La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'article 27.
Sur l'article 27, je suis d'abord saisi d'un amendement n° 162 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Monsieur le garde des sceaux, depuis le début de la discussion du présent projet de loi, nous ne cessons d'avancer nos arguments, certes sur une base de recul mais, comme vous le savez, nous ne fléchissons jamais, surtout lorsque nous sommes habités par la conviction d'avoir raison face à une démarche liberticide, ce qui est bizarre venant de vous. Il faut croire que l'on vous a convaincu de couvrir n'importe quoi, même l'indéfendable !
Heureusement que vous arrivez, monsieur Brard !
Pourtant, s'agissant de liberté, il n'y a pas de transaction possible, il n'y a pas de compromission possible. Si on lâche quelque chose, on y perd son âme. Certes, par tradition, vous aimez le compromis. Dans le Sud-Ouest, vous auriez pu être « rad-soc ». Mais à Lyon, c'est autre chose, n'est-ce pas ? (Sourires.)
Cet amendement de repli a pour objet de rendre visibles les différentes attributions du Défenseur des droits, de ses adjoints et du Défenseur des enfants.
Le fait que le Défenseur des droits soit nommé par le Président de la République nous ramène avant le 14 juillet 1789. Il ne manque plus que les lettres de cachet ! Donnons au moins une autonomie véritable, une liberté aux adjoints du Défenseur des droits !
Monsieur le ministre, permettez-moi de terminer mon propos en faisant une analogie avec la Commission nationale de déontologie de la sécurité. On voit bien pourquoi vous voulez passer la muselière à chacun des adjoints du Défenseur des droits : c'est parce que ces institutions ont rendu service. Ainsi, à Montreuil, nous n'avons connu la vérité sur l'utilisation du flash ball que grâce à la CNDS. Nous savons ce qu'il en serait advenu sans cette commission…
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 162 .
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. L'article 71-1 de la Constitution prévoit que le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement. Selon nous, il n'est pas possible de permettre à ces adjoints de présenter leur propre rapport d'activité. En pratique, le Défenseur des droits les préparera en étroite collaboration avec eux, mais il est la seule autorité, prévue par la Constitution, et ses adjoints ne peuvent défendre des positions qui seraient contraires aux siennes.
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 162 .
Même position.
Monsieur le rapporteur, il y a quelque chose, dans votre argumentation, qui ne tourne pas rond. Vous dites que, comme c'est ce que prévoit la Constitution, nous n'avons plus qu'à nous n'aligner. Mais disant cela, vous ne raisonnez pas. Pour notre part, nous avons combattu ces modifications constitutionnelles parce qu'elles sont liberticides.
Non, monsieur Clément, ancien garde des sceaux. À un moment donné, les sceaux vous ont cependant échappé ! (Sourires.)
Avec cet amendement, nous avons la possibilité de limiter les dégâts. Contrairement à l'esprit voulu par le général de Gaulle, la Constitution attribue des pouvoirs exorbitants au Président de la République. En donnant l'avis de la commission, vous avez eu une formule terrible, monsieur le rapporteur. En effet, vous avez dit : en principe le Défenseur des droits associera ses adjoints. Les termes « en principe » ne manquent pas de saveur. Alors que nous avons déjeuné et que nous sommes donc rassasiés, vous nous mettez cependant en appétit et nous voulons en savoir plus sur vos intentions liberticides.
Je comprends, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas ajouté un mot au commentaire du rapporteur : l'homme d'équilibre que vous êtes ne souhaitait pas se compromettre davantage sur une pente glissante.
Monsieur le rapporteur, j'imagine que vous n'avez rien à rajouter à la plaidoirie gaulliste de M. Brard.
Si, monsieur le président, car c'est un plaisir de répondre à M. Brard !
Avant même sa création, vous voulez faire du Défenseur des droits un monstre à cinq têtes. Nous souhaitons quant à nous que ce soit une autorité à assise constitutionnelle dotée de pouvoirs, avec possibilité d'injonction et un champ d'intervention efficace. Depuis le début de la discussion, vous prétendez que nous voulons supprimer les AAI. Non, nous les intégrons dans un dispositif qui permettra de leur donner encore plus d'autorité et de pouvoir.
(L'amendement n° 162 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 59 .
Nous souhaitons que le Défenseur des droits puisse avoir les mêmes facultés d'action a minima que les AAI qu'il absorbe, mais aussi les mêmes contraintes. Au rang de ces contraintes, on notera les rapports qui rendent compte de l'activité. Ils comportent souvent des suggestions importantes pour les administrations qui souhaitent améliorer leur action dans la garantie de la protection des droits. La HALDE remet ainsi un rapport annuel au Premier ministre, rapport attendu, commenté et parfois source de droit pour une évolution de notre corpus législatif. Or le texte prévoit que le Président de la République sera le seul destinataire du rapport. Nous souhaitons que le Premier ministre puisse également le recevoir.
La commission a repoussé cet amendement. Monsieur Urvoas, la Constitution précise que le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement. Malgré la sympathie que je vous porte, je ne sais pas aller au-delà.
J'étais prêt à me laisser aller à une faiblesse coupable. Mais le rapporteur m'a rappelé à l'ordre et convaincu. Le Gouvernement a donc la même position que la commission.
Le rapporteur n'est pas très convaincant. Vous êtes bien le seul, monsieur le ministre, à être convaincu. Du reste, je vous trouve un peu faible cet après-midi. Tout à l'heure, le rapporteur n'était pas non plus convaincant quand il a dit vouloir agréger toutes les autorités.
Le rapporteur a lu la Constitution !
Mon père a travaillé dans une fonderie. Lorsque vous agrégez vous mettez dans le four des métaux différents, mais au final vous ne savez plus ce qu'il y a dans le four. Vous avez ajouté tellement de défauts que, lorsqu'elle est froide, la pièce de métal casse en de multiples endroits. Ici, c'est le socle des libertés que vous allez casser.
M. Clément, qui est un homme d'expérience…
…et qui est passé par la Place Vendôme, sait très bien ce que je veux dire. Il trouve que le ministre a raison de ne pas en rajouter et de choisir le silence plutôt que la parole pour ne pas aggraver davantage son cas.
(L'amendement n° 59 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 60 .
Même avis.
(L'amendement n° 60 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l'amendement n° 61 rectifié .
Alors que le ministre a beaucoup de mal à nous démontrer que la nouvelle autorité constitutionnelle concentrera tout ce qu'il était possible de faire auparavant dans les différentes AAI, je lui dis, pour avoir été, comme Christophe Caresche, membre de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité pendant plusieurs années, qu'en dehors des traitements particuliers, chaque autorité indépendante avait la possibilité de produire des rapports qui, de façon générale, faisaient l'état de la matière. J'évoquerai ainsi les questions relatives à la garde à vue, à la défense des libertés individuelles dans les pays européens et aux forces de sécurité.
Afin d'éviter tout recul, il est donc nécessaire que le texte prévoie la capacité pour chacun des collèges de produire des rapports thématiques, ce qui constituait l'une des spécificités de chacune de ces autorités administratives indépendantes, et notamment de la CNDS. Si cet amendement n'est pas adopté, il y aura une perte de substance forte dans le travail possible de chacun des collèges.
Aux termes de l'article 71-1 de la Constitution, les collèges n'ont qu'un rôle d'assistance du Défenseur des droits et c'est le Défenseur des droits qui rend compte de son activité. Les collèges n'ont pas de pouvoir propre. Leur permettre de publier eux-mêmes des rapports dont le contenu pourrait être en contradiction avec les orientations du Défenseur des droits paraît, d'une part, contraire à la Constitution, et d'autre part, de nature à nuire gravement à la crédibilité de l'institution.
Même avis.
(L'amendement n° 61 rectifié n'est pas adopté.)
Nous avons signé la Convention internationale des droits de l'enfant. Dans ce cadre, jusqu'à présent, la Défenseure des enfants présentait elle-même, chaque année, le 20 novembre, un rapport au Président de la République sur l'état des droits de l'enfant en France. Ce rapport était médiatisé. Ainsi, les familles comme les responsables administratifs et judiciaires ont pu avoir connaissance des prises de conscience qui figurent dans le rapport. Si nous ne permettons pas que le Défenseur des droits puisse déléguer à l'adjoint Défenseur des enfants la possibilité de rédiger des rapports sur la situation des droits de l'enfant en France, nous enlèverons toute visibilité au Défenseur des enfants. Il doit pouvoir présenter le rapport le 20 novembre. Le Défenseur des droits ne représente pas du tout la même chose pour les enfants. En effet, les enfants ne connaissent pas leurs droits, ils savent seulement qu'ils sont des enfants.
Madame Antier, je le répète, le Défenseur des droits peut présenter un rapport le 20 novembre. Quant au problème des délégations, il a été réglé à l'article 11 A.
L'amendement de Mme Antier est déjà satisfait par les dispositions de l'article 11 A qui ont été votées préalablement.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me donner l'assurance que le Défenseur des droits peut déléguer ?
Oui, madame Antier.
Sur l'article 28, je suis d'abord saisi d'un amendement n° 163 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Nous regrettons la disparition du Défenseur des enfants, qui existe dans de nombreux pays, d'ailleurs. Comme le disait encore à l'instant Mme Antier, les enfants risquent de ne pas s'y retrouver. Ils pouvaient aisément rencontrer les délégués du Défenseur des enfants sur l'ensemble du territoire, dans des points faciles d'accès comme les mairies, les maisons de justice, les maisons des services publics.
Nous proposons donc que la personne qui sera dorénavant spécifiquement en charge des droits des enfants puisse disposer de délégués spécialisés sur les droits des enfants. Cela nous semble fondamental. Sinon, le travail exceptionnel qui a été réalisé pour permettre aux enfants de faire défendre leurs droits, et qui constituait une avancée très importante en Europe et en France, risque d'être très compromis.
La commission n'a pas examiné cet amendement. J'y suis personnellement défavorable : la seule autorité prévue par la Constitution est le Défenseur des droits, lequel doit désigner ses délégués et organiser leur activité. Les adjoints exercent des compétences que le Défenseur des droits leur délègue : ils ne peuvent eux-mêmes désigner des délégués.
Même avis.
Monsieur le ministre, et cela vaut pour les amendements suivants, l'argument constitutionnel que vous utilisez depuis le début de la discussion peut être acceptable juridiquement. Reste que vous semblez dès à présent organiser l'impossibilité d'un bon fonctionnement du Défenseur des droits. C'est du moins ce que nous ressentons sur ces bancs.
Chaque autorité a un passé et rencontre des difficultés de fonctionnement quand elle n'est pas relayée, pour certaines, par un réseau de bénévoles sur le terrain, par des délégués qui accomplissent un travail remarquable, d'où la nécessité de leur reconduction.
Le regroupement de différentes autorités inquiète les députés de divers bancs. Il conviendrait peut-être d'ajouter au texte des éléments « bavards », pour reprendre le mot de l'ancien garde des sceaux Pascal Clément. Il s'agit de donner d'emblée à l'autorité que représentera le Défenseur des droits les moyens d'un bon fonctionnement.
Or, à émettre un avis défavorable à tous ces amendements, vous organisez d'emblée, j'y insiste, l'impossibilité d'un bon fonctionnement du défenseur des droits.
J'ai l'impression que l'amendement sur lequel le rapporteur et le Gouvernement viennent d'émettre un avis défavorable est victime d'une illusion d'optique. Il est vrai que la gauche a déposé moult amendements pour rétablir le Défenseur des enfants à la place ou à côté du Défenseur des droits.
Pour le coup, le présent amendement me paraît différent et ma position est assez proche de celle exprimée par M. Le Roux : je ne vois pas ce qui interdirait demain au Défenseur des droits de s'organiser sur le territoire par le biais des délégués. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi la loi le prévoirait mais je ne vois pas non plus pourquoi elle devrait l'interdire. L'idée de Mme Billard devrait être satisfaite par le Défenseur des droits.
Puisque le présent texte est un projet de loi organique, il ne saurait être question de tout prévoir. Rien n'interdit toutefois – et je le souligne bien volontiers afin que mes propos rapportés par le compte rendu puissent être utilisés par la suite – l'existence d'un réseau spécifique de délégués pour les droits des enfants, ni l'existence de plusieurs types de délégués comme ceux de la HALDE qui ont réalisé un très bon travail. Les citoyens doivent pouvoir s'adresser à des délégués spécialisés. Cela ne pose aucun problème et il ne semble pas nécessaire de l'inscrire dans le texte.
Si le Défenseur des droits décide de s'organiser ainsi, il bénéficiera de mon entier soutien.
J'ai écouté le ministre avec attention afin de prendre ma décision ; or il a déclaré : « Si le Défenseur des droits décide… ». Malheureusement, cela signifie que si le Défenseur des droits décide le contraire, il n'y aura rien. Je maintiens donc mon amendement.
Cela dit, madame Billard, si je puis me permettre, votre amendement emploie les mots : « peuvent désigner ».
C'est exactement ce que je fais, monsieur Le Roux, j'essaie de contribuer à l'avancement de nos travaux.
(L'amendement n° 163 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 62 .
Cet amendement traite du même sujet. Le ministre exprime souvent sa satisfaction du travail réalisé par les autorités administratives indépendantes qu'il a décidé de condamner. Le succès de la HALDE, de la Défenseure des enfants, du Médiateur de la République, tient notamment à leur représentation à travers un réseau de délégués, sans oublier le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui peut s'appuyer de manière temporaire ou permanente sur des contrôleurs et des contrôleurs adjoints.
Or l'article 28 du projet de loi prévoit que la désignation des délégués n'est qu'une faculté. Nous pensons, pour des raisons de bonne organisation – le Défenseur des droits étant amené à devenir une structure considérable, bureaucratiquement très importante eu égard à l'étendue de son champ d'activité –, que s'il ne peut pas s'appuyer sur ce réseau de délégués locaux, nous devrons faire face à un engorgement évident au plan national.
Disposer de ces délégués ne doit donc pas n'être qu'une faculté mais bien une obligation : le Défenseur doit désigner des délégués que, du reste, il ne crée pas puisqu'il reprend le maillage existant dans les départements et les communes, lequel maillage a déjà montré son efficacité. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, les représentants de la HALDE ou ceux du Médiateur, y compris dans les lieux de privation de liberté puisqu'ils se rendent aussi dans les prisons.
Nous suggérons donc que la loi, tout organique qu'elle soit, monsieur le garde des sceaux, précise ce point.
La commission a repoussé cet amendement. Vous et moi, monsieur Urvoas, avons salué le travail des délégués du Médiateur. Le texte prévoit un Défenseur des droits, des adjoints et des collèges consultatifs. Laissons donc le Défenseur des droits décider de son organisation sur le territoire.
Même avis.
(L'amendement n° 62 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 63 .
La commission a rejeté cet amendement mais, personnellement, je n'y suis pas hostile.
Favorable.
(L'amendement n° 63 est adopté.)
Le Médiateur bénéficiait de l'assistance de près de 300 délégués intervenant dans plus de 380 lieux. Cet amendement vise à rappeler l'importance des futurs délégués du Défenseur des droits en matière de proximité. Il s'agit de préciser qu'ils continueront à exercer leur mission dans les lieux d'accueil habituels du public.
Certes, on me rétorquera que nous examinons un projet de loi organique et qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter ce genre de précision. Reste que ce qui va sans dire va parfois mieux en le disant et, compte tenu de l'importance du champ d'action des représentants du Défenseur des droits, il convient de préciser qu'ils continueront d'accueillir les gens dans les sous-préfectures, dans les maisons du droit, dans les mairies de quartier, ce qui rassurerait et apporterait un complément d'efficacité.
La commission a repoussé cet amendement. Toutefois, après avoir entendu notre collègue Blessig, je suis pour ma part très favorable à la précision qu'il propose, d'autant qu'on doit une reconnaissance considérable à l'ensemble des acteurs – délégués et correspondants – des autorités administratives indépendantes. J'émets donc un avis favorable à titre personnel.
Je comprends bien le sens de l'intervention de M. Blessig. Je ne suis pas certain du caractère normatif de son amendement. On vient du reste de préciser que les délégués seront nommés sur l'ensemble du territoire. Je n'en comprends pas moins le souci de M. Blessig ; aussi le Gouvernement émet-il un avis favorable. Il serait bon cependant, d'ici à la prochaine lecture, de revoir la formulation de l'amendement et ce sera parfait.
Nous sommes nous aussi favorables à cet amendement qui nous semble important, compte tenu du fonctionnement de certaines autorités administratives indépendantes, comme le Médiateur. Je fais cependant observer à M. le ministre que la façon dont il accepte cet amendement, au demeurant fort peu normatif, tend à cacher les nombreuses raisons qui l'ont poussé à rejeter, depuis de longues heures de discussion, d'autres amendements dont nous pensions tous qu'ils allaient dans le sens d'un meilleur fonctionnement du Défenseur des droits.
Pas du tout !
M. Blessig bénéficie de la chance extraordinaire de siéger dans une partie de la majorité qu'il faut certainement contenter aujourd'hui.
Reste qu'en ce qui concerne le Défenseur des droits, le raisonnement de M. le ministre aurait dû être tenu depuis de nombreuses heures.
M. Le Roux m'est trop sympathique pour que je le laisse ignorer que le Gouvernement a émis un avis favorable à de nombreux amendements pas vraiment normatifs de M. Urvoas,…
…mais sans doute était-il pris par d'autres soucis à ce moment-là.
(L'amendement n° 293 est adopté.)
La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour soutenir l'amendement n° 226 .
Afin de répondre à la nécessaire visibilité des droits de l'enfant sur les territoires, des délégués territoriaux dédiés exclusivement à la défense et à la promotion des droits de l'enfant seraient désignés par le Défenseur des droits sur proposition du défenseur des enfants.
La commission a repoussé cet amendement. Le texte rend déjà hommage au travail des correspondants et des délégués. Restera seulement à préciser l'activité de ces derniers en ce qui concerne les enfants.
Je répète, madame Bourragué, qu'il y aura forcément plusieurs réseaux de délégués pour répondre à la diversité des situations. Compte tenu de cette précision, vous pouvez retirer votre amendement.
Je poursuis le propos de M. le ministre sur le caractère normatif de la loi organique. Dans la loi créant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la fonction de contrôleur prévue à l'article 4 n'est pas tout à fait assimilable à celle des délégués qui assistent le Médiateur ni aux correspondants de la HALDE puisque les contrôleurs du Contrôleur général disposent de compétences bien particulières et sont recrutés à ce titre.
Or, comme le présent texte ne fait nulle mention de cette notion de contrôleur, on peut considérer cet amendement comme un amendement d'appel afin que le Gouvernement nous précise son état d'esprit sur cette fonction, condition sine qua non de l'efficacité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, efficacité à laquelle nous sommes tous attachés, le garde des sceaux au premier chef.
Je suis personnellement favorable à l'amendement n° 64 , sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 196 qui précise que les fonctions de contrôleur sont incompatibles avec l'exercice d'activités en relation avec les lieux contrôlés et qui dispose que, dans l'exercice de leur mission, les contrôleurs sont placés sous la seule autorité du Défenseur des droits.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et sur l'amendement ?
Quand je vois un tel accord entre M. le rapporteur et M. Urvoas, je trouve que c'est vraiment parfait. Je ne veux pas troubler cette harmonie. Le Gouvernement soutient fermement cet accord.
Je suis saisi d'un amendement n° 164 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Défavorable.
(L'amendement n° 164 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 165 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Défendu.
(L'amendement n° 165 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 166 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Défendu.
(L'amendement n° 166 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 29 est adopté.)
Sur l'article 30, je ne suis saisi d'aucun amendement. Je vais donc le mettre aux voix.
(L'article 30 est adopté.)
Sur l'article 30 bis, je ne suis saisi d'aucun amendement. Je vais donc le mettre aux voix.
(L'article 30 bis est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 248 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination qui a été accepté par la commission.
Il y avait un amendement portant article additionnel après l'article 30, monsieur le président.
Un amendement n° 290 portant article additionnel après l'article 30 avait effectivement été présenté. Est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
Nous revenons donc à l'amendement n° 248 . J'imagine que vous êtes favorable à cet amendement de coordination, monsieur le ministre ?
Moi, je suis favorable aux avis du rapporteur.
Que tout le Gouvernement vous entende, monsieur le ministre.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Je n'ai évidemment rien d'essentiel à dire sur cet amendement-ci. Mais je voudrais publiquement, afin que cela figure au compte rendu – et chacun comprendra le poids des mots – regretter le retrait de l'amendement n° 290 portant article additionnel après l'article 30. Cet amendement avait été présenté par le rapporteur en commission des lois, et celle-ci l'avait voté à l'unanimité, ce qui n'a pas été le cas de beaucoup d'amendements du rapporteur. Cela nous promettait un débat intéressant et consensuel sur un sujet, la question prioritaire de constitutionnalité, qui était tout aussi intéressant et tout aussi consensuel et qui avait voté à l'unanimité de l'Assemblée nationale.
L'amendement déposé par Pierre Morel-A-L'Huissier contribuait à faciliter cette procédure, à la rendre encore plus efficace et pertinente. Je veux donc, au nom du groupe socialiste, regretter le retrait de cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 289 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur.
Cet amendement permet le remplacement, à l'Assemblée nationale et au Sénat, du parlementaire élu président de la CNIL par son suppléant.
(L'amendement n° 289 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 31, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 65 tendant à la suppression de l'article 33.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Le Défenseur des droits est conçu, dans le présent projet de loi, comme une autorité absorbant cinq autorités administratives indépendantes qui ont fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité en matière de protection des droits et libertés.
