être reconnus en tant que citoyens à part entière. Ce serait grave.
Si, comme je l'ai souligné hier à la tribune, la réforme était votée telle qu'elle est proposée aujourd'hui grâce à la complaisance d'un certain nombre de membres de cet hémicycle qui se situent à gauche et qui n'auraient pas compris que cette question est un élément essentiel, comme le droit de vote des étrangers, comme l'introduction d'une dose de proportionnelle, comme le non cumul et la limitation de la durée des mandats, on prendrait une sacrée responsabilité vis-à-vis de l'opinion publique et je pense qu'on le paierait très cher.
L'amendement n° 245 tend à donner le droit de vote, à toutes les élections, à tous les citoyens étrangers originaires d'un pays de l'Union européenne ; l'amendement n° 308 tend à le donner, à toutes les élections, à tous les étrangers qui sont en France depuis cinq ans ; et l'amendement n° 374 , à toutes les élections, à tous les étrangers qui résident en France depuis une durée à définir par la loi.
À ces trois amendements, la commission a donné un avis défavorable.
L'amendement n° 245 tend à donner le droit de vote aux ressortissants européens, au-delà des élections européennes et des élections municipales. Cela créerait un fossé supplémentaire entre les ressortissants communautaires et les ressortissants non communautaires. Par ailleurs, il faut préserver un lien entre l'électeur et sa nation, et c'est la nationalité. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
S'agissant du droit de vote des étrangers, il est vrai que c'est un sujet extrêmement délicat et controversé.
Jusqu'à présent, la Constitution n'autorise pas le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections municipales. Il y a un moyen simple d'accéder au droit de vote, c'est de demander la nationalité française. Les conditions ont été assouplies.
Les délais ont été extrêmement réduits.
Je suis tout à fait opposé à ces amendements, pour les mêmes raisons que Mme la garde des sceaux.
Il me semble naturel que les étrangers communautaires aient le droit de voter pour les élections européennes.
Et municipales.
Quant aux étrangers non communautaires, la meilleure façon pour eux, effectivement, d'avoir le droit de vote, c'est d'accéder à la nationalité française.
Vous prenez toujours l'exemple des autres pays européens ! Comment font ceux qui ont accordé le droit de vote aux étrangers ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La nationalité française n'est pas quelque chose que l'on obtient par hasard, en passant simplement trois, quatre ou cinq ans en France. Cela se demande, cela s'acquiert et, après, on a des devoirs et des droits.
Dans le même esprit que Jean-Yves Le Bouillonnec qui a rappelé quel est notre travail au sein de cet hémicycle – celui de parlementaires libres cherchant à rénover nos institutions – je m'exprime avec la même liberté que lorsque j'ai défendu, au nom de mon groupe, au cours de la législation précédente, une proposition de loi, qui faisait d'ailleurs écho au texte défendu par Noël Mamère durant la législature où la gauche était majoritaire.
C'est un sujet évidemment complexe parce que l'on touche à l'essence même de la nation et de notre identité. J'avais essayé, à l'époque, de définir, avec mes mots et à la suite de mon parcours, ce qu'est être français.
Lorsqu'il s'agit d'élire le Président de la République ou les parlementaires, la naturalisation est le chemin le plus court et le plus rapide même si, très honnêtement, madame la garde des sceaux, il est difficile pour ceux de nos concitoyens qui veulent accéder à la nationalité française, presque aussi difficile que lorsque j'ai choisi, moi aussi, d'être français, il y a plus de vingt ans.
Lorsque j'avais défendu ma proposition de loi, j'avais essayé d'élargir le débat à la question de la citoyenneté. En effet, j'ai la conviction profonde que, dans une nation comme la nôtre, il ne faut pas avoir peur d'avoir une vision moderne et souple de la citoyenneté. On peut être citoyen français et on peut être aussi, profondément, un citoyen ancré dans la réalité de son territoire, de sa ville, de son quartier, et exercer des responsabilités.
Très honnêtement, si l'on a fait ce pas vers une citoyenneté européenne pour les ressortissants de l'Union européenne, j'ai la conviction que ceux qui vivent sur notre territoire en situation régulière depuis des années, qui ont, en plus, un rapport très fort avec la France – je pense aux Maliens, aux Sénégalais, aux Tunisiens, aux Algériens, ou aux Marocains…
…dont les enfants sont français, soit parce qu'ils en ont fait le choix, soit parce qu'ils sont nés sur le territoire national, peuvent accéder à une autre forme de citoyenneté qui se traduirait par le fait de voter à des élections locales.
En outre, inscrire cela dans le texte fondamental, dans la Constitution, serait une reconnaissance extraordinaire à l'égard de ces étrangers qui vivent sur notre sol. Il peut y avoir des citoyens français, des citoyens européens, et des citoyens membres d'autres pays qui votent et participent à la vie locale.
Nous avions suivi avec intérêt les déclarations du Président de la République donnant son accord à une telle idée et celles d'un membre du Gouvernement, Yves Jego.
D'une certaine manière, pour tous ceux qui vivent cette réalité multiple de la société française, le droit de vote pour les résidents étrangers non communautaires aux élections locales serait un progrès pour notre société.
J'ai le sentiment, monsieur Debré, que vous avez une vision un peu restrictive de ce qu'est aujourd'hui la France. La nation française est forte, à travers sa langue, sa culture, ses valeurs, le rapport à la République, quand elle n'a pas peur. Nous en avons apporté la démonstration cet après-midi avec les langues régionales ; nous pouvons la faire à propos du droit de vote pour les résidents étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la garde des sceaux, je comprends parfaitement que l'on veuille lier le droit de vote à la citoyenneté. Il n'y a pas lieu de l'attacher à la seule résidence.
Cela dit, nous avons tous en réalité deux citoyennetés : la citoyenneté française et la citoyenneté européenne. Cette dernière, nous l'avons reconnue, adoptée, inscrite dans des textes supranationaux, les différents traités, notamment le traité de Maastricht, qui a donné le droit de vote aux étrangers membres de l'Union européenne pour les élections municipales et européennes.
C'est quand même curieux : lorsqu'il s'agit de représenter la France au Parlement européen, on tient compte autant des résidents communautaires que des citoyens français ; en revanche les citoyens européens admis à voter aux élections municipales ne le sont ni aux élections cantonales ni aux élections régionales, qui sont aussi des élections locales.
S'agissant de la représentation nationale, je comprendrais, madame la ministre, qu'on dise qu'il y a débat ; mais en ce qui concerne les élections cantonales et régionales, je ne vois pas comment il peut y avoir débat, dès lors que nous avons accordé aux résidents communautaires le droit de voter aux élections municipales. Si j'insiste sur ce point, c'est qu'une telle réforme me paraîtrait de nature à améliorer la vie démocratique locale.
Deuxièmement, je ne crois pas, contrairement à vous, que cela creuserait le fossé entre les résidents communautaires et les résidents extra-communautaires. Cela marquerait plutôt la volonté de la France de s'engager davantage dans l'Union européenne et de favoriser l'implication des citoyens européens, mais aussi – sur ce point, je suis en désaccord avec les auteurs des deux autres amendements – d'accueillir tout étranger extra-communautaire vivant sur le territoire national dans la communauté nationale dès lors qu'il demande à être citoyen français.
Telle est la logique de l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter. Nous aurons intérêt à faire un pas en direction de la citoyenneté européenne dans l'avenir, car j'imagine bien que cela ne se fera pas aujourd'hui, après l'avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement. Par quelle logique, en effet, puis-je expliquer à un conseiller municipal de la ville de Drancy, dont j'ai l'honneur d'être le maire, qu'il n'a pas le droit d'être maire adjoint, ou qu'il a le droit de présider les bureaux de vote lors des élections municipales ou européennes, mais qu'il n'a rien à faire dans un bureau de vote lors des élections cantonales, régionales, législatives ou présidentielles ? C'est quand même un paradoxe ! Ce n'est pas logique, et il nous faut réformer cette cote mal taillée en 1992 et 1993, sous la présidence de François Mitterrand.
Je vais vous en donner un dernier exemple, mes chers collègues, en remerciant M. le président de m'avoir laissé développer cette idée.
Dans une ville comme la mienne, qui compte 66 000 habitants, c'est quelqu'un qui n'a pas été élu qui vote aux élections sénatoriales à la place d'un conseiller municipal portugais, qui, lui, a été élu ! Reconnaissez qu'il y a là un paradoxe, et en tout état de cause il reste du travail à accomplir, même si cela ne se fait pas à l'occasion de cet amendement, pour rendre plus cohérente la législation relative aux résidents communautaires.
Je pense, mes chers collègues, qu'il ne faut pas opposer à l'excès scrutin local et scrutin national, pour une raison simple : en votant aux élections municipales, on influe sur le scrutin sénatorial.
Cela étant c'est à vous que je veux surtout m'adresser, messieurs de la gauche.
Vous avez deux sources d'inspiration. La première est Rousseau : c'est la gauche sympathique, qui prône la liberté, qui repose sur la volonté.
Un député du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Philosophe de boite à bac !
Je veux participer à la volonté générale ; je signe le contrat social et j'adhère aux valeurs qui y sont inscrites. C'est ce que fait tout étranger qui, après avoir passé un certain nombre d'années sur le sol national, choisit d'être Français et acquiert la nationalité.
Et puis il y a une gauche tout à fait antipathique : c'est celle qui oppose le fait au droit de Rousseau. Sous prétexte que l'étranger est là et participe à la vie économique, il doit devenir citoyen de façon automatique, même s'il ne le demande pas du tout. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocratique et républicaine.) S'il n'a pas envie d'être citoyen, pourquoi le forcer ?
C'est vous qui lui imposez tous les devoirs de la citoyenneté, en lui en refusant tous les droits !
Pourquoi le soumettre à un déterminisme économique, sinon bien sûr, par marxisme ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'en tirerai une conclusion importante : dans le fond, vous êtes en train de renier la part la plus féconde de votre idéologie, celle qui permet à l'homme de choisir son destin au lieu de le subir. Je peux choisir de devenir citoyen ; je n'ai pas à le subir.
