La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, les salariés de la raffinerie des Flandres à Dunkerque occupent le site depuis hier. Toutes les raffineries Total sont en grève.
Ce combat légitime a le soutien des populations, et pour cause ! Le cynisme de ceux qui laissent nos régions avec toujours plus de chômeurs et de misère, ça suffit !
Roi du pétrole et des profits – près de 100 milliards d'euros en dix ans –, Total veut liquider un outil performant, supprimer 370 emplois directs, 450 emplois de sous-traitants et faire disparaître 25 % de l'activité du port de Dunkerque. Qui plus est, à une encablure de là, Total cède sa filiale GPN de Mazingarbe à un groupe espagnol, ce qui aboutira à la suppression de 78 emplois !
Plutôt que de prendre acte, comme votre ministre de l'industrie, de la fermeture de la raffinerie des Flandres, qu'attendez-vous pour interdire par la loi les licenciements de groupes qui, à l'instar de Total, amassent des bénéfices ou délocalisent leurs activités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Personne ne croit au projet de substitution que vous évoquez. On sait par expérience, dans le Nord-Pas-de-Calais, que c'est souvent du vent et de l'éphémère.
Les salariés de Total réclament des décisions avant les élections régionales. Ils ne sont pas dupes. Ils revendiquent le maintien du grand arrêt de maintenance prévu pour le mois de mars, faute de quoi on ne raffinera plus à Dunkerque pendant cinq ans, la nomination d'un médiateur et une concertation sur l'avenir du raffinage français.
La balle est dans votre camp : allez-vous continuer de céder au totalitarisme de la course au profit des actionnaires de Total, qui veulent faire passer le titre de 42 à 55 euros, ou allez-vous entendre les salariés de la raffinerie des Flandres ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur Bocquet, vous ne pouvez travestir ainsi la réalité de l'action du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Nous avons appris dans la précipitation, début décembre, que Total envisageait plusieurs pistes pour l'avenir de sa raffinerie des Flandres, et notamment sa fermeture, ce à quoi nous nous sommes immédiatement opposés. Car si nous pouvons comprendre – et qui ne pourrait le comprendre ? – que, du fait de notre politique de développement durable, l'activité fioul est appelée à baisser dans les prochaines années et qu'un groupe pétrolier comme Total doit, par le fait, songer à sa restructuration,…
…nous ne pouvons admettre que, lorsque lorsqu'on dégage 8 milliards d'euros de marge en 2009, les choix se fassent au détriment des salariés. Cela, le Gouvernement ne peut pas l'accepter. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Voilà pourquoi nous avons fait savoir à la direction de Total que nous nous opposerions à la fermeture de la raffinerie des Flandres sans solution de substitution…
qui garantisse un reclassement à compétence égale pour l'ensemble des salariés.
Aujourd'hui, Total propose des solutions : entre autres le maintien du dépôt, un centre d'assistance technique et un terminal méthanier en relation avec EDF.
Que m'auriez-vous dit, monsieur Bocquet, si nous avions laissé fermer brutalement la raffinerie des Flandres ? Tel n'est pas le cas. La raffinerie ne fermera pas tant que nous n'aurons pas de réelles solutions de substitution pour les salariés. Nous allons veiller en même temps à ce que l'emploi salarié des sous-traitants soit maintenu, et à ce que l'activité sur la plate-forme logistique du port de Dunkerque soit soutenue. Oui, monsieur Bocquet : la fermeté du Gouvernement est au rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.
Le vieillissement de la population lance à notre pays deux défis majeurs qu'il nous faut relever ; celui du financement de nos retraites, dont nous reparlerons prochainement, et celui de la prise en charge de la dépendance.
Une société se juge, au moins en partie, au sort qu'elle réserve à ses anciens, à qui nous devons notre qualité de vie. Le choix a été fait, à juste titre, de favoriser le maintien à domicile. De nombreux services ont été créés à cet effet : services de soins à domicile, aides ménagères, portage de repas, téléalarme, etc.
Les services, souvent associatifs, animés par des bénévoles, ont fait le choix justifié d'améliorer la qualité par la formation des intervenants, la qualification et la professionnalisation.
Mais, comme souvent, la tarification est déconnectée de la réalité, c'est-à-dire des besoins des personnes, du contenu des prestations et donc de leur prix de revient. Ces difficultés entraîneront des conséquences dévastatrices pour les personnes aidées, les structures de services et leurs salariés.
Une table ronde a été organisée fin décembre 2009 par la direction générale de l'action sociale. Toutes les organisations présentes ont demandé la refonte du système de financement de l'aide aux soins à domicile et la création d'un fonds d'urgence, regroupant les pouvoirs publics et les principaux financeurs, pour permettre le retour à l'équilibre financier des structures en grande difficulté. Ce fonds pourrait être abrité par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.
Le problème est important et urgent. Il concerne nos anciens, leurs familles, les associations et services. Madame la secrétaire d'État, que comptez-vous faire rapidement pour répondre à leur demande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le député, la situation de certaines associations qui se consacrent aux services à la personne est en effet très préoccupante. Comme vous le savez, il s'agit d'un secteur très complexe…
…qui fait appel à des financements privés et publics divers. Pour sa part, l'État déploie une aide de 6,5 milliards d'euros, compte tenu des abattements de charges sociales et des réductions d'impôt.
La table ronde organisée le 22 décembre dernier à ma demande par la DGAS a mis en évidence la nécessité d'un diagnostic précis et partagé. C'est pourquoi j'ai retenu deux axes de travail. Premièrement, une mission d'inspection associant l'IGA, l'IGF et l'IGAS (« Parlez français ! » sur les bancs du groupe GDR) évaluera le financement et la tarification des prestations. Deuxièmement, la CNSA et la DGAS procéderont conjointement à un état des lieux de l'offre de prestations, de l'efficience des structures, de la nature et de la qualité des prestations. Naturellement, je demanderai aux préfets de se faire l'écho des difficultés rencontrées sur le terrain.
L'aide à domicile soulève la question, plus large, des conditions de vie de nos aînés. C'est le sens de la politique que je compte lancer dès demain, le 18 février, afin de lever tous les obstacles au maintien des aînés à leur domicile dans les meilleures conditions et le plus longtemps possible. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrick Lebreton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. J'y associe notamment tous mes collègues députés ultramarins républicains.
Monsieur le Premier ministre, vous nous demandiez, hier, d'être des députés de la nation. À nous, aujourd'hui, de vous demander d'être des ministres de la République ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Mme Penchard est actuellement candidate aux élections régionales en Guadeloupe. À l'occasion d'un meeting dimanche dernier, elle a déclaré, de manière clientéliste, à propos des crédits affectés à l'outre-mer : « Cela me ferait mal de voir cette manne financière quitter la Guadeloupe au bénéfice de la Guyane, au bénéfice de La Réunion, au bénéfice de la Martinique », avant de poursuivre : « Je n'ai envie de servir qu'une population, c'est la population guadeloupéenne ». (« Scandaleux ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ces propos ont suscité un très vif émoi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La candidature de Mme Penchard aux élections régionales est bien entendu légitime, son engagement en faveur sa région d'origine est naturel. Toutefois, sa charge actuelle est celle de ministre de l'outre-mer, de tout l'outre-mer. Elle aurait dû être ministre non seulement de la Guadeloupe, mais également de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion et de Mayotte, de Saint-Pierre et Miquelon et des collectivités du Pacifique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Or, par ses déclarations, elle indique on ne peut plus clairement qu'elle entend utiliser les moyens ministériels au profit de ses ambitions politiciennes en Guadeloupe et, de fait, qu'elle se désintéresse des autres. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Par ces propos, inadmissibles, Mme Penchard se disqualifie totalement pour continuer à assumer sa charge de ministre de tout l'outre-mer : elle est hors jeu !
Monsieur le Premier ministre, ma question est donc simple : quand allez-vous annoncer la démission de Mme Penchard ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. (« Pin-pon ! Pin-Pon ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, cette petite polémique est dérisoire ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Extraire d'un discours une phrase pour tenter de jeter le discrédit sur la politique du Gouvernement pour l'outre-mer est contraire à l'esprit que je me fais de la démocratie. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La vérité, c'est que Marie-Luce Penchard est la ministre de tous les outre-mer ! (« Non, pas après ce qu'elle a dit ! » sur les bancs du groupe SRC.) Elle est y est d'ailleurs accueillie comme telle à chaque fois qu'elle s'y rend. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La vérité, c'est que Marie-Luce Penchard a été le principal artisan du conseil interministériel de l'outre-mer qui a porté à 1,5 milliard d'euros le niveau des aides que nous apportons au développement des territoires d'outre-mer.
La vérité, c'est qu'au moment où les résultats des deux référendums…
…qui ont été conduits à la Martinique et en Guyane clarifient de manière spectaculaire la question institutionnelle, Marie-Luce Penchard… (« Démission, démission ! » sur les bancs du groupe SRC.)
…et le Gouvernement sont concentrés sur un seul objectif : accroître la compétitivité des territoires outre-mer et réduire les inégalités (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), dont vous reconnaîtrez avec moi qu'elles ne datent pas d'aujourd'hui. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
La vérité, mesdames et messieurs les députés, c'est que le parti socialiste ne se pardonne pas de ne pas avoir nommé un ultramarin aux responsabilités de l'outre-mer ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous, nous l'avons fait et c'est notre fierté ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Jean-Louis Borloo ; j'y associe notre collègue Serge Poignant.
Monsieur le ministre d'État, lors du Grenelle I, nous nous sommes engagés unanimement, dans cet hémicycle, en faveur du développement des énergies renouvelables. En ce qui concerne plus particulièrement le photovoltaïque, notre engagement a permis de mobiliser nos concitoyens et de lancer des projets de développement sur tout le territoire.
Or un arrêté publié le 12 janvier dernier a semé le trouble en modifiant à la fois les conditions d'achat et les tarifs de rachat. Les parlementaires qui siègent sur tous les bancs de l'hémicycle en ont été alertés.
Vous avez organisé hier, monsieur le ministre, une réunion de concertation avec tous les parlementaires…
…et je vous en remercie. Cette réunion nous a permis de vous transmettre diverses informations et de formuler plusieurs propositions que je crois avisées.
À la lumière de ces propositions de bon sens, allez-vous prendre un nouvel arrêté ? Si tel est le cas, quelle en sera la nature ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le président Jacob, la France, vous le savez, s'est enfin mise sérieusement au photovoltaïque. Nous avons voté les textes nécessaires, les tarifs de rachat ont été négociés avec toutes les professions concernées, et nous avons eu le plaisir de constater que le nombre de demandes hebdomadaires excédait la puissance installée en France en 2007. Cette croissance très forte nous réjouit ; elle correspond aux engagements du Gouvernement.
Nous avons rédigé un nouvel arrêté. Ce sont les deux derniers mois précédant l'arrêté qui posent un problème,…
…non en ce qui concerne les contrats signés, qui seront naturellement tous honorés, sans rétroactivité, mais pour ceux qui font l'objet d'une simple demande d'information aux autorités départementales.
La concertation que vous évoquez nous a permis de clarifier la situation – permettez-moi d'en remercier la commission que vous présidez, ainsi que celle du président Ollier – et d'annoncer la publication du nouvel arrêté.
Je vous en donne la teneur : la signature de tous les contrats antérieurs à l'arrêté sera honorée ; durant la période intermédiaire, toutes les installations – essentiellement dans les exploitations agricoles – de moins de 36 kilowatts seront intégralement reprises, quelles que soient la date et la forme de la demande – quinze mille exploitations sont concernées. Les très grosses exploitations – produisant plus de 250 kilowatts – seront soumises aux nouveaux tarifs. Les autres, et seulement s'il est prouvé que la stratégie et le permis de construire ont été validés ou étaient en cours de validation durant la période transitoire, auront droit aux anciens tarifs. D'éventuelles hypothèses intermédiaires, notamment en ce qui concerne les exploitations agricoles, seront étudiées au cas par cas…
… avec la plus grande générosité ; ainsi en a décidé le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l'association interparlementaire France-Canada, qui vient de nous rejoindre, conduite par sa présidente, Mme Claudette Tardif. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous parler de politique industrielle. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Avec Marie-Odile Bouillé, ici même, la semaine dernière, et avec les élus responsables de la région et de Saint-Nazaire, nous ne cessons de vous interpeller depuis des mois à propos de l'avenir des chantiers navals.
Sept mille emplois sont directement concernés par votre décision. L'armateur MSC est prêt à commander deux paquebots, mais il a besoin pour cela de la garantie de l'État. C'est ce que les élus socialistes vous demandent depuis des mois ; or, jusqu'alors, le Gouvernement s'est dérobé.
Ni les élus, ni les syndicats, ni les salariés et leurs familles n'ont obtenu la moindre réponse. Et voilà que nous apprenons – miracle des élections – qu'une commande de bateaux serait imminente.
Or l'annonce ne vient ni de l'entreprise ni de l'État actionnaire, mais du candidat UMP en campagne à Saint-Nazaire ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, je trouve terrible qu'il faille attendre les élections pour que votre gouvernement s'occupe de l'entreprise et de ses salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais il serait encore plus terrible qu'il ne s'agisse que d'une annonce électorale sans lendemain, comme le laisse craindre la manière dont, trop souvent, le Gouvernement gère les dossiers industriels. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je le dis ici solennellement : Saint-Nazaire ne veut pas être le nouveau Gandrange ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, ma question sera très claire : oui ou non, confirmez-vous cette commande ? En outre, comment garantirez-vous durablement l'avenir des chantiers navals de Saint-Nazaire ? Il s'agit d'une question d'intérêt national, d'un enjeu stratégique pour notre politique industrielle et pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le président Ayrault, il est un point sur lequel nous sommes d'accord : il s'agit en effet d'une question nationale. Voilà pourquoi le Premier ministre lui-même n'a cessé de suivre ce dossier au jour le jour. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous rappelle que les chantiers navals connaissent de grandes difficultés dans le monde entier, en raison des difficultés auxquelles tous les armateurs sont confrontés. Néanmoins, l'État français n'a pas abandonné STX, il ne l'abandonne pas et ne l'abandonnera pas.
Nous n'avons pas abandonné STX lorsque nous sommes montés au capital et que nous avons pris une participation de 110 millions d'euros aux côtés de l'investisseur coréen.
Nous n'avons pas abandonné STX lorsqu'un bâtiment de projection et de commandement, le Mistral, a été commandé dans le cadre du plan de relance, sous l'autorité de Patrick Devedjian, ce qui a permis de maintenir la charge pour un montant total de 400 millions d'euros.
Enfin, nous n'abandonnerons pas STX dans les négociations très difficiles engagées entre les chantiers navals et l'armateur MSC, que vous avez mentionné, à propos de deux navires dont dépend la rentabilité du plan de charge. L'État sera présent comme actionnaire, mais aussi comme assureur de l'activité d'exportation. C'est à ce dernier titre qu'il apportera sa garantie, parallèlement aux efforts consentis par STX
En effet, la perspective de cette commande nous intéresse tous : il s'agit d'une cause nationale et nous nous préoccupons autant que vous des sept mille salariés concernés. Voilà pourquoi le Premier ministre tient beaucoup à ce que ce dossier soit réglé. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des petites et moyennes entreprises, nous nous apprêtons à examiner cet après-midi votre projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, projet capital tant sur le plan juridique que sur le plan économique.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allô ! Allô !
Sur le plan juridique, il apportera une protection essentielle aux entrepreneurs individuels, qu'ils soient commerçants, artisans ou qu'ils exercent une profession libérale, par la création d'un patrimoine spécifiquement affecté à leur activité professionnelle, distinct de leur patrimoine familial.
Sur le plan économique, ce texte, en faisant entrer dans le domaine juridique la notion de patrimoine affecté, permettra à chaque Français qui le souhaite de se lancer dans l'activité de création de richesses et d'entrer dans la dynamique de la croissance économique.
Les chiffres vous donnent raison, monsieur le secrétaire d'État : en 2009, sur 580 000 entreprises créées, 320 000 l'ont été sous le statut de l'auto-entrepreneur, ce qui est considérable. Les jeunes sont particulièrement concernés par cette initiative puisque 47 % d'entre eux déclarent que la création d'entreprise fait partie de leur projet de vie professionnelle.
Reste que les créations d'EIRL doivent être accompagnées par le crédit. Elles ne sauraient être victimes d'une raréfaction de crédit liée à la volonté de certaines banques de se « surgarantir » sur le patrimoine privé familial. Il importe donc que les banques accompagnent nos entreprises, comme nous les avons accompagnées lors de la crise financière.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour aider les banques à faciliter l'accès au crédit afin de contribuer à la réussite de I'EIRL ? Quelles dispositions envisagez-vous pour éviter que les objectifs de séparation du patrimoine ne soient remis en cause par la volonté de certains créanciers d'exiger des cautions et des garanties sur les biens familiaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Monsieur le député, grâce au Parlement, nous allons mettre fin ce soir à un véritable scandale français – et je pèse mes mots : pendant des années, des artisans, des commerçants, des professionnels libéraux, des agriculteurs ayant choisi le mode de l'entreprise individuelle ont été ruinés par la faillite de leur société.
La création du statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée permettra à l'entrepreneur d'affecter librement à son activité professionnelle une partie de son patrimoine, qui seule pourra être saisie. Autrement dit, le reste sera à l'abri des créanciers professionnels. Le mécanisme sera très simple : il consistera en une déclaration à la chambre des métiers ou à la chambre de commerce. L'entrepreneur individuel pourra ainsi éviter la ruine.
Vous me posez une question précise relative aux garanties. Le banquier peut en effet être tenté de demander une caution personnelle. Je vous l'annonce, nous avons établi un mécanisme en vertu duquel le banquier ayant choisi la caution personnelle ne pourra appeler OSEO en garantie. Autrement dit, OSEO renoncera à garantir à 70 % les crédits si la banque choisit la caution personnelle. Grâce à ce dispositif, non seulement, l'entrepreneur est protégé mais son accès au financement est facilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe du Nouveau Centre.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie.
Il n'aura échappé à personne que les travaux autour de la loi dite HADOPI n'ont pas été un long fleuve tranquille. Le Gouvernement avait promis une suite, « HADOPI 3 », et a mis en place la commission Zelnik pour formuler des propositions novatrices sur le financement pérenne de la culture à l'ère numérique.
Patrick Zelnik a remis son rapport au Gouvernement le 6 janvier dernier. Le lendemain, à l'occasion de ses voeux au monde de la culture, le Président de la République a évoqué deux des préconisations de ce rapport : la « taxe Google » et la saisine de l'Autorité de la concurrence sur le marché de la publicité en ligne.
Madame la ministre, il y a urgence à parler clair et à agir avec force dans ce secteur déterminant pour la croissance française. Google fait partie de la vie quotidienne des Français : 91 % des recherches effectuées sur le Net passent par son moteur de recherche. À cet égard, créer une taxe sur une entreprise de recherche en ligne pour financer la culture française nous apparaît à la fois illégitime et inapplicable.
Mieux vaut se tourner vers le marché de la publicité en ligne, qui est devenu un marché stratégique avec 650 millions d'euros de chiffre d'affaires et 30 % de croissance par an. Google y occupe une position dominante, avec plus de 80 % de parts de marché en France.
Il est urgent aujourd'hui de vérifier que Google n'abuse pas de cette position dominante. L'Autorité de la concurrence doit être saisie pour mener cette instruction. Patrick Zelnik l'a préconisé, le Président de la République l'a annoncé le 7 janvier.
Notre question sera directe, madame la ministre : qu'attendez-vous pour saisir l'Autorité de la concurrence afin de réguler le marché de la publicité en ligne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, à question directe, réponse directe : je saisis aujourd'hui même l'Autorité de la concurrence à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Vous avez raison de demander au Gouvernement quelles suites il entend donner aux préconisations du rapport Zelnik. Ces suites sont de deux ordres pour ce qui concerne mon ministère.
Il s'agit tout d'abord de la fiscalité. Mes services examinent actuellement de quelle façon établir une base fiscale pour taxer l'activité, notamment la publicité en ligne. C'est un domaine délicat, car il ne faut pas se tromper de cible. Une fiscalité imprécise risquerait d'affecter les éditeurs et les acteurs de la culture, si chers à l'ensemble d'entre nous et à Frédéric Mitterrand en particulier, avec lequel je travaille étroitement sur cette question.
Il s'agit ensuite de la position dominante, à propos de laquelle l'Autorité de la concurrence est saisie dès ce jour. Il lui reviendra d'examiner les pratiques en cause et les effets sur le marché et de déterminer, en cas de comportements prédateurs ou de mécanismes d'abus de position dominante, quelles suites donner et éventuellement quelles sanctions prendre. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, la crise économique s'amplifie avec son cortège de difficultés sociales : le chômage est et restera à la hausse cette année, les plans de licenciement se multiplient, le pouvoir d'achat est en chute libre et des centaines de milliers de chômeurs arrivent en fin de droits.
Au sommet social de lundi, la seule réponse apportée par le Président de la République à cette situation dramatique a été la tenue prochaine d'une table ronde sur le sujet, en application de la célèbre maxime de Clemenceau : « Pour enterrer un problème, on crée une commission. »
Or, selon les chiffres de Pôle Emploi, le nombre de chômeurs en fin de droits est estimé à 1 million en 2010. 26 % sont éligibles à l'allocation spécifique de solidarité et 22 % au revenu de solidarité active.
On notera que l'allocation RSA est versée par les conseils généraux et qu'il s'agit encore là d'un transfert de charges aux collectivités territoriales, dont l'État dénonce par ailleurs les dépenses pour justifier sa réforme scélérate.
Au bout du compte, ce sont 600 000 chômeurs qui seront sans ressources et verront leur sort dépendre du seul soutien familial.
Quant aux jeunes de moins de vingt-cinq ans, décidément fortement stigmatisés par votre politique, ils ne sont pas éligibles au RSA et subissent ainsi la double peine : ils n'ont droit à rien !
Le Président de la République, qui a su trouver des milliards d'euros quand il s'est agi de renflouer les banques, a déclaré lundi : « il ne s'agit pas de créer une allocation d'assistance de plus ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dans le même temps, il se refuse à remettre en cause le bouclier fiscal, l'assurance profit des amis du Fouquet's.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple et appelle une réponse claire : allez-vous vous obstiner à maintenir les privilèges d'une frange de nantis au détriment de toute une partie de la population qui s'enfonce dans la misère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Monsieur le député, la situation est suffisamment sérieuse pour qu'on y ajoute la caricature. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous le dis, nous nous saisissons du problème. Comme l'a annoncé le Président de la République, nous allons engager, avec les partenaires sociaux, une concertation sur ce sujet grave des demandeurs d'emploi en fin de droits à l'assurance chômage. Il faut avancer vite, mais je ne partage pas votre idée d'une table ronde qui enterrerait le problème. C'est précisément pour le traiter…
…que le Président de la République a décidé d'aller vite et d'avancer avec efficacité.
C'est vrai, il sera plus facile à un jeune de vingt-sept ans de trouver un emploi qu'à un senior. Le Président de la République a indiqué que l'allocation équivalent retraite serait reconduite de façon exceptionnelle en 2010, afin d'apporter une solution aux demandeurs d'emploi senior en fin de droits.
Mais, au-delà de ces gestes, notre priorité est de tout faire pour assurer le retour à l'emploi. Pour ce faire, nous devons utiliser toutes les modalités possibles, comme la formation ou les contrats aidés. Bref, il s'agit de donner à chacun les moyens de trouver un travail. Voilà pourquoi nous engageons ces discussions avec les partenaires sociaux, parce que nous croyons au dialogue social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. André Flajolet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, si de beaux esprits habitués à la critique ont essayé de vendre l'idée d'un échec du sommet de Copenhague, je constate que la plupart des thématiques environnementales qui étaient au coeur de ce sommet ont envahi l'espace politique au plus haut niveau.
Depuis de nombreux mois, vous êtes en croisade pour réaffirmer et convaincre de l'urgence de nouvelles régulations et de nouvelles gouvernances pour affronter en actes la dure réalité des problèmes qui se posent à l'humanité : accès à l'eau et à l'assainissement, développement des énergies renouvelables, développement solidaire, lutte contre la déforestation comme outil prioritaire de lutte contre le changement climatique.
En France, les discussions en cours sur le Grenelle veulent mettre en application les principes d'une gestion des ressources et de l'espace en bon père de famille et la nécessité d'investissements réparateurs du passé pour les pollutions historiques.
Le Nord-Pas-de-Calais, plus qu'aucune autre région de France, du fait de son passé et sa densité de population, mérite une politique audacieuse de reconquête environnementale, de traitement des déchets ou de réduction active des sources de pollution des déchets et la mise en place, en partenariat avec l'État, d'une véritable politique innovante de croissance verte et d'écotechnologie basée sur les emplois nouveaux et non délocalisables.
Ainsi, madame la secrétaire d'État, comme le confirme aujourd'hui un grand journal, toute une série de personnes souhaitent que l'État soit un partenaire exemplaire des collectivités territoriales et permette enfin de réaliser des opérations structurantes de sécurisation des personnes et des biens et de réaménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allô, allô !
Demain, Mme Létard sera dans le Pas-de-Calais en campagne pour les élections régionales !
Monsieur le député, vous avez rappelé combien les enjeux du développement durable doivent être facteur de cohésion sociale et de solidarité nationale, un constat et des études qui montrent que ce sont souvent les plus modestes qui se retrouvent les plus exposés aux risques environnementaux, mais également les plus démunis des moyens d'y faire face.
Un sondage, réalisé il y a quelques jours, indique que si 85 % des Français sont d'accord avec ce constat, ils ne sont plus que 56 % à penser que la croissance verte permettra d'améliorer la situation des plus modestes. Or, avec Jean-Louis Borloo, nous voulons que le développement durable et la solidarité soient indissociables. C'est l'objectif du pacte de solidarité dont nous avons annoncé les grands objectifs ce matin et qui repose sur trois valeurs fondamentales : la solidarité, la liberté, la citoyenneté.
Ce chantier, nous l'avons d'abord engagé autour des emplois verts parce que, en période de crise, l'emploi est essentiel. 300 millions d'euros seront mobilisés sur cette question.
Nous l'avons poursuivi avec la lutte contre la précarité énergétique : mieux isoler son logement et se chauffer, c'est tout à la fois aider les plus précaires et améliorer le bilan carbone de nos logements pour 450 000 ménages.
Le forum solidarité écologie qui s'est tenu ce matin a permis de rendre publiques les conclusions de trois rapports sur lesquels ont travaillé ensemble et pour la première fois des acteurs associatifs du monde de l'exclusion et de celui du développement durable. Ils ont réfléchi à la transformation des modes de vie et de consommation, à la qualité de vie dans les territoires, à la mobilisation sociale et citoyenne : accès à l'eau, l'énergie, à des transports plus durables. Le rendu de ces travaux est particulièrement riche. Il sera décliné en dix objectifs de travail et quatre débats citoyens seront organisés en régions.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Votre temps de parole est écoulé ! C'est fini !
La parole est à Mme Martine Martinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question, à laquelle j'associe mes collègues André Vézinhet et Armand Jung, s'adresse à Mme la ministre de la santé.