Un autre projet méritait d'être débattu, celui qui a été défendu par les parlementaires socialistes lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il consistait en la constitutionnalisation de l'actuel Médiateur de la République, qui serait alors devenu un grand Défenseur des droits. Dans la tradition des institutions romaines, on aurait même pu l'appeler un tribun du peuple. Il aurait pu jouer le rôle de garant de l'indépendance et des pouvoirs des autres autorités administratives et assurer leur coordination, comme le recommande la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, dont l'avis a été abondamment commenté depuis le début de l'examen de ce texte en séance publique.
Par conséquent, cet amendement a pour objet de pérenniser l'existence des quatre autorités administratives indépendantes que sont le Défenseur des enfants, la HALDE, la CNDS et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, et donc de supprimer cet article 33.
(L'amendement n° 65 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 291 rectifié .
La parole est à M. le garde des sceaux.
Il convient de procéder à une intégration simultanée du maximum d'autorités fusionnées. Toutefois, d'une part, et par exception, l'intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne doit intervenir qu'à l'issue du mandat de l'actuel titulaire, soit au mois de juin 2014. D'autre part, il serait illusoire, pour des raisons pratiques, de prévoir une entrée en vigueur immédiate, soit le lendemain de la publication de la fusion de l'ensemble des autres autorités.
Compte tenu de l'importance des attributions reprises par le Défenseur des droits, il convient de laisser un délai entre la publication de la loi organique et son entrée en vigueur, ce qui permettra d'organiser au mieux l'installation de la nouvelle autorité.
Toutefois, un délai de quatre mois n'est pas indispensable. Le Gouvernement propose donc de réduire ce délai à deux mois.
La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y suis très favorable.
C'est une précision de calendrier que je voudrais réclamer au ministre. Il conviendrait peut-être qu'il soit un peu plus précis sur le délai dans lequel il pense que ce texte pourrait être adopté. En effet, nous vivons actuellement une situation un peu particulière : le Médiateur de la République, qui est en poste jusqu'à début avril – son mandat a été prorogé –, se trouve être en même temps président du Conseil économique, social et environnemental. C'est là une situation…
Provisoire.
Oui, provisoire, mais justement, je voudrais savoir combien de temps ce provisoire va durer. Car les deux postes sont des postes à temps plein. Il est à prévoir que l'une de ces deux fonctions – vraisemblablement celle de Médiateur de la République – ne pourra pas être exercée dans des conditions satisfaisantes. Il ne faudrait pas que ce provisoire se prolonge trop. On sait hélas que le provisoire est souvent destiné à durer longtemps. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner une idée du moment auquel le présent texte pourrait être définitivement voté ?
La loi a prorogé le mandat de l'actuel Médiateur jusqu'au 31 mars. Le 31 mars, c'est fini.
J'étais tenté de dire : « le 1er avril ». Mais cela n'aurait pas été sérieux.
C'eût été de mauvais goût. Vous avez eu raison de ne pas le faire. (Sourires.)
Au 31 mars, on avisera. Soit la loi sera définitivement votée, soit elle ne le sera pas encore, auquel cas ou bien le poste pourra rester vacant, ou bien on nommera quelqu'un jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi.
Quant à la date exacte à laquelle la loi sera votée, je dois dire que cela dépend très largement du Parlement. Le Gouvernement fait tout ce qu'il peut pour que cette loi soit votée le plus vite possible. Mais je comprends parfaitement que les nécessités de la démocratie, en particulier de la démocratie parlementaire, à laquelle je suis comme vous très attaché, ne permettent pas au représentant du Gouvernement de fixer un terme à cette discussion. Je suis sûr que nous sommes d'accord sur ce point. J'ai donc plutôt envie de vous retourner la question, monsieur Dosière.
Ce n'est vrai que pour la moitié de l'ordre du jour.
Voilà, j'espère avoir satisfait votre curiosité.
(L'amendement n° 291 rectifié est adopté.)
Nous sommes dans une situation pour le moins spéciale. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lui, termine son mandat, mais les représentants de toutes les autres institutions, eux, voient leur mandat écourté, le ministre souhaitant une fusion la plus rapide possible. C'est un peu surprenant. Je comprends bien que, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ayant été nommé il n'y a pas si longtemps que cela, vous lui laissiez le temps d'exister un peu. Mais aussi bien la HALDE que le Défenseur des enfants et le Médiateur de la République ont tous démontré leur utilité. Et les citoyens sont très attachés à ces institutions, puisque les saisines ne font qu'augmenter, ainsi que la qualité des travaux.
C'est pourquoi nous proposons plutôt que l'ensemble de ces représentants terminent leur mandat et que le Défenseur des droits – dont la création a pour effet de supprimer les spécificités des autres institutions, ce qui appelle de notre part certaines réserves – n'entre en fonction qu'à la fin des mandats de la HALDE, du Médiateur de la République et du Défenseur des droits des enfants.
(L'amendement n° 167 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
C'est le dernier des amendements que j'ai cosignés avec M. Vanneste, à la suite des travaux de la MEC. Celui-ci n'a plus d'objet, compte tenu du rejet des amendements précédents. C'était un amendement de coordination.
Je voudrais simplement, puisque c'est la dernière fois que je peux intervenir sur ces amendements, souligner à quel point, sur un texte concernant les libertés publiques, je trouve regrettable que la majorité se soit bloquée sur des positions idéologiques et ait refusé ce que j'ai pu réaliser avec Christian Vanneste, c'est-à-dire le dépassement des clivages partisans. Nous avons proposé des dispositions qui, si la majorité les avait retenues, auraient certainement permis à l'ensemble des forces politiques représentées à l'Assemblée de se réunir sur un texte.
C'est non seulement regrettable, mais cela pose également le problème de l'utilité de la MEC, voulue par Jean-François Copé qui y voyait une initiative intéressante. Cela pose la question du devenir de cette nouvelle mission de contrôle du Parlement, puisque l'on s'aperçoit que, même lorsqu'il s'agit de créer des processus de contrôle au sein desquels opposition et majorité peuvent se retrouver, le fait majoritaire l'emporte.
Lorsque je vois que ce matin, un amendement de mon collègue Christian Vanneste a été adopté, je me demande si les autres amendements signés par lui n'ont pas été repoussés parce qu'ils étaient cosignés par un député de gauche, et que cela, la majorité ne peut l'accepter. C'est regrettable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 235 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement de coordination.
(L'amendement n° 292 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 168 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Il est défendu.
(L'amendement n° 168 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je retire cet amendement, devenu sans objet.
(L'amendement n° 236 est retiré.)
Cet amendement applique par parallélisme des formes le même régime que celui défini pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour chaque autorité administrative indépendante.
Il nous semble d'ailleurs que pour la mise en place de ce Défenseur des droits, le mécanisme prévu avec le Contrôleur général, s'il était appliqué à chacune des autorités administratives, permettrait de fusionner au fil du temps en acquérant la totalité des compétences, mais en se gardant d'aucune rupture dans le fonctionnement.
C'est un amendement de bon sens permettant la mise en place de façon progressive, régulière, à échéance connue, du Défenseur des droits.
Je pourrais être favorable au premier paragraphe de cet amendement, mais pas au second. Comme je pense que cela fait un tout dans l'esprit de M. Le Roux, je suis obligé d'émettre un avis défavorable alors que j'aurais souhaité accepter le premier paragraphe.
Je vous remercie de le reconnaître !
(L'amendement n° 67 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 169 .
La parole est à Mme Martine Billard.
De la même façon que nous sommes contre la disparition des autres autorités administratives, nous sommes contre la disparition du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
(L'amendement n° 169 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 252 .
La parole est à M. le rapporteur.
C'est un amendement de coordination.
(L'amendement n° 252 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 33, amendé, est adopté.)
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif au Défenseur des droits.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique, auront lieu le mardi 18 janvier, après les questions au Gouvernement.
Je rappelle que ce texte a fait l'objet d'une discussion générale commune avec le texte du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi relatif au Défenseur des droits.
Je suis saisi d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
(L'amendement n° 4 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 14 .
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés peut procéder à toutes vérifications utiles et à des visites réalisées dans les locaux servant à la mise en oeuvre de traitements de données à caractère personnel afin de contrôler le respect des obligations de la loi du 6 janvier 1978 par les responsables de traitement. Le secrétaire général de la Commission joue, en pratique, un rôle important dans la mise en oeuvre concrète de ce pouvoir, défini à l'article 44.
Cet amendement a pour objet de donner une base légale explicite à cette compétence du secrétaire général en le désignant parmi les personnes que la Commission peut charger de procéder ou de faire procéder aux vérifications mentionnées à l'article 44.
Ma remarque s'applique non seulement à cet amendement, mais également à la dizaine d'amendements du Gouvernement qui ne concernent pas le Défenseur des droits, titre du projet de loi que nous discutons, mais la Commission nationale informatique et libertés.
Je souhaite demander au Gouvernement s'il envisage de compléter le titre de cette loi ordinaire qui pourrait s'intituler : « loi concernant le Défenseur des droits et la CNIL », ou bien s'il prend le risque que le Conseil constitutionnel, s'il est saisi de cette loi ordinaire, car autant il doit se prononcer sur la loi organique, autant il ne peut se prononcer sur la loi ordinaire que s'il est saisi, considère qu'il s'agit là d'une véritable troupe de cavaliers. C'est une procédure qui, par son ampleur, est inhabituelle et qui n'est pas irréprochable.
Je remercie M. Dosière de son excellente question qui montre sa connaissance approfondie du droit parlementaire.
Je signale à l'Assemblée nationale que si le Gouvernement dépose ces amendements relatifs à la CNIL afin de parfaire son fonctionnement, ces amendements ne sont pas dénués de tout lien avec le texte en discussion, puisqu'il est expressément prévu que le Défenseur des droits participe aux délibérations de la CNIL. Et bien entendu, la CNIL participe à la protection des droits.
Je suis saisi d'un amendement n° 18 .
La parole est à M. le garde des sceaux.
Cet amendement tend à préciser expressément que seule la formation restreinte de la CNIL prononce les sanctions en cas de manquement par le responsable du traitement d'une obligation prévue par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
Cet amendement permet également d'écarter toute suspicion de préjugement en ce qu'il prévoit que les membres de la formation restreinte, titulaires du pouvoir de sanction, ne peuvent en aucun cas détenir des attributions qui relèvent soit du pouvoir de poursuite soit du pouvoir d'instruction.
Je suis saisi d'un amendement n° 15 deuxième rectification, qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements nos 25 , 26 rectifié , 27 rectifié et 28 .
La parole est à M. le garde des sceaux pour défendre l'amendement n° 15 deuxième rectification.
Cet amendement a pour objet de préciser le statut du président de la CNIL. Il s'agit de transformer cette fonction en emploi public. Compte tenu de la charge qu'elle représente, la personne qui en est titulaire ne peut que s'y consacrer pleinement. Ceci suppose l'incompatibilité de cette fonction avec tout mandat électif national, toute activité professionnelle, et toute détention d'intérêts dans une entreprise du secteur des communications électroniques ou de l'informatique.
La parole est à M. Sébastien Huyghe pour défendre les sous-amendements nos 25 , 26 rectifié , 27 rectifié et 28 .
En tant que représentant de notre assemblée avec notre collègue Philippe Gosselin à la CNIL, j'ai été assez surpris de découvrir ces amendements créant cette incompatibilité. Nul n'ignore que le président actuel de la CNIL, Alex Türk, est sénateur, donc parlementaire. Lorsque cet amendement sera adopté, il devra opérer un choix entre rester président de la CNIL ou sénateur.
Je profite de la discussion de cet amendement pour saluer le travail qui a été réalisé par le président Türk au sein de la CNIL, le développement de cette institution au niveau national n'est plus à démontrer. Dans les années récentes, la CNIL a vu croître son aura, elle est de plus en plus écoutée, consultée, et ses avis font référence.
La CNIL s'est également développée au niveau international, puisque le président Türk a présidé le groupe de l'article 29, mieux connu sous le nom de G 29, qui regroupe l'ensemble des CNIL européennes. Il me semble que le fait qu'il soit parlementaire n'est pas étranger au poids qu'il a donné à cette institution.
Je comprends cependant que le rôle grandissant de la CNIL nécessite que le président y soit consacré à plein-temps. Le président Türk reconnaît qu'il a été moins présent au Sénat pendant ses années de présidence, mais l'assemblée dont il est issu a également bénéficié du fait que l'un de ses membres présidait aux destinées de la CNIL.
Je prends donc acte de cette volonté de créer un statut particulier pour le président de la CNIL en créant ces incompatibilités, mais je pense qu'il est nécessaire que cette incompatibilité n'interdise pas aux parlementaires membres de la CNIL de concourir pour devenir président de la CNIL. Une fois élu président de la CNIL, ils pourront quitter leur mandat et être remplacés par leurs suppléants au sein de leur assemblée d'origine.
Les différents sous-amendements que je vous propose ont donc pour objectif de permettre aux parlementaires, comme à tous les autres membres de la CNIL, d'accéder à cette présidence, puisque cette autorité administrative indépendante a la particularité d'élire en son sein son président, et non de le voir nommé par une autorité extérieure.
Le sous-amendement n° 25 prévoit que le président de la CNIL ait un mandat de cinq ans.
Le sous-amendement n° 26 rectifié prévoit une harmonisation de la durée des mandats des différents membres de la CNIL de cinq ans également, renouvelable une fois. Le fait que ce ne soit renouvelable qu'une fois n'est pas une nouveauté puisque c'est le cas depuis la réforme de 2004.
Le sous-amendement n° 27 rectifié prévoit, afin de permettre aux parlementaires et aux membres de notre assemblée de concourir à la présidence de la CNIL, que la première application du nouveau statut du président de la CNIL se fasse après les élections législatives de 2012, donc à compter du 1er septembre 2012.
Le sous-amendement n° 28 prévoit que cette première élection sous ce nouveau statut puisse avoir lieu dans la première quinzaine de septembre 2012.
L'ensemble de ces sous-amendements permet donc de ne pas avoir de membres de la CNIL de première zone, qui pourraient se présenter à la présidence, et des membres de seconde zone qui ne pourraient pas le faire.
Les sous-amendements nos 25 , 26 rectifié , 27 rectifié et 28 n'ont pas été examinés par la commission. Cependant, j'y suis personnellement favorable.
Monsieur Huyghe, l'amendement du Gouvernement prévoit que la mesure ne prendra effet qu'à l'issue du mandat de l'actuel titulaire.
Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 25 qui fixe la durée du mandat du président à cinq ans.
S'agissant du sous-amendement n° 26 rectifié qui prévoit une harmonisation de la durée du mandat des membres de la CNIL à cinq ans, il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Le sous-amendement n° 27 rectifié reporte au 1er septembre 2012 l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives au statut du président de la CNIL. Un changement de président se produira en 2011. Il semble donc préférable de prévoir l'entrée en vigueur de ces dispositions à l'issue du mandat du titulaire actuel, plutôt que de nommer un nouveau président et de mettre en oeuvre la mesure un an plus tard. Je pense qu'il serait bon par conséquent de retirer ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 28 reporte l'élection du président de la CNIL au mois de septembre 2012. Il serait également bon de le retirer, car la fin du mandat de l'actuel président se situera à la fin de 2011.
Nous sommes étonnés de l'introduction dans le texte que nous examinons de dispositions concernant la CNIL – M. Caresche s'exprimera sur ce sujet dans quelques minutes. Cela montre un manque de préparation. Les sous-amendements ont été déposés sans qu'il y ait eu de véritable concertation, de préparation.
Je voudrais par ailleurs m'associer à l'hommage rendu par M. Huyghe au fonctionnement de la CNIL. Rien n'obligeait à ce qu'un parlementaire préside la CNIL, mais rien non plus ne l'empêchait.
Chaque fois que nous avons reçu le président de la CNIL, M. Türk, auquel je rends hommage pour le formidable travail qu'il accomplit –, je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des lois – les séances furent d'un grand intérêt, compte tenu de ses facultés de projection dans l'avenir, de sa capacité à imaginer les façons dont il conviendra de répondre, non pas seulement dans l'année mais dans un délai de dix ans ou plus, aux enjeux technologiques et de développement de la société. Les compétences sont partout. Mais le fait que M. Türk soit un parlementaire ajoutait beaucoup à sa vision et aux perspectives de l'évolution du secteur.
L'indépendance est un état d'esprit. Rien ne permet d'en donner a priori une définition. Rien ne permet de savoir quelle sera la personnalité de ceux qui seront nommés aux différentes fonctions prévues.
Nous ne faisons aucun procès d'intention. Nous sommes défavorables au mode de désignation prévu dans ce texte sur le Défenseur des droits.
Je le répète, l'indépendance est un état d'esprit. Nous sommes tous fiers du travail accompli par un parlementaire de la majorité, sénateur du Nord. L'impréparation de ces amendements nous désole, compte tenu de l'importance de la CNIL. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il existe un double problème de méthode en ce qui concerne le dépôt des amendements qui nous sont soumis.
D'abord, l'intitulé du projet porte sur le Défenseur des droits. J'ai écouté l'argumentation très subtile de M. le ministre. Nous verrons si le Conseil constitutionnel la retient. J'en doute. Je crois que ces dispositions sont des cavaliers législatifs qui devraient être examinés dans le cadre d'un autre texte.
Ensuite, ces dispositions ont été introduites par le biais de l'article 88. Ces sous-amendements ont été discutés très succinctement par la commission des lois,…
…comme vient de le faire remarquer M. Dosière, qui participait à la commission. Ce n'est ni raisonnable ni sérieux.
Nous ne sommes pas hostiles à l'introduction d'un certain nombre de réformes concernant les autorités indépendantes administratives. M. Dosière et M. Vanneste ont rédigé un excellent rapport qui pourrait servir de base à des propositions, afin d' aboutir à ce résultat.
Nous récusons la méthode du Gouvernement, qui consiste, autorité par autorité – dans ce texte, il s'agit de la CNIL, et dans quelques heures nous étudierons un texte sur l'ARCEP –, à déposer des amendements visant à modifier cette autorité.
Nous considérons que la méthode consistant à prendre les autorités les unes après les autres, au cas par cas, n'est pas bonne. S'il s'agissait d'accomplir un travail d'harmonisation, suivant des principes préalablement discutés s'appliquant à l'ensemble des autorités, comme l'ont proposé MM. Dosière et Vanneste, nous serions disponibles pour entreprendre des modifications, car certains points ne sont pas satisfaisants. Mais nous récusons, je le répète, la méthode du coup par coup ou du cas par cas.
Je souhaite aussi vous faire part de mon étonnement quant à la procédure utilisée.
Nous savons comment se déroulent les réunions de commission au titre de l'article 88 : les amendements sont adoptés ou refusés sans que nous ayons le temps d'en discuter. En l'occurrence, ces amendements ne sont pas mineurs, puisqu'ils concernent la CNIL. Cette autorité a un rôle très important dans la défense des libertés publiques. Nous constatons que onze amendements et deux sous-amendements passeront à la fin d'un texte portant sur le Défenseur des droits et non pas sur la CNIL. Ils modifieront la possibilité pour un parlementaire d'être président, comme c'est le cas actuellement.
Certes, nous pouvons en discuter. Mais nous sommes inquiets, car, à chaque fois qu'un minimum d'indépendance est exercé par les présidents des autorités, le Gouvernement trouve une solution afin que ce président se trouve placé de plus en plus sous la botte du Gouvernement, et surtout du Président de la République. Le président de la CNIL bénéficie aujourd'hui d'un minimum d'autonomie et d'indépendance de par son mandat de parlementaire, et ce sera moins vrai demain.
Les amendements proposés par le Gouvernement traitent de problèmes réels, qu'il convient de résoudre, mais les traiter ainsi à la va-vite est surprenant, compte tenu du caractère de cette autorité, si liée aux libertés publiques.
Je voulais donc m'élever, au nom du groupe GDR, contre cette façon de travailler. Hier, Nicolas Sarkozy – c'est en tout cas ce qu'on lit dans les médias – a, lors de la cérémonie des voeux aux parlementaires, salué le travail du Parlement et indiqué qu'il voulait un Parlement fort. Malheureusement, les voeux n'ont duré que le temps de cette réunion. Dès le lendemain, nous voyons le contre-exemple et la poursuite de la pratique utilisée depuis 2007. Lorsque l'on voit comment est traité une fois de plus le Parlement, cela nous confirme dans le choix fait par notre groupe – élus du parti communiste et du parti de gauche – de boycotter les voeux.
Je voudrais répondre aux propos tenus par MM. Le Roux, Caresche et Mme Billard.
Le rapporteur est parfaitement conscient du travail accompli par la CNIL et de ce qui a été réalisé par son président. Il n'existe aucune ambiguïté sur ce point.
En ce qui concerne le lien que vous avez dénoncé avec le texte sur le Défenseur des droits, j'ai auditionné le président de la CNIL et nous avons analysé toutes les AAI qui pouvaient être concernées, de près ou de loin, par la défense des droits et des libertés. Il me semble donc qu'il y a vraiment un lien entre le texte et la CNIL.
J'ai présenté l'ensemble des sous-amendements – ce qui a compliqué un peu les choses – ayant pour objet de permettre à un parlementaire de devenir président de la CNIL, même si, une fois élu, il doit renoncer à son mandat de parlementaire.
Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous étiez favorable ou que vous en remettiez à la sagesse de l'Assemblée sur l'ensemble des sous-amendements sauf pour deux d'entre eux qui repoussent la mise en application du nouveau statut au mois de septembre 2012, soit après les élections législatives prochaines.