Ce qui prouve votre erreur, c'est qu'en reliant le vote à l'impôt et au travail, vous réinventez le suffrage censitaire, c'est-à-dire un suffrage parfaitement antidémocratique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je dirai simplement que, si on peut toujours l'améliorer, il faut garder notre système, cette synthèse merveilleuse de la liberté des anciens, celle de participer à la collectivité parce qu'on est citoyen, et celle de voir ses droits fondamentaux protégés parce qu'on est un homme.
Si l'on parle des « droits de l'homme et du citoyen », et non des « droits de l'homme », c'est bien parce que, si l'on ne choisit pas d'être un homme, ou une femme, on n'est citoyen que si on veut l'être, et on n'a pas à obliger ceux qui résident en France à devenir des citoyens.
Sans revenir sur l'ensemble de vos propos totalement extravagants, monsieur Vanneste, je me limiterai à votre conclusion, selon laquelle on peut résider en France sans être citoyen.
En effet vous n'arrêtez pas de demander aux étrangers qui résident en France d'être des citoyens, de respecter les règles de la République…
Même s'ils fuient la pauvreté et la tyrannie, voire les deux, vous faites de leur arrivée dans notre pays un véritable parcours du combattant. Vous leur demandez d'apprendre le français, même s'ils vivent dans des villages à des centaines de kilomètres de la capitale.
Faut-il vous rappeler, monsieur Vanneste, qu'un certain nombre d'hommes – car ce sont principalement des hommes – traités comme de véritables esclaves modernes, de la bonne chair à fric pour les hôtels, les restaurants, le bâtiment et les travaux publics, réclament aujourd'hui d'être reconnus et d'avoir des papiers ?
C'est la même logique : des hommes qui, pour la plupart, comme notre collègue Manuel Valls l'a rappelé, viennent d'anciennes colonies françaises, qui sont aujourd'hui installés en France, dont les enfants sont Français, qui participent au développement et à la richesse de notre pays, n'ont pas le droit d'accomplir cet acte fondateur de la citoyenneté qu'est le vote, celui qui décide de notre destin collectif.
Comment pouvez-vous justifier qu'on continue à exclure de la citoyenneté des étrangers qui participent aux conseils d'école, peuvent être électeurs aux élections prud'homales, même s'ils n'y sont pas éligibles, participent à la vie associative, sont comptabilisés pour la fixation du nombre de conseillers municipaux d'une commune ou pour le découpage d'une circonscription, contribuant ainsi à ce que vous êtes aujourd'hui dans cette assemblée ?
Il n'est pas vrai, monsieur le rapporteur, que ces trois amendements, celui de M. Lagarde, celui de M. Sandrier et de M. Braouzec et le nôtre, tendant à donner aux résidents étrangers le droit de voter à toutes les élections. Il s'agit de donner aux résidents étrangers le droit de vote « dans les conditions déterminées par la loi ». Nous demandons simplement c'est que la loi étende le régime prévu par le traité de Maastricht pour les résidents communautaires aux résidents extra-communautaires.
Avec votre permission, mes chers collègues, et sans entrer dans le débat très idéologique qui vient d'opposer les bancs de droite et les bancs de gauche…
…je veux simplement exercer ma liberté de constituant, ce que nous sommes tous ici, pour formuler une remarque d'ordre technique et juridique. L'article 3 de la Constitution selon lequel « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français, majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civiques et politiques » ne correspond plus à la réalité depuis le traité de Maastricht. Aujourd'hui, en effet, des résidents étrangers peuvent voter aux élections municipales et européennes.
Autrement dit, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, avec tout le respect que je vous dois, ce texte doit de toute façon être toiletté, de façon à inclure dans le corps électoral certains résidents étrangers. Il restera à débattre s'il doit inclure les résidents extra-communautaires.
Sur la question, ma position personnelle a évolué au fil du temps, au point de rejoindre aujourd'hui certains propos tenus pendant la campagne par le Président de la République actuel : cela ne me poserait personnellement aucun problème de voir des résidents non européens voter aux élections locales. (« Très bien ! » sur divers bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mais cela est une autre affaire.
Je dis simplement, madame la ministre et monsieur le président de la commission, qu'il n'est pas réaliste de conserver l'article 3 en l'état si l'on veut toiletter la Constitution, et qu'il y a encore du travail.
Deuxièmement, il nous faut déterminer de façon consensuelle qui a le droit de voter. Les citoyens de l'Union européenne ont déjà le droit de voter à certaines élections.
Quant aux résidents extra-communautaires, la discussion doit avoir lieu.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 308 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 123
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 35
Contre 88
L'amendement n° 308 est rejeté.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 374 .
(Il est procédé au scrutin.)
Cet amendement vise à assurer le principe de la parité dans la Constitution. Je vous rappelle que, voici quelques années, le rapport de notre collègue Marie-Hélène Aubert avait conduit à l'introduction dans la Constitution de la reconnaissance de la parité, de telle sorte qu'il y est désormais inscrit que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Pour reprendre une expression chère à notre collègue François Bayrou, le verbe « favoriser » est beaucoup moins actif que le verbe « assurer ». La parité a fait, il faut le reconnaître, d'énormes progrès depuis quelques années, grâce, sans doute, au travail effectué par nos collègues, notamment par Mme Marie-Hélène Aubert, mais il nous semble que le temps est venu d'inscrire dans la Constitution le principe qu'il faut non plus la « favoriser », mais l'« assurer », ce qui est beaucoup plus contraignant.
Alors que le corps électoral féminin représente aujourd'hui 52 % des électeurs de notre pays, les femmes sont très peu représentées dans notre Parlement et, si nous y regardions de plus près, nous observerions que c'est le cas à tous les étages de la démocratie française. Il nous semble important, si nous réformons la Constitution, de l'adapter, pour reprendre les mots utilisés par les promoteurs du texte que nous examinons.
Oui, les temps ont changé. Ils demandent aujourd'hui que les femmes assument pleinement leurs responsabilités dans la vie publique et que le nouveau texte favorise l'exercice de cette responsabilité de la gestion de la cité et de la vie publique. C'est la raison pour laquelle nous devons remplacer le verbe « favoriser » par le verbe « assurer ».
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 375 .
L'amendement n° 375 étant identique au n° 306, je me contenterai de rappeler quelques réalités.
Tout d'abord, en Europe, seules la Slovénie et l'Italie font pire que la France en matière de représentation des femmes au Parlement.
En deuxième lieu, notre assemblée ne donne guère l'exemple, malgré les réels progrès intervenus entre la XIIe et la XIIIe législature : une seule femme est vice-présidente et aucune, il faut le souligner, n'est présidente de commission.
Enfin, et c'est sans doute là le plus infamant, les partis politiques ont la possibilité de s'exonérer de la parité en payant une amende. Cela est déshonorant, pour les femmes, certes, mais en réalité pour tout le monde.
L'adoption de cet amendement rassurerait tout le monde et nous rendrait l'honneur.
La commission préfère s'en tenir au terme « favorise ». En outre, ce n'est pas en changeant un mot qu'on va forcément changer les choses. « Favorise » permet d'adopter des législations susceptibles de faire évoluer la situation.
Nous pourrions certes poursuivre la discussion ; il vous faudrait alors m'expliquer comment vous entendez « assurer » la parité pour l'élection du Président de la République ou pour les autres élections au scrutin uninominal ? Il faut parfois savoir s'arrêter pour trouver un dispositif qui ait du sens : c'est le cas du mot « favorise », qui permet de mettre en place une législation, tandis que le mot « assure » n'a pas de cohérence.
Le choix du terme « favorise » a déjà fait débat lors de l'adoption de la loi de 1999 relative à la parité. Ce choix était issu d'un compromis visant à favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs. Si nous utilisons le terme « assure », la loi contraindra, alors que, dans l'état actuel du texte, le verbe « favorise » permet de recourir aussi bien à des mesures coercitives qu'incitatives. La forme « favorise » semble donc être la plus adaptée pour favoriser l'accès des femmes aux mandats électifs.
Le mot « assure » me semble apporter plus de sécurité à la parité. Parce qu'il sera plus contraignant, en effet, ce verbe permettra de d'imposer la parité pour l'ensemble de nos élections, en particulier pour les scrutins uninominaux.
Aujourd'hui, pour les élections à l'Assemblée nationale, le mode de financement des partis politiques a contraint ceux-ci à proposer la parité dans les candidatures. De tous les scrutins, le plus mauvais élève est celui des élections cantonales, car les femmes sont très peu représentées au sein des conseils généraux, voire tout à fait absentes. De fait, de nombreux départements ne comptent encore aucune femme conseillère générale, et il serait temps de se pencher sur ce problème et d'imaginer là aussi, comme c'est le cas avec le verbe « assure », des contraintes, permettant la représentation des femmes dans les conseils généraux.
Absolument !
Toujours est-il qu'au sein de la délégation aux droits des femmes, Mme Zimmermann, qui n'est pas ici ce soir, y travaille avec de nombreuses femmes de tous les bords politiques.
Nous avons encore beaucoup de progrès à réaliser sur ce point et le fait d'inscrire dans la Constitution le verbe « assure » serait un élément plus contraignant, qui nous obligerait à combler les manques qui subsistent dans ce domaine.
Personne ne peut, bien évidemment, s'opposer à l'objectif de la parité et l'amendement de M. Mamère est donc très habile. Inscrire le verbe « assurer » dans la Constitution implique en effet une obligation de résultats, que l'on ne peut satisfaire que par la proportionnelle. Au fond, l'objectif caché de cette démarche est l'introduction de la proportionnelle à tous les scrutins. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons déjà eu ce débat et l'Assemblée a d'ailleurs voté contre les amendements proposés par M. Mamère et M. Sandrier.
Avouez, monsieur Mamère, que tel est bien l'objectif caché de votre amendement ! Nous l'avons tous compris. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il ne s'agira donc pas de voter pour ou contre la parité, car nous sommes tous des défenseurs de la parité, mais pour ou contre l'introduction de la proportionnelle. Or, sur ce point, l'Assemblée s'est déjà prononcée.
Je pensais, cher collègue, que nos débats devaient avoir un peu plus de hauteur. Je suis surpris de vous entendre déclarer que nous aurions des arrière-pensées (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) consistant à introduire un amendement sur la parité pour mieux servir la cause de la proportionnelle.