Le groupe Sanofi Aventis, n° 1 français, n° 1 européen, n° 5 mondial, entreprise la plus rentable du CAC 40, a vendu cette année pour 440 millions d'euros de vaccins contre la grippe H1N1. Malgré la crise, son chiffre d'affaires atteint 30 milliards d'euros et ses bénéfices 9 milliards.
En dépit de tels résultats, obtenus grâce, notamment, à des commandes de l'État et des aides publiques, pour des montants de plusieurs millions d'euros, le groupe Sanofi entend se réorganiser en 2010 en réduisant ses effectifs.
L'objectif est clair : réduire les coûts en supprimant des sites dédiés à la recherche en amont et en externalisant celle-ci, qui sera sous-traitée par des PME, voire délocalisée vers des pays émergents.
Le site toulousain du Cancéropôle est aujourd'hui directement menacé alors qu'il devait monter en puissance.
Les prochaines restructurations concerneraient 3 000 emplois, dont 1 300 dans la recherche.
La direction s'abrite derrière une explication peu convaincante : de nombreux brevets vont tomber dans le domaine public. Cette vision à court terme n'a qu'un seul but : le profit financier immédiat.
Fortement aidé par les pouvoirs publics, notamment grâce au crédit d'impôt recherche, Sanofi ne doit pas se désengager de la recherche fondamentale, mais s'attacher à demeurer un acteur stratégique de la santé publique.
Madame la ministre, quelle est votre détermination en ce domaine ? Comment comptez-vous rappeler à leur devoir les dirigeants de ce groupe florissant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la députée, le plan dont il s'agit, annoncé en juin dernier, porte sur près de 1 300 emplois,… (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous en prie, mes chers collègues, écoutez cette réponse importante.
… dont 850 dans la recherche et le développement et 450 dans les services administratifs.
J'ai reçu de la direction générale de Sanofi Aventis trois engagements particulièrement fermes.
Tout d'abord, il n'y aura pas de licenciements secs, les choses se feront sur la base du volontariat. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Par ailleurs, en aucun cas les sites implantés en France ne seront directement affectés, pas plus celui de Toulouse que celui de Porcheville, où je me suis rendu avec M. Christian Lajoux, président de Sanofi Aventis France, ni celui de Longjumeau qui, employant plusieurs milliers de salariés, est aujourd'hui le mieux placé face aux défis de l'avenir.
Rappelons que 30 % des salariés de Sanofi Aventis travaillent en France, où n'est réalisé que 10 % du chiffre d'affaires du groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, Sanofi s'est engagé à ce que la recherche et le développement restent stables, avec 1,8 milliard d'euros de dépenses engagées en France.
Je vous dis cela au moment où le monde change, où la recherche change, et où, dans deux ans, 30 % des médicaments que nous achèterons en pharmacie seront issus des nouvelles technologies et des biotechnologies grâce au fonds Biotech que le Gouvernement a mis en place et abondé à hauteur de 140 millions. Nous devons relever ce défi pour résister aux géants américains de la santé et à Novartis, et pour que Sanofi Aventis reste un leader mondial. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, je le constate tous les jours dans mon département de la Mayenne, les agriculteurs souffrent et les exploitations font face à de très graves difficultés.
Nous connaissons tous ici votre combat européen pour que l'agriculture, notre agriculture, reste un secteur stratégique au même titre que d'autres politiques telles que l'éducation ou la recherche.
Le 2 juillet dernier, à votre initiative, la France a signé conjointement avec l'Allemagne une déclaration en faveur d'une régulation européenne des marchés du lait.
Puis, après des mois de contacts diplomatiques, vingt et un États membres nous ont rejoints pour lancer, le 10 décembre, l'appel de Paris en faveur d'une meilleure régulation des marchés, étendue à tous les secteurs agricoles.
Ces intenses tractations ont pour objectif, comme l'a affirmé le Président de la République, de mettre notre pays « dans les meilleures conditions pour proposer une régulation rénovée dans la PAC de 2013 et remettre ainsi l'agriculture au coeur d'un projet européen ».
En effet, notre pays doit être prêt au 1er janvier 2014 lorsqu'entreront en vigueur, simultanément, la réforme de la politique agricole commune et les nouvelles perspectives financières pour la période 2013-2020.
Toutefois, il semblerait qu'un document de travail de la commission juge que la part du budget européen consacrée à la PAC doit continuer à diminuer pour développer d'autres politiques.
Alors que s'ouvrent les négociations sur le budget 2013-2020 de l'Union européenne et que certains appellent à une forte réduction des dépenses liées à la PAC, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles initiatives prendra la France pour maintenir une PAC forte et défendre son agriculture dans les instances communautaires, et quelles mesures elle compte proposer pour donner à l'Europe son indépendance alimentaire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Nous sommes à un moment de vérité pour l'agriculture française et pour l'agriculture européenne. Rappelons que les agriculteurs français ont perdu en moyenne, en 2009, 30 % de leurs revenus – 50 % pour certaines filières. Le revenu moyen des agriculteurs en France, en 2009, du fait de l'effondrement des prix mondiaux, est revenu au niveau de 1990. Les agriculteurs ont besoin de notre soutien. Ils ont eu le soutien total du Gouvernement de François Fillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce soutien, c'est le plan annoncé par le Président de la République à Poligny, c'est la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, à laquelle vous êtes tous invités à participer.
C'est évidemment l'avenir de la politique agricole commune, qui soulève l'inquiétude de nos agriculteurs.
Le 10 décembre dernier, nous avons rappelé que nous étions opposés à une réduction drastique du budget de la PAC, comme le proposait la Commission dans ses documents initiaux. Vingt-deux pays nous ont suivis, vingt-deux pays sont favorables à une PAC forte et un budget agricole fort. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous proposons également une régulation européenne des marchés, car les agriculteurs réclament des prix qui leur permettent de vivre décemment de leur production, et non des subventions sans garanties pour l'avenir.
Je présenterai le 22 février, au prochain conseil des ministres de l'agriculture, les idées françaises en matière de régulation européenne des marchés agricoles, telles qu'elles ont été étudiées avec l'Allemagne. Cette régulation repose sur des mécanismes d'intervention maintenus, sur des stockages privés ou publics,…
…sur une meilleure intervention européenne, plus flexible et plus rapide, sur des contrats écrits systématiques et une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre producteurs et agriculteurs, sur les nouveaux mécanismes de marché, tels que les marchés à terme, de manière à stabiliser les revenus à longue échéance.
L'agriculture a été la première politique commune européenne, il serait regrettable que l'Europe l'oublie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, ma question concerne la situation difficile des personnes handicapées : chaque jour, plusieurs milliers d'entre elles doivent affronter des problèmes d'accessibilité qui ne sont plus tolérables dans notre pays.
Laissez-moi rappeler que les personnes handicapées sont des citoyens comme les autres, elles appartiennent à la communauté nationale et disposent des mêmes droits que chacun. C'est pourquoi elles doivent avoir accès aux transports et lieux publics.
L'accessibilité est la condition sine qua non de leur intégration et de leur participation active au sein de la société. Si la vie dans la cité ne vous est pas accessible, inévitablement, vous glissez vers l'exclusion, l'isolement et la précarité. Il faut le répéter : le handicap n'est pas en soi un facteur d'exclusion ! Mais si tout devient inaccessible, alors, nécessairement, au handicap, vient s'ajouter l'injustice, cela par manque de volonté politique.
En effet, cinq ans après la loi du 11 février 2005 sur le handicap, force est de constater que l'injustice demeure. Ce constat s'est d'ailleurs imposé à vous lors du comité interministériel du handicap, qui s'est tenu la semaine dernière sous votre présidence. Je rappelle que la loi de 2005 prévoit que tous les établissements recevant du public ainsi que tous les transports publics devront être accessibles à tous à partir de 2015. Nous sommes désormais à mi-parcours : il ne reste plus que cinq ans pour atteindre cet objectif minimaliste.
Mes chers collègues, le vote de la loi de 2005 est un exemple supplémentaire qui montre qu'il ne suffit pas d'approuver une loi pour régler un problème, qu'il ne suffit pas d'afficher une volonté politique, mais qu'il faut s'en donner les moyens.
Monsieur le Premier ministre, cinq ans après le vote de la loi sur le handicap et cinq ans avant l'échéance fixée, quelles garanties êtes-vous en mesure d'apporter aux personnes handicapées ? Le Gouvernement entend-t-il consacrer les moyens budgétaires nécessaires pour faire de l'accessibilité une réalité ?
Enfin, faut-il vous rappeler que la France vient de ratifier la convention internationale des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées ? Le moment n'est-il pas venu de voir les discours et les promesses se traduire par des décisions et des réalisations en faveur des personnes concernées ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Madame Orliac, vous avez raison de rappeler que nous sommes tous concernés par le handicap.
La grande loi du 11 février 2005, défendue par Marie-Anne Montchamp,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo Marie-Anne !
…a apporté de nombreuses avancées en faveur des personnes handicapées avec la création des maisons départementales pour le handicap, mais aussi grâce à un vaste plan de création de places : plus de 5 000 vont être créées d'ici à la fin du quinquennat.
Le Gouvernement définit des plans répondant aux différents handicaps – ainsi le plan « autisme », au schéma national sur le handicap rare, le plan pour le handicap visuel, le plan que j'ai présenté la semaine dernière avec Xavier Darcos sur le handicap auditif : nous allons consacrer 52 millions d'euros à l'aide des personnes atteintes de déficiences auditives.
Mais, au-delà de ces plans, de ces créations de places, vous avez raison, madame Orliac : le chantier de l'accessibilité est important. Sachez que l'ensemble des élus sont mobilisés dans toutes les communes puisque plus de 1 100 commissions à l'accessibilité ont été créées, 300 en intercommunalité. Sachez également que nous avons, sous l'autorité du Premier ministre, mis en place le comité interministériel au handicap, qui marque le renforcement de la volonté politique de chaque département ministériel de réussir ces grands défis, de permettre aux personnes handicapées de vivre comme tout autre citoyen dans la société.
Pour réussir ce défi de l'accessibilité, j'ai mis en place, le 10 février dernier, l'observatoire de l'accessibilité (Vives exclamations et hilarité sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
…dont le rôle me paraît d'autant plus important qu'il ne se contentera pas d'observer.
Il sera un centre de ressources. (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC.)
Il permettra de réaliser un audit sur l'ensemble du territoire et d'accélérer la mise en oeuvre de l'accessibilité dans notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je souhaite interroger M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, sur la volonté exprimée par le Gouvernement d'étendre à la fonction publique le dispositif d'intéressement collectif dont bénéficient tous les autres salariés.
L'intéressement collectif, on s'en souvient, a été créé en 1959 par le général de Gaulle pour les salariés du secteur privé, que ce dispositif a été étendu en 1986 aux salariés des entreprises publiques par Jacques Chirac.
Or la fonction publique en est toujours exclue. Les agents de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux sont du reste les seuls salariés de France à ne pas pouvoir bénéficier de l'intéressement.
Et pourtant, dans les années 1990 plusieurs hôpitaux et collectivités territoriales – en particulier la commune d'Issy-les-Moulineaux, dont le maire, notre collègue André Santini, a toujours été un précurseur (« Ah ! » sur les bancs du groupe NC) –…
…avaient essayé de s'engager dans cette voie. Ils n'ont pas pu aller jusqu'au bout car la base juridique manquait et parce que de toute façon les agents territoriaux ne peuvent pas obtenir des avantages supérieurs à ceux dont bénéficient les fonctionnaires de l'État.
La balle est donc dans le camp de l'État. Les enjeux de cette réforme sont importants : qu'il s'agisse de la modernisation du management des administrations par la fixation d'objectifs négociés et partagés, ou de lien clairement établi entre l'amélioration du pouvoir d'achat des agents et les performances collectives des services publics.
Je voudrais, monsieur le ministre, vous poser quatre brèves questions :
Quelle est la détermination du Gouvernement dans cette affaire sur laquelle les syndicats restent, nous le savons, très partagés ?
Au vu des résultats de la négociation syndicale, le Gouvernement a-t-il l'intention de saisir le Parlement d'un projet de loi ?
Est-il envisagé d'exonérer les primes d'intéressement des prélèvements sociaux ?
Enfin, cette extension de l'intéressement s'appliquera-t-elle également aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ?
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Pourquoi cherchons-nous à développer l'intéressement collectif dans la fonction publique ? Vous l'avez dit vous-même, monsieur Diefenbacher, il s'agit d'une tradition historique française.
Un salarié sur quatre est concerné dans le secteur privé, et deux sur trois dans les établissements publics.
Vous avez vous-même, à la demande d'André Santini, remis sur ce sujet un excellent rapport au Premier ministre,…
…rapport dont nous nous inspirons aujourd'hui pour mettre en place un système d'intéressement collectif dans la fonction publique.
Il importe toujours de se référer aux grands anciens.
Aussi laissez-moi citer le Maurice Thorez de 1946. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il disait à propos du statut de la fonction publique qu'il fallait « prévoir des primes de rendement individuelles et collectives qui permettent de proportionner la rémunération du fonctionnaire à l'intensité et à l'efficacité de l'effort ». (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous avons donc l'intention de mettre en place, au-delà de la prime de fonction et de résultats, une prime d'intéressement collectif qui permettra à tous les usagers de bénéficier d'un meilleur service public puisque l'on définira une méthode pour mesurer la qualité du service public (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), et qui profitera à tous les fonctionnaires qui pourront bénéficier d'une rémunération supplémentaire en fonction d'objectifs atteints collectivement.
Cette prime vaudra pour les collectivités locales comme pour la fonction publique hospitalière, bien évidemment associée aux discussions que j'ai engagées avec les syndicats. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je souhaite interroger le Gouvernement sur ses intentions à l'égard de la médecine du travail. La négociation sur ce sujet entre les syndicats de salariés et le patronat a échoué. Les informations dont nous disposons indiquent que le Gouvernement prépare un projet de loi reprenant pour l'essentiel les propositions du MEDEF, rejetées par tous les syndicats de salariés.
Les visites par le médecin du travail seraient espacées de trois ans, au lieu de deux actuellement. La pénurie de médecins du travail, au lieu d'être comblée, serait prise comme prétexte pour renvoyer les salariés vers des personnels infirmiers ou des médecins de ville. L'aptitude au travail serait définie comme la seule capacité du salarié à effectuer la totalité des tâches prescrites, sans appréciation, cas par cas, par le médecin du travail, ni possibilité d'aménagement de poste après son intervention.
Chacun ici prétend vouloir accorder une place plus importante à la prévention en matière de santé publique. Or force est de constater depuis quelques années une augmentation des maladies professionnelles, un accroissement du stress au travail, voire des suicides au travail. La situation est marquée par une intensification des tâches et une sous-déclaration importante des accidents du travail.
Rappelons la mission première de la médecine du travail : « Éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Cette mission de prévention ne peut pas être abandonnée à l'employeur. Elle doit être confiée à des professionnels de santé dont l'indépendance soit garantie. Ce n'est pas l'employeur qu'il faut protéger, c'est le salarié. Nous ne laisserons pas le Gouvernement affaiblir la médecine du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur le député, c'est vrai, il n'y a pas eu d'accord, malgré trois ans de négociation, ...
…et c'est justement pourquoi le Gouvernement doit prendre ses responsabilités. On ne peut se contenter, vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, de la situation d'aujourd'hui. Y compris pour de simples raisons de démographie médicale, nous avons actuellement beaucoup de mal à trouver des médecins du travail, et un grand nombre d'entre eux ont plus de cinquante-cinq ans. Il fallait donc que nous prenions nos responsabilités.
Cela ne veut pas dire pour autant que ce qui a fait l'objet de débats, de négociations, d'échanges, sera ignoré par le Gouvernement. Le texte que nous sommes en train de préparer s'inspirera évidemment de ces travaux.
Vous ne pouvez pas soutenir non plus, monsieur le député, que le Gouvernement ne s'est pas préoccupé du sujet : c'est un propos purement polémique. Depuis que je suis ministre du travail, j'ai présidé à quatre reprises le conseil d'orientation sur les conditions de travail. J'ai présenté un deuxième plan « Santé au travail », qui a fait l'objet d'une approbation de principe et a notamment pour but d'assurer la prévention des risques les plus graves, qui réapparaissent actuellement : cancérogènes, musculo-squelettiques, mais aussi psycho-sociaux, puisque le stress au travail est devenu un élément central de notre réflexion sur la souffrance des travailleurs.
Donc, nous nous préoccupons de la santé des salariés, de tous les salariés. En particulier, nous sommes très attentifs à prévenir les risques subis par ceux qui échappent au système actuel de prévention. Je pense aux saisonniers, aux intérimaires, aux sous-traitants, aux travailleurs à domicile, aux stagiaires. Bref, nous essayons de voir comment rendre service à tout le monde. Et, je le répète, nous nous inspirerons des travaux conduits par les partenaires sociaux pour proposer, au cours du deuxième trimestre, un texte conçu, tout simplement, dans l'intérêt des salariés. Dans cette affaire, tel est bien le seul but du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
« Le banquier est cet homme secourable qui vous prête un parapluie quand il fait beau, et vous le reprend dès qu'il commence à pleuvoir. » (Sourires.) Cet aphorisme de René Bergeron a fait sourire plusieurs générations de cinéphiles. Hélas, il fait aujourd'hui grincer des dents à bon nombre de chefs d'entreprises.
Même le Président de la République s'en est ému,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
…qui a déclaré : « On serre la vis à une entreprise qui a des besoins de trésorerie pour quelques milliers d'euros et on fait perdre des emplois ».
Ayant parfaitement saisi le coeur du problème, vous avez vous-même reçu tout récemment, madame la ministre les représentants des grandes banques françaises.
Aux yeux de mes collègues, et plus particulièrement des députés de « Génération entreprise » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la problématique du crédit est cruciale. C'est l'une des conditions de la reprise.
Or, un récent sondage nous apprend que 44 % des patrons de PME disent restreindre leurs investissements et leurs demandes auprès des banques en raison de difficultés d'accès au crédit.
Je rappelle que la Société de financement de l'économie française a prêté 77 milliards d'euros à douze banques. La Société des participations de l'État a, quant à elle, fait bénéficier les cinq principaux réseaux bancaires de près de 20 milliards d'euros.
Ce sont donc 100 milliards qui ont été mobilisés pour permettre aux banquiers de faire leur métier.
Néanmoins, il ne faut pas diaboliser une profession indispensable au bon fonctionnement de l'économie. Les banquiers ont trop été montrés du doigt ces derniers mois. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Notre rôle est aussi de les aider à atteindre leurs objectifs.
Madame la ministre, quels sont les engagements concrets pris par les banques pour cette année 2010, et comment comptez-vous les encourager à retrouver leur audace pour soutenir nos entrepreneurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, le financement des entreprises, des ménages, des collectivités locales est indispensable au bon fonctionnement de notre économie. J'ai réuni jeudi dernier l'ensemble des réseaux bancaires, afin d'examiner comment les banques avaient tenu leurs engagements vis-à-vis du Gouvernement, qui s'est mobilisé pour assurer le financement de l'économie au moment de la crise financière.
Mon commentaire est le suivant. Il est très simple : « Encourageant, mais peut mieux faire ».
Encourageant, pourquoi ? Parce que les banques ont financé l'économie française, et ont augmenté leurs encours de crédit de 2,7 %. Nous leur avions demandé 3 %, elles ont fait 2,7 %. C'est encourageant parce qu'elles sont largement au-dessus de la moyenne européenne, qui est une augmentation des encours de 0,05 %. Les banques françaises, statistiquement, ont mieux financé l'économie que dans le reste de la zone euro.
Cela dépend de qui elles financent ! Il y a des différences entre les PME et les grands groupes !
Et quand on examine le détail, elles ont bien financé les collectivités locales, elles ont bien financé les grandes entreprises qui le leur demandaient, elles ont bien financé les ménages.
Mais je dis : « Peut mieux faire, et doit mieux faire ». Car il est clair que les banques, en direction des petites et moyennes entreprises, et particulièrement des PME, doivent faire mieux. Elles ont pris l'engagement de consacrer, au cours de l'année 2010, une enveloppe spécifique de 38 milliards d'euros au financement des entreprises. « Peut mieux faire, donc, et doit mieux faire. » C'est la raison pour laquelle je leur ai demandé d'identifier une enveloppe qui serait spécifiquement dédiée aux crédits de trésorerie. Pour les crédits d'investissement, elles ont su faire,...
…mais les crédits de trésorerie vont être nécessaires aux petites et moyennes entreprises dans une période de retournement où elles doivent reconstituer leurs stocks et ont des besoins en fonds de roulement.
Deuxièmement, j'ai également demandé aux banques de prévoir un objectif d'augmentation des encours au titre de l'année 2010.
J'espère vivement qu'elles seront au rendez-vous. Elles nous le diront très prochainement, lorsque le Président de la République les recevra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Accès des petites et moyennes entreprises au crédit
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (nos 2265, 2298).
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Madame la présidente, monsieur le président et madame la rapporteure de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les députés, « en 1999, j'ai créé une petite entreprise artisanale de nettoyage industriel. Comme de nombreuses personnes, le rêve de ma vie était d'accéder à la propriété, pour préserver mon avenir et surtout celui de mes enfants. Ce rêve, j'ai pu le concrétiser en avril 2004 en achetant une maison. Je ne me doutais pas alors que le rêve allait virer au cauchemar. Mon entreprise artisanale a été mise en liquidation judiciaire le 25 mai 2005 par l'URSSAF, à la suite de plusieurs courriers envoyés à une adresse erronée. J'ai donc fait appel de cette décision mais après deux ans d'attente, le tribunal de commerce a confirmé cette décision de liquidation. »
« Ma dette professionnelle totale s'élève à 29 753 euros. Les actifs de ma société ne couvrant pas cette somme, le mandataire judiciaire a décidé de procéder à la vente aux enchères de ma maison avec une mise à prix d'un montant dérisoire : 120 000 euros pour une maison évaluée à 230 000 euros. »
« La vente du matériel de mon entreprise vient en déduction de ma dette professionnelle, soit 2 300 euros en moins. Ma maison va donc être mise aux enchères pour payer la somme totale de 27 400 euros. Je répète : ma maison va être mise aux enchères pour payer la somme de 27 400 euros. Je vais donc me retrouver à la rue. Mère célibataire avec deux enfants à charge, je n'arrive plus à envisager l'avenir. »
Vous l'avez compris, ce témoignage est issu d'un courrier que j'ai reçu. Un courrier comme il y en a tant, comme il y en a trop, et qui fait écho à cet autre témoignage, qui m'a été adressé par un artisan boucher en faillite : « En 2008, en plus de la crise, pendant quatre mois ma rue a été perturbée par des travaux de voirie, ce qui a contribué à faire fuir la clientèle. Mon chiffre d'affaires est tombé de 140 000 à 60 000 euros. J'ai dû me résoudre à la liquidation judiciaire début 2009. Même après la vente de mon matériel, mes dettes envers les banques et les fournisseurs s'élevaient à 38 000 euros. Je travaille maintenant en intérim, mais toutes les banques refusent de me consentir le prêt qui me permettrait de rembourser mes dettes et de repartir. »
« Maintenant, le seul bien que je possède, c'est ma maison. Pour éponger mes dettes, j'ai dû la mettre en vente. Mais avec la crise immobilière, les prix ont baissé. Je sais que des acheteurs sont prêts à signer pour 90 000 euros, pour cinq chambres et 1 600 mètres carrés de terrain. Si je ne vends pas bientôt, je serai contraint de brader mon bien pour éviter une mise aux enchères en 2011. En attendant, j'ai reçu une lettre me demandant de quitter les lieux avant le mois de juin. Qu'est-ce que je vais faire ? Je n'en sais rien. »
Chacun de nous, chacun de vous, mesdames et messieurs les députés, a connu l'expérience douloureuse de recevoir dans sa permanence parlementaire des personnes ayant vécu ce type de drame.
Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait !
Chacun a connu l'indignation que ces drames soulèvent, ainsi que le sentiment d'impuissance qui les accompagne.
Aujourd'hui, nous avons l'occasion de mettre fin à ce qui est, disons-le, un véritable scandale français.
Un scandale qui voulait qu'un artisan ou un commerçant, après un revers de fortune, puisse se retrouver littéralement à la rue, ruiné, sans possibilité de rebondir. Nous avions, la société française avait tacitement accepté le fait que des dizaines de milliers de nos compatriotes, commerçants et artisans, se retrouvent totalement ruinés, quand dans le même temps nous nous efforcions, légitimement, de renforcer les protections sociales pour toutes les autres catégories de la population. Voilà la réalité. C'est une réalité que nous devons affronter aujourd'hui avec courage.
Si j'exprime de la sorte mon indignation, qui est, je le sais, partagée sur de nombreux bancs de cette assemblée, c'est que ce genre de situation, cette précarité extrême, je ne les ai pas vécues uniquement par procuration. J'ai grandi avec l'exemple de mon père qui avait choisi de créer son entreprise artisanale en nom propre. Combien de fois l'ai-je entendu me faire part de sa peur de tout perdre au moindre vent contraire, de sa crainte de voir sa famille à la rue !
Voilà pourquoi je suis heureux de porter aujourd'hui devant vous le projet de loi visant à créer le statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ce jour, nous le devons à la volonté du Président de la République et du Premier ministre. Nous le devons aussi à la pugnacité de nombre d'entre vous, qui se sont emparés du sujet depuis des années et ont contribué à le faire aboutir sous la forme d'un projet de loi. À ce titre, je voudrais en premier lieu rendre hommage à M. Patrick Ollier, qui oeuvre depuis des mois en faveur de ce projet et qui a largement contribué à la qualité de la réflexion et des débats en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je voudrais aussi remercier la rapporteure, Mme Laure de La Raudière, qui a produit un travail remarquable, dans un temps court, et dont les contributions ont permis d'améliorer significativement le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mes remerciements vont également aux membres de la commission des affaires économiques, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition. Monsieur Brottes et monsieur Gaubert, pour une fois que je vous fais des compliments, profitez-en, car ce ne sera pas toujours le cas ! (Mêmes mouvements.)
Les membres de la commission ont fait preuve d'une implication remarquable dans le dialogue constructif et, je dois le dire, apaisé qui a permis l'élaboration du texte.
Ce texte, à n'en pas douter, fera date. D'un point de vue juridique, il introduit une novation qui vient rompre le dogme biséculaire de l'unicité du patrimoine.
C'est clairement une révolution dans notre droit des sociétés. Je l'assume et, avec moi, tous les juristes, qui, depuis des années, démontrent que ce dogme n'a aucune raison d'être.
D'un point de vue économique, il supprime une nouvelle barrière à l'envie d'entreprendre, ce qui est essentiel à l'heure où nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à trouver dans l'initiative individuelle le moyen de s'épanouir et de gagner un complément de revenu ou de rebondir après avoir été victimes de la crise.