Je souhaite cependant maintenir ces deux sous-amendements de report, car, si nous nous en tenons au calendrier actuel et si le président sortant ne souhaite pas être reconduit dans ses fonctions, cela empêchera l'ensemble des parlementaires de concourir, puisque le mandat des députés viendra à échéance moins d'un an après.
Il est indispensable que la nouvelle élection d'un président pour cinq ans ait lieu après les élections législatives de 2012, afin de permettre aux députés, notamment à ceux qui représentent notre assemblée au sein de la CNIL, de concourir au même titre que les autres. Sinon, nous risquerions d'avoir un membre de notre assemblée élu en septembre 2011 alors que le mandat de député s'achèvera en 2012. De ce fait, il ne représenterait notre assemblée à la CNIL que jusqu'en juin 2012.
Nous avons tous reconnu, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, qu'il était positif qu'un parlementaire soit président de la CNIL, comme le montre le rôle d'Alex Türk. Il faut donc que cela puisse se poursuivre à l'avenir. La stature d'un parlementaire au moment de la nomination au poste de président, même s'il doit abandonner son mandat par la suite peut être positive pour la CNIL. Le report de la mise en oeuvre de cette disposition en 2012 est indispensable.
Compte tenu des explications de M. Huyghe, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
M. le rapporteur nous a indiqué avoir auditionné le président de la CNIL. Quels points avez-vous évoqués ? La seule question des relations entre le Défenseur des droits et la CNIL ou une réforme de son fonctionnement et de la nomination de son président ?
Avez-vous dit à M. Türk que le Gouvernement avait l'intention, à l'occasion de l'examen de ce texte, de réformer les modalités de nomination à la CNIL et les incompatibilités qui s'y rattachent ?
J'ai abordé avec M. Türk le champ d'intervention du Défenseur des droits. Il m'a dit éprouver quelques difficultés de fonctionnement face à une directive communautaire.
(Le sous-amendement n° 25 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 26 rectifié est adopté.)
(Le sous-amendement n° 27 rectifié est adopté.)
(Le sous-amendement n° 28 est adopté.)
(L'amendement 15 deuxième rectification, sous-amendé, est adopté.)
Cet amendement a pour objet de fixer la composition de la formation restreinte de la commission qui, avec l'amendement que nous avons voté tout à l'heure, est chargée des sanctions.
Il s'agit de se mettre en conformité avec un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Par un arrêt Dubus SA cFrance du 11 juin 2009, la Cour européenne a jugé que la procédure de sanction suivie par la commission bancaire méconnaissait les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison du défaut « d'impartialité objective » de la commission.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir le sous-amendement n° 29 .
Ce sous-amendement s'inscrit dans le même esprit que les précédents. Le président de la formation restreinte, qui est la formation de jugement de la CNIL, ne peut être le président de la CNIL.
L'amendement initial prévoit que le président ne peut être qu'un magistrat ou un ancien magistrat. L'expérience montre qu'il n'y a pas de raison de réserver la présidence de la formation restreinte uniquement à certains membres de la CNIL et pas à d'autres. Le sous-amendement a donc pour objet de permettre à l'ensemble des commissaires de la CNIL de pouvoir prétendre devenir président de la formation restreinte, personnalité qualifiée ou parlementaire.
Je suis saisi d'un amendement n° 17 du Gouvernement.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Amendement de cohérence.
(L'amendement n° 17 , accepté par la commission, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 21 .
La parole est à M. le garde des sceaux.
Le 6 novembre 2009, le Conseil d'État a jugé que les responsables des locaux dans lesquels se déroule un contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés doivent être « informés de leur droit à s'opposer à ces visites » afin de garantir le droit au respect de la vie privée.
Ces décisions fragilisent les moyens d'action de la CNIL. En effet, en cas d'opposition au contrôle, le président de la CNIL ne peut saisir le juge qu'après un premier refus du responsable des locaux. Cette condition est de nature à restreindre considérablement la portée et l'efficacité de ces contrôles puisque l'organisme contrôlé pourra bénéficier du temps nécessaire à la CNIL pour obtenir une ordonnance judiciaire et effacer ou dissimuler des données informatiques dont le traitement serait contraire à la loi.
Compte tenu de ce qui précède, de la facilité et de la rapidité des opérations de destruction et de dissimulation des fichiers et des preuves informatiques, il est nécessaire de modifier la loi afin d'offrir la possibilité au président de la CNIL, si les circonstances l'imposent, de saisir directement et préalablement le juge judiciaire afin qu'il autorise le contrôle dont il est saisi, même en l'absence d'opposition de l'organisme concerné.
Tel est l'objet du présent amendement qui réserve cette faculté aux contrôles les plus sensibles, par exemple ceux réalisés dans le cadre de l'instruction d'une plainte reçue par la CNIL ou lorsque la Commission identifie un risque important de destruction ou de dissimulation de documents.
L'amendement n° 15 deuxième rectification a échappé à ma vigilance. Je suppose qu'il a été présenté ainsi que les sous-amendements dont il faisait l'objet.
Je vous précise, monsieur Dosière, qu'ils ont non seulement été présentés, mais longuement débattus et qu'ils ont tous été adoptés.
Cela m'a échappé, monsieur le président.
L'amendement n° 15 deuxième rectification visait à rendre la fonction de président de la CNIL incompatible avec tout mandat électif national, mais n'évoquait pas les mandats locaux. Or pour le Défenseur des droits, il a été précisé que cette fonction était incompatible avec tous mandats, national et local.
Je déplore que nous fassions dans l'hémicycle un véritable travail de commission. Chacun doit savoir qu'il n'y a eu aucun travail en commission sur ce sujet. Lors de la réunion au titre de l'article 88 du règlement, nous avons eu une demi-seconde par amendement ! Nous n'avions même pas le temps de tourner les pages. C'est ainsi que se déroulent ces réunions de commissions. Il aurait été pour le moins souhaitable que le Gouvernement présente ces cavaliers lors du premier examen du texte en commission, ce qui aurait permis d'avoir une discussion.
Cette manière de procéder nous oblige à faire en séance publique une mauvaise séance de commission ! Ce n'est pas ainsi que l'on peut travailler de façon utile. Dans ces conditions, il est vraisemblable que cela nous incite à vouloir que le Conseil constitutionnel y regarde de plus près.
(L'amendement n° 21 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 19 rectifié du Gouvernement.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Cet amendement a pour objet de préciser, d'une part, que le pouvoir de sanction est détenu par la formation restreinte, et d'autre part, que la mise en demeure est adressée par le président de la CNIL et non plus par la formation restreinte ou le bureau.
Il vise en outre à renforcer l'effet des sanctions prononcées par la formation restreinte et, par conséquent, leur caractère dissuasif, en généralisant la possibilité de rendre publiques ces sanctions, y compris en l'absence de mauvaise foi du responsable de traitement.
N'ayant pas le texte de loi sous les yeux, je suis obligée, monsieur le ministre, de vous poser quelques questions. D'autant que l'exposé, plus que sommaire, de l'amendement ne nous permet pas de comprendre de quoi il s'agit.
L'amendement prévoit que la formation restreinte peut « Décider l'interruption de la mise en oeuvre du traitement, pour une durée maximale de trois mois si le traitement n'est pas au nombre de ceux qui sont mentionnés aux I et II de l'article 26, ou de deux mentionnés à l'article 27 mis en oeuvre par l'État ; ».
Faut-il comprendre que cette interruption ne peut concerner des fichiers en provenance des pouvoirs publics ? J'aimerais avoir des précisions complémentaires sur la restriction introduite dans cet alinéa pour comprendre s'il y a deux poids deux mesures selon l'origine du fichier.
Je voudrais bien comprendre la question.
M. le ministre souhaite avoir des précisions pour mieux cerner la réponse qu'il doit vous apporter, madame Billard.
N'ayant pas le texte de loi sous les yeux, j'ignore ce que recouvrent les I et II de l'article 26. Quel est le champ de la restriction ?
Il s'agit du régime spécifique des fichiers de police.
L'amendement du Gouvernement pose un problème. En formation restreinte, nous avons aujourd'hui la possibilité de donner un avertissement à une entreprise, un organisme, une collectivité suite à l'existence de fichiers illégaux. Il n'est pas nécessaire de faire de mises en demeure pour pouvoir procéder à cet avertissement, qui peut même être rendu public.
Or, monsieur le ministre, si le responsable d'un traitement se met en conformité avec la mise en demeure – désormais, même pour un avertissement, il faudra une mise en demeure –, l'organisme qui a créé un fichier illégal ne pourra plus encourir de sanction. La CNIL ne pourra plus prononcer de sanction pour des exactions antérieures à la mise en demeure à partir du moment où la personne mise en cause s'est mise en conformité avec la mise en demeure.
C'est un peu comme si l'on disait à un automobiliste, qui vient de franchir un feu rouge, qu'il est mis en demeure de ne plus jamais franchir de feu rouge ! Si cet automobiliste s'engage à ne plus franchir de feu rouge, il ne sera soumis à aucune sanction, alors qu'il a antérieurement commis une cinquantaine infractions de ce type !
C'est pourquoi il faudrait modifier le texte afin de faire en sorte que la CNIL puisse prononcer des sanctions à l'encontre de fichiers illégaux, de manquements à la loi antérieurs à la mise en demeure.
Je partage tout à fait les propos de notre collègue Huyghe.
Après consultation du texte de loi, je note, monsieur le ministre, que la restriction va bien plus loin que les fichiers de police. Seront également concernés les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'État d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public. Même si la CNIL considère que les dispositions portent atteinte aux libertés publiques et qu'elle souhaiterait l'interruption de la mise en oeuvre du traitement pour essayer d'obtenir une modification du fichier, cela ne sera pas possible pour les personnes morales de droit privé gérant par délégation.
Je m'élève donc vigoureusement contre cette restriction. Dès lors qu'il y a atteinte aux libertés publiques, peu importe que ce soit par des fichiers relevant des personnes morales de droit privé, sans délégation de la part des pouvoirs publics, ou par des personnes morales de droit privé qui agissent par délégation du pouvoir public. Une telle restriction n'a pas lieu d'être.
Ce débat est la preuve que nous n'avons pas pu débattre auparavant.
Monsieur le ministre, je vous demande, au nom du groupe socialiste, de retirer votre amendement. sur la CNIL. Prenons le temps de travailler et d'approfondir le sujet. Notre collègue Sébastien Huyghe, qui siège à la CNIL, vient d'appeler notre attention sur la nécessité de réécrire cet amendement. Il n'y a pas urgence. Prenons le temps d'y réfléchir.
Au contraire, cher collègue, il y a urgence. Les décisions de la formation restreinte de la CNIL encourent, pour certaines d'entre elles, la nullité. Il est donc nécessaire d'agir assez rapidement.
Il faudrait simplement rectifier le texte afin de résoudre le problème que j'ai exposé tout à l'heure. Mais, en tout état de cause, il est vraiment nécessaire de modifier la loi, car les sanctions prononcées par la CNIL doivent être sécurisées afin de ne plus être annulées par les juridictions.
De toute façon, nous irons devant le Sénat, mesdames et messieurs les députés, puisque la procédure suit son cours.
À mon sens, monsieur Dosière, les choses sont correctes.
Tout ce qui concerne la procédure d'urgence dont a parlé Mme Billard, et qui fait l'objet du paragraphe II de l'amendement, correspond au droit existant.
Il n'y a aucune modification sur ce point : nous avons repris la totalité du texte, sans changement. Pour ce qui est de ce paragraphe II, on ne peut donc pas dire que nous forcions en quoi que ce soit l'Assemblée nationale à aller vite.
Quant au reste, il est vrai que nous procédons à des changements : ceux que M. Huyghe a signalés à propos de l'amendement suivant. Le choix est simple, et je reconnais volontiers qu'il mérite un débat : soit on sanctionne le passé comme l'avenir, soit on accorde un droit de rémission à ceux qui se mettent en conformité avec la loi. Il y a un véritable choix à faire, dont on peut tout à fait discuter.
En revanche, s'agissant du présent amendement et de la question posée par Mme Billard, il n'y a guère lieu de discuter, puisque, je le répète, il s'agit du droit actuel, de la règle existante ; il n'y a aucun changement. Le changement ne vient qu'ensuite.
Le Gouvernement a fait usage de son droit d'amendement, qui lui permet de déposer à tout instant des amendements ; je reconnais volontiers qu'il l'a peut-être fait un peu tard, et que la commission n'a probablement pas eu assez de temps pour examiner les amendements en question.
Mais il m'a semblé qu'il était plus normal et plus respectueux de l'Assemblée de les déposer dès maintenant devant elle, même si je sais bien qu'il faudra y travailler à nouveau et qu'il y aura d'autres lectures, notamment au Sénat. En revanche, si nous avions directement saisi le Sénat sans en parler à l'Assemblée nationale, les députés auraient pu se plaindre à juste titre du procédé.
Je ne dis pas que nous allons en terminer aujourd'hui. Mais je crois qu'il était bon, sain, normal et respectueux de l'Assemblée nationale de lui faire connaître les intentions du Gouvernement ; or, pour le faire, il n'y avait pas d'autre solution que de déposer des amendements.
Nous avons débattu ; maintenant, retirez l'amendement !
(L'amendement n° 19 rectifié est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 12 du Gouvernement.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Cet amendement devrait poser moins de problèmes que le précédent.
Il vise à préciser le statut des délégués du Défenseur des droits, sur le modèle des dispositions de l'article 6-1 de la loi de 1973 pour les délégués du Médiateur de la République.
Nous n'en sommes jamais sortis, monsieur Dosière !
Avis favorable.
Je remercie M. le ministre d'avoir présenté cet amendement, car l'article 40 m'empêchait de le faire.
Vous apaisez ainsi une inquiétude, monsieur le ministre, et vous répondez à tous ceux qui jouent le rôle de véritables sentinelles du droit et de la liberté sur notre territoire, dont vous reconnaissez le travail et dont vous appréciez justement l'activité – bénévole, ne l'oublions pas.
Enfin, vous donnez un fondement légal à cette activité, ce que souhaitaient vivement tous nos correspondants.
(L'amendement n° 12 est adopté.)
Cet amendement est d'une importance capitale, du point de vue du fonctionnement de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, et, surtout, de l'évolution du secteur de la sécurité.
De plus en plus de sociétés privées se créent pour accomplir des missions qui relèvent de la sécurité publique, et qui doivent donc faire l'objet de marchés publics.
Or la loi de 2000, que nous avons votée à l'unanimité, sanctionnait d'une peine d'exclusion des marchés publics ceux qui s'opposaient à la CNDS, notamment en refusant de lui transmettre des informations ou en faisant obstacle à ses visites sur les lieux où ils exerçaient leur activité.
Étant donné l'ampleur prise aujourd'hui par ce secteur, il faut, à droit constant, comme vous l'avez dit, conserver cette peine dans la nouvelle loi.
Avis favorable. À titre personnel, je suis même très favorable à cet amendement.
Puisque nous faisons ce geste, je vous invite à voter l'ensemble du texte, monsieur Le Roux. (Sourires.)
Avis très favorable – bien que M. Vanneste n'ait pas cosigné cet amendement, monsieur Dosière ! (Rires.)
Il y a beaucoup d'exceptions, et pas de règle !
(L'amendement n° 1 est adopté.)
(L'article 7, amendé, est adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 9 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 22 deuxième rectification du Gouvernement.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
(L'amendement n° 22 deuxième rectification, accepté par la commission, est adopté.)
(L'article 15, amendé, est adopté.)
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi ordinaire, adopté par le Sénat, relatif au Défenseur des droits.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi ordinaire auront lieu le mardi 18 janvier, après les questions au Gouvernement.
Article 15
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle (nos 2923, 3041).
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Monsieur le président, madame la rapporteure et présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, monsieur le président de la commission des lois, mesdames les députées et monsieur le député – il en fallait au moins un ! (Sourires) –, vous allez examiner aujourd'hui une proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle.
Je me félicite que, dans les deux chambres, les débats aient témoigné d'une évolution importante des mentalités en ne remettant plus en cause la compétence des femmes. Je rappelle qu'il ne s'agit en rien d'imposer un quota de 40 % de femmes, mais de veiller à un meilleur équilibre des occasions données aux femmes et aux hommes. Certains le savent ici, l'égalité entre les femmes et les hommes est l'un des combats qui ont fondé mon engagement politique et qui continuent de m'animer. Car, la réalité nous le montre : il reste encore beaucoup à faire.
Pourtant, nous ne partons pas de rien. Si vous me le permettez, je voudrais retracer les grandes étapes de l'histoire de la lutte pour la promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cette histoire s'est construite par étapes successives pour ouvrir aujourd'hui une nouvelle ère avec, désormais, des actions contraignantes.
En un quart de siècle, cinq lois ont fixé successivement le cadre de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La loi du 13 juillet 1983, dite « loi Roudy », opère le passage d'une logique de protection des femmes sur le marché du travail à une logique d'égalité reposant sur deux axes : l'égalité des droits et l'égalité des chances. En ce qui concerne l'égalité des droits, la loi étend notamment le principe « à travail égal, salaire égal à des emplois de même valeur »
S'agissant de l'égalité des chances en faveur des femmes, qui permet de remédier aux inégalités de fait dont elles font l'objet, la loi met en place des accords et des plans d'égalité avec l'implication des organisations syndicales. Rappelons au passage que l'accord national interprofessionnel sur l'égalité professionnelle, signé le 13 novembre 1989, engageait les branches professionnelles à établir un constat de situation à partir duquel pouvaient être définis des objectifs précis.
La deuxième étape est la loi du 9 mai 2001, dite « loi Génisson », du nom de votre collègue. Elle vise à développer le dialogue social sur l'égalité professionnelle dans la branche et l'entreprise. Elle crée une obligation de négocier sur l'égalité professionnelle au niveau de l'entreprise et des branches, tout en faisant de ce thème un élément transversal des négociations obligatoires.
Elle instaure par décret des indicateurs reposant sur des éléments chiffrés définis au sein du rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes.
Elle fixe aux organisations syndicales un objectif de réduction d'un tiers des écarts de représentation aux élections prud'homales et un objectif de représentation équilibrée pour les élections de comités d'entreprise et de délégués du personnel.
Troisième étape, la loi du 16 novembre 2001, quant à elle, améliore les protections des salariés vis-à-vis des discriminations en instaurant notamment un aménagement de la charge de la preuve qui oblige l'employeur à se justifier lorsque le salarié présente des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination.
La loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, dite « loi Ameline » – du nom d'une autre de vos collègues –, renforce l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle par une obligation de négocier des mesures de suppression des écarts de rémunération avant le 31 décembre 2010.
Cette loi de 2006 fait suite à l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, accord signé par les cinq organisations syndicales représentatives de droit – CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CGC –, ainsi que par le MEDEF, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises et l'Union professionnelle artisanale. Belle unanimité !
Cet accord national interprofessionnel prend acte de la volonté des partenaires sociaux de négocier sur l'égalité professionnelle en adoptant une démarche globale et systémique intégrant tous les aspects de l'égalité professionnelle, qu'il s'agisse des salaires, du recrutement, de la formation, de la promotion, mais aussi de l'orientation scolaire et de l'articulation des temps de vie professionnelle et familiale.
Cette loi du 23 mars 2006 impose donc une vision large des inégalités salariales. Les écarts de rémunération visés sont les écarts de rémunération au sens large, quelle que soit leur cause, et pas uniquement les écarts de rémunération non justifiés.
La loi tend à conduire les partenaires sociaux à négocier avant la fin de l'année 2010 sur tout le champ de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, avec un fil directeur opérationnel : la réduction des écarts de rémunération.
Elle vise la politique salariale de l'entreprise, mais aussi le recrutement, la formation, les promotions, la mobilité, l'articulation des temps de vie professionnelle et familiale sous l'angle de l'amélioration des rémunérations des femmes.
Enfin, la loi du 23 mars 2006 fixait un délai d'application : elle imposait aux branches professionnelles et aux entreprises de négocier afin de définir et programmer des mesures de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici à 2010 en envisageant une contribution assise sur les salaires à l'issue du bilan des dispositions à mi-parcours.
Dans le cadre de cette loi, chère Marie-Jo Zimmermann – et je veux vous rendre ici un hommage appuyé –, vous aviez proposé des amendements contraignants pour faire bouger les lignes concrètement. Malheureusement, ces dispositions furent rejetées par le Conseil constitutionnel. C'était avant la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui permet désormais de prendre des mesures contraignantes allant dans ce sens. J'y reviendrai plus tard.
L'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes a tout de même permis une augmentation du nombre d'accords collectifs signés, tant dans les entreprises qu'au sein des branches professionnelles. Alors que, en 2005, on recensait 295 accords d'entreprise traitant de l'égalité entre les femmes et les hommes, on en recense 1 290 en 2009. De la même manière, alors que l'on recensait 41 accords de branche traitant de cette question en 2005, on en recense 107 en 2009.
Toutefois, le bilan tant quantitatif que qualitatif des négociations mérite d'être encore amélioré et les inégalités professionnelles demeurent importantes.
Ne nous y trompons pas : l'égalité professionnelle est encore loin d'être réalisée. Je n'en donnerai qu'un seul exemple : 55 % des entreprises n'effectuent pas le rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes. La loi du 23 mars 2006 a donné aux entreprises un délai de cinq ans, soit jusqu'au 31 décembre 2010, pour négocier des mesures de résorption des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Cette date butoir est supprimée par la loi de réforme des retraites. Le défaut de négociation sera sanctionné par une mesure plus dissuasive, à savoir la pénalité financière.