Je pourrais d'ailleurs vous retourner le compliment, car vous venez vous-même de reconnaître que l'introduction de la proportionnelle dans le système majoritaire, telle que nous la demandons, serait une contribution décisive à la parité. Puisque vous vous dites défenseur de la parité, je regrette et ne comprends pas que vous ayez voté contre notre amendement.
En outre, madame la garde des sceaux, je ne partage pas votre point de vue, car la loi que vous avez citée – votée d'ailleurs par la gauche et proposée par Mme Marie-Hélène Aubert, députée verte – remonte à 1999, c'est-à-dire à près de dix ans. Depuis lors, la société française a évolué et votre présence au Gouvernement est précisément l'incarnation et la preuve de cette évolution, dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Cependant, cette évolution ne peut pas s'arrêter au Gouvernement et à des personnalités comme vous : il faut aller plus loin, c'est-à-dire favoriser la parité et l'assurer à tous les étages de la démocratie. Ce n'est pas une contrainte et, contrairement aux propos de notre rapporteur, il ne s'agit pas de dire que le prochain Président de la République devra être une Présidente. Vous ne pouvez pas nous dire que le mode de scrutin nous permettrait de forcer l'histoire : c'est aux électeurs de décider.
Certes, le code électoral contraint en quelque sorte aujourd'hui les partis politiques à appliquer la parité, mais comme M. Sandrier, je trouve scandaleux qu'on permette aux partis politiques de s'exonérer du respect de la parité par le paiement d'une pénalité, au même titre que certaines collectivités paient des pénalités parce qu'elles ne respectent pas le quota requis de travailleurs handicapés.
Nous voulons que notre pays, qui se veut l'un des phares de la démocratie, le prouve en assurant d'une manière décisive la parité et ne se trouve pas, comme vient de le rappeler M. Sandrier, parmi les derniers pays de l'Union européenne en termes de représentation des femmes à tous les étages de la démocratie.
Je ne vous connais pas, chère collègue, mais je regrette d'entendre une femme protester contre ceux qui défendent la parité. C'est le monde à l'envers !
Monsieur Mamère et monsieur Sandrier, je tiens à vous dire, au risque de vous étonner, que je trouve honteux qu'on ait le droit de payer pour éviter d'appliquer la parité. Cela dit, je suis défavorable aux amendements identiques que vous proposez, car le mot « favorise » est tout à fait suffisant. En outre, obliger à la parité dans des élections au scrutin uninominal serait nier la liberté de chacun de se présenter, et cela quelle que soit la taille des partis.
Je le répète : je suis opposé à cet amendement et voterai contre son adoption, mais je n'en trouve pas moins inacceptable qu'on puisse payer pour ne pas appliquer la parité, et plus inacceptable encore qu'une entreprise puisse payer parce qu'elle ne veut pas être gênée par les handicapés. C'est immoral !
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 26
Contre 78
Ces amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l'amendement n° 376 .
Le Premier ministre soulignait, à l'entame de nos débats, que « la société française réclame des débats à son image : riches, vivants, complexes » et que ces débats « auront lieu avec ou sans nous ». Cette remarque de bon sens souligne de toute évidence l'exigence de rapprocher les élus des citoyens.
Or on ne peut prétendre oeuvrer aujourd'hui à ce rapprochement sans travailler à permettre à un plus grand nombre de citoyens d'accéder aux fonctions électives. Parmi les freins à cette respiration démocratique que les Français appellent de leurs voeux, le cumul des mandats, qui facilite une excessive concentration des pouvoirs, occupe une place de choix.
Le principal effet pervers du cumul des mandats électifs reste cependant le manque de disponibilité. Force est en effet de reconnaître que les élus cumulant plusieurs fonctions électives ne peuvent se consacrer pleinement à leur tâche. Cela est particulièrement vrai pour ceux qui cumulent les mandats exécutifs nationaux etou locaux.
Comme nous le savons tous, il est beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît de répondre à cette question du cumul des mandats. Tous, sur ces bancs, nous pouvons témoigner que le cumul s'ancre dans une réalité socioculturelle complexe. On y trouve aussi des considérations électorales – et parfois de stratégies électoralistes – et une longue tradition républicaine qui fait de la politique une carrière et de l'accès à certaines fonctions électives, comme les nôtres, l'aboutissement d'une forme de cursus honorum.
La complexité des sociétés contemporaines s'accompagne aussi, nous en sommes conscients, d'une professionnalisation accrue de la politique. Nous ne pourrons à l'évidence remédier à ce phénomène par la seule interdiction du cumul des mandats ou par quelque autre artifice juridique que ce soit. La démocratisation de notre vie publique supposerait probablement la remise à plat de pans entiers du fonctionnement de nos institutions. Il reste que cette interdiction ou cette limitation constitue une étape indispensable.
Je veux du reste saisir l'occasion du débat sur cette question pour soulever un autre problème qui nous semble essentiel : celui du statut de l'élu. Nous ne pouvons en effet prétendre démocratiser la vie publique sans nous attaquer à cette question centrale.
Notre groupe avait déposé, en 2001, une proposition de loi visant à améliorer ce statut, particulièrement celui de l'élu local, de façon à faciliter l'accès de tous aux fonctions électives. Le texte n'avait certes pas abouti, mais un large consensus s'était dégagé dans notre hémicycle sur la nécessité de nous pencher collectivement sur cet épineux dossier, qu'il s'agisse de réviser le montant des indemnités des élus ou de mieux garantir leur retour à l'emploi.
Nous aurions pu proposer d'inscrire par voie d'amendement, dans le texte de notre constitution, le principe selon lequel un statut de l'élu garantit l'égal accès de tous aux fonctions électives, mais nous préférons que ce dossier avance par le biais de propositions concrètes. C'est pourquoi nous aimerions que le Gouvernement s'engage à travailler sur cette question et à nous présenter des suggestions dans quelques mois. Ce n'est pas une grande demande. De notre côté, nous nous engageons à formuler de nouvelles propositions.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter le présent amendement. Si cela n'est pas une main tendue, je ne sais pas ce que c'est.
L'amendement aboutirait à ce que dans notre pays, où il y a beaucoup plus de collectivités locales qu'ailleurs, les élus, notamment nationaux, ne soient plus, pour la plupart, que les représentants de leur mouvement politique.
J'ai constaté, depuis six ans que j'ai l'honneur de siéger ici, qu'il y a souvent des débats dans lesquels l'expérience d'élu local des uns et des autres est utile. Dans nos permanences parlementaires, mes chers collègues, il est bien rare que l'on vienne nous parler de la législation. La plupart du temps, nos concitoyens nous demandent d'appuyer une démarche vis-à-vis de l'administration, que ce soit pour une recherche d'emploi ou l'obtention d'un logement. De sa vie de conseiller général, de sa vie de maire plus encore, voire, mais beaucoup moins, de celle de conseiller régional, on tire un certain nombre d'expériences que nous pouvons porter ici.
J'ai l'intime conviction que le non-cumul des mandats, tel que proposé dans cet amendement, n'aurait, in fine, pour conséquence que ce qui était redouté par certains d'entre nous tout à l'heure à propos de la proportionnelle : faire émerger essentiellement des gens issus de l'appareil politique et sans expérience du terrain. On trouve déjà quelques exemples de cela dans d'autres enceintes.
Je pense que s'il est nécessaire de limiter le cumul des mandats électoraux, il ne faut pas l'interdire totalement, car cela permet à l'Assemblée de représenter non seulement les opinions, les partis politiques, mais aussi l'expérience de terrain.
Sur de nombreux bancs de cette assemblée, des élus cumulent un mandat local et un mandat national. Certains disaient depuis des années qu'ils refusaient le cumul, puis ils s'y sont mis, trouvant finalement qu'il était utile de combiner les deux expériences ; d'autres le dénoncent régulièrement mais ils le pratiquent, sous prétexte que c'est à la loi de l'interdire, ce qui leur permet de devenir plus vertueux ou plus en phase avec leurs engagements personnels.
Nous devons admettre que l'apport d'un élu local, chaque jour plongé dans la réalité du terrain et pas seulement dans celle du législateur, est utile à nos assemblées. Je ne tiens pas ce discours pour défendre des privilèges, mais parce que, au cours de ces dernières années, j'ai pu constater, lors de débats, qu'il est utile à la vie législative de notre pays que des élus locaux aient la possibilité de s'exprimer au Parlement national.
Sur le vote de l'amendement n° 376 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Je demande à M. Sandrier de retirer l'amendement n° 176 , qui n'a aucune conséquence puisqu'il appartient déjà à la loi de fixer la limitation ou l'interdiction du cumul des mandats,…
…sous réserve de l'article 25, qui prévoit une loi organique pour les députés. L'amendement n'a donc aucune conséquence : il ne change rien du tout en droit.
Si vous le mainteniez, monsieur Sandrier, l'avis de la commission serait évidemment défavorable puisqu'il ne sert absolument à rien.
Il ne saurait être question de retirer cet amendement parce que l'on peut inscrire dans la Constitution la limitation ou l'interdiction du cumul des mandats en précisant, comme nous l'avons fait dans l'amendement relatif au droit de vote des résidents étrangers non communautaires, que cette disposition serait appliquée dans les conditions déterminées par la loi.
Monsieur le rapporteur, on ne peut pas prétendre réformer les institutions et vouloir revitaliser la démocratie, tout en continuant d'autoriser cette anomalie qui est une exception française : le cumul des fonctions de législateur et d'exécutif local. L'emploi du temps de notre assemblée est d'ailleurs organisé en fonction du cumul et non pas en fonction de notre travail législatif. Tout le monde ici le sait bien. La preuve en est donnée par le fait que, alors que nous devions discuter demain en séance du projet de loi constitutionnelle, comme par hasard, les séances de vendredi ont été annulées. Nous savons que les fins de semaine sont plutôt chargées et actives dans nos collectivités locales !
De plus, nous sommes tout de même l'un des rares pays où les travaux parlementaires ont été interrompus pendant la durée de la campagne des municipales !
Si vous voulez, vous pouvez démissionner de la mairie de Bègles, monsieur Mamère !
Notre pays ressemble beaucoup à une république bananière. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La suspension des travaux du Parlement pendant les périodes électorales, cela s'appelle une tradition républicaine, et non pas une république bananière, monsieur Mamère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
En outre, s'agissant de l'amendement relatif au droit de vote des étrangers que vous avez évoqué, je vous rappelle que l'on ne peut pas légalement leur donner le droit de vote parce que cela contreviendrait à une norme constitutionnelle. Cette proposition avait donc un sens puisqu'elle visait à lever cet obstacle.
Quant à l'amendement n° 376 , je répète que la loi permet déjà de déterminer les conditions de la limitation ou de l'interdiction du cumul des mandats. La preuve, c'est qu'il y a déjà des règles.
En revanche, si vous déposiez un amendement proposant d'interdire un cumul particulier, cela créerait une règle nouvelle, alors que votre amendement actuel ne peut rien créer du tout. Il est complètement inutile. Cela étant vous voulez le maintenir en demandant, de surcroît, un scrutin public. Chacun appréciera le caractère complètement non constructif de tout cela.
Le groupe socialiste va voter l'amendement n° 376 . Nous avons déposé à l'article 10 un amendement qui va dans le même sens et qui vise à modifier l'article 25 de la Constitution.
« Il n'est pas incohérent par ailleurs de considérer que le renforcement du Parlement doit s'accompagner d'un plus grand investissement des parlementaires. » Cette phrase n'est pas de moi. Elle est de Nicolas Sarkozy, dans sa lettre de transmission du rapport Balladur au Premier ministre, le 12 novembre 2007.
Je suppose qu'il entendait un plus grand investissement en termes de temps, mais aussi au vu du nombre accru de sujets que nous serions à même de traiter. C'est la raison pour laquelle il serait étonnant que, travaillant sur la modernisation et les pouvoirs du Parlement, nous n'abordions pas cette question du cumul des mandats. C'est la question la plus populaire dans l'opinion, et celle qui revient à chaque fois en tête des suggestions qui sont avancées pour réformer nos institutions.
Par ailleurs, j'ai entendu l'argument de notre collègueJean-Christophe Lagarde, selon lequel pour bien comprendre les problèmes de nos concitoyens, il faut cumuler les mandats. Je me permets de lui dire que je ne trouve pas cela très aimable pour ceux qui ne sont pas cumulards, ce qui est mon cas. L'argument est également désobligeant pour les parlementaires européens des autres pays qui ne cumulent pas, puisque personne n'a jamais démontré qu'ils seraient moins compétents que les parlementaires français.
En outre, j'ai eu le privilège de battre une députée qui, elle, était cumularde. Cela prouve que si l'on est un élu local et un élu national, on ne connaît pas nécessairement mieux les problèmes que ceux qui ne briguent qu'un mandat national.
Je me suis livré à un calcul d'apothicaire pour dénombrer les collègues qui ont fait le choix du cumul. Je peux certes les comprendre, mais, au vu du résultat que j'ai obtenu, je me demande si ce n'est pas l'Assemblée nationale qui représente les territoires, tant il y a de députés qui ont des mandats locaux, mission pourtant dévolue au Sénat par la Constitution.
Je sais bien que la réforme du cumul des mandats est une mesure difficile à adopter, mais je cite Danton : « Soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être ».
Monsieur le président, vous ne m'avez pas demandé si je maintenais mon amendement !
Monsieur le président, c'est moi l'auteur de l'amendement, pas M. Mamère !
De surcroît, c'est moi qui l'ai présenté. Je me dois donc de répondre à la demande de retrait de M. le rapporteur.
Nous avons, dans cette assemblée, des débats qui sont le plus souvent sereins. Cela ne sert à rien, monsieur le rapporteur, de dire que tel ou tel amendement est ridicule. Chacun est libre de le penser, mais il y a des choses qui ne se disent pas.
Est-ce que ça sert à quelque chose de dire que nous sommes dans une république bananière ?
Monsieur Debré, ce n'est pas moi qui ai prononcé ces mots. Je n'ai donc pas à répondre à ce sujet !
Je répète qu'il ne sert à rien de dire que notre amendement est ridicule.
Le cumul est une vraie question. La preuve, c'est que nous en avons débattu. Je me souviens des propos de notre président en conférence des présidents, quand nous avons discuté de ce projet de loi constitutionnel : il a souligné qu'il fallait trouver les moyens pour assurer l'efficacité du travail de notre assemblée. Cela amène plusieurs questions, dont certaines sont abordées dans le texte, mais dont d'autres n'y sont pas. Je pense, entre autres, notamment à l'absentéisme, que vous avez souvent évoqué, monsieur le président ; et c'est une question que l'on peut aborder par le biais du cumul des mandats. Je tiens à le répéter : ce n'est pas une question ridicule. Elle n'est peut-être pas fondamentale, mais elle est très importante.
En outre, je n'ai pas eu de réponse à ma politique de la main tendue, j'ai en effet proposé que se constitue un groupe de travail sur cette question du cumul des mandats. Je ne demande pas une réponse définitive ce soir, et ce n'est tout de même pas une demande excessive. Monsieur le rapporteur, vous auriez pu vous exprimer à ce sujet.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 376 auquel le Gouvernement est également défavorable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 29
Contre 69
L'amendement n° 376 est rejeté.
Ce n'est pas grave, il sera sûrement repris par Mme Voynet au Sénat ! (Sourires.)
Autant il me semble que l'interdiction de cumuler plusieurs mandats en même temps ne permettra pas un véritable renouvellement de notre vie politique, autant je suis favorable à l'interdiction de l'exercice de plus de trois mandats consécutifs.
Tel est l'objectif de cet amendement, qui va manifestement dans le sens de ce que veut le Gouvernement lorsqu'il propose de limiter l'exercice de la fonction de Président de la République à deux mandats successifs.
Il n'est pas sain, notamment pour ce qui concerne les mandats électifs locaux, qu'une même personne représente pendant plus de dix-huit ans, durée non négligeable, les mêmes électeurs. En 2001, je connaissais une collectivité dirigée par la même personne depuis cinquante ans, soit un demi-siècle !
Vous avez raison, mon cher collègue : le peuple l'avait élue. Pour autant, est-ce bien sain, est-ce que cela ne fonctionnarise pas le mandat d'élu ? En l'occurrence je pense que oui. Voilà la raison pour laquelle je vous demande d'adopter cet amendement.
Monsieur Lagarde, nous en arrivons à des discussions et à une situation fort intéressantes : on va contraindre le peuple.
On impose – peut-être est-ce justifié ? – d'abord la parité. J'y suis favorable !
On va bientôt imposer des conditions d'âge. Dans mon propre parti, quelqu'un a déclaré hier qu'il fallait décider que 30 % des candidats aient moins de vingt-cinq ans !
On va aussi restreindre le cumul et la durée des mandats.
Continuez ainsi et on n'aura plus qu'à désigner simplement qui est candidat !
Cessez de poser des contraintes en permanence. Quand quelqu'un est élu par le peuple, il n'est pas illégitime parce que c'est son quatrième mandat. Je vous en prie, un peu de démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Brard n'est pas présent pour défendre un amendement ayant le même objet. Il aurait pourtant été intéressant de l'entendre le défendre (Sourires.)
Cet amendement vise à accorder aux étrangers non communautaires le droit d'être électeurs et éligibles pour les élections aux conseils des collectivités territoriales.
Oui, monsieur le président, nous revenons à cette question. Elle ne nous obsède pas, mais elle est importante. Il y a quelques minutes, elle a déjà donné lieu à un débat très intéressant, mais notre proposition s'est encore heurtée à une fin de non-recevoir.
Avec cet amendement, il s'agit de se conformer à ce qui existe déjà dans un certain nombre de pays de l'Union européenne comme les Pays-Bas, la Suède, le Danemark. Ainsi que cela a été souligné d'ailleurs sur quelques bancs de la droite tout à l'heure – je fais allusion aux propos de notre collègue M. Lellouche –, notre pays s'honorerait d'appliquer aux résidents étrangers non communautaires le traité de Maastricht, même s'il ne concerne formellement que les citoyens de l'Union européenne. Ce serait une manière de lutter contre des discriminations durement ressenties par les membres de cette population que l'on empêche de participer à leur destin collectif en leur interdisant ce geste fondateur qu'est le vote, ce qui est également mal vécu par leurs enfants de nationalité française.
Reconnaissons aussi que la plupart des élus – je ne dis pas que c'est le cas de ceux qui sont présents – ne considéreront pas de la même manière une population qui n'a pas le droit de sanction positive ou négative sur leur destin électoral qu'une population qui, elle, a le droit de vote. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
On voit bien comment sont apparus des ghettos et des discriminations, comment des gens ont été laissés à la frontière, à la périphérie de notre destin, parce qu'on s'est dit que, après tout, on pouvait les passer par profits et pertes, puisqu'ils n'avaient pas le droit de vote, donc pas la maîtrise de notre propre destin politique et électoral.
Cette anomalie n'est pas seulement démocratique ; elle est aussi philosophique, car elle porte sur le sens que l'on doit donner à ce qu'on appelle le pacte républicain.
Je ne vois pas au nom de quoi, celles et ceux qui vivent dans notre pays depuis tant d'années, qui ont été pour la plupart d'entre eux colonisés par notre pays et traités comme des indigènes, et qui sont aujourd'hui des sous-citoyens ou des citoyens de seconde zone, seraient exclus du pacte républicain. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les intégrer au pacte républicain serait une bonne manière de lutter contre les discriminations et d'éviter un certain nombre de troubles que nous avons connus ces dernières années.
J'interviens dans un souci de cohérence avec ce qui a été évoqué précédemment à l'occasion d'autres amendements.
Pour ce qui nous concerne, il nous semble que le droit de vote constitue l'un des éléments de la citoyenneté, qu'il s'y attache, et que, aujourd'hui, dans notre pays, il existe deux natures de citoyenneté.
La première est la citoyenneté nationale qui s'acquiert par la citoyenneté française. Historiquement, elle résulte d'une volonté politique : nos ancêtres ont décidé, à un moment donné, de créer une nation de citoyens par la volonté politique de partager des valeurs résumées au fronton des bâtiments publics de notre pays : liberté, égalité, fraternité auxquelles on peut ajouter la laïcité. Il n'en reste pas moins que la citoyenneté française, contrairement à d'autres citoyennetés en Europe et dans le monde, ne s'est pas bâtie en fonction d'un critère géographique, culturel ou linguistique, comme c'est le cas chez nos amis Allemands ; elle s'est construite essentiellement sur une volonté politique.
