La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 3161, 3180).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de : une heure une minute pour le groupe UMP, dont vingt et un amendements restent en discussion ; une heure vingt-neuf minutes pour le groupe SRC, dont cinquante-sept amendements restent en discussion ; trente-neuf minutes pour le groupe GDR, dont seize amendements restent en discussion ; une heure huit minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont un amendement reste en discussion ; et vingt-cinq minutes pour les députés non inscrits.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 37.
Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai également l'amendement n° 121 , visant à supprimer l'article 37.
L'article 37 est un article crucial dans l'édifice que constitue ce projet de loi. Il prévoit de repousser l'intervention du juge des libertés et de la détention à cinq jours, au lieu des quarante-huit heures prévues actuellement.
Nous avions fait valoir, en première lecture, que ces dispositions étaient anticonstitutionnelles, le Conseil constitutionnel ayant déjà affirmé, dans une décision de 1980, l'absolue nécessité de l'intervention d'un juge des libertés et de la détention dans les plus brefs délais possibles. À l'époque, il était proposé que l'intervention du juge des libertés et de la détention soit reportée à sept jours. Toutefois, le Conseil constitutionnel ne s'était pas seulement prononcé sur ce délai de sept jours. Il avait aussi fait allusion à la nature des délais, considérant que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Or, le plus court délai possible est celui appliqué actuellement, à savoir quarante-huit heures. Nous proposons donc, avec l'amendement n° 121 , de revenir à ce délai de quarante-huit heures.
J'ajoute que la commission des lois du Sénat a adopté un amendement de M. Richard Yung, sénateur socialiste, supprimant l'article 37. La Haute assemblée partage donc notre analyse quant au caractère inconstitutionnel du report de l'intervention du juge des libertés et de la détention et, d'une manière plus générale, quant à l'inversion de l'ordre juridictionnel et à l'incapacité des tribunaux administratifs de faire face à l'embolie qui résultera de la forte augmentation des procédures.
L'amendement n° 121 est soutenu.
La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
La commission est défavorable à cet amendement. J'ai déjà expliqué que cette procédure, loin de compliquer et de dénaturer les choses, visait au contraire à les faciliter en évitant les chevauchements entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire.
Je souligne, par ailleurs, que le vote du Sénat évoqué par Mme Mazetier n'est pas très significatif, les conditions dans lesquelles il s'est déroulé prêtant à confusion. J'espère en tout cas qu'en CMP, nous parviendrons à trouver un accord avec nos collègues sénateurs sur cette disposition que nous nous estimons, pour notre part, souhaitable.
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 121 .
Même avis défavorable.
Je suis un peu surprise de la manière dont le rapporteur décrit les travaux de la Haute assemblée, et je le renvoie au rapport de son homologue au Sénat. Je rappelle que ces dispositions sont contraires non seulement à la Constitution, mais aussi à l'esprit de la directive « retour » qui exige que le contrôle juridictionnel de la légalité de la rétention intervienne « dans les meilleurs délais ». Je le répète, ces meilleurs délais sont ceux que nous pratiquons aujourd'hui, et il n'y a aucune raison de les modifier.
Enfin, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précise, au paragraphe 3 de l'article 5 « Droit à la liberté et à la sûreté », que « toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » – et non administratives – « et a le droit à être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. »
(L'amendement n° 121 n'est pas adopté.)
Je ne demande pas, comme le Sénat, la suppression totale de l'article 37, et je m'étonne d'entendre notre rapporteur évoquer, pour la deuxième fois, la confusion dans laquelle le Sénat aurait légiféré au sujet d'un certain nombre de dispositions.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 2 de l'article 37, ce qui revient à rétablir la version actuelle de l'article L. 552-1 du CESEDA. En d'autres termes, la durée du placement en rétention administrative prononcé initialement par l'autorité administrative est maintenue à quarante-huit heures, et non portée à cinq jours comme le prévoit le projet de loi.
En droit positif, un étranger placé en rétention comparaît devant le juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures. Ne prévoir l'intervention du juge des libertés et de la détention qu'à l'issue de ces cinq jours aurait la conséquence suivante : le juge administratif pourrait statuer sur la légalité de la mesure d'éloignement avant même que l'étranger n'ait comparu devant le juge des libertés et de la détention qui a, lui, pour mission de contrôler les conditions d'arrestation, de placement en garde à vue et de maintien en centre de rétention administrative.
Si l'article est adopté en l'état, nombre d'étrangers risquent d'être éloignés sans que le juge des libertés et de la détention ait pu exercer son contrôle en tant que gardien de la liberté individuelle : si un étranger est retenu et que son interpellation est irrégulière, aucun juge ne pourra contrôler la procédure si la mesure d'éloignement est exécutée dans le délai de cinq jours.
Je me permets d'illustrer mon propos par un exemple dont j'ai eu connaissance dans mon département. Le juge administratif avait donné son accord au préfet pour renvoyer un Turc dans son pays d'origine. Quand le juge des libertés et de la détention est intervenu, cette personne avait déjà été renvoyée en Turquie. Le JLD ayant pris la décision d'un maintien sur le territoire national, le préfet a dû se débrouiller pour faire revenir, de Turquie, l'intéressé qui avait été expulsé de France de façon un peu trop expéditive et radicale ! Voilà pourquoi je pense qu'il faut maintenir la législation telle qu'elle est.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps l'amendement no 157 .
Les amendements nos 156 et 157 visent à supprimer respectivement l'alinéa 2 et l'alinéa 3 de l'article 37, un article utilement supprimé par nos collègues sénateurs en raison des problèmes de constitutionnalité qu'il pose.
En effet, aux termes de cet article, l'étranger pourra être retenu en rétention pendant une durée de cinq jours. Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 1980, avait rappelé qu'une personne ne pouvait être privée de liberté sans être présentée à un juge dans un délai court. Ce délai était de quarante-huit heures. Nous retrouvons ici les discussions qui ont eu lieu, il y a quelques jours, lors du débat sur la garde à vue. En la matière, une triple condamnation – par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et la Cour européenne – vous avait forcés à revoir les délais de présentation devant un juge indépendant.
Conformément à l'article 66 de la Constitution, nul ne peut être arbitrairement détenu. Pour rappel, le juge constitutionnel avait considéré que le maintien en détention pendant sept jours sans que le juge judiciaire ait à intervenir, de plein droit ou à la demande de l'intéressé, n'était pas conforme à la Constitution. Dans sa décision « loi Bonnet » du 9 janvier 1980, le Conseil constitutionnel rappelait également que l'intervention du juge devait avoir lieu « dans le plus court délai possible ».
Dans sa décision du 25 février 1992, le Conseil constitutionnel avait considéré, à propos du maintien en zone de transit, que conférer à l'autorité administrative le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l'autorité judiciaire d'intervenir dans les meilleurs délais, était contraire à la Constitution.
Pour sa part, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales précise, au paragraphe 3 de son article 5 « Droit à la liberté et à la sûreté », que « toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe l.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit à être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure ». La disposition critiquée viole donc également la Convention européenne.
Dans son avis sur le projet de loi, la CNCDH consacre un long développement sur la « marginalisation du contrôle du juge judiciaire auquel il conduirait ». La Commission relève notamment que « l'argument selon lequel le contrôle du juge judiciaire est un obstacle à l'efficacité de la politique migratoire ne saurait constituer une justification acceptable au regard de la gravité d'une mesure privative de liberté. (…) Le prétendu enchevêtrement des procédures ayant trait au placement en rétention de l'étranger, découlant de l'intervention constitutionnellement garantie des deux ordres de juridiction, l'un pour le contrôle de la légalité des décisions administratives, l'autre gardien de la liberté individuelle, est en réalité une garantie du respect des droits des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ».
Cet allongement du délai avant la saisine du JLD porte profondément atteinte à la liberté individuelle. En effet, si un étranger est placé sur le fondement d'une mesure d'éloignement exécutable d'office mais que son interpellation est irrégulière, comme c'est le cas fréquemment, aucun juge, ni pénal, ni civil, ni administratif, faute d'être compétent, ne pourra contrôler la régularité de la procédure et les atteintes aux droits fondamentaux des personnes concernées, si la mesure est exécutée dans le délai des cinq jours.
L'intervention du juge après le cinquième jour pose aussi un problème d'asymétrie ou de disproportion par rapport à d'autres régimes privatifs de liberté.
Selon une autre étude d'impact, les décisions de rejet des demandes de prolongation de la rétention avec remise en liberté, par le juge des libertés et de la détention, sont à l'origine de près de 27 % des échecs des éloignements en 2008, auxquels il convient d'ajouter les cas de non-représentation de l'étranger assigné à résidence par le juge des libertés et de la détention, soit 6 % des échecs des éloignements – M. Pinte vient d'en donner un exemple.
Si le projet de loi est adopté en l'état, nombre de ces personnes risquent d'être éloignées sans que le juge des libertés et de la détention ait pu exercer son contrôle en tant que gardien de la liberté individuelle.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir supprimer les alinéas 2 et 3 de l'article 37, comme l'a fait le Sénat dans sa juste réflexion.
Par cohérence avec l'article 9 dans le cadre duquel nous avons déjà délibéré sur les délais. Nous avons alors choisi une option diamétralement opposée à celle que vous proposez, monsieur Muzeau.
En outre, le débat précédent montre que vous essayez de grappiller, morceau par morceau, les dispositions que nous avons déjà adoptées.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Je vous signale enfin que, si l'on acceptait vos amendements, l'article 37 du projet serait ainsi rédigé :
« L'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié : »
Vous comprendrez donc qu'il soit difficile de voter ces amendements. J'ai donné lecture de l'article 37 tel qu'il résulterait du vote de vos amendements pour vous faire sourire, monsieur Muzeau, et je vois que j'ai atteint mon but…
Je comprends que vous vous efforciez d'être en cohérence avec l'article 9. Mais je souhaiterais, quant à moi, que vous le soyez avec la jurisprudence constante, les avis du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, la Cour européenne, etc. M. Pinte a expliqué mieux que je ne l'ai fait combien cette cohérence est nécessaire. Il est fort dommage que vous vous obstiniez sur la même voie alors que ce texte, qui sera soumis au Conseil constitutionnel, subira probablement une rectification majeure sur ces questions-là.
Je voudrais connaître les raisons pour lesquelles le Gouvernement s'oppose à mon amendement qui, je le rappelle, a pour objectif de rétablir la version actuelle de l'article L. 552-1 du CESEDA.
L'article 37 est au coeur de la loi. Il s'agit de mettre fin au problème d'enchevêtrement de la procédure entre l'intervention du juge administratif et du juge judiciaire, et de mettre en place une succession logique.
En tout état de cause, le principe de liberté est respecté puisque l'étranger conservera toujours la possibilité de saisir le juge administratif. Le projet de loi prévoit explicitement que le recours devant ce juge est suspensif d'exécution de la mesure d'éloignement. De sorte que l'étranger ne peut être éloigné dans le délai de cinq jours de rétention s'il a contesté la décision d'éloignement. Il s'agit donc tout simplement d'une mesure de renforcement de la sécurité juridique des procédures d'éloignement qui n'affecte aucunement l'office du juge judiciaire.
(Les amendements identiques nos 41 et 156 ne sont pas adoptés.)
Je présenterai en même temps l'amendement n° 122 qui vise à supprimer l'article 38. Cet article, en effet, tend à réduire, une fois encore, les possibilités d'exercer leurs droits pour les étrangers placés en rétention.
Actuellement, l'article L.552-2 du CESEDA prévoit que le juge rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et s'assure que celui-ci a été, au moment de la notification de la décision de placement, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir.
Désormais, si, par malheur, l'article 38 était adopté, la notification se ferait seulement « dans les meilleurs délais possibles suivant la notification de la décision de placement » et l'étranger placé ne serait en état de faire valoir ses droits qu'à compter de son arrivée au lieu de rétention. Or cela crée deux béances qui nous semblent préjudiciables pour l'étranger placé en rétention.
On le voit clairement, l'objectif est d'adapter le droit à la réalité des faits. L'étude d'impact est d'ailleurs explicite à ce sujet. Le moment de la notification des droits de l'étranger est repoussé. Il y a un vrai vide juridique pendant le transfèrement de l'étranger puisque ce dernier ne pourra faire valoir ses droits qu'à partir du moment de son arrivée dans le lieu de rétention.
Une fois de plus, les droits des étrangers sont réduits dans le souci de faciliter les procédures ou plus exactement d'améliorer le taux d'exécution des mesures d'éloignement réclamées par l'administration. Ce taux est en effet très détérioré du fait des nombreuses irrégularités constatées dans la plupart des cas. Lorsqu'elles sont relevées par le juge de la liberté et de la détention, et parfois le juge administratif, elles ne permettent pas l'exécution des mesures d'éloignement réclamées. Plutôt que de créer du droit, les dispositions de l'article 38 tendent à couvrir des irrégularités.
Je souhaite la suppression de l'article 38 car les dispositions qu'il prévoit créent une sorte de « no man's land juridique » entre le placement théorique dans un centre de rétention administrative et l'arrivée effective dans ce dernier.
La privation de liberté des étrangers durant le transfert est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne seront applicables. De fait, ces étrangers ne seront donc plus protégés et plus titulaires d'aucun droit. Je rappellerai ici l'exemple des réfugiés Kurdes sur les côtes de Corse. Pourquoi le juge des libertés et de la rétention a-t-il libéré ces 123 personnes ? Parce qu'entre le moment où elles se sont réfugiées en Corse et celui où elles ont été placées en centre de rétention administrative, elles n'étaient pas protégées.
En outre, sachant que le délai dans lequel un étranger peut former un recours contre la mesure d'éloignement est de quarante-huit heures, de nombreux étrangers, arrivés dans un centre de rétention de longues heures après leur placement théorique dans celui-ci, seront privés de leur possibilité de contester la mesure d'éloignement dont ils font l'objet.
Nous souhaitons la suppression de l'article 38, qui constitue un recul particulièrement important. En effet, il autorise le juge à informer l'étranger de ses droits, de façon qu'il les exerce, non plus au moment de la notification de la décision de rétention, mais dans les meilleurs délais possibles à compter de son arrivée au lieu de rétention.
Autrement dit, c'est seulement une fois que l'étranger sera arrivé dans son lieu de rétention que lui seront signifiés ses droits. Que se passe-t-il entre-temps ? Quelle est la situation juridique de l'étranger avant son arrivée dans le lieu ?
Concrètement, cela signifie que de nombreux étrangers, arrivés dans un centre de rétention de longues heures après leur placement théorique dans celui-ci, seront privés de leur droit de contester la mesure d'éloignement dont ils font l'objet.
De plus, la privation de liberté durant le transfert de ces étrangers, qui pourra donc s'étendre pendant un temps indéterminé, est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne seront applicables. De ce fait, ils ne seront donc plus protégés ni titulaires d'aucun droit.
Cette disposition ne semble pas conforme à la Constitution et aux engagements internationaux de notre pays. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 38.
J'imagine que tout le monde aura été convaincu par les arguments de la commission et du Gouvernement…
Monsieur Muzeau, c'est un plaisir pour moi de vous répéter que vous faites un procès d'intention systématique à cette loi. Contrairement à ce que vous prétendez, elle est protectrice. Les dispositions prévues maintiennent et assurent les droits de l'étranger par la notification. Tout cela est garanti. Vous faites une espèce de raisonnement par l'absurde.
Si, car rien, dans la réalité, ne vous permet d'étayer ce que vous dites. Vous triturez simplement les textes dans tous les sens. C'est normal, vous faites de l'opposition.
Vous n'éviterez rien. Les tribunaux décideront en bonne et due forme et nous respecterons leur décision. La majorité prend le risque présumé que vous lui suggérez pour vous dire que ce n'est pas un risque et c'est la raison pour laquelle je suis hostile à ces amendements de suppression de l'article 38.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je souhaiterais que, chaque fois que nous présentons un amendement, vous apportiez une réponse. Il y a en effet dans les tribunes beaucoup d'enfants et de personnes qui sont venus voir comment l'Assemblée travaille. Il serait donc intéressant, sur le plan pédagogique, que chacun de ceux qui interviennent explique les raisons pour lesquelles il est pour, ou contre, telle ou telle disposition proposée.
Monsieur Pinte, pour la deuxième fois, il est fait référence, dans cet hémicycle à la tribune et, probablement, à internet. Je vous remercie pour les leçons de pédagogie que vous venez de me dispenser. Je les trouve néanmoins superflues. Si l'on fait en effet le calcul de la durée de mes interventions depuis le début de la discussion, il apparaît que je suis largement en tête, ayant répondu pratiquement à toutes les demandes.
Certes. En tout cas, je ne me suis pas dérobé aux questions que vous me posiez. Je l'ai fait en première lecture, en commission, et je le fais maintenant, en deuxième lecture. C'est normal. Mais, monsieur Pinte, nous n'avons pas à siéger sous le contrôle de quiconque. Nous sommes l'assemblée délibérante.
Non, ce n'est pas ridicule. Je vous rappelle que la décision qui a été prise dans ce sens date de 1793. Elle interdit l'irruption du public dans les débats parlementaires car cela avait provoqué un certain nombre de débats et de difficultés.
En effet, 1793 n'était pas une bonne année… (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Donc, ce que vous avez dit est contraire à l'esprit du parlementarisme.
Je parle à la nation tout entière par l'intermédiaire du Journal officiel. Cela fait un public beaucoup plus large que celui des tribunes, que par ailleurs je salue, et même que celui d'internet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Si les auteurs de l'amendement souhaitent plus d'explications, je voudrais quant à moi, à ce stade, rendre hommage à notre rapporteur qui a été très présent dans les débats.
Il a explicité à chaque interpellation la position de la commission.
Concernant le fond de l'affaire, l'opposition – et c'est son droit –, et un certain nombre de nos collègues de la majorité, ont exprimé leur opposition au texte car ils y voient un recul du droit et des garanties fondamentales. Ils se réfèrent notamment aux textes européens et invoquent certaines garanties juridiques qui devraient encadrer le présent texte.
Or nous avons là l'article 38, qui précise justement le rôle du juge et les conditions de son intervention. Vous avez une interprétation contraire à celle de la majorité, c'est votre droit, mais permettez-moi d'avoir, sur le fond, un avis complètement opposé au vôtre ! En effet, vous nous avez expliqué, à propos de l'article 37, qu'il y avait un recul, qu'il n'y avait pas de garanties. Mais les garanties sont là ; le juge est là. Contester les délais, c'est votre droit, mais sur le fond vous ne ferez croire à personne qu'il n'y a pas de garanties : l'article 38 précise justement que le juge est bien là et il précise ses interventions. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
(Les amendements identiques nos 32 , 122 et 158 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 123 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
C'est un amendement de repli puisque nous souhaitions la suppression pure et simple de l'article.