D'un point de vue moral, il met fin à une injustice qui mettait en cause nos valeurs de solidarité et d'égalité. Comme le rappelait le Président de la République dans son discours aux forces vives de la nation, à Cholet, le 6 janvier dernier : « Comment peut-on justifier que lorsqu'une entreprise tombe en faillite, les dirigeants ne soient poursuivis que sur les biens de l'entreprise, alors que quand il arrive un problème à un artisan ou commerçant, on vient le chercher sur ses biens personnels, mettant ainsi en danger sa propre famille ? »
Ce texte fera date aussi – et c'est l'essentiel – d'un point de vue humain, car il permettra, j'en suis convaincu, d'éviter à l'avenir ces situations de détresse insupportables que j'évoquais à l'instant, avec toutes les conséquences financières, personnelles, psychologiques et familiales qui vont, hélas, de pair.
Ce texte a pourtant été le fruit d'un long combat, car il a fallu plusieurs fois remettre l'ouvrage sur le métier. On se souvient du rapport de la chambre de commerce en 1984, des débats à l'occasion de la création de l'EURL en 1985, du rapport Barthélémy en 1993, du rapport Hurel en 2008. Tous recommandaient la mise en place d'un patrimoine d'affectation, mais aucun n'avait été suivi d'effet.
Un nouvel élan, décisif cette fois, a été donné à l'occasion des débats sur la loi de modernisation de l'économie à l'Assemblée nationale, en 2008. Souvenez-vous : de nombreux parlementaires, dont Patrick Ollier, avaient demandé à ce que le Gouvernement se saisisse du sujet. Les parlementaires du Nouveau Centre s'étaient associés à leurs collègues de l'UMP. Dès l'été 2008, j'ai donc confié une mission à Xavier de Roux sur le sujet. Son rapport, remis en novembre 2008, concluait de façon claire en faveur de la création d'un patrimoine d'affectation.
Nous avons ensuite procédé à une très large consultation. Il est apparu que le projet de création d'un nouveau statut d'EIRL – entreprise individuelle à responsabilité limitée – faisait consensus. Cela peut paraître étonnant, mais le consensus a été quasi général parmi les représentants de la société civile : les chambres de métiers, l'ordre des avocats, l'ordre des notaires, les représentants des experts comptables ont tous soutenu le projet et continuent de le faire.
Pourquoi un consensus aussi fort de la part des professionnels pour la création d'un nouveau statut ?
La première raison, c'est que la voie de la création d'une société pour protéger son patrimoine personnel ne convainc pas les Français, il ne convainc pas les entrepreneurs qui souhaitent s'établir dans notre pays.
Les pouvoirs publics n'ont eu de cesse, depuis la création en 1985 de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l'EURL, de promouvoir l'exercice professionnel sous forme de société. Reconnaissons que c'est un échec, un échec relatif mais un échec tout de même. Après un quart de siècle, 185 000 sociétés unipersonnelles seulement ont été créées. L'EURL ne représente, après vingt-cinq ans d'existence, que 6,2 % du total des entreprises, malgré son statut fiscal attractif.
A contrario, les créations en nom propre, qui représentaient déjà, sans l'auto-entrepreneur, plus de la moitié des créations ces dernières années, atteint en 2009 un ratio de 75 %.
Il y a une deuxième raison : c'est que la possibilité de rendre insaisissables les biens immobiliers pour les entrepreneurs individuels, instaurée en 2003 puis renforcée par la loi de modernisation de l'économie, n'a pas rencontré non plus de réel succès : moins de 20 000 déclarations à ce jour, sur 1,5 million d'entrepreneurs individuels.
Il fallait donc faire davantage, faire mieux, répondre globalement à cette situation, et c'est ce que nous faisons avec le présent texte.
Au-delà de ces raisons techniques, nous avions besoin d'un signe fort pour tous ceux qui souhaitent entreprendre mais hésitent encore à passer à l'acte.
La France a longtemps souffert d'un étrange paradoxe. Alors que les études d'opinion montraient les Français très désireux de créer leur entreprise, davantage en moyenne que leurs voisins européens, cet appétit tardait à se concrétiser dans les chiffres de création d'entreprises. Ces mêmes études nous apprenaient que le principal frein pour nos concitoyens était la peur de l'échec. En France, plus qu'ailleurs, création d'entreprise rimait jusqu'à présent avec prise de risque excessif, et ce à cause d'un environnement social, fiscal et juridique représentant un frein à l'initiative.
C'est parce que nous avons pris acte de ces réalités que nous avons créé hier le statut d'auto-entrepreneur, et que nous créerons aujourd'hui, si le Parlement le décide, celui de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Je voudrais rappeler rapidement pourquoi la création et le développement d'entreprise méritent d'être des priorités nationales.
Au-delà même de leur contribution évidente à la prospérité économique, via la création de richesses et d'emplois, ce sont les facteurs d'un véritable progrès sociétal.
D'abord parce que la création d'entreprise porte des valeurs fondamentalement positives : la volonté de construire, d'agir, de produire, d'innover, de prendre en main son destin et de contribuer en tant qu'individu au fonctionnement de la collectivité.
Ensuite parce que la création d'entreprise est sans doute aujourd'hui le meilleur ascenseur social. Pour lancer votre entreprise, on ne vous demande pas, comme ailleurs, votre diplôme, votre origine, on ne vous demande pas de passer un concours. C'est à vous de faire la démonstration de vos capacités et de valoriser vos compétences, sans autre juge que la réussite de votre projet.
L'EIRL participera clairement à une impulsion entrepreneuriale nouvelle, à cet objectif noble et ambitieux : faire définitivement de la France un pays d'entrepreneurs.
Le statut de l'EIRL s'adressera à tous les entrepreneurs individuels, sur simple déclaration au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, qu'ils soient artisans, commerçants, professionnels libéraux ou agriculteurs.
le projet de loi repose donc sur un dispositif juridique très innovant, celui du patrimoine affecté, rompant avec la théorie biséculaire de l'unicité du patrimoine. Cette nouvelle architecture, qui constitue une novation radicale dans notre tradition juridique, a été validée par le Conseil d'État le 21 janvier dernier.
Ce nouveau dispositif, nous l'avons voulu le plus simple possible : l'entrepreneur déclarera la liste des biens qu'il affecte à son activité professionnelle, séparant ainsi son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel ; le patrimoine professionnel sera constitué de l'ensemble des biens, droits ou sûretés nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle, et l'entrepreneur pourra aussi décider d'y affecter des biens, droits ou sûretés qu'il utilisera pour les besoins de son activité. Il restera propriétaire des deux patrimoines, et la déclaration d'affectation n'entraînera pas la création d'une société. Il évitera ainsi la complexité liée à la gestion d'une personne morale distincte.
Des règles particulières sont prévues pour l'affectation des biens immobiliers, qui devra être reçue par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques, de même que pour l'affectation de biens communs ou indivis nécessitant l'accord exprès du conjoint ou des co-indivisaires. En outre, il est prévu, lors de la constitution du patrimoine d'affectation, que tout actif d'une valeur supérieure à 30 000 euros fasse l'objet d'une évaluation par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes.
Quelles seront les conséquences à l'égard des créanciers dont les droits sont nés après la déclaration d'affectation ? Les créanciers dont les droits sont nés à l'occasion et pour les besoins de l'activité professionnelle auront pour seul gage le patrimoine affecté ; les autres créanciers auront pour seul gage le patrimoine non affecté, c'est-à-dire le patrimoine personnel. Le patrimoine affecté à l'exercice de l'activité professionnelle fera l'objet d'une comptabilité autonome, et les comptes annuels, déposés au même lieu que celui de la déclaration initiale d'affectation, permettront de suivre l'évolution de ce patrimoine. En cas de faillite, seul le patrimoine professionnel sera liquidé, et les biens personnels seront donc préservés.
Au plan fiscal, je tiens à le souligner, c'est une injustice qui va être réparée.
En effet, l'entrepreneur en nom propre pourra enfin bénéficier du même régime fiscal que l'associé unique d'une société. Il aura le choix d'opter soit pour l'impôt sur le revenu, soit pour l'impôt sur les sociétés. Par défaut, le régime des sociétés de personnes, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, s'appliquera, mais l'entrepreneur pourra opter pour le régime fiscal des sociétés de capitaux – l'impôt sur les sociétés.
Je rappelle que le dispositif EIRL ne crée pas un régime fiscal ou social nouveau, car tout entrepreneur individuel peut d'ores et déjà bénéficier de l'option impôt sur les sociétés en créant une EURL.
Le bénéfice réalisé par l'EIRL pourra donc être taxé dans les mêmes conditions, et c'est justice, que celui frappant l'EURL qui a opté pour l'IS, à savoir 15 % jusqu'à 38 120 € et 33,33 % au-delà. Il est précisé que la part des revenus de l'activité professionnelle reversée par l'entrepreneur dans son patrimoine non affecté et qui excède un certain montant – 10 % de la valeur du patrimoine affecté ou 10 % du montant du bénéfice net si ce montant est supérieur – sera assujettie aux cotisations sociales dans les conditions de droit commun. C'est une clause anti-abus.
J'insiste sur le fait que si l'option pour l'impôt sur les sociétés est bien sûr novatrice, elle se situe dans la logique d'un dispositif visant à homogénéiser le régime fiscal applicable aux entrepreneurs, indifféremment des formes juridiques qu'ils adoptent. Il y avait un paradoxe source d'injustice fiscale : nous y remédions. Le texte répond ainsi à une demande forte des députés exprimée lors des débats sur la loi de modernisation de l'économie. Il répare cette injustice fiscale.
Le Gouvernement ne souhaite pas priver les entrepreneurs individuels de dispositifs fiscaux qui sont disponibles pour les dirigeants de sociétés. Il n'y a aucune raison de maintenir de telles différences. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) C'est une question d'équité mais aussi une question d'efficacité économique. Le Gouvernement sera donc défavorable aux amendements qui remettraient en cause une telle avancée, attendue depuis plus de vingt ans par les artisans et les commerçants en nom propre !
Les auto-entrepreneurs pourront aussi adopter le régime de l'EIRL s'ils le souhaitent, dans un cadre comptable spécifique et simplifié. Il ne s'agit pas de complexifier les choses. Leur régime fiscal et social demeurera inchangé, avec des prélèvements en pourcentage du chiffre d'affaires.
Bien entendu, il est très important que les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée continuent à avoir accès au crédit. On sait que c'est indispensable aujourd'hui. C'est une question centrale. Beaucoup d'entre vous ont posé à juste titre cette question cruciale pour l'avenir du nouveau régime : comment empêcher les banques de reconstituer leurs sûretés au travers de cautions personnelles, garanties des dirigeants et autres pratiques qui pèsent aujourd'hui lourdement sur l'entrepreneur français, plus lourdement en tout cas que sur l'entrepreneur qui exerce ses activités à l'étranger ? Tout à l'heure encore, le président Ollier a posé une question pertinente – comme c'est souvent le cas avec lui – à ce sujet.
De telles interrogations appellent des réponses rapides et opérationnelles. C'est pourquoi j'ai réuni la semaine dernière les établissements compétents en matière de garanties et de cautionnements des entrepreneurs, pour développer avec eux les outils de caution solidaire et éviter ainsi que les banques cherchent dans certains cas à reprendre, via des cautions personnelles systématiques, ce que nous sécurisons par la création de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée. À cet égard, je vous annonce qu'OSEO confirme son engagement : l'établissement public propose d'accompagner la mise en place de l'EIRL.
OSEO offrira à la banque une garantie à hauteur de 70 % des crédits, la banque s'engageant alors à ne retenir que les garanties sur les actifs affectés à l'activité, et pas sur les biens personnels de l'entrepreneur.
Cette garantie aura un coût bien sûr, estimé à 1,20 % de l'encours annuel. Mais je tiens à souligner combien ce coût est raisonnable au regard de la sécurisation que la garantie apporte aux différentes parties prenantes : l'entrepreneur d'une part, l'établissement bancaire d'autre part. Autrement dit, la banque aura une alternative : soit le crédit sera garanti à 70 % par OSEO sans caution personnelle, soit il sera garanti par une caution personnelle, auquel cas OSEO n'apportera pas sa garantie.
Il s'agit d'une innovation importante, de nature à répondre aux questions – tout à fait légitimes, je le répète – que beaucoup d'entre vous ont soulevées.
Mesdames, messieurs les députés, je vais citer en conclusion une phrase de Joseph Schumpeter, qui était à la fois socialiste et libéral. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Dans sa vision post-socialiste, c'est-à-dire libérale, il déclarait : « L'entrepreneur est celui qui nage contre le courant ». Avec ce projet de loi, nous nous engageons à contre-courant des préjugés en reconnaissant enfin à l'initiative individuelle, à l'exercice individuel d'une activité, la même valeur et les mêmes prérogatives qu'à l'entrepreneur établi en société. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Laure de La Raudière, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, « ce sera sans doute la plus grande réforme du quinquennat pour le monde des petites et moyennes entreprises ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est en ces termes que le président de l'assemblée permanente des chambres de métiers a commencé son audition devant la commission. (Mêmes mouvements.) Nous voilà donc réunis ce soir pour examiner un texte majeur, attendu depuis plus de vingt ans par les entrepreneurs et très largement soutenu par l'ensemble des acteurs auditionnés.
En effet, cela a été dit, la moitié des entrepreneurs – soit 1,5 million – exercent leur activité professionnelle en nom propre et s'exposent ainsi à ce que la totalité de leur patrimoine professionnel et personnel soit saisie en cas de difficulté. De tels drames se produisent chaque jour partout en France. Cela constitue à mes yeux une profonde injustice. Certes, la prise de risque fait partie de la création de l'entreprise et de la vie de l'entrepreneur. Mais elle ne doit pas entraîner la ruine de sa famille sous prétexte que l'entrepreneur a choisi d'exploiter son activité professionnelle en nom propre et non pas sous forme de société. Ce texte, mes chers collègues, répond à cet enjeu d'équité et de justice sociale.
Si j'ai la grande fierté aujourd'hui de rapporter ce projet de loi devant l'Assemblée, je le dois à la volonté politique de plusieurs députés dont je salue le travail pour les entreprises, en particulier les PME : tout d'abord vous, madame la présidente (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), qui avez déposé et défendu en juin 2008, dans le cadre des débats sur la loi de modernisation de l'économie, un amendement visant à créer un patrimoine d'affectation pour les entreprises individuelles ; je souhaite aussi saluer le travail de M. Jean-Paul Charié en tant que rapporteur de ladite loi, celui de MM. Olivier Carré, François Loos ou en encore Louis Giscard d'Estaing, enfin celui de M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, qui s'est beaucoup impliqué sur ce sujet à l'époque comme encore aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Monsieur le secrétaire d'État, vous étiez présent lors de ces débats, je me souviens des discussions et je me rappelle de votre engagement personnel à étudier ce sujet et à revenir devant la représentation nationale. Je tiens donc à vous féliciter d'avoir tenu votre promesse ! C'est grâce à votre détermination et à l'appui du Gouvernement que nous débattons aujourd'hui de la création de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée.
Mes chers collègues, l'EIRL répond à un véritable besoin de protection du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels. Certes des dispositifs existent, le secrétaire d'État l'a rappelé, mais ils ne sont pas utilisés. Pour certains d'entre nous d'ailleurs, le mystère reste entier : pourquoi l'entrepreneur individuel, s'il veut protéger son patrimoine personnel, ne crée-t-il pas une société ? Je me suis moi-même posé cette question, ayant effectué cette démarche il y a quelques années… En fait, c'est un ensemble de raisons qui fait que plus de la moitié des entrepreneurs se mettent à leur compte en nom propre. La raison essentielle, à mon avis, c'est que quand l'entrepreneur souhaite créer une entreprise seul, il est dans l'état d'esprit de lancer son activité professionnelle, de produire, de trouver des clients, d'exécuter des travaux. C'est normal et sain, mais on peut regretter qu'il ne pense pas déjà à l'étape suivante du développement de son entreprise, à une éventuelle association, qu'il ne réfléchisse pas à l'avenir, au type de statut, au type de fiscalité, au type de déclaration qui conviendront le mieux plus tard. En fait, lors de la création, le chef d'entreprise ne souhaite pas se poser toutes ces questions compliquées, nouvelles. Je vous assure que ce que souhaite un artisan, un commerçant, une personne exerçant une profession libérale, dans la très grande majorité des cas, c'est que les formalités à la création soient simples, rapides et peu coûteuses, et, surtout, qu'il puisse démarrer l'activité le plus rapidement possible sans avoir trop de réponses à apporter à des questions sans rapport direct avec son activité – j'entends par là des questions d'ordre administratif. Le choix de l'entreprise individuelle est alors logique.
La forme sociétale est la réponse appropriée quand l'entrepreneur veut s'associer. Nous renforçons aujourd'hui le statut de l'entrepreneur individuel, celui qui veut développer son activité professionnelle sans nécessairement s'associer. Et c'est justice.
Ce faisant, nous renforçons aussi le statut de société qui a justement été créé pour permettre l'association de talents afin de développer l'activité professionnelle.
Pendant ses travaux, la commission a été guidée par la nécessité de trouver un bon équilibre : le dispositif doit protéger le patrimoine personnel de l'entrepreneur sans permettre à ce dernier de s'en servir pour organiser sa propre insolvabilité à l'égard de créanciers.
Lors de la discussion générale en commission et aussi lors de l'examen d'un amendement déposé par notre collègue Michel Zumkeller, nous avons longuement débattu du comportement des créanciers, en particulier des banques, vis-à-vis de la création du patrimoine affecté.
Lorsque le gage général des créanciers professionnels sera uniquement sur le patrimoine affecté, il ne faudrait pas que les banquiers demandent systématiquement une garantie ou une sûreté personnelle.
Il ne s'agit pas du tout d'un problème spécifique à l'entrepreneur individuel, mais plus largement d'un problème de financement des PME, quelle que soit la forme juridique d'exercice de l'activité professionnelle.
C'est un sujet majeur. À l'occasion de nos débats, nous devons avancer sur le développement du cautionnement – solidaire, de branche ou par le biais d'OSEO –, et de son utilisation prioritaire, avant toute demande de garantie personnelle.
Nous ne pouvons pas interdire la demande de garanties personnelles par les banquiers, au risque de tarir le crédit indispensable au financement des entreprises.
Nous pouvons, en revanche, demander aux banques de proposer systématiquement l'étude du cautionnement ou de la garantie OSEO.
M. le président de la commission affaires économiques, Patrick Ollier, en collaboration avec d'autres députés, dont Michel Zumkeller, proposera un amendement répondant à ce souci.
Chers collègues, l'EIRL rencontrera le succès auquel il est destiné s'il répond à trois principes.
Premièrement, il doit simplifier au maximum les formalités et obligations auxquelles l'EIRL est soumis, notamment par rapport à l'EURL, afin de rendre sa constitution et sa gestion attractive.
Deuxièmement, il doit aligner au maximum le statut de l'EIRL, donc du patrimoine affecté, sur celui de l'EURL, sous réserves d'exceptions justifiées par le régime juridique spécifique de l'EIRL ou de raisons pragmatiques particulières. Le patrimoine affecté est bien une entreprise ; il doit pouvoir être cédé ou transmis.
Troisièmement, il doit garantir un niveau d'information et de protection des créanciers et des tiers suffisant. Il est indispensable qu'un juste équilibre soit maintenu entre la simplification administrative et la nécessaire information des créanciers sur les évolutions du patrimoine affecté.
Les modifications apportées en commission et les amendements que nous allons vous proposer d'adopter aujourd'hui répondent à ces principes simples.
Avant de conclure, je dirai un mot sur le cas spécifique des exploitations agricoles. Puisque le texte s'adresse à elles comme à l'ensemble des entreprises individuelles, il nous a semblé important d'ajuster certaines dispositions aux spécificités des statuts de l'exploitation agricole – en particulier fiscales – et aussi d'étendre les dispositions dont bénéficie l'EIRL d'un point de vue fiscal à l'EARL, l'exploitation agricole à responsabilité limitée. Nous vous proposerons des amendements dans ce sens.
Vous le voyez, chers collègues, nous sommes vraiment devant un texte majeur pour l'ensemble des entrepreneurs français : pour le monde de l'artisanat et du commerce bien sûr, mais aussi pour les professions libérales et pour les exploitations agricoles.
C'est donc avec enthousiasme, monsieur le secrétaire d'État, qu'au nom de la commission des affaires économiques, nous apporterons notre soutien à votre projet de loi visant à la création de l'EIRL. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
Cher Hervé Novelli, je vous félicite d'avoir réussi à élaborer ce projet tant attendu.
C'est vrai que l'initiative de Catherine Vautrin, lors des discussions sur la loi de modernisation de l'économie, a réveillé les ambitions des uns et des autres qui souhaitaient depuis longtemps que ce projet aboutisse.
Des professionnels et les ayants droit s'interrogeaient : pourquoi ne parvenons-nous pas à dissocier une partie du patrimoine pour faire en sorte qu'il puisse être consacré à l'activité professionnelle ? Cette dissociation permettrait de ne plus voir des situations où des personnes prenant des risques économiques, s'engageant dans l'activité avec foi et ardeur et échouant, se retrouvent privées de leur maison familiale, à la rue après des saisies issues de la faillite.
Pourquoi n'y parvenions-nous pas ? Parce ce qu'il y avait un dogme admis dans notre pays, fondé sur la pratique du droit : l'unicité du patrimoine familial.
Jusqu'à présent, aucun ministre de la justice n'est venu défendre ce genre de texte qui concerne avant tout l'entreprise et l'économie. Pour des raisons que j'ignore, le dialogue n'a jamais pu être suffisamment positif pour que ce dogme soit remis en cause.
Je vous remercie d'avoir fait en sorte de permettre d'engager les discussions et de mettre un terme à l'unicité du patrimoine familial. Il fallait convaincre la chancellerie, compte tenu des interrogations légitimes que celle-ci avait, au cours d'un débat économique et non pas juridique.
Je tiens à rendre hommage à Michèle Alliot-Marie, la garde des sceaux…
, et Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Tout à fait !
. tout en étant une ministre qui a pris en compte l'évolution de l'économie et la nécessité de s'adapter aux modalités de développement économique.
Je tiens à la saluer ici (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) parce que c'est à elle que l'on doit ce changement d'attitude de la chancellerie. Enfin, là-bas, quelqu'un a compris qu'il fallait tenir compte sur le terrain…
… de pratiques de bon sens et prendre des mesures adaptées aux nécessités de l'économie. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Merci de lui rendre aussi cet hommage.
Au passage, je souligne que le consensus s'est réalisé dans notre commission. Même s'ils ont des observations à faire – ce qui est légitime –, les députés de l'opposition ne se sont pas opposés à ce principe ; ils en ont même soutenu l'idée.
Je dois saluer ce travail consensuel.
À ce niveau de la discussion, je voudrais moi aussi rendre hommage – on peut bien se faire des compliments les uns aux autres puisqu'il s'agit d'une oeuvre commune – à Laure de la Raudière, l'excellente rapporteure de ce texte (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).
Vous savez, ce n'est pas facile. Je tiens à rendre hommage à sa pugnacité, à sa connaissance du milieu économique dont elle est issue…
…à sa volonté de faire valoir ses convictions y compris en engageant des discussions très vives dont elle ressort toujours triomphante.
Aujourd'hui, nous avons un texte de justice, de bon sens et aussi de simplification.
Notre majorité,…
…avec une volonté à laquelle je tiens à rendre hommage, a fait un travail de soutien tout à fait remarquable.
Pas une voix ne nous a manqué…
… pour défendre, y compris au sein de la commission des lois, cette idée de dichotomie entre le patrimoine destiné à la vie familiale et celui dédié à la vie de l'entreprise.
J'avais deux questions que je vais aborder très vite, madame la présidente.
Comment essayer d'éviter que d'aucuns – il existe des esprits pervers – puissent se servir du texte pour organiser frauduleusement leur insolvabilité ?
L'amendement présenté par notre collègue Daniel Fasquelle répond à cette interrogation. Pour ma part, cette réponse me convient et je suis heureux que l'on ait pu avancer dans ce sens.
Monsieur le secrétaire d'État, ma deuxième interrogation concerne le crédit car une entreprise, même individuelle, ne peut pas se développer sans crédit.
En réponse à la question d'actualité posée tout à l'heure, dans l'hémicycle et donc au Journal officiel, je vous remercie d'avoir précisé les conditions qui permettront d'éviter que les banquiers ne fassent en sorte de « sur-garantir » ce que garantit le patrimoine d'affectation en allant chercher une garantie supplémentaire sur le patrimoine familial.
Il fallait empêcher ce risque. Monsieur le secrétaire d'État, la disposition que vous avez prise me satisfait complètement. J'espère que nous allons souscrire aux propositions de M. Novelli.
Bonjour monsieur le banquier, je voudrais un crédit Novelli. (Sourires)
Je souhaite poser deux dernières questions.
Quelles seront les modalités de valorisation des biens affectés, monsieur le secrétaire d'État ? Les professionnels s'inquiètent en effet de savoir dans quelles circonstances ils devront valoriser les éléments de patrimoine affecté, à leur valeur vénale et à leur valeur comptable. J'espère que vous allez nous répondre durant le débat.
L'autre question concerne l'étendue des obligations comptables des micro-entreprises, appelées à être précisées par décret en Conseil d'État. À mon avis, elles devront comprendre une description des différents éléments du patrimoine. C'est essentiel. J'aimerais avoir l'avis du Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, ce texte est porteur d'espoir pour la création de richesses, de valeur ajoutée. Dorénavant, plus aucun frein ne sera mis à la volonté des jeunes, sachant que 47 % des jeunes disent avoir un projet d'entreprise dans leur tête. Plus aucune raison ne pourra s'opposer à cette volonté.
Je souhaite que vous adoptiez avec enthousiasme…
…– si cela pouvait être consensuel, ce serait encore mieux – le texte qui vous est proposé aujourd'hui sur le patrimoine d'affectation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Pierre Gosnat.
Une fois n'est pas coutume, monsieur le secrétaire d'État, les députés du groupe GDR portent sur le projet de loi gouvernemental un regard positif (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)…
Je comprends votre enthousiasme, mais tout de même !
Notre regard est donc positif, eu égard à la situation souvent dramatique que connaissent de nombreux artisans et les centaines de milliers de personnes que l'on appelle les auto-entrepreneurs, ce qui est quand même un drôle de terme.
Pour autant, notre soutien n'est pas inconditionnel et j'aurai l'occasion d'y revenir bien entendu.
Le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée apporte en effet une réponse à une attente forte, exprimée par le secteur privé depuis plusieurs décennies.
Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, lors de votre audition par la commission des affaires économiques, ce texte est un tournant, à double titre.
D'une part, l'idée majeure de ce projet – la création d'un patrimoine d'affectation – fait son chemin depuis plus de trente ans. C'est dire si l'accouchement a été difficile !
Surtout, d'un point de vue juridique, il permet de rompre avec le dogme de l'unicité du patrimoine qui est ancré dans notre doctrine civiliste.
En 2009, près de la moitié des entrepreneurs français exerçaient leur activité professionnelle en nom propre, et 75 % des entreprises étaient des entreprises individuelles.
Cette importante proportion résulte notamment de la création, à votre initiative monsieur le secrétaire d'État, du statut d'auto-entrepreneur – ce qui n'est pas forcément une qualité.