Cette volonté politique doit être manifestée par le citoyen qui l'exprime en demandant à être Français, ou bien par des citoyens européens auxquels le droit de vote a été accordé par volonté politique, par traités internationaux, y compris ratifiés par le peuple français.
M. Lellouche a indiqué que le droit de vote des citoyens européens n'était pas dans notre Constitution. Si ! Il s'y trouve à l'article 88-3, adopté après la signature du traité de Maastricht, à l'occasion de sa ratification. Nous avons donc bien décidé, à côté de la citoyenneté française dont nous avons hérité de la Révolution française, de créer une citoyenneté européenne, respectant ainsi la logique que, pour nous, le droit de vote est attaché à la citoyenneté, elle-même volonté d'une construction politique.
Ce qui nous est proposé ici revient à vouloir accorder le droit de vote à des gens n'exprimant pas cette volonté ou ce souhait, et qui sont sur notre territoire en situation régulière. Nous devons avoir l'ambition de leur donner l'envie de devenir Français ; c'était l'objet du premier amendement que j'ai défendu. Ces gens-là devraient pouvoir demander à être Français, afin de ne pas être des sous-citoyens ou des demi-citoyens, mais d'être des citoyens à part entière.
Par ailleurs, je milite pour que l'on facilite ou que l'on accélère les délais d'accession à la nationalité qui, j'en profite pour le signaler, sont totalement indécents dans certains départements comme celui de la Seine-Saint-Denis : trois ou quatre ans et demi pour parvenir à devenir Français quand on le demande et qu'on est là depuis vingt ans, ce n'est pas décent. Si l'on agissait ainsi il n'y aurait plus ce débat, un faux débat qui ne respecte pas ce qu'est la construction politique française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur Mamère, la France n'est pas un pays comme les autres : elle est un État nation, basé sur des valeurs, dans lequel le droit du sol prime largement le droit du sang. Elle est un État dans lequel nous avons une destinée commune, et c'est cette destinée commune, fondée sur des valeurs, qui définit notre citoyenneté. Voilà la base. Sur cette base-là, l'intégration réussie aboutit à ce que l'étranger devienne Français parce qu'il adhère à ces valeurs et à ce destin commun.
N'essayez pas de défendre une sous-citoyenneté qui serait une citoyenneté de résidence, d'opportunité ou de passage (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) La citoyenneté ne se marchande pas ; elle est liée à la nationalité et c'est ainsi que les choses se font de la façon la plus logique. D'ailleurs, pourquoi donnerions-nous un droit de vote à des gens qui ne le demandent pas s'ils ne souhaitent pas la citoyenneté française ? À mon avis, accéder à la citoyenneté française est légèrement plus facile que d'accéder à la citoyenneté allemande, par exemple ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans la mesure où la nationalité française est donnée à des gens qui vivent depuis plus de dix ans sur notre territoire, il n'y a pas besoin d'ajouter une sous-citoyenneté à la citoyenneté française qu'ils sont, logiquement et en droit, à même d'obtenir.
Cet amendement n'est pas choquant, mais il se trompe de cible. S'il portait sur la volonté de faire en sorte que les enfants qui naissent sur notre sol deviennent Français à terme, parce qu'on les éduque aux valeurs de la République, il serait intéressant. Mais cela est déjà tellement écrit dans la Constitution qu'il serait superfétatoire de le répéter. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Leonetti, je ne sache pas que la France soit le seul État nation du monde ! Ou alors, je n'ai pas bien appris le droit comparé.
Je n'ai pas dit cela ! J'ai dit que ce n'était pas un pays comme les autres, qu'il était fondé sur l'idée de communauté de destin !
Votre argument est totalement caduc depuis l'application du traité de Maastricht. Pourquoi faites-vous une différence ? Pourquoi un Allemand, un Italien, un Espagnol, un Portugais qui ne choisit pas la nationalité française, qui ne l'a pas, pourrait-il voter et être éligible dans les élections locales alors qu'il ne va passer que quelques années dans notre pays et repartir alors que ceux qu'on est allé parfois allé chercher de force dans des pays colonisés, qui sont installés depuis quarante ans dans notre pays, qui participent à notre richesse, auxquels on demande de respecter les lois de la République ne l'ont pas ?
Ce n'est pas parce qu'ils ne choisissent pas la nationalité française qu'ils ne sont pas des citoyens résidant dans notre pays. Vous, les membres de la majorité, aviez déjà avancé cet argument à l'occasion de la discussion de ce projet en commission des lois. Vous restez sur une position archaïque et intangible qui consiste à adosser la citoyenneté à la nationalité. Or chacun connaît les difficultés qu'il faut surmonter pour acquérir la nationalité ; c'est un véritable parcours du combattant ; nous en sommes tous témoins en tant que députés ou dans d'autres fonctions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous considérons que, dans notre pays, aujourd'hui, c'est la citoyenneté de résidence qui doit primer.
Un étranger venant d'un pays n'appartenant pas à l'Union européenne, vivant dans notre pays depuis quarante ans, qui y mourra, qui y sera enterré, dont les enfants sont Français, ne serait pas un citoyen ? Si c'est votre avis, pourquoi acceptez-vous qu'il puisse appartenir à un syndicat, une association, à une caisse des écoles, être électeur aux prud'hommes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cela n'a rien à voir ! Il ne s'agit pas de valeurs, de communauté de destin !
Y aurait-il des citoyennetés sélectives ? C'est la question que je vous pose !
La commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 309 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 247 .
Tous nos collègues ont mon amendement sous les yeux, mais je veux attirer l'attention de ceux qui vont penser qu'il s'agit encore d'une histoire de cumul, sur le fait qu'introduire cette disposition dans la Constitution me paraît comporter deux avantages : inscrire dans la Constitution que « nul ne peut remplir plus de deux fonctions publiques électives », c'est affirmer le droit à deux fonctions publiques électives, et cela permet de fixer la règle en évitant les variations au gré des majorités changeantes car la Constitution nécessite un consensus plus large.
Par ailleurs la disposition proposée permettrait d'établir clairement que les responsabilités intercommunales ne doivent pas être intégrées dans les calculs de cumul de fonctions. Il paraîtrait en effet curieux qu'un jour, au gré de tel ou tel amendement – on a vu des choses assez illogiques concernant les ministres, au cours de ce débat –, nous décidions qu'il est impossible d'être à la fois maire et membre de son intercommunalité. Je préférerais que la Constitution prévoit, de façon sage, que les élus peuvent, en cas de regroupements de communes, siéger dans leurs établissements publics de coopération intercommunale. Faute de quoi nous irions au-devant de grosses difficultés. Autant constitutionnaliser cette mesure car cela éviterait, à mes yeux, les excès inverses.
L'avis du Gouvernement est également défavorable.
La parole est à M. Jacques Domergue.
Monsieur Lagarde, dans ce genre de situation, il faudrait probablement distinguer les mandats exécutifs et les mandats législatifs. Tout à l'heure, je n'ai pas eu l'occasion de prendre la parole pour souligner que votre question était légitime.
Ce que vous avez vécu, en 2001, dans une mairie qui était tenue d'une main de fer sûrement depuis cinquante ans, se produit dans beaucoup de communes en France. On peut considérer que le renouvellement d'un mandat législatif ad vitam aeternam ne peut aller que dans le sens de l'amélioration de la qualité du travail législatif fourni par celui qui ne prend pas de décisions exécutives déterminant la qualité de vie au quotidien des citoyens.
Il serait en revanche légitime de réfléchir à cette disposition pour tous les mandats exécutifs, qu'il s'agisse des mandats municipaux, des présidences de conseils généraux ou régionaux, d'autant que l'on s'apprête à l'inscrire dans la Constitution pour la présidence de la République.
Bref, il serait bon de distinguer entre mandats législatifs et mandats exécutifs. On pourrait à l'avenir inscrire l'amendement dans un autre cadre législatif ; ce serait un plus pour nos travaux parlementaires et le bon fonctionnement de notre société.
Vous proposez, monsieur Lagarde, d'excepter les intercommunalités de la limitation du cumul. Or c'est là qu'est aujourd'hui le vrai pouvoir, beaucoup plus que dans les mairies. Que ce soit en réformant la Constitution ou par le biais d'une loi, l'essentiel serait de prévoir un contrôle démocratique des intercommunalités, qui sont dotées d'énormes moyens. Dans certaines d'entre elles, on brasse des centaines de millions d'euros et l'on prend des décisions sans même être contrôlé, car l'élection de second degré soustrait à l'appréciation du suffrage universel.
Votre logique, monsieur Lagarde, me paraît donc d'une très grande hypocrisie, car elle consiste à dire : « Faites comme si vous respectiez la limitation du cumul, mais surtout, continuez à exercer votre pouvoir occulte et dépourvu de tout contrôle dans l'intercommunalité », c'est-à-dire là où se situent les vrais moyens et le vrai pouvoir.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour défendre l'amendement n° 248 .
Cet amendement subira sans doute le même sort que le précédent, et il suscitera probablement la même unanimité sur les bancs de la gauche.
Il vise à obliger un fonctionnaire en détachement, réélu pour un mandat parlementaire, à opter entre celui-ci et sa carrière dans la fonction publique. Une telle disposition avait été défendue à titre non pas constitutionnel mais législatif lors de la précédente législature par quelqu'un qui, fonctionnaire de notre assemblée, est devenu député puis ministre de la défense.
Dans l'exercice des mandats électifs, il existe une forte inégalité entre ceux qui sont fonctionnaires et ceux qui ne le sont pas. Inévitablement, on va m'objecter qu'il faut améliorer le statut de l'élu. Proposera-t-on qu'un élu puisse devenir fonctionnaire ? Qu'un élu non fonctionnaire battu à une élection jouisse des mêmes garanties que le fonctionnaire détaché, lequel peut, après une défaite électorale, revenir dans son administration d'origine ?
Même si notre président fait exception à la règle, les professions libérales ne sont guère représentées dans notre assemblée. Il y a peu de membres des professions médicales, d'employés ou de chefs d'entreprise, mais on recense beaucoup de fonctionnaires. Cette composition révèle sans doute un accès inégal à la fonction de parlementaire.
L'amendement évite un couperet trop tranchant puisqu'il ne vise pas le premier mandat mais la réélection. Dans ce dernier cas, il me paraît logique de rétablir une égalité entre ceux qui prennent des risques et ceux qui en prennent moins.
La disposition proposée n'est pas de niveau constitutionnel. L'article 25 de la Constitution renvoie en effet à une loi organique la question du régime des inéligibilités et des incompatibilités pour les membres du Parlement.
La question posée par l'amendement est celle de la différence entre les salariés du privé et les fonctionnaires. Lorsqu'un salarié du privé est battu à une élection, il ne bénéficie pas des mêmes garanties qu'un fonctionnaire. La solution résiderait donc plutôt dans l'amélioration du statut des élus.
Bref, une telle question devrait plutôt être réglée par la loi.
Avis défavorable à l'amendement.
Malgré toute l'amitié que j'ai pour M. Lagarde (Rires et exclamations sur tous les bancs)…
Mes chers collègues, laissez M. Dosière s'exprimer : pour une fois que l'on parle gentiment dans notre hémicycle ! (Sourires.)
Monsieur Dosière, vous avez totalement la parole : poursuivez ainsi ! (Sourires.)
Je m'étonne, voulais-je dire, que M. Lagarde, malgré mon amitié, propose des dispositions aussi mal rédigées ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cela avait bien commencé, monsieur Dosière, mais ça ne pouvait pas durer !
Ainsi que l'a justement observé Mme la garde des sceaux, à laquelle je rends hommage pour cette intervention,…
…le problème est plus global.
À lire l'amendement au premier degré, on sent d'ailleurs une légère connotation anti-fonction publique pour le moins déplaisante. Ne stigmatisons pas la fonction publique : essayons plutôt de donner aux salariés du privé et aux professions libérales, souvent confrontées à des difficultés en ce domaine, les moyens d'accéder à l'Assemblée nationale dans des conditions aussi favorables que celles dont bénéficient les fonctionnaires. Le mandat parlementaire est à durée déterminée ; il est transitoire ; certains collègues, quelle que soit leur profession, doivent ainsi retrouver une activité dix ans après leur première élection ce qui peut poser des problèmes.
La disposition proposée relève en effet de la loi. Je crois que notre collègue Lagarde a voulu faire un effet d'annonce, comme avec l'amendement précédent, qui concernait le cumul des mandats. Pour notre part, nous aurons à revenir sur cette dernière question, mais à la place qui doit être la sienne dans la Constitution. En tout état de cause, nous sommes hostiles à l'amendement.
Je suis également défavorable à l'amendement. Mme la garde des sceaux, ainsi que mon collègue René Dosière, ont exprimé ce que je souhaitais dire.
Plutôt que de restreindre l'accès de la fonction publique aux mandats électifs, réfléchissons, comme nous sommes beaucoup à le faire ici, à la manière de faciliter l'accès des autres professions. Le problème est surtout de bien gérer la sortie de la fonction élective. Mme la garde des sceaux a justement précisé que cela relevait de la loi ; je ne crois pas nécessaire de l'inscrire dans la Constitution.
Je remercie M. Lagarde d'avoir soulevé cette vraie question.
Parmi les points dont nous avons débattu cet après-midi, il en est beaucoup qui sont du domaine de la loi et non de la Constitution ; je pense notamment au non-cumul, dont j'observe au passage que ses plus grands avocats, auxquels je rends hommage, sont souvent ceux qui cumulent le plus.
S'agissant de la colonisation – car il n'y a pas d'autre terme – par la haute fonction publique, notamment, de notre vie politique, c'est une réalité, que l'on observe aussi bien à l'Assemblée que dans l'exécutif. Depuis 1945, l'ENA a littéralement trusté non seulement les grands postes dans notre pays, mais aussi les fonctions politiques. Jusqu'à une époque récente, certains gouvernements étaient composés à 70 % d'anciens énarques et des ministres des finances étaient d'anciens sous-directeurs du Trésor ; j'en passe et des meilleurs. Quand l'ENA parle à l'ENA !
S'agissant de l'Assemblée, c'est une vieille maladie de cette maison que d'y voir les fonctionnaires surreprésentés. L'origine en est ancienne : cela remonte à la Restauration, à l'époque du suffrage censitaire.
Pour trouver des élus, il fallait recourir aux nobles, qui avaient du bien, ou aux fonctionnaires, qui recevaient un traitement. Depuis, Dieu merci, la France a évolué, et le système devrait s'adapter en conséquence. Henriot, qui s'en plaignait déjà dans les années trente, rêvait d'appliquer le système britannique, lequel interdit le cumul entre la qualité de fonctionnaire et celle d'élu.
Il ne serait pas mauvais que nous ayons une réflexion sur ce sujet. Faut-il favoriser le retour à l'activité des élus issus du secteur privé ? Nous savons qu'il y a des drames, et dans tous les camps, après certaines défaites électorales. En tous cas permettre que les fonctionnaires élus conservent tous leurs avantages, les cumulent même en matière de retraite et soient assurés d'un parachute, quelle que soit l'issue de l'élection, est une vraie différence, quant à l'accès aux mandats, entre la fonction publique et le secteur privé. Or l'intérêt de cette maison est de refléter toute la nation.
Mme Dati a eu raison de souligner que l'amendement de M. Lagarde ne relève pas du niveau constitutionnel, mais, je le répète, il a le mérite d'ouvrir un bon débat. Pour avoir moi-même déposé plusieurs propositions de loi en ce sens, je reste convaincu que le non-cumul entre la qualité de fonctionnaire et celle de député est souhaitable, et ce quel que soit le seuil. Sur ce point M. Lagarde est très généreux, puisqu'il ne parle que du député réélu. En Angleterre, tout fonctionnaire élu doit démissionner de son poste.
Je serais heureux que tous les groupes réfléchissent à cette question et que nous trouvions rapidement une solution satisfaisante. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je dois apporter une précision, monsieur Lellouche : ici même a été récemment votée une disposition qui supprime l'un des points que vous incriminez, à savoir le cumul de cotisations retraite pour les députés fonctionnaires.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
La parole est à M. Bernard Debré.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement que j'ai déposé sur cet article.
, et M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Excellente initiative !
Merci, monsieur Débré : je considérerai donc que votre amendement n° 437 aura été défendu.
Je suis surpris d'apprendre que nous sommes de très mauvais députés, que nous ne représentons rien du tout, que – comme l'a souligné M. Mamère – nous n'avons aucune considération pour qui que ce soit, surtout pour ceux qui ne votent pas pour nous ou s'abstiennent ; je suis surpris d'apprendre que nous n'étions pas en République jusqu'à présent puisque le mode de scrutin n'est pas représentatif, la proportion des fonctionnaires étant trop importante au sein de l'Assemblée ; je suis surpris d'apprendre, enfin, qu'il faut donc tout bouleverser.
En lisant l'article 1er, je constate que nous instituons une majorité et une opposition, qu'en effet « des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n'ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. »
Faut-il, pour avoir des droits particuliers, se déclarer absolument pour ou contre le Gouvernement ? Je suis membre de l'UMP, donc favorable au Gouvernement. Cependant on pourrait imaginer, cela s'est vu il n'y a pas si longtemps, que des groupes parlementaires ne se déclarent pas forcément en sa faveur, ni contre lui. Quels seraient donc les droits de ces groupes ? Je pense aux députés de l'UDF qui avaient voté une fois pour le budget mais qui, à d'autres reprises, avaient voté contre. Étaient-ils donc pour ou contre le Gouvernement ?
Il serait encore pire d'être obligé de se déterminer dès son élection. C'est pourtant bien ce que je lis : « Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n'ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. » On est donc contraint de faire une déclaration initiale, à moins de changer en cours de mandat.
Cependant, à ce que je crois, à ce que je vois, et n'en déplaise à certains, j'ai pu constater que l'opposition jouissait de nombreux droits, d'abord ceux prévus par la Constitution, mais aussi ceux donnés par l'Assemblée nationale. D'ailleurs, récemment, l'opposition n'a pas manqué de les utiliser, qu'il s'agisse des exceptions d'irrecevabilité, des questions préalables ou des motions de renvoi en commission. Il lui arrive même, parfois, de parvenir à les faire voter (Sourires).
Il s'agit bien, que je sache, de droits.
Récemment encore, on a donné à l'opposition la présidence de la commission des finances, ce qui n'est tout de même pas rien, c'est même un poste très important. On donne à l'opposition – je sais que M. Mamère, qui est parti, n'aime pas qu'on utilise le terme – des « espaces » parlementaires afin qu'elle puisse présenter des propositions de lois.
Elle a ainsi pu défendre une proposition hier et une autre ce matin. Or ce droit dont bénéficient tous les partis politiques profite essentiellement à l'opposition.
Par ailleurs, d'une manière plus générale, on confie souvent à l'opposition la présidence de commissions extraparlementaires. Je ne pense donc pas que, dans notre pays, l'opposition soit brimée au point qu'il faille en finir avec l'existence d'une majorité d'un côté et d'une opposition de l'autre, au point même qu'on doive envisager d'en revenir à l'hypothèse du scrutin proportionnel.
On lit chez certains juristes que la périphrase emberlificotée confirme les difficultés qu'on rencontre à tenter toute définition juridique des rapports politiques, spécialement des statuts de l'opposition.
C'est la raison pour laquelle j'aimerais qu'on supprime cet article superfétatoire.
Le groupe UMP soutient cet article et va le voter. Toute son argumentation est en fait contenue dans les propos de Bernard Debré.
Mais oui, mon cher collègue, notamment quand vous dites très justement que l'opposition dispose de droits comme la présidence de la commission des finances. Vous auriez pu aussi rappeler que le président et le rapporteur d'une commission d'enquête appartiennent l'un à la majorité, l'autre à l'opposition.
Or ce qui s'apparente à des droits n'en sont pas. Il s'agit de pratiques. Ainsi l'attribution à l'opposition de la présidence de la commission des finances résulte, comme chacun le sait, d'une initiative de Nicolas Sarkozy.
Est-ce que cela a permis de changer quoi que ce soit au budget de la France ?
Il s'agit d'une nouvelle pratique. Le Président de la République a en effet jugé préférable que, désormais, les droits reconnus à l'opposition ne se limitent plus à la seule faculté de s'opposer. On pense à l'obstruction par le biais de la multiplication des amendements : un peu plus de 243 000 ont été déposés sous la XIIe législature, rédigés pour la plupart par l'opposition, selon le chiffre figurant dans l'excellent rapport de Jean-Luc Warsmann. On pense aussi aux exceptions d'irrecevabilité, aux questions préalables, aux motions de renvoi en commission, autant de moyens de s'opposer, c'est-à-dire de prendre la parole pour exposer les raisons pour lesquelles on rejette un texte et, bien souvent, clore la discussion avant même qu'elle n'ait commencé. Il s'agit donc de pure et simple opposition.
Or il serait formidable, et les Français paraissent prêts pour ce débat, que l'opposition discute, débatte avec la majorité. C'est du reste ce qui se produit bien souvent en commission : un débat constructif se noue autour de la loi ; on note la même attitude en commission des lois et, régulièrement, en commission des finances au moment de l'examen du budget.
Il faudrait que la loi organique qui suivra ce débat sur l'évolution de la Constitution prévoie des droits permettant à l'opposition d'être statutairement constructive.
L'opposition l'attend et la majorité, à la suite du Président de la République et du Gouvernement, le souhaite. Dès lors, offrons l'opportunité fantastique à l'opposition d'être constructive et montrons que la majorité est prête pour cette évolution qui ne remet pas en cause l'esprit de la Ve République et qui, loin de le faire, respecte la volonté de ses pères.
Cet article me gêne. En effet, au prétexte de donner des droits à l'opposition, nous courons le risque d'aboutir à une forme de manichéisme. En effet, l'application de l'article 49, alinéa 1, de la Constitution impliquerait que chaque député fasse partie d'un camp dès le début de la législature, sans aucune opportunité d'évolution.
Si l'on veut faire progresser le débat, la vie démocratique au sein de cette assemblée, il convient certes de reconnaître des droits spécifiques à l'opposition et, au-delà, à tous les groupes et même à tous les parlementaires, je pense en particulier aux députés non-inscrits. Nous devons néanmoins éviter deux travers dangereux.
Le premier serait l'institution de fait d'un mandat plus ou moins impératif.
Très juste ! C'est un bon argument : les mandats n'ont pas à être impératifs !
Nous nous retrouverions en effet dans une logique selon laquelle son appartenance à la majorité contraindrait le député à l'approbation systématique tandis que son appartenance à l'opposition le confinerait dans la réprobation constante.
De surcroît, nous risquons de nous acheminer à moyen terme vers une forme de bipartisme...
…à cause duquel ceux qui n'appartiendraient ni au grand parti de la majorité ni au grand parti de l'opposition disposeraient de moyens d'expression plus « officieux » que les autres. Ce serait gênant. En effet, la démocratie, c'est le pluralisme, la diversité des opinions.
Je ne reviens pas sur le débat relatif à l'instillation d'une dose de proportionnelle que nous avions proposée pour permettre à certains courants de pouvoir s'exprimer au sein de cette assemblée alors qu'ils représentent un nombre de voix relativement important. La tradition des courants politiques est établie dans notre vie politique depuis longtemps et tout ce qui contribue à figer les rapports entre une majorité constituée et une opposition constituée ne représente pas forcément un progrès pour la démocratie.
Nous entrons dans le vif du sujet en abordant la question du statut de l'opposition. Nous n'y sommes pas indifférents puisque nous l'avons défendu en commission avec force. D'ailleurs, des amendements du rapporteur visent à rendre compatibles l'article avec les revendications de groupes centristes qui ne voulaient pas avoir à choisir ; c'est leur liberté.
La question des droits spécifiques attachés à certains groupes selon leur comportement ou leurs orientations politiques constitue une innovation fondamentale défendue par les socialistes qui y voient un progrès, quand Bernard Debré, au contraire, pressent un grave recul.
Jean-Jacques Urvoas détaillera dans un instant certaines conséquences qu'implique l'article 1er du texte, mais on peut d'ores et déjà souhaiter que ces droits spécifiques sortent de l'abstraction. Peut-être le président de l'Assemblée nationale, quand il sera redevenu député ordinaire, quand il participera à la discussion, pourra-t-il nous dire ce qu'on peut attendre de la mise en oeuvre de l'article 24 du projet qui prévoit d'ajouter à l'article 51 de la Constitution une disposition selon laquelle le règlement de chaque assemblée détermine les droits respectifs des groupes parlementaires selon qu'ils ont ou non déclaré soutenir le Gouvernement.
En effet, quelle sera la teneur du règlement de l'Assemblée sur ce point ? En quoi les droits en question seront-ils spécifiques ? Seront-ils si exceptionnels qu'ils risquent de nous marginaliser ?
En effet il se trouve, dans l'opposition, des députés qui, fort légitimement, préféreraient encore jouir des droits dont ils bénéficient actuellement, pourvu qu'ils soient puissants, plutôt que de droits spécifiques qui marginaliseraient l'opposition.
Cette ambiguïté doit être dissipée pendant la procédure parlementaire. Nous devons savoir à quelle sauce – généreuse ou difficile, urticante –, nous allons être mangés.
Voilà pourquoi, monsieur le président de la commission, je me permets de poser cette question. Nous avons besoin de savoir comment vous imaginez ce statut de l'opposition.
Quant à vous, monsieur le président de l'Assemblée, vous nous avez fait des déclarations apaisantes – auxquelles je rends hommage –, selon lesquelles nous en discuterions entre nous, sans le Gouvernement.
Mais cet « entre nous », ne change rien au fait majoritaire ! C'est donc la majorité qui va décider où nous mettre !
Sera-ce dans un petit coin, à gauche ? Ou bien ces droits spécifiques comporteront-ils des droits supplémentaires ? Nous n'avons pas de réponses. Je prie ainsi la direction politique de cette réforme de bien vouloir les donner. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il va de soi que notre groupe est très attentif à cet article.
D'abord, je précise qu'il ne concerne pas que l'Assemblée nationale. Rien ne dit, dans son libellé, qu'il est destiné à mieux organiser l'opposition parlementaire même si ce point est évoqué par l'article 24 qui crée l'article 51-1 de la Constitution. Il faut donc considérer ici l'opposition au sens général dans notre système politique, ce qui nécessite qu'on définisse ce qu'est une opposition. S'agit-il d'une opposition politique, d'une opposition légale, d'une opposition locale ? Faut-il décliner ces droits spécifiques en fonction des assemblées dans lesquelles nous siégeons ? S'agit-il en effet des mêmes pour le conseil général, pour le conseil régional ?
Le rapporteur avait raison de souligner, en commission, que cet article recelait de grandes potentialités. En effet il faut commencer par constater qu'aujourd'hui il est impossible de décider de conférer des droits particuliers à l'opposition. Une tentative avait été conduite en 2006 à l'occasion de la révision du règlement de l'Assemblée. Or le Conseil constitutionnel avait supprimé cette disposition, considérant qu'on ne pouvait donner des droits supérieurs à ceux auxquels l'opposition pouvait arithmétiquement prétendre, dans la mesure où elle instaurait entre les groupes une différence de traitement injustifiée.
La décision du Conseil constitutionnel n'est d'ailleurs pas totalement convaincante et il eût été avisé de suivre à la lettre le rapporteur de l'époque – c'était déjà Jean-Luc Warsmann –, qui avait noté, avec beaucoup de justesse, qu'il existait déjà, au sein de l'Assemblée, une discrimination entre les parlementaires appartenant à un groupe et les non-inscrits qui ne disposaient pas exactement des mêmes droits.
Quoi qu'il en soit, il y a là un verrou juridique, d'ordre constitutionnel, qu'il faut faire sauter. Je ne sais pas si l'article 1er fait sauter ce verrou, mais en tout cas il le dégrippe. Il s'agit d'un premier pas. C'est l'une des raisons pour lesquelles, sur le principe, nous soutenons cet article.
Reconnaître des droits particuliers à l'opposition, cela consiste, comme je m'étais permis de le dire hier, lors de la discussion générale, à lui reconnaître des droits qui peuvent être supérieurs à ce qui lui serait accordé en fonction de la seule arithmétique. C'est une forme de discrimination positive en faveur de la minorité, qui correspond à une manière nouvelle d'envisager la séparation des pouvoirs, laquelle ne doit pas simplement être vue sous l'angle des rapports entre l'exécutif et le législatif, mais aussi, cela est au moins aussi important, sous celui des rapports entre l'exécutif et l'opposition.
C'est d'ailleurs ce qu'ont compris nombre de nos voisins européens, qui ont déjà adopté des dispositions concrètes à cet égard. Chacun de nous connaît le statut de l'opposition de Sa Majesté à la Chambre des communes, statut qui donne des droits considérables à l'opposition parlementaire, et singulièrement à son chef, qui est à la tête du groupe le plus important de l'opposition, les libéraux ayant également des droits au sein de la Chambre des communes.
Il y a donc une tendance européenne. La suivre est une manière de moderniser notre vie publique. Sur le strict plan des principes, nous ne pouvons qu'y être favorables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous sommes devant une disposition importante, dans laquelle un certain nombre d'entre nous voient non pas un simple ajout qui sort un peu de notre pratique, mais une régression et une incohérence. Je vais essayer de défendre ce point de vue en quelques mots, comme certains l'ont déjà fait.
Il s'agit d'une incohérence parce qu'on mélange deux logiques différentes. Il est des pays où l'exécutif trouve la source de sa légitimité dans la représentation parlementaire. Tel est le cas du Royaume-Uni que vous citiez à l'instant, monsieur Urvoas. C'est également le cas de toutes les démocraties parlementaires en Europe : l'exécutif ne trouve sa force que dans le fait qu'il est le fruit d'une majorité, qui le désigne.
Telle n'est évidemment pas la situation en France, où l'exécutif trouve sa source dans l'élection du Président de la République au suffrage universel. C'est lui qui choisit sa majorité. On peut même imaginer, et le Général de Gaulle s'est exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet, que le Président puisse désigner un gouvernement même si la majorité parlementaire lui est a priori hostile. Il nomme un gouvernement, qui gouverne, et si celui-ci est censuré, le Président dissout l'Assemblée nationale.