C'est pourquoi des mesures importantes ont été prises à l'occasion de la loi portant réforme des retraites : un pas supplémentaire a été franchi.
La loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 est la cinquième loi que j'évoquais. Elle renforce, pour les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'obligation d'établir un rapport de situation comparée qui inclut dans son article 99 un plan de résorption des inégalités professionnelles. Cette loi franchit ainsi une nouvelle étape dans la lutte contre les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, écarts qui stagnent à des niveaux trop importants.
En effet, tous temps de travail confondus, les salaires des femmes sont inférieurs de 27 % à ceux des hommes, ce qui est considérable, comme je le rappelais en réponse à l'une de vos questions, chère Marie-Jo Zimmermann.
Ce seul chiffre montre combien la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est importante : si elle n'est pas encore publiée, la loi sur les quotas fait déjà nombre d'envieux chez nos voisins européens. Elle conduit les entreprises d'au moins cinquante salariés à conclure un accord d'égalité professionnelle ou, à défaut, un plan d'action en faveur de l'égalité professionnelle. En outre, l'entreprise doit assurer la publicité du plan d'action adopté.
Une sanction financière s'appliquera aux entreprises d'au moins cinquante salariés, qui n'auraient pas conclu d'accord d'égalité professionnelle ou qui, à défaut d'accord, n'auraient pas défini d'objectifs et de mesures constituant le plan d'action défini dans le rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes.
Le montant de la sanction qui sera fixé par l'inspection du travail pourra aller jusqu'à 1 % de la masse salariale des rémunérations et gains bruts. C'est considérable. Ce montant sera modulé par l'autorité administrative, c'est-à-dire l'inspection du travail, en fonction des efforts constatés dans l'entreprise en matière d'égalité professionnelle et des motifs des défaillances observées dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.
Je serai particulièrement attentive à ce que les décrets d'application définissent clairement les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l'accord comme du plan d'action, ainsi que la graduation des pénalités fixée par l'autorité administrative. Ces décrets seront publiés avant la fin du mois d'avril 2011, je m'y engage, madame la rapporteure.
Plus largement, l'ensemble de ces dispositions devra entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
Nous progressons et nous progresserons encore dans le domaine de l'égalité professionnelle. Cela suppose de faire bouger les lignes, et c'est précisément ce que vous avez fait avec cette proposition de loi. Il fallait avoir le courage de s'attaquer aux bastions les plus inaccessibles aux femmes : les lieux de pouvoir.
Pour l'anecdote, sachez que la célèbre rubrique du Bulletin Quotidien, présentant les nominations des personnes promues à de hautes responsabilités, vient d'opérer une mue inespérée : vous aurez peut-être remarqué que, depuis peu, la rubrique « Les hommes et les pouvoirs » est devenue « Les femmes, les hommes et les pouvoirs » (« Très bien ! » et sourires sur divers bancs), suite à un courrier que j'avais envoyé. En tant que militante féministe engagée, il me paraissait en effet important de souligner combien la sémantique peut rendre visible les femmes dans les lieux de pouvoir.
Peut-être pourriez-vous obtenir la féminisation des titres à l'Assemblée nationale ?
Vous ne m'avez jamais prise en défaut, madame la députée.
Certes non. Mais vous pourriez envisager d'en faire une de vos batailles.
Les mots ont un sens, au masculin comme au féminin. L'exclusion du féminin est bien le symbole fort de l'exclusion des femmes des lieux de pouvoir, hélas !
La portée de cette loi n'est pas anecdotique : elle constitue un signal puissant en direction de nos concitoyens. Cette loi dit que, pour les femmes, tout est non seulement possible mais désormais probable, et que le chemin qui mène jusqu'aux plus hauts niveaux de décision et d'action n'est plus virtuel.
La qualité des travaux réalisés en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, les arguments développés de part et d'autre, nous permettent d'obtenir un texte équilibré et ambitieux. Je veux remercier Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé d'avoir oeuvré, avec détermination et conviction, pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.
Ce texte a mis plus de dix mois pour revenir à l'Assemblée nationale. Comme vous, je suis attachée à son entrée en vigueur dans les plus brefs délais. Je ne doute pas qu'il ne s'agisse que d'une première étape dans la mise en oeuvre de la réforme constitutionnelle de 2008. C'est pourquoi je soutiens sans réserve, cette proposition de loi telle qu'elle est formulée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, presque un an, jour pour jour, après son adoption par notre assemblée en première lecture, la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle est de nouveau soumise à notre vote.
Permettez-moi, une fois encore, de saluer l'implication personnelle de Jean-François Copé, sans qui cette initiative n'aurait sans doute pas connu le même aboutissement. Je veux également souligner ici l'engagement de tous les parlementaires qui ont participé à ce débat. En première lecture, comme en commission des lois, en décembre dernier, ils ont fait preuve d'un état d'esprit constructif et utile à l'avancée de ce texte.
Le 27 octobre 2010, les sénateurs se sont enfin saisis de ce sujet important. À cette occasion, ils ont apporté à la proposition de loi des modifications conduisant à la poursuite de la navette parlementaire.
Je me réjouis que, à la différence du Sénat, il n'ait pas fallu attendre dix mois avant que notre assemblée soit une nouvelle fois appelée à statuer. Le processus enclenché par le texte s'inscrit en effet sur le moyen terme. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le regretter, trop d'années ont été perdues depuis la censure de dispositions à visée similaire qui figuraient dans la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Sur le fond, l'on ne peut que se réjouir que les sénateurs soient parvenus à une analyse largement partagée avec notre assemblée sur l'importance des problèmes auxquels cette proposition de loi entend apporter des réponses. Mieux, ils ont étendu l'exigence de mixité des conseils d'administration ou de surveillance, le 1er janvier de la sixième année après la publication de la loi, aux sociétés anonymes et en commandite par actions qui, au cours de trois exercices consécutifs, emploient plus de 500 salariés et présentent un chiffre d'affaires ou un total de bilan supérieur à 50 millions d'euros. Selon l'INSEE, ce champ d'application élargi porterait à plus de 2 000, contre près de 700 initialement, le nombre de sociétés concernées par le texte.
Autre apport des sénateurs, la sanction de nullité des nominations irrégulières aux conseils d'administration et de surveillance a été complétée par une possibilité de suspendre temporairement le versement des jetons de présence aux membres de ces conseils lorsque leur composition est irrégulière.
Néanmoins, s'ils ont adhéré à l'objectif poursuivi, les sénateurs ont aussi assorti le dispositif de reculs par rapport aux choix initiaux de notre assemblée.
Je citerai à cet égard l'abandon de la sanction temporaire de nullité des délibérations des conseils d'administration ou de surveillance des sociétés privées et des entreprises publiques dont la composition ne répondrait pas aux exigences de 20 % de femmes au 1er janvier de la troisième année civile postérieure à l'année de publication de la loi, et de 40 % trois ans plus tard.
Je mentionnerai également la suppression de la sanction de nullité des nominations irrégulières au cours de la période transitoire.
Et je ne serais pas exhaustive si j'oubliais d'évoquer : l'abrogation des dispositions confiant au conseil d'administration et au directoire le soin de promouvoir l'égalité professionnelle et salariale dans les sociétés anonymes ; la suppression de la transmission annuelle à l'assemblée générale des actionnaires du rapport sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes ; le remplacement de l'obligation de mixité dans les organes d'administration des établissements publics de l'État par un rapport du Gouvernement au Parlement sur le sujet.
Pour ma part, j'étais assez satisfaite du texte adopté par notre assemblée. Si le propre de la navette parlementaire est de parvenir à des compromis entre des visions et des sensibilités parfois assez différentes, le temps écoulé entre les premières lectures de chaque chambre augurait d'une navette encore lente et longue si nous prenions le parti de ne pas retenir la version finalement adoptée par les sénateurs. Or je suis intimement convaincue que la dynamique que nous avons enclenchée avec l'adoption de ce texte en première lecture ne doit pas pâtir de quelques divergences de vues avec le Sénat, qui, pour notables qu'elles soient, ne présentent pas un caractère rédhibitoire.
En effet, l'intervention du législateur a donné une accélération décisive à un processus en germe depuis plusieurs années déjà. J'en veux pour preuve que le nombre de femmes siégeant aux conseils d'administration ou de surveillance des sociétés du CAC 40 a augmenté de 44 % entre fin 2009 et septembre 2010. Désormais, les femmes représentent 15,3 % des membres de ces conseils, soit quatre-vingt-onze des 634 sièges existants. Depuis la tenue des assemblées générales de 2010, sept sociétés du CAC 40 ont plus de 20 % de femmes dans leurs conseils d'administration ou de surveillance.
Si le message et la détermination du Parlement semblent donc bien passés parmi les grandes sociétés cotées françaises, ce constat ne prévaut malheureusement pas auprès du reste des sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé. Une étude du cabinet Gouvernance & Structures, publiée le 13 septembre 2010, a en effet souligné que la grande majorité de celles cotées à Euronext Paris ont moins de femmes dans leurs instances que les sociétés du CAC 40. Les résultats de cette étude ne peuvent que nous conforter dans notre démarche législative. Faute de faire aboutir cette proposition de loi, la situation n'évoluera pas rapidement dans les sociétés cotées de taille intermédiaire, alors même que c'est aussi à leur niveau que le succès de la mixité professionnelle se joue.
Pour ma part, je me veux pragmatique, réaliste et lucide. J'ai donc proposé à la commission des lois un vote conforme de ce texte, car revenir sur la version adoptée par les sénateurs prolongerait la navette pour de longs mois encore et ferait le jeu des conservatismes. La commission des lois s'est rangée à mes arguments. Je vous propose donc de suivre ses conclusions en clôturant aujourd'hui le parcours législatif de ce texte, en vue de son entrée en vigueur dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un siècle après la première journée de la femme, la question de la parité au travail demeure toujours d'actualité. Sur l'initiative conjointe de Jean-François Copé, le précédent président du groupe UMP, et de Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et rapporteure du texte, une proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance a été déposée et adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, le 20 janvier dernier.
La question de la parité au travail demeure toujours d'actualité en France alors que, depuis 1972, pas moins de six lois se sont succédé en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Si, en 2009, les femmes représentaient plus de 47 % de la population active, elles n'occupaient que 10,5 % des sièges dans les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés du CAC 40, soit un total de cinquante-huit femmes. Cette situation est d'autant plus frappante que les femmes peuvent se prévaloir de qualifications et d'un niveau d'expérience comparables à leurs homologues masculins. La proposition de loi entend donc briser ce « plafond de verre » par l'instauration d'un seuil minimal de représentation de femmes au sein des conseils d'administration et de surveillance des sociétés cotées, des sociétés de 500 salariés dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions d'euros, ainsi que des entreprises publiques.
Déjà, l'adoption du texte en première lecture par l'Assemblée nationale a fait réagir positivement de nombreux acteurs de la société civile, des organisations professionnelles et même des entreprises.
D'autres pays ont déjà légiféré sur le sujet. Le cas norvégien est certainement le plus éclairant puisque la proportion d'administrateurs féminins aux conseils des sociétés est passée de 7 %, il y a huit ans, à 41 % pour les entreprises publiques et privées, au début de l'année 2009. Et cela fonctionne extrêmement bien.
Pour atteindre un résultat similaire, la proposition de loi fixe un seuil minimal de 40 % de femmes dans un délai de six ans à compter de la promulgation de la loi au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés cotées et des sociétés de 500 salariés dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions d'euros, soit un champ d'application d'environ 2 000 sociétés. Seuls les établissements publics administratifs et quelques établissements publics industriels et commerciaux de l'État n'entrent pas dans le champ de la proposition de loi.
Cependant, nous restons vigilants. À cet égard, je rappelle que le Gouvernement devra, avant le 31 décembre 2015, remettre un rapport présentant les efforts accomplis ou envisagés par l'État pour que les instances de ces établissements se rapprochent de la mixité requise dans les sociétés privées d'une certaine taille et dans les entreprises publiques relevant de la loi du 26 juillet 1983. Un palier intermédiaire de 20 % devra être atteint dans un délai de trois ans suivant la publication de la présente loi.
Le Sénat a modifié la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en la complétant par une sanction de nullité des nominations irrégulières au conseil d'administration ou de surveillance et par la possibilité de suspendre temporairement le versement des jetons de présence aux membres des conseils d'administration ou de surveillance des sociétés anonymes concernées. En contrepartie, il a supprimé la nullité des délibérations que l'Assemblée avait adoptée.
Enfin, afin d'insuffler une nouvelle sensibilité face aux questions d'égalité salariale ou d'accès à la formation et de permettre aux femmes de mieux concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle, la proposition de loi prévoit que le rapport de situation comparée sur les conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes sera joint au rapport annuel de gestion. En outre, les conseils d'administration ou de surveillance devront délibérer annuellement sur la politique d'égalité professionnelle et salariale.
Il s'agit donc, mes chers collègues, d'un dispositif cohérent et essentiel si l'on veut atteindre l'objectif de parité sans plus attendre. Après les modifications apportées avec sagesse par les sénateurs en octobre dernier, le groupe UMP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Très bien !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Pascale Crozon ne pouvant être présente ce soir, elle m'a demandé d'intervenir dans ce débat.
À l'occasion de son quinzième anniversaire, célébré il y a tout juste un mois, l'Observatoire de la parité a choisi de faire de l'égalité professionnelle sa grande priorité pour l'année 2011. Il y a urgence : selon le classement 2010 établi par le World Economic Forum, la France est le cent vingt-septième pays sur 134 au regard de l'égalité salariale. Une telle situation, inacceptable aux yeux de nos lois et indigne de notre pays, aurait justifié que le label de grande cause nationale soit conféré à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Certes, je devrais me réjouir que nous abordions cette année 2011 avec une proposition de loi qui, au moins dans son titre, traite de l'égalité professionnelle, mais elle n'aborde cette question que par la petite porte. Puisque ce label a finalement été accordé à la lutte contre la solitude, enjeu essentiel sur lequel j'espère que notre assemblée sera très largement associée cette année, nous nous contenterons donc aujourd'hui de nous attaquer à la solitude des femmes dans les conseils d'administration.
La discussion de cette proposition de loi n'a été rendue possible que par la révision de la Constitution qui a étendu, à l'article 1er, le principe de parité aux responsabilités professionnelles et sociales. C'était déjà à vous, madame la rapporteure, que nous devions l'initiative de cette modification. Mais je rappelle qu'elle a été votée par 126 voix contre quatre-vingt-huit grâce à l'appui des députés socialistes et contre l'avis du Gouvernement, alors représenté par Rachida Dati.
C'est dire que nous sommes attachés à ce que ce principe constitutionnel trouve aujourd'hui dans la loi les moyens de sa concrétisation.
Le champ de l'égalité professionnelle est altéré, vous le savez, mes chers collègues, et le chiffre que j'ai rappelé en introduction le souligne. Un trop grand nombre de lois ne sont pas ou peu appliquées – vous-même l'avez souligné dans votre intervention, madame la ministre. Rien ne serait pis que de perpétuer cette tradition en votant une loi d'affichage qui laisserait croire que tout est réglé, qu'on peut baisser la garde dans le combat pour l'égalité, alors que, dans les faits, rien ne bouge.
Je veux donc appeler votre attention sur trois points sur lesquels j'espère que nous avancerons.
Je voudrais d'abord parler du régime de la sanction. La délégation aux droits des femmes que vous présidez, madame la rapporteure, a justement rappelé que la loi de 2006 prévoyait, si l'égalité professionnelle n'était pas réalisée au 31 décembre 2010, qu'une nouvelle loi devrait y adjoindre des sanctions contraignantes.
Or à aucun moment votre texte ne prévoit de sanctionner les entreprises qui ne respecteraient pas les seuils et le calendrier prévus. Le Sénat a certes introduit la suspension des jetons de présence pour les administrateurs, et l'on peut penser que ce sera un moyen de pression efficace sur l'entreprise,…
Tout à fait !
…mais l'on doit s'interroger sur la constitutionnalité d'une sanction qui frappera collectivement des individus qui sont les bénéficiaires, mais pas les responsables, de la composition irrégulière du conseil. De même, il faut s'interroger sur la valeur et l'exemplarité d'un texte qui prévoit tout à la fois qu'une nomination peut être nulle – donc illégale – et que les décisions prises en conséquence de cette illégalité sont, elles, parfaitement légales. Vous déclarez, madame la rapporteure, que l'on ne doit pas bloquer la marche des entreprises. Nous répondons qu'elles ne seront pas paralysées dès lors qu'elles respecteront la loi.
Refuser la nullité des délibérations, c'est d'ores et déjà se situer dans l'hypothèse que votre texte ne sera pas appliqué.
Je voudrais d'autre part rappeler que le texte ne comporte aucune référence au nombre de mandats d'administrateurs, alors que l'exposé des motifs souligne que la question de la représentation entraîne de facto celle du cumul des mandats. Écarter les femmes de la gouvernance des entreprises, ce n'est en réalité que l'une des manifestations les plus visibles de la consanguinité propre au capitalisme à la française : au-delà de la parité, se posent ici des questions éthiques sur la sincérité des contrôles et sur l'effectivité de la gouvernance. Notre ambition ne saurait être de prétendre avoir réglé la question de la représentation équilibrée des femmes en favorisant la promotion de quelques administratrices professionnelles qui cumuleraient les postes dans l'ensemble des grandes entreprises françaises. Nous devons, à l'inverse, démocratiser la gouvernance des entreprises : j'ai acquis sur cette question, comme sur celle de la place des femmes en politique, la conviction profonde que rien ne changera réellement sans une limitation importante du cumul des mandats.
Enfin, nous ne pouvons accepter la disparition de la notion de parité qui figurait dans la rédaction initiale. La parité, ce n'est pas un quota et c'est encore moins un taux minimum de 40 %. Il s'agit là d'une nouvelle rupture fondamentale avec la tradition républicaine : selon l'interprétation que le Conseil constitutionnel fera de l'article 1er de la Constitution, tel qu'il a été récemment modifié, je crains que votre texte, s'il est validé, ne fasse école dans d'autres champs politiques et n'enseigne aux femmes, une fois de plus, la résignation face aux inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis loin de partager l'enthousiasme exprimé jusqu'ici, mais mon intervention ne vise nullement à mettre en doute votre engagement pour les droits des femmes, madame la ministre – je salue d'ailleurs le fait que vous êtes l'une des rares ministres à utiliser le féminin pour les noms de fonction –,…
…ni le vôtre, madame la rapporteure – la délégation aux droits des femmes que vous présidez fait un travail remarquable. Mais le groupe GDR s'étonne qu'il y ait tant de volonté politique pour plus de mixité dans les conseils d'administration des grandes entreprises et si peu de volonté politique pour plus de parité au Parlement. On peut même parler d'une forte volonté de régression en matière de représentation politique des femmes, avec la loi sur le mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux.
Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous pensions qu'il y avait d'autres priorités que la mixité des conseils d'administration des grandes entreprises, à savoir la lutte contre les discriminations subies au travail par les femmes et la représentation politique. Certes, il y a eu de nombreuses lois sur l'égalité salariale et même plus largement sur l'égalité professionnelle : nous nous en réjouissons, nous les avons toutes soutenues quand elles proposaient des dispositifs qui allaient dans le bon sens, mais je rappelle que la première inégalité est l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes et que, malheureusement, si la législation impose une obligation de moyens, elle n'impose toujours pas d'obligation de résultat – il en est de même pour la parité à l'Assemblée nationale. Tant qu'il en sera ainsi, nous savons qu'il n'y aura pas de parité.
L'inégalité professionnelle est accentuée par la très grande injustice dans l'évolution des carrières. Les femmes sont massivement cantonnées dans les emplois subalternes, quand les hommes, eux, accèdent aux postes de responsabilité : c'est le fameux « plafond de verre », qui bloque les femmes, même dans des professions ou des secteurs où elles sont majoritaires. Au passage, je souligne que c'est vrai aussi dans la fonction publique, alors que l'on pourrait penser que le problème n'existe pas puisque l'accès se fait par concours, et c'est même caricatural dans le monde universitaire – il y a eu des mobilisations de la part des chercheuses et des femmes universitaires pour protester contre ce plafond de verre, qui les touche particulièrement.
S'agissant de cette proposition de loi, je m'étonne que la représentation entre hommes et femmes soit considérée comme équilibrée avec un objectif de 40 % pour les femmes. Après les propos tenus par la rapporteure du Sénat, je tiens à souligner que les femmes ne sont pas une minorité : elles constituent tout simplement la moitié de l'humanité, et même un peu plus. Nous ne demandons pas des mesures de discrimination positive, mais seulement l'égalité, parce que l'humanité est constituée du genre masculin et du genre féminin. En revanche, proposer un taux de 40 %, c'est introduire des quotas. Or les femmes ne sont pas un quota. Je salue la présence de quelques collègues hommes, et je vais leur répéter ce que je dis toujours : si nous étions pour un quota, il dépasserait le taux de 50 % pour les femmes. J'insiste : nous demandons simplement le respect de la parité.
Le rapport préparatoire à la concertation avec les organisations patronales et syndicales sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, remis en juillet 2009 par Mme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, rappelle que les inégalités dans les instances dirigeantes sont largement dues à « l'illégitimité des femmes dans ces univers de pouvoir caractérisés par l'omniprésence des hommes, à la division sexuelle du travail et à la hiérarchisation du masculin et du féminin, liées aussi à l'orientation scolaire et universitaire et au partage inégal des tâches familiales et domestiques ». Lors de la mandature précédente, à l'occasion d'une proposition de loi relative à l'égalité professionnelle, j'avais défendu un amendement qui avait été adopté : il s'agissait de tenir compte du vocabulaire. Je vous rejoins tout à fait sur ce point, madame la ministre, et c'est même l'une de mes grandes batailles, car il me paraît impossible de changer vraiment la réalité des femmes lorsqu'on utilise un vocabulaire qui la nie. Ainsi, la question n'est pas de concilier la vie familiale et le travail des femmes, comme si le second s'opposait à la première, mais bien d'articuler les temps, tant pour les femmes que pour les hommes.
Mes chers collègues, madame la ministre, vous aurez donc compris, à travers ces remarques préalables, que, pour nous, la priorité doit être donnée à la lutte contre les discriminations qui concernent l'ensemble des femmes. Or, en dépit de l'obligation de négociation annuelle sur les salaires, en 2007, seuls moins de 41 % des 7,5 millions de salariés des entreprises de plus de dix salariés du secteur marchand non agricole ont bénéficié d'un accord d'entreprise relatif aux salaires et aux primes. De même, trop peu d'entreprises satisfont à leurs obligations concernant le rapport de situation comparée.
Les femmes, plus souvent payées au SMIC que les hommes, sont aussi les premières touchées par le travail à temps partiel subi. Il n'y a toujours aucune avancée sur cette question. Madame la ministre, nous aimerions que le travail du Parlement soit prioritairement consacré à ce problème pour que nous puissions aboutir à des mesures. Nous, nous en proposons : par exemple, l'augmentation des cotisations sociales des entreprises qui emploient un fort pourcentage de salariées à temps partiel, ce qui les inciterait à modifier ce type de contrats. Les femmes constituent aujourd'hui la majorité des foyers les plus pauvres parce qu'elles subissent le temps partiel imposé, souvent payé au SMIC horaire, avec des revenus qui tournent autour de 500 ou 600 euros. Chacun sait qu'il est impossible de vivre avec de tels revenus – c'est déjà particulièrement difficile avec le SMIC.
À notre avis, la priorité doit donc être donnée à la négociation salariale dans les branches et les entreprises, afin de lutter contre les bas salaires, le temps partiel imposé et les inégalités salariales. Nous pensons que cela pourrait passer par une conférence nationale sur les salaires ayant ces objectifs.
Quant au texte lui-même, nous considérons qu'il manque d'ambition. Nous proposons de rétablir la parité, de réduire l'écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe – car la parité, c'est plus ou moins un, ce n'est pas plus ou moins deux, et nous ne comprenons pas bien le sens de cet écart, qui est votre conception d'une représentation équilibrée. Nous proposons aussi le rétablissement de la nullité des délibérations en cas de non-respect de la parité. Toutes les lois sur ces questions d'égalité entre les femmes et les hommes achoppent sur le fait qu'elles ne sont assorties que d'obligations de moyens et jamais d'obligations de résultat. Les sanctions portent sur l'existence de négociations, pas sur leur résultat.
Une fois encore, nous retrouvons les mêmes limites, qui produiront les mêmes effets : les entreprises qui ne voudront pas instaurer même les 40 % – malheureusement, je crains que notre demande de retour à la parité ne soit pas satisfaite – traîneront les pieds, car, pour elles, les conséquences ne seront pas très importantes.
Nous excluons le rattrapage du versement des jetons de présence en cas de non-respect de la parité. D'ailleurs, le groupe GDR avait déposé une proposition de loi visant à promouvoir une autre répartition des richesses, dont l'une des dispositions entendait limiter le cumul des jetons de présence à deux et non plus à cinq.
Plusieurs de nos propositions visent à faire avancer la démocratie dans l'entreprise. Nous demandons ainsi une vraie représentation salariale paritaire dans les conseils d'administration et de surveillance, avec voix délibérative, afin de permettre notamment la prise en compte dans les décisions stratégiques des entreprises, des problèmes spécifiques rencontrés par les salariés femmes.
Actuellement, les décisions stratégiques d'un conseil d'administration sont soumises au pouvoir de discrétion. Les représentants salariés qui y siègent n'ont même pas le droit de transmettre les informations et les décisions aux délégués du comité d'entreprise, par exemple. Le président du conseil d'administration peut même décider que toutes les délibérations qu'il juge stratégiques sont soumises à ce devoir de discrétion. Parfois, les représentants des salariés sont un peu des pots de fleurs dans ces conseils d'administration.
Nous souhaitons que la loi de juillet 2002 contre le harcèlement sexuel et moral dans les entreprises soit mieux appliquée. Nous souhaitons aussi l'instauration d'un droit de veto pour les représentants de salariés en cas de plan de licenciements, notamment lorsqu'il s'agit de femmes.
La loi Roudy impose aux entreprises de plus de 300 salariés de remettre un rapport annuel écrit sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise. Or, vous l'avez dit aussi, madame la ministre, la majorité des entreprises ne respectent pas cette mesure.
Nous regrettons que le montant de la pénalité – au maximum 1 % des rémunérations et gains – soit apprécié en fonction des efforts constatés dans les entreprises, ce qui permet à beaucoup d'entre elles d'y échapper. Aussi sont-elles peu incitées à respecter la loi. Or ces rapports sur les situations comparées sont fondamentaux dans la lutte contre les inégalités.
Enfin, dans le cadre de cette proposition de loi, nous demandons d'abaisser le seuil de 300 à 50 salariés, car seules 2 000 entreprises sont actuellement concernées, c'est-à-dire très peu compte tenu du nombre de femmes salariées que compte notre pays.
Enfin un homme !
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, j'avoue que j'ai eu quelques scrupules à intervenir devant vous, après avoir entendu Mme la ministre saluer le seul député sans « e » présent dans l'hémicycle.
Au contraire !
Je remercie les collègues hommes qui nous ont rejoints depuis pour suivre ces travaux.
Nous sommes réunis dans cet hémicycle pour la seconde lecture d'un texte qui a finalement été assez loin de faire consensus entre notre assemblée et le Sénat. Le groupe Nouveau Centre vous avait fait part de son souhait de voir le débat posé autrement que dans une logique qui revient à celle des quotas. Je vous le rappellerai aujourd'hui afin de poser les termes de la problématique qui entoure ce type de dispositions législatives.
L'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes est légitime et partagé. Cependant, si l'on n'y prend garde, la multiplication des instruments dont la logique est celle des quotas risque de nous conduire à ne considérer la société que comme l'agrégation de segments liés au genre, peut-être aux origines ou aux croyances…
… ce qui, vous en conviendrez, est assez loin de l'idéal républicain.
Citons quelques chiffres tirés du rapport de Mme Brigitte Grésy. En 2009, les femmes représentaient en France 41,2 % des cadres administratifs et commerciaux des entreprises et 18,2 % des ingénieurs et cadres techniques, mais seulement 10 % des membres des conseils exécutifs.
Oui, la France reste parmi les mauvais élèves de l'Europe en matière de représentation des femmes dans les instances de direction des entreprises commerciales. Notre pays se situe loin derrière la Norvège, où 44 % des administrateurs de sociétés sont des femmes, et de la Suède, où les conseils d'administration comptent près de 27 % de femmes.
L'Union européenne a commencé à s'emparer du sujet, comme le montrent le rapport sur l'égalité adopté par la Commission européenne en décembre 2009 et la résolution du Parlement européen du 17 janvier 2008 qui appelle la Commission et les États membres à « favoriser une présence équilibrée entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration, notamment lorsque les États membres sont actionnaires de ces entreprises ».
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui entend permettre aux femmes « d'évoluer plus facilement au sein des instances de gouvernance des entreprises », le but étant d'atteindre une représentativité de 40 % à l'horizon de 2015.
Si nous sommes dubitatifs quant à l'imposition de quotas, nous approuvons les mesures supplémentaires que la proposition de loi met en avant, notamment l'obligation de joindre un rapport de situation comparée au rapport annuel de gestion. Il s'agit d'une proposition utile et nécessaire, puisque le rapport de situation comparée constitue un bon outil afin de rendre compte des conditions de travail des hommes et femmes dans l'entreprise.
Selon Mme la rapporteure, « la loi seule peut favoriser une évolution rapide vers un rééquilibrage du partage des responsabilités à la tête de ces instances de direction. » Une question me vient cependant à l'esprit : la société ne doit-elle évoluer que sous l'effet des lois et des sanctions ? Cette question n'a pas trouvé d'écho lors de la première lecture, mais deux éléments viennent appuyer mon propos. Tout d'abord, Le Figaro indiquait hierque vingt nouvelles administratrices ont été nommées dans les entreprises du CAC 40 en 2010, alors qu'une seule avait été nommée en 2009. Il semble donc que les choses tendent à avancer sans coercition.
Ensuite, il semble que, au regard des modifications apportées au texte lors de son passage au Sénat, nous ayons été quelque peu entendus. En effet, l'intervention sur l'égalité des hommes et des femmes à un moment où celle-ci ne peut être établie que de façon artificielle ne nous paraît pas être le meilleur choix. Pour le Nouveau Centre, il importe de commencer à intervenir plus tôt, et de façon durable, sur la promotion de l'égalité.
Prenons davantage de mesures concernant l'enseignement. Approfondissons le sujet de l'égalité entre les hommes et les femmes dès le jeune âge. Soutenons, aussi et bien sûr, certaines mesures favorisant la promotion de l'égalité professionnelle qui concerne le monde de l'entreprise.
L'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises a recensé 159 accords relatifs à l'égalité professionnelle signés dans les entreprises depuis 2001. Actuellement, 70 % des entreprises du CAC 40 – soit 28 d'entre elles – sont couvertes par un accord de ce type, contre 60 % en 2008.
Depuis l'annonce de cette initiative parlementaire, la proportion de femmes dans les conseils d'administration est passée de 10 % en 2009 à près de 16 % aujourd'hui.
Ces accords sont relatifs à la prise en compte de la parentalité, aux stratégies de recrutement et de promotion, à la réduction des écarts salariaux et au taux d'encadrement féminin. Ils nous montrent que le monde de l'entreprise est en train d'évoluer sans que nous soyons contraints d'imposer des lois.
Pour notre part, nous sommes optimistes et considérons qu'il serait opportun de laisser un peu de temps…
…et de liberté aux entreprises, afin qu'elles s'engagent davantage pour l'égalité des hommes et des femmes. Elles sont conscientes qu'elles ont tout à y gagner. Une étude du CNRS, parue au printemps dernier dans la revue Travail, genre et sociétés, est encore venue le démontrer.
Pour nous, il s'agit tout d'abord d'agir sur l'encadrement pour qu'une véritable mixité s'installe. C'est par cette mixité dans les plus hauts postes d'encadrement des entreprises que les femmes pourront naturellement accéder aux conseils d'administration.
Le groupe Nouveau Centre s'abstiendra sur cette proposition de loi visant la mise en place de quotas dans les conseils d'administration et de surveillance dans les entreprises privées. Nous considérons que nous devons concentrer tous nos efforts dans les mesures éducatives et dans la mise en pratique des méthodes de management favorisant la mixité dans les entreprises et plus particulièrement dans l'encadrement. La logique des quotas et la coercition ne nous semblent pas des réponses appropriées.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, comme l'a rappelé notre collègue Martine Pinville, l'Observatoire de la parité a choisi de faire de l'égalité professionnelle sa grande priorité pour l'année 2011. Ce choix pourrait nous surprendre, étant donné qu'il existe une multitude de lois aux intentions, aux orientations et aux décisions généreuses. Cependant, ces textes sont peu ou pratiquement pas appliquées. C'est une réalité récurrente. Nous pouvons saluer les efforts eux-mêmes généreux et l'opiniâtreté manifestée par notre collègue rapporteure Marie-Jo Zimmermann pour faire bouger les lignes.
Je m'attarderai sur le volet de la formation et de l'égalité professionnelle qui représente, à mes yeux, un enjeu capital dans l'évolution vers l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et qui a une répercussion sur la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui.
Quelles différences de traitement constate-t-on sur le marché du travail ? Les femmes représentent désormais près de la moitié de la population au travail ou à la recherche d'un emploi : 83 % des femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans travaillent. Le modèle français, unique en Europe, conjugue un fort taux d'activité et un taux de fécondité des plus élevés dans l'Union européenne. À l'intérieur d'une génération, les résultats scolaires des jeunes filles sont meilleurs : 70 % des filles ont obtenu leur bac en 2007, contre 59 % des garçons.
Il faut pourtant mettre un bémol à ces formidables avancées. Compte tenu du temps partiel, l'activité féminine ne progresse plus depuis les années 90. La ségrégation professionnelle persiste : les emplois féminins restent concentrés dans dix familles professionnelles et les choix d'options et de filières dans les cursus diffèrent selon le genre.
S'agissant de la qualification des emplois, il existe une bipolarisation croissante et inquiétante. Dans les entreprises, les femmes représentent plus de 41 % des cadres administratifs et commerciaux et un peu plus de 18 % des ingénieurs et cadres techniques. Cependant, elles sont surreprésentées dans les emplois non qualifiés : 30 % des femmes qui travaillent ont un emploi sans qualification reconnue.
Dans le secteur privé, leur taux d'accès à la formation continue reste problématique : 32 % contre 45 % pour les hommes. La précarité reste aussi un sujet brûlant et d'actualité : le temps partiel touchait 31 % des femmes en 2007, contre 6 % des hommes. Les deux tiers des salariés à bas salaire sont des femmes.
La délégation aux droits des femmes se mobilise sur nombre de sujets, dont ceux touchant à la formation professionnelle et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais elle ne parvient que modestement à faire évoluer la situation.
La proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle est un exemple de cette difficulté à faire évoluer des mentalités qui restent bien rigides. Certains diront qu'elle marque une avancée exceptionnelle. Certes. Une étude menée en septembre 2010 révèle que les dirigeants sont, dans leur majorité, convaincus que la mixité a un effet positif sur la performance des entreprises, mais cette conviction ne se traduit ni dans les faits ni dans les actions. En 2010, les femmes restent sous-représentées dans les conseils d'administration des entreprises. Cette réalité est encore plus frappante dans les comités exécutifs.
Pourtant, sur la base d'une analyse scrupuleuse de 300 entreprises dans le monde, on constate à nouveau, cette année, que les entreprises qui ont la plus grande représentation de femmes dans leur comité de direction sont aussi les plus performantes financièrement. Ce lien entre mixité et performance économique se confirme dans quasiment tous les secteurs économiques.
Aujourd'hui, l'accroissement naturel du nombre de jeunes filles diplômées ne suffit pas à combler l'écart de représentation dans les instances dirigeantes. Où est la logique ?
Cette proposition de loi s'appuyant sur une représentation équilibrée des femmes et des hommes à hauteur de 40 % au moins compose uniquement avec l'existant en limitant la parité à une représentativité forte.
Nous aurions souhaité, entre autres, que le problème du cumul des mandats soit traité, que la loi rende dissuasive l'utilisation abusive des temps partiels, que les entreprises soient sanctionnées lorsqu'elles refusent de négocier la mise en oeuvre de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, que le secteur public soit exemplaire dans ce domaine et qu'il soit engagé au même niveau.
Dans la continuité de mon intervention et en conclusion, nous espérons très sincèrement que la politique des sociétés en matière d'égalité professionnelle et salariale et que les conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes seront véritablement au coeur d'une application très concrète. C'est un enjeu de notre société du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés – je constate que, pour une fois, il y a beaucoup plus de députées femmes que de députés hommes…
Hélas !
…ce dont je me réjouis tout en regrettant que ce soit parce que nous parlons de sujets qui concernent les femmes –, la proposition de loi en discussion, qui instaure un quota de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises, représente une avancée, mais une avancée pour le moins mesurée. Mes collègues Martine Pinville et Jean-Luc Pérat en ont déjà fait la démonstration.
Oui, il est absolument nécessaire de travailler sur la gouvernance des entreprises. L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes doit progresser dans toutes les strates de l'entreprise et pas seulement au niveau des conseils d'administration ou des conseils de surveillance. Néanmoins, il fallait commencer par légiférer en la matière dans les instances dirigeantes pour faire évoluer les comportements, car, comme nous l'avons dit et redit, ils n'évoluent pas spontanément. Ce faisant, nous pouvons également espérer qu'un changement dans les organes de direction irriguera ensuite l'ensemble de l'entreprise.
En effet, sans initiative législative, nous ne pouvons espérer faire évoluer les choses. Ce ne sont pas de pseudo-chartes éthiques qui pourront faire progresser les femmes au-delà de ce fameux « plafond de verre ».
Ce n'est pas une question de compétences. Ce n'est pas non plus une question de temps. On sait très bien que, en privilégiant des organisations du travail totalement aberrantes, certaines entreprises organisent l'exclusion des femmes, notamment des mères de familles, d'autant que le partage des tâches domestiques n'est pas égalitaire entre les hommes et les femmes.
L'intervention du législateur est donc plus que légitime. D'ailleurs, comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, le fait de légiférer sur ce sujet a déjà produit des effets en 2010, puisque les entreprises du CAC 40 ont dû anticiper l'application de la loi et ont procédé au recrutement de femmes au sein des conseils d'administration et de surveillance.
Je rappellerai quelques chiffres, tirés du rapport de Mme Grésy, de l'IGAS, bien qu'ils aient déjà été cités : en 2009, il y avait, en France, 40 % de femmes cadres administratifs, 18 % de femmes ingénieurs et cadres techniques – cela pose le problème de l'orientation professionnelle des femmes, qui devra également être abordé de front dans les prochaines années – et seulement 10 % de femmes dans les conseils exécutifs.
La France reste parmi les très mauvais élèves de l'Europe en matière de représentation des femmes : notre pays se situe loin derrière la Norvège – où, grâce à une politique résolument volontariste menée à la suite d'une initiative législative, les femmes représentent 44,2 % des administrateurs de sociétés, sans que ce pays ait eu à appliquer la sanction radicale prévue en cas de non-respect de l'obligation légale, à savoir la dissolution pure et simple du conseil d'administration. La France est également loin derrière la Suède, où les conseils d'administration comptent 26,9 % de femmes.
La proposition de loi que nous examinons en deuxième lecture constitue une avancée, que nous saluons, et c'est pourquoi nous la voterons. Mais nous considérons que le champ de ce texte est trop réduit et que les sanctions prévues sont encore trop peu dissuasives.
On l'a dit, aucune des propositions du rapport de Mme Grésy concernant l'égalité professionnelle n'a été reprise. Le rapport abordait également des sujets cruciaux : les différences de traitement entre les femmes et les hommes en matière d'accès à l'emploi et d'évolution de carrière ; le temps partiel, qui touche 80 % des femmes et qui est trop souvent subi – cela pénalise les femmes à la fois dans l'évolution de leur carrière et dans le calcul de leur retraite – ; les emplois peu qualifiés, souvent occupés par des femmes, avec la tertiarisation de l'économie ; la précarité du travail féminin, ou encore les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.
Toutes et tous, nous sommes parfaitement conscients que les inégalités ne concernent pas seulement les instances dirigeantes, puisque 13 % des femmes vivent sous le seuil de pauvreté, un tiers n'a pas de qualification reconnue et un tiers travaille à temps partiel, en général subi. Deux fois plus de femmes que d'hommes sont payées au SMIC. Alors que les filles sont en moyenne plus diplômées que les garçons, elles touchent des salaires inférieurs en moyenne de 27 % à ceux des hommes. Enfin, la pension des femmes de plus de soixante-cinq ans est égale à 50 % de celle des hommes.
Quant au caractère dissuasif des sanctions, le débat ne me semble pas abouti. Selon le rapport d'information remis par la rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, les dispositifs européens existants sont relativement hétérogènes dans le choix des sanctions applicables. Alors que l'Espagne a opté pour des mesures essentiellement incitatives, la Norvège a choisi une solution plus drastique, avec des résultats probants. Le rapport souligne que, même si la lourde sanction prévue en Norvège ne s'applique qu'aux sociétés publiques cotées et qu'elle n'a jamais eu à s'appliquer, l'effet escompté a été suffisamment dissuasif pour que les entreprises se mettent en conformité avec la loi dans les délais prescrits.
Tout en nous interrogeant sur les limites des sanctions prévues dans la proposition de loi, nous pouvons espérer qu'elles contribuent à changer les mentalités. En tout cas, j'estime indispensable une initiative législative en ce sens.
Nous prenons rendez-vous avec vous, madame la ministre, et avec la majorité pour mettre en oeuvre de manière autrement plus significative le principe, désormais inscrit dans notre Constitution, selon lequel la loi favorise non seulement l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives – innovation de 1999 –, mais aussi leur égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.
Monsieur le président, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, je veux tout d'abord vous remercier pour la très grande qualité de cette discussion générale. Elle a été l'occasion, sur tous les bancs, de rappeler un certain nombre de chiffres et de faits qui montrent que le chemin de l'égalité entre les femmes et les hommes est encore long.
Je remercie tout particulièrement Sophie Primas pour le soutien qu'elle a apporté à ce texte.
Pour répondre à Martine Billard, Aurélie Filippetti, Jean-Luc Pérat et Martine Pinville, je précise que nous ne nous contenterons évidemment pas de ce texte, pour important qu'il soit. Il sera suivi par d'autres mesures sur l'égalité professionnelle, laquelle relève d'un plan d'action interministériel, dont je souhaite rappeler quelques termes.
D'abord, nous voulons renforcer les obligations des entreprises en matière d'égalité professionnelle. La mise en oeuvre de la loi voulue par Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé sera accompagnée d'une campagne de communication pour permettre aux entreprises et aux partenaires sociaux de comprendre leurs obligations, d'élaborer leur rapport de situation comparée et de négocier un accord en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit de créer une dynamique de négociation pour la conclusion d'accords relatifs à l'égalité professionnelle.
Nous voulons également agir en amont, dès la formation initiale des jeunes filles et des jeunes garçons. L'année 2011 sera marquée par la préparation du renouvellement de la convention interministérielle signée avec plusieurs ministères, dont celui, très important, de l'éducation nationale. Nous souhaitons améliorer l'orientation scolaire des jeunes filles et le respect entre filles et garçons. Je souhaite que notre action soit renforcée et que des objectifs précis soient fixés en cette matière. Plusieurs d'entre vous ont souligné à juste titre que l'égalité professionnelle commençait bien avant l'entrée sur le marché du travail. La mixité, dans certains secteurs comme ceux du bâtiment ou de la métallurgie – nous pourrions citer d'autres exemples –, est tout à fait essentielle.
Nous voulons accompagner les secteurs professionnels et les entreprises dans leur démarche en mettant en place divers dispositifs dont certains pourraient d'ailleurs être fusionnés afin de simplifier et d'assouplir les modalités de recours à ces contrats.
Il sera organisé, à la fin du premier semestre, une conférence tripartite sur l'égalité professionnelle et le partage des responsabilités professionnelles, sous la responsabilité du ministre du travail, Xavier Bertrand, au cours de laquelle se tiendra une table ronde sur le temps partiel. Aurélie Filippetti a insisté sur le problème du temps partiel subi. Je partage évidemment tout à fait sa position. Je suis même très réticente sur la notion de temps partiel choisi, parce qu'on met sous cette appellation des choses qui ne relèvent pas d'un véritable choix.
Nous voulons également valoriser les entreprises et les administrations qui s'engagent en développant le label « égalité ». Nous voulons promouvoir la création d'entreprises par les femmes – ce qui sera source de création d'emplois –, en mobilisant, en particulier, le fonds de garantie pour la création, la reprise et le développement d'entreprises à l'initiative des femmes. Ce dispositif doit pouvoir être mieux mobilisé et couplé avec d'autres prêts bancaires complémentaires, comme celui du nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprises – NACRE.
Dans le troisième plan de lutte contre les violences faites aux femmes que je vais présenter à la fin du mois, j'ai tenu à ce qu'un nouveau chapitre concerne les violences faites aux femmes sur les lieux de travail. C'est un sujet qui, jusqu'à présent, n'avait pas été abordé. J'y tiens principiellement.
Vous avez raison de signaler que la démarche entreprise dans le secteur privé doit être étendue au secteur public. C'est la raison de la mission qui a été confiée à votre collègue Françoise Guégot, qui doit me rendre bientôt ses conclusions. J'en tiendrai le plus grand compte pour mettre au point une action en ce domaine.
Je souhaite revenir sur deux points qui m'ont interpellée : l'un a été soulevé par Martine Billard et l'autre par Pascal Brindeau.
Pourquoi acceptons-nous un quota de 40 %, qui peut apparaître comme discriminatoire ? D'abord ce quota ne s'applique pas aux femmes. Il s'applique au sexe le moins représenté à l'intérieur du conseil d'administration. Ensuite, il donnera le minimum de souplesse. Martine Billard, qui a été obligée de rejoindre sa circonscription, a souligné la différence qui existe entre parité professionnelle et parité sur une liste électorale, lors d'élections cantonales par exemple. Dans ce dernier cas, la parité se constate au moment de l'élection.
D'ailleurs, avec les têtes de liste masculines, on s'aperçoit que la prétendue parité 5050 est en fait une parité à 4753. Si davantage d'hommes sont placés sur les listes en position impaire – en première position, en troisième position –, la représentation masculine augmente automatiquement dans les conseils régionaux.
En tout cas, on ne demande pas que la parité soit vérifiée tout au long de l'existence du conseil régional. En revanche, vos amendements tendent à imposer une parité pérenne, ce qui est totalement impossible techniquement. Il faut bien introduire de la souplesse. Voilà pourquoi nous avons retenu le taux de 40 %, qui n'est pas discriminatoire.
Je reviens sur les propos de Pascal Brindeau. Il a effectivement senti que les principes exposés dans son intervention ont interpellé, comme on dit, les nombreuses féministes présentes dans cet hémicycle. Cher Pascal Brindeau, vous êtes nouveau député et n'avez pas assisté aux vifs débats sur la loi sur la parité. Je veux donc vous dire que la différence entre les hommes et les femmes n'a rien à voir avec les autres différences, qu'il s'agisse des différences de race, des différences d'origine religieuse ou des différences d'appartenance ethnique. La différence entre les hommes et les femmes est la seule distinction qui vaille, et c'est une distinction ontologique. Toutes les autres sont contingentes, accessoires ou même profondément contestables. Je tiens à vous le dire : entre les hommes et les femmes, il est besoin de la loi, car, quand le fort contraint le faible, c'est la loi qui protège et c'est la liberté qui opprime. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Je me permets d'intervenir pour soutenir cette proposition de loi et en évoquer une autre, que nous avons déposée, qui est soutenue par 120 parlementaires et qui va probablement aller dans le même sens. Elle a pour objet de limiter le cumul des mandats sociaux dans les sociétés cotées à trois mandats exercés simultanément, alors que les administrateurs peuvent actuellement siéger dans cinq sociétés différentes. Une telle disposition permettrait de libérer des postes d'administrateurs dans un secteur que je qualifierai de relativement endogamique et constituerait un facteur supplémentaire d'accès des femmes aux conseils d'administration.
J'espère donc que le texte que nous avons déposé pourra également être inscrit à l'ordre du jour et devenir un atout supplémentaire en faveur de la parité.
Je suis saisi d'un amendement n° 15 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Cet amendement entend faire en sorte que l'équilibre se confonde avec la parité. Comme l'a expliqué ma collègue Martine Billard, nous nous étonnons que la représentation soit considérée équilibrée avec seulement 40 % de représentants d'un sexe. À nos yeux, cela s'apparente plus à un quota qu'à une réelle parité, laquelle serait caractérisée par une égale représentation des hommes et des femmes.
Défavorable.
Comme Mme la ministre l'a très justement expliqué, si le pourcentage de 40 % a été choisi, c'est précisément pour offrir une certaine souplesse. Il ne faut pas qu'il y ait moins de 40 % d'administrateurs de l'un ou l'autre sexe.
L'exemple norvégien a été une référence dans nos travaux. Le ministre norvégien auditionné nous a bien expliqué qu'imposer un taux de 50 % bloque le système.
Considérez le cas des listes paritaires : il suffit d'un homme en tête de liste pour que vous ne puissiez jamais atteindre le niveau de 50 % de femmes. Vous ne parvenez qu'à 47 % de femmes.
En prévoyant un quota de 40 %, on n'exclut pas du tout la possibilité qu'il y ait 47 % de femmes. Simplement, on dispose alors d'une souplesse qui n'existerait pas sans cela.
Je comprends tout à fait le souci qui vous anime. Évidemment, le seul quota qui vaille est celui de 50 %. Si tous les conseils d'administration comptaient un nombre pair d'administrateurs et si les nominations des administrateurs avaient lieu simultanément, comme les élections des membres d'une assemblée, on considérerait effectivement que l'on ne saurait nommer que 50 % de femmes et 50 % d'hommes. Hélas, cela ne se passe pas ainsi. Tout d'abord, certains conseils d'administration comptent un nombre impair d'administrateurs. Ensuite, les nominations doivent avoir lieu au fil de l'eau. On ne peut donc constater la parité comme on le fait au moment d'une élection, ce qui justifie une certaine souplesse. À défaut, je vous le dis franchement, vous allez complètement bloquer le système !
Je répète en outre qu'il ne s'agit pas d'un quota de femmes. Il s'agit d'imposer que la proportion d'administrateurs du sexe le moins représenté ne soit pas inférieure à 40 %.
Je suis donc contre votre amendement, tout en saluant l'esprit dont il procède.
(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 16 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Pour aller dans le même sens, nous proposons de substituer, à l'alinéa 3, le mot « un » au mot « deux ». S'il est évident que, dans un conseil d'administration composé d'un nombre impair d'administrateurs, il existe un écart entre le nombre des administrateurs d'un sexe et le nombre des administrateurs de l'autre sexe, il est en revanche incompréhensible que cet écart soit supérieur à un dans un texte censé promouvoir une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les entreprises, à moins que l'on ne veuille légitimer des inégalités de représentation.
Avis défavorable. Toujours dans le même esprit, il s'agit d'éviter le blocage lorsque les administrateurs sont en petit nombre.
Je vais prendre des exemples tout à fait précis. D'un point de vue arithmétique, l'application rigoureuse de la proportion de 40 % imposée par le nouvel article du code du commerce aboutira, dans le meilleur des cas, à la stricte parité – il en ira ainsi dans les conseils d'administration de huit personnes – et, dans les autres cas, ceux des conseils comptant de trois à sept membres, à un écart inférieur à deux personnes.
La disposition que tend à introduire l'amendement proposé n'aura donc pas de portée. C'est pourquoi j'y suis défavorable.
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
Il s'agit en fait de rétablir une disposition qui figurait dans le texte initial de Marie-Jo Zimmermann : la nullité des délibérations des conseils d'administration qui ne respecteraient pas la nouvelle règle de mixité. Cette mesure, adoptée en première lecture par notre assemblée, a été supprimée par le Sénat. Or cette sanction forte, véritablement dissuasive, nous semble indispensable, alors que la nullité des nominations ne nous paraît pas suffire. Ainsi l'esprit et la lettre de la loi seraient-ils respectés.
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour soutenir l'amendement n° 17 .
Cet amendement va exactement dans le même sens que celui de nos collègues du groupe socialiste.
Il me semble que, déjà en première lecture, l'Assemblée n'avait pas retenu ce dispositif. Elle avait considéré que, si elle peut se justifier pour inciter les entreprises à s'engager résolument dans ce processus de rééquilibrage de la composition de leurs conseils, cette nullité n'a pas sa place lorsque la mixité sera pleinement assurée. En effet, à l'issue du délai de transition prévu, si des sociétés se retrouvent dans une situation qui n'est pas conforme à la loi, ce sera vraisemblablement à la suite d'événements accidentels ou imprévus. La nullité des nominations paraît dès lors suffisante ; aller au-delà exposerait en permanence les entreprises à des risques juridiques lourds de conséquences, comme l'impossibilité d'avaliser certaines décisions stratégiques. La commission émet donc un avis défavorable.
La sanction de nullité des délibérations est totalement disproportionnée. Elle ferait peser de graves menaces sur les salariés des entreprises concernées et ferait porter par des tiers les conséquences de décisions sur lesquelles ils n'ont aucune prise. C'est d'ailleurs pourquoi le droit commun des sociétés retient le principe selon lequel « ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination des personnes chargées de gérer, d'administrer ou de diriger la société lorsque cette nomination a été régulièrement publiée ». L'adoption de vos amendements conduirait à revenir sur ce principe fondamental destiné à protéger les salariés.
Des sanctions adaptées sont déjà prévues : la nullité des nominations contrevenant aux règles de représentation équilibrée ; la suspension des jetons de présence, qui constituera une incitation forte à respecter ces règles.
Frapper de nullité les délibérations des entreprises reviendrait à jouer contre les partenaires des entreprises et – plus grave – contre leurs salariés. Je ne puis donc y être favorable.
(Les amendements identiques nos 1 et 17 ne sont pas adoptés.)
Cet amendement a pour objet de procéder à quelque toilettage et vise à éviter certains cumuls de mandats. L'article L. 225-21 du code de commerce dispose qu'une personne physique ne peut exercer plus de cinq mandats d'administrateur. Pour permettre une meilleure lisibilité, nous souhaitons que le nombre de mandats soit limité à deux.
La commission est défavorable à cet amendement qui avait déjà été rejeté en première lecture.
Je souscris à l'idée d'améliorer la gouvernance des sociétés commerciales, et l'on s'achemine aujourd'hui vers des dispositifs de ce type. La proposition de loi déposée par notre collègue Jacques Domergue témoigne bien de cette volonté de faire avancer les choses.
Ce n'est cependant pas l'objet de la proposition de loi que nous examinons. La réflexion n'en sera pas moins menée, bien au contraire.
Certains, ici, connaissent mon avis sur le cumul de toutes sortes de mandats ! Cela étant, cette disposition n'a pas sa place dans le texte, car le cumul n'a qu'un effet incident sur la meilleure représentation des hommes et des femmes. Il a plutôt un effet dérivé, qui demanderait à être vérifié, car quand les hommes renoncent à des mandats, ils sont bien souvent remplacés par d'autres hommes.
Ce n'est certes pas un cavalier au sens strict, mais j'estime que cette disposition serait mieux à sa place dans un autre texte. J'émettrai donc un avis défavorable sur la forme, non sur le fond, d'autant que je souhaite un avis conforme des deux chambres pour avancer rapidement.
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
Nous en venons à un amendement n° 19 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Comme l'a expliqué Martine Billard, cet amendement vise à prendre en compte les objectifs de parité et à rendre obligatoire la participation avec voix délibérative des représentants des salariés au sein des conseils d'administration des entreprises.
Pour éviter la précarité des femmes, il semble nécessaire de lutter contre la précarité des salariés dans leur ensemble. De manière plus générale, la participation des salariés à la gestion des entreprises est une condition nécessaire au développement d'une société démocratique à part entière.
En second lieu, permettre la participation des représentants des salariés permet la prise en compte dans les décisions stratégiques de l'entreprise des problèmes spécifiques rencontrés par les femmes non actionnaires en matière d'inégalité professionnelle et de harcèlement.
Défavorable.
Cet amendement présente un fort risque d'inconstitutionnalité au regard du principe de propriété posé par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En effet, seuls les représentants des détenteurs du capital social d'une société peuvent participer avec voix délibérative aux décisions du conseil d'administration et de surveillance. Par voie de conséquence, seuls les représentants des salariés et des actionnaires sont susceptibles de se voir accorder ce droit.
Ce texte ne doit pas être l'occasion de bâtir une nouvelle loi LME ou de revisiter l'ensemble de l'organisation des entreprises. Je comprends votre souci, madame la députée, même si je ne le partage pas. Vous avez sans doute voulu, à cette occasion, faire un « amendement témoin ». J'émets donc un avis défavorable, que vous comprendrez aisément.
(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 rectifié .
La parole est à Mme Martine Pinville.
Notre amendement propose de compléter l'alinéa 15 par la phrase suivante : « Une représentation équilibrée des femmes et des hommes est assurée dans l'ensemble des structures et des comités créés par le conseil d'administration. »
Il nous semble logique que cette représentation corresponde à la proposition de loi.
Défavorable.
Dès lors que le conseil d'administration a une représentation équilibrée, il ne faut pas ajouter des termes. Je précise que l'amendement avait déjà été rejeté en première lecture.
Défavorable, pour les raisons que j'ai expliquées précédemment.
(L'amendement n° 3 rectifié n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable pour soutenir l'amendement n° 20 .
Afin que la mesure de suspension du versement des jetons de présence aux administrateurs soit efficace et incitative, il est préférable de ne pas laisser la possibilité aux entreprises d'effectuer un rattrapage de l'arriéré depuis la suspension.
Cet amendement fragiliserait le système en place. L'intention est louable, madame Amiable, mais je ne peux émettre qu'un avis défavorable.
Ce serait, madame la députée, une mesure très injuste qui reviendrait à priver de rémunération des administrateurs qui, eux, ont été régulièrement nommés et ont fourni un travail effectif pour la société. Il est donc normal que, l'irrégularité étant supprimée, ils touchent leurs jetons de présence, ainsi que les jetons de présence pour la période pendant laquelle ils ont fourni un travail effectif pour la société.
Pour ces raisons, je ne peux pas émettre un avis favorable à votre amendement.
(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)
(L'article 1er est adopté.)
L'amendement propose simplement que les principes de la proposition de loi s'appliquent également aux statuts et à la composition du directoire.
(L'amendement n° 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous en venons à un amendement n° 21 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Il est défendu.
(L'amendement n° 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable pour soutenir l'amendement n° 23 .
L'article 2 bis A ne fait l'objet d'aucun amendement.
(L'article 2 bis A est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 35 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Il est défendu.
(L'amendement n° 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 5 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 7 .
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Cet amendement important vise à instaurer une sanction pour les entreprises qui refuseraient de négocier la mise en oeuvre de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.
En effet, la loi du 23 mars 2006 prévoit une contribution financière assise sur la masse salariale à la charge des entreprises qui n'auraient pas satisfait aux obligations d'ouverture de négociation sur les salaires.
Dans le cadre de la lutte contre les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes au sein des entreprises et à travail égal, nous proposons que soit prévue une sanction importante pour les entreprises qui n'ouvriraient pas ce type de négociation.
Défavorable.
La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites répond aux préoccupations des auteurs de cet amendement, puisque son article 99 soumet, à compter du 1er janvier 2012, les entreprises d'au moins cinquante salariés à une pénalité financière égale à 1 % de la masse salariale brute lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle prévu par l'article L. 2242-5 du code du travail ou, à défaut d'accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d'action défini dans les rapports sur la situation comparée.
Le dispositif en vigueur depuis le mois de novembre dernier satisfait l'amendement proposé ici. Il n'y a donc pas lieu d'adopter des mesures concurrentes qui viendraient contrarier la portée et l'efficacité des règles introduites il y a quelques mois dans le code du travail.
Défavorable. Le souci exprimé par Aurélie Filippetti est en effet satisfait par l'article 99 de la loi portant réforme des retraites et la pénalité financière fixée à 1 % de la masse salariale. Le décret d'application est en préparation dans les services de M. Xavier Bertrand et fait l'objet d'une étroite concertation avec les partenaires sociaux.
(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Il s'agit de lutter contre le travail à temps partiel qui, vous l'avez souligné, madame la ministre, frappe essentiellement les femmes. Il a souvent été présenté comme un temps partiel choisi, mais peut-on le considérer comme tel alors que 80 % des personnes qui travaillent sous ce régime sont des femmes ?
Notre amendement vise à soumettre à une majoration de 10 % des cotisations patronales les entreprises dont plus de 25 % du nombre total de salariés sont à temps partiel.
Nous voulons envoyer un signe fort pour lutter contre le travail à temps partiel, lequel se révèle extrêmement déstructurant pour la carrière des femmes et ne leur permet, de plus, souvent même pas de mieux organiser leurs vies. En effet, les horaires, souvent totalement éclatés, en particulier dans la grande distribution, font qu'elles sont souvent quelque peu victimes de la double peine.
Avis défavorable, même si je comprends vos préoccupations.
De plus, Mme la ministre a annoncé la tenue d'une conférence et l'organisation d'une table ronde sur le temps partiel. Cette préoccupation a toujours été celle de la Délégation aux droits des femmes. Je travaillerai, bien entendu, avec Mme la ministre sur ce sujet. Je souhaite, en effet, que des mesures contraignantes soient prises, mais pas à l'occasion de cette proposition de loi que je voudrais voir adoptée en l'état.
Je crois qu'Aurélie Filippetti a voulu tirer une sonnette d'alarme s'agissant d'un problème qui touche 82 % de femmes, lesquelles constituent le gros du bataillon du travail à temps partiel.
Cependant comprenez que cet amendement constitue une sorte de « lit de Procuste » et que les dispositions qu'il prévoit doivent être examinées avec attention. En effet il existe toutes sortes de travail à temps partiel. Ainsi, il y a une différence entre la caissière de supermarché qui passe deux fois trois heures dans sa voiture parce qu'elle travaille par obligation deux heures en début, en milieu, puis en fin de la journée et un cadre qui travaille le même nombre d'heures, mais qui a choisi le temps partiel pour des raisons personnelles. On ne peut pas mettre tout le monde à la même enseigne.
Je comprends donc l'objectif poursuivi par cet amendement. Je ne peux toutefois pas lui donner un avis favorable, car cela suppose un travail approfondi avec les partenaires sociaux. J'ai d'ailleurs demandé à Xavier Bertrand d'organiser une table ronde sur le temps partiel dans la négociation sur l'égalité professionnelle.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
(L'article 6 est adopté.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Luc Pérat, pour le groupe SRC.
Nous savons aujourd'hui que l'accroissement naturel du nombre des jeunes femmes diplômées ne suffit pas à combler l'écart de représentation dans les instances dirigeantes, comme je l'ai évoqué lors de la discussion générale. Nous constatons pourtant que les entreprises qui ont la plus forte représentation de femmes dans leur comité de direction sont aussi les plus performantes financièrement.
Cette proposition de loi fait peu de cas de l'égalité professionnelle pourtant évoquée dans son intitulé et laisse malheureusement ce champ tristement vide.
Nous avions également la possibilité d'afficher notre volonté de voir le service public se comporter de façon exemplaire dans ce domaine au moment où le Conseil économique, social et environnemental se met en place dans une mixité renforcée. On ne peut que déplorer le refus d'avancer, s'agissant des établissements publics.
Le traitement de la question du cumul des mandats engendre la déception. L'ambiguïté n'est pas possible sur ce point. Les femmes présentes dans les entreprises mesurent parfaitement l'ampleur de la tâche et veulent l'accomplir correctement.
Nous aurions souhaité que la loi rende dissuasive l'utilisation abusive du temps partiel et que les entreprises soient sanctionnées lorsqu'elles refusent de négocier la mise en oeuvre de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Nous enregistrons, cependant, l'avancée que représente ce texte qui s'appliquera aux entreprises de plus de 500 salariés et de plus de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, augmentant très sensiblement le nombre d'entreprises concernées.
Le délai de montée en charge de l'application nécessite un vote identique à celui du Sénat. C'est pourquoi le groupe SRC a décidé de voter pour cette proposition de loi tout en maintenant ses observations et préconisations.
La Délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes devra renforcer et démultiplier les initiatives et rester vigilante pour effacer toutes les disparités ressenties et évoquées.
La discussion qui s'achève n'a pas permis, nous le regrettons, de parvenir à un texte équilibré.
En matière de parité et d'égalité professionnelle et salariale, l'action de votre majorité est particulièrement décevante. Nous l'avons souligné à l'occasion de la discussion de la réforme des retraites ; nous ne cessons de le dénoncer lors des débats sur les PLFSS et vous nous donnez, avec ce texte, l'occasion de le rappeler.
En dépit de la sincérité personnelle dont a fait preuve Mme la ministre dans son intervention à l'issue de la discussion générale, nous restons pour le moins sceptiques quant aux conséquences de cette proposition. Si elle contribue – quoique de manière déséquilibrée – à faire entrer progressivement davantage de femmes dans les instances dirigeantes des sociétés, nous ne partageons pas le voeu pieux qui consiste à supposer que cette nouvelle représentation contribuera à améliorer l'égalité salariale et professionnelle dans les entreprises, loin s'en faut. Nous regrettons qu'il faille attendre 2011 pour qu'une conférence sur ces questions voie le jour, alors que de ces bancs émanent de nombreuses propositions : sanctions dissuasives pour les entreprises ayant massivement recours au temps partiel et durcissement de la loi Roudy de 1983.
Ce texte, dont nous ne nions pas l'utilité, bien que nous considérons que celle-ci est très limitée, pour les femmes dirigeantes, ne répond absolument pas, même s'il constitue un progrès, à la violente injustice à laquelle sont confrontées les femmes sur le marché du travail dans notre pays.
Vous l'avez souligné avec raison, madame la ministre, le chemin vers l'égalité est encore long et sinueux. Il sera, à notre avis, d'autant plus difficile que le Gouvernement ne décide pas de s'y attaquer avec ténacité.
Pour cette raison, notre groupe votera contre cette proposition de loi.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
L'ensemble de la proposition de loi est adopté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)
Je tenais à remercier les auteurs de cette proposition de loi, notamment la rapporteure, Marie-Jo Zimmermann, Jean-François Copé et Christian Jacob qui figure parmi les premiers signataires, et qui nous a retrouvés au cours de cette discussion.
Je remercie également le groupe SRC de nous avoir rejoints, et je regrette que le groupe GDR ne se soit pas prononcé en faveur de cette proposition de loi.
Oui, madame la députée Amiable, le chemin est encore long, mais nous devons engranger tous les progrès proposés au cours d'un débat qui a toujours été courtois et fructueux, ce dont je vous remercie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Henriette Martinez et plusieurs de ses collègues relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations (n°s 2185, 3068).
La parole est à Mme Henriette Martinez, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, mes chers collègues, la proposition de loi aujourd'hui en discussion n'est pas un texte de circonstance, même si des événements dramatiques sont malheureusement trop souvent portés à notre connaissance. Elle n'est pas, bien sûr, non plus le fruit de mon imagination, mais le résultat d'un travail d'observation. Elle est aussi une nécessité. Ce texte est l'aboutissement d'une expérience personnelle, d'une réflexion et d'observations confirmées par l'actualité.
J'évoquerai tout d'abord mon expérience personnelle. En effet, maire pendant dix-sept ans et conseillère générale pendant dix ans, j'ai, durant tout ce temps, eu l'occasion de procéder à des signalements et de suivre des enfants en danger.
Quant à la réflexion, je l'ai menée au sein de notre assemblée, en qualité de rapporteure de la loi Jacob du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance.
Cette proposition de loi est aussi le fruit du travail que j'ai réalisé, avec notre collègue Dominique Perben, alors garde des sceaux, pour l'élaboration du guide du signalement ; puis en tant que vice-présidente de la mission d'information « Famille et droits de l'enfant », qui a rendu son rapport en février 2006.
J'ai également activement participé à l'élaboration de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance et j'ai déposé la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui.
J'ai saisi Mme Nadine Morano, alors secrétaire d'État chargée de la famille, du problème de la transmission des informations d'un département à l'autre et j'ai participé, au printemps dernier, aux états généraux de l'enfance, où j'ai eu l'occasion de présenter cette réflexion et de recueillir, à cette occasion, l'approbation des associations présentes.
La proposition de loi s'inscrit dans la continuité de ce travail et les décès tragiques d'enfants confirment la nécessité de compléter la législation en vigueur : Nathan, trois ans, retrouvé en 2007, plusieurs mois après son décès survenu en août 2006 ; en janvier 2008, Enzo, trois ans ; Dylan en mars 2009, sept ans, n'est pas décédé, mais a été séquestré et gravement maltraité ; en septembre 2009, Marina, huit ans, a défrayé l'actualité. Le mois dernier encore, une fillette de sept ans, dans l'Allier, et une autre de trois ans, dans le Loiret, ont été torturées par leur mère.
La législation ne sera peut-être jamais complète pour protéger les enfants, mais nous devons avoir à coeur de l'aménager et de remédier à ses lacunes. Alors que le principe de précaution est de mise dans tous les domaines, il serait paradoxal qu'il ne bénéficie pas à nos enfants.
En 2009, le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger – le SNATED – excellemment présidé par notre collègue Patricia Adam, a transmis aux conseils généraux 9 235 informations préoccupantes, correspondant à 16 000 enfants en danger, dont 80 % se sont révélées fondées et ont réellement mérité un suivi. Je vous rappelle aussi que 265 061 mineurs sont pris en charge par les services sociaux et la protection de l'enfance.
Après avoir déposé cette proposition de loi en janvier 2010, j'ai procédé à une concertation, notamment avec les associations de protection de l'enfance, l'Assemblée des départements de France, qui réunit les présidents des conseils généraux, et recueilli l'avis positif du Médiateur de la République et celui de la commission nationale de l'informatique et des libertés. Le mois dernier, la commission des affaires sociales a apporté quelques modifications rédactionnelles au texte et, compte tenu de son arrivée rapide en séance publique, juste après l'interruption de nos travaux, j'ai de nouveau consulté la CNIL sur le texte adopté par notre commission, ainsi que la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et la caisse nationale d'allocations familiales.
La proposition de loi porte sur le signalement des enfants en danger et sur la transmission des informations préoccupantes. La loi du 5 mars 2007 a consacré le président du conseil général comme le pivot de la protection de l'enfance dans les départements. C'est au sein des conseils généraux que se sont formées les cellules de recueil des informations préoccupantes – les CRIP – qui filtrent les informations leur parvenant et diligentent les enquêtes sociales nécessaires pour vérifier la validité des situations et déterminer si les enfants sont « en danger » ou « en risque de l'être », distinction importante introduite par la loi de 2007.
En dépit de l'évolution favorable de la loi et bien que le suivi des enfants en danger soit correctement organisé grâce à la transmission des informations préoccupantes par les cellules et la coordination des professionnels de l'enfance au titre du secret professionnel partagé, il reste regrettable que, lorsqu'une famille quitte un département pour un autre, les informations ne soient pas transmises au-delà de cette frontière administrative. Outre le fait que des décrets d'application de la loi du 5 mars 2007 relatifs à la transmission des informations sont encore en préparation, certains aspects de cette question devraient être traités sur le plan législatif en vue d'une plus grande efficacité et d'une plus grande rapidité des interventions.
Si le suivi judiciaire des affaires les plus graves prévu par la loi ne soulève pas de problème, il n'en est pas de même du suivi administratif et de l'enquête sociale au stade des premières informations préoccupantes et de la première demande d'informations, de même que dans la phase de prise en charge sociale de la famille.
Ainsi, une famille peut quitter le département où elle réside lorsqu'elle se sent surveillée. Si l'enfant a de la chance, ce qui dépend bien souvent du hasard, de son environnement, du courage des personnes qui l'entourent ou de la possibilité de connaître la situation, un autre signalement peut intervenir, mais le conseil général du département d'accueil ignore qu'il y a eu un précédent, et la situation de danger pour l'enfant a, entre-temps, perduré.
Du reste, la famille peut déménager une ou plusieurs fois encore. Comme l'a rappelé Martine Brousse, directrice de l'association La Voix de l'enfant, la famille de la petite Marina, assassinée par son père, qui a dissimulé le corps dans une benne à béton, avait déménagé quatre fois, disparaissant après chaque signalement, bien que les enseignants aient fait leur travail et alerté les services sociaux, et en dépit de la convocation de Marina par la gendarmerie, où elle est malheureusement venue accompagnée de son père.
Au-delà du plan judiciaire, le suivi de ces enfants est donc également indispensable au niveau de l'enquête sociale. Sans préjuger bien sûr de ses conclusions, celle-ci doit pouvoir aller jusqu'à son terme, même en cas de déménagement de la famille, et le suivi social, le cas échéant, doit se poursuivre dans le département d'accueil.
Pour ce faire il faut donner au président du conseil général les moyens d'être véritablement le protecteur des enfants que la loi fait de lui et éviter de judiciariser toutes les affaires. Il n'est ni possible ni souhaitable de signaler à l'autorité judiciaire tous les déménagements. Or, aux termes de la loi du 5 mars 2007, lorsque les services sociaux savent qu'un enfant est réellement en danger, ils saisissent le procureur de la République, qui diligente une enquête pour retrouver la famille. Outre qu'il n'est pas possible d'envoyer les gendarmes ou la police rechercher toutes les familles concernées, cette procédure a souvent pour effet que l'on intervient trop tard si le risque est avéré.
La solution que je préconise est moins lourde : lorsqu'une famille qui fait l'objet d'une information préoccupante ou d'un suivi social change de département et disparaît sans laisser d'adresse, le président du conseil général doit pouvoir saisir les organismes servant des prestations sociales – caisse d'allocations familiales et caisse primaires d'assurance maladie – qui disposent de leurs fichiers, notamment du registre national inter-régimes des bénéficiaires de l'assurance maladie, le RNIAM, pour obtenir son adresse. Il la communique ensuite avec le dossier au président du conseil général du département d'accueil afin que celui-ci poursuive la procédure en cours, sans intervention systématique de la justice ou de la gendarmerie.
Il s'agit non pas de donner un accès direct à ces fichiers au président du conseil général, mais bien de lui permettre d'obtenir des organismes sociaux l'adresse de la famille aux seules fins de protéger les enfants. En effet, bien que chacun fasse son travail, le dispositif actuel, trop cloisonné, n'est pas satisfaisant.
Ainsi, j'ai récemment signalé un bébé qui me paraît être en danger, en expliquant que sa mère avait probablement déménagé et en indiquant le département où, selon moi, elle réside désormais. Le conseil général des Hautes-Alpes, qui a pris cette information au sérieux, m'a annoncé qu'il allait procéder à un signalement national. Cela signifie que le cas sera communiqué à tous les conseils généraux de France et que si, par hasard, on rencontre cette personne, on lui prêtera une attention particulière. C'est une bouteille à la mer, vous le comprenez.
Permettez-moi encore de citer un exemple qui illustre dramatiquement la nécessité de ma proposition de loi.
En 2006, le petit Nathan, un enfant de trois ans qui vivait dans les Alpes-Maritimes avec son père, la compagne de celui-ci et ses enfants, était régulièrement maltraité. La situation a été prise en charge par les services sociaux de ce département, qui ont fait leur travail. Lorsque la famille a soudain disparu, ces services sociaux, considérant que l'enfant était réellement en danger, ont alerté l'autorité judiciaire, qui a ouvert une information judiciaire. La gendarmerie, après avoir diligenté une enquête, a retrouvé la famille en février 2007 à Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à quelques kilomètres de chez moi. Malheureusement, Nathan n'était plus parmi les enfants de cette famille. Il s'est avéré très vite qu'il avait été battu à mort par son père et qu'il était enterré depuis août 2006. Le procès a eu lieu en juin 2010 à Digne, et c'est ainsi que j'ai découvert l'affaire.
Dans ce cas, dramatique, les procédures ont été conformes à la loi de 2007. Chacun a fait son travail, mais il était trop tard. La loi en vigueur ne permet pas d'avoir une réactivité suffisante. Si les services sociaux des Alpes-Maritimes avaient immédiatement disposé de la nouvelle adresse de la famille, sans doute aurait-on pu éviter que ce petit garçon de trois ans ne meure sous les tortures.
La proposition de loi qui vous est soumise a donc pour objet de permettre de mener à son terme, dans les meilleurs délais, l'enquête sociale ou le suivi de la famille, et de donner au président du conseil général, qui en a la responsabilité, les moyens d'assurer la protection des enfants en danger ou risquant de l'être pour pouvoir intervenir à temps. Il reviendra bien sûr à chaque département de prendre les dispositions nécessaires en fonction de ses structures et de ses pratiques.
Ce texte procède d'un principe de précaution qui, inscrit dans la Constitution pour la protection de l'environnement, doit s'appliquer aussi à la protection des enfants. À défaut de résoudre tous les problèmes, l'adoption de cette proposition de loi apportera un outil supplémentaire pour l'application de la loi de 2007 relative à la protection de l'enfance.
Je remercie tous mes collègues qui, par leur participation à ce débat et leurs propositions, ont fait avancer le texte. Réunie hier après-midi, la commission des affaires sociales a accepté plusieurs amendements fort judicieux venant de tous les bancs de l'Assemblée, ainsi qu'un amendement du Gouvernement. Ce dernier introduit l'information de l'autorité judiciaire, que je n'avais pas prévue. Ceux de mes collègues tendent à préciser explicitement que la transmission des informations n'est motivée que par la protection de l'enfant. Mme Edwige Antier et M. Bernard Gérard ont également attiré l'attention de la commission sur le rôle que doit jouer l'éducation nationale dans la prévention de la maltraitance, notamment par la communication aux services sociaux des absences scolaires des enfants suivis.
La commission des affaires sociales vous recommande donc d'adopter le texte ainsi amendé. Je ne doute pas que, sur un tel sujet, nous aurons la volonté de parvenir à un consensus et que le Sénat aura ensuite à coeur de faire aboutir rapidement cette proposition de loi dans le seul intérêt supérieur des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Monsieur le président, mesdames les députées – le partage des tâches familiales a encore du chemin à faire, car nous ne sommes pas seules à nous occuper des enfants contrairement à ce que la composition de l'hémicycle semblerait faire penser –, permettez-moi de commencer mon propos en adressant de chaleureux remerciements à Henriette Martinez.
Madame Martinez, je connais votre engagement de très longue date en faveur de la protection des plus vulnérables d'entre nous, en particulier des enfants. Votre participation très active aux états généraux de l'enfance lancés le 16 février dernier en a été un signe fort. Cette proposition de loi relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations démontre une nouvelle fois votre investissement inaltérable dans cette cause ô combien légitime et nécessaire. Vous avez évoqué des faits extrêmement émouvants, qui sont un appel à la mobilisation.
Je tiens à associer à ces remerciements l'ensemble des députés qui ont souhaité présenter cette proposition de loi, convaincus qu'il est de notre devoir d'améliorer encore et toujours notre législation pour assurer une plus grande sécurité aux enfants en danger.
Qui peut rester insensible aux drames qui se jouent dans ces familles ? Comment accepter de dire, comme certains membres de la famille ou certains voisins : « Nous aurions pu, nous aurions dû, nous n'avons rien vu... »?
Partant du constat que des familles faisant l'objet de mesures éducatives ou d'enquêtes sociales consécutives à un signalement d'enfant en danger déménagent sans laisser d'adresse, vous avez voulu compléter la législation existante.
Cette proposition vise ainsi à prévoir l'obligation pour le président du conseil général, en cas de déménagement dans un autre département d'une de ces familles, de transmettre les informations et les dossiers concernant ces enfants au président du conseil général du nouveau département de résidence et, lorsque la famille n'a pas transmis sa nouvelle adresse, de saisir les organismes qui servent les prestations sociales afin d'obtenir la nouvelle adresse et de la transmettre au président du conseil général de ce nouveau département.
L'objectif est donc bien d'assurer une meilleure transmission de l'information, pour une plus grande continuité du suivi des enfants concernés. Je partage évidemment cet objectif.
Vous le savez, la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation de la loi du 5 mars 2007 sont une priorité de mon ministère et du Gouvernement. Deux décrets d'application sont notamment prévus, l'un sur les transmissions des informations de l'enfance en danger vers les observatoires départementaux et nationaux, l'autre sur la transmission d'informations entre conseils généraux en cas de déménagement d'une famille. La publication de ce dernier est d'ailleurs prévue pour le printemps prochain, dans quelques semaines.
Dans le prolongement du second décret, des mesures sont prises pour informer les conseils généraux que, lorsque l'enfant fait l'objet d'une information préoccupante ou bénéficie d'une mesure de protection administrative et que la famille déménage sans laisser d'adresse, il y a lieu, si un danger est identifié, de saisir l'autorité judiciaire.
Toujours dans ce sens, une circulaire préparée par le ministère de la justice est en cours de finalisation, pour informer les parquets sur ces situations et leur rappeler les principes de procédure à appliquer lorsque des familles se soustraient aux mesures judiciaires. Ils sont en particulier invités à décliner toutes les possibilités d'investigation dont ils disposent pour rechercher la nouvelle adresse de la famille d'un mineur en danger.
Vous le voyez, un dispositif existe déjà. C'est à son efficacité que nous devons tendre. L'un des gages de l'efficacité est la cohérence. Aussi, me semble-t-il important d'examiner votre proposition de loi à la lumière de ce qui existe, pour essayer de gagner encore en cohérence, donc en efficacité.
En ce sens, je vous proposerai un amendement en deux parties : la première vise à préciser les situations dans lesquelles cette transmission d'informations doit se faire et renvoie au décret d'application en cours de publication que je viens de mentionner ; la seconde met en complémentarité la saisie des services de prestations familiales avec celle des autorités judiciaires instituée par le droit actuel. J'y reviendrai bien entendu au cours de la discussion.
C'est dans un même souci de cohérence et d'efficacité que j'ai examiné les différents amendements proposés par certains d'entre vous.
J'ai ainsi été très attentive aux amendements n°s 3 , 4 , 7 et 8 , déposés notamment par Mme Pinville, Mme Adam et M. Mallot, et par Mme Fraysse, Mme Billard, M. Muzeau et M. Gremetz, c'est-à-dire par le groupe SRC et par le groupe GDR. Inutile de préciser que le Gouvernement est bien entendu favorable sur le fond à ces propositions. Il paraît indispensable, en effet, que les modalités d'échange d'informations entre conseils généraux ainsi que les conditions de transmission de ces informations soient organisées par décret et à la seule fin de poursuivre la mission de protection de l'enfance, afin d'assurer notamment la sécurité et l'efficacité des échanges. J'y serai néanmoins défavorable dans la mesure où l'amendement du Gouvernement réécrit l'article dans le sens que vous souhaitez.
Madame Antier, nous rejoignons bien entendu votre position sur le rôle fondamental de l'école dans le signalement d'un éventuel danger, mais la solution que vous préconisez dans votre amendement est en régression par rapport au texte actuel puisque, en cas d'absentéisme scolaire, l'école est tenue de transmettre sans délai une information qu'elle juge préoccupante à la cellule de recueil, traitement et évaluation des informations préoccupantes. On pourrait peut-être mobiliser les enseignants, mais la disposition que vous préconisez va moins loin que le droit actuel. J'y serai donc défavorable.
Il en est de même pour l'amendement n° 11 présenté par M. Gérard, puisque la proposition que nous examinons et l'amendement du Gouvernement garantissent le suivi éducatif des jeunes mineurs.
L'amendement n° 5 de Mme Pinville, Mme Adam, M. Mallot et les membres du groupe SRC – c'est un peu le thème de la discussion que nous avions tout à l'heure sur l'égalité professionnelle –, n'est pas en lien avec l'objet de cette proposition de loi. Aussi y suis-je également défavorable. Je pense qu'il s'agit plutôt d'un amendement d'appel.
Enfin, sur les amendements n°s 6 et 10 , j'émettrai un avis défavorable pour les mêmes raisons. La question n'a pas fait l'objet de concertation auprès des partenaires institutionnels et elle excède vraiment l'objet de cette proposition de loi.
La discussion, je n'en doute pas, sera ouverte et dense, et nous permettra, chère Henriette Martinez, de donner davantage corps aux initiatives existantes. L'ensemble qui ressortira de notre débat viendra enrichir un système de protection de l'enfance auquel je crois que nous sommes toutes et tous extrêmement attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la rapporteure, madame la ministre, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est par essence d'une extrême importance par le sujet même qu'elle aborde : la protection de l'enfance et le suivi d'un enfant lorsque la famille change de département, et ce dès qu'un signalement est intervenu. J'estime, pour ma part, que ce type de sujet doit être traité avec la plus grande attention, mais une seule question doit être au centre de nos réflexions : comment améliorer l'arsenal législatif pour assurer une meilleure protection des enfants ?
Cette proposition de loi nous propose de conférer au président du conseil général la possibilité d'obtenir la nouvelle adresse d'une famille qui a changé de département et dont un enfant a fait l'objet d'un signalement, afin qu'il la transmette à son homologue du département d'accueil. Permettez-moi de préciser à cet instant que, dans le cas où le parquet est saisi, celui-ci a les moyens de localiser la famille, de se dessaisir au profit du juge du lieu de la nouvelle résidence et d'en informer les présidents des conseils généraux de l'ancienne et de la nouvelle résidences. En droit, la continuité est assurée.
Dans tous les cas, la liberté des familles d'aller et venir ne doit pas être entravée ; c'est un principe constitutionnel. Cependant, le principe de précaution et de protection doit primer ; je pense que nous en sommes tous d'accord.
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance en a confié la responsabilité au président du conseil général. Alors que nous débattons aujourd'hui de la possibilité d'élargir le champ des compétences dévolues à ce dernier, il est surprenant que tous les décrets n'aient pas encore été pris, certains étant même en cours de rédaction, en concertation avec l'assemblée des départements de France et l'office national de l'enfance en danger.
J'insiste sur ce point, madame la ministre. Vous avez indiqué que le décret serait publié. Je vous crois, bien sûr, mais il est important que vous nous rassuriez sur cette publication et sur le contenu du décret, comme vous avez commencé à le faire.
Par ailleurs, le fait que cette proposition de loi ne prévoie pas de référentiels nationaux, et ne confère donc pas d'outils nouveaux aux départements, lui donne une portée insuffisante. Peut-être serait-il opportun, par exemple, d'établir une grille déterminant les informations à communiquer en fonction du signalement, car il n'est pas forcément nécessaire de transmettre l'ensemble des informations dans toutes les situations.
Il me paraîtrait également important – vous le faites sans doute déjà – de travailler avec les juges, qui interviennent dans 80 % des situations.
Afin de pouvoir transmettre des informations relatives à une famille qui a fait l'objet d'un signalement, le président du conseil général se verra confier la mission d'interroger les organismes qui délivrent les prestations sociales, caisses d'allocations familiales et caisses primaires, par le biais de la saisine du répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l'assurance maladie, et de faire parvenir la nouvelle adresse et les éléments relatifs au signalement au président du conseil général du département d'accueil.
Il serait peut-être utile d'établir une première distinction entre une situation d'accompagnement acceptée par la famille, ce qui est le cas pour un certain nombre d'entre elles, et celui où la famille ne participe pas. Face à cette seconde hypothèse, soit le danger est avéré, et le cas relève d'une protection judiciaire, soit il ne l'est pas, et il faut alors évaluer chaque situation de manière particulière.
Si le danger est avéré, il me semble que le rôle central doit être tenu par l'institution judiciaire, qui est – je pense que nous en sommes tous d'accord – un pilier de notre État de droit. Il faut donc que celle-ci bénéficie de moyens en adéquation avec la rapidité d'intervention que nécessitent les situations d'urgence, la protection des enfants en danger. Il faudra également que les conseils généraux aient les moyens d'assurer pleinement leurs compétences dans ce domaine.
Voilà, par ces quelques mots, la contribution que je souhaitais apporter à nos débats. J'espère que nous obtiendrons au cours de cette séance un certain nombre de précisions.
Madame la ministre, chères collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui se fixe pour objectif de mieux protéger les enfants dont les familles font l'objet d'une enquête sociale, en garantissant la poursuite de cette enquête jusqu'à son terme. Pour cela, le président du conseil général serait chargé de transmettre, en cas de déménagement, les données concernant ces enfants à son homologue du département où s'installe la famille.
Puisque, bien souvent, les ménages concernés ne laissent pas d'adresse, le président du conseil général de départ aurait la possibilité de saisir la caisse primaire d'assurance maladie ou la caisse nationale d'allocation familiale afin de les localiser, pour ensuite transmettre les données dont il dispose au président du conseil général du département d'accueil. Sur le fond, nous ne pouvons qu'approuver cette démarche, qui va dans le sens d'un meilleur suivi des enfants et pourra sans doute éviter des drames.
Néanmoins pour que ce dispositif soit efficace, encore faut-il en définir précisément les contours et dégager les moyens nécessaires à son bon fonctionnement. L'ambiguïté de ce texte ne se trouve donc pas dans son contenu mais plutôt dans ces « oublis », directement liés au contexte plus global du désengagement de l'État des politiques de protection de l'enfance et de la jeunesse.
En tout état de cause, la procédure mérite d'être affinée, au moins sur deux points : tout d'abord, pour garantir, la confidentialité des données sur les personnes, en appliquant la règle du « secret professionnel partagé » et en fixant des critères objectifs permettant de lister les enfants concernés ; ensuite pour définir les responsabilités de chacun, à commencer par celles du président du conseil général et des organismes de sécurité sociale qui seront saisis. Savons-nous bien jusqu'où iront ces responsabilités en cas de dysfonctionnement ? Qui, dans les services départementaux, sera chargé d'assurer le suivi des enfants, et quels moyens seront dégagés pour ces tâches nouvelles ?
De ce point de vue, il est à noter que l'assemblée des départements de France a fait des propositions pertinentes, par exemple l'élaboration d'un décret d'application sur la base d'un avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés, propositions que nous avons reprises dans nos amendements et dont le Gouvernement a d'ailleurs tenu compte dans la nouvelle rédaction qu'il nous propose aujourd'hui.
Par ailleurs, je ne vois aucune trace d'une quelconque réflexion sur les moyens financiers et humains qu'il faudrait mettre à disposition pour s'assurer de l'efficacité de ce dispositif. Cela est d'autant plus préoccupant que les exemples du désengagement de l'État ne manquent pas en matière de protection de l'enfance.
Avec la réforme des collectivités territoriales et le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, je ne suis pas certaine que les départements et les caisses d'allocation familiales ou d'assurance maladie puissent absorber une nouvelle charge de travail. Les transferts de compétences vers les départements se multiplient alors que les moyens de ceux-ci, financiers comme humains, s'amenuisent. L'État se défausse et ce sont les jeunes citoyens qui en pâtissent.
Je tiens à rappeler que l'article 27 de la loi du 5 mars 2007 prévoyait la création d'un fonds national de protection de l'enfance, dont la gestion devait être confiée aux départements. Ce fonds devait être abondé par la CNAF et par un versement annuel de l'État. Si la CNAF a d'ores et déjà provisionné plus de 30 millions d'euros à cet effet, l'État est aux abonnés absents, une fois de plus. Peut-être allez-vous nous rassurer sur ce point, madame la ministre ?
L'actualité nous confirme ces choix d'orientation, avec la suppression du Défenseur des enfants, dont nous venons de débattre. Les missions de ce dernier seront dorénavant diluées parmi les multiples attributions du Défenseur des droits, qui devra partager son temps et son attention entre les victimes de brutalités policières, les contribuables en conflit avec le fisc, les personnes rencontrant des difficultés avec une administration quelconque, les victimes de discrimination...
Comme le Gouvernement l'a fait à maintes reprises, notamment en remettant en cause les ordonnances de 1945, cela constitue, encore une fois, la négation des particularités de la personne humaine au stade de son évolution qui s'appelle l'enfance. Vous niez cette spécificité et ces problématiques propres, qui, jusqu'ici, étaient reconnues, notamment par l'existence du Défenseur des enfants.
De plus, en focalisant sur les cas de maltraitance, c'est-à-dire sur les responsabilités individuelles des membres de la famille, vous éludez la question fondamentale de notre responsabilité collective, liée à la violence subie par les enfants en raison de leurs conditions de vie et de celles de leurs parents. Or, s'il est indispensable d'intervenir auprès des adultes qui maltraitent les enfants et de combler les failles qui, dans notre législation, leur permettent d'échapper à leurs responsabilités, il est tout aussi essentiel de s'attaquer à ce qu'a décrit Mme Dominique Versini dans son ultime rapport, à savoir la violence sociale causée par la précarité, les difficultés d'accès à la santé, le « mal-logement ».
Je rappelle que deux millions d'enfants vivent aujourd'hui en France sous le seuil de pauvreté. Comment suivre une scolarité normale, comment se construire dans un équilibre familial et personnel lorsque l'on est entassé dans des appartements trop petits, insalubres, ou ballotté d'hôtels en foyers d'hébergement ? Chez ces enfants, explique Mme Versini, l'impact d'une expulsion peut être comparé à celui d'une guerre.
Il s'agit bien ici d'une responsabilité collective, particulièrement celle du Gouvernement qui, selon la Défenseure des enfants, « n'a pas la volonté politique » de faire appliquer la loi SRU par toutes les communes de plus de 5 000 habitants. C'est ce que nous ne cessons de réclamer depuis que la loi a été adoptée, il y a dix ans. Je rappelle, par exemple, que, dans un département comme les Hauts-de-Seine, sur trente-six communes, quatorze sont toujours hors-la-loi.
Alors on peut, bien sûr, s'attacher à mieux dépister et « pister » les familles défaillantes – encore une fois, nous soutenons cette volonté –, mais la lecture de ce constat sévère, jointe au désengagement financier de l'État et à la suppression du Défenseur des enfants, nous inquiète. Il est évident que vous ne lutterez pas contre les dangers auxquels sont exposés les enfants en vous contentant de mieux signaler les parents « maltraitants » d'un département à l'autre.
C'est pourquoi ce texte, auquel nous ne sommes évidemment pas opposés, nous paraît réducteur et cache mal le désengagement de l'État en matière de protection de l'enfance. Il sera sûrement inefficace, compte tenu des choix que vous faites par ailleurs et qui influent sur les situations sociales des familles. Les déclarations de bonnes intentions ne suffisent pas pour répondre aux enjeux fondamentaux de la protection de l'enfance. Les clignotants sont aujourd'hui au rouge en la matière.
En tout état de cause, nous ne saurions adopter la proposition de loi en l'état. Des précisions sur la procédure doivent impérativement être apportées. Nous espérons que le débat le permettra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, pour nous tous, élus de terrain, qui sommes malheureusement régulièrement confrontés à des situations difficiles, la protection de l'enfance en danger est un domaine d'action prioritaire. Nous nous y attelons avec détermination car nous avons le devoir d'être exigeants, en visant un suivi optimal pour une protection la plus efficace possible.
Pour cela, la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l'enfance a mis en avant la notion de « projet pour l'enfant », visant à assurer la continuité des interventions auprès des enfants en danger, depuis l'étape du signalement et de la première mesure de protection jusqu'à l'accompagnement des jeunes au moment de leur sortie du dispositif. C'est une grande avancée.
Cette loi a également prévu l'élaboration de protocoles départementaux définissant la notion d'« information préoccupante » qui déclenche les mesures de prise en charge en assurant la cohérence et l'articulation des interventions des différents partenaires.
La proposition de loi de notre collègue Henriette Martinez, dont je salue le travail et l'expertise, vient préciser les conditions de transmission de l'information préoccupante entre départements afin de faciliter le travail des services sociaux.
En effet, la loi de 2007 reconnaît le président du conseil général comme l'élément central de la protection de l'enfance dans le département. Des cellules de recueil des informations préoccupantes ont été mises en place à ses côtés pour traiter les informations et diligenter les enquêtes sociales nécessaires au suivi de l'enfant.
À l'aune de la mise en oeuvre de ces nouvelles mesures, on observe que, si la transmission des informations, notamment avec les professionnels de l'enfance qui rentrent dans le secret partagé, fonctionne bien au sein du département, celle-ci devient difficile lorsque la famille déménage et change de département, voire s'achève totalement faute d'informations lorsque la famille ne laisse pas d'adresse.
C'est malheureusement souvent dans ce genre de situation que les enfants se retrouvent dans le plus grand danger, car certaines familles souhaitent délibérément échapper aux services sociaux. Ces cas de figure ne sont pas rares, et vous en avez cité quelques-uns, madame la rapporteure. De nombreux exemples tragiques d'enfants qui ont perdu la vie dans des conditions atroces dans le cadre familial en témoignent. Dans ce cas, Mme la rapporteure a parlé à juste titre d'une véritable frontière administrative : la localisation de l'enfant est perdue et le suivi est suspendu.
Nous en convenons tous, mettre fin à cette frontière administrative est essentiel. Cela relève de notre devoir d'assistance aux enfants en danger qui ont été signalés et qui sont donc connus des services du département.
Le premier alinéa de l'article unique de la proposition de loi, en rendant systématique la transmission d'informations entre les présidents des conseils généraux en leur qualité de responsables de la protection de l'enfance favorise ainsi le décloisonnement des structures.
Le deuxième alinéa qui donne la possibilité au président du conseil général de départ, lorsque l'adresse de la famille suivie n'est pas connue, de saisir les organismes de prestations sociales aux fins d'obtenir la nouvelle adresse dans un délai de dix jours, adresse qu'il communiquera au département d'accueil, est primordial. Par cette procédure simple et plus rapide, il sera désormais possible de faire face concrètement à l'urgence devant laquelle on se trouve dans certaines situations particulièrement dramatiques, car, on le sait bien, le temps est un facteur essentiel dans ces dossiers.
Chaque enquête sociale pourra ainsi plus facilement aller jusqu'à son terme, ce que ne permettait pas toujours la loi dans sa rédaction actuelle, et le travail considérable conduit sur le terrain par les services sociaux et judiciaires en sera facilité par ces nouveaux outils donnés au président du conseil général.
Je tiens à associer à ces propos mon collègue Bernard Gérard qui a également beaucoup travaillé sur ces sujets difficiles. Il regrette beaucoup, madame la ministre, de ne pouvoir intervenir ici, aujourd'hui, comme il l'avait prévu. Il m'a chargé d'appeler votre attention sur l'amendement qu'il a déposé. Il propose, lorsque l'enfant fait l'objet d'une mesure éducative ou est suivi pour absentéisme, de permettre au président du conseil général d'accueil de transmettre également les informations dont il dispose aux autorités académiques.
Son objectif serait d'inclure le rectorat qui est également à même de recueillir et de transmettre des informations sur l'enfant en danger ou risquant de l'être, et il souhaitait connaître votre avis sur cette proposition.
En conclusion, nous apportons aujourd'hui une nouvelle pierre, peut-être un peu technique mais déterminante, à l'édifice de la protection de l'enfance. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP apportera tout son soutien à ce texte d'importance qui conforte l'action menée par le Gouvernement et les conseils généraux en faveur des enfants en détresse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre – comme c'est agréable de pouvoir dire « madame la ministre » ! – les situations qui ont été mentionnées par tous et qui ont été décrites en partie par Mme Martinez sont intolérables et il est clair que, dans ce domaine, nous n'avons pas droit à l'erreur. La vigilance de chaque citoyen est nécessaire et l'organisation de nos instances doit être exemplaire et sans faille. Cependant il n'est pas bon de légiférer dans l'émotion.
Nous avons voté, en 2007, la loi réformant la protection de l'enfance à la quasi-unanimité. Il convient de souligner qu'un important travail avait été réalisé alors par Philippe Bas. Le groupe socialiste ainsi que le groupe communiste et républicain s'étaient abstenus en raison de la question du financement du fonds de protection de l'enfance sur lequel nous avions quelques inquiétudes. Malheureusement, ces inquiétudes étaient fondées puisque, alors que les départements consacraient près de 6 milliards à la protection de l'enfance en 2008, le fonds était doté de 7 millions seulement.
Une fois de plus, le Gouvernement a, à travers cette loi, augmenté les charges des départements en créant de nouveaux dispositifs et transféré des compétences qu'il assumait. Je pense en particulier aux actions civiles de la protection judiciaire en faveur des jeunes, plus particulièrement des jeunes majeurs, dont les budgets ont considérablement augmenté.
Parce que cette loi constituait une avancée pour la protection des enfants en danger ou en voie de l'être, la quasi-totalité des départements l'ont mise en oeuvre. En tant que présidente du groupement d'intérêt public pour l'enfance en danger dans lequel les services de l'État sont représentés ainsi que l'ensemble des départements et les grandes associations de protection de l'enfance, je peux témoigner que les dispositifs des cellules des informations préoccupantes fonctionnent. Des rencontres ont lieu et des colloques sont organisés. La circulation des informations préoccupantes entre le 119, le numéro gratuit pour les enfants, et les départements entre eux, se fait dans d'excellentes conditions, même si le dispositif est perfectible.
De même, une harmonisation a été opérée entre les observatoires départementaux et le niveau national. Les conventions qui règlent les dispositions de transmission d'informations entre les différents acteurs – éducation nationale, PJJ, gendarmerie, police – fonctionnement bien.
Les départements respectent donc la loi. Ils améliorent, à travers ces dispositifs, la connaissance des situations. À cet égard, je ne peux que regretter que les décrets d'application tardent à paraître, ce qui a justifié la proposition de loi de Mme Martinez. Comme les professionnels du GIPED que je préside ont participé à l'élaboration des décrets, je sais que le travail est prêt, qu'ils ont été rédigés dans la concertation avec les différentes instances et que les décrets pourront rapidement entrer en application, ce que Mme la ministre vient de confirmer.
Je m'interroge cependant sur l'inversion législative. Je ne suis pas sûre qu'un texte de loi était nécessaire. Un décret aurait largement suffi, ce qui nous aurait permis de gagner du temps. On dit souvent qu'il y a beaucoup trop de lois, ce qui est vrai et particulièrement dommage.
Cela étant, la médiatisation de cette loi m'inquiète. J'avoue être toujours gênée de voir dans les médias ou dans la presse – je pense en particulier à un documentaire, sorti il y a peu de temps et qui a été initié par l'association La Voix de l'enfant – des reportages sur des situations dramatiques comme la mort, la séquestration ou la torture d'enfants. On voit toujours l'aspect médiatique, sans considérer l'ensemble d'une situation. Cela met en accusation tous les acteurs, qu'il s'agisse de l'État, des départements ou des professionnels de l'enfance.
Les services des conseils généraux, comme ceux des associations de protection de l'enfance et des différents ministères concernés ne contestent pas la validité de ces situations, mais, contrairement à ce que j'ai entendu, je tiens à indiquer que très peu de familles connues et suivies déménagent sans laisser d'adresse. Il s'agit de cas exceptionnels et, dans beaucoup de départements de tels cas n'existent pas. Les dossiers ne sont jamais classés, jamais oubliés ; ils sont toujours dans les services. L'attention constante portée par les différents professionnels à l'intérêt de l'enfant le démontre tous les jours. D'ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ?
Les rares cas qui existent sont signalés au procureur ; l'amendement proposé par le Gouvernement à ce sujet va dans le bon sens. En effet, le procureur est le seul capable de pouvoir intervenir rapidement en utilisant tout ce qui est en sa possession pour retrouver ces familles.
De la même façon, il existe depuis près de trente ans une cellule qui est une procédure de signalement national et qui fonctionne, même si, je le reconnais, elle nécessite une évolution législative.
La seule façon de protéger un enfant, c'est le placement. Il n'y a pas d'autre solution. Malheureusement, on a vu que, dans les exemples dramatiques que vous avez cités, les enfants n'ont pas été placés. Du reste, ces cas relèvent plus de défaillances. Sont-elles humaines ou administratives ? Je ne porterai pas de jugement sur ce point. En tout cas, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une défaillance des textes législatifs.
J'en viens aux informations préoccupantes transmises par le GIP Enfance en danger.
Beaucoup d'entre elles sont suivies d'effets en matière d'accompagnement. Ainsi, sur les 391 000 appels reçus par le GIPED entre le 1er janvier et le 30 septembre 2010, 15 000 ont fait l'objet d'une aide immédiate du 119 et seulement 7 000 ont été suivis d'une transmission aux départements ; plus de 80 % d'entre elles ont ensuite donné lieu à une mesure. En 2008, 3 900 appels avaient été transmis à un département, ce qui veut dire que les chiffres ont pratiquement doublé. Je le souligne pour montrer l'efficacité du dispositif des cellules d'informations préoccupantes prévu par la loi de 2007, et réalisé en lien avec le 119 mais aussi avec les départements, la qualité du travail fourni par les différents acteurs et leur bonne coordination.
J'en viens à la question de la frontière administrative.
Nous venons d'examiner un projet de loi sur le Défenseur des droits. Or son article 27 nie le département dans sa compétence en matière de cellules d'informations préoccupantes, considérant que les collectivités locales pourraient l'assurer. Il faut être très vigilant sur ce point, car il ne serait pas bon de transférer la cellule des informations préoccupantes à des communautés de communes car l'échelon n'est pas suffisant. Cela ne ferait que compliquer ce que souhaite Mme Martinez, à savoir la transmission entre départements.
Nos amendements entendent corriger le texte sur différents points auxquels Mme la ministre a répondu très favorablement, qu'il s'agisse d'un décret pris après avis de la CNIL, de l'absence de différenciation entre les procédures administratives et judiciaires, de l'obligation pour les présidents de conseil général de transmettre ces informations au procureur de la République et, bien sûr, au juge pour enfants s'il a déjà connaissance de ces situations. Le groupe SRC appréhende de façon très positive l'amendement que le Gouvernement a déposé puisqu'il va dans le bon sens.
Je remercie les différentes oratrices – je me permets d'employer le féminin – ainsi que Mme la rapporteure et les félicite pour la très haute tenue de ce débat.
Je souhaite rassurer Mme Pinville : le décret sur les transmissions vers les observatoires sera pris sous dix jours. Quant à la transmission entre conseils généraux, le retard de la publication du décret n'est pas de notre fait ; il est imputable à la saisine de la CNIL, saisine que je ne saurai au reste condamner : chaque fois qu'un fichier est établi, la défense des libertés publiques s'impose. Je m'engage en tout cas à publier le décret au mois de mars. Quelques jours seront donc nécessaires à l'entrée en vigueur de la première disposition et quelques semaines pour la seconde.
Je précise à l'attention de Mme Amiable que l'engagement du Gouvernement en matière de politique familiale demeure intