Si vous le permettez, monsieur le président, je vais procéder à une présentation d'ensemble de la position de la commission sur l'article 1er et sur les amendements dont il fait l'objet.
Que voulons-nous dans ce projet de loi ? Je crois qu'il faut que les choses soient très claires, même si cela me conduit à évoquer d'autres articles.
Sous la précédente législature, nous avons voulu introduire dans le règlement de l'Assemblée nationale les éléments de ce que l'on appelle un statut de l'opposition. Nous avons tenu à agir en ce sens parce que, évidemment, tous les parlementaires sont égaux en droit, et dans notre assemblée, comme dans les parlements en général, tous les sièges sont répartis à la proportionnelle. Un groupe qui réunit le dixième des députés aura le dixième des sièges dans tout organisme qui se crée au sein de l'Assemblée. Cependant, même si chacun peut en penser ce qu'il veut, l'expérience montre que, lorsqu'on veut renforcer les fonctions de contrôle, il faut donner à l'opposition une place plus importante que sa place proportionnelle, c'est-à-dire, par exemple, une place qui peut aller jusqu'à la moitié des sièges.
Des expériences ont été réalisées : présidence de la commission des finances, confiée à notre collègue Didier Migaud, désignation de co-rapporteurs dans la commission des affaires économiques ou dans la commission des lois. Cependant ces expériences ne reposent aujourd'hui sur aucun texte, parce que toute disposition écrite qui prévoirait cela serait invalidée par le Conseil constitutionnel, lequel a annulé les dispositions allant en ce sens qui lui ont été soumises.
Dans cette révision constitutionnelle, quelle est notre feuille de route, au Gouvernement comme à la commission ? Il s'agit d'ôter au Conseil constitutionnel tout fondement lui permettant de maintenir sa jurisprudence et de permettre à l'Assemblée nationale d'introduire dans son règlement des dispositions donnant à l'opposition une place supérieure à sa place proportionnelle.
Nous ne retirons de place à personne. Nous ne retirons de droit à personne. Nous n'obligeons personne à dire quoi que ce soit. Celui qui ne veut pas déclarer s'il appartient à la majorité ou à l'opposition ne dit rien du tout, et il ne lui en coûte rien. Chacun est totalement libre de faire ce qu'il veut, de voter pour un projet de loi le matin, et contre un autre projet de loi l'après-midi.
Simplement, lorsqu'un groupe se constitue, ses membres signent une déclaration. Les groupes qui auront indiqué, dans leur déclaration, ne pas faire partie de la majorité de notre assemblée auront droit à quelques responsabilités qui seront à définir.
Voilà notre objectif. C'est très clair. Nous voulons le faire dans les deux assemblées parlementaires, ce qui m'oblige à dire que la rédaction proposée par le Gouvernement ne pourra pas être maintenue. On peut en effet imaginer que l'une des deux assemblées ne soutient pas le Gouvernement. Imaginez que, par hasard, le Sénat ne soutienne pas le Gouvernement. La majorité sénatoriale aurait les postes liés au fait qu'elle est majoritaire, et elle aurait également ceux liés au fait qu'elle ne soutient pas le Gouvernement. Cela fait un peu fromage et dessert ! Ce serait quelque peu excessif. Il faudra donc modifier, de toute façon, la rédaction que nous propose le Gouvernement.
Initialement, le Gouvernement proposait un dispositif s'articulant autour de deux articles.
Il a voulu reconnaître, dans l'article 1er, des droits particuliers, non pas aux groupes parlementaires, mais aux partis et groupements politiques en général, mais je suis obligé de reconnaître que nous n'avons pas réussi à faire fonctionner le dispositif. En effet, si, à l'Assemblée, faire partie ou non de la majorité est quelque chose de très clair, et si, au Sénat, c'est aussi très clair à partir du moment où la rédaction de l'article est modifiée – sinon, on aboutirait à quelque chose de stupide, pour la raison que j'ai évoquée à l'instant –, il n'en va pas du tout de même dans un conseil général ou un conseil régional.
J'annonce dès maintenant, pour la clarté de nos débats, et pour répondre à nos collègues Arnaud Montebourg et Jean-Jacques Urvoas, que la commission défendra un amendement à l'article 24 pour très clairement, et, à la demande d'Arnaud Montebourg, donner des droits « spécifiques » aux groupes parlementaires qui déclareront ne pas appartenir de la majorité dans les assemblées concernées, l'Assemblée nationale et le Sénat.
Nous poursuivons l'objectif de retirer tout fondement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, au moyen de l'article 24.
Sur l'article 1er, je propose évidemment de rejeter l'amendement de suppression de M. Debré et je retire l'amendement n° 42 rectifié , qui avait été initialement adopté par la commission, pour me rallier à l'amendement n° 368 de M. Sauvadet, lequel pose un principe général, qui devrait d'ailleurs rassurer M. Debré et M. Bayrou : « La loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. » Cela fonde la possibilité de donner des droits à des partis politiques, y compris, oserai-je dire, s'ils ne sont pas représentés au Parlement. Il n'est pas complètement illogique de se donner un fondement pour que des mouvements ou partis politiques puissent avoir des droits.
Le principe général est ainsi posé à l'article 1er. Par contre, l'inversion de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sera portée par l'article 24.
En résumé, la commission est défavorable à l'amendement de suppression de M. Debré. Elle retire son amendement n° 42 rectifié , et elle se rallie à l'amendement n° 368 de M. Sauvadet.