Or en l'état actuel du droit, les conséquences de la défaillance d'une entreprise individuelle sont désastreuses pour l'entrepreneur, dans la mesure où selon l'article L. 2284 du code civil et en vertu du principe de l'unicité du patrimoine, les créanciers peuvent se payer sur la totalité du patrimoine de leur débiteur.
Comme cela a été rappelé, il en résulte des faillites dramatiques, socialement violentes pour la famille de l'entrepreneur qui est automatiquement touchée, et susceptibles de décourager les initiatives.
Ces défaillances d'entreprises individuelles représentent plus d'un quart des défaillances d'entreprises. Ce phénomène massif est particulièrement injuste pour des hommes et des femmes qui contribuent – ou tentent de contribuer – par leur travail au dynamisme de notre économie.
Ce manque de protection dû à une responsabilité patrimoniale aggravée nécessitait une adaptation de notre droit.
La création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est donc, en ce qu'elle permet de différencier un patrimoine d'affectation, une bonne chose. Ce statut permettra aux intéressés de gager leurs créances professionnelles sur leur seul patrimoine affecté.
Cette avancée s'inscrit cependant dans une logique que notre groupe ne cesse de dénoncer et constitue la version entrepreneuriale du slogan « Travailler plus pour gagner plus »,…
…lequel vise, pour satisfaire aux dogmes du capitalisme mondialisé, à créer davantage d'entreprises pour développer la concurrence. J'y insiste : nous souscrivons évidemment à l'objectif de faciliter la création et le développement des TPE, y compris individuelles, et soutenons les mesures visant à faciliter leur gestion et leur travail administratif ; cela va de soi.
Mais derrière cet objectif de mieux protéger les entrepreneurs individuels, votre politique pour l'économie et l'emploi d'une part, et les mesures visant à faciliter l'activité économique individuelle de l'autre, révèlent, lorsqu'on les met en perspective, tout autre chose : l'échec de votre politique en faveur du pouvoir d'achat et l'inadaptation de vos réformes face à la montée du chômage. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Eh oui, mes chers collègues, le nombre d'entreprises individuelles augmente en même temps que le chômage !
Ces politiques révèlent aussi votre complaisance à l'égard des entreprises peu scrupuleuses (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP),…
…qui, dans tous les secteurs, multiplient les plans sociaux malgré de confortables bénéfices et bien qu'elles distribuent d'inavouables dividendes ou octroient des salaires élevés à leurs dirigeants.
J'en profite d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, pour vous interroger sur l'entreprise Pier import, dont les salariés, que je viens de rencontrer et que vous avez rencontrés le 14 février dernier, se posent des questions : ils se verront peut-être bientôt obligés, les pauvres, de devenir auto-entrepreneurs.
Le 17 novembre 2008, vous déclariez dans Le Figaro que le statut d'auto-entrepreneur « consiste à offrir à chacun la possibilité de bénéficier d'un gain de revenus supplémentaires, ce qui, en cette période de ralentissement économique, répond à un vrai besoin. Cela devient même une arme anticrise. Tout le monde peut devenir auto-entrepreneur : les salariés qui veulent un complément de revenu, les retraités qui veulent améliorer leur pension, les jeunes qui ont besoin d'un peu d'argent pour leurs études ou encore les chômeurs, pour qui il pourra s'agir d'une chance de rebondir ». Bref, vous confirmez aujourd'hui ces propos d'alors.
Dès lors, tout est dit : les salariés sous-payés en raison d'un SMIC ridiculement bas, et qui ne peuvent compter ni sur la philanthropie de leur employeur ni sur les heures supplémentaires – dont on prétend qu'elles sont généreusement distribuées –, ou qui n'ont d'autre choix que d'accepter un temps partiel, sont incités à travailler plus en devenant auto-entrepreneurs, et bientôt entrepreneurs individuels à responsabilité limitée. Ils pourront ainsi mettre à profit leur repos dominical, leurs RTT ou leurs congés pour essayer, tant bien que mal, de joindre les deux bouts.
Les retraités, qui, pour une écrasante majorité d'entre eux, touchent des pensions indignes – il faudra d'ailleurs y revenir –, seront certainement enthousiastes à l'idée de créer leur petite affaire individuelle à soixante-cinq ans pour se payer ne serait-ce que des soins médicaux ou une aide à domicile.
Faites donc contribuer les revenus financiers ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Les étudiants aux revenus insuffisants, ou dont les bourses couvrent à peine leur loyer, peuvent toujours créer leur entreprise, puisque de nombreux patrons refusent de les embaucher en raison de leur inexpérience, de même que l'État, d'ailleurs, dans le cadre des missions de surveillance au sein des établissements scolaires – c'est tout le débat que nous avions récemment avec M. Chatel.
Et n'oublions pas les chômeurs, qui ne peuvent même plus compter sur le service public de l'emploi, tant ses agents sont débordés. Ainsi, 400 000 chômeurs seront heureux d'apprendre que, pour compenser la perte totale de leurs indemnités cette année, ils pourront en très peu de temps devenir leur propre employeur.
La création d'entreprise est la réponse du Gouvernement et de la majorité aux revendications des actifs précaires, des retraités, des étudiants et des chômeurs de notre pays ; elle est, en un mot, la traduction du slogan « Travailler plus pour gagner plus ». En réalité, vivre pour travailler sans avoir l'assurance de bénéficier d'un revenu décent et de profiter de la retraite, voilà la seule perspective de votre politique.
Arrêtons-nous un instant sur le problème du chômage, et mettons-le en balance avec les opportunités de création d'entreprise. Je ne vous apprendrai rien en disant que le nombre de créations d'entreprise est en hausse continue depuis le début des années 2000,…
…période à partir de laquelle a précisément explosé le statut des auto-entrepreneurs. Or, comme je l'ai rappelé, cela n'a pas enrayé la progression du chômage, loin de là, non plus que celle de la précarité, qui creuse inexorablement les inégalités.
Si certains d'entre eux avaient réellement envie de se lancer dans l'aventure, d'autres, très nombreux, y furent contraints par le risque de se retrouver dans une situation encore plus précaire.
Le durcissement des conditions d'indemnisation du chômage n'est pas étranger à ce phénomène. Il est d'ailleurs instructif de noter que, d'après l'Observatoire des inégalités, le taux de pauvreté est deux fois plus élevé chez les travailleurs indépendants, alors qu'ils ne représentent que 10 % des actifs. (« Et voilà, justement ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Pour le dire autrement, un actif pauvre sur cinq est un travailleur indépendant, et 65 % des auto-entrepreneurs gagnent en moyenne 775 euros par mois ! (« Justement ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Méditez ce chiffre, mes chers collègues.
Cet accroissement sans précédent du nombre de créations d'entreprise est donc aussi le reflet des difficultés sociales d'un pays dont les citoyens, victimes de la course au profit et à la rentabilité, souffrent du chômage et de la précarité. Les nouvelles opportunités qui leur sont aujourd'hui offertes portent donc en elles les germes d'une nouvelle précarité : il faut en percevoir les dangers.
Ce nouveau statut permet aussi de faire baisser temporairement et à court terme le taux de chômage national. Certes, un chômeur qui décide de monter son entreprise individuelle conserve ses indemnités pendant quelques mois, mais celles-ci diminuent dès que son entreprise engrange des recettes ; il devient alors chômeur avec activité réduite, sort de la première catégorie et n'est plus comptabilisé comme demandeur d'emploi. Voilà comment on fait baisser les chiffres du chômage !
Mais cette illusion sera de courte durée, car l'auto-entreprenariat, comme l'entreprenariat à responsabilité limitée, constitue un risque réel pour les petites entreprises, qui comptent peu de salariés : elles le disent d'ailleurs ouvertement. Le statut d'entrepreneur à responsabilité limitée étant moins coûteux, ces petites entreprises seront tentées d'en profiter pour baisser le coût du travail au détriment de leurs emplois, ou feront faillite face à la concurrence qui y aura recours. (« Oh ! sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Les entreprises de taille moyenne y trouvent largement leur compte, car ces statuts sont pour elles un moyen légal de contourner le droit du travail : nombre d'entre elles préfèrent désormais sous-traiter à un auto-entrepreneur ou aider un salarié à monter sa petite affaire pour lui commander le même travail et les mêmes prestations. Une part non négligeable d'auto-entrepreneurs, vous le savez bien, ont été obligés d'acquérir ce statut par leur employeur.
Pour les patrons, l'entreprise individuelle est une aubaine. Le nouvel entrepreneur ne compte pas ses heures, et l'ancien employeur, devenu client, échappe à ses obligations légales : pas de contrat de travail, pas de temps de travail et de repos, pas de congés à respecter !
Surtout, le paiement à la prestation ou à la livraison remplace le salaire minimum ; dès lors, pour l'employeur d'origine, le problème des licenciements est réglé. De son coté, l'auto-entrepreneur perd tous les droits et garanties attachés au contrat de travail : représentation syndicale, allocations chômage, congés payés ou congés maternité. Ces nouveaux statuts, qui sont d'ores et déjà la variable d'ajustement des entreprises de taille moyenne et des grandes entreprises, permettent à celles-ci de diminuer le coût du travail et d'accroître leurs profits en faisant jouer la concurrence entre travailleurs indépendants pour réduire le prix des prestations. Bref, cette nouvelle arme de la flexibilité constitue également une trappe à bas salaires : c'est inévitable.
Par ailleurs, ces statuts sont à l'origine d'une distorsion sur le marché du travail qui aggrave mécaniquement les déficits sociaux. La création de 300 000 entreprises individuelles équivaut, en termes de cotisations salariales et patronales, à une perte sèche de 2 milliards d'euros : chiffre intéressant à connaître à l'heure où nous nous apprêtons à débattre des retraites !
Si nous soutenons le projet de sécurisation des entrepreneurs individuels contenue dans le texte, nous restons très préoccupés par ces nouvelles modalités de travail – pour ne pas dire que nous y sommes hostiles. Nous souhaitons le dire à cette occasion et dénoncer les logiques qui prévalent à l'élaboration de votre politique de l'emploi en particulier, et de votre politique économique en général.
Vous risquez en effet d'aggraver les inégalités déjà criantes entre nos concitoyens. Vous favorisez la précarité des travailleurs et tissez le linceul de notre protection sociale en détricotant systématiquement toutes les garanties dont bénéficient encore les salariés.
Quelle urgence y a-t-il, pour le Gouvernement, à inscrire ce texte dans un ordre du jour déjà surchargé, comme s'en est ému le président de notre assemblée ?
Quel autre motif que la proximité des élections régionales pourrait justifier cette urgence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Un petit coup de pouce à votre candidature sans espoir, monsieur le secrétaire d'État ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Quoi qu'il en soit, il y a bien une urgence : celle de renvoyer le texte en commission (Mêmes mouvements) afin d'engager un débat de fond sur la situation réelle des artisans et des auto-entrepreneurs dans le contexte général de l'activité économique, et d'en évaluer l'impact pour le monde du travail.
Sans ce renvoi, les députés du groupe GDR envisagent de s'abstenir sur le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous n'avez avancé aucun argument, monsieur Gosnat, pour renvoyer le texte en commission.
Au nom de votre groupe, vous avez développé un discours idéologique contre la création d'entreprises, c'est-à-dire contre le souhait des Français, et notamment des jeunes, de se mettre à leur compte, d'être leur propre patron pour développer une activité que, loin de votre diabolisation, ils regardent comme une source d'épanouissement.
La commission, mes chers collègues, a procédé à onze auditions, auxquelles tous ses membres étaient conviés. Nous avons aussi, pendant sept heures en commission plénière, auditionné M. le secrétaire d'État et examiné les amendements. Or, monsieur Gosnat, ni vous ni aucun membre de votre groupe n'a assisté à une seule de ces auditions (Huées sur les bancs du groupe UMP),…
…pas plus qu'au débat en commission plénière. (« Scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi donc de vous dire que je m'oppose, au nom de la commission, à votre motion et en demande le rejet par notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.
Vous m'avez surpris, monsieur Gosnat : d'habitude, lorsque vous défendez une motion de renvoi en commission, vous êtes contre le texte ; or vous venez d'annoncer que vous vous abstiendriez. Cependant, comme l'a justement rappelé Mme la rapporteure, vous n'avez pas tous les éléments pour juger, puisque vous n'avez pas participé aux débats en commission. Toujours est-il que nous attendions de votre part une position plus tranchée.
Deuxième point : vous contestez l'urgence en évoquant les élections régionales ; mais ce texte, cela fait quinze ans que nous l'attendons ! Nous ne sommes pas élus pour couper des rubans, ni sortir nos carnets de chèques ou inaugurer des chrysanthèmes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Troisième point : vous évoquez souvent, avec émotion, les injustices, les inégalités et parfois les drames. Mais vous n'étiez pas là non plus lorsque Hervé Novelli a lu à la tribune la lettre de cette femme, mère célibataire avec deux enfants à charge, qui a perdu son entreprise et risque de se retrouver à la rue.
Comme l'a dit Laure de La Raudière, la commission a effectué un travail approfondi, mais je n'ai entendu de votre part qu'une longue diatribe contre les auto-entrepreneurs. Vous préférez qu'ils restent chômeurs ; moi, je préfère l'activité, car l'activité, c'est l'émancipation, et l'émancipation, c'est la liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la demande de renvoi en commission m'apparaît parfaitement justifiée (Rires sur les bancs du groupe UMP), pour deux raisons.
Chaque fois que nous avons abordé ce texte, divers compléments y ont été apportés, et la part qui revient aux amendements est désormais plus importante que celle de la rédaction initiale, qui ne comptait que cinq articles.
Une fois de plus, ce matin, il a été fait usage de l'article 88, ce qui prouve bien que la commission a travaillé dans la précipitation et que cette loi est loin d'être accomplie. Ce texte est important pour les entrepreneurs, et il aurait fallu que nous puissions prendre notre temps. Il aurait été bon, notamment, que la commission des lois, à laquelle j'appartiens, soit consultée sur un sujet qui n'est pas seulement économique, mais aussi très technique.
Je crains que la lettre qui a été lue tout à l'heure ne soit pas la dernière de son genre et que, avec le texte que vous proposez, nous devions nous préparer à de nouveaux drames. C'est vrai, la protection du patrimoine des entrepreneurs est une question importante. Hélas, votre texte ne répond nullement à ce souci légitime.
On ne peut traiter de la même manière tous les entrepreneurs – les artisans, les commerçants, les agriculteurs, qui ont surgi en cours de débat, et les professions libérales –, indépendamment de leur activité. Je crains donc que nous ne soyons allés un peu vite en besogne.
Pour vous, on va toujours trop vite ! Immobilisme rime avec socialisme !
Le sujet est très mal abordé. Vous verrez que, à l'usage, ce texte restera inapplicable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voterons bien évidemment la motion de renvoi en commission.
Je voudrais cependant faire un petit rappel de méthode. Il y a quelques jours, notre collègue Bernard Accoyer a pris sa plume de président pour écrire au Premier ministre qu'il regrettait l'abus qui était fait de la procédure de déclaration d'urgence pour les textes du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Nous sommes nombreux, sur tous les bancs de cette assemblée, à partager son point de vue.
Si l'urgence est injustifiée – et je pense que, en l'occurrence, elle l'est –, alors la motion de renvoi en commission est justifiée.
Certains de nos collègues qui viennent de s'exprimer ne sont pas avares d'artifices oratoires.
Les artisans apprécieront !
e. Vous n'étiez pas là non plus en commission pour m'écouter, monsieur de Rugy !
Madame de La Raudière, si nous tenions des statistiques sur la présence de nos collègues aux auditions préalables aux projets de loi…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Chiche !
…nous dénombrerions, à n'en pas douter, beaucoup d'absents dans tous les groupes.
J'ai écouté très attentivement l'intervention du secrétaire d'État dans mon bureau. Je suis sensible à ce qu'il a dit sur l'injustice dont sont en effet victimes certains de nos concitoyens. Mais nous n'avons pas, cher collègue Vigier, de hiérarchie à établir entre les diverses injustices. Celles que dénonce Pierre Gosnat sont tout aussi valables que celles qu'évoque le ministre.
Dernier argument pour vous convaincre de voter la motion de renvoi en commission : vous savez bien que ce temps de parole qui est utilisé par les groupes de l'opposition – il est rare qu'il le soit par ceux de la majorité, mais qu'ils ne se gênent pas si l'envie leur en prend…
…a pour intérêt de soulever un certain nombre de problèmes, de mettre diverses questions en débat. La moindre des corrections, surtout à l'égard de ceux qui, comme nous, font preuve d'une attitude constructive – puisque nous avons dit que nous ne voterions pas contre ce projet de loi –, serait de répondre aux questions qu'a posées Pierre Gosnat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cette seule raison devrait d'ailleurs vous inciter à voter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
C'est un peu tiré par les cheveux !
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Lui non plus n'était pas en commission ! Pourquoi se permet-il de donner des leçons ?
Bravo, monsieur le secrétaire d'État, pour votre ténacité ! Bravo pour ce texte, qui va mettre fin à l'injustice dont vous parliez tout à l'heure et que subissent des hommes et des femmes qui, tous les jours, prennent des risques et qu'un accident professionnel peut ruiner. Bravo, aussi, pour ce texte qui va permettre de lever un obstacle décisif à l'envie d'entreprendre.
Les entreprises innovent chaque jour, mettent toute leur énergie et leur courage au service d'un projet, d'un idéal, pour répondre à un besoin ou proposer un service. Nous ne pouvons plus nous permettre de gâcher nos talents. La croissance, ce ne sont pas seulement les entreprises du CAC 40, ce sont aussi et surtout ces femmes et ces hommes qui, dans leurs TPE, leurs PME, leurs PMI, leurs exploitations agricoles, créent des emplois et des richesses en réalisant le projet de leur vie.
François de Rugy doit se souvenir que, il y a quelques mois, à l'occasion d'une mission à laquelle nous avons travaillé ensemble et qui était consacrée aux freins au développement des PME…
…nous avons fait bien des auditions. Chaque fois, on nous a dit qu'il y avait de nombreux freins, en particulier celui du patrimoine d'affectation. Nous ne sommes pas dans l'urgence : nous sommes déjà très en retard.
Voilà plus de trente ans que les chefs d'entreprise attendent une loi qui protège leur patrimoine personnel. L'aléa professionnel est un risque présent à l'esprit de chaque Français qui entreprend. Est-il pour autant acceptable qu'il puisse conduire à la dilapidation du patrimoine personnel et à la ruine d'une famille ? Tous, sur ces bancs, nous faisons le constat de l'insuffisance criante du dispositif de protection actuel et du soutien apporté à ces entreprises.
Cette réforme tant attendue s'inscrit dans le prolongement de la loi pour l'initiative économique de 2003 et de la loi de modernisation de l'économie de 2008, qui ont consacré l'insaisissabilité du patrimoine immobilier de l'entrepreneur.
L'entrée en vigueur du régime de l'auto-entrepreneur aura permis à chacun de mesurer à quel point l'esprit d'entreprise est bel et bien vivant dans notre pays. Plus de 580 000 entreprises ont été créées depuis 2009, soit 75 % de plus qu'en 2008. Ces entreprises devraient générer près de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2009. Il n'y aura pas de nouvelle croissance sans un soutien fort apporté aux initiatives entrepreneuriales.
(M. Maurice Leroy remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
C'est l'objet de ce texte qui donnera envie d'entreprendre, en mettant fin au dogme, vieux de deux siècles, de l'unicité du patrimoine de l'entrepreneur, comme le rappelait Patrick Ollier, et en permettant la protection de ses biens personnels en cas de faillite. Je rappelle qu'il s'agit d'une demande ancienne de la famille centriste. Voilà quinze ans que Charles de Courson, année après année, a déposé des amendements pour l'instauration de la notion de patrimoine affecté. C'est bien la preuve que les idées du Nouveau Centre sont toujours à l'avant-garde du débat démocratique et qu'il faut écouter très attentivement cette voix pionnière.
Heureusement que vous êtes là pour le dire : personne n'y aurait pensé !
Mes chers collègues, l'objectif de cette loi est à la fois simple et ambitieux : faire en sorte que la défaillance d'une entreprise ne soit plus synonyme de ruine personnelle et familiale, et parvenir à libérer les énergies dont, plus que jamais, nous avons besoin. Le Gouvernement répondra ainsi à la principale préoccupation des entreprises en nom propre. Cette avancée concerne 1,5 million de chefs d'entreprise, soit près de la moitié des chefs d'entreprise existant en France : 1,5 million d'hommes et de femmes, commerçants, artisans, libéraux, agriculteurs, qui sont toujours caution personnelle sur l'intégralité de leurs biens.
La création de l'EIRL vient consacrer une avancée essentielle, au moment où nos entreprises sont frappées de plein fouet par la crise. J'insiste sur le fait que le Nouveau Centre sera particulièrement attentif à ce que les banques qui ont bénéficié d'une aide exceptionnelle pendant la crise soutiennent réellement les projets d'entrepreneurs individuels.
Le Nouveau Centre se réjouit également que le Gouvernement ouvre aujourd'hui la voie à l'entrepreneuriat à la française, plus dynamique et plus vigoureux. Comme pour le statut de l'auto-entrepreneur, Hervé Novelli a choisi pour l'EIRL la clarté et la simplicité, deux principes qui seront un gage de succès pour ce nouveau statut.
La définition du régime de l'EIRL a été rappelée par les précédents orateurs et je n'y reviendrai pas. Je m'arrêterai simplement sur deux aspects du texte qui me semblent essentiels. Tout d'abord, nous nous sommes assurés, lors de l'examen en commission, que le dispositif constitue une avancée majeure pour les exploitants agricoles. Avec ce nouveau statut, ils verront leur situation personnelle et professionnelle sécurisée, et ils en ont besoin. J'en profite pour saluer l'initiative de mon collègue Gérard Cherpion, qui a présenté en commission un amendement prévoyant que les agriculteurs soumis au régime forfaitaire puissent également bénéficier de ce statut. Il est temps que les agriculteurs soient considérés comme des chefs d'entreprise à part entière.
Je m'attarderai aussi sur l'option de régime fiscal prévue par le projet de loi. L'entrepreneur en nom propre pourra désormais bénéficier du même régime fiscal que l'associé unique d'une EIRL et aura le choix d'opter pour l'impôt sur le revenu ou pour l'impôt sur les sociétés. Cette initiative permettra donc de mettre fin à une iniquité fiscale démobilisatrice pour les entrepreneurs.
Un pays dans lequel on a peur d'entreprendre, c'est un pays qui tourne le dos à la modernité. Nous avons pris trop de retard dans ce domaine. Aussi, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre soutiendra cette réforme qui consacre la spécificité de l'entrepreneuriat, lève une nouvelle barrière à l'envie d'entreprendre et constituera un outil solide pour sortir notre pays de la crise, pour une nouvelle croissance et non pas, monsieur de Rugy, pour la décroissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, toutes les enquêtes, tous les sondages en attestent : 15 millions de Français rêvent de créer leur entreprise. C'est une évolution – pour ne pas dire une révolution – culturelle dans notre pays.
Conformément à l'engagement du chef de l'État, ce projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée répond à une demande historique et – plusieurs orateurs l'ont dit avant moi – rompt avec deux siècles de dogme juridique de l'unicité du patrimoine.
Dans le contexte économique que nous connaissons, nous nous devions de saisir cette occasion, dont il est clair qu'elle constitue un vecteur de croissance. Non, monsieur Gosnat, il ne faut pas attendre, il faut agir au plus vite, car nous devons collectivement faire preuve de responsabilité en encourageant ce dispositif.
Les entrepreneurs français sont très attachés au statut de l'entreprise individuelle. En 2009, 75 % des entreprises créées l'ont été en nom propre. Le régime de l'auto-entrepreneur – dont nous savons ce qu'il vous doit, monsieur le secrétaire d'État –, entré en vigueur le 1er janvier 2009, a contribué au succès de l'entreprise individuelle grâce aux démarches simplifiées et au régime fiscal adapté qu'il propose. Il convient de rappeler que 320 000 créations d'auto-entreprises ont été enregistrées à la fin du mois de décembre dernier. Toutefois, chacun le mesure et nous en avons souvent parlé dans cet hémicycle, l'entreprise individuelle est fortement exposée au risque de faillite. Nous savons tous que le cap des trois premières années reste difficile à franchir pour nombre d'entrepreneurs. En 2009, 15 000 défaillances de ce type d'entreprises ont été dénombrées. L'entrepreneur individuel répond de ses dettes sur la totalité de son patrimoine.
Exactement !
En cas de dépôt de bilan, cette situation est souvent synonyme de ruine personnelle, voire familiale. Les dispositifs actuels visant à limiter la responsabilité d'un entrepreneur individuel n'ont pas connu le succès escompté, qu'il s'agisse de l'EURL ou de la déclaration d'insaisissabilité. En 2009, les EURL ne représentaient que 4 % des créations d'entreprise, probablement en raison des obligations contraignantes qu'elles impliquent, comme la tenue d'un registre de décisions, la gestion comptable et financière, dont il est incontestable qu'elles freinent l'initiative entrepreneuriale. Évoquons aussi la réticence de nombreux entrepreneurs à créer une personnalité morale distincte d'eux-mêmes pour leurs activités professionnelles.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, institue un nouveau régime juridique pour les entreprises individuelles. Il permet enfin – j'insiste sur cet adverbe – de séparer le patrimoine dédié à l'activité professionnelle et le patrimoine personnel. Désormais, le patrimoine personnel est le gage des créanciers personnels et le patrimoine professionnel celui des créanciers professionnels.
Ce nouveau statut examiné en première lecture devant notre assemblée était attendu depuis plus de vingt ans par les artisans et les commerçants, comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État. Il apporte une réponse pragmatique aux préoccupations de 1,5 million d'entrepreneurs individuels, soit – rappelons-le, mes chers collègues – juste la moitié des entreprises françaises. C'est dire l'impact de ce texte aujourd'hui, car ces entreprises sont les plus exposées au risque de faillite.
Vous présentez ce texte, monsieur le secrétaire d'État, au moment où, plus que jamais, nous avons besoin d'hommes et de femmes qui entreprennent pour relancer notre économie. Je tiens tout particulièrement à vous remercier de votre détermination sur le sujet. Ce dispositif innovant est le résultat d'un long parcours et de nombreux débats. Vous avez fait allusion aux différents rapports qui ont été rendus, et nombreux ont été les parlementaires à se pencher sur le sujet.
Madame la rapporteure, vous avez mené les travaux qui ont permis d'aboutir. Soyez-en remerciée.
Faisons un peu d'histoire, monsieur le secrétaire d'État. Dès 2003, alors que vous présidiez la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour l'initiative économique, nous avions obtenu ensemble et, déjà, avec la complicité du président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, que je voudrais remercier, la déclaration d'insaisissabilité du domicile.
Cependant, force est de constater qu'entre 2003 et 2009, à peine 15 000 déclarations d'insaisissabilité ont été enregistrées, soit moins de 1 % des entreprises individuelles concernées. Peut-être le fait que les déclarations doivent être déposées auprès d'un notaire est-il considéré comme une complication.
Lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie, nous avions obtenu la protection de tous les biens fonciers du patrimoine de l'entrepreneur individuel non affectés à l'usage professionnel, bâtis ou non bâtis. Le Sénat avait même précisé les conditions de validité de la protection en cas de cession de la résidence faisant l'objet de la déclaration. Ainsi, les éléments du patrimoine de l'entrepreneur pouvaient être sortis du régime de l'insaisissabilité dans leur ensemble ou individuellement.
C'était là un progrès, que nous avons salué en son temps, mais il paraissait encore insuffisant. Je me souviens, monsieur le secrétaire d'État, de discussions avec votre prédécesseur, à qui nous disions que nous obtenions, texte après texte, un petit morceau de réforme, sans parvenir à une séparation claire des différents patrimoines. Il avait alors accepté le principe d'une mission. Certains disent qu'une mission sert à enterrer mais vous avez démontré, monsieur le secrétaire d'État,…
Grâce à vous, madame Vautrin !
…qu'une mission ne sert pas à cela, que, très concrètement, elle peut permettre de montrer la faisabilité des choses.
C'est également vous qui aviez chargé notre ancien collègue Xavier de Roux de rédiger un rapport sur la création d'un patrimoine d'affectation, qu'il vous a remis le 5 novembre 2008. Je me souviens que nous vous avions alors demandé ce que vous en feriez, le rapport étant extrêmement favorable à l'instauration d'un système permettant de séparer le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l'entrepreneur et réaffirmant la nécessité pour la loi française d'« affirmer clairement qu'une personne peut avoir plusieurs patrimoines affectés à des buts différents ». Le droit allemand le fait déjà, et les choses fonctionnent de manière tout à fait correcte.
Quinze mois plus tard, nous y sommes, le texte tant attendu est examiné.
Je voudrais, madame la rapporteure, souligner le travail fait au sein de la commission, puisque plusieurs amendements, déposés notamment par notre groupe, permettent d'autres avancées significatives, comme le fait que les agriculteurs puissent, quel que soit leur régime fiscal, choisir le statut d'EIRL. Je voudrais également dire combien il me paraît important que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée puisse choisir entre l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, alors qu'il ne pouvait auparavant pas choisir de relever de l'impôt sur les sociétés. Le projet de loi met fin, à ce propos également, à une injustice.
S'agissant des difficultés d'accès au crédit, vous avez eu, monsieur le secrétaire d'État, l'occasion de repréciser les choses en répondant à une question d'actualité en début d'après-midi. Il était effectivement important, mes chers collègues, d'affirmer combien la constitution d'une EIRL ne doit pas être un obstacle à l'accès au crédit bancaire pour les entrepreneurs.
Exactement !
La mobilisation d'OSEO et la proposition d'un programme de garanties adaptées pour éviter que les établissements bancaires ne demandent la mise en gage du patrimoine personnel répondent à de fortes attentes. Soyez remercié, monsieur le secrétaire d'État, de cette réponse complémentaire. Nous mesurons à quel point, mes chers collègues, il s'agit d'une démarche concrète et, par conséquent, efficace et susceptible de profiter très rapidement aux entrepreneurs de France.
Grâce à l'EIRL, la faillite d'une entreprise individuelle ne contribuera plus nécessairement à une ruine personnelle et familiale. D'une certaine manière, cela confortera l'envie d'entreprendre. En effet, nombreux sont celles et ceux que cette crainte empêchait de passer à l'acte. Ils pourront désormais entreprendre en connaissance de cause et dans une plus grande sécurité. Gageons que cette initiative jouera un rôle primordial, en créant un climat plus serein et donc plus favorable à la création d'entreprise.
Je voudrais également rendre hommage à toutes les organisations professionnelles et consulaires qui travaillent sur ce dossier depuis de nombreuses années. Ils trouvent là la réponse à une préoccupation dont ils nous faisaient part à l'occasion de l'examen de chaque texte, ce qui suscitait amendements et discussions. Nous voyons combien notre assemblée peut travailler avec les professionnels pour trouver des réponses adaptées au service de l'entrepreneuriat français.
La sortie de crise que chacun d'entre nous appelle de ses voeux passera par l'esprit d'entreprise et d'initiative, qui doit retrouver une place de choix parmi les valeurs de notre société. Incontestablement, ce texte y contribuera.
Cette réforme traduit la volonté de la majorité d'encourager les talents, d'encourager la création d'entreprises, en protégeant mieux les entrepreneurs individuels, au premier rang desquels figurent les artisans, les commerçants.
C'est le dynamisme de nos entreprises qui peut fonder une meilleure protection de l'emploi. Votre projet de loi, monsieur le secrétaire d'État y contribue, parce qu'il redonne confiance. Redonner confiance aux entrepreneurs de France, c'est évidemment l'une des volontés du groupe UMP. C'est pour cette raison que nous voterons ce texte sans réserve et avec enthousiasme. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je rappellerai tout d'abord ceci, qui semble parfois un peu oublié, à tort : entreprendre, c'est aussi prendre des risques.
À entendre ces dernières années, combattre l'État providence, on éprouve le sentiment que ce dernier ne serait mauvais que pour les salariés et les fonctionnaires et qu'il serait excellent pour les entrepreneurs. Peut-être faudrait-il s'entendre un peu sur ce sujet.
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Maurice Leroy au fauteuil de la présidence.)
Certes, monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué des situations que nous connaissons bien, celles de gens qui se retrouvent dans des situations catastrophiques parce qu'ils ont essayé d'entreprendre de bonne foi et sans aucune intention délictueuse, et qui se retrouvent sans aucun moyen de subsistance, puisqu'ils ne bénéficient même pas les ASSEDIC après la cessation d'activité de leur entreprise. Tous, nous avons eu l'occasion de connaître de telles situations. Tous, nous comprenons que cela ne peut pas durer.
Nous savons aussi – l'examen de ce texte me donne l'occasion de l'évoquer – qu'un certain nombre de chefs d'entreprise ne souffrent guère de leur faillite : les faillites les poches pleines, cela existe ! Nous aimerions, monsieur le secrétaire, que vous – ou un autre – nous proposiez enfin un texte de nature à lutter contre ce type de faillites, qui ne sont pas le fait d'entrepreneurs individuels mais celui de personnes agissant dans des entreprises soumises à d'autres régimes, notamment parmi les plus grandes entreprises de notre pays. Le Gouvernement montre beaucoup moins d'allant en cette matière, et nous le regrettons vivement.
La situation que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d'État, mérite réflexion. Il faut essayer de trouver une solution, mais il en existe déjà un certain nombre : l'EURL, que vous avez évoquée, la SARL, l'insaisissabilité, dont nous reparlerons sans doute au cours de ce débat.
Fallait-il créer un statut supplémentaire ? Je constate que, sous le prétexte de simplifier les choses, les gouvernements de droite qui se sont succédé depuis 2002 ont plutôt complexifié les choses.
Vous et vos prédécesseurs avez, monsieur le secrétaire d'État, créé un nombre incalculable de statuts, de possibilités, etc., qui feront le bonheur des juristes mais qui ne feront pas forcément celui des entrepreneurs.
J'ai oublié d'évoquer l'auto-entrepreneur, cher à M. Novelli. Je voudrais aussi qu'il donne aussi, à l'occasion, le bilan d'une autre grande nouveauté, la nouveauté du quinquennat précédent, à l'époque où Mme de la Raudière n'était pas encore députée,…
…à savoir la création d'entreprise à un euro.
Aucun bilan de ce dispositif n'a jamais été donné. Il serait pourtant intéressant d'en disposer. Nous pourrions alors mesurer les résultats de chaque moment de votre action.
Vous affirmez qu'il faut simplifier. Comme je l'ai déjà dit en commission, ce qui est simple, voire simpliste, au moment de sa création, peut se révéler extrêmement compliqué lorsque les difficultés commencent à s'accumuler et, à force de ne pas régler un certain nombre de problèmes suffisamment tôt, on se retrouve, plus tard, confronté à des montagnes de difficultés. Beaucoup de chefs d'entreprise l'ont vécu et, malheureusement, pourraient le vivre à nouveau.
Le patrimoine d'affectation est effectivement une très bonne idée. C'est bien pour cette raison que nous ne voterons pas contre votre texte.
Cependant, il souffre de nombreuses imprécisions et même, parfois, de contradictions.
Protéger, par principe, le patrimoine personnel est une excellente chose. Encore faut-il qu'il soit réellement protégé. Nous aurons l'occasion d'y revenir à l'occasion de la discussion des amendements.
Des difficultés vont apparaître très rapidement, notamment en ce qui concerne le gage général. Certes, vous évoquez le possible recours à des sociétés de cautionnement mais vous savez bien, monsieur le secrétaire d'État, que, si les sociétés de caution mutuelle fonctionneront sans doute pour l'artisanat – ce dernier s'est organisé depuis vingt ans, il faut le reconnaître, et les défaillances sont beaucoup moins importantes dans ce secteur que dans le commerce –, nous doutons de leur efficacité dans le domaine du commerce et pour les professions indépendantes.
Comme vous le savez, l'assurance, par définition, ne vit que quand elle a la possibilité de bien mesurer le risque qu'elle prend. C'est d'ailleurs pour cela qu'il est difficile d'assurer contre le gel dans la vallée du Rhône : quand il gèle dans une commune de la vallée du Rhône, il gèle dans toutes les communes et toutes les productions souffrent de la même façon. Aucune assurance ne se risque donc sur ce terrain. L'assurance ne fonctionne que quand elle peut évaluer le risque, ce qui, en l'occurrence, ne sera pas toujours possible.
Le gage général est une bonne idée, qui ne résiste cependant pas à l'examen. Couvrant autant les créances à court terme que les créances à long terme, le gage général risque de décourager les créanciers à long terme. Ce sont effectivement, dans un premier temps, les créanciers à court terme, parmi lesquels – dans certains cas – l'État, qui pourront se servir. Dans ces conditions, le banquier, qui serait un créancier à long terme, risque de ne pas s'engager, de ne pas prêter l'argent nécessaire au démarrage de l'entreprise, et même les garanties extérieures ne pourront pas le conduire à s'engager dans de telles conditions.
En outre, curieusement, le créancier familial, celui qui a une créance sur le patrimoine non affecté à l'usage professionnel, pourra se servir sur le patrimoine de l'entreprise. Je comprends certes la logique à l'oeuvre – une personne peut détenir une entreprise florissante tout en ayant fait des erreurs dans la gestion de son patrimoine privé – mais, s'il en est ainsi, les garanties apportées au créancier de l'entreprise s'en trouveront affaiblies, sans que ce dernier en soit informé. Les créanciers professionnels, qui connaissent ces sujets, auront donc quelques difficultés à comprendre le sens de votre proposition.
De même, en matière de succession, il faudrait que les créanciers de l'entreprise fussent protégés à la liquidation de l'héritage, ce qui ne semble pas le cas en l'état de votre texte.
La réalité de votre texte est simple. J'ai dit, tout à l'heure, que c'était une bonne idée, mais j'ai voté la motion de renvoi en commission présentée par mon collègue Gosnat.
Quel paradoxe !
Ce n'est pas du tout paradoxal, monsieur le secrétaire d'État, car je m'interroge sur votre précipitation.
Certes, ce texte est attendu depuis trente ans, mais, si on l'attendait depuis si longtemps, la droite est là depuis huit ans. Vous auriez donc pu faire cette réforme auparavant !
Je ne suis pas là depuis huit ans !
Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes également comptable de la politique des majorités auxquelles vous apparteniez. Vous ne pouvez donc vous abriter derrière un tel argument : si cela n'a pas été fait, c'est sans doute que vous ne jugiez pas cela aussi urgent que vous l'estimez aujourd'hui.
Vous avez balayé tout à l'heure d'un revers de main les arguments de certains de nos collègues arguant que la campagne électorale pour les élections régionales avait motivé la procédure accélérée.
Monsieur le secrétaire d'État, s'il y a urgence à examiner aujourd'hui ce projet de loi, quand arrivera-t-il devant le Sénat ? Vous n'en savez rien ! En outre, vous avez dit vous-même que ce texte n'entrerait en application qu'au 1er janvier 2011. Compte tenu de l'embouteillage législatif que nous connaissons, je ne suis même pas sûr que votre projet sera examiné par le Sénat avant l'été, voire avant l'automne !
Madame la rapporteure, nous prendrons le pari tout à l'heure en bas de cette tribune, ou plutôt dans quelques semaines lorsque nous parlerons des paris en ligne dans cet hémicycle ! (Sourires.)
Votre projet est en réalité un texte d'affichage. Le soldat Novelli s'est mis à dos les artisans en créant le statut d'auto-entrepreneur…
Allons ! Je suis leur ministre !
Vous vous les êtes mis à dos et vous savez pourquoi. Il fallait donc, avant les élections régionales, trouver un texte « emblématique », et certains ont osé dire que c'était le plus grand texte de la législature… Cela laisse entendre qu'il n'y a pas eu beaucoup de grands textes durant cette législature !
Si j'étais à votre place, madame la rapporteure, je ne reprendrais pas cet argument, qui montre le peu de cas que vous faites des autres textes que vous avez présentés au cours de cette législature !
La vraie raison de l'urgence, c'est qu'il faut bien afficher quelque chose avant les élections régionales. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, j'espère que vous saurez décompter le temps d'intervention de mes collègues sur mon temps de parole !
Malheureusement pour vous, je n'ai pas terminé !
J'ai expliqué que le texte venait trop tôt parce qu'il n'était pas abouti. Nous verrons tout à l'heure que vous n'avez même pas fait les arbitrages à l'intérieur de votre majorité sur ce texte, puisque des amendements vont être déposés par le rapporteur général de la commission desfinances.
Je suis navré de vous le dire, madame la rapporteure, mais le rapporteur général de la commission des finances a, dans cette assemblée, un certain pouvoir.
Vous ne l'avez peut-être pas remarqué en trois ans, mais nous qui sommes là depuis plus longtemps, nous avons observé que le rapporteur général avait un certain pouvoir.
Vous qui êtes là depuis longtemps, monsieur Gaubert, vous savez donc qu'il faut parler dans le temps qui vous est imparti ! Aussi, je vous remercie de bien vouloir conclure. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, si vous pouviez expliquer le sens de son travail à Mme la rapporteure, tout irait bien !
Pour conclure, un bon moyen de faire un bon texte aurait été d'arbitrer d'abord avec la commission des finances et le rapporteur général, puis d'examiner entre vous s'il y avait ou non une niche fiscale. Vous dites que ce n'est pas une niche fiscale, mais le rapporteur général dit que c'en est une.
Nous verrons cela tout à l'heure.
Nous en reparlerons sans doute, mais cela montre, monsieur le secrétaire d'État, que la seule urgence est bien celle que j'ai évoquée tout à l'heure : il y a urgence, en effet, à vous réconcilier avec les artisans.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je le dis d'entrée de jeu, j'estime que ce texte est une avancée. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cela étant, je ferai une remarque d'ordre général, suite aux propos de Jean Gaubert. Il semble intéressant de nous arrêter quelques instants sur la question du risque dans l'économie, notamment dans le cas d'un créateur d'entreprise.
Il est tout à fait fondé de cantonner le risque, de bien le délimiter, mais il ne faudrait pas laisser croire qu'il est possible, par une disposition ou par une autre, de le faire disparaître. Créer un sentiment d'irresponsabilité par rapport aux réalités économiques et financières d'une entreprise pourrait entraîner de graves conséquences. Mais avant tout, nous devrions réfléchir, dans notre pays, sur ce que pourrait être une forme de culture du risque en matière économique, voire aborder de front la question de l'échec. Car s'il est logique de tout faire pour y parer, il faudrait aussi tout faire pour qu'il ne soit pas stigmatisant. J'ai eu l'occasion, il y a quelques mois, avec l'Institut de l'entreprise, de faire un voyage d'études aux États-Unis. J'ai retenu essentiellement la chose suivante : la différence, c'est que la culture de l'échec fait partie de la culture de la réussite : l'échec fait partie de la réussite.
Cela peut sembler étrange, mais cela change la donne, notamment par rapport aux investisseurs.
Cela étant, je tiens à exprimer le regret, comme l'ont fait avant moi certains de nos collègues, que des calculs politiciens aient présidé à cette mise à l'ordre du jour précipitée et à la procédure accélérée.
Mieux vaut tard que jamais !
Ce sont des calculs électoraux, sans doute à l'approche des élections régionales où vous êtes vous-même candidat, monsieur le secrétaire d'État. Ce sont également des calculs en direction des artisans, qui avaient exprimé beaucoup de critiques et de réticences face à la création du statut d'auto-entrepreneur.
J'ai rencontré, dans mon département, les responsables de la CAPEB – la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment…
Moi aussi !
Me défendre ? (Sourires.)
…réfréner leurs critiques. Mais j'y reviendrai. Ce texte était-il la dernière occasion pour vous, monsieur le secrétaire d'État, de vous réconcilier avec les artisans ? On ne peut guère s'empêcher de se poser la question.
Je voudrais aussi tempérer les ardeurs de certains discours que j'ai entendus depuis le début de notre débat. D'abord, monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé d'un moment historique. Peut-être pourriez-vous faire preuve d'un peu plus de modestie ! Il en est de même pour vous, madame la rapporteure, qui avez cité cette phrase d'un responsable de la Chambre des métiers…
S'il s'agit de la plus grande réforme du quinquennat, même pour les entreprises, madame de La Raudière, c'est un terrible aveu !
Cela signifie que l'opposition n'a plus besoin d'ajouter grand-chose pour faire le bilan de votre action.
Quant à M. Vigier, il voyait dans ce texte un moyen de relancer la croissance. Là aussi, restons modestes et ne plaçons pas la barre trop haut ! Il s'agit avant tout d'une mesure pragmatique pour aider les entrepreneurs. Soyons réalistes ! D'autant que nous attendons toujours – nous en avons parlé, M. Vigier et moi-même, en commission des finances, et dans le cadre de la mission d'information que nous avons coprésidée – le Small Business Act à la française, soit une loi permettant de développer dans notre pays le rôle et l'action des petites et moyennes entreprises.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez dit, en présentant votre projet de loi, que selon vous, la création d'entreprise était un moyen de promotion sociale dans notre pays. Si je souscris à ces propos, permettez-moi toutefois d'émettre une réserve : il est dommage que cela devienne le dernier mode de promotion sociale. Pourquoi n'y aurait-il plus de promotion sociale pour les salariés dans les entreprises privées, par le biais de la formation professionnelle ? Nous pourrions d'ailleurs revenir sur la réforme de la formation professionnelle, de très faible portée, que nous avons votée lors de la précédente session.
La promotion sociale peut aussi se faire au travers des concours. Je ne suis pas fonctionnaire et je n'ai jamais passé un concours, mais j'estime qu'il n'y a rien d'infamant à ce que les concours de la fonction publique soient un moyen de promotion sociale, y compris les concours internes.
Mais revenons au texte. Il existait déjà des dispositifs permettant de protéger les entrepreneurs individuels, notamment les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée. Mais après vingt-cinq ans d'existence, elles ne représentent que 6,2 % des entreprises. Je ne sais pas si vous avez analysé, monsieur le secrétaire d'État, les raisons de cet échec relatif.
Je vous répondrai tout à l'heure.
Sont-ce les obligations, et notamment les formalités, qui constituent un obstacle ou un frein trop important ?
Il existe aussi la déclaration d'insaisissabilité, faite devant notaire, qui permet à l'entrepreneur de rendre insaisissables les biens de son patrimoine personnel. Là aussi, 10 000 déclarations seulement ont été faites en 2009. C'est peu, mais la protection n'est que partielle, en tout cas insuffisante.
Bref, tous ces dispositifs n'ont eu que peu de succès.
Le nouveau statut qui permettra à l'entrepreneur de déclarer lui-même la part du patrimoine affectée à son entreprise pourrait concerner près de 1,5 million de personnes, c'est-à-dire la moitié des chefs d'entreprise en France, ce qui a été salué par plusieurs organisations comme l'UPA – l'union professionnelle artisanale – ou la CGPME.
Cela étant, l'UPA a émis quelques réserves ; elle souhaite notamment qu'il n'y ait pas un excès de formalisme, que cela n'entraîne pas des coûts, des formalités comptables trop importantes. Elle a aussi souligné le fait qu'il fallait empêcher les établissements bancaires d'exiger une caution autre que celle relevant du patrimoine affecté à l'entreprise.
La confédération générale des petites et moyennes entreprises, sans doute un peu plus prudente, a parlé d'une initiative potentiellement heureuse. Mais elle a tenu à préciser que l'efficacité réelle de cette mesure dépendra pour une bonne part du comportement des acteurs bancaires. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, que vous précisiez une nouvelle fois la solution que vous avez évoquée tout à l'heure lors de la séance de questions d'actualité. Il ne faut pas transférer le risque que font courir à leur patrimoine les entrepreneurs en leur faisant gager leur patrimoine personnel lorsqu'ils contractent un emprunt auprès d'une banque. J'ai entendu ce que vous proposiez avec OSEO, mais il me semble nécessaire que vous apportiez des précisions sur ce sujet.
J'évoquerai maintenant les limites du projet.
Pouvez-vous nous expliquer clairement, monsieur le secrétaire d'État, ce qui justifie à vos yeux la suppression pure et simple de la déclaration d'insaisissabilité, alors que le Syndicat des indépendants souhaitait manifestement la maintenir ?
Je voudrais aussi relever que la séparation entre patrimoine privé et patrimoine professionnel n'est pas toujours aisée et peut même être considérée comme quelque peu théorique pour certains types d'activités. Imaginons, par exemple, le cas d'un commerçant qui achète une maison lui servant à la fois de local commercial et de lieu d'habitation.
Je voudrais, à l'occasion de ce débat, revenir sur la création du statut d'auto-entrepreneur. Pierre Gosnat l'a évoqué, mais vous ne lui avez pas répondu. Je n'ai pas sur ce sujet une approche idéologique, mais j'estime que cette mesure a été un peu trop souvent « survendue ». L'idéologie était d'ailleurs peut-être plus de votre côté. Je me souviens de ce que disait, il y a quelques années, Alain Madelin, dont vous étiez l'un des proches. Il affirmait vouloir remplacer le contrat de travail par un contrat de prestations commerciales. On pourrait donc voir le statut d'auto-entrepreneur comme le lointain descendant de cette approche.
Il y a eu environ 320 000 créations en un an, mais 60 % des auto-entrepreneurs n'ont déclaré aucun chiffre d'affaires pour les neuf premiers mois de l'année. Tout ceci reste donc virtuel et théorique. Il y a un problème de suivi, d'accompagnement des auto-entrepreneurs. Il ne faudrait pas entretenir l'illusion qu'il est possible de créer une entreprise, sans avoir un capital ou une activité durable qui dépasse le simple statut d'auto-entrepreneur.
Selon une étude du journal Les Échos, nombre d'auto-entrepreneurs naviguent à vue : seuls 23 % d'entre eux ont effectué une étude de marché, 29 % ont chiffré leurs investissements et 19,5 % ont un prévisionnel de chiffre d'affaires.
Je ne reviendrai pas sur la relative précarité ou instabilité à laquelle peut contribuer le statut d'auto-entrepreneur.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que vous nous apportiez des réponses sur tous ces points afin de nous éclairer. En fonction de vos réponses, nous adapterons notre vote, sachant que, de toute façon, nous ne voterons pas contre votre texte qui constitue une indéniable avancée.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, nous sommes heureux de débattre d'un texte de qualité ! Il est pris en main par des gens à la fibre centriste et qui sont de la région Centre, donc tout va bien ! (Sourires.)
Des précisions viennent d'être apportées. Il est vrai que c'est une date importante. Nous avons tous été marqués par les livres que nous avons lus et par ces fabuleux portraits de gens ruinés décrits par Balzac. Si, d'un côté, l'entreprise signifie prise de risque – ce que pensent les centristes – et d'abord une prise de risques sur ses deniers propres, il est, en revanche, anormal que les entrepreneurs soient pris dans des engrenages financiers qui les engagent bien au-delà de la prise de risque liée à leur projet entrepreneurial et qui les broient personnellement.
Ce risque de dérapage dans l'engagement financier a été – je pense que l'on peut parler au passé – un des freins majeurs au développement de l'initiative et de l'esprit d'entreprise dans notre pays. Alors oui – et cela a été bien dit par notre collègue Vigier – l'adoption de ce texte fera date dans notre droit. Plus de deux siècles de code civil ont confirmé l'unicité du patrimoine au regard de la responsabilité personnelle, l'entrepreneur devant, au nom de ce principe, répondre de ses engagements professionnels sur la totalité de son patrimoine. Cet état de fait n'est plus tenable dans notre société d'aujourd'hui.
En un mot : une défaillance ne sera plus synonyme de condamnation. Ce fut fait progressivement. La loi sur l'initiative économique d'août 2003 a déjà donné lieu à quelques avancées : l'entrepreneur en nom propre peut déclarer insaisissables ses droits sur sa résidence principale. En août 2008, la loi de modernisation de l'économie a plus généralement permis à l'entrepreneur de déclarer insaisissable ses droits sur tout bien foncier bâti ou non bâti et non affecté à un usage professionnel. Vous avez été nombreux à souligner le succès limité de ces mesures. Le diagnostic a été posé par le Gouvernement, lequel a entrepris aujourd'hui, une réforme qui, nous devons le reconnaître, fait à peu près consensus et que le Nouveau Centre tient à saluer puisqu'elle promeut la liberté d'entreprendre et encadre la prise de risque.
Néanmoins, le Nouveau Centre considère que les banques doivent, elles aussi, jouer le jeu de cette réforme. Et ce n'est pas gagné. C'est effectivement le point sensible de cette réforme. En effet, les banques auront naturellement tendance à reconstituer leur marge de sûreté sur le patrimoine personnel des entrepreneurs en nom propre. Je tiens, à ce titre, à saluer l'annonce que vous avez faite, monsieur le secrétaire d'État, lors de la séance des questions de cet après midi. Celle-ci a dévoilé le mécanisme assurantiel offert aux entreprises, c'est-à-dire la possibilité d'avoir accès à des garanties complémentaires, nécessairement payantes, mais à un prix raisonnable, proposées par OSEO ou par la société interprofessionnelle artisanale de garantie d'investissements, la SIAGI. Ces garanties complémentaires, à condition que leur prix ne soit pas prohibitif – et les détails compteront en la matière, monsieur le secrétaire d'État – rendront inutile, en tout cas beaucoup moins fréquente, la recherche de garanties et cautions sur le patrimoine personnel de l'entrepreneur.
Reste, monsieur le secrétaire d'État, la question de l'impact fiscal de cette mesure. Je vous ai interrogé sur ce point lors des débats en commission des affaires économiques. Vous m'avez alors précisément répondu que ce coût avait été chiffré à 50 millions d'euros par an.
Entre 50 et 60 millions.
Je ne retrouve pas dans ce chiffre, moi qui suis, en matière financière et fiscale, un élève de Charles de Courson, les montants plus importants qui avaient été indiqués par les services du ministère lors du débat sur la LME en 2008 lorsque Charles de Courson avait déposé précisément des amendements de mise en place de mécanisme de patrimoine affecté. Je vous remercie de bien vouloir nous rassurer – Philippe Vigier et moi-même – sur les ordres de grandeur en question.
Il reste une initiative forte et équilibrée sur les droits et devoirs respectifs des créanciers de l'entrepreneur et de l'entrepreneur lui-même. Jean Gaubert a insisté à raison en commission sur ce point. Ce texte modeste a une vraie dimension humaine que les centristes saluent. Il s'intègre bien dans l'ensemble des mesures que le Gouvernement a prises pour développer la culture d'entreprise en France. Bref, c'est un bon texte présenté par un bon ministre, soutenu par une bonne rapporteure et il ne manquera pas une seule voix centriste pour le soutenir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, les Français sont entreprenants et nous ne pouvons que nous en féliciter. Le succès du dernier dispositif que vous avez promu, monsieur le secrétaire d'État, à savoir le statut d'auto-entrepreneur en est une preuve manifeste. La France compte 1,5 million d'entreprises, la moitié étant des entreprises individuelles. Il convient de les encourager et de les soutenir.
En 2009, année durement marquée par la crise, on a dénombré plus de 60 000 défaillances d'entreprises, dont 15 500 entreprises individuelles. Pour ces dernières, il s'agissait, dans 90 % des cas, d'artisans ou de commerçants. Afin de les aider à perdurer, il faut encourager et aider à la formation de ces entrepreneurs individuels qui ont, certes, un projet à développer, mais pas toujours l'expérience nécessaire pour le commercialiser et pour assurer la stabilité financière de cette nouvelle entreprise.
Je profite de cette occasion, monsieur le secrétaire d'État, pour vous féliciter et vous remercier d'avoir pris en compte les inquiétudes des organisations professionnelles et consulaires du secteur de l'artisanat et du bâtiment concernant la distorsion de concurrence créée par le statut d'auto-entrepreneur. La loi de finances rectificative pour 2009, votée en décembre dernier, prévoit, en effet, la qualification professionnelle et l'accompagnement de ces nouveaux créateurs d'entreprises par les chambres de métiers et de l'artisanat via leur immatriculation. Aussi, puis-je vous demander, monsieur le secrétaire d'État, de me préciser quand paraîtra le décret relatif à la qualification des auto-entrepreneurs ? Je crois que vous l'avez fait devant la commission des affaires économiques, mais il serait bon que vous le rappeliez ici.
Le projet qui nous occupe aujourd'hui vise à protéger l'entrepreneur en cas de défaillance de son activité économique, comme cela a été dit tout au long de cet après-midi. Ce sujet est un réel « serpent de mer ». Nous évoquons cette nécessité depuis des années. Nous avons espéré, nous, législateurs, avoir fait ce qu'il fallait, lorsque nous avons voté la possibilité pour le commerçant ou l'artisan, exerçant sous forme d'entreprise individuelle, de déclarer insaisissables ses biens immobiliers. C'était là une mesure importante, malheureusement trop souvent détournée par le secteur bancaire. Les banques n'accordent, en effet, guère de prêts sans contreparties, ce qui contraint, bien souvent, l'entrepreneur à lever cette clause d'insaisissabilité.
Nous franchissons, avec ce texte, un nouveau pas. Ce statut de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, initialement prévu pour les artisans, les commerçants et les professionnels libéraux, a été très heureusement étendu aux agriculteurs en commission. Permettez à l'élu d'un département rural de se féliciter de cette extension qui va satisfaire, j'en suis sûr, beaucoup de nos agriculteurs. Leur statut de chef d'entreprise sera ainsi mieux reconnu et leur patrimoine personnel mieux protégé.
Ce statut crée une nouvelle notion, à savoir le patrimoine d'affectation. Ce dispositif répond à la principale préoccupation des entrepreneurs qui est de protéger leur patrimoine en cas de faillite, ce que nous ne pouvons qu'approuver. Il reste à espérer qu'en cas d'emprunt, des garanties extérieures et des cautions soient facilitées de manière à garantir le but et l'efficacité de ce projet.
Ce dispositif présente, de plus, le grand avantage d'être souple. La séparation des patrimoines n'entraînera pas la création d'une personne morale. Cet avantage non négligeable permettra, je l'espère, à l'EIRL de connaître plus de succès que son vieux cousin, l'EURL. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, née il y a vingt-cinq ans, a été peu utilisée. Ce statut ne représentait jusqu'en 2008, comme cela a été plusieurs fois rappelé, que 6,2 % du total des entreprises. Vous l'avez également rappelé dans votre discours introductif, monsieur le secrétaire d'État. L'entrepreneur qui choisit l'EURL doit, en effet, respecter la réglementation relative au droit des sociétés, c'est-à-dire rédiger ses statuts, publier ses comptes, se doter d'un capital social ou encore désigner un gérant. L'EIRL, elle, sera une forme d'entreprise individuelle et non une société. L'entrepreneur n'aura pas à rendre compte de sa gestion et n'aura pas à publier de comptes annuels. Ses bénéfices constitueront sa rémunération. C'est la grande avancée sur laquelle il faut insister dans nos circonscriptions.
J'espère avec vous, monsieur le secrétaire d'État, que ce nouveau statut souple et protecteur, en faveur duquel vous vous êtes tant battu – tous les intervenants l'ont souligné et nous devons vous en remercier – connaîtra le succès que nous attendons tous. Je connais votre pugnacité. Vous êtes parvenu à convaincre beaucoup de personnes autour vous, ce qui ne s'est pas toujours révélé facile. Il permettra, j'en suis sûr, à la France de rester un pays innovant, un pays entreprenant, un pays audacieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, chers collègues, nous voilà rassemblés à nouveau sous le grand chapiteau des marchands d'illusions ! À chaque saison législative, lors de chaque tournée de campagne – et nous y sommes ! – il y a du nouveau sous ce grand chapiteau ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ce n'est pas tout à fait de la poudre de perlimpinpin, ce n'est pas la baguette magique de Merlin l'enchanteur, ce n'est pas l'un des numéros de clowns des frères Fratellini, c'est l'auto-illusion individualisée ! C'est la seule petite entreprise qui ne connaît pas la crise, c'est l'inépuisable, c'est l'incontournable, c'est l'indéboulonnable champion du trampoline de la dérégulation, c'est vous, monsieur le secrétaire d'État Novelli ! Bravo, disait, il y a un instant, Patrick Ollier. Je tenais, moi aussi, à saluer l'artiste qui a reçu les bravos du président ! (« Bravo ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) Cet artiste, monsieur le secrétaire d'État, sera celui qui entrera dans l'histoire de la nouvelle économie des illusions déçues, celui qui aura créé l'entreprise sans capital, l'entreprise sans patrimoine, l'entreprise sans chiffre d'affaires !
M. Dutreil, l'un des illustres prédécesseurs de M. Novelli, et cher à Mme la présidente (Sourires) est battu à plate couture : il avait pourtant créé l'entreprise « générée en spontané », l'entreprise créée avec 1 euro, comme vient de le souligner mon collègue Gaubert…
… mais il convient d'ajouter « en un seul jour » !
Oui, je considère que le duo Dutreil-Novelli participe de la « non-assistance à entrepreneur en danger », exactement l'inverse de ce qu'il prétend faire !
En effet – et j'ai été entrepreneur individuel – faire croire que l'on peut quitter sans condition son statut de salarié pour être un « chef d'entreprise », qu'il n'est pas besoin de prendre de risque sur son patrimoine personnel pour obtenir des prêts bancaires, qu'il est inutile de donner des garanties à ses fournisseurs et à ses créanciers pour faire vivre son entreprise, c'est mettre en danger, c'est faire croire au Père Noël ceux qui, sincèrement, s'engagent dans la création d'entreprise !
Pourquoi m'autorisé-je à vous traiter de « marchand d'illusions », monsieur le secrétaire d'État, en dépit de tout le respect que j'ai pour vous ? Votre action parle d'elle-même et elle est dense. Votre dérégulation de l'urbanisme commercial et la déréglementation des conditions de vente n'ont rien apporté au consommateur, nous l'évoquions ce matin en commission, et ont mis à mal bon nombre de fournisseurs et pas seulement dans le monde agricole, cher Dionis du Séjour !
Votre dérégulation due au statut d'auto-entrepreneur, conçu avant tout pour tuer le statut de salarié, est une approche massive, constatons-le, qui va totalement déstructurer les rapports sociaux. Reprenons les chiffres. Sur les 380 000 auto-entreprises créées, seules 50 000 avaient déclaré un chiffre d'affaires fin 2009.
Nous avons les vrais chiffres !
Pour ceux qui ont déclaré une activité, le revenu moyen mensuel est de 775 euros. Les deux tiers des auto-entrepreneurs gagnent ainsi moins de 1 000 euros par mois, près d'un tiers gagne moins de 250 euros, c'est inférieur au minimum vieillesse. Mais ces chiffres vous permettent, en pleine crise, en pleine explosion du chômage, et en pleine campagne électorale, de faire croire que la création d'entreprise ne s'est jamais aussi bien portée dans notre pays. Ce n'est pas mal joué ! Sur les 430 000 entreprises créées en 2009, selon l'INSEE, 74 % sont des auto-entreprises ! Rien que cela ! Chacun l'a bien compris, cela améliore les mauvaises statistiques du chômage. Selon l'Observatoire de l'auto-entrepreneur, les auto-entrepreneurs sont, pour la moitié d'entre eux, demandeurs d'emploi, allocataires de minima sociaux, ou simplement sans revenu ; les autres sont jeunes diplômés en quête d'un premier emploi, ou retraités à trop petite retraite.
C'est une mesure sociale !
Il est vrai que c'est un RSA sans revenu, monsieur le secrétaire d'État.
Un tiers des auto-entrepreneurs est déjà salarié et cette part est appelée à grossir, non parce qu'il y a un chef d'entreprise qui sommeille en chaque Français, comme vous le dites, monsieur le secrétaire d'État, mais parce que l'auto-entreprenariat est souvent le seul recours des salariés licenciés, qui n'ont d'autre choix que d'accepter un salaire virtuel, déguisé et précaire.
L'externalisation du salariat à moindre coût pour l'entreprise, c'est le risque que nous avions dénoncé et que vous avez écarté d'un revers de la main – avec un peu de mépris et de dérision d'ailleurs. L'auto-entrepreneur n'est pas toujours un choix, mais de plus en plus un statut subi, précarisant encore plus le salarié qui doit lui-même assurer sa protection sociale et sa retraite.
Nous vous avions pourtant averti, et nous vous avions proposé lors de la discussion de la loi de modernisation de l'économie plusieurs mesures pour encadrer le dispositif. Alors que le nombre de créations d'entreprises artisanales fléchit pour la première fois depuis dix ans, je prends acte, monsieur le secrétaire d'État, de votre rétropédalage tardif sur le statut de l'auto-entrepreneur (Sourires), puisque vous vous êtes enfin décidé à nous écouter et à réglementer la qualification et l'inscription sur les registres de déclaration d'activité, ce qui, avouez-le, donne un peu plus de visibilité aux clients et limite la concurrence déloyale envers les entrepreneurs dûment qualifiés. Reste que vous avez perdu un temps précieux puisque cette rectification, annoncée le 25 juin 2009, n'est toujours pas concrétisée, plus d'un an et demi après la création du statut de l'auto-entrepreneur.
Nous vous avions aussi proposé de limiter dans le temps ce statut « coup de pouce » – auquel nous n'étions pas opposés, pour peu qu'il reste à durée limitée – afin d'éviter les effets d'aubaine. Aujourd'hui, certains députés de la majorité, M. Herth par exemple, ont voulu reprendre notre idée par amendement à ce projet de loi. Dommage que vous ne nous ayez pas écoutés plus tôt… Cela aurait évité de déstabiliser de vraies compétences et de vrais « capitaux confiance » de nos artisans.
Chacun l'aura compris, ce nouveau texte de loi est un texte d'opportunité électoraliste. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Après le chèque en blanc Dutreil, voici le crédit garanti Novelli ! Il vous fallait calmer les adhérents des chambres des métiers, furieux contre le statut de l'auto-entrepreneur…
Vous auriez pu vous contenter d'amender le statut de l'EURL sans créer une usine à gaz juridique avec l'EIRL, mais l'affichage politique aurait été un peu moins visible et cela ne justifiait pas la présentation d'un texte à part entière juste avant les élections.
En voulant faire sauter un frein psychologique, pour reprendre vos termes, en laissant croire qu'il n'est pas besoin d'y laisser sa chemise et sa maison lorsque l'entreprise créée est en difficulté, vous emmenez des porteurs de projet dans le mur, avec d'autant plus d'entrain que ce nouveau statut dispose d'attraits alléchants, à tel point que M. Carrez, rapporteur général du budget, et M. Méhaignerie, président de la commission des finances en viennent à assimiler l'EIRL à une nouvelle niche sociale : en effet, vous voulez exonérer de charges sociales les revenus supérieurs à 10 % du patrimoine professionnel ou 10 % des bénéfices,…
…ce qui est considérable. L'EIRL permettra donc d'échapper aux charges sociales et donc au financement de la sécurité sociale qui pourtant en a bien besoin.
De plus, en rendant éligible l'EIRL à l'impôt sur les sociétés, alors même que ce n'est pas une société, vous privez l'État de quelque 60 millions d'euros d'ici à 2012. Était-ce vraiment le moment de nous autoriser une perte de recettes fiscales quand nos déficits sont au plus mal ?
Le comble de cette promesse dangereuse réside dans l'article 5, qui octroie à des ordonnances futures qui ne seront peut-être jamais promulguées la mise en oeuvre précise des règles applicables à la définition du patrimoine affecté.
Comme vous prenez des notes pour me répondre,…
Oui, et beaucoup !
…voici deux questions : comment se règlent dans ce contexte la question du régime matrimonial et celle des procédures collectives ? J'attends vos réponses avec impatience.
Alors, oui, il est protecteur dans le principe d'instaurer un patrimoine affecté pour les chefs d'entreprise qui s'engagent par conviction et non pas par opportunisme fiscal. Nous nous abstiendrons donc sur ce texte (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et NC), mais nous faisons valoir notre droit d'alerte, car la « Novelli-société » qui s'organise avec constance pas à pas génère, loi après loi, des dégâts collatéraux considérables, dont vous serez comptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise financière qui a frappé de plein fouet l'économie mondiale il y un an et demi et qui continue d'affecter durement l'ensemble des pays de la planète nous a livré une leçon : notre économie doit d'abord reposer sur un modèle qui ne dissocie pas le capital du travail. Certes, la finance a son utilité dans le soutien à l'économie réelle, mais elle ne peut en aucun cas s'y substituer.
Les premiers créateurs de richesse, ce sont les entrepreneurs, les commerçants, les artisans qui, chaque jour, par leurs efforts et leurs initiatives, produisent, innovent, développent : ils sont notre atout principal dans la bataille pour l'emploi et la croissance.
C'est pourquoi nous devons accompagner et faciliter ce goût d'entreprendre. Les Français n'ont pas peur du risque. Au contraire, un grand nombre d'entre eux aspirent à se lancer : à croire un sondage récent, un Français sur quatre se dit prêt à créer son entreprise ou à en reprendre une.
Le statut d'auto-entrepreneur est là pour en témoigner : le nombre d'entreprises a augmenté de 75 % de 2008 à 2009, ce qui a permis d'atteindre le niveau record de 580 000 créations. Mais ce statut n'est pas une fin en soi : il doit rester transitoire et permettre de développer une activité avant de la pérenniser dans un cadre plus stable.
Ce que souhaitent les Français, ce n'est pas que l'État leur vienne en aide, c'est qu'il les soutienne et ne leur complique pas la tâche.
Or la complexité du droit et la lourdeur des procédures peuvent facilement décourager les entrepreneurs de se lancer dans leurs projets. La simplification administrative est donc une nécessité si nous voulons retrouver le chemin de la croissance.
C'est là que le statut que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, trouve tout son intérêt. Il permet à la fois l'engagement professionnel sur le long terme et l'assurance d'une sécurité personnelle.
Le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée va permettre la séparation entre le patrimoine personnel de l'entrepreneur et son patrimoine professionnel. C'est un gage de sécurité et de sérénité.
D'un point de vue professionnel d'abord, l'entrepreneur reste propriétaire à part entière des deux patrimoines. Cette séparation n'entraîne pas la création d'une personne morale distincte. Les biens professionnels constituant la garantie des créanciers, la responsabilité de l'entrepreneur se trouve limitée à l'actif affecté à l'entreprise.
C'est aussi une sécurité personnelle, et je voudrais insister sur ce point : ce nouveau statut apportera une sécurité réelle pour des milliers de familles.
Certes, le travail est une dimension importante de la vie, mais la vie ne peut se résumer au travail. Il est important de le rappeler : il n'est pas juste que le sort d'une famille entière soit suspendu au devenir d'une entreprise et aux aléas de la conjoncture économique.
L'année dernière, une faillite sur quatre était le fait d'une entreprise individuelle, petite et donc plus vulnérable. Si chaque faillite est bien évidemment un problème économique local, c'est surtout, dans de nombreux cas, un drame humain : on connaît la spirale qui mène de la faillite à l'endettement, de l'isolement à la pauvreté.
À l'heure actuelle, quand on fait le choix courageux de se lancer dans une aventure entrepreneuriale, on engage non seulement sa personne et son travail mais aussi sa famille. On prend le risque de tout perdre. Il y a là une disproportion criante que ce projet de loi vient justement réguler.
À ce titre, je voudrais saluer deux aspects de ce texte : son champ d'action – il s'adresse à tout entrepreneur individuel, qu'il soit commerçant, artisan, ou relève d'une activité libérale, ce qui est une bonne chose –, et sa simplicité, une seule déclaration auprès des chambres de commerce ou de métier permettant aux entrepreneurs d'affecter une partie de leur patrimoine à leur activité et de protéger ainsi le reste de leurs biens.
Efficacité et simplicité, voilà ce qui devrait faire le succès de ce nouveau statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. En levant ce qui était un frein majeur à l'initiative, ce projet de loi va permettre à 100 000 Français au moins, selon l'étude d'impact, de créer leur propre entreprise.
Le texte que nous étudions est très attendu. Il va permettre de créer plus facilement de petites entités économiques, appelées à devenir ou à compléter les grandes entreprises de demain.
Nous avons voté il y a quelques mois le plan de relance que le Gouvernement nous a présenté. Ce plan de relance prévoyait un engagement accru de l'État dans l'économie : il s'agissait d'une relance publique. Le texte que nous étudions aujourd'hui en est le pendant. Il vient compléter le plan de relance en favorisant l'initiative privée. On ne peut rien regretter, sinon qu'il ne soit intervenu plus tôt. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Gérard Cherpion.
(M. Marc Laffineur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
Ce projet de loi, attendu depuis plus de vingt ans par les entrepreneurs individuels et en particulier les artisans, mais aussi par nous, répond à l'une de leurs premières demandes : la protection de leurs biens personnels en cas de faillite.
Le dispositif proposé est tout à la fois simple et efficace, et je ne reviendrai pas sur les explications qui viennent d'être données par vous-même, monsieur le secrétaire d'État, et par la rapporteure.
Je souhaiterais pour ma part axer mon intervention sur deux aspects : l'accès des agriculteurs à ce nouveau régime, et l'impact de la réforme sur le fonctionnement des chambres de métiers.
Premier aspect, l'accès des agriculteurs à l'EIRL.
Les exploitants agricoles avaient accès au régime de l'insaisissabilité de la résidence principale créé par la loi Dutreil en 2003. Il était donc légitime qu'ils pussent également accéder à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, d'autant plus que l'extinction pour l'avenir du régime du régime précédent priverait à défaut les agriculteurs en nom propre de tout système de protection de leurs biens personnels.
L'amendement que j'ai proposé en commission des affaires économiques a permis de clarifier l'inclusion des agriculteurs dans le champ d'application de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée. Les agriculteurs pourront en particulier bénéficier de l'EIRL en optant, selon leur choix, pour l'impôt sur les sociétés ou l'impôt sur le revenu. Ceux qui sont concernés pourront également choisir le régime de l'EIRL tout en conservant le statut fiscal du forfait agricole.
Ils pourront donc accéder au régime civil de l'EIRL tout en conservant le libre choix du statut fiscal qui convient le mieux à leur exploitation.
Le projet de loi pourrait toutefois être encore amélioré sur un point : il assimile en matière fiscale l'EIRL à l'EURL. Or, pour les exploitants agricoles, la référence à retenir est l'EARL, entreprise agricole à responsabilité limitée, et non l'EURL. L'EARL, à la différence de l'EURL, est d'ailleurs une société de nature civile. Il convient donc de modifier le projet de loi pour assimiler fiscalement, en matière agricole, l'EIRL à l'EARL : j'ai déposé un amendement en ce sens.
Il conviendra enfin de préciser le lieu où l'agriculteur effectuera sa déclaration. Deux options sont possibles, toutes deux légitimes : la chambre d'agriculture ou le greffe du tribunal de commerce. Nous aurons ce débat tout à l'heure à l'occasion de la discussion d'un amendement de la rapporteure sur ce sujet.
Deuxième point, l'impact de la réforme sur le fonctionnement des chambres de métiers, aspect peu commenté du projet sur lequel je souhaiterais insister.
Avec ce texte, pour la première fois en France, un entrepreneur pourra déposer et rendre publics ses comptes auprès de sa chambre de métiers. Opérationnellement, la déclaration d'affectation et les comptes annuels seront déposés au répertoire des métiers.
Cela institue les chambres de métiers en véritables greffiers de l'artisanat, en dotant enfin le répertoire des métiers des mêmes fonctions de publicité légale vis-à-vis des créanciers que le registre du commerce et des sociétés. Cela aura également pour conséquence de ne plus obliger les entrepreneurs concernés à s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés pour protéger leurs biens personnels.
Nous devons tenir un discours de vérité : cela suppose de donner une nouvelle dimension au répertoire des métiers. Je sais que les équipes des centres de formalités des entreprises artisanaux sauront relever ce défi.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais connaître vos intentions précises concernant les modalités de gestion de cette nouvelle dimension du répertoire des métiers. Pouvez-vous me confirmer que les chambres de métiers départementales conserveront la gestion des inscriptions, des modifications et des radiations des EIRL sur le répertoire des métiers ? Par ailleurs, seriez-vous favorable à ce que le répertoire des métiers, comme le registre du commerce et des sociétés, puissent être ensuite centralisé au niveau national, pour être, le cas échéant, à l'issue d'une période d'adaptation, consultable par internet ?
En la matière, il me paraît essentiel de ne pas précipiter la réforme et de donner aux chambres de métiers le temps nécessaire pour s'adapter, mais il faut conserver à la réforme son ambition : les chambres de métiers devront bien avoir, pour les EIRL, les pleines compétences de tenue de registre, y compris en matière de dépôt des comptes. Ce n'est pas la moindre des révolutions pour un texte qui en comporte un grand nombre.
En conclusion, je souhaiterais insister sur le fait qu'il est légitime que l'EIRL puisse opter pour l'impôt sur les sociétés, dans les mêmes conditions que l'EURL. C'est simplement une question d'équité et de justice fiscale. Pourquoi certains régimes fiscaux seraient-ils réservés aux entrepreneurs en société ? Je soutiens donc pleinement le Gouvernement sur ce point et ne suis pas favorable à un durcissement de la clause anti-abus déjà prévue par le projet de loi initial.
Rappelons d'ailleurs qu'il n'existe aucune clause anti-abus pour les EURL : dès lors, l'existence même d'une clause anti-abus pour les seules EIRL en devient contestable. Il s'agit toutefois d'un compromis, qui peut se comprendre s'agissant d'un dispositif très innovant. N'allons pas au-delà, ne durcissons pas cette clause à l'excès. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà encore une utilisation excessive de la procédure accélérée, dénoncée pas plus tard que la semaine dernière par le président de notre assemblée lui-même et par son homologue du Sénat et qui, selon leurs propres termes, « met en cause la qualité de la loi et du débat démocratique. » Mais ce qui me choque le plus, c'est que cette procédure d'urgence soit déclenchée pour un projet de loi qui, une fois de plus, relève de l'effet d'annonce.
Le Gouvernement présente ce texte comme révolutionnaire. Révolutionnaire certes au regard des principes juridiques qui sont au centre de la construction de notre droit depuis deux siècles ; mais à la vérité, cette remise en cause de notre tradition juridique n'apporte finalement rien de véritablement neuf pour les entrepreneurs. Tout ce que votre texte est censé apporter peut déjà être obtenu. J'ai le sentiment que le Gouvernement a fait sien ce vieil adage : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Vous créez une nouvelle forme juridique, l'EIRL, pour protéger le patrimoine personnel des entrepreneurs. Les travaux en commission l'ont montré : votre texte est empli de zones d'ombres, parfois de contradictions.
Vous avouez même que l'urgence est de faire passer dans le droit une certaine philosophie ; peu importe la qualité de la construction. Ce qui est inquiétant, c'est qu'il existe, depuis 1985, tout un arsenal juridique permettant déjà une certaine sécurité patrimoniale des entrepreneurs individuels. L'EURL, étendue ensuite à l'EARL pour le secteur agricol, a créé le statut d'associé unique, personne physique ayant la possibilité de disposer d'un patrimoine propre.
Le rapport de M. Xavier de Roux indique que l'EURL répond aux nécessités que vous recherchez. Il y aurait, dit-t-il, un problème, « sans doute pour des raisons culturelles ». Dans sa conclusion, il précise même : « Inventer une EIRL reviendrait à créer une personne distincte de l'entrepreneur et reviendrait pratiquement à l'EURL si décriée ».
Le greffe du tribunal de commerce de Paris permet la création d'une EURL en quarante-huit heures une fois les statuts déposés.
Cela ne marche pas !
Est-ce trop compliqué lorsque l'on veut devenir chef d'entreprise ?
La simplification du droit des sociétés a eu lieu. Mais comme le dit M. Xavier de Roux : « Il se trouve qu'aucune pédagogie favorisant l'EURL n'a été faite depuis la publication de la loi en 1985. »
Cela fait un quart de siècle !
À défaut de pédagogie, faisons une nouvelle loi, mal rédigée ! C'est votre doctrine… Alors on invente une personne qui n'en est pas une, une société qui n'en est pas une, pour laquelle il manque des pans entiers de la construction, notamment sur les régimes matrimoniaux.
Dans un tel contexte, expliquez-moi comment des banques – je sais de quoi je parle, puisque je travaillais dans ce domaine – vont prêter à des EIRL ?
Je ne vous l'apprends pas : les banques, surtout en ce moment, exigent des garanties. Et même avec des garanties satisfaisantes, elles ne prêtent pas, comme en témoignent bon nombre de chefs d'entreprise. Pensez-vous que les banques vont prêter de l'argent à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, alors qu'il y aura, à l'évidence, une insuffisance de caution individuelle ?
Dans la réalité, au quotidien, les entreprises peinent à trouver une banque qui leur prêtera de l'argent. L'an passé, vous le savez, le médiateur du crédit a été submergé de dossiers. Près de 20 000 entrepreneurs l'ont saisi. Depuis des mois, les banques françaises, contrairement aux pays anglo-saxons, refusent de prendre des risques et d'accomplir leur vrai métier, c'est-à-dire parier sur l'avenir d'entreprises saines qui veulent investir. Alors, comment voulez-vous qu'elles s'engagent à soutenir des EIRL ? Monsieur le secrétaire d'État, dans votre projet de loi, je ne vois aucune ligne, pas un mot sur ce véritable problème de fond.
Il me semble que vous auriez simplement pu améliorer les textes existants sur l'insaisissabilité par exemple, en vous inspirant peut-être du secteur du logement, qui met en place des caisses de garantie en cas de demande de caution. Vous parliez d'OSÉO tout à l'heure, je pense qu'il faut aller plus loin.
Au fond, ce n'est pas l'objet du texte qui est blâmable, c'est votre méthode et la façon dont vous avez tendance à tromper les entrepreneurs à qui vous vous adressez.
En commission, il a été indiqué que les gages particuliers continuaient d'exister. Dans ce cas, monsieur le secrétaire d'État, vous le savez bien, il n'y a pas de protection du patrimoine privé qui tienne.
Votre texte n'invente qu'une usine à gaz juridique de plus. Il n'apporte rien en termes de protection qui ne soit déjà possible.
Je crains, dès lors, que votre action ne soit purement électorale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, lequel d'entre vous n'a pas reçu dans sa permanence un homme, une femme, un couple ou une famille qui vivent le drame de la saisie du fait des mauvaises affaires qu'ils ont, malheureusement, réalisées dans le cadre de leur activité professionnelle ?
À une époque où le chômage est l'un des cancers de notre société, à une époque où l'on encourage fort opportunément l'initiative individuelle et la création de sa propre activité, est-il juste que ces situations perdurent ?
La moitié des entrepreneurs français qui exercent en nom propre leur activité professionnelle s'exposent à ce que la totalité de leur patrimoine professionnel, mais aussi personnel, soit saisie en cas de difficultés.
Ces femmes et ces hommes qui se sont engagés, qui ont pris le risque de s'assumer sans recourir à la société, qui participent également à l'activité économique et donc à la richesse du pays, ce sont ces commerçants, ces artisans, ces entrepreneurs individuels, ces professionnels libéraux, ces agriculteurs,…
…qui, parfois, sans avoir été préalablement sensibilisés, voient leurs meubles, leurs biens propres, pourtant totalement étrangers à l'activité économique, saisis au titre des créances ou de la responsabilité professionnelle. Chaque jour, partout en France, de tels drames sont vécus.
Alors qu'en cas de faillite de grandes entreprises, les créanciers se retournent sur les biens de l'entreprise et exonèrent les dirigeants, les petits, eux, risquent tout simplement la ruine et le drame de la saisie. Où est la morale ? Il apparaît plus que jamais nécessaire de réparer cette profonde injustice.
C'est pourquoi beaucoup d'entre nous attendaient avec impatience l'examen de ce projet de loi au terme duquel les artisans, les commerçants, les agriculteurs, les professionnels libéraux seront mieux protégés.
Le texte que nous avons à examiner en première lecture permet une avancée appréciable, puisqu'il va réparer cette injustice en créant le « patrimoine affecté » qui limitera la responsabilité du chef d'entreprise en nom propre au seul patrimoine affecté à l'activité professionnelle.
Si l'aléa professionnel doit être un risque, il est normal qu'il affecte le patrimoine de l'entreprise dans lequel l'entrepreneur individuel a investi en prélevant sur son propre patrimoine ou sur ses propres ressources, mais il ne doit pas conduire à la ruine des familles. Votre projet de loi va dans le bon sens.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite toutefois appeler votre attention sur un sujet sensible et important : les garanties et sécurités particulières que les organismes bancaires exigent en cas de prêt. Il faut, sur ce point, trouver des solutions qui passent par le cautionnement solidaire. Les organismes existants comme OSÉO peuvent être l'instrument adapté à la mise en oeuvre de ces garanties collectives qui devront être facilitées par des dotations publiques. Quand je parle de dotations publiques, je pense bien entendu à l'État, mais également aux collectivités territoriales, aux régions, qui assument la compétence économique. L'effort national favorable à une croissance dynamique de la France et à la lutte contre le chômage doit être abondé, pour être plus efficace.
À une époque où quasiment pas une journée ne se passe sans que l'on apprenne un plan social, des suppressions de postes, il est utile et même nécessaire d'encourager l'initiative individuelle pour favoriser la création de cette activité économique. Mais il est logique que l'équité soit de mise entre les entreprises individuelles et les entreprises en société. Il est également logique que l'on accompagne et garantisse équitablement ceux qui s'engagent.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, j'approuve votre démarche, qui va dans le bon sens. Votre texte apporte en effet une réponse concrète aux préoccupations de ces 1,5 million d'entrepreneurs individuels qui représentent la moitié des entreprises françaises.
Votre texte va dans le bon sens, mais il faut le compléter par cette nécessaire organisation du cautionnement mutuel et solidaire.
Ainsi, nous irons dans le sens d'une société plus dynamique, plus apte à favoriser les initiatives individuelles, plus apte à l'enrichissement collectif, mais aussi plus solidaire et plus juste.
Il était donc urgent de porter cette réforme, pour faire tomber ce dogme injuste du gage général, sans pour autant nier le risque inhérent à l'acte d'entreprendre. Je salue cette évolution, ce progrès.
Vous nous avez proposé, monsieur le secrétaire d'État, un bon texte, bien travaillé en commission…
Nous allons le voter, complété par des amendements judicieux. C'est ce que je souhaite dans l'intérêt des entrepreneurs individuels, ces femmes et ces hommes qui, avec courage et passion, s'engagent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, l'artisanat subit de plein fouet la crise économique et constitue dans le même temps la première entreprise de France – on le répète assez fréquemment.
Il était donc important de réfléchir à une meilleure protection de ces entrepreneurs et artisans, notamment en cas de faillite, très nombreuses aujourd'hui, et de parvenir à une certaine sécurité patrimoniale des entrepreneurs individuels. Le sujet est important, puisqu'une entreprise sur deux est aujourd'hui exploitée sous le statut d'entreprise individuelle.
En 2009, la France comptait 1,4 million d'entreprises en nom propre, dont 850 000 artisans et commerçants, sans parler des libéraux. Dans tous les cas, il était nécessaire d'avancer sur la voie d'une meilleure protection des biens personnels en cas de faillite. Jusqu'à présent, à la différence des entrepreneurs ayant créé une société, les entrepreneurs en nom propre devaient répondre de leurs dettes professionnelles sur la totalité de leur patrimoine. Même si nous connaissons la forte attente des artisans et commerçants dans ce domaine depuis de nombreuses années – cela a été rappelé tout à l'heure –, il nous semble pourtant que ce projet n'est pas, sur bien des points, la réponse la mieux adaptée.
En résumé, même si nous n'avons pas, monsieur le secrétaire d'État, de désaccords de fond sur votre texte, il ne nous paraît pas comporter toutes les garanties nécessaires. Qui plus est, il contient de nombreux manques et imprécisions.
Les commerçants qui attendaient, à l'occasion de ce texte, une clarification sur le statut de l'auto-entrepreneur seront déçus, je le crains. Quelles avancées réelles ce texte offre-t-il par rapport à une situation que de plus en plus d'artisans vivent, en cette période de crise, comme une concurrence déloyale ? C'est le cas des artisans du bâtiment – M. de Rugy en parlait tout à l'heure –, résolument hostiles à un régime qui rester transitoire et limité, à notre avis, à deux ans maximum.
Plutôt que de lever certaines zones d'ombre, vous préférez renvoyer à des décrets des questions importantes comme les émoluments des notaires lors de l'affectation des biens immobiliers. Pour les éléments d'actif supérieurs à un certain montant, une évaluation par les commissaires aux apports s'imposera, mais ce montant sera lui aussi fixé par décret. Enfin, vous prévoyez pour les entrepreneurs des obligations comptables allégées, elles aussi fixées par décret…
Certes, la loi ne doit pas être trop bavarde, mais tout cela laisse au final subsister beaucoup d'imprécisions pour un projet ne comportant que six articles…
À plusieurs reprises, jugeant que votre texte manquait de précision ou risquait de créer plus d'insécurité qu'une réelle protection, nous vous avons proposé, monsieur le secrétaire d'État, des améliorations. En commission, lorsque nous avons souhaité, par exemple, simplifier les modalités de déclaration à la chambre de commerce ou à la chambre des métiers en introduisant la notion d'irrecevabilité qui emporte des effets juridiques précis, vous êtes déclaré très défavorable à « une rigueur juridique extrême ». La formule me paraît un peu surprenante !
Vous avez poussé si loin votre volonté de simplification que vous préférez un texte volontairement imprécis sous certains aspects. Nous craignons qu'il n'en devienne inefficace – je pense notamment aux capacités d'emprunter qui peuvent être limitées si les garanties manquent.
Si les lacunes de ce projet nous font douter de son efficacité, les textes déjà existants nous font également douter de son opportunité. Était-il si utile, du moins urgent, de créer, par la loi, un nouveau dispositif ? Ce projet vise la création d'un patrimoine d'affectation professionnelle pour les personnes physiques entrepreneurs individuels. Il s'agit de protéger des biens non liés à l'activité professionnelle de ces personnes. Nous ne sommes pas en désaccord sur le but à atteindre, mais une nouvelle loi, moins de deux ans après la LME, s'imposait-elle vraiment ?
M. Xavier de Roux, missionné pour examiner les solutions juridiques de nature à surmonter les difficultés posées par la création du patrimoine d'affectation réservé à l'entrepreneur, a lui-même fait part de ses réserves sur ce point.
Aujourd'hui, au tribunal de commerce de Paris, le greffe permet la constitution d'une EURL sous quarante-huit heures. Une EURL peut être créée sans capital minimum et avoir son siège au domicile de l'associé unique. L'application de la loi du 11 juillet 1985 instituant l'EURL et la loi de 2003 sur l'initiative économique ne constituaient-elles pas un arsenal légal suffisant, mais en réalité insuffisamment utilisé et sans doute insuffisamment connu des acteurs économiques eux-mêmes ?
Pourquoi ne pas avoir retravaillé le dispositif de l'insaisissabilité, tel que prévu par la loi de 2003, plutôt que d'en créer un nouveau aujourd'hui ?
Je n'avais pas terminé, mais je conclus, monsieur le président.
Ma conviction est qu'il était possible d'améliorer l'EURL ou de réfléchir à une meilleure manière d'étendre l'insaisissabilité prévue dans la loi de 2003, notamment en l'étendant aux biens autres qu'immobiliers. Je reste surtout convaincue de la nécessité de mieux informer, mieux former, suivre et accompagner celles et ceux qui créent leur entreprise, bref, de remédier à des carences et des failles qui font que près de 35 % des entreprises disparaissent dans les cinq premières années.
Il y aurait pourtant eu ma à faire évoluer la situation en vue de conforter les entrepreneurs qui mettent en oeuvre leur propre emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, chers collègues, ce projet de loi important et attendu répond aux inquiétudes de nombreux artisans et commerçants qui redoutent, notamment lors d'une crise économique comme celle que nous venons de connaître, de perdre leurs biens personnels en cas de difficultés.
Dans nos circonscriptions, nous avons tous rencontré des entrepreneurs pris à la gorge par les banquiers – je sais de quoi je parle, ayant exercé cette profession pendant plus de trente ans –…
Ah !
…qui les appellent tous les jours, comme je le faisais non sans une certaine gêne, pour leur rappeler leur découvert alors qu'ils ont du mal, crise oblige, à se faire payer leurs factures par leurs clients eux aussi en proie des difficultés de trésorerie. Faire vivre une entreprise est une activité très prenante et il est important de faciliter la vie de nos petits entrepreneurs en leur évitant des soucis supplémentaires sur le devenir de leurs biens propres.
Certains craignent que les banques, faute de garanties suffisantes, ne soutiennent plus ces entreprises, mais la mobilisation d'OSÉO doit les rassurer : les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée auront bien évidemment accès aux crédits.
Je me réjouis par ailleurs de la volonté partagée par le Gouvernement et la commission d'étendre ce statut aux agriculteurs – nous avons eu l'occasion d'en parler et je sais que vous les avez reçus récemment, monsieur le secrétaire d'État. C'est une excellente initiative que le président du groupe d'études sur les fruits et légumes ne peut que saluer.
On ne peut nier qu'en raison de la crise agricole très dure que nous traversons, certains agriculteurs ont été conduits à la ruine.
Merci, monsieur le président Ollier, et je salue votre initiative en la matière au nom de tous les agriculteurs de France, que je représente ici à l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous représentons tous ici la France, y compris ses producteurs de fruits et légumes !
Je ne suis pas le seul : Bernard Reynès est le premier vice-président du groupe d'études sur les fruits et légumes. Mais gardons-nous d'être hors sujet au risque de dépasser notre temps de parole ! (Sourires.)
Je voudrais toutefois appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la proposition de résolution que j'ai déposée l'an dernier avec cent dix-huit de nos collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'instabilité juridique en matière fiscale et sociale : nous avons constaté que la multiplication des textes et de leur interprétation a progressivement transformé le droit fiscal et le droit social français en un droit volumineux, complexe et obscur.
De ce fait, les entrepreneurs se retrouvent dans une situation précaire, ne pouvant plus connaître avec certitude ni leur régime fiscal, ni les nouvelles règles régissant leur régime social. Pardonnez-moi cette note d'humour, mais on pourrait dire qu'il y a, en France, autant d'impôts que de fromages et de jours dans l'année…
Alors même que nous traversons la plus grave crise financière que nous ayons connue depuis 1929, cette instabilité juridique en matière fiscale et sociale décourage toute initiative économique et provoque des changements notables dans les décisions stratégiques de nos entreprises, y compris à l'échelle internationale. En effet, confrontés à un changement incessant des règles du jeu, les opérateurs économiques souffrent d'un sérieux manque de visibilité.
Votre projet de loi représente une grande avancée, monsieur le secrétaire d'État et je tiens à vous en remercier – sans oublier le président de la commission, Mme la rapporteure ainsi que tous les commissaires – pour notre économie de proximité, pour une France qui crée et pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour, de commencer mon propos par un trait d'humour en citant un célèbre humoriste aujourd'hui disparu : « Expliquez-moi ce dont vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer ! »
Ces propos sont toujours d'actualité. Nous les avons entendus récemment prononcés par le chef de l'État lors de sa rencontre avec les Français, l'autre soir sur TF1. Plus ennuyeux, je crains qu'ils ne s'appliquent aussi au projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Pourtant, la demande exprimée par les entrepreneurs individuels est légitime : comment concilier l'idée d'entreprendre et la protection de ses biens ?
Exposer tout son patrimoine à la couverture des risques professionnels peut se justifier en début d'activité, lorsque l'entrepreneur n'a que le courage d'entreprendre à offrir ou son savoir à gager pour la confiance de ses créanciers.
Les vertus de l'entreprise individuelle ne sont plus à démontrer par préférence à une société unipersonnelle sous-capitalisée, garantie par des cautionnements personnels. L'apurement du passif en cas de difficultés financières n'est plus qu'une vue de l'esprit, pour peu que le conjoint ait aussi apposé sa signature en bas du contrat de cautionnement. Le parti a donc été pris en 1985 de recourir à la société par préférence au patrimoine d'affectation pour créer l'EURL ou l'EARL dans sa version agricole.
Cette solution présentait apparemment l'avantage de la simplicité, alors que la scission de masses distinctes dans le patrimoine de l'entrepreneur aurait nécessité l'élaboration d'un dispositif beaucoup plus complexe organisant l'affectation des biens, la publicité de celle-ci, l'imbrication d'une telle scission avec les régimes matrimoniaux ou le droit des successions – tâche ardue, mais non encore surmontée malgré les diverses études effectuées sur ce thème.
Le choix de la société unipersonnelle n'aurait donc pas les vertus attendues pour qu'il faille revenir à la notion de patrimoine d'affectation. Dont acte. S'il s'agit d'une avancée, allons-y… Mais s'il ne s'agissait que d'afficher une nouvelle promesse ?
Soyons clairs : à l'évidence, la simplicité et la sécurité juridique ne sont pas au rendez-vous de cette loi. Il faut le dire aux artisans, commerçants, professions libérales ou agriculteurs à qui, promesse a été faite : l'EIRL exigera autant de formalités, sinon plus que l'EURL. Elle a tous les attributs d'une société à l'exception de la personnalité morale, et elle exigera tout autant de formalités. L'EIRL engagera aussi l'entrepreneur sur les chemins de l'insécurité juridique, il faut le dire. Risque d'irrecevabilité de la déclaration constitutive en présence de biens communs ou indivis, exposition de la totalité du patrimoine en cas de fraude, risque de voir étendre la responsabilité sur les biens personnels, dans ses relations avec l'État, face au non-respect d'obligations comptables ou fiscales dont on sait qu'elles ont souvent pour causes premières les difficultés de trésorerie : autant de dangers face auxquels l'entrepreneur ne trouvera son salut que dans l'ouverture d'une procédure collective de traitement des difficultés. Et, l'on connaît les difficultés de tout entrepreneur à rencontrer la justice, fût-ce pour se protéger de ses créanciers.
Le risque existe aussi de voir une concurrence entre créanciers privés et professionnels en cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, où le droit de gage des créanciers privés viendra s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'EIRL lors du dernier exercice clos.
Alors fallait-il maintenant et de cette manière ajouter un nouveau dispositif, alors même que les problèmes posés par les précédents, n'ont pas été résolus et que votre projet de loi ne les résout pas mieux ?
Le salut de l'entrepreneur individuel passerait par le patrimoine affecté. Je n'entrerai pas dans le débat sur le principe de l'unité du patrimoine et de son indivisibilité, tant les atteintes portées par le législateur à ce principe sont nombreuses ; je n'évoquerai que les règles d'insaisissabilité.
Les entrepreneurs ont d'ores et déjà la possibilité de déclarer insaisissable l'immeuble constituant la résidence principale de la famille ou tout bien immobilier bâti ou non bâti, que l'entrepreneur n'a pas affecté à son usage professionnel. Nous savons comment y parvenir, mais tout reste à faire dans cette loi, car vous renvoyez à deux ordonnances à publier dans un délai de neuf mois, le soin d'adapter les règles relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, ainsi qu'à la coordination de ce patrimoine au droit des régimes matrimoniaux et des successions. Comment croire que ces questions seront résolues dans ce laps de temps, tant la matière est complexe ? L'articulation de la « simple » déclaration d'insaisissabilité de la maison d'habitation à l'épreuve de la matière des procédures collectives n'a jamais été envisagée ! L'ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté n'apporte pas davantage de réponse sur ce point.
Et pourtant, le critère de la non-affectation à un usage professionnel sera toujours délicat à mettre en oeuvre. La déclaration de l'entrepreneur, notariée ou non, sera-t-elle suffisante ? Nous ne le croyons pas.
Vous envisagez la suppression de l'article L. 526-1 du code de commerce sans répondre à ces questions. Les incertitudes qui pèseront sur la création de ce patrimoine d'affectation et son évolution dans le temps ne protégeront pas mieux, loin s'en faut, qu'une déclaration simple ayant vocation à protéger le logement de la famille.
Un liquidateur judiciaire cherche toujours les actifs là où ils peuvent être pour élargir le champ de l'apurement du passif. Ce qui se fait dans la confusion avec une SCI et une SARL se fera encore mieux demain avec deux patrimoines aux contours mal définis.
Je termine, monsieur le président.
Au surplus, l'intérêt collectif des créanciers au nom duquel le liquidateur est recevable à agir va se heurter à l'intérêt individuel, dans l'hypothèse de créanciers bancaires ayant financé l'entreprise et l'entrepreneur. Surtout si le bien est à usage mixte !
Faute de temps, je ne parlerai pas des régimes matrimoniaux et des successions qui nous réservent là aussi de belles surprises.
Je regrette que ce projet de loi se borne à satisfaire à une promesse. Ce dont les entrepreneurs individuels ont besoin, c'est de sécurité. Ce que votre texte leur dit, c'est qu'ils ne pourront pas s'y référer avant bien longtemps.
Son introduction en droit positif est théoriquement concevable, mais est-elle judicieuse ?
J'ai terminé, monsieur le président.
L'utilisation systématique du mécanisme ultra-simplifié de l'EURL ou encore l'approfondissement et le perfectionnement de l'insaisissabilité des biens fonciers non professionnels de l'entrepreneur permettent de protéger le patrimoine de l'entrepreneur.
Cela fait un petit moment que vous le dites, et vous avez largement dépassé votre temps de parole !
Mon trait d'humour introductif retrouve, ici, toute sa portée : entrepreneurs individuels, vous avez besoin de sécurité juridique, pour entreprendre, alors mesurez bien votre décision avant de choisir un jour l'EIRL… Y recourir sera toujours à vos risques et périls. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je n'accompagnerai pas de mon vote ce projet de loi, mais c'est sans risque que je m'abstiendrai. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui nous est soumis aujourd'hui revêt une grande importance aux yeux de nombre de nos compatriotes qui sont déjà à leur compte ou qui souhaitent s'y mettre.
En effet, il va nous donner l'occasion, en une seule fois, de répondre à la demande légitime de toute une série de professionnels, commerçants, dirigeants de petites entreprises, exploitants agricoles, et d'une entreprise, et pas n'importe laquelle, la plus grande de France, dit-on : l'artisanat.
En votant le texte qui nous est présenté aujourd'hui, et sur lequel je reviendrai rapidement, nous allons en effet mettre fin à plusieurs dizaines d'années d'injustice.
Jusqu'à ce jour, notre modèle économique faisait une différence assez incompréhensible entre ses chefs d'entreprises. D'un côté, les entrepreneurs qui, au moment de lancer leur activité, optaient pour la forme sociétale et voyaient leur risque limité à leur apport en capital. De l'autre, l'entrepreneur individuel, l'entrepreneur en nom propre, l'entrepreneur artisanal, qui, en cas de mauvaise fortune commerciale, perdait non seulement son investissement professionnel, mais courait aussi le risque d'y voir disparaître l'essentiel de son patrimoine personnel ! De son bleu de travail à sa dernière chemise, il pouvait tout abandonner en quelques semaines, avec parfois des conséquences dramatiques sur sa situation familiale. Grâce à ce texte, cette injustice sera réparée.
Plus jamais un artisan qui aura démarré son activité sous la forme individuelle ne pourra être ruiné, se retrouver à la rue. Plus jamais. Si sa structure disparaît, il sera redevable sur le capital affecté à son activité – c'est la règle du jeu. Mais il ne pourra en aucun cas être saisi sur le reste de son patrimoine.
Votre texte monsieur le secrétaire d'État, est juste : il est équitable, il est social, il est tout simplement humain. On ne peut donc que vous remercier de votre initiative, mais aussi féliciter Mme la rapporteure et la commission pour leur travail.
Désormais, le million et demi de nos compatriotes qui ont choisi l'entreprise individuelle ne risqueront plus de perdre tous leurs biens en cas de difficultés et bénéficieront d'une égalité de traitement avec les entrepreneurs en société.
Le nouveau dispositif permettra à l'entrepreneur de déclarer au registre du commerce ou au répertoire des métiers la liste des biens affectés à son activité professionnelle et de distinguer ce patrimoine de son patrimoine personnel.
En matière de régime fiscal, il pourra opter soit pour l'impôt sur le revenu, soit pour l'impôt sur les sociétés.
La séparation des patrimoines personnels et professionnels permettra à l'entrepreneur de fixer lui-même les enjeux et l'importance de son investissement.
En adoptant ce texte, la France rejoindra les pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis, qui ont fait de l'entreprise individuelle un modèle économique très souvent couronné de succès.
Mes chers collègues, ce projet de loi n'a rien d'un cadeau pour ceux qui seraient tentés d'emprunter ce vocabulaire. Ce projet de loi est une décision de justice et d'équité, mais il a également à mes yeux une forte portée politique. En effet, alors que les clignotants de notre économie repassent tout doucement au vert clair, il a pour objectif de libérer encore davantage les énergies, d'encourager les initiatives créatrices d'activités et de favoriser l'emploi.
En cette période de sortie de crise, il est nécessaire, indispensable, vital, de favoriser la prise de risque.
Cette réforme historique, qui favorisera l'entreprenariat tout en assurant la sécurité de l'entrepreneur, était attendue depuis longtemps par toutes celles et tous ceux qui ont décidé un jour de se lancer dans la création de leur propre entreprise, dans la création de leur propre emploi.
Je me réjouis d'appartenir à la majorité qui s'apprête à la faire.
Je voterai pour ce texte, monsieur le secrétaire d'État. Mais j'insiste sur le rôle que devra jouer le monde bancaire pour que ces dispositions soient pleinement appliquées et prennent tout leur valeur.
En effet, il ne faudrait pas que les banques, pour se couvrir – ce qu'elles ne manquent pas de faire par les temps qui courent –, demandent à leurs clients artisans, commerçants et petits entrepreneurs d'assurer leurs emprunts professionnels par des cautions personnelles.
Si tel était le cas, notre vote de ce jour ne serait qu'un coup d'épée dans l'eau, qui laisserait planer intacte la menace d'une autre épée, celle de Damoclès, au-dessus de la tête de nos entrepreneurs individuels.
Monsieur le secrétaire d'État, une question au Gouvernement vous a fourni tout à l'heure l'occasion d'apporter quelques éclaircissements à ce sujet. Pouvez-vous nous assurer une nouvelle fois que votre texte, que nous nous apprêtons à voter, ne sera pas dénaturé et que la séparation tant attendue entre les patrimoines professionnel et personnel de nos artisans, commerçants et petits entrepreneurs prendra tout son sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous voilà parvenus au terme de la discussion générale. Avant de répondre en détail à chaque orateur, je tiens à remercier tous les députés qui se sont exprimés, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent.
Je remercie d'abord la majorité, qui, en demandant plusieurs précisions et en témoignant de sa connaissance du grave problème du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels, a apporté son soutien au Gouvernement.
Mes remerciements vont également à l'opposition, qui a indiqué qu'elle ne s'opposerait pas à ce projet de loi. Mais je l'invite aussi à faire preuve de cohérence : à entendre la masse des critiques assénées depuis cette tribune par ses orateurs, on pouvait penser qu'en toute logique elle voterait contre.
Pourquoi cette distorsion ? La question mérite d'être posée.
Messieurs les députés de l'opposition, puisque vous nous avez accusés de visées électoralistes, je vous le demande à mon tour : était-ce pour ne pas encourir les foudres des artisans que vous avez décidé de ne pas vous opposer à ce projet de loi ? Laissons donc l'électoralisme au vestiaire et revenons-en au fond du texte, que nous jugeons tous utile, y compris vous.
J'en viens aux commentaires dont il a fait l'objet.
Je veux dire à Mme Vautrin, qui présidait la séance il y a encore quelques instants, que ce projet lui doit beaucoup : c'est à la suite de son intervention lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie que le Gouvernement a demandé un rapport à Xavier de Roux.
Ce texte n'a pas été préparé dans l'urgence, contrairement à ce qu'ont soutenu M. Gaubert et M. de Rugy…
…mais bien à partir d'un rapport et de travaux interministériels difficiles, qui ont pris plusieurs mois. Qui plus est, de nombreux orateurs l'ont rappelé, il était attendu depuis des années. Fallait-il continuer ainsi ? Non : la situation économique de notre pays nous amène à déclarer l'urgence lorsqu'il s'agit de protéger le patrimoine personnel des entrepreneurs individuels. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette nécessité d'aller plus vite en période de crise économique justifie le recours à la procédure accélérée.
C'est bien ce que nous disions, monsieur le secrétaire d'État : ce n'est pas l'urgence, c'est la procédure accélérée !
Monsieur Gaubert, puisque vous avez pris le risque de proposer des paris en ligne, je vous indique que le texte sera débattu au Sénat au mois d'avril. Vous le voyez, nous ne perdons pas de temps !
N'en déplaise à M. de Rugy, ce texte n'obéit pas à des motivations électorales ; je m'en suis expliqué. Il est issu d'un rapport qui date de 2008 et de nos échanges avec la chancellerie tout au long de l'année 2009 ; il s'agit donc d'un travail de longue haleine, entamé il y a deux ans. Gardons-nous des faux procès : ils pourraient se retourner contre ceux qui les intentent.
J'en viens à l'importante question de l'insolvabilité. Le président Ollier…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. L'excellent président Ollier !
…qui porte à ce texte une attention que je salue, a demandé que le dispositif ne permette pas d'organiser l'insolvabilité.
Il a parfaitement raison. Je lui précise d'ores et déjà, mais il le sait, que le projet de loi permet de remettre en cause l'affectation en cas de fraude : dans ce cas, les deux patrimoines seront confondus.
Je suis pour ma part disposé à rendre le texte plus précis encore afin que l'étanchéité du patrimoine puisse également être mise en cause en cas de manquement grave aux règles comptables. M. Philippe Vigier, député d'Eure-et-Loir, a déposé un amendement en ce sens.
D'autre part, monsieur Ollier, vous m'avez interrogé sur les règles comptables qui seront fixées par décret. La transformation d'une entreprise individuelle en EIRL est assimilée d'un point de vue fiscal à l'apport à une EURL. Dès lors, c'est la valeur réelle des biens transférés qui est retenue, mais les plus-values constatées bénéficieront des mécanismes de report en vigueur, prévus à l'article 151 octies du code général des impôts.
Les biens nouveaux acquis à titre onéreux sont enregistrés selon leur coût d'acquisition, les biens à titre gratuit sont retenus au titre de leur valeur vénale et les biens produits sont retenus au titre de leur coût de production.
En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, la comptabilité est particulièrement simplifiée, limitée aux éléments descriptifs du patrimoine affecté. Bien entendu, l'auto-entrepreneur en EIRL devra toujours tenir un livre de recettes ; cela fait partie de ses obligations.
D'autre part, ce texte met fin à une injustice fiscale, ce dont je me félicite comme vous, madame la rapporteure. Le dispositif du patrimoine affecté est novateur à bien des égards ; la possibilité désormais offerte à l'entrepreneur individuel ayant le statut d'EIRL d'opter pour l'impôt sur les sociétés, tout comme l'associé unique de l'EURL, en est l'illustration. Il est normal, juste, équitable d'offrir les mêmes opportunités aux entrepreneurs, quel que soit leur statut juridique.
La réalité, la voilà ! Au nom de quoi interdirait-on à un entrepreneur d'opter s'il le souhaite pour un régime fiscal donné alors que l'on permet à d'autres de le faire ? C'est une simple question d'équité.
Il s'agit aussi d'obéir à un impératif d'efficacité économique.
M. Dionis du Séjour a raison : selon Bercy, le coût fiscal du dispositif serait effectivement de 50 à 60 millions d'euros. Ce chiffre diffère de celui qui avait été retenu, on s'en souvient, à propos de la réserve spéciale d'autofinancement lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, pour une raison bien simple : il ne s'agit pas du tout de la même chose. En effet, la réserve spéciale d'autofinancement est une réduction d'impôt sur les sociétés sous condition de non-distribution, alors que le régime de l'EIRL reproduit simplement le statut fiscal de l'EURL.
En outre, l'ajout d'une clause anti-abus, qui figure dans le texte, vise justement à réduire ce coût fiscal. Voilà pourquoi nos estimations conduisent aux chiffres indiqués dans l'étude d'impact.
De nombreux orateurs ont évoqué l'attitude des banques et le fonctionnement des sûretés. MM. de Rugy, Dionis du Séjour et Verchère ont ainsi souhaité des précisions sur l'articulation entre le projet de loi et le régime des sûretés. Je précise que le patrimoine d'affectation concerne le seul gage général ; il n'interdit pas la prise de sûreté spécifique sur l'un ou l'autre des patrimoines. Il n'en faut pas moins limiter autant que possible le recours à des sûretés personnelles ou réelles sur le patrimoine non affecté.
Monsieur Remiller, vous avez parfaitement raison de souligner que le succès du dispositif dépend pour partie de l'attitude qu'adopteront les banques. Comme vous le suggérez, la solution repose dans une large mesure sur le recours au cautionnement solidaire d'organismes tel OSÉO.
Il est donc indispensable, ainsi que le propose un amendement du président Ollier, de compléter l'information des entrepreneurs individuels sur la possibilité de solliciter, pour garantir un concours bancaire, la garantie d'OSÉO ou d'une société de caution mutuelle.
À ce propos, je précise à nouveau, à l'intention de MM. Lecou et de Rugy, que j'ai réuni la semaine dernière tous les établissements compétents en matière de garantie et de cautionnement des entrepreneurs, afin de développer les outils de caution solidaire.
OSÉO offrira des garanties à 70 % pour les prêts à la création et des garanties à quotité plus faible pour les autres types de prêts. En outre, comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, OSÉO subordonnera son intervention à l'absence de prise de caution personnelle par la banque. Pour parler clair : pas de caution personnelle, intervention OSÉO ; caution personnelle, pas de garantie d'OSÉO à 70 %.
Il s'agit là d'un engagement très fort, et d'une réponse concrète aux préoccupations que plusieurs d'entre vous ont exprimée. La tarification demandée par OSÉO s'élèvera à 1,2 % de l'encours du prêt – je réponds ainsi à la question posée par M. de Rugy.
Ces précisions sont très importantes. Elles montrent qu'il ne s'agit pas de la part du Gouvernement d'un texte d'affichage, contrairement à ce qu'ont prétendu, de manière un peu légère, plusieurs députés de l'opposition. En créant ce patrimoine, tout en permettant aux entrepreneurs individuels de bénéficier de la garantie d'OSÉO en substitution de la garantie sur leurs biens personnels qui leur était trop souvent demandée, nous avons cherché à proposer des solutions concrètes.
En ce qui concerne les chambres de métiers, je veux répondre très précisément aux questions de M. Cherpion, elles-mêmes fort précises.
En ce qui concerne le répertoire des métiers, le projet prévoit en effet que la déclaration de l'entrepreneur est déposée au registre de publicité légale dont il relève. Je vous confirme donc que les chambres de métiers départementales auront toute compétence pour gérer l'inscription des entreprises individuelles à responsabilité limitée, qui relèvent du secteur des métiers. Elles se verront ainsi confier un rôle nouveau, ce qui me semble tout à fait logique.
Je suis très favorable à tous les moyens de rendre ce répertoire directement opérationnel. Ainsi, sa centralisation, que vous considérez à juste titre comme indispensable, aura lieu dès 2011, et sa consultation sur internet en constituera un prolongement utile.
Les chambres de métiers devront progresser dans cette voie, ce qui permettra d'obtenir tous les effets attendus d'une réforme qu'elles-mêmes et leurs représentants appelaient de leurs voeux, vous le savez, depuis longtemps.
Je dirais même depuis trop longtemps ; il aura fallu attendre ce Gouvernement et cette majorité pour la faire aboutir. Le Gouvernement sera aux côtés des chambres de métiers pour les aider à faire du répertoire des métiers un outil encore plus efficace.
Plusieurs orateurs, parmi lesquels M. Vigier et M. Cherpion, ont exprimé leur préoccupation quant à l'accès des agriculteurs à ce nouveau statut.
Monsieur Vigier, sachez que l'intention du Gouvernement est bien d'ouvrir le nouveau dispositif à l'ensemble des entrepreneurs individuels, quel que soit leur domaine d'activité. Les exploitants agricoles ne sont bien entendu pas exclus car ce sont des chefs d'entreprise à part entière, comme vous l'avez souligné avec raison.
Il est vrai que le texte du Gouvernement, s'il n'excluait pas les agriculteurs, ne procédait pas à toutes les adaptations nécessaires pour les intégrer pleinement au dispositif. C'est la raison pour laquelle l'apport de la commission a été fort utile : je tiens à saluer le travail de plusieurs députés, M. Cherpion et d'autres, qui ont proposé des amendements très pertinents permettant de préciser les conditions d'ouverture du dispositif au monde agricole.
Ces ajouts signifient-ils pour autant que le projet du Gouvernement était mal préparé, comme je l'ai entendu dire ? Pour ma part, je considère qu'il est bon que les parlementaires apportent des précisions. On ne peut pas se plaindre, d'un côté, du peu de cas que l'on fait du Parlement, et déplorer, de l'autre, que ce même Parlement fasse son travail quand il considère qu'un texte de loi est incomplet. Là encore, il faut faire preuve de cohérence !
Mme la rapporteure Laure de La Raudière a proposé une clarification des modalités d'immatriculation des agriculteurs concernés, qui me paraît également utile.
J'en viens maintenant aux défaillances d'entreprise et aux créations d'entreprise, sujet sur lequel on m'a interrogé à plusieurs occasions.
Monsieur Bernier, vous avez raison de souligner qu'il ne suffit pas d'encourager la création d'entreprises ; encore faut-il s'assurer que celles-ci puissent durer. Le nombre des défaillances d'entreprise est encore beaucoup trop élevé : plus de 15 000 l'année dernière. Nous espérons que le nouveau statut d'EIRL ne contribuera pas seulement à la création de nouvelles entreprises mais qu'il apportera une sécurité accrue à l'activité des entrepreneurs. Ce projet de loi se veut aussi instrument de lutte contre les défaillances d'entreprise.
Il n'en reste pas moins, monsieur Gaubert, que le nombre de créations d'entreprises plaide en faveur du Gouvernement. Le bilan des différentes formules que vous nous avez demandé parle de lui-même : année après année, nous enregistrons des chiffres records de créations d'entreprises.
Avant même que la création du statut d'auto-entrepreneur, en 2008, ne vienne modifier radicalement les statistiques, nous avons battu cette année-là le record de créations d'entreprises. C'est donc que le bilan n'était pas négatif… Nous le devons aux initiatives de ce gouvernement et de cette majorité, qui ont permis un changement en profondeur de la perception de la création d'entreprise.
Venons-en aux procédures collectives et à l'articulation du dispositif avec les régimes matrimoniaux sur lesquels m'ont interrogé Mme Le Loch et M. Brottes – qui m'a envoyé un petit mot pour s'excuser de son départ : cela prouve qu'il est fort bien élevé, ce dont je ne doutais pas. (Sourires.)
L'article 5 prévoit une habilitation à légiférer par ordonnance. Il importe, en effet, d'assurer par un travail approfondi une bonne adaptation des procédures collectives, qui reposent aujourd'hui sur la règle de l'unicité du patrimoine, au principe du patrimoine affecté, dont la nouveauté dans notre droit a été soulignée.
S'agissant des régimes matrimoniaux, le texte n'entend pas remettre en cause les règles de droit commun. Il prévoit notamment l'accord exprès du conjoint pour l'affectation d'un bien commun ou indivis. Ce n'est que par sécurité que l'habilitation fait mention des régimes matrimoniaux afin de permettre de procéder à des coordinations complémentaires si celles-ci s'avèrent nécessaires.
Je ne m'appesantirai pas sur le régime de l'auto-entrepreneur, sur lequel M. Gosnat est revenu, car nous pourrions y consacrer la soirée. Une chose est sûre : si 320 000 créateurs d'entreprise l'ont choisi en 2009, c'est pour sa simplicité, tout comme les 31 000 qui l'ont également choisi en janvier 2010, selon les chiffres publiés ce matin par l'INSEE.
Je serai en revanche très précis sur les chiffres d'affaires enregistrés au titre de l'année 2009 – et vous n'êtes pas au bout de vos peines… Selon les chiffres provisoires de l'ACOSS publiés hier, appelés à être réévalués, les seules sociétés créées par les seuls auto-entrepreneurs aux trois premiers trimestres 2009 – les chiffres d'affaires du dernier trimestre ne seront déclarés qu'à la fin du premier trimestre 2010, nous n'aurons donc une vision claire de l'ensemble de l'année 2009 qu'en avril – ont atteint un total de 816 millions d'euros. Cela me fait dire que nous dépasserons le seuil de 1 milliard d'euros de chiffres d'affaires pour 2009. Le nombre de déclarations enregistrées pour les auto-entrepreneurs en 2009 n'est pas de 50 000, comme le prétend M. Brottes, mais de plus de 70 000, et ce sur les trois premiers trimestres seulement.
Ajoutons qu'à ce milliard d'euros de chiffre d'affaires correspondent 200 millions d'euros de rentrées sociales, ce qui n'a rien de négligeable. Nous nous réjouissons que le mécanisme simple que nous avons établi au coeur de la dynamique de la création d'entreprises contribue au rééquilibrage de nos régimes généraux de sécurité sociale.
Le régime de l'auto-entrepreneur ne remet nullement en cause le droit du travail, comme l'a prétendu à tort M. Gosnat. En revanche, il offre à chacun une faculté de compléter ses revenus ou de rebondir après un licenciement. Qui pourrait s'y opposer dans une période telle que celle que nous traversons ?
Monsieur Bernier, j'en viens à votre question sur le décret relatif à la qualification professionnelle dont je rappelle qu'il concerne à la fois les auto-entrepreneurs mais plus généralement toutes les personnes exerçant une activité artisanale soumise à qualification professionnelle. Je veux vous indiquer qu'il vient d'être approuvé par le Conseil d'État et qu'il est en cours de publication. Il s'appliquera avant la fin du premier trimestre de cette année, c'est-à-dire dès le premier jour d'avril.
Madame Besse, laissez-moi vous dire combien j'ai apprécié votre analyse sur le régime de l'auto-entrepreneur et votre soutien, qui m'ont fait grand plaisir.
Un mot sur le dossier Pier Import, évoqué par Pierre Gosnat. À la suite de la réunion qui s'est tenue à la préfecture de Tours le 14 février 2010, Pôle emploi consentira un effort particulier pour offrir des formations. Ce dossier sera signalé à Opcalia, organisme bénéficiant d'une convention particulière en Île-de-France, afin que les salariés bénéficient dans leur ensemble de possibilités de formation. La cellule de reclassement proposera des contrats de transition professionnelle ou des conventions de reclassement personnalisé avec allocations temporaires dégressives, le cas échéant. L'État abandonnera 650 000 euros de parts patronales dues au titre des salaires de septembre à février. En outre, je me suis engagé à appuyer la saisine demandée par la fédération CGT du commerce de la branche professionnelle. Je voulais indiquer également que les contrôles effectués par les URSSAF et les impôts sur les comptes de la société Pier Import n'ont pas décelé d'irrégularités.
Enfin, mesdames, messieurs les députés, j'aimerais terminer sur une chose qui m'a profondément choqué : l'idée selon laquelle, moi qui ai été entrepreneur plus d'un quart de siècle, j'aurais pu participer à la disparition du facteur risque. Jamais, je ne l'ai envisagé car je considère que le risque est un élément clair et fort, au coeur de l'engagement de l'entrepreneur. Le mécanisme que nous mettons en place avec le soutien des organismes publics de caution vise à éviter les situations de ruine mais certainement pas à supprimer la part de risque qui fait l'honneur de tous les entrepreneurs de ce pays.
C'est pourquoi il m'a paru utile de faire cet ultime rappel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.
J'aimerais revenir sur l'EURL dont nous avons tous fait le constat du relatif échec. Ce statut n'a, en effet, pas été choisi par un grand nombre de commerçants et d'artisans depuis sa création en 1985 : seuls 6 % des entrepreneurs l'ont adopté.
Nous discutons aujourd'hui de la création d'un nouveau statut, l'EIRL, protecteur pour le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel. Nous espérons bien sûr qu'il rencontrera le succès et que nous ne serons pas amenés à légiférer dans un ou deux ans pour améliorer la protection du patrimoine des entrepreneurs.
Puis-je vous suggérer, monsieur le secrétaire d'État, de faire oeuvre de pédagogie comme vous aviez su le faire lors de la mise en oeuvre du statut d'auto-entrepreneur, qui a fait l'objet de maintes explications et informations ? Rappelons que les artisans et les commerçants avaient reçu un courrier signé de Mme Lagarde, du ministre du budget et de vous-même, destiné à les informer de la création de ce nouveau statut.
À l'issue du vote de ce projet de loi, il me paraîtrait donc utile de lancer une campagne de communication pour faire connaître ce statut qui garantit aux entrepreneurs une protection maximale de leurs biens. L'expérience a, en effet, montré que les dispositifs précédents – l'EURL, l'insaisissabilité – ont souffert d'un défaut d'information.
Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais à mon tour me féliciter de la création d'un statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Je me réjouis que le Gouvernement apporte une réponse à tous les entrepreneurs individuels, à commencer par les artisans.
Dans la discussion générale, l'un de mes collègues s'est félicité que ce statut ait été élargi aux agriculteurs. Je souhaiterais savoir s'il peut être applicable également aux obstétriciens.
Comme l'indique le rapport, le projet de loi vise trois objectifs : il apporte une réponse à des situations fréquentes et dramatiques ; la volonté de créer un patrimoine affecté s'est lentement constituée ; le projet de loi innove tout en maintenant un subtil équilibre entre responsabilité et protection des entrepreneurs, des créanciers et des tiers.
C'est en m'appuyant sur ces trois objectifs que je souhaite appeler votre attention sur la situation parfois dramatique à laquelle sont confrontés les obstétriciens. Vous le savez, chaque année, on compte 820 000 naissances en France. Or la couverture du risque est limitée. La jurisprudence condamne quelquefois les obstétriciens à réparation pour des montants largement supérieurs. Le patrimoine personnel peut être alors engagé. C'est pour remédier à cette insécurité que je vous demande si l'on ne pourrait pas envisager d'étendre la notion de patrimoine affecté à des professions ayant un vrai caractère de service public au profit de nos concitoyens, et qui engagent une responsabilité qu'aucune assurance ne peut couvrir.
Cet amendement est satisfait. En effet, le présent projet permet à tous les types d'entrepreneurs, notamment aux professions libérales donc aux obstétriciens, de bénéficier de l'EIRL. La commission a donc émis un avis défavorable.
Monsieur le député, vous abordez là un sujet très important. Vous avez raison de rappeler que, dans certaines professions, notamment celle d'obstétricien, d'anesthésiste réanimateur, voire de chirurgien, il peut y avoir des drames liés à la mise en cause de celui qui l'exerce.
Je vous confirme que le régime de l'EIRL s'applique à tout entrepreneur individuel, sans distinction quant à la nature de son activité, qu'elle soit commerciale, artisanale, agricole, de service ou libérale. Le régime que nous mettons en place pourra donc bénéficier aux professionnels que vous évoquez, aux gynécologues, aux obstétriciens, sans qu'il soit nécessaire de les citer expressément dans la loi. Votre amendement est donc satisfait.
Quant aux problèmes d'assurance spécifiques à ces professions, ils doivent être évoqués dans le cadre de l'examen de la proposition de loi tendant à améliorer la couverture d'assurance responsabilité civile professionnelle médicale, qui vient d'être déposée au Sénat.
Au bénéfice de ces explications, je vous demande de retirer cet amendement.
(L'amendement n° 1 est retiré.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Le sujet est suffisamment complexe pour que les entrepreneurs qui choisiront ce statut n'aient pas d'obstacle supplémentaire à franchir. Aussi me semble-t-il nécessaire de clarifier le texte de loi afin d'établir une distinction entre la notion de bien nécessaire à l'activité et celle de bien utilisé pour les besoins de l'activité.
Le tiers, expert-comptable ou commissaire aux comptes, qui interviendra au moment du choix opéré par l'entrepreneur, sera à même d'apprécier quels seront les biens qui seront affectés à l'EIRL. Il ne faudrait pas l'induire en erreur. Or le présent texte risque en fait de compliquer les choses. Voilà pourquoi nous proposons cet amendement de clarification.
Ce débat a déjà eu lieu en commission.
Il est vraiment nécessaire de mentionner les obligations dans la constitution du patrimoine, lequel comprendra des éléments d'actif et de passif. On peut donc imaginer que des créances soient inscrites au patrimoine affecté au regard des actifs qu'aura mis l'entrepreneur.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Défavorable également.
Il est nécessaire de conserver le mot « obligations » car le patrimoine affecté représente le gage des créanciers dont les droits sont liés à l'occasion et aux besoins de l'activité professionnelle. Un patrimoine peut être constitué de biens et de droits, c'est-à-dire d'un actif, mais aussi d'obligations, c'est-à-dire d'un passif. Il est donc nécessaire de préciser que le patrimoine d'affectation comprend bien les obligations qui portent sur les biens affectés à l'entreprise, tels les emprunts contractés pour l'acquisition de ces biens. Cette affectation ne change rien au droit de gage général des créanciers sur l'ensemble du patrimoine.
(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)
Cet amendement, qui est également de clarification, a fait l'objet, en commission d'un avis défavorable de celle-ci et du Gouvernement. Ils ont tort car, tel qu'il est rédigé, le texte posera des problèmes.
Monsieur le secrétaire d'État, vous parlez de simplification. Or, il y a, partout dans le texte, matière à interprétation juridique. Vous auriez intérêt à éviter que le principal bénéficiaire de l'opération ne soit d'abord le conseiller juridique.
Le débat a déjà eu lieu en commission.
Il est important de préciser que font partie du patrimoine affecté les biens nécessaires à l'activité professionnelle, mais aussi ceux utilisé pour les besoins de l'activité professionnelle.
La jurisprudence fiscale précise ces deux types de biens : les premiers sont ceux consacrés en totalité à l'activité professionnelle, les seconds ceux qui sont à usage mixte. L'ensemble constitue le patrimoine affecté. Les précisions données à l'alinéa 7 sont donc nécessaires, et la commission a émis un avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. L'explication que vient de donner Mme la rapporteure est très claire.
En supprimant les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés pour les besoins de l'activité professionnelle, vous restreignez la liberté de choix de l'entrepreneur, à qui il est dommage de ne pas faire confiance.
(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)
Cet amendement permet aux exploitants agricoles d'accomplir la déclaration de constitution du patrimoine affecté auprès du registre créé par l'alinéa 10 et tenu au greffe du tribunal de commerce.
Cet amendement très important permet aux exploitants agricoles qui créent une entreprise à patrimoine affecté d'accomplir les formalités en ayant recours, en l'absence de registre dédié, au registre tenu au greffe du tribunal de commerce.
Le Gouvernement est donc très favorable à cet amendement.
Un agriculteur qui crée une EARL passera par le centre de formalité des entreprises tenu en général à la chambre d'agriculture. Puis les formalités seront faites automatiquement au greffe du tribunal de commerce. Aussi n'aura-t-il pas besoin de s'y rendre. Pourquoi ne pas utiliser ici les centres de formalités des entreprises agricoles, afin de ne pas spécialiser des professionnels autour de cette déclaration d'affectation ? La sécurité juridique mériterait de faire confiance à ces centres de formalités.
Monsieur le député, vous avez raison sur le fond, mais le registre de la chambre d'agriculture pour les entreprises individuelles n'a, en fait, jamais été créé. Il nous faut donc un recueil de la déclaration des patrimoines affectés des entrepreneurs individuels exploitants agricoles. Voilà pourquoi nous avons souhaité le rattacher au registre créé à l'alinéa 10.
Je souhaite apporter une précision.
Si nous ajoutons en effet, comme vous le relevez à juste titre, une démarche supplémentaire, c'est parce qu'il n'existe pas de registre général dans les chambres d'agriculture, et je vous encourage donc à en proposer la création. Actuellement, la création d'une entreprise à vocation agricole se fait au CFE de la chambre d'agriculture, et l'immatriculation de l'EIRL se fera, elle, au greffe.
Nous sommes bien obligés de nous appuyer sur le droit existant, tout en espérant pouvoir simplifier les choses à l'avenir.
Nous manquons là l'occasion de répondre à une question, celle de la définition de la notion d'exploitant agricole.
Dès lors qu'un répertoire existerait et serait tenu à la chambre d'agriculture, nous saurions automatiquement à qui nous avons affaire. Or nous allons envoyer des gens au greffe du tribunal de commerce. Mais quel statut auront-ils ? Comme vous l'avez reconnu vous-même, on ne clarifie pas du tout la situation de ces exploitants agricoles, qui ont parfois des statuts mixtes.
Les professions libérales enregistrent leur activité au CFE de la chambre de commerce. Le texte prévoit que la déclaration se fera au CFE de la chambre d'agriculture. Et il est fort probable que celui-ci transférera la déclaration au greffe du tribunal de commerce.
(L'amendement n° 45 est adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 5 .
Actuellement, la déclaration d'affectation est déposée au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur est tenu de s'immatriculer ou, à défaut, au greffe. Nous proposons qu'un extrait de la déclaration soit publié dans un journal d'annonces légales, dont le coût serait très faible, de l'ordre de 20 à 30 euros.
Je sais bien que le Gouvernement va m'opposer l'argument de la simplification.
Cela permettrait en tout cas d'avoir une meilleure connaissance du patrimoine affecté.
Défavorable. Cette disposition, outre qu'elle aboutirait à créer un acte administratif supplémentaire et aurait un coût, ne nous paraît pas utile.
Cet amendement est intéressant. Il est vrai que l'affectation d'un patrimoine doit s'accompagner d'un dispositif tendant à informer les tiers sur la déclaration d'affectation au moment de la création de l'entreprise.
Rappelons cependant que le projet de loi organise déjà cette publicité aux alinéas 9 et 10 de l'article 1er, soit par le biais des répertoires légaux auxquels l'entrepreneur peut être tenu de s'immatriculer, soit par le biais d'un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de leur établissement principal pour ceux qui ne sont pas soumis à cette obligation.
Je le répète, ces répertoires sont publics, librement et facilement accessibles.
Cette information chronologique et centralisée des tiers représente, pour le Gouvernement, un moyen suffisamment sûr et efficace, sans qu'il soit nécessaire d'imposer de nouvelles obligations – et je m'étonne d'ailleurs que vous, monsieur de Courson, qui êtes en général opposé à la création de nouvelles contraintes, se laisse parfois aller à présenter des amendements qui s'éloignent de votre philosophie. (Sourires.) Il n'est pas souhaitable, vous le reconnaîtrez aisément, d'ajouter des coûts supplémentaires, même modestes,…
…à la charge d'entrepreneurs individuels qui, souvent, ont leur énergie pour seule richesse. Je vous rappelle par ailleurs qu'ils étaient jusqu'à présent dispensés de toute obligation de publicité légale et que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, comporte déjà des obligations de publicité rigoureuse.
Je souhaiterais plutôt que vous retiriez votre amendement.
(L'amendement n° 5 est retiré.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi sur l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma