Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, « ce sera sans doute la plus grande réforme du quinquennat pour le monde des petites et moyennes entreprises ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est en ces termes que le président de l'assemblée permanente des chambres de métiers a commencé son audition devant la commission. (Mêmes mouvements.) Nous voilà donc réunis ce soir pour examiner un texte majeur, attendu depuis plus de vingt ans par les entrepreneurs et très largement soutenu par l'ensemble des acteurs auditionnés.
En effet, cela a été dit, la moitié des entrepreneurs – soit 1,5 million – exercent leur activité professionnelle en nom propre et s'exposent ainsi à ce que la totalité de leur patrimoine professionnel et personnel soit saisie en cas de difficulté. De tels drames se produisent chaque jour partout en France. Cela constitue à mes yeux une profonde injustice. Certes, la prise de risque fait partie de la création de l'entreprise et de la vie de l'entrepreneur. Mais elle ne doit pas entraîner la ruine de sa famille sous prétexte que l'entrepreneur a choisi d'exploiter son activité professionnelle en nom propre et non pas sous forme de société. Ce texte, mes chers collègues, répond à cet enjeu d'équité et de justice sociale.
Si j'ai la grande fierté aujourd'hui de rapporter ce projet de loi devant l'Assemblée, je le dois à la volonté politique de plusieurs députés dont je salue le travail pour les entreprises, en particulier les PME : tout d'abord vous, madame la présidente (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), qui avez déposé et défendu en juin 2008, dans le cadre des débats sur la loi de modernisation de l'économie, un amendement visant à créer un patrimoine d'affectation pour les entreprises individuelles ; je souhaite aussi saluer le travail de M. Jean-Paul Charié en tant que rapporteur de ladite loi, celui de MM. Olivier Carré, François Loos ou en encore Louis Giscard d'Estaing, enfin celui de M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, qui s'est beaucoup impliqué sur ce sujet à l'époque comme encore aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Monsieur le secrétaire d'État, vous étiez présent lors de ces débats, je me souviens des discussions et je me rappelle de votre engagement personnel à étudier ce sujet et à revenir devant la représentation nationale. Je tiens donc à vous féliciter d'avoir tenu votre promesse ! C'est grâce à votre détermination et à l'appui du Gouvernement que nous débattons aujourd'hui de la création de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée.
Mes chers collègues, l'EIRL répond à un véritable besoin de protection du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels. Certes des dispositifs existent, le secrétaire d'État l'a rappelé, mais ils ne sont pas utilisés. Pour certains d'entre nous d'ailleurs, le mystère reste entier : pourquoi l'entrepreneur individuel, s'il veut protéger son patrimoine personnel, ne crée-t-il pas une société ? Je me suis moi-même posé cette question, ayant effectué cette démarche il y a quelques années… En fait, c'est un ensemble de raisons qui fait que plus de la moitié des entrepreneurs se mettent à leur compte en nom propre. La raison essentielle, à mon avis, c'est que quand l'entrepreneur souhaite créer une entreprise seul, il est dans l'état d'esprit de lancer son activité professionnelle, de produire, de trouver des clients, d'exécuter des travaux. C'est normal et sain, mais on peut regretter qu'il ne pense pas déjà à l'étape suivante du développement de son entreprise, à une éventuelle association, qu'il ne réfléchisse pas à l'avenir, au type de statut, au type de fiscalité, au type de déclaration qui conviendront le mieux plus tard. En fait, lors de la création, le chef d'entreprise ne souhaite pas se poser toutes ces questions compliquées, nouvelles. Je vous assure que ce que souhaite un artisan, un commerçant, une personne exerçant une profession libérale, dans la très grande majorité des cas, c'est que les formalités à la création soient simples, rapides et peu coûteuses, et, surtout, qu'il puisse démarrer l'activité le plus rapidement possible sans avoir trop de réponses à apporter à des questions sans rapport direct avec son activité – j'entends par là des questions d'ordre administratif. Le choix de l'entreprise individuelle est alors logique.
La forme sociétale est la réponse appropriée quand l'entrepreneur veut s'associer. Nous renforçons aujourd'hui le statut de l'entrepreneur individuel, celui qui veut développer son activité professionnelle sans nécessairement s'associer. Et c'est justice.
Ce faisant, nous renforçons aussi le statut de société qui a justement été créé pour permettre l'association de talents afin de développer l'activité professionnelle.
Pendant ses travaux, la commission a été guidée par la nécessité de trouver un bon équilibre : le dispositif doit protéger le patrimoine personnel de l'entrepreneur sans permettre à ce dernier de s'en servir pour organiser sa propre insolvabilité à l'égard de créanciers.
Lors de la discussion générale en commission et aussi lors de l'examen d'un amendement déposé par notre collègue Michel Zumkeller, nous avons longuement débattu du comportement des créanciers, en particulier des banques, vis-à-vis de la création du patrimoine affecté.
Lorsque le gage général des créanciers professionnels sera uniquement sur le patrimoine affecté, il ne faudrait pas que les banquiers demandent systématiquement une garantie ou une sûreté personnelle.
Il ne s'agit pas du tout d'un problème spécifique à l'entrepreneur individuel, mais plus largement d'un problème de financement des PME, quelle que soit la forme juridique d'exercice de l'activité professionnelle.
C'est un sujet majeur. À l'occasion de nos débats, nous devons avancer sur le développement du cautionnement – solidaire, de branche ou par le biais d'OSEO –, et de son utilisation prioritaire, avant toute demande de garantie personnelle.
Nous ne pouvons pas interdire la demande de garanties personnelles par les banquiers, au risque de tarir le crédit indispensable au financement des entreprises.