Madame la garde des sceaux, je comprends parfaitement que l'on veuille lier le droit de vote à la citoyenneté. Il n'y a pas lieu de l'attacher à la seule résidence.
Cela dit, nous avons tous en réalité deux citoyennetés : la citoyenneté française et la citoyenneté européenne. Cette dernière, nous l'avons reconnue, adoptée, inscrite dans des textes supranationaux, les différents traités, notamment le traité de Maastricht, qui a donné le droit de vote aux étrangers membres de l'Union européenne pour les élections municipales et européennes.
C'est quand même curieux : lorsqu'il s'agit de représenter la France au Parlement européen, on tient compte autant des résidents communautaires que des citoyens français ; en revanche les citoyens européens admis à voter aux élections municipales ne le sont ni aux élections cantonales ni aux élections régionales, qui sont aussi des élections locales.
S'agissant de la représentation nationale, je comprendrais, madame la ministre, qu'on dise qu'il y a débat ; mais en ce qui concerne les élections cantonales et régionales, je ne vois pas comment il peut y avoir débat, dès lors que nous avons accordé aux résidents communautaires le droit de voter aux élections municipales. Si j'insiste sur ce point, c'est qu'une telle réforme me paraîtrait de nature à améliorer la vie démocratique locale.
Deuxièmement, je ne crois pas, contrairement à vous, que cela creuserait le fossé entre les résidents communautaires et les résidents extra-communautaires. Cela marquerait plutôt la volonté de la France de s'engager davantage dans l'Union européenne et de favoriser l'implication des citoyens européens, mais aussi – sur ce point, je suis en désaccord avec les auteurs des deux autres amendements – d'accueillir tout étranger extra-communautaire vivant sur le territoire national dans la communauté nationale dès lors qu'il demande à être citoyen français.
Telle est la logique de l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter. Nous aurons intérêt à faire un pas en direction de la citoyenneté européenne dans l'avenir, car j'imagine bien que cela ne se fera pas aujourd'hui, après l'avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement. Par quelle logique, en effet, puis-je expliquer à un conseiller municipal de la ville de Drancy, dont j'ai l'honneur d'être le maire, qu'il n'a pas le droit d'être maire adjoint, ou qu'il a le droit de présider les bureaux de vote lors des élections municipales ou européennes, mais qu'il n'a rien à faire dans un bureau de vote lors des élections cantonales, régionales, législatives ou présidentielles ? C'est quand même un paradoxe ! Ce n'est pas logique, et il nous faut réformer cette cote mal taillée en 1992 et 1993, sous la présidence de François Mitterrand.
Je vais vous en donner un dernier exemple, mes chers collègues, en remerciant M. le président de m'avoir laissé développer cette idée.
Dans une ville comme la mienne, qui compte 66 000 habitants, c'est quelqu'un qui n'a pas été élu qui vote aux élections sénatoriales à la place d'un conseiller municipal portugais, qui, lui, a été élu ! Reconnaissez qu'il y a là un paradoxe, et en tout état de cause il reste du travail à accomplir, même si cela ne se fait pas à l'occasion de cet amendement, pour rendre plus cohérente la législation relative aux résidents communautaires.