Quoi qu'il en soit, la philosophie de nos institutions est bien que le Président de la République, élu au suffrage universel, est la source de la légitimité de l'exécutif. Or l'article 1er s'inscrit dans une autre logique, celle des institutions parlementaires, dans lesquelles c'est la majorité parlementaire qui est la source de l'exécutif.
C'est un premier point.
Il en est un second sur lequel je n'insisterai pas, parce qu'il a été très justement traité par Philippe Folliot : la rédaction de cet article nie la disposition constitutionnelle qui veut que « tout mandat impératif est nul ». Elle est niée par l'affirmation selon laquelle on se présente, à l'orée d'une législature, en disant : « Ma vocation, ici, est de soutenir le Gouvernement ».
Nous sommes nombreux à penser que lorsqu'on est un élu, on doit avoir la liberté de soutenir un gouvernement s'il va dans le bon sens et de le combattre s'il va dans le mauvais sens.
Je veux aller encore un peu plus loin.
Cet article signifie, en réalité, que l'on considère que le lien privilégié d'un parlementaire, il doit l'avoir avec le Gouvernement, qu'il soutient ou pas, et non pas avec ses électeurs. Or un parlementaire est quelqu'un qui doit sa légitimité à ses électeurs, comme c'est à eux qu'il doit rendre des comptes, et non pas au Gouvernement.
Le discours que nous a tenu M. Chartier illustre d'ailleurs mon propos. Il a été très intéressant car M. Chartier a dit en substance à ses collègues de l'Assemblée nationale : « Nous avons confié la présidence de la commission des finances à un élu du parti socialiste, parce que c'est une initiative du Président de la République. C'est la volonté de celui-ci qui a ouvert ce droit nouveau. » Excusez-moi, mon cher collègue, mais je suis obligé de vous dire que dans un pays, une démocratie, une République où la séparation des pouvoirs est établie, comme le veut la déclaration des droits, on ne devrait pas considérer que c'est le Président de la République qui vient ici, à l'Assemblée, donner une présidence de commission au parti socialiste. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis très sérieux, monsieur Chartier.
De ce point de vue, donc, ce qui nous est proposé dans cet article 1er est une régression.
À mes yeux, les parlementaires de cette assemblée devraient tous avoir les mêmes droits, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, quelles que soient leurs relations avec le Gouvernement. En particulier, si c'était le cas, les députés non-inscrits n'auraient pas droit à une question d'actualité tous les trois mois, comme on me le faisait remarquer il y a un instant. Ils auraient le droit normal de s'exprimer en tant que parlementaire de la nation, et non en tant que représentant d'un groupe lié, ou pas, au Gouvernement.
Je suis saisi de l'amendement n° 437 qui tend à la suppression de l'article 1er.
M. Bernard Debré l'a déjà soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais procéder à une présentation d'ensemble de la position de la commission sur l'article 1er et sur les amendements dont il fait l'objet.
Que voulons-nous dans ce projet de loi ? Je crois qu'il faut que les choses soient très claires, même si cela me conduit à évoquer d'autres articles.
Sous la précédente législature, nous avons voulu introduire dans le règlement de l'Assemblée nationale les éléments de ce que l'on appelle un statut de l'opposition. Nous avons tenu à agir en ce sens parce que, évidemment, tous les parlementaires sont égaux en droit, et dans notre assemblée, comme dans les parlements en général, tous les sièges sont répartis à la proportionnelle. Un groupe qui réunit le dixième des députés aura le dixième des sièges dans tout organisme qui se crée au sein de l'Assemblée. Cependant, même si chacun peut en penser ce qu'il veut, l'expérience montre que, lorsqu'on veut renforcer les fonctions de contrôle, il faut donner à l'opposition une place plus importante que sa place proportionnelle, c'est-à-dire, par exemple, une place qui peut aller jusqu'à la moitié des sièges.
Des expériences ont été réalisées : présidence de la commission des finances, confiée à notre collègue Didier Migaud, désignation de co-rapporteurs dans la commission des affaires économiques ou dans la commission des lois. Cependant ces expériences ne reposent aujourd'hui sur aucun texte, parce que toute disposition écrite qui prévoirait cela serait invalidée par le Conseil constitutionnel, lequel a annulé les dispositions allant en ce sens qui lui ont été soumises.
Dans cette révision constitutionnelle, quelle est notre feuille de route, au Gouvernement comme à la commission ? Il s'agit d'ôter au Conseil constitutionnel tout fondement lui permettant de maintenir sa jurisprudence et de permettre à l'Assemblée nationale d'introduire dans son règlement des dispositions donnant à l'opposition une place supérieure à sa place proportionnelle.
Nous ne retirons de place à personne. Nous ne retirons de droit à personne. Nous n'obligeons personne à dire quoi que ce soit. Celui qui ne veut pas déclarer s'il appartient à la majorité ou à l'opposition ne dit rien du tout, et il ne lui en coûte rien. Chacun est totalement libre de faire ce qu'il veut, de voter pour un projet de loi le matin, et contre un autre projet de loi l'après-midi.
Simplement, lorsqu'un groupe se constitue, ses membres signent une déclaration. Les groupes qui auront indiqué, dans leur déclaration, ne pas faire partie de la majorité de notre assemblée auront droit à quelques responsabilités qui seront à définir.
Voilà notre objectif. C'est très clair. Nous voulons le faire dans les deux assemblées parlementaires, ce qui m'oblige à dire que la rédaction proposée par le Gouvernement ne pourra pas être maintenue. On peut en effet imaginer que l'une des deux assemblées ne soutient pas le Gouvernement. Imaginez que, par hasard, le Sénat ne soutienne pas le Gouvernement. La majorité sénatoriale aurait les postes liés au fait qu'elle est majoritaire, et elle aurait également ceux liés au fait qu'elle ne soutient pas le Gouvernement. Cela fait un peu fromage et dessert ! Ce serait quelque peu excessif. Il faudra donc modifier, de toute façon, la rédaction que nous propose le Gouvernement.
Initialement, le Gouvernement proposait un dispositif s'articulant autour de deux articles.
Il a voulu reconnaître, dans l'article 1er, des droits particuliers, non pas aux groupes parlementaires, mais aux partis et groupements politiques en général, mais je suis obligé de reconnaître que nous n'avons pas réussi à faire fonctionner le dispositif. En effet, si, à l'Assemblée, faire partie ou non de la majorité est quelque chose de très clair, et si, au Sénat, c'est aussi très clair à partir du moment où la rédaction de l'article est modifiée – sinon, on aboutirait à quelque chose de stupide, pour la raison que j'ai évoquée à l'instant –, il n'en va pas du tout de même dans un conseil général ou un conseil régional.
J'annonce dès maintenant, pour la clarté de nos débats, et pour répondre à nos collègues Arnaud Montebourg et Jean-Jacques Urvoas, que la commission défendra un amendement à l'article 24 pour très clairement, et, à la demande d'Arnaud Montebourg, donner des droits « spécifiques » aux groupes parlementaires qui déclareront ne pas appartenir de la majorité dans les assemblées concernées, l'Assemblée nationale et le Sénat.
Nous poursuivons l'objectif de retirer tout fondement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, au moyen de l'article 24.
Sur l'article 1er, je propose évidemment de rejeter l'amendement de suppression de M. Debré et je retire l'amendement n° 42 rectifié , qui avait été initialement adopté par la commission, pour me rallier à l'amendement n° 368 de M. Sauvadet, lequel pose un principe général, qui devrait d'ailleurs rassurer M. Debré et M. Bayrou : « La loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. » Cela fonde la possibilité de donner des droits à des partis politiques, y compris, oserai-je dire, s'ils ne sont pas représentés au Parlement. Il n'est pas complètement illogique de se donner un fondement pour que des mouvements ou partis politiques puissent avoir des droits.
Le principe général est ainsi posé à l'article 1er. Par contre, l'inversion de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sera portée par l'article 24.
En résumé, la commission est défavorable à l'amendement de suppression de M. Debré. Elle retire son amendement n° 42 rectifié , et elle se rallie à l'amendement n° 368 de M. Sauvadet.
Afin que les choses soient claires, je vais préciser la situation.
L'amendement n° 42 rectifié de la commission des lois a été retiré par le rapporteur, ce qui fait tomber les deux sous-amendements nos 579 et 578 de M. Lagarde.
L'amendement n° 250 de M. Sauvadet et l'amendement n° 251 de M. Lagarde ont également été retirés.
Restent donc l'amendement n° 437 de suppression de l'article et l'amendement n° 368 de M. Sauvadet, auquel s'est rallié le rapporteur.
Avant de demander à l'Assemblée de se prononcer sur l'amendement n° 437 , je vais donner la parole à M. Arnaud Montebourg.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. le rapporteur a décidé de retirer l'amendement n° 42 rectifié , auquel nous étions attachés.
Je comprends qu'il veuille nous apaiser en expliquant que nous aurons rendez-vous à un autre endroit du texte avec les fameux droits spécifiques, qu'il vient d'abandonner. Néanmoins, la spécificité de l'article 1er a disparu. C'est, pour nous, un problème.
Les revendications de M. Debré sont satisfaites, puisque, d'une certaine manière, il n'y a plus là qu'une pétition de principe. Celles du groupe Nouveau Centre ont été elles aussi satisfaites.
Dès lors que nous voyons disparaître ce à quoi nous étions attachés, nous ne voterons pas l'article 1er.
Cet amendement, qui est plus large que celui de la commission, a reçu le soutien de M. le rapporteur.
Il est exact que l'on peut viser les droits spécifiques de l'opposition à l'article 24, qui était conçu pour cela.
L'amendement n° 368 ne concerne pas seulement les partis d'opposition et tous ceux qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale, mais la vie démocratique de l'ensemble de notre pays.
Cela nous paraissait mieux convenir à l'article 1er.
Si j'ai retiré l'amendement n° 437 , c'est parce que celui de M. Sauvadet est – je le dis sans provocation – anodin. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il est, effectivement, en train de définir la République : « La loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation. » Il serait embêtant que la loi ne la garantisse pas ! (Sourires.)
Nous sommes donc en République. C'est une grande nouvelle. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je voterai cet amendement.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n° 368 .
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma