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Intervention de François Bayrou

Réunion du 22 mai 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Bayrou :

Nous sommes devant une disposition importante, dans laquelle un certain nombre d'entre nous voient non pas un simple ajout qui sort un peu de notre pratique, mais une régression et une incohérence. Je vais essayer de défendre ce point de vue en quelques mots, comme certains l'ont déjà fait.

Il s'agit d'une incohérence parce qu'on mélange deux logiques différentes. Il est des pays où l'exécutif trouve la source de sa légitimité dans la représentation parlementaire. Tel est le cas du Royaume-Uni que vous citiez à l'instant, monsieur Urvoas. C'est également le cas de toutes les démocraties parlementaires en Europe : l'exécutif ne trouve sa force que dans le fait qu'il est le fruit d'une majorité, qui le désigne.

Telle n'est évidemment pas la situation en France, où l'exécutif trouve sa source dans l'élection du Président de la République au suffrage universel. C'est lui qui choisit sa majorité. On peut même imaginer, et le Général de Gaulle s'est exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet, que le Président puisse désigner un gouvernement même si la majorité parlementaire lui est a priori hostile. Il nomme un gouvernement, qui gouverne, et si celui-ci est censuré, le Président dissout l'Assemblée nationale.

Quoi qu'il en soit, la philosophie de nos institutions est bien que le Président de la République, élu au suffrage universel, est la source de la légitimité de l'exécutif. Or l'article 1er s'inscrit dans une autre logique, celle des institutions parlementaires, dans lesquelles c'est la majorité parlementaire qui est la source de l'exécutif.

C'est un premier point.

Il en est un second sur lequel je n'insisterai pas, parce qu'il a été très justement traité par Philippe Folliot : la rédaction de cet article nie la disposition constitutionnelle qui veut que « tout mandat impératif est nul ». Elle est niée par l'affirmation selon laquelle on se présente, à l'orée d'une législature, en disant : « Ma vocation, ici, est de soutenir le Gouvernement ».

Nous sommes nombreux à penser que lorsqu'on est un élu, on doit avoir la liberté de soutenir un gouvernement s'il va dans le bon sens et de le combattre s'il va dans le mauvais sens.

Je veux aller encore un peu plus loin.

Cet article signifie, en réalité, que l'on considère que le lien privilégié d'un parlementaire, il doit l'avoir avec le Gouvernement, qu'il soutient ou pas, et non pas avec ses électeurs. Or un parlementaire est quelqu'un qui doit sa légitimité à ses électeurs, comme c'est à eux qu'il doit rendre des comptes, et non pas au Gouvernement.

Le discours que nous a tenu M. Chartier illustre d'ailleurs mon propos. Il a été très intéressant car M. Chartier a dit en substance à ses collègues de l'Assemblée nationale : « Nous avons confié la présidence de la commission des finances à un élu du parti socialiste, parce que c'est une initiative du Président de la République. C'est la volonté de celui-ci qui a ouvert ce droit nouveau. » Excusez-moi, mon cher collègue, mais je suis obligé de vous dire que dans un pays, une démocratie, une République où la séparation des pouvoirs est établie, comme le veut la déclaration des droits, on ne devrait pas considérer que c'est le Président de la République qui vient ici, à l'Assemblée, donner une présidence de commission au parti socialiste. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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