Cet amendement vise à reprendre ce qui avait été prévu par nos collègues sénateurs, compte tenu du fait que l'on reporte les délais de notification et d'exercice des droits des personnes retenues. Il faut que le juge ait au moins un regard sur la manière dont cela se passe et qu'il s'assure que l'étranger n'a pas été privé de la possibilité d'exercer ses droits pour une durée excessive du fait d'un délai anormalement long entre la notification du placement en rétention et l'arrivée au centre de rétention.
Si nos collègues sénateurs ont pris la peine de préciser les choses, c'est peut-être parce qu'ils ont été sensibles à la béance que je dénonçais tout à l'heure et qu'ils ont trouvé là le moyen d'y porter remède.
Sur ce sujet précis, non seulement ce que vous appelez la précision du Sénat n'améliore pas la compréhension du texte, mais elle rend même probablement celui-ci tout à fait contraire à ce que la jurisprudence a jusqu'à présent estimé utile dans les rapports entre l'administration et le juge judiciaire.
En effet, si cette disposition, trop générale – ce qui fait donc que ce n'est pas une précision –, était rétablie, elle obligerait le JLD à apprécier la durée de l'ensemble des délais de placement en centre de rétention, sans qu'il soit tenu compte des contraintes rencontrées par l'autorité administrative dans la réalisation de ce transfert.
Or la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 janvier 2011, vient de préciser que le choix du lieu de rétention ne ressortait pas de la compétence des tribunaux judiciaires. Elle a donc laissé à l'administration la possibilité d'en décider. C'est dire que cette « précision » nous conduisait de nouveau à des difficultés entre le judiciaire et l'administratif. Or nous souhaitons justement séparer les deux avec la procédure que nous allons mettre en place. Donc, avis défavorable.
(L'amendement n° 123 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 38 est adopté.)
Il s'agit de nouveau, avec cet article, d'une disposition contraire à ce que nous souhaitons. Elle porte notamment la marque de la défiance à l'encontre des juges. Nous y voyons en effet non seulement une limitation de la marge d'appréciation du JLD, mais aussi une surcharge de motivation, puisqu'il faudra de surcroît établir que l'irrégularité a un « caractère substantiel ».
On constate d'une manière générale que, depuis dix ans, toutes les réformes qui ont été faites en matière de droit des étrangers – et Dieu sait s'il y en a eu ! – aboutissent à surcharger et compliquer la tâche des magistrats.
Aujourd'hui encore, nous allons modifier une nouvelle fois les procédures. Or les magistrats des tribunaux administratifs disent qu'ils sont de plus en plus envahis et submergés par le contentieux en matière de droit des étrangers, toujours plus complexe. Ils ont d'ailleurs du mal à s'y retrouver car les choses évoluent beaucoup.
À partir de maintenant, il va falloir non seulement qu'ils constatent une irrégularité, mais en plus qu'ils justifient en quoi cette irrégularité a un caractère substantiel. Très souvent, on voit bien que cela fait du tort à l'étranger puisque, par définition, c'est grâce à des décisions de cette nature qu'il se retrouve en rétention et qu'il est écarté du territoire.
Je pense donc que, soit on aura des motivations stéréotypées, soit il n'y aura plus de protection véritable des droits des étrangers. Or ce sont là des droits fondamentaux, puisqu'il s'agit de la liberté individuelle !
Il s'agit de limiter les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités qu'il constate par la remise en liberté de la personne maintenue en rétention en introduisant une hiérarchie entre les irrégularités suivant qu'elles porteraient ou non atteinte aux droits des étrangers.
Concrètement, cela signifie que l'étranger devra justifier de cette « atteinte aux droits » – notion éminemment subjective – devant le juge pour pouvoir obtenir l'annulation de la procédure. Cela ne manquera pas de créer un abondant contentieux.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour présenter l'amendement n° 124 .
L'article 39 vise à limiter les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités qu'il constate par la mise en liberté de la personne maintenue en rétention ou en zone d'attente, en introduisant une hiérarchie entre les irrégularités suivant qu'elles porteraient atteinte ou non aux droits des étrangers.
Concrètement, cela signifie que l'étranger devra justifier de cette « atteinte aux droits » – notion éminemment subjective – devant le juge pour pouvoir obtenir l'annulation de la procédure. Or, c'est méconnaître le fait que les nullités susceptibles d'être invoquées par un étranger sont d'ordre public et doivent être considérées comme portant grief intrinsèquement. En ce sens, la série d'arrêts rendus par la Cour de cassation le 31 janvier 2006, rappelant à l'ordre la Cour d'appel de Paris, illustre l'inanité d'une telle disposition.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme constate par ailleurs : « S'agissant d'un contrôle de la régularité d'une procédure ayant mené à une privation de liberté, […] cette procédure touchant aux droits les plus fondamentaux, le vice de procédure doit s'analyser in concreto […]. De plus la définition du caractère substantiel des vices de procédure ne manquerait pas de susciter un abondant contentieux et serait une source supplémentaire d'insécurité juridique. »
Pour ces différentes raisons, nous demandons la suppression de l'article 39 et nous ne doutons pas que M. le rapporteur et Mme la ministre pourront nous éclairer sur cette question très importante !
Je vais en effet essayer de vous éclairer, monsieur Muzeau, comme je l'avais d'ailleurs fait à l'occasion de l'article 10, puisque c'est exactement le même sujet. Je vous rappelle que l'instauration de la règle « pas de nullité sans grief » en matière de prolongation a été acceptée à l'article 12.
Le « caractère substantiel » est une notion qui figure à l'article 802 du code de procédure pénale ainsi qu'au deuxième alinéa de l'article 114 du code de procédure civile. Ces deux articles se trouvent d'ailleurs cités dans mon rapport à la page 69. Êtes-vous désormais éclairé, monsieur Muzeau ? (Sourires.)
À l'article 40, je suis saisie d'un amendement, n° 125 , de suppression de l'article.
Il est défendu !
(L'amendement n° 125 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 40 est adopté.)
Sur l'article 41, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
L'article 41 est consacré à une question qui nous aura beaucoup agités : la prolongation de la rétention. La première prolongation sera, non plus de quinze jours, mais de vingt jours.
Actuellement, la durée de rétention est de trente-deux jours au maximum : quarante-huit heures avant la saisine du JLD, avec la possibilité de procéder à deux prolongations de quinze jours chacune. Désormais, elle pourra être de quarante-cinq jours : cinq jours avant la saisine du JLD et deux prolongations possibles de vingt jours.
Au moment de l'adoption de la directive « retour » par le Parlement européen, le ministre de l'époque, Brice Hortefeux, s'était clairement prononcé en disant que la France ne toucherait pas à la durée de rétention au motif de la transposition de la directive. Il l'avait même déclaré ici même en réponse à une question de notre collègue Serge Letchimy.
J'ai eu l'occasion de le rappeler avant-hier en présentant une motion de procédure : c'est la seconde fois que la majorité allonge la durée de rétention, toujours sous des prétextes que les faits ne viennent pas valider.
On ne voit pas pourquoi cet allongement, s'il était voté, produirait de meilleurs résultats que la prolongation consentie par la loi de 2003, qui n'avait pas eu plus d'effets que cela. Il contreviendrait en outre aux engagements pris par un ministre de la République devant la représentation nationale.
L'allongement de la durée de la rétention est d'autant plus inutile que, selon le rapport de 2009 du comité interministériel de contrôle de l'immigration, de 2005 à 2009 la durée moyenne de rétention est restée d'une grande stabilité, puisqu'elle est très proche de dix jours – dix jours et demi pour être précise. Rien ne justifie donc l'allongement de la durée de rétention.
Voici une autre donnée : 89 % des personnes présentées et reconduites n'ont pas comparu une seconde fois devant le juge des libertés et de la détention, ce qui implique que les préfectures n'ont eu besoin que de dix-sept jours au plus pour rendre effectif l'éloignement des retenus. Autre argument pour montrer que l'allongement de la durée de la rétention proposée dans cet article ne se justifie pas : moins de 3 % des laissez-passer consulaires sont délivrés après un délai de trente-deux jours. Cela ne changera donc rien, ou alors pas grand-chose.
Avez-vous contracté les alliances que vous préconisez à l'extérieur de cet hémicycle,…
…ces noces brunes qu'annonçait l'autre soir notre collègue Muzeau dans la discussion générale ?
Selon la Cimade, le nombre d'enfants placés en rétention administrative a doublé en cinq ans, parce que plus vous allongez la durée de rétention, plus vous augmentez les quotas d'expulsion, plus vous conduisez l'administration à priver de liberté des personnes qui, jusqu'alors, étaient éloignées des centres de rétention.
Le taux d'occupation des centres de rétention est de 58 %. Allonger la durée de la rétention ne permettra en aucune manière de résoudre les problèmes auxquels vous êtes confrontés et que vous avez vous-même créés en choisissant de mener une politique du chiffre, politique qui échoue dans les objectifs qu'elle s'était assignée et dont vous cherchez à couvrir les irrégularités avec les articles que nous venons d'examiner.
L'allongement de la durée de la rétention sans perspective raisonnable d'éloignement, puisque vous n'avez pas jugé utile de réserver la rétention à la perspective raisonnable d'éloignement prévue par la directive « retour », va encore accroître le coût pour le contribuable de tout ce système qui fonctionne pour lui-même, sans la moindre efficacité – et je ne parle de son manque d'humanité.
Oh ! Vous en êtes un acteur. N'ayez pas honte de vos comportements. Assumez-les !
…contrairement à d'autres qui ont pratiqué sans vergogne les noces rouges.
Par ailleurs, je voudrais préciser que tous ici, de ce côté de l'hémicycle, nous sommes contre les mariages blancs qui sont davantage dans le sujet que ce que vous avez bien voulu le dire.
Même vos collègues demandent votre démission de l'UMP ! Demandez à Mme la ministre ce qu'elle pense de vous !
Sur la durée de rétention, je voudrais rappeler que certains pays ne fixent pas de limite. Je pense à ce pays tout à fait démocratique qu'est la Grande-Bretagne. La règle européenne indique qu'on peut aller jusqu'à six mois. Nous sommes donc largement en dessous des délais acceptables sur le plan européen.
La mesure que nous prenons est uniquement technique. Mme Mazetier l'a d'ailleurs justifiée elle-même quand elle a dit que le fait que certains pays fassent traîner les visas consulaires faisait qu'on ne pouvait pas les obtenir dans les temps, ajoutant que cela représentait 3 %. Eh bien, c'est 3 % de trop, que l'allongement du délai à quarante-cinq jours permettra de résorber. Voilà pourquoi il faut conserver le texte comme il est.
Précisément, les pays qui, aujourd'hui, ne délivrent pas de laissez-passer consulaires n'en délivreront pas davantage demain.
Vous allez priver de liberté des personnes pendant une durée de plus en plus longue sans obtenir le moindre résultat. Quand certains pays qui sont un peu faibles et que nous prétendons soutenir refusent de délivrer des laissez-passer consulaires, comme cela a été le cas de l'ambassade d'Afghanistan, la France passe outre. Voilà quelle est la pratique de la France et le respect qu'elle témoigne au pays auprès duquel elle est engagée et dont elle devrait respecter les autorités et les représentations consulaires !
Vous reconnaissez qu'il existe des zones grises et vous proposez que tout soit gris ! Votre projection est absurde.
Ce débat sur l'allongement de la durée de rétention a fait l'objet de nombreuses discussions. J'ai moi-même beaucoup visité les centres de rétention et j'ai interrogé les responsables de la police de l'air et des frontières, les associations et tous ceux qui accompagnent les personnes retenues. Pour eux, la première prolongation de la rétention, de quinze jours actuellement à vingt jours, ne se justifie pas. Quant à la seconde prolongation, elle passe à vingt jours maximum.
Porter de trente-deux jours maximum à quarante-cinq jours la rétention administrative traduit une véritable banalisation de la privation de liberté alors qu'il s'agirait plutôt de réfléchir à des solutions alternatives à la rétention, comme nous l'avons dit ce matin. Outre le fait de porter atteinte aux droits fondamentaux des migrants, cette proposition d'allongement de la durée de rétention constitue à mes yeux une mesure inefficace et coûteuse.
En effet, toutes les études qui ont été menées et tous les échanges que j'ai eus avec ceux qui s'occupent de la rétention démontrent que les étrangers, lorsqu'ils sont reconduits, le sont dans les tout premiers jours de la rétention, entre neuf et dix jours. Quant à ceux qui restent en rétention durant trente-deux jours, ils sont généralement non pas reconduits mais libérés.
L'enfermement des étrangers génère un coût important pour les finances publiques – je suis d'ailleurs étonné que cet article ne soit pas tombé sous le coup de l'article 40 – et mobilise de nombreux fonctionnaires non seulement au sein de la police, mais également dans les préfectures et dans les tribunaux. L'allongement de la durée de rétention s'inscrit donc à contre-courant d'une politique générale de réduction des déficits et du nombre de fonctionnaires, sans qu'un bénéfice substantiel paraisse pouvoir en être retiré.
Hier, le ministre nous a dit que l'augmentation du délai de rétention était surtout destinée à deux pays qui ne voulaient pas accorder des visas consulaires, le Mali et la Chine – ce sont les deux exemples qu'il a cités. Que les choses soient bien claires, le Mali n'a jamais voulu signer d'accord de retour avec la France pour deux raisons : une raison politique et une raison économique.
D'une part, ils ne veulent pas contribuer à participer à des décisions politiques vis-à-vis de leurs propres ressortissants. Une participation au retour des Maliens qui sont en France aurait, selon eux, sur le plan intérieur des incidences politiques et psychologiques importantes.
D'autre part, les Maliens se rendent bien compte que tous ceux qui travaillent en France alimentent, financièrement, les familles, les proches, les amis. Cette source de revenus très importante facilite la vie de tous ceux qui sont restés au Mali. C'est la raison pour laquelle le Mali ne donne pas, en général, de visa consulaire.
Le cas de la Chine est différent parce qu'il y a relativement peu de Chinois en centre de rétention : les Chinois s'occupent eux-mêmes de la manière dont ils reçoivent leurs coreligionnaires.
Pour toutes ces raisons, aussi bien politiques que financières, je ne vois pas l'utilité de prolonger la durée de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour présenter l'amendement n° 126 .
Comme vient de le montrer excellemment notre collègue Pinte, l'allongement de la durée de rétention sera inefficace, et nous le savons tous.
J'ai visité la plupart des centres de rétention, avec les membres de la mission sur les centres de rétention et notamment M. Vanneste. Comme cela nous a été expliqué très clairement, soit la personne est partie dans les dix premiers jours, soit il est quasiment impossible de la faire partir parce que le pays d'origine ne délivre pas de laissez-passer – demain, ils laisseront passer quarante-cinq jours au lieu de trente-deux parce qu'ils n'auront toujours pas envie de se priver d'une source de revenus – ou parce que l'état civil de la personne est contesté, et on ne lui délivrera pas davantage un laissez-passer, ou enfin parce que la situation du pays d'origine est telle que l'administration elle-même hésite à y renvoyer les gens, s'il n'y a plus d'État, comme en Somalie, ou s'il existe des risques aux termes de la Convention européenne des droits de l'homme.
Donc, de toute manière, conserver des gens quarante-cinq jours en centre de rétention, c'est vraiment faire payer un coût considérable à la collectivité pour des résultats minimes. M. Vanneste trouve formidable de pouvoir faire partir 2 % de personnes de plus. Mais à quel prix !
Non, parce que sur les 3 % que vous n'arrivez pas à faire partir, certains ne pourront pas partir parce que le chaos règne dans leur pays ou que leur état civil n'est pas sûr. Au final, vous arriverez peut-être à en faire partir 1 % de plus, mais cela coûtera à la collectivité vingt jours de rétention supplémentaire !
Le coût d'une personne en rétention est déjà considérable. Nous avons visité le centre de Coquelles : vous arrêtez à peu près 100 000 personnes en procédant à des contrôles d'identité, vous en mettez 3 000 en rétention, vous arrivez à en expédier 400 au bout des trente jours, dont 200 en Belgique qui reviennent le lendemain. Dans tous les cas, le coût est faramineux et c'est désespérant pour les gens qui accomplissent ce travail. Demain, ils resteront quarante-cinq jours, mais le résultat sera le même.
Il aurait fallu – nous étions presque parvenus à un accord là-dessus au sein de la mission –, une fois que les gens en rétention ont bien compris qu'ils ne peuvent plus faire autrement et qu'ils n'ont plus d'avenir en France, qu'ils puissent enclencher la procédure de retour volontaire. Nous vous avons proposé un amendement, mais, bizarrement, vous l'avez à nouveau refusé, qui aurait permis d'enclencher la procédure de retour volontaire y compris pour des personnes déjà en centre de rétention. Si vous aviez accepté cet amendement, vous auriez pu augmenter le nombre de départs et faire faire des économies à la collectivité, ce qui, au moment où l'on nous demande du sang et des larmes, n'aurait pas été négligeable.
Il vient d'être remarquablement défendu par mes deux collègues, madame la présidente.
Je ne peux pas dire que je suis surpris, parce qu'on entend toujours les mêmes arguments sur ce sujet, mais, tout de même, je me pose des questions.
Parce que le Mali décide, en toute hypothèse, qu'il ne veut rien entendre à la politique d'émigration qu'il a lui-même parfois provoquée, il faudrait que la France s'exécute ? Parce que des pays se lavent les mains des difficultés qu'ils sont en train de provoquer chez eux, voire, dans la plupart des cas, organisent eux-mêmes des départs qui peuvent être nombreux, la France devrait s'incliner ?
Et la façon dont vous proposez qu'elle le fasse est tout à fait étonnante. Si, comme vous le dites, les centres de rétention ne servent à rien, oubliant qu'ils sont sous le contrôle du juge judiciaire, donc encadrés par le droit, cela voudrait dire que tout Malien qui arriverait dans un aéroport devrait être remis dans l'avion immédiatement, dans l'heure qui suit ? Est-ce cela que vous suggérez ? Là, pour le coup, vous pourriez vous dire qu'on réalise des économies, que c'est formidable. Mais telle n'est pas notre conception. Nous, nous considérons qu'il y a des limites à la barbarie et que le centre de rétention, qu'on le veuille ou non, est un moyen, pour l'administration, de faire son travail, sous le contrôle du juge. Au juge de faire le sien et d'essayer, dans la mesure du possible, même si je reconnais que ce n'est pas évident, de faire respecter un minimum de juridique dans une situation qui ne l'est pas. Je dois dire que, par moments, vous êtes dans le paradoxe le plus complet.
Vous avez le sentiment que nous édictons des règles juridiques difficiles à appliquer, mais la facilité consisterait à ne pas avoir de règles juridiques du tout. Nous nous sommes astreints, malgré les difficultés, à maintenir une conception du droit qui nous honore et que vous gâchez par des prises de position dont vous ne mesurez pas, je crois, à quel point elles mettraient la France dans une zone d'ombre juridique.
Nous n'avons pas à rougir de notre droit, je vous assure. Nous sommes certainement parmi les pays qui respectent le plus les droits de l'homme et la justice. Porter le délai de rétention à quarante-cinq jours n'est pas un problème, nous aurions même pu aller encore plus loin puisque je vous rappelle que les Anglais ont des délais illimités et que la directive européenne recommande six mois. Nous sommes un des pays qui maintient le moins en rétention.
Alors, arrêtez de caricaturer, cessez cette rengaine qui consiste à dire que nous n'aimerions pas les étrangers puisque nous les mettons en centres de rétention. Si vous ne voulez pas les mettre en centres de rétention, que voulez-vous en faire ? Les mettre dans l'avion à peine ont-ils touché le sol de la France ? Très franchement, dans cette affaire, les juristes, c'est plutôt nous que vous, à travers les propositions que vous faites. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je voudrais ajouter aux propos du rapporteur que nous sommes le pays qui applique le délai de rétention le plus faible. Je souhaiterais également dire à Mme Mazetier que, ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux a parfaitement assumé son changement de position au sujet du délai de délivrance des laissez-passer consulaires. Le Gouvernement a émis sur ces amendements un avis défavorable.
M. Hortefeux était à l'époque ministre de l'immigration. Il a inauguré une politique consistant à signer des accords de gestion concertée des flux migratoires avec un certain nombre de pays. Mais vous devriez, monsieur Vanneste, vous pencher sur les documents que distribue le Gouvernement, et vous constateriez avec accablement que la politique que vous soutenez aggrave la situation. Les premiers pays avec lesquels nous avons conclu ces accords sont des autocraties, des dictatures et des régimes prédateurs.
Claude Goasguen parlait de barbarie mais, malgré l'application de ces accords, le taux de délivrance s'effondre. À titre d'exemple, entre l'année où la Tunisie a signé l'accord de gestion concertée des flux migratoires et l'année suivante le taux de délivrance des laissez-passer consulaires de Tunisie est passé de 30 à 23 % !
Cette politique ne va donc pas dans le bon sens, et vous êtes d'une très grande naïveté en pensant que l'allongement de la durée de rétention permettra d'améliorer les choses en matière de laissez-passer consulaires.
Je voudrais dire au rapporteur que c'est précisément parce que nous sommes un État de droit, que nous avons des magistrats qui apprécient les situations individuelles et que nous appliquons des conventions européennes qui protègent les droits de l'homme que certaines personnes ne peuvent pas être reconduites, Allonger la durée de rétention de 32 à 45 jours n'y changera rien. Faisons donc des économies. Il est inutile de garder en rétention des gens qui, parce qu'ils ont de la famille en France ou qu'ils risquent des mauvais traitements dans leur pays, ne repartiront pas, précisément parce que nous sommes un État de droit.
Aujourd'hui, la rétention est parfois détournée de sa vocation première, et vous placez les gens en rétention parce que vous espérez les décourager et briser leur résistance pour qu'ils craquent et s'en aillent d'eux-mêmes. C'est bien pour cela que vous voulez la prolonger.
Vous nous répétez que les délais de rétention en Grande-Bretagne sont illimités mais, dans les autres pays comme en France, la quasi-totalité des reconduites ont lieu dans les quinze premiers jours. Ceux qui restent sont des cas que l'on n'arrive pas à régler, et les garder plus longtemps ne résoudra pas la question.
Je ne peux qu'approuver le rapporteur, qui souligne la curieuse tendance qu'a la gauche à vouloir interdire à la France d'être libre de ses choix. Le fond de votre pensée, c'est finalement que, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils arrivent, les étrangers doivent pouvoir s'installer en France.
Ma conception de l'immigration est beaucoup plus équilibrée : je souhaite qu'elle soit contractuelle et repose sur un accord de volonté. Étienne Pinte a parlé tout à l'heure du Mali, que je connais très bien. Je sais en effet que, si une partie de sa population ne venait pas travailler en France, le cercle de Kayes ne pourrait pas vivre. Mais soyons contractuels et passons avec le Mali un accord qui tienne compte de ce problème, plutôt que d'ouvrir grand les portes pour que tout le monde puisse entrer, ce qui n'est pas sérieux !
Je suis fier, madame, des visites que j'ai faites dans les centres de rétention administrative, dont on disait les pires horreurs. Or j'ai pu constater que cela n'était pas vrai. Le centre administratif de Marignane n'était occupé qu'à moitié, et les gens qui y étaient retenus l'étaient dans des conditions parfaites, accompagnés par une association qui défendait leurs droits – au-delà même de nos intérêts, mais c'est son rôle. À l'époque de ma visite, l'ANAEM existait encore et remplissait manifestement toutes ses missions administratives ; il y avait également un service médical, mobilisé en permanence. Il est donc normal, comme on en a eu la preuve, que, dans cet environnement rassurant, certains immigrés refusent de révéler leur identité pour pouvoir rester le temps nécessaire et être ensuite libérés en France, où ils pourront s'installer.
Allonger la durée de rétention permet en effet d'exercer sur eux une pression psychologique – plus la rétention est longue, plus la pression est forte – mais c'est parfaitement légitime puisque cela sert à faire valoir notre droit et à faire respecter nos lois. Sommes-nous ici pour vouloir le contraire ? Accepter, comme vous le faites, que l'on conserve une loi inefficace, avec une rétention de trente-deux jours, est intolérable !
Vous me reprochez de ne pas participer au débat : je vais y participer ! Quelle est donc votre position ? Vous critiquez les centres de rétention en disant qu'ils ne servent à rien et coûtent cher.
Le placement en centre de rétention se fait à la suite d'une décision administrative individuelle, qui statue sur la rétention ou l'expulsion. Les centres de rétention ne sont pas des prisons.
C'est vous qui savez pourquoi ils sont faits, puisque c'est vous qui avez voté la loi ! Mais, si vous pensez que les centres de rétention sont inefficaces, que suggérez-vous ? Que tous les étrangers soient expulsés, sans exception, même si l'on ignore leur état civil ? C'est un peu arbitraire, vous en conviendrez. Vous voulez développer l'aide au retour ! Soit, mais le Mali, dans ce cas, ne sera plus le seul problème : il y aura aussi le Sénégal, le Zaïre, Madagascar… Vous savez parfaitement que c'est impossible !
Que suggérez-vous au final ? Il est bien beau en effet de vous opposer systématiquement, au nom des droits de l'homme, aux formules que nous proposons, mais, jusqu'à présent, vous n'avez pas trouvé d'autres solutions que l'organisation des centres de rétention avec la loi RESEDA. Réfléchissez donc et donnez-nous des solutions, puisque vous portez en vous les droits de l'homme, que nous ignorons ! Jusqu'à présent cependant, vous nous avez donné une assez piètre image des propositions que vous faites au nom de la vertu !
Que l'on ne nous fasse pas dire ce que l'on ne dit pas ! Nous n'avons jamais dit que nous voulions ouvrir les frontières et accueillir tout le monde. Ne caricaturez pas ! Mais, lorsque le magistrat a levé les mesures de rétention et que les gens peuvent partir dans des conditions normales, nous n'avons pas à aller contre. La gabegie, c'est de garder en rétention – avec les coûts que cela implique – des personnes dont on sait parfaitement qu'elles ne peuvent pas repartir, parce qu'elles ont des attaches en France, y ont des enfants ou y vivent depuis longtemps.
C'est ce que vous faites au petit pied, mais de façon arbitraire, puisque l'on ne sait jamais qui va rester et pourquoi ! Nous pensons que, quand quelqu'un est déjà passé à une ou plusieurs reprises par le centre de rétention et qu'on ne peut pas le renvoyer chez lui, il serait beaucoup plus efficace et beaucoup plus économique pour tout le monde de lui donner une autorisation provisoire de séjour, afin qu'il puisse travailler et faire vivre sa famille. Au lieu de cela, vous défendez des positions idéologiques, inefficaces et hors de prix.
Je voudrais répondre sur deux ou trois points abordés par nos collègues.
Monsieur Vanneste, je connais aussi bien que vous le problème de la région de Kayes, ayant eu moi-même, lorsque j'étais maire de Versailles, de nombreux employés originaires de la commune de Gouméra. Nous avions signé un accord de coopération pour les aider et pour éviter que de plus en plus de Maliens viennent en France de façon irrégulière. Mais vous avez raison : à partir du moment où nous ne sommes pas arrivés à les convaincre de signer un tel accord, il faut trouver d'autres solutions, qui tiennent compte des problèmes économiques de cette région ; c'est, me semble-t-il, le rôle du Gouvernement.
Pour ce qui concerne les visas consulaires, il est évident que, malheureusement, nous n'avons pas d'autres solutions, en tout cas pour le moment, pour tenter de convaincre certains pays qui refusent, sous de multiples prétextes, souvent fallacieux, de reconnaître leurs coreligionnaires, car ils n'ont nullement envie de voir revenir chez eux des personnes qui vont augmenter le nombre de chômeurs, déjà élevé. Le pécule de retour, proposé par Mme Pau-Langevin et M. Vanneste, peut être une solution ; il en existe sans doute d'autres. Quoi qu'il en soit, il faut régler le problème des migrants qui restent en rétention au-delà de dix jours.
On a évoqué la Grande-Bretagne, où la situation est peu ou prou la même que chez nous. Reste qu'une rétention illimitée ou d'une durée de six mois, comme le propose l'Union européenne, a un coût. Là encore, nous devons résoudre le problème à moindre coût, c'est-à-dire limiter la rétention et trouver des solutions pour les 3 % de personnes qui n'ont pas obtenu de visa consulaire.
Nous devons faire preuve d'imagination et de créativité, sans pour autant donner l'impression de stigmatiser, au travers de l'allongement des délais de rétention, des personnes qui, pour la plupart d'entre elles, seront relâchées au bout de 45 jours, sans avoir été reconnues par leur pays d'origine.
La loi actuelle, monsieur le rapporteur, est bien appliquée. La preuve en est qu'au bout de dix jours la rétention est levée pour la grande majorité des migrants. Cette loi est bonne et, s'il faut encore l'améliorer, c'est autrement que par l'allongement des durées de rétention.
Nous progressons dans la discussion, puisque ceux qui y étaient opposés viennent de reconnaître la légitimité des centres de rétention. La solution que vous proposez et qui est une solution estimable pour les Soninkés – je connais, moi aussi, le problème du Mali – ne peut être généralisée, pour la bonne raison que, si vous accordez une dérogation aux Maliens, je ne vois pas pourquoi les pays voisins ne demanderaient pas les mêmes avantages. Cela provoquerait une amplification de la demande, dont les effets seraient très déstabilisateurs. Je vous rappelle, monsieur Pinte, que si le chômage est élevé dans ces pays, il l'est aussi chez nous. Nous ne donnerions pas un bon signe à leurs ressortissants, et nous les inciterions même à venir chez nous si, une fois qu'ils sont sur place, nous leur donnions une aide au retour plutôt que de les placer en centre de rétention. Évidemment, si nous faisions ce choix, il faudrait généraliser cette politique et l'appliquer à des pays toujours plus nombreux. Pour ma part, j'ai le sentiment que nous serons dans l'obligation d'aller au-delà du délai de quarante-cinq jours.
C'est triste à dire, mais la dissuasion est la seule méthode efficace inventée par les pays démocratiques pour ne pas tomber dans l'arbitraire pratiqué par certaines dictatures ou tyrannies qui interceptent les individus à la descente de l'avion et les réembarquent avant même de leur avoir demandé leurs papiers.
Je suis saisie d'un amendement n° 127 .
La parole est à M. Christophe Caresche.
L'allongement de quarante-huit heures à cinq jours du délai maximum pour saisir le juge des libertés et de la détention de la décision de placement en rétention constitue, aux dires du ministre lui-même, d'une des mesures les plus importantes de ce projet de loi.
La majorité a décidé de rétablir cette disposition supprimée par le Sénat ; je veux vous faire part de mon incompréhension. Cette mesure nourrira d'ailleurs le recours au Conseil constitutionnel que nous ferons.
Comment expliquer que le régime de la garde à vue organise l'intervention du juge dans un délai de quarante-huit heures alors que celui de la rétention ne prévoit cette intervention qu'au bout de cinq jours.
Peut-être, monsieur Goasguen, mais la rétention est bien une privation de liberté. Cette mesure n'échappera pas à la censure du Conseil constitutionnel car elle est manifestement disproportionnée. Vous ne pouvez pas retenir une personne pendant cinq jours sans qu'un juge ait pu se prononcer sur le régime de cette rétention. Au regard de nos principes fondamentaux, ce n'est pas raisonnable. Le déséquilibre entre le régime de la garde à vue et celui de la rétention n'est pas justifiable. Pouvez-vous vous expliquer sur ce point ? Notre amendement tend à rétablir le délai actuel de quarante-huit heures.
Monsieur Caresche, nous avons déjà débattu de ce sujet et nous en débattrons encore.
Le juge administratif est confronté à un problème de mesure administrative préalable. Le juge des libertés ne peut pas intervenir sur la mesure administrative. Nous pouvons superposer les jugements, mais cela a provoqué le pataquès de l'affaire des Kurdes débarqués en Corse. Une superposition de décisions contradictoires a finalement empêché tout jugement. Nous pouvons aussi, comme nous vous le proposons, organiser les choses pour qu'intervienne d'abord la justice administrative et, ensuite, la justice judiciaire, en assurant la cohérence de ces interventions dans un délai qui ne soit pas contraire à ce qui est prévu par la Constitution dont nous avons veillé à respecter l'esprit et la lettre.
Nous ne sommes pas obligés de partager le même avis. Nous pouvons toujours continuer d'en discuter. Le sujet est inépuisable et nous l'avons déjà traité abondamment.
Cela dit, en tout état de cause, nous maintiendrons notre position. La situation à laquelle vous voulez revenir constitue un tissu de difficultés juridiques : nous y avons déjà été confrontés ; nous ne voulons plus que cela soit le cas, tout en continuant, bien entendu, à respecter le droit. La commission est défavorable à l'amendement.
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 127 .
L'article 37 ayant déjà été adopté, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cet amendement.
Monsieur Caresche, je vous rappelle que la personne en rétention n'est pas démunie durant cinq jours de toute possibilité de recours. Le juge administratif peut être saisi tant sur le fondement de la décision d'éloignement que sur celui du placement en rétention.
Madame Pau-Langevin, vous demandez que les décisions du juge des libertés et de la détention soient respectées, mais le maintien en rétention jusqu'à quarante-cinq jours nécessite bien l'intervention du juge. C'est lui qui décide de prolonger la rétention au regard de la crédibilité de la reconduite selon le délai supplémentaire demandé. Un principe de base est que l'on reste en rétention le moins longtemps possible.
M. Goasguen nous parle de la congestion des tribunaux administratifs et de la superposition des décisions administratives et judiciaires. Ces problèmes sont réels, mais le projet de loi les règle au détriment des droits des personnes maintenues en rétention. La solution retenue n'est absolument pas satisfaisante.
Monsieur le ministre, selon vous, les personnes retenues peuvent toujours faire un recours. Certes, mais le jugement n'est rendu qu'au bout de cinq jours si le recours est formé dès le début de la rétention. Autrement dit, le projet de loi permet à la police de maintenir des individus en rétention durant cinq jours, alors même que le JLD pourra qualifier cette détention d'abusive. Le juge des libertés et de la détention se prononcera au bout de cinq jours…
Monsieur Goasguen, des personnes pourront tout de même rester cinq jours en rétention avant que le JLD ne se prononce. Cinq jours, c'est long ! Ce n'est pas anecdotique pour des personnes qui ont des enfants, qui ont une vie. Elles devront attendre cinq jours avant que le JLD invalide éventuellement la décision de leur maintien en rétention. Vous aurez décidément beaucoup de mal à justifier ce délai sur le plan constitutionnel alors même que le régime de la garde à vue prévoit l'intervention du juge judiciaire dans les quarante-huit heures et qu'il concerne des personnes soupçonnées d'avoir commis des délits et des crimes d'une nature bien différente.
Le régime de la rétention est nettement plus dur et plus sévère que celui de la garde à vue. À mon sens, c'est inexplicable.
J'approuve l'amendement de nos collègues socialistes, et je suis étonné par les propos du rapporteur et du ministre. Messieurs, vous êtes vous déjà rendus dans un centre de rétention ? Vous devriez discuter avec les détenus.
Monsieur Goasguen, votre logorrhée ne change rien au réel : lorsque l'on est enfermé, on est enfermé. Et puis nous parlons de personnes étrangères qui souvent ne sont pas francophones : pour elles, il ne reste que la réalité, quels que soient les mots que vous voulez mettre dessus.
Je suis surpris par votre inventivité et par les ressources de votre imagination dès lors qu'il faut s'en prendre à des pauvres gens. En revanche, quelle permissivité pour tous les voleurs en col blanc qui habitent, par exemple, votre arrondissement. (Sourires sur plusieurs bancs.) Madame Aurillac, vous opinez ! Il y a une solidarité de classe avec M. Goasguen. (Mêmes mouvements.) C'est que j'appuie là où cela fait mal.
Il y a des truands auxquels on ne touche pas, comme ceux de la maffia russe dans l'arrière-pays niçois. M. Guéant sait cela mieux que quiconque.
Monsieur le ministre, savez-vous de quoi vous parlez ? Connaissez-vous les centres de rétention ? J'y ai volontairement passé une nuit. Les personnes retenues ne s'expriment pas en français et elles ne savent pas trop comment faire valoir leurs droits. Souvenez-vous de ce Tunisien mort au centre de rétention de Vincennes. La veille de son décès, il s'était manifesté pour se plaindre : il ne se sentait pas bien. Pourtant personne n'est venu à son secours. Si, en cas de grave problème de santé, on ne vient pas au secours du détenu-retenu, je vous laisse imaginer dans quelles conditions un individu peut faire valoir ses droits. Tout cela manque d'humanité et est horriblement choquant dans la patrie des droits de l'homme, que nous sommes, les uns et les autres, censés représenter.
Monsieur le ministre, monsieur Goasguen, je souhaite que nous allions ensemble faire un tour, ce soir, à Vincennes ou au dépôt de la Préfecture de police. Les religieuses de la Conciergerie pourraient vous raconter ce qui se passe ; je pense que vous compléteriez utilement votre connaissance de la réalité.
M. Brard est toujours resté sur l'idée que Montreuil est une ville ouvrière. Je lui avais pourtant dit qu'il serait la première victime de l'ISF qui apparaît à Montreuil. (Sourires.) À force de critiquer la bourgeoisie de droite, je lui avais prédit qu'il serait victime de la bourgeoisie de gauche. C'est ce qui s'est produit : M. Brard a perdu Montreuil qui n'est plus une commune ouvrière mais une ville bobo, dirigée par la bourgeoisie de gauche. Monsieur Brard, intéressez-vous à Montreuil ! Ce sera mieux que de parler systématiquement du seizième et du septième arrondissement de Paris.
Je suis saisie d'un amendement n° 128 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 5 de l'article 41, qui n'existait pas en première lecture..
Je suis ravie que M. le ministre de l'intérieur nous ait rejoints. Je sais qu'il était retenu au Sénat en début d'après-midi.
Il va pouvoir répondre aux questions posées par cet alinéa qui instaure un régime spécial de rétention des étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme.
Non seulement on peut s'inquiéter que ces personnes cohabitent ainsi dans les centres de rétention avec des étrangers en situation irrégulière, mais on peut s'étonner que leur expulsion n'ait pu être préparée au cours de leurs longues années de détention. Au demeurant, je ne vois pas pourquoi l'on parviendrait mieux à la mettre en oeuvre une fois qu'elles seront placées en centre de rétention.
Actuellement, si une personne condamnée pour terrorisme n'est pas éloignée du territoire à sa sortie de prison, elle est placée en résidence surveillée. Pour quelle raison ne serait-ce plus possible ? La saignée dans les effectifs de la police est-elle si importante que l'on ne dispose plus du personnel nécessaire pour assurer leur surveillance ? Ce serait très inquiétant.
Par ailleurs, je rappelle qu'un centre de rétention n'est pas une prison. Les retenus, qui sont originaires de tous les pays du monde, y circulent librement et n'ont rien d'autre à faire de leur journée – c'est triste et terrible – que de discuter entre eux. Or, vous prévoyez d'y faire séjourner – pour une durée comprise entre six et dix-huit mois ! – des personnes condamnées pour terrorisme en attente d'expulsion.
Monsieur le ministre, l'alinéa 5 de l'article 41 est très inquiétant et il soulève de nombreuses questions. Vous en dites trop ou pas assez. Puisque vous n'étiez pas encore en fonction lorsque le texte a été examiné en commission, je souhaiterais que vous me répondiez sur ces différents point.
Je réponds volontiers à la question qui m'est posée par Mme Mazetier.
Tout d'abord, ces individus qui ont été condamnés pour acte de terrorisme et qui ont purgé leur peine demeurent, de l'avis de tous les policiers et magistrats spécialisés, très dangereux ; il est donc de l'intérêt national qu'ils quittent notre territoire. C'est un élément que nous devons avoir présent à l'esprit.
Par ailleurs, vous semblez préférer la résidence surveillée au placement en centre de rétention. Puisqu'il y a un instant, vous estimiez que la prolongation des rétentions administratives coûtait très cher et qu'il valait mieux s'en passer, je vous invite à comparer le coût des deux dispositifs. Mais c'est un argument que vous m'avez invité à utiliser en évoquant la question du coût ; je ne m'y appesantirai donc pas.
Il est extrêmement important que nous parvenions à nos fins, c'est-à-dire que nous fassions en sorte que ces terroristes quittent le territoire. Or, ce n'est pas simple, au regard de nos principes, car il existe un certain nombre de pays dans lesquels nous nous refusons à les reconduire. Nous avons donc parfois besoin de temps, d'autant plus, madame, qu'il est impossible à l'administration d'évaluer avec certitude la durée d'une détention. Vous savez en effet que ce sont les juges qui sont compétents pour en fixer le terme.
Nous ne remettons pas en question la nécessité d'éloigner les individus condamnés pour des faits de terrorisme ; nos interrogations portent plutôt sur la cohabitation, dans les centres de rétention, de ces personnes avec les étrangers en situation irrégulière. Certes, une telle cohabitation existe déjà, puisque des personnes condamnées pour des crimes et délits sont actuellement placées en centres de rétention, mais cette situation n'est pas satisfaisante.
En effet, je rappelle à M. Goasguen que les centres de rétention ont été créés précisément parce qu'en l'absence de procédure administrative, les personnes devant être éloignées étaient placées en garde à vue, puis en prison, et que cette situation avait été jugée choquante par beaucoup. Actuellement, parce que l'administration rencontre certaines difficultés, les personnes condamnées pour faits de terrorisme purgent leur peine et l'on s'aperçoit, souvent un peu tard, que la mesure d'expulsion n'a pas été appliquée.
L'idéal serait que le processus d'expulsion débute pendant leur détention et qu'elles soient expulsées le plus rapidement possible après leur sortie de prison. Hélas, la transition ne se fait pas correctement et un certain nombre de ces personnes se retrouvent en centre de rétention. Or, elles peuvent être très dangereuses et profiter de ce moment pour faire du prosélytisme. C'est pourquoi cette cohabitation suscite notre inquiétude.
Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de prendre des dispositions pour l'éviter ? Nous souhaiterions obtenir des réponses sur ce point, car, encore une fois, et vous l'avez dit vous-même, il s'agit d'individus parfois extrêmement dangereux qui, dans les centres de rétention, vont côtoyer des familles, et parfois des enfants.
Monsieur le ministre, votre réponse a suscité de nouvelles inquiétudes, car vous avez indiqué que la mesure d'assignation à résidence, qui est actuellement appliquée, était trop coûteuse. Le budget du ministère de l'intérieur n'aurait-il plus les moyens d'assumer la surveillance des personnes condamnées pour terrorisme et assignées à résidence ? Pourtant, hier, vous avez accepté un amendement de la majorité qui a un coût et, en première lecture, le rapporteur a créé une franchise pour l'AME qui coûtera au bas mot 20 millions d'euros au contribuable.
J'ajoute que les personnes concernées sont beaucoup moins nombreuses que celles qui sont placées en centre de rétention. Si l'État n'a plus les moyens de les assigner à résidence et n'a d'autre choix que de les placer en centre de rétention, nous sommes très inquiets.
Madame Mazetier, j'ai indiqué tout à l'heure que je n'aurais pas utilisé cet argument si je n'y avais pas été invité par un orateur du groupe socialiste qui a évoqué la question du coût. Par ailleurs, monsieur Caresche, votre suggestion est, à mon sens, tout à fait digne d'être prise en considération.
(L'amendement n° 128 n'est pas adopté.)
(L'article 41 est adopté.)
Défavorable. Il s'agit du problème de la purge des nullités, dont nous avons déjà longuement débattu.
L'article 43, qui vise à déclarer irrecevable d'office tout moyen d'irrégularité soulevé après la première audience, à moins que ladite irrégularité ne soit postérieure à l'audience, me paraît contraire aux règles fixées par le code de procédure civile et à la jurisprudence qui en découle.
L'article 561 du code de procédure définit en effet ainsi l'objet de l'appel : « L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit, à nouveau, statué en fait et en droit ».
L'article 563 précise : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».
Quant à l'article 565, il affirme le principe selon lequel « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».
Dans un arrêt de principe du 1er juillet 2009, la Cour de cassation vient préciser la définition du périmètre de la notion d'exception, notamment de procédure : « Mais attendu qu'ayant relevé que le moyen concernait l'exercice effectif des droits de l'étranger dont le juge devait s'assurer, de sorte qu'il ne constituait pas une exception de procédure au sens de l'article 74 du code de procédure civile, le premier président en a justement déduit que, bien que n'ayant pas été soulevé devant le juge des libertés et de la détention, il convenait d'y répondre ; que le moyen n'est pas fondé. »
Les dispositions de l'article 43 réduisent donc incontestablement le droit à un recours effectif ; elles pourraient être considérées comme contraires à l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 130 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 162 .
Monsieur le ministre, vous êtes présent depuis quelques jours dans cet hémicycle. Vous venez d'entendre le plaidoyer de notre collègue Étienne Pinte, lequel est député UMP de Versailles, mais dans la lignée du Versailles de 1789 et non pas des Versaillais de 1871, dirigés par le camp de M. Goasguen, M. Thiers entre autres. (Rires sur plusieurs bancs.). Au-delà de son affiliation politique, c'est un homme d'humanité et ses propos devraient toucher votre esprit et votre coeur. Vous devriez l'entendre, à défaut d'écouter les représentants de l'opposition, puisque vous êtes en quelque sorte en mission ici – c'est même la raison pour laquelle vous avez été nommé ministre.
Nous regrettons que la commission des lois de notre assemblée, sur proposition du Gouvernement, ait rétabli cet article qui tend à encadrer les moyens susceptibles d'être invoqués devant le juge d'appel en prévoyant qu'aucune irrégularité ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel, à moins qu'elle ne soit postérieure à la décision du premier juge.
La commission des lois du Sénat l'avait supprimé, estimant que l'objectif de la purge, conformément à l'article 74 du code de procédure civile, est uniquement de permettre de ne pas encombrer le procès et de ne pas faire tomber la totalité d'une procédure du seul fait d'irrégularités qui n'ont pas pu porter atteinte aux droits des parties. Il lui était apparu dès lors qu'une transposition du principe de la purge des nullités en droit des étrangers semblait peu pertinente.
Elle a rappelé la position de la Cour de cassation dans une décision du 18 décembre 1996 relative à une ordonnance rendue par le juge d'appel à propos d'un étranger n'ayant pu exercer ses droits pendant la durée de son acheminement au centre de rétention – en l'occurrence, pendant environ quatre heures – : « ayant relevé que le moyen concernait l'exercice effectif des droits de l'étranger dont le juge devait s'assurer, de sorte qu'il ne constituait pas une exception de procédure au sens de l'article 74 du code de procédure civile, le premier président en a justement déduit que, bien que n'ayant pas été soulevé devant le juge des libertés et de la détention, il convenait d'y répondre ».
En fait, les dispositions de cet article marquent une défiance à l'égard des juges judiciaires qui, constatant qu'une irrégularité manifeste violant les droits de l'étranger aurait été commise, devraient néanmoins feindre de ne pas la voir et s'interdire de la constater pour ordonner la mise en liberté sur ce fondement et ce, pour la seule raison que cette irrégularité n'avait pas été invoquée dès le premier passage devant le juge.
Voilà comment, sous la houlette de ce gouvernement liberticide, les libertés sont peu à peu rognées, monsieur le ministre.
Ces dispositions méconnaissent plusieurs articles du code de procédure civile :
L'article 561, qui définit l'objet de l'appel de la manière suivante: « L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. »
L'article 563, qui précise que : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565, qui affirme le principe selon lequel « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
Le système de purge des nullités proposé par ce projet de loi instaure une discrimination au détriment des étrangers par rapport au justiciable commun, discrimination qui n'est justifiée que pour accommoder l'administration et instaurer un déséquilibre face à la justice qui rend inéquitable la procédure.
En outre, comme les avocats n'ont connaissance de la procédure judiciaire que très peu de temps avant les audiences – vous le savez, monsieur Goasguen, vous qui êtes avocat –, ils sont fréquemment conduits à soulever en appel des moyens de nullité auxquels ils n'avaient pas pensé en première instance ou qui nécessitaient une recherche documentaire pour pouvoir être soutenus devant le juge.
Cette disposition nuira considérablement au bon exercice du travail des avocats et constitue une atteinte insupportable au droit des justiciables.
Ne vous inquiétez donc pas !
Pour toutes ces raisons nous demandons la suppression de cet article.
Pour finir, monsieur Goasguen, je me demande au point où nous en sommes si, après avoir retiré le droit aux avocats de recourir à tous les moyens de procédure, on ne va pas leur interdire de plaider pour défendre leurs clients.
Avis défavorable.
Ne vous inquiétez pas, monsieur Brard : les avocats auront toujours les moyens de plaider et de défendre ceux qu'ils doivent défendre.
Défavorable.
En tout cas, monsieur Goasguen, je ne m'inquiète pas pour vous, d'autant que vous êtes toujours du mauvais côté.
Vous savez bien que notre histoire a été marquée par des périodes où l'on interdisait même à l'accusé de s'exprimer. Or, mine de rien, nous nous situons dans un processus de réduction des libertés.
Monsieur le ministre, vous me regardez comme si vous étiez interloqué, pourtant vous ne pouvez l'être : là où vous étiez auparavant, vous avez préparé tous ces textes liberticides que vous défendez aujourd'hui. Je reconnais toutefois que vous devez éprouver une réelle satisfaction à voir ce qu'ils deviennent dans l'hémicycle au lieu d'être confiné dans d'obscurs cabinets.
(Les amendements identiques nos 34 , 130 et 162 ne sont pas adoptés.)
(L'article 43 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 131 .
La parole est à M. Christophe Caresche.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec un autre amendement, précédemment repoussé.
(L'amendement n° 131 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 45 est adopté.)
Cet article, issu d'un amendement du Gouvernement au Sénat, vise à transposer l'article 28, paragraphe 3, de la directive « libre circulation ». Il est la conséquence de la vive polémique que nous avons eue avec la Commission européenne à la fin de l'été dernier.
Il instaure une garantie contre l'expulsion au profit des ressortissants européens. La disposition selon laquelle un ressortissant résidant en France depuis au moins dix ans ne peut être expulsé au seul motif qu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement ferme de cinq ans au plus va dans le bon sens.
Il est toutefois regrettable que le rappel à l'ordre de la Commission européenne à propos de la transposition de directive « libre circulation » n'ait pas entraîné davantage de modifications dans le texte entre la première et la deuxième lectures et que les modifications voulues au Sénat, que nous avions défendues à l'Assemblée en première lecture, n'aient pas été retenues.
(L'article 47 bis est adopté.)
Cet article est une façon pour le Gouvernement de reconnaître l'illégalité des arrêtés d'expulsion de Roms pris par les préfectures et déjà cassés par les tribunaux de Lille et de Versailles.
Mais on peut déplorer que dans le même temps, il ait maintenu des dispositions insupportables pour les ressortissants européens, en particulier pour ce qui est de la notion d'abus de droit – nous en avons longuement débattu.
(L'article 47 ter est adopté.)
Aux termes de cet article, un étranger résidant en France de manière irrégulière depuis moins de trois mois pourra être reconduit à la frontière si son comportement a constitué une menace pour l'ordre public. Cette menace sera appréciée au regard de la commission de faits passibles de poursuites pénales – avant tout jugement donc – : vol aggravé, occupation illégale d'un terrain ou encore vol dans un transport collectif.
Pour être en cohérence avec les articles précédemment examinés, le rapporteur de la commission des lois du Sénat a décidé d'exclure du champ de l'article 49 les étrangers ressortissant de l'Union européenne dont les conditions d'expulsion pour trouble à l'ordre public sont désormais définies à l'article 25 du présent projet de loi.
Le Gouvernement semble vouloir revenir sur ces évolutions voulues par le Sénat. Qu'en est-il précisément ?
La possibilité qu'ouvre le projet de loi de reconduire à la frontière une personne vivant régulièrement sur le territoire et exerçant un emploi sans autorisation me paraît disproportionnée par rapport à l'irrégularité commise, c'est-à-dire le seul fait de travailler.
Avis défavorable.
Ces dispositions concernent les étrangers qui se voient refuser l'accès au territoire s'ils ont fait l'objet depuis moins de trois ans d'un arrêté de reconduite pour cause de travail illégal mais également pour menace contre l'ordre public.
Il s'agit donc d'un étranger qui a quitté le territoire et qui cherche à y revenir alors même qu'il a été précédemment condamné pour travail illégal.
Dès lors, il faut maintenir cette disposition de l'article 49. Avis défavorable.
Même avis.
(L'amendement n° 35 n'est pas adopté.)
Je propose de supprimer les alinéas 2 à 10.
En effet, la mesure en question n'est dictée par aucun impératif de transposition d'une norme communautaire. Les termes « au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales » sont très imprécis : aucune condamnation pénale n'est exigible pour appliquer cet article.
Ainsi, un étranger qui n'aurait fait l'objet d'aucune condamnation pénale pourrait, par exemple à l'issue d'une garde à vue, se voir notifier un arrêté de reconduite à la frontière.
Cette nouvelle mesure de reconduite peut même s'appliquer à une personne en situation régulière. Si elle est simplement soupçonnée par la police d'avoir commis certains faits ou de s'être rendue complice de leur commission, cette personne pourrait voir remise en question la régularité de son séjour en France, ce qui me paraît disproportionné, surtout s'agissant d'un étranger en situation régulière.
L'article 49 permettra de multiplier les cas de reconduite à la frontière et étendra à l'excès les possibilités de refuser l'accès au territoire français.
Il consacre le règne de l'insécurité juridique, car il autorise l'expulsion des étrangers sans distinction, à des conditions aussi floues que subjectives. Ainsi sont amalgamés travailleurs clandestins et étrangers reconduits pour trouble à l'ordre public, ou dont le comportement menace l'ordre public en raison de la commission de certains faits passibles de poursuites pénales, sans que celles-ci aient besoin d'être effectives, ni exclusives.
Les dispositions de cet article ne satisfont aucune exigence de transposition d'une directive européenne, bien au contraire. Je rappelle en effet que la directive du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, dispose dans son article 27 que les États membres peuvent apporter des restrictions à la liberté de circulation pour des motifs d'ordre public, mais à condition que le comportement de l'étranger constitue « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ».
Cette condition – vous l'aurez compris – n'est à l'évidence pas respectées par cet article. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.
Je viens de le vérifier : les dispositions de l'article 49 que ces amendements tendent à supprimer figurent déjà à l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il s'agit de la possibilité, introduite par la loi de 2003, de reconduite à la frontière d'un étranger en court séjour légal qui cause un trouble à l'ordre public.
Nous ne procédons donc à aucun ajout discriminant, mais nous nous contentons de reprendre la loi existante, en la modifiant à la lumière de la loi de 2003.
J'aurais souhaité que le Gouvernement nous fournisse quelques explications sur cet article 49. C'était, je crois, le sens de l'intervention de Mme Mazetier.
On croit comprendre – peut-être à tort, mais il serait bon de le confirmer – que cet article est en partie lié aux discussions qui ont eu lieu entre le Gouvernement et la Commission, notamment après l'affaire dite des Roms. En effet, la Commission a menacé…
… de sanctionner la France au motif que celle-ci n'avait pas bien transposé plusieurs directives, dont la directive sur la libre circulation.
L'article résulte-t-il ou non de ces discussions ? Dans le cas contraire, pourquoi réinscrire dans la loi ce qui y figure déjà à propos des troubles à l'ordre public ?
Avis défavorable.
Monsieur Caresche, cette disposition n'est pas du tout liée aux événements auxquels vous avez fait allusion, puisqu'elle ne s'applique pas aux ressortissants européens.
Je rappelle par ailleurs qu'il s'agit en l'espèce de police administrative, et que, en la matière, l'absence de condamnation pénale n'empêche pas de prendre une décision d'éloignement au nom d'un motif d'ordre public – de même que, réciproquement, l'existence d'une condamnation pénale ne rend pas obligatoire l'éloignement.
(Les amendements identiques nos 36 et 163 ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 132 .
Défendu.
(L'amendement n° 132 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 133 .
Défendu.
(L'amendement n° 133 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 49 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 134 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Cet amendement tend à supprimer l'alinéa 6 de l'article 54. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement de suppression de l'article 17 ter, relatif à la délivrance de titres de séjour aux étrangers malades.
Même avis défavorable que sur l'amendement que Mme Mazetier vient d'évoquer.
Article 54
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)
Cet article a été introduit en première lecture, grâce à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Le rapporteur de l'époque n'avait pas approuvé ces dispositions qui ont en revanche été adoptées par le Sénat.
Cet article renforce les obligations de contrôle du donneur d'ordres ; en cas de manquement, celui-ci est responsable de façon solidaire avec l'auteur du délit de travail dissimulé, du paiement des impôts et taxes et du remboursement des aides publiques et des sommes dues par l'employeur de travailleur sans titre.
Cette disposition va dans le bon sens ; il s'agit de transposer la directive européenne « Sanctions », qui vise à sanctionner les employeurs et à traiter la question du recours au travail dissimulé, et singulièrement du travail dissimulé de travailleurs sans titre de séjour.
Or, à chaque tentative de traiter ce phénomène à la racine – phénomène que l'on retrouve systématiquement dans les mêmes secteurs d'activité, ceux où l'on a une cascade de sous-traitants – un petit amendement, au moment où le bras va s'abattre sur le donneur d'ordres, détourne les sanctions des vrais responsables ; ces sanctions s'abattent sur les travailleurs eux-mêmes qui, en l'occurrence, sont d'abord et avant tout des victimes.
Nous tenons donc beaucoup à cet article 57 A, qui va dans le bon sens, celui de la recherche des vrais responsables et du traitement de ce problème structurel dans certains secteurs d'activité qu'est le travail dissimulé.
Je suis saisie d'un amendement n° 20 .
La parole est à M. le rapporteur.
C'est un amendement de clarification – au sens juridique du terme ; j'admets qu'en termes de lisibilité, ça n'est pas évident.
Cet amendement était nécessaire pour tenir compte des textes votés depuis notre première lecture du projet de loi ; il vise à clarifier et à simplifier certaines formalités opposables aux entreprises.
Avis favorable.
Monsieur le rapporteur, vous êtes bien gentil, mais là, vous exagérez !
Vous parlez de clarification. L'exposé des motifs de cet amendement – d'ailleurs assez conséquent – indique par exemple : « par souci de cohérence, il est proposé de compléter cette disposition » issue de la loi de financement de la sécurité sociale 2011 « d'une part en spécifiant que l'omission des déclarations doit être intentionnelle et d'autre part en intégrant l'omission des déclarations devant être faites auprès de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
On voit bien où vous allez ! De façon très discrète, vous faites exactement ce que réclame Mme Parisot dans les publications du MEDEF – que je lis attentivement : les employeurs se déclarent « victimes » de ces fraudeurs de travailleurs immigrés !
Vous faites ce qu'ils veulent ; mais ce n'est pas un simple amendement de clarification.
Écoutez, très objectivement, s'il y a des points sur lesquels l'Assemblée devrait être unanime, c'est bien sur les dispositions qui visent à transposer cette directive et à sanctionner l'emploi de personnes en situation irrégulière.
L'amendement du rapporteur est un amendement de progrès.
Si l'auteur de l'amendement écrit « intentionnellement », c'est parce que, vous le savez très bien, il n'est pas question de sanctionner un employeur qui aurait reçu de son salarié de fausses informations !
Soyez raisonnables. C'est un article de protection et vous voulez, une fois encore, faire dire à cet amendement ce qu'il ne dit pas.
(L'amendement n° 20 est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 209 tombe et l'article 57 A est ainsi rédigé.
Cet article porte sur l'exonération des employeurs « de bonne foi » : c'est une vraie-fausse transposition de la directive « Sanctions », et plutôt fausse que vraie. Celle-ci vise en effet les employeurs, et non les travailleurs. À l'image de l'amendement du rapporteur Claude Goasguen, qui vient sous nos yeux de vider de son sens l'article 57 A – pourtant élaboré par une commission compétente de cette assemblée –, cet article exonère des employeurs « de bonne foi ».
Tout pourra continuer comme avant : on aura des régiments de personnes exploitées, et des employeurs qui prétendront simplement avoir été abusés, et être de bonne foi. Lors des auditions, les organisations patronales avaient proposé des amendements qui allaient dans ce sens.
Si vous continuez comme ça, mes chers collègues, il n'y aura pas de fin au scandale que constitue le travail dissimulé, et particulièrement le travail dissimulé sans titre de séjour.
Or c'est ainsi tout le tissu économique de certains secteurs qui est fragilisé.
Nous, législateurs, portons une lourde responsabilité lorsque nous détournons le regard du recours au travail dissimulé, qui est pourtant un phénomène chronique dans certains secteurs, toujours les mêmes – ceux qui sont structurés avec de grands donneurs d'ordres et une cascade de sous-traitants, ce qui fait que les premiers ne sont jamais inquiétés.
À toute occasion, au détour de projets ou de propositions de loi divers et variés, on exonère de toute responsabilité ceux qui pourraient en assumer une.
En particulier, il faudrait une bonne fois pour toutes avoir une réflexion sur les appels d'offres, et sur les critères retenus pour la sélection des offres. Dans certains secteurs, les sous-traitants expliquent très clairement qu'aux conditions tarifaires imposées par la commande publique par exemple, il n'est pas possible d'être compétitif autrement qu'en adoptant les mêmes pratiques que certains prestataires de ces secteurs – le recours au travail dissimulé, non déclaré, sous-déclaré, à des prêts de main-d'oeuvre, c'est-à-dire, en fin de compte, toutes les pratiques combattues au quotidien par les inspecteurs du travail.
C'est très triste, parce que l'article 57 B exonère les employeurs dits « de bonne foi ».
Vous faites semblant de transposer la directive « Sanctions » mais cet article ne sert qu'à rendre parfaitement anodines toutes ses dispositions.
Je vais essayer d'expliquer à Mme Mazetier que cet article est rendu nécessaire par des situations qu'il convient de décrire avec précision.
D'abord, on n'aurait pas besoin d'écrire un tel article si la présomption d'innocence était véritablement la règle en ce domaine : elle devrait jouer en faveur des employeurs comme des autres.
La présomption d'innocence s'applique, nous sommes bien d'accord, à tout individu.
Essayez de voir comment se passe une procédure – et les cas, hélas, sont multiples.
Ces employeurs sont souvent à la tête d'entreprises dans des secteurs qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre, puisque c'est bien sûr dans ces cas-là que les abus sont les plus nombreux : je pense par exemple au secteur du bâtiment, aux grands magasins, aux magasins qui ont des succursales, parfois très éloignées de son lieu de travail !
L'employeur qui a mille ou quinze cents employés ne les recrute évidemment pas directement, mais par l'intermédiaire de sociétés privées, auxquelles la préfecture de police a dû décerner un label. La préfecture de police le fait, ou ne le fait pas, ou le fait mal.
En tout cas il arrive dans un certain nombre de cas – notamment dans les cas de supermarchés ou de grandes surfaces situés dans des zones difficiles – que la réalité, par exemple dans le domaine du gardiennage, implique d'avoir recours à des personnes susceptibles de ne pas rentrer en conflit avec l'ambiance dominante d'un certain nombre de quartiers.
Quand vous parlez de certains quartiers, vous pensez par exemple au XVIe arrondissement ? (Sourires.)
Un avocat, monsieur Brard, peut plaider partout, et pas seulement dans le XVIe !
Je vous dis vraiment des choses d'expérience, et de jurisprudence constante.
Le problème se pose dans un certain nombre de sociétés privées. Certaines sociétés de recrutement recrutent de façon aléatoire – je rends d'ailleurs hommage à votre prédécesseur, monsieur le ministre : la LOPPSI, qu'il a fait adopter, comporte un article qui permet de moraliser un certain nombre de ces sociétés.
Quelquefois, l'individu recruté est muni de faux papiers ; quelquefois, c'est le recruteur lui-même qui n'est pas très honnête : tous les cas existent.
Que se passe-t-il lorsque la plainte arrive ? Évidemment, l'employeur étant responsable de la société, même si les faits se sont produits à 300 kilomètres du siège social, c'est lui qui est jugé responsable. Dans la plupart des cas, il est déféré devant le juge. C'est à ce moment-là qu'il faut rappeler à la justice que la présomption d'innocence joue aussi pour les employeurs.
Un employeur peut parfaitement avoir des responsabilités pénales, et cet article n'a pas pour but de l'en exonérer.
Ne faites pas de procès d'intention, ce n'est pas une étape. La responsabilité pénale est réaffirmée, elle sera appliquée mais la présomption d'innocence aussi.
Très franchement, dans un certain nombre de cas, la vraie culpabilité ne se trouve pas sur la tête de l'employeur mais sur celle de la personne avec laquelle il a traité ou sur celle de la société privée. D'une certaine manière, cela est lié aux difficultés que nous avons à pratiquer des immigrations légales et de contrer les immigrations illégales. L'employeur est de bonne foi et, de bonne foi, il se retrouve dans une situation difficile.
Le respect de la présomption d'innocence n'est donc pas le moyen d'échapper à la loi.
Vous avez invoqué le fait qu'économiquement cette mesure n'est pas viable. C'est le contraire. Des cas se sont présentés où, l'employeur étant mis en examen et détenu, finit, à cause de difficultés ou par lassitude, par vendre. Et c'est l'entreprise tout entière qui déguste. Ce genre de procédure est donc un handicap économique plus qu'un avantage. Si vous voulez véritablement défendre certaines entreprises, faire respecter le droit, essayer d'assainir des professions de moralité peu exemplaire, comme les recruteurs, ce n'est pas la peine, pour autant, de faire systématiquement tomber la responsabilité sur l'employeur en le présumant coupable.
D'ailleurs, politiquement, ces attaques permanentes contre « l'employeur malhonnête », issues d'une idéologie du passé, appellent un contrepoids autorisant à dire que tous les employeurs ne sont pas malhonnêtes.
S'ils sont responsables, ils sont responsables, mais s'ils ne le sont pas, ils ont, autant que les autres, droit à la présomption d'innocence.
M. Goasguen continue à ne pas entendre ce que nous disons. J'en ai pourtant appelé à la responsabilité de législateur afin qu'il se penche sur les conditions et les critères dont les appels d'offres devraient être assortis, la commande publique, les tarifs retenus ou le mieux-disant. C'est très loin d'une stigmatisation les employeurs.
Si vous vouliez prendre en compte la réalité à laquelle sont confrontées de nombreuses PME, vous auriez dû accueillir avec bienveillance l'amendement, que je suis étonnée d'avoir à défendre moi-même, présenté sur l'article 57 A par nos collègues du Nouveau Centre Jean-Christophe Lagarde etStéphane Demilly, et que l'adoption de votre amendement, monsieur le rapporteur, a fait tomber. Cet amendement considérait précisément que les employeurs dans les PME sont souvent de bonne foi et qu'ils n'ont pas forcément les moyens de vérifier la validité des autorisations de travail. Il proposait un outil utile qui aurait permis de régler bien des situations : un répertoire national géré par l'OFII centralisant l'ensemble des permis de travail, qui remplaceraient les autorisations de travail. Ainsi, tout employeur recrutant un nouveau collaborateur pourrait vérifier dans ce répertoire national qu'il est bien autorisé à travailler.
Curieusement, alors qu'en qualité de rapporteur vous avez examiné tous les amendements déposés en commission, vous en avez rédigé un qui a fait tomber celui-ci. Ne parlez pas des employeurs de bonne foi alors que vous ne tenez pas compte du travail de députés de bonne foi !
Je remercie Mme Mazetier de se soucier des amendements du Nouveau Centre. Je l'invite pourtant à s'occuper plutôt de ceux du groupe socialiste.
La finalité de l'amendement en question était d'améliorer les choses en apportant de l'efficacité. S'il est tombé, c'est simplement parce que le rapporteur a fait adopter certaines dispositions.
J'ai beaucoup de respect, madame Mazetier, pour votre engagement et vos interventions, même répétées sur chaque article. Mais ce que vous dites n'est pas forcément toujours exact.
Vous vous êtes référée à la procédure des appels d'offres. Or nous sommes là sur des dispositions d'ordre public. Quiconque veut répondre à des appels d'offres doit souscrire à un certain nombre d'exigences de transparence, de déclaration, la première étant d'être à jour dans ses cotisations sociales et en règle avec le fisc. Le rapporteur me contredira si cela est inexact.
Le sens de la transposition est d'être encore plus exigeant en matière de transparence et de respect de la situation des salariés. Le rapporteur a eu raison de rappeler ce que nous avons adopté il y a moins d'un mois lors de l'examen de la LOPPSI pour moraliser un pan entier de secteur d'activité qui, jusque-là, était une sorte de zone de non-droit.
Je veux bien que nous ayons tous les torts,…
J'ai beaucoup apprécié d'entendre M. Goasguen parler de la présomption d'innocence s'agissant des employeurs. Nous sommes tous d'accord avec lui sur l'importance de ce principe. Je regrette cependant qu'il n'ait pas eu la même approche en faisait voter la possibilité d'écarter ou de ne pas admettre des étrangers lorsqu'ils sont passibles de sanctions pénales.
Tant qu'ils sont passibles, ils ne sont pas condamnés, et ils bénéficient encore de la présomption d'innocence.
J'ai également apprécié, monsieur le rapporteur, de vous entendre souligner les difficultés à recruter dans certains secteurs. Cela montre bien les limites de la politique d'immigration choisie. À l'usage, on s'est en effet aperçu que les secteurs pour lesquels vous souhaitiez recruter des immigrés n'étaient pas ceux dans lesquels les employeurs en avaient besoin. D'où leur recours à des méthodes de recrutement parfois illégales.
Je ne peux pas accepter une telle caricature ! Lorsqu'il y a des abus, ils doivent être condamnés, c'est clair. Mais ne généralisons pas : tous les employeurs n'ont pas l'obsession absolue de franchir le Rubicon de la légalité. Dans les PME, comment voulez-vous détecter qu'une personne présente de faux papiers d'identité, de fausses déclarations de revenus et inscription à la sécurité sociale ? On ne peut pas demander à un patron de PME d'aller vérifier la nature de ces papiers. Tout cela se vend très facilement, hélas ! On sait très bien qu'il y a des filières.
C'est pas cher et on n'en trouve pas dans le 16e arrondissement mais dans le 18e.
C'est vrai, je le reconnais. D'ailleurs, on en sanctionne un maximum. Mais à mon avis, chez les bobos de Montreuil, ça ne doit pas être mal non plus !
Ne tournez pas en ridicule un débat important.
Ce qui est déjà difficile pour un patron de PME l'est a fortiori encore plus pour un employeur de grande entreprise, qui est complètement à l'écart, qui gère plusieurs sociétés au sein d'une holding. Pourquoi voulez-vous que, passant par une société filiale ou une association labellisée et qui se trouve elle-même en porte-à-faux, cet employeur soit tenu pour responsable ?
Il faut donc démontrer sa responsabilité.
Madame Mazetier, sans vouloir trahir les dossiers d'avocats, il est clair qu'il y a des abus incontestables. Des idées terriblement ancrées dans la société française tendent à voir dans l'employeur, riche et bien installé, un fraudeur potentiel. J'affirme que la plupart des employeurs français respectent la légalité et qu'ils ont droit, comme tout le monde, à la présomption d'innocence. De temps en temps, permettez-moi de défendre les employeurs !
Nous sommes d'accord sur le fait que la grande majorité des employeurs est tout à fait prête à respecter la légalité, la question n'est pas là. Nous disons que les réglementations sont tellement complexes, pour ne pas dire parfois absurdes, que même une PME qui veut les respecter n'y parvient pas. Prenez le cas d'une personne qui veut employer un salarié étranger en intérim. On ne peut pas faire régulariser un salarié étranger s'il est employé, même trois ans d'affilée, sur des contrats d'intérim. À Paris, des grèves ont duré un temps infini parce que les entreprises d'intérim ne pouvaient pas obtenir la régularisation de gens qui travaillaient depuis longtemps.
C'est pourquoi, à chaque fois que vous voulez prendre des réglementations complexes, nous vous prévenons qu'elles ne fonctionneront pas ou qu'elles créeront de l'emploi au noir. Vous ne nous croyez pas, mais cela se révèle vrai.
Je suis saisie d'un amendement n° 164 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Nous venons d'avoir un débat fort intéressant. En écoutant M. Goasguen, je pensais qu'il était l'heure du marchand de sable. « Dormez les petits ! », il nous raconte des histoires à dormir debout. Et parfois, elles sont vraies ! Mme Pau-Langevin a parlé des intérimaires qui occupaient des agences, comme à Montreuil, par exemple, celle de Manpower. Cette société a eu le plus grand mal à les faire régulariser. Avec ces cas pourtant légitimes, monsieur le ministre, vous êtes inexorable, et vous multipliez les obstacles.
On peut se demander, d'ailleurs, pourquoi le sujet vient dans ce texte. Alors qu'on traite d'immigration, on nous parle des employeurs. La présomption d'innocence doit s'appliquer à tout individu, nous dit-on. Nous en sommes d'accord, mais votre façon de la mettre en pratique n'est pas conforme au principe que vous énoncez. Par exemple, à Montreuil, près de la mairie, à vingt-cinq mètres du métro, à midi, un ouvrier malien allait acheter une baguette. Il n'avait pas de papiers. Lui, n'a pas bénéficié de la présomption d'innocence. Le seul fait qu'il était noir…
…lui a valu, à la sortie de la boulangerie, un contrôle de papiers qu'il n'avait pas. Au lieu d'aller déjeuner, il s'est retrouvé au centre de rétention. Voilà comment l'égalité s'applique dans notre pays et comment vous gérez la présomption d'innocence !
Monsieur le rapporteur, quand la plainte arrive, dites-vous, l'employeur est responsable, il est déféré à la justice parce qu'il assume sa responsabilité pénale qui est réaffirmée.
Je vais vous citer deux exemples précis.
Peut-être, mais des histoires de gens réels, pas celles du marchand de sable !
C'est d'abord une entreprise dont le siège était dans l'Aisne et qui possédait une antenne à Montreuil. Cette société, qui déblayait des chantiers, exposait ses salariés à l'amiante et au plomb et faisait travailler consciemment des ouvriers sans papiers. Tous les trois mois, elle leur fournissait de nouveaux numéros d'URSSAF qui, bien entendu, étaient faux, afin que le processus de paiement des cotisations ne puisse pas s'amorcer. Cela a duré pendant de nombreuses années. La justice a fini par être saisie. Et que s'est-il passé ?
Il n'y a même pas eu le début d'une enquête car si l'on s'attaque à des salariés sans papiers, on ne touche pas à un patron voyou. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Puisque vous avez des doutes, je vais vous donner le nom de cette entreprise : il s'agit de Griallet. Les ouvriers s'en sont sortis grâce à la solidarité du quartier.
Il y a des grands groupes, c'est vrai, pour lesquels le patron ne peut pas s'occuper de tout, notamment celui qui a fait les travaux de rénovation de l'Assemblée nationale et qui a aussi employé des sans-papiers. Je pourrais parler également du Stade de France à Saint-Denis à la construction duquel des légions de sans-papiers ont travaillé.
Je citerai une autre entreprise dont le grand patron savait pertinemment que son sous-traitant employait des sans-papiers. Il s'agit aussi d'une société spécialisée dans la démolition. Là encore, bien sûr – mais c'est banal – les salariés ne bénéficiaient d'aucune protection. Le donneur d'ordres, Martin Bouygues, qui sait que le sous-traitant est dans l'illégalité, en profite pour ne pas acquitter ses factures. Je sais que Bouygues agit consciemment puisque je m'en suis entretenu avec les principaux intéressés. Ne nous racontez donc pas de salades ! Tout cela est connu, tout cela fonctionne.
Vous disiez que la masse des patrons était honnête, ce à quoi je souscris.
Un nouveau texte n'est donc pas nécessaire pour défendre ceux qui ne le sont pas puisque les textes en vigueur protègent déjà les gens honnêtes. Monsieur Goasguen, nous n'avons donc pas besoin de votre zèle qui ne connaît pas de limite dès lors qu'il s'agit de défendre certaines catégories. En effet, avec le texte que vous nous proposez, vous offrez une sorte de droit à l'immunité. Certes, vous n'êtes pas seul coupable. Vous êtes le brillant avocat d'une mauvaise cause qui est défendue par le Gouvernement.
Défavorable, bien sûr.
Je veux dire à notre cher député de Montreuil qu'il m'arrive de plaider dans cette ville.
Non, à l'OFPRA.
J'y défends rarement des patrons. Un avocat n'a pas le droit de choisir une classe sociale contre une autre, il défend ce qu'il doit défendre.
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, accomplir rarement de bonnes actions ne justifie d'en accomplir souvent de mauvaises ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Mais si c'est pour faire de bonnes actions, vous pouvez venir souvent à Montreuil. Je suis prêt à vous y accueillir. Je connais un excellent restaurant, pas loin et pas cher.
Monsieur le ministre, j'aurais souhaité que vous soyez plus disert. Certes, vous débutez dans vos fonctions ministérielles, mais vous avez derrière vous une carrière qui a montré votre talent. Peut-être considérez-vous que votre texte n'est pas défendable. Si c'est le cas, je comprends votre discrétion. Toutefois, j'aurais souhaité que, face aux exemples que j'ai donnés, vous puissiez expliquer la résolution du Gouvernement à sortir de ses errements et à combattre les voyous, fussent-ils en col blanc.
Puisque M. Brard m'invite à prendre la parole, je veux lui dire que, sur le fond, je suis défavorable à son amendement. Lorsqu'une faute est commise elle doit être sanctionnée. Toutefois, lorsque quelqu'un a été abusé, il faut en tenir compte.
Quant aux cas particuliers qu'il a évoqués, je ne les connais pas. Je ne peux donc émettre aucune opinion…
…sous réserve que ce soit…
…présenté de façon complète.
Vous retombez bien sur vos pieds, monsieur le ministre ! Vous auriez pu être chat dans une autre vie ! (Sourires.)
(L'amendement n° 164 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour défendre l'amendement n° 135 .
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 3 et 4 de l'article 57 B, conformément à l'analyse qu'en a faite le Sénat. La commission des lois du Sénat a considéré en effet que les dispositions prévues dans ces alinéas étaient surabondantes par rapport à la loi actuelle, l'employeur de bonne foi étant protégé par le droit en vigueur.
J'aimerais connaître sur ce point l'analyse du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale qui d'habitude déteste la surabondance et veille toujours à la qualité du droit que nous édictons. Je suis sûre qu'il partagera l'analyse de nos collègues sénateurs.
Si Mme Mazetier n'a pas compris qu'en réalité la situation était beaucoup plus complexe qu'elle ne le pense, que la structure économique d'une entreprise est compliquée et que l'employeur est souvent très loin de connaître l'ombre d'une manipulation qui se passe au sein de l'entreprise – nous n'avons fait que rappeler cette réalité au-delà de la présomption d'innocence et des responsabilités pénales qui sont celles qui doivent s'appliquer lorsqu'il y a, de toute évidence, fraude à la loi –, c'est que je me suis mal fait comprendre. Voilà ce que signifie ce texte qui n'est pas surabondant et qui cherche à combler un vide juridique qui a fait beaucoup de dégâts sur le plan des libertés individuelles mais aussi de l'efficacité économique.
Défavorable.
Je suis un peu étonnée que le rapporteur évoque les dégâts économiques, car c'est le même Gouvernement qui envisage la fermeture administrative et qui refuse la proposition du groupe socialiste qui vise, en cas de récidive d'un employeur, non à fermer administrativement l'entreprise puisque cela pénalise l'activité et les salariés, mais à nommer un administrateur provisoire pour faire mal à qui cela doit faire mal et pas à ceux qui en seraient les victimes. Vous le voyez donc, nous connaissons bien la réalité des entreprises et nous sommes sensibles à la défense de l'emploi.
Il y a des employeurs qui, en toute bonne foi, savent parfaitement que le titre de séjour de leur salarié est arrivé à échéance et n'a pas été renouvelé. C'est destructeur pour une entreprise qui fonctionne bien. Par exemple, le secteur de la restauration, où les métiers sont difficiles et les entreprises fragiles, a beaucoup recours à des travailleurs étrangers qui sont en situation régulière mais qui, du jour au lendemain, plongent dans l'irrégularité en raison de la politique que vous soutenez et qui est contre-performante du point de vue économique.
À force de pousser la précarisation jusqu'à ses limites, que provoquez-vous ? Le maintien sur le territoire en situation irrégulière de personnes pourtant entrées de façon régulière, qui travaillent et sont parfaitement insérées. Les fragiliser fragilise leur employeur. Il est curieux de constater que vous ne parlez pas de ces cas, pourtant fréquents.
Bien entendu, nous connaissons cette réalité. La loi doit s'appliquer dans ce domaine.
La possibilité d'une fermeture administrative a été évoquée en commission, mais j'ai indiqué que j'étais très réservé. Je précise que cette obligation est issue d'une directive européenne. Nous n'avons pas le choix, ce que je regrette personnellement, parce que c'est un coup dur économique que ne mérite pas l'entreprise dans la plupart des cas.
(L'amendement n° 135 n'est pas adopté.)
(L'article 57 B est adopté.)
Sur l'article 57, je suis d'abord saisie d'un amendement n° 136 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Cet amendement vise à supprimer, à l'alinéa 2 de l'article 57, le mot « sciemment ».
Il convient d'affirmer dans la loi une interdiction claire. On interdit ici de recourir aux services d'un employeur d'un étranger sans titre « sciemment », c'est-à-dire en connaissance de cause. Dans la pratique, il sera impossible de prouver que tel est le cas et la mesure est donc de peu de portée.
Défavorable.
(L'amendement n° 136 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour défendre l'amendement n° 137 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 137 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 57 est adopté.)
Cet article institue la présomption d'une relation de travail de trois mois au lieu d'un mois actuellement, et élargit les droits du salarié étranger en situation irrégulière. Cela fait partie des seules bonnes nouvelles de ce projet de loi en première lecture.
Une partie d'un amendement que nous avions présenté en première lecture à l'Assemblée nationale a été reprise dans la loi, notamment l'extension au dispositif conventionnel du droit aux heures supplémentaires et la possibilité d'apporter par tous moyens la preuve du travail effectué par le salarié.
Cette indemnité forfaitaire, équivalente à trois mois de salaire, est cependant inférieure à celle d'un montant de six mois que perçoit un salarié français ou un salarié étranger avec un titre de travail, mais qui ne sont pas déclarés par leur employeur, au titre de la dissimulation de leur emploi. C'est pourquoi, nous présentons l'amendement n° 138 qui vise à confirmer que l'article 58 va dans le bon sens mais qu'il faudrait s'aligner sur ce qui est pratiqué pour un salarié français ou un salarié étranger avec un titre de travail et qui sont dans cette situation de travail dissimulé.
La rédaction de cet article doit être conforme à celle de l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale qui pose une présomption d'antériorité d'emploi de six mois pour tout salarié employé illégalement, quelle que soit sa nationalité. On ne peut en effet prévoir une présomption d'antériorité d'emploi qui varie en fonction de la nationalité du salarié employé en violation du code du travail et qui serait moins favorable pour les salariés étrangers employés illégalement. D'autre part, cette différence de durée d'antériorité d'emploi selon la nationalité du salarié employé illégalement va être source de difficulté et de contentieux lors du recouvrement des cotisations et contributions sociales dues.
Cette indemnité forfaitaire équivalente à trois mois de salaire est inférieure à celle d'un montant de six mois que perçoit un salarié français ou un salarié étranger avec un titre de travail, mais qui ne sont pas déclarés par leur employeur, au titre de la dissimulation de leur emploi. Dans un souci d'égalité de traitement entre salariés employés illégalement et pour éviter des effets d'aubaine au profit des employeurs d'étrangers sans titre de travail, il convient de fixer également à six mois de salaire le montant de l'indemnité forfaitaire versée à l'étranger employé sans titre de travail, au terme de sa relation de travail.
De plus, On peut considérer que cette amélioration des droits pécuniaires à verser aux travailleurs sans papiers est sans commune mesure avec le préjudice qu'ils subissent du fait de la précarité de leur situation administrative. C'est pourquoi nous souhaitons porter la présomption d'antériorité à six mois.
Défavorable. Ils prévoient une prolongation du délai de présomption d'antériorité. Seulement, si l'on cumule les sommes dues au salarié ainsi que le texte le prévoit, avec l'indemnité de rupture du contrat de travail, la présomption conduit in fine à une indemnisation à hauteur de six mois de salaire, ce qui est cohérent avec l'article L. 242 du code de la sécurité sociale.
Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces amendements. En effet, s'ils étaient votés, le salarié dépourvu de titre de séjour serait mieux traité que tous les autres salariés victimes de travail dissimulé.
Je suis quelque peu étonnée par la réponse du ministre : les amendements sont conformes à l'esprit de la directive « Sanctions » qui vise à rendre encore plus dures les sanctions auxquelles on s'expose quand on a recours au travail dissimulé et quand on emploie par surcroît des travailleurs sans titre de séjour.
Il faut donc appliquer la durée de six mois de présomption d'antériorité pour tout salarié employé illégalement et prévoir des sanctions supplémentaires liées à l'irrégularité du séjour dudit travailleur.
(Les amendements identiques nos 138 et 180 ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 139 .
Cet amendement vise à compléter la première phrase de l'alinéa 5 par les mots : « sur la base d'un temps plein et des minima salariaux ». Je ne pense pas que cette précision puisse poser de problème à qui que ce soit.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable puisqu'il considère que les sujétions contenues dans cet amendement sont déjà satisfaites par le code du travail.
(L'amendement n° 139 n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 181 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 140 .
Cet amendement vise à préciser que le licenciement d'un travailleur étranger prononcé pour présentation de faux documents dissimulant une situation administrative irrégulière ne peut priver ledit salarié de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article.
(L'amendement n° 140 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 152 .
Cet amendement illustre ce que j'évoquais précédemment. Actuellement, l'indemnité de rupture de la relation de travail d'un salarié sans papiers non déclaré se cumule avec l'indemnité de rupture d'un salarié dissimulé.
Si le texte propose d'augmenter l'indemnité forfaitaire de rupture – j'insiste sur le fait que nous trouvons qu'il s'agit d'une bonne disposition –, le salarié ne pourra pas cumuler les indemnités prévues par cette disposition et l'indemnisation minimale de six mois de salaire prévue en cas de travail dissimulé, mais il pourra prétendre à l'indemnisation la plus favorable.
On ne comprend pas très bien pourquoi il devrait choisir et, si l'on veut respecter l'esprit de la directive « Sanctions », ces indemnités devraient pouvoir se cumuler dès lors que le travailleur sans papiers est aussi un travailleur dissimulé.
(L'amendement n° 152 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 58 est adopté.)
Cet article introduit un élément quelque peu positif dans l'océan de dispositions que nous contestons. Il est choquant, quand on visite les centres de rétention, de constater qu'un certain nombre de personnes vont être reconduites de force dans leur pays sans avoir pu récupérer les salaires qui leur sont dus.
Le recouvrement de ces fonds est d'autant plus difficile que, parfois, ces personnes travaillent sous une fausse identité. Par conséquent, même si l'ANAEM est mandatée, elle n'est pas en mesure de récupérer les sommes dues à ces travailleurs.
La possibilité nous est offerte de régler cette situation en indiquant que les sommes dues à l'étranger doivent être payées y compris lorsque la personne concernée est placée en rétention, et en précisant qu'un organisme peut se substituer à elle pour récupérer ces sommes. Plusieurs difficultés subsistent néanmoins.
Si l'étranger est reparti et que l'on ignore où il se trouve, il sera impossible de lui payer son salaire. Il serait donc utile de prévoir que l'on ne puisse renvoyer la personne avant que l'employeur ne se soit acquitté des sommes dues. En outre, l'amendement n° 148 , on le verra, indique quel organisme devra récupérer ces sommes car si le Gouvernement semble penser à l'OFII, les informations dont nous disposons tendent à montrer que cet organisme n'est pas en mesure d'assurer cette mission. Le rapporteur général du budget, M. Carrez, avait en effet indiqué que l'OFII ne pouvait pas récupérer, par exemple, la contribution spéciale due à l'État. Il importe donc de savoir qui va récupérer la somme en question.
En outre, il y a de nombreuses années que l'on expulse des étrangers qui ne peuvent pas récupérer les sommes déposées à la banque, le mandataire ne possédant pas leurs documents d'identité dans la mesure où ils ont travaillé sous un alias.
Nous aimerions savoir ce que sont devenues ces sommes. Nous souhaitons disposer d'une évaluation des sommes versées aux banques par des travailleurs étrangers et qui n'ont pas pu être récupérées. Ne peut-on par ailleurs prévoir une destination à ces sommes dans l'hypothèse où la banque ne peut les rendre à quelqu'un qui aurait travaillé sous un faux nom ? Il faudrait que cette destination soit collective, de manière que les banques ne s'enrichissent pas impunément de la misère d'autrui.
Je ne peux apporter toutes les précisions demandées par Mme Pau-Langevin. Reste que l'OFII dispose d'antennes dans plusieurs pays et pourra faire parvenir par ce biais les sommes dues à leurs destinataires.
Quant à la capacité de l'OFII à recouvrir les montants en question, le transfert de certaines de ses compétences au Trésor public va libérer un certain nombre de personnels et l'ampleur des procédures n'étant pas la même, on espère de meilleurs résultats. C'est tout ce que je puis dire pour m'opposer aux arguments de Mme Pau-Langevin.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 148 .
Nous avons eu droit, en première lecture, à un tour de passe-passe de la part du rapporteur, qui n'était pas M. Goasguen mais Thierry Mariani, pourvu de nombreux talents dont celui, donc, des tours de passe-passe.
On nous a expliqué que l'OFII, parce que c'est son métier, serait missionné pour procéder au recouvrement des sommes dues aux travailleurs en situation irrégulière. Or, deux jours plus tard, on pouvait découvrir dans le passionnant rapport de Gilles Carrez que, dans la mesure où l'OFII ne dispose pas des mêmes moyens que la direction générale des finances publiques, la mission de recouvrement de la contribution spéciale était dévolue aux services de l'État.
On pouvait en outre lire de très intéressantes considérations sur le produit de la contribution forfaitaire actuellement recouvré par l'OFII qui est de l'ordre de 0,2 million d'euros par an alors que la DGFIP estime son potentiel à un million d'euros.
Si l'État – et c'est tout à son honneur – considère qu'il peut recouvrer une somme cinq fois plus élevée en confiant le recouvrement à la DGFIP si la somme lui revient, il faudrait, par souci de cohérence, que le recouvrement des sommes dues aux salariés soit aussi confié au Trésor public. Il faut rappeler que ce dernier, en cas d'impayé, peut procéder à un recouvrement forcé qui garantirait, ici, le paiement effectif de ces salaires dus à des travailleurs sans titres dans le cadre du travail dissimulé.
(L'amendement n° 148 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour défendre l'amendement n° 143 .
Je suis un peu étonnée que le rapporteur et le ministre n'aient donné aucune justification à l'avis défavorable qu'ils ont opposé à l'amendement précédent. Franchement, sur la question des sommes dues à un travailleur dont l'employeur a été indélicat, il me semble que vous auriez pu répondre !
S'agissant de l'amendement n° 143 , je rappelle que, lorsque l'employeur ne s'exécute pas dans le délai prescrit, les sommes font l'objet d'une consignation auprès d'un organisme. Il est difficile de croire en la possibilité pour un travailleur sans papiers qui serait reconduit à la frontière d'obtenir, par l'intermédiaire d'un organisme les sommes que lui doit son ancien employeur. À tout le moins, un travailleur sans papier dont l'employeur a mis fin à la relation de travail doit pouvoir ester en justice devant le conseil de prud'hommes et obtenir réparation. Il doit également pouvoir obtenir, au minimum, une autorisation de séjour le temps du remboursement des sommes dues.
Il est vrai que la situation n'est pas facile, mais je répète ce que j'ai dit en répondant à Mme Pau-Langevin : par sa présence dans les CRA comme dans de nombreux pays étrangers, l'OFII dispose d'une implantation qui lui permet – et elle est la seule dans ce cas – d'assumer le rôle d'intermédiaire dans le reversement des sommes dues aux intéressées. C'est une réponse qui vaut ce qu'elle vaut, mais c'est la réponse institutionnelle dont nous disposons en l'état actuel des choses.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'empêcher les reconduites à la frontière tant que les arriérés de salaires et les indemnités n'auront pas été versés aux étrangers concernés. Ils sont informés de leurs droits. Ils pourront les faire valoir, si besoin, auprès de l'antenne locale de l'OFII la plus proche, une fois leur reconduite devenue effective.
Je sais bien que cette réponse ne vous satisfera pas, mais c'est, en l'état actuel des choses, la seule réponse institutionnelle dont je dispose.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Je remarque qu'il ne respecte ni la directive Retour, ni la directive Sanctions, que nous sommes en train de transposer. Celle-ci prévoit que l'employeur a l'obligation d'envoyer les rémunérations impayées dans le pays où est renvoyé l'étranger sans titre. Un décret en Conseil d'État fixera donc les modalités précises pour le versement des sommes dues par l'employeur, y compris dans le pays de retour.
Maintenir sur le territoire un étranger sans titre jusqu'au versement des sommes dues par l'employeur créerait un régime juridique aux contours incertains, dont je vous laisse apprécier la subtilité. Et lorsqu'il y a litige, c'est bien entendu le conseil de prud'hommes qui est compétent, ce qui me permet, au passage, madame Mazetier, de répondre à l'amendement précédent qui a déjà été rejeté.
Comme vous le savez, le code du travail prévoit que l'étranger en situation irrégulière peut se faire représenter en matière prud'homale, ce qui lui permet d'ester à partir d'un pays tiers.
(L'amendement n° 143 n'est pas adopté.)
(Les amendements n°s 149 et 144 , défendus, repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L'article 59 est adopté.)
Je n'ai pas beaucoup d'occasions de saluer le caractère positif des dispositions qui nous sont soumises. En l'espèce, cet article a le mérite de renforcer la coresponsabilité entre le donneur d'ordre et le sous-traitant. Nous avons beaucoup insisté sur ce point, afin de lutter contre cette gangrène du travail dissimulé et contre l'organisation de l'impunité de ceux qui en bénéficient à travers un système de sous-traitances en cascade.
Aux termes de cet article, le champ de la responsabilité financière est élargi au salaire et à ses accessoires dus à l'étranger employé sans titre, aux indemnités versées pour rupture de la relation de travail, et aux frais d'envoi des rémunérations à payer vers le pays de destination.
Puisque ces dispositions sont positives, il serait encore préférable qu'elles soient effectives. Or le sort que vous avez réservé à nos amendements précédents nous font craindre qu'elles ne le soient guère. Il y a beaucoup d'employeurs dont la société aura disparu et qui ne paieront pas les sommes dues à leurs employés. Cela sera d'autant plus regrettable que cet article affichait une intention louable.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour soutenir l'amendement n° 145 .
Cet amendement tend à ouvrir aux associations la possibilité d'ester en justice, ce qui renforce du même coup les possibilités de défense des salariés et de lutte contre le travail illégal. Il n'y a pas de représentation syndicale dans toutes les entreprises. Parfois, des salariés étrangers sans titre sont en relation avec des associations qu'il faudrait habiliter à ester en justice en cas de travail illégal.
Défavorable également, puisque les litiges naissent, non pas de la nationalité, mais de la situation de salarié. Ce sont les syndicats qui ont à assumer ce rôle.
(L'amendement n° 145 n'est pas adopté.)
(L'article 60 est adopté.)
Dans les articles 60 bis, 60 ter et 60 quater, il s'agissait, selon le rapporteur, d'assurer la coordination entre les dispositions du présent projet de loi et celles de la loi de finances pour 2011, laquelle prévoyait le recouvrement de la contribution spéciale par l'État, et non plus par l'OFII, en augmentait le taux, et prévoyait la suppression des pénalités de retard que pouvait imposer l'OFII, car, celui-ci ne recouvrant plus la contribution spéciale, la possibilité d'imposer des pénalités de retard revenait dorénavant au Trésor public, donc à l'État.
Selon le rapporteur, il convient de concrétiser une mesure décidée dans le cadre de la RGPP. Cependant il faudrait – je l'ai évoqué précédemment – que le transfert du recouvrement à l'État n'empêche pas l'OFII de percevoir des pénalités de retard. Or le transfert de l'OFII à l'État du recouvrement de la contribution spéciale rendrait impossible l'imposition par l'État de pénalités de retard, car il n'existerait pas de majoration, ni d'intérêts de retard, en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines. Il y a là un vrai problème : en transférant le recouvrement de la contribution spéciale de l'OFII à l'État, on perd la possibilité de faire preuve de la fermeté que pouvait manifester l'OFII en termes de pénalités de retard.
Le rapporteur a souvent beaucoup d'imagination en matière de loi de finances. A-t-il une idée qui nous permettrait de retrouver cette fermeté et de rendre possible l'imposition de pénalités de retard ?
Il n'y a pas de modification par rapport à la loi de finances !
(L'article 60 quater est adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour défendre l'amendement n° 146 .
Avec cet article, la question posée est celle de la preuve de l'élément intentionnel de l'infraction commise par le donneur d'ordre. Celui-ci n'a pas l'obligation de vérifier la sincérité et l'authenticité des documents remis par son cocontractant. En outre, l'utilisation de l'adverbe « sciemment » laisse aux donneurs d'ordre toute latitude pour s'exonérer de leur responsabilité.
Le Gouvernement et la majorité affichent leur intention de lutter contre le recours au travail dissimulé et aux travailleurs sans titre. C'est pourquoi je voudrais qu'ils me répondent sur le contenu de cet article 62.
L'amendement n° 147 vient d'être défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Si j'ai bien compris, c'est toujours le même débat qui revient autour du mot « sciemment ». Avis défavorable.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
(L'amendement n° 147 n'est pas adopté.)
(L'article 62 est adopté.)
Cet article a été inséré dans le texte par la commission des lois du Sénat. Il va dans le bon sens, puisqu'il prévoit que les salariés ne peuvent subir une rupture ou une suspension de leur contrat de travail, ni même aucun préjudice pécuniaire, lorsque l'établissement qui les emploie s'est vu ordonner par décision judiciaire sa fermeture provisoire, sur le fondement du 4° de l'article 131-39 du code pénal, en raison d'infractions graves et répétées touchant au travail illégal. Je pense qu'il était utile d'adopter une telle disposition. J'aimerais recueillir l'avis du rapporteur et du Gouvernement sur cet article.
Je suis bien sûr favorable à cet article. Je signale à Mme Mazetier que, dans le texte initial, cette disposition se trouvait à l'article 66. En réalité, c'est par un phénomène de ripage que l'article 66 est devenu l'article 62 bis.
(L'article 62 bis est adopté.)
L'article 63 prévoit de sanctionner pénalement la méconnaissance par l'entrepreneur principal titulaire du marché de son obligation, née de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, de « faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ».
La nouvelle infraction qui est créée, constatée par les agents de contrôle du travail illégal, serait passible d'une amende de 7 500 euros, ce qui n'est vraiment pas dissuasif quand on songe aux économies que le non-respect des règles de sous-traitance permet de réaliser.
En première lecture, nous proposions d'instaurer le principe, non pas d'une amende forfaitaire, mais d'une amende par travailleur illégal et par mois travaillé. Voilà qui serait dissuasif et punitif.
Nos collègues sénateurs ont d'ailleurs souligné, à titre de comparaison, que la LOPPSI 2 a prévu de sanctionner le délit de vente à la sauvette de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 euros.
J'ajoute que, dans le présent projet de loi, vous avez prévu, à l'article 21 ter, sur la base de motifs extrêmement aléatoires – que l'actuel rapporteur du texte avait jugés, en première lecture, avec beaucoup d'ironie et de distance –, de punir le mariage gris, le défaut d'intention matrimoniale, d'une amende de 30 000 euros.
Par contre, quand il s'agit de lutter contre le travail dissimulé et, en l'occurrence, de sanctionner la méconnaissance par l'entrepreneur principal titulaire du marché de son obligation de « faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage », vous ne prévoyez plus qu'une amende forfaitaire de 7 500 euros !
Nous, nous ne proposons pas une amende forfaitaire, mais une amende par travailleur illégal employé et par mois travaillé. Alors, nous verrons des changements.
Défavorable aux amendements, car ils vont un peu trop loin. En effet, la responsabilisation est trop grande dès lors que les relations contractuelles illégales lient les salariés étrangers sans titre au sous-traitant et non au donneur d'ordre. J'ai eu l'occasion de m'expliquer à ce sujet tout à l'heure.
Les formalités qui seraient imposées aux maîtres d'ouvrage et aux donneurs d'ordre seraient trop lourdes et excèderaient, de toute évidence, le champ de leur autorité. L'État n'a pas à déléguer aux acteurs économiques la police du travail illégal. Ne transformons pas le débat en attribuant aux employeurs des faits et des suspicions dont ils sont en général victimes plus qu'auteurs.
Je signale qu'il ne reste plus que onze minutes de temps de parole au groupe SRC, puisque nous sommes en temps législatif programmé.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour défendre l'amendement n° 198 .
L'article 64 confère aux agents de contrôle du travail illégal les mêmes prérogatives pour l'ensemble des infractions de travail illégal, y compris le recours à l'emploi d'étrangers sans titre de travail. Cette possibilité est rejetée par la plupart des agents concernés.
Je profite de cette occasion pour interroger le rapporteur et le ministre sur des méthodes de contournement de tous les dispositifs, utilisées par des employeurs de particulièrement mauvaise foi mais qui trouvent toujours des solutions frauduleuses. On nous a ainsi signalé – je ne sais pas si le ministre en a eu connaissance –la multiplication des découvertes, lors de contrôles, de situations illégales d'auto-entrepreneurs. Ainsi on trouve, à la plonge ou au ménage, des sous-traitants qui, comme par hasard, sont des étrangers en situation irrégulière, qui ne maîtrisent pas forcément très bien le français, mais qui se sont institués en auto-entrepreneurs !
Notre petit doigt, et les partenaires sociaux ou les organisations syndicales de défense des travailleurs de ces filières et de ces métiers, nous disent que rien n'a été prévu, en matière de sanctions, contre les employeurs. Nous n'avons pas anticipé cette ruse de suggérer à son salarié de s'instituer en auto-entrepreneur, ce qui exonère l'employeur régulier, unique commanditaire des prestations assurées par l'auto-entrepreneur, de toute peine et de tout risque.
Monsieur le ministre, qu'est-il envisagé pour lutter contre cela ?
Il existe une qualification délictuelle pour répondre à la situation que vous indiquez, celle de l'utilisation de faux statuts.
L'utilisation de faux statuts n'incrimine pas forcément le commanditaire, c'est-à-dire l'employeur dissimulé. Or nous sommes dans le cas d'un employeur dissimulé qui a imposé à son salarié d'être auto-entrepreneur, alors que les syndicats nous expliquent qu'il s'agit de personnes qui maîtrisent à peine le français.
Précisément, cela requalifie la relation de travail entre l'employeur et le salarié.
J'écoute notre collègue Sandrine Mazetier avec beaucoup d'attention. Je comprends le sens de tous ses amendements qui tendent à lutter contre le travail illégal. Or tel est bien l'objectif politique de ce texte : tout en transposant la directive il affiche notre volonté de combattre le travail illégal.
Vous proposez des amendements visant à perfectionner le dispositif proposé, mais nul ne peut nier qu'il constitue déjà un progrès.
Tout à l'heure, nous avons refusé d'ajouter le mot « sciemment », alors que nous savons bien que l'intention est un élément constitutif de l'infraction sans lequel on ne peut pas engager la responsabilité. Maintenant, vous vous en prenez à la notion d'auto-entrepreneur.
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais nous avons été un certain nombre de parlementaires à être extrêmement vigilants sur ce dispositif, puisqu'il a été un peu détourné de sa fonction originelle.
Le Gouvernement nous a écoutés en imposant, au cours de ces derniers mois, des conditions de qualification et de contrôle, ainsi qu'une obligation déclarative. Ce système vise bien à combattre tout travail illégal et il serait préférable que l'on se rassemble sur cet affichage politique.
Par la suite, rien n'empêchera de faire un bilan d'étape de l'application de la loi, et, si le dispositif que l'on vote est insuffisant, de l'améliorer.
(L'amendement n° 198 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(Les amendements n°s 199 et 200 , repoussés par la commission et le Gouvernement,et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour soutenir l'amendement n° 201 .
Nous allons voir si M. Hunault va voter cet amendement, puisqu'il propose justement une forme de bilan d'étape !
Le recours à des travailleurs sans titre n'est pas une nouveauté. Nous proposons donc que soient identifiés régulièrement, sur la base d'une analyse des risques, les secteurs d'activité dans lesquels se concentre l'emploi irrégulier de ressortissants étrangers, et que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur le nombre d'inspections, tant en chiffres absolus qu'en pourcentages, des employeurs pour chaque secteur, réalisées au cours de l'année précédente, ainsi que leurs résultats.
Très manifestement, il n'y a pas de travail dissimulé en tous lieux et en tous temps, mais il se concentre dans quelques secteurs, toujours les mêmes. Il faudrait affiner nos réponses sur la base de ces informations.
Je suis sûre que M. Hunault va voter cet amendement qui satisfait la suggestion qu'il vient de faire.
Il existe déjà un rapport, madame Mazetier. Je reconnais qu'il est incomplet, mais il donne quelques indications, dans l'index 93 et 94 du rapport annuel sur la politique d'immigration.
Tout en étant défavorable à votre amendement, j'indique au Gouvernement qu'il serait bon de muscler les indicateurs en question pour répondre à la préoccupation légitime de Mme Mazetier.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement puisque le rapport existe, réalisé sous l'égide de la commission nationale de lutte contre le travail illégal. Cela étant, je concède volontiers que ce rapport pourrait être plus détaillé, pour répondre à vos préoccupations, et je demanderai à mon collègue en charge du travail de faire en sorte qu'il en soit ainsi.
L'article 66 vise à transposer l'article 7 de la directive 200952, qui oblige les États membres à prévoir, dans leur législation interne, une sanction de fermeture temporaire ou définitive des établissements employeurs d'étrangers sans titre, ou d'un retrait temporaire ou définitif de la licence permettant de mener leur activité, si cela s'avère justifié par la gravité de l'infraction.
Cet article constitue la base juridique d'une sanction de fermeture administrative de moins de trois mois frappant les établissements ayant employé des étrangers sans titre. Cependant, cette sanction administrative de fermeture provisoire ne pourra s'appliquer aux établissements des employeurs qui auront satisfait à toutes les vérifications préliminaires exigées par la loi, sur la base de titres frauduleux ou présentés frauduleusement par leurs salariés, sans intention de participer à la fraude.
Il s'agirait de protéger les employeurs de bonne foi, si nous avons bien compris. Cependant on ne peut qu'être dubitatifs face à une telle exonération, que les sénateurs avaient d'ailleurs supprimée. En effet, s'agissant de sanctions appelées à s'appliquer à des employeurs recourant massivement, et de manière répétée, à l'emploi d'étrangers sans titre, la notion de bonne foi semble pour le moins hypothétique, pour ne pas dire contradictoire, voire totalement hypocrite.
C'est la raison pour laquelle nous considérons que l'exonération de la sanction de fermeture administrative des établissements d'employeurs de travailleurs sans papiers doit être supprimée. Elle revient à permettre aux employeurs de se blanchir en prétendant avoir été abusés par leurs salariés, ce qui revient à faire porter toute la responsabilité juridique aux seuls étrangers sans papiers.
Nous avons déjà débattu de ce sujet avec Mme Mazetier. Franchement, la directive ne me convient pas du tout dans ce domaine. Je comprends parfaitement les réticences de nos collègues, mais nous n'avons pas le choix, car il n'est pas possible de déroger à l'article 7 de la directive 200952. Nous sommes par conséquent obligés de nous soumettre.
Cela dit je pense effectivement que cette décision est totalement absurde.
Même avis.
La parole est à Mme George Pau-Langevin pour défendre l'amendement n° 174 .
Il me semble important, lorsqu'une personne publique s'aperçoit que l'un de ses sous-traitants n'a pas respecté les clauses de marché et a employé des salariés en situation irrégulière, qu'il puisse être mis fin au marché. Ce serait une possibilité pour les collectivités d'assumer leurs responsabilités en la matière.
Cet amendement est déjà satisfait. Avis défavorable.
(L'amendement n° 174 n'est pas adopté.)
(L'article 67 est adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin pour soutenir l'amendement n° 184 qui tend à la suppression de l'article.
Nous souhaitons que soit redéfinie la notion de « pays d'origine sûr ». Lorsque le pays d'origine sûr est identifié, nous savons que la procédure est accélérée et les droits des demandeurs ne nous semblent pas être suffisamment respectés.
Par conséquent, nous demandons que cette procédure prioritaire, qui restreint les droits des demandeurs d'asile, ne soit plus utilisée, d'autant que, très souvent, nous ne sommes pas d'accord sur la liste des pays considérés comme sûrs.
Il est paradoxal que les groupes de gauche du Sénat aient voté le contraire de la proposition faite par Mme Pau-Langevin.
C'est un atout de se rallier à ce concept communautaire essentiel à la rationalisation des procédures d'examen des demandes et de ne pas en changer.
Avis défavorable.
Cette disposition proposée au Parlement ne prive les personnes ni du droit à demander l'asile ni de celui à obtenir une protection. Elle se limite à aménager les modalités procédurales d'examen de leur demande d'asile, en les soumettant à la procédure prioritaire lorsqu'elles refusent de donner la moindre indication sur leur identité ou altèrent, par exemple, leurs empreintes digitales.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement
(L'amendement n° 184 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de trois amendements, nos 188 , 185 et 183 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Ces amendements sont défendus.
(Les amendements nos188 , 185 et 183 rectifié , repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Avis défavorable.
(L'amendement n° 194 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Paul Langevin, pour soutenir l'amendement n° 195 .
Cet amendement est important car, après avoir visité beaucoup de locaux de rétention, nous nous sommes aperçus que certains d'entre eux sont peu connus. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait dénoncé un certain nombre de lieux de rétention, qui lui semblaient tout à fait indignes.
Pour l'instant, le contrôleur des lieux de privation de liberté est sauvé.
Il n'existe pas de liste exhaustive des IRA. Or son établissement nous paraît essentiel. Le mieux serait qu'un rapport qui fasse l'inventaire complet de tous ces lieux soit soumis au Parlement.
Je ne pense pas que ce soit nécessaire, car le délai de cinq jours laissé actuellement pour le centre de rétention permet largement de formuler la demande d'asile.
Avis défavorable.
La parole est à Mme George Pau-Langevin pour défendre l'amendement n° 192 .
Nous souhaitons que le droit au travail soit ouvert aux demandeurs d'asile. Il semble conforme à l'intérêt général que ce droit leur soit accordé plus facilement.
La remarque formulée par Mme Pau-Langevin est pleine de bon sens et elle me préoccupe personnellement beaucoup.
Nous sommes actuellement totalement démunis. Les procédures extraordinairement longues placent ces personnes dans des situations terriblement délicates. Le fait d'être demandeur d'asile sans moyens donne des perspectives de vie très difficiles.
Nous n'avons pas, pour le moment, les arguments juridiques, les moyens contractuels pour régler cette situation particulière. J'appelle donc le Gouvernement à trouver une solution dans les plus brefs délais pour cette situation, qui n'est pas tenable et peu compatible avec la bonne foi présumée des vrais demandeurs d'asile.
Dans le droit actuel, le demandeur d'asile peut solliciter d'ores et déjà la délivrance d'une autorisation provisoire de travail dans deux hypothèses : premièrement, lorsque l'OFPRA n'a pas statué dans un délai d'un an suivant l'enregistrement de sa demande de la reconnaissance de réfugié ; deuxièmement, lorsque le demandeur d'asile a formé un recours devant la commission nationale du droit d'asile contre une décision de rejet de l'OFPRA.
J'ajoute que les demandeurs d'asile bénéficient, pour le reste, de conditions d'accueil qui leur permettent de subvenir à leurs besoins. Je suis défavorable à cet amendement. Cependant, je reconnais très volontiers la complexité de ce problème.
(L'amendement n° 192 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 193 , défendu, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin pour défendre l'amendement n° 190 .
Je dois apporter la même réponse que précédemment : il faudra peut-être muscler le rapport annuel remis sur l'immigration.
Avis défavorable.
Le Gouvernement transmettra dans les tout prochains jours le septième rapport annuel au Parlement.
(L'amendement n° 190 n'est pas adopté.)
(L'article 75 est adopté.)
Nous proposons de supprimer cet article, car ses dispositions visent à placer l'établissement public Campus France sous la tutelle du ministre chargé de l'immigration, sans doute pour faire mieux la chasse aux étudiants étrangers en situation irrégulière ou non.
Nous considérons que cet article doit être supprimé. Monsieur le rapporteur, le Sénat ne devait pas mal travailler, car il en avait décidé ainsi. J'ai hâte de vous entendre qualifier les conditions dans lesquelles il a travaillé.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l'amendement n° 177 .
Je tiens à apporter mon soutien à l'amendement de suppression défendu par M. Roland Muzeau et qui est identique à deux autres amendements, déposés respectivement par Mme Tabarot et par M. Christ qui n'ont pu venir les défendre.
La question de la tutelle sur le nouvel établissement public Campus France a en effet été longuement étudiée au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, dont je fais partie, dans le cadre du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État.
La commission avait estimé qu'une tutelle partagée entre trois ministères ne serait pas gage d'efficacité et pourrait contribuer à un déficit de pilotage stratégique sur le nouvel opérateur. La double tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministère des affaires étrangères me semble suffisante.
La commission des lois a voté différemment, mais le rapporteur, à titre personnel, est favorable à la suppression de la tutelle du ministère chargé de l'immigration.
Le ministère chargé de l'immigration n'est pas particulièrement attaché à cette tutelle. (Sourires.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
En conséquence l'article 75 bis A est supprimé..
Cet amendement a pour objet de supprimer une disposition visant à généraliser l'utilisation de la visioconférence à la Cour nationale du droit d'asile, non seulement dans l'outre-mer, comme le prévoyait le texte de l'Assemblée nationale, mais également en France métropolitaine. Le texte apporte certes des garanties – présence de l'avocat aux côtés du demandeur, consentement de l'intéressé, audience dans un lieu de justice, communication de l'intégralité du dossier, procès-verbal ou enregistrement audiovisuel de la séance –, mais cela pourrait conduire à mener par visioconférence entre un tiers et la moitié des audiences.
La visioconférence ne permet pas la même qualité des débats et des échanges dans un contentieux où l'oralité joue un rôle essentiel. Ces déclarations portent sur des faits souvent particulièrement douloureux. Les aborder par le biais d'une caméra et d'un écran vidéo risque d'être une gageure pour les requérants.
La distance entre les lieux de vie des demandeurs et la CNDA située à Montreuil-sous-Bois n'est pas un motif pour mettre enoeuvre ces dispositions, car les demandeurs ne sont amenés à se rendre à Montreuil qu'une fois ou deux, en cas de renvois, et les frais de voyage sont souvent pris en charge par les CADA.
La réduction de la durée des procédures n'apparaît pas un argument pour adopter cette disposition, car le délai d'instruction à la CNDA est lié à des questions d'organisation et au manque structurel de rapporteurs chargés d'instruire les recours. Des mesures ont été prises par la loi de finances avec+ l'arrivée de trente rapporteurs et d'un audit d'organisation.
Avis défavorable, encore que je comprenne parfaitement les préoccupations de notre collègue.
Cet article tend à autoriser l'utilisation des moyens de télécommunication audiovisuelle. Le développement du recours à la visioconférence est apparu de nature à faciliter l'accès à la CNDA des requérants qui n'ont pas les moyens de se rendre dans des locaux dont par ailleurs l'organisation peut prêter à confusion.
Puisque l'on vous a invité à visiter un centre de rétention, monsieur le ministre, je vous suggère d'aller voir ce qui se passe à la CNDA.
Qui plus est, c'est à Montreuil ! (Sourires.)
Ses locaux mériteraient vraiment d'être réaménagés.
Cela étant, la visioconférence doit être encadrée : salles d'audience ouvertes au public, situées dans des locaux relevant du ministère de la justice ; copie de l'intégralité du dossier ; présence physique de l'avocat.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, considérant que la visioconférence élargit le droit des requérants.
Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, l'extension non maîtrisée de ces audiences ?
Il sera toujours temps que nous en fassions une évaluation. Toujours est-il que cela peut faciliter les choses pour les personnes qui auraient de longs déplacements à faire. Cela peut également élargir le registre du choix des avocats, ce qui est encore un droit.
C'est la raison pour laquelle je persiste à être défavorable à votre amendement.
Nous avons beaucoup de retard en ce domaine. Si elle est bien encadrée, la visioconférence n'est pas forcément un inconvénient pour le rendu de la justice. Elle peut être aménagée de manière très positive.
En tout état de cause, cela nécessite une véritable réflexion qu'il faut mener rapidement parce que nous en avons besoin.
Cet amendement a pour objet de supprimer la disposition ajoutée par le Sénat qui subordonne le recours à l'utilisation des moyens de communication audiovisuelle devant la CNDA au consentement des requérants.
Le consentement des requérants qui se pourvoient devant la CNDA pour l'utilisation de la visioconférence n'est pas une condition sine qua non du respect du droit au procès équitable posé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que les autres garanties apportées par le Sénat – salles, publicité des audiences, enregistrement, accès aux pièces du dossier – sont conservées.
L'article 706, alinéa 71 du code de procédure pénale, qui régit le recours à la visioconférence dans toutes les procédures judiciaires et les phases d'enquête ne prévoit pas, lui non plus, une telle exigence de consentement préalable. Nous aurions ainsi un alignement sur le code de procédure pénale et non une situation exceptionnelle qui pourrait être discriminatoire.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter l'amendement qui a été déposé par mon collègue Jean-Paul Garraud et que j'ai repris à mon compte.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
La visioconférence, monsieur Muzeau, s'est développée devant les juridictions judiciaires. En l'espèce, il n'y a qu'une seule juridiction : la CNDA. Les premières évaluations sont assez positives. Ce dispositif évite des déplacements gênants, préjudiciables au bon fonctionnement de la justice. Avant l'instauration de la visioconférence, il fallait faire de longs trajets pour quelques minutes seulement de comparution procédurale. Tout cela mérite donc d'être considéré attentivement.
À ce stade, il n'y a aucune raison d'être négatifs.
(L'amendement n° 231 est adopté.)
(L'article 75 ter, amendé, est adopté.)
Sur le vote de l'amendement n° 179 , à l'article 84, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Avec l'article 75 quater, nous sommes en droit de nous demander quel est son lien avec un projet de loi qui porte sur l'immigration, l'intégration et la nationalité.
Cet article dispose en effet que le soin de faire respecter les symboles républicains lors des cérémonies de mariage fait partie des pouvoirs de police du maire et est de nature à permettre à ce dernier de faire un rappel à l'ordre verbal en cas de troubles, faculté dont au demeurant il dispose déjà. À titre personnel, j'en ai déjà usé.
Il s'agit en fait d'un véritable cavalier législatif qui ne trouve sa justification que dans quelques amalgames assez pénibles que certains se complaisent à établir entre immigration et opposition à la République, entre mariages mixtes et mariages gris.
Bref, il s'inscrit dans la vision fantasmagorique et très dangereuse d'une identité nationale en péril construite en opposition à l'étranger.
Enfin, si l'on ne peut contester la réalité du problème soulevé, il est aisément géré par les élus locaux.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 178 .
Cet article est l'exemple même du cavalier législatif. Il est le reflet de la fraction de ceux qui ont fait adopter ces dispositions qui ont été supprimées par le Sénat, avec un avis favorable du Gouvernement.
Un tel article n'a rien à faire dans ce projet de loi. En outre, le code général des collectivités locales comporte des dispositions qui permettent aux maires de prendre les mesures de police nécessaires pour empêcher le tumulte dans les assemblées publiques. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
La commission a émis un avis défavorable.
Cependant les remarques de nos collègues sont pleines de bon sens. La procédure législative n'étant pas terminée, nous en discuterons en CMP avec nos collègues sénateurs.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 179 qui fera l'objet d'un scrutin public.
Cet amendement adopté en première lecture par la commission des lois avec l'aval du rapporteur de l'époque est devenu l'article 1er A.
Nous le représentons parce qu'il avait été balayé en séance publique. Son seul objet était d'introduire de la sérénité dans notre débat sur les enjeux des dynamiques migratoires et de favoriser notre capacité d'anticipation.
Nous proposons que, tous les trois ans, le Parlement débatte d'une loi d'orientation et de programmation de la politique migratoire de la France. Il s'agit de sortir ce sujet de la polémique et de l'instrumentalisation permanentes.
La politique migratoire ne doit pas être taboue et faire l'objet de polémiques incessantes comme celles auxquelles nous assistons régulièrement. Ce serait donc à l'honneur du Parlement que d'associer en amont tous les acteurs concernés : les partenaires sociaux et les collectivités. Les territoires assurent en effet l'accueil et l'insertion des populations étrangères. Pourtant, ils sont étrangement seuls pour accomplir cette mission qui leur est assignée. Associer l'université serait également un élément positif.
La disparition du ministère de l'immigration nous évitera d'avoir un débat budgétaire biaisé. Nous devrions pourtant pouvoir nous pencher sur « l'orange » budgétaire qui donne des indications sur la transversalité de la politique. Or ce document révèle que 45 % des sommes consacrées à la politique migratoire sont destinées à l'enseignement supérieur. À aucun moment, il n'en a été question, mise à part la brève évocation de Campus France, ce qui est tout à fait regrettable.
Tous les trois ans, nous devrions débattre sereinement sur les moyens que nous souhaitons consacrer à la politique migratoire de la France et à ses enjeux, faire le point sur les échecs comme sur les succès. Ensemble, nous pourrions rechercher les bonnes solutions. Les temps changent : les mesures qui ont été efficaces à un moment donné peuvent ne plus l'être à un autre.
Cet amendement, que nous déposons en clôture de notre débat, résonne comme un voeu : celui de retrouver un peu de paix et d'efficacité dans la manière de traiter les enjeux des dynamiques migratoires, de discuter de la place de la France dans la compétition internationale et des règles qu'elle peut édicter en la matière en les rendant efficaces et justes à l'instar de ce que l'ensemble des parlementaires tentent de faire dans leur action.
Hélas, hélas ! (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame Mazetier, nous sommes obligés de respecter l'avis du Conseil constitutionnel. Je peux vous assurer que je le fais de mauvaise grâce. En effet sa décision du 20 novembre 2003 a censuré d'office une disposition similaire au motif suivant : « En l'absence de dispositions constitutionnelles l'y autorisant, il n'appartient pas au législateur d'imposer l'organisation d'un débat en séance publique. Une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement ou chacune des assemblées selon les cas tiennent de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour. »
Au regard de la limpidité de ces motivations, je vois mal comment le Conseil constitutionnel pourrait revenir sur une jurisprudence aussi ferme. C'est du reste l'attitude du Sénat.
Il y a pourtant des exemples, notamment celui de la loi bioéthique qui prévoyait un rendez-vous fixe !
Toutefois, il existe une autre possibilité.
Je suis en effet intimement convaincu qu'il est nécessaire d'organiser régulièrement des débats sur la politique migratoire. Il existe même une solution à laquelle je suis très favorable et qui mériterait que nous y réfléchissions : c'est que, dans le cadre des niches parlementaires mises à l'ordre du jour lors des semaines de contrôle, un groupe de la majorité ou de l'opposition se propose d'organiser ce débat. Le Gouvernement, s'il accepte d'y réfléchir, n'y verra sans doute pas d'inconvénient.
C'est, en tout état de cause, la seule solution, même si elle n'est pas constitutionnelle. Je m'engage, pour ma part, à la promouvoir, car je partage le sentiment de la nécessité d'élaborer notre politique migratoire devant l'Assemblée et devant la nation, en toute transparence. C'est la seule solution que je puisse vous proposer, puisque le Conseil constitutionnel ne m'autorise malheureusement pas à donner un avis favorable à votre amendement.
Ce n'est pas ce que vous nous dites depuis trois jours : l'avis du Conseil constitutionnel n'a pas paru vous préoccuper au cours de ce débat !
Je partage tout à fait le sentiment exprimé par M. le rapporteur au sujet de l'avis du Conseil constitutionnel. Cela étant dit, le Gouvernement considère que la politique de l'immigration est extrêmement importante de par les enjeux considérables qu'elle comporte pour notre pays. Il ne verrait donc que des avantages à ce qu'un débat soit organisé.
Du reste, le Gouvernement fournit chaque année au Parlement un rapport qui pourrait constituer la base d'un tel débat. Je suis sûr que, à l'intérieur de l'ordre constitutionnel créé par la dernière révision, nous pourrions aisément trouver les espaces permettant d'organiser ce débat, même si celui-ci ne peut pas, constitutionnellement, être prévu à l'avance par la loi.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Je vous précise que vous ne disposez plus que de trente secondes.
J'ai bien entendu les réponses de M. le ministre et M. le rapporteur, mais je considère que le fait d'organiser un débat de vingt minutes lors d'une après-midi n'a rien à voir avec le fait de discuter d'une loi d'orientation et de programmation tous les trois ans, évaluant le dispositif et créant de la stabilité dans les règles.
Notre politique est illisible par un certain nombre d'acteurs, auxquels elle s'adresse pourtant. Elle est dure pour ceux qui nous rejoignent et crée, comme je n'ai cessé de le répéter, de l'instabilité et de la précarité, ce qui n'est bon pour personne. Si le Parlement ne peut pas enjoindre, le Gouvernement doit pouvoir se prononcer sur l'opportunité d'une loi d'orientation et de programmation dont l'existence nous permettrait d'évaluer les règles existantes et nous éviterait d'en changer à tout propos.
Comme je l'ai déjà souligné, nous sommes à nouveau en train de modifier les règles, alors même que certaines lois adoptées en 2007 n'ont jamais été évaluées et mises en oeuvre.
Même s'il me reste un peu plus d'une heure de temps de parole, je vous rassure : je n'ai pas l'intention de l'utiliser intégralement ! (Sourires.)
Je tiens simplement à réagir aux réponses qu'ont données M. le ministre et M. le rapporteur à l'amendement de Mme Mazetier. Je crois que nous devons élaborer la loi convenablement et que s'il n'est pas constitutionnel de voter cet amendement, il est normal de ne pas le voter.
À titre personnel, je veux souligner que les réponses de M. le ministre et de M. le rapporteur ont été à l'image des conditions dans lesquelles nous avons légiféré durant ces deux jours sur un sujet extrêmement difficile. Nous avons eu des moments de désaccord sur le fond d'une question essentielle, une question faisant appel aux valeurs de la République et à un idéal commun qui, quelle que soit notre place dans l'hémicycle, nous lient les uns aux autres.
Nous avons abordé des sujets extrêmement difficiles et transposé les directives de l'Union européenne avec une exigence constante, celle d'assurer la dignité de toutes les personnes, quelles qu'elles soient. Il y a eu des désaccords et même, parfois, des propos excessifs de part et d'autre, mais, avant que nous ne passions au vote de ce dernier amendement, je tiens à souligner la qualité de nos travaux et, surtout, l'atmosphère dans laquelle ils se sont déroulés.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 179 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 24
Nombre de suffrages exprimés 24
Majorité absolue 13
Pour l'adoption 6
Contre 18
(L'amendement n° 179 n'est pas adopté.)
(L'article 84 est adopté.)
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi, et en arrivons aux explications de vote personnelles.
Je rappelle que chaque intervenant ne dispose que de cinq minutes.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Effectivement, ces explications de vote personnelles font partie des délices de notre règlement : si le temps programmé nous interdit de prendre la parole autant que nous le souhaiterions au cours du débat – ce qui nous empêche de traiter certains sujets –, nous disposons en revanche de cinq minutes d'explications de vote individuelles à la fin du débat.
Ce projet de loi que nous examinons en deuxième lecture – énième texte sur la même question – est, comme chacun a pu le constater, inadapté à la situation à laquelle nous sommes confrontés du fait de l'actualité. Il s'agit pourtant d'un sujet qui mériterait d'être abordé de manière sérieuse, sereine, et même avec un certain enthousiasme. La France dispose en effet d'atouts pour relever le défi de la mobilité mondiale, laquelle concerne 3 % de la population mondiale se déplaçant essentiellement des régions du Sud vers celles du Nord.
Notre pays a un rôle à jouer, une voix à faire entendre. Pour cela, nous avons tout intérêt à sortir de l'instabilité et de la polémique permanentes car, à ce jeu-là, tout le monde est perdant sauf les extrêmes, qui progressent, aucun problème concret n'est réglé, nos concitoyens sont inquiets et les objectifs affichés maintes fois par le Gouvernement sont loin d'être atteints.
Lorsqu'on adresse des signaux de dureté ou de non-respect des principes fondamentaux, comme cela a été le cas cet été, ou encore que l'on doute des valeurs constitutives de la République française, en particulier de l'article 1er de la Constitution, on ne donne pas envie aux forces vives de la planète, aux pays émergents – y compris aux populations des rives sud de la Méditerranée –, de nous rejoindre.
À terme, la France perdra des forces, la francophonie sera en recul et nous perdrons de notre pouvoir d'influence sur les élites de la planète. Rien, dans les dispositions du projet de loi, ne permet de relever ce défi. Nous avons dénoncé le caractère inconstitutionnel et non conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme des mesures dont est essentiellement composé ce texte. C'est pourquoi je voterai, comme l'ensemble de mon groupe, contre ce projet de loi.
Je ne mets pas en cause la courtoisie du ministre et du rapporteur, même si ce débat s'achève sur une note plus apaisée que ce que nous avons connu au cours des séances précédentes. Cela étant, force est de reconnaître que ce texte constitue une nouvelle escalade dans l'inacceptable. Les mesures proposées sur la déchéance de nationalité, sur la nationalité pour les jeunes issus de l'immigration, sur les procédures en matière de respect de droits des étrangers, constituent autant de reculs intolérables.
Nous n'avons pas pu faire le bilan des lois précédentes, puisque, si deux missions ont été désignées, le rapporteur s'est esquivé à chaque fois que nous avons cherché à les évoquer. Toutefois, si l'on nous demande constamment de revoir les textes en vigueur au motif de les renforcer, c'est bien que les dispositions votées en 2006 et 2007 se sont révélées inefficaces. Le texte que nous venons d'examiner va rendre encore plus difficile la vie de nombreux étrangers ou personnes issues de l'immigration et ne sera pas plus efficace que les mesures précédentes.
Depuis des années, nous insistons sur les actions qu'il conviendrait de mener, notamment dans les pays d'origine des immigrants, des actions qui pourraient constituer une véritable politique d'aide au développement et favoriser l'installation de la démocratie dans ces pays. Tant que ce gouvernement ne tiendra pas compte de l'orientation que nous préconisons et ne manifestera pas son intention de prendre à bras-le-corps les problèmes des populations dans leurs pays d'origine, toutes les mesures qu'il prendra n'auront pas d'autre effet que de « bunkériser » l'Europe.
Le présent texte me paraissant nocif et inefficace, je ne le voterai pas.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 15 mars, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, mardi 15 mars à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;
Commission mixte paritaire sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs au défenseur des droits ;
Deuxième lecture du projet de loi de modernisation des professions judiciaires ou juridiques ;
Projet de loi relatif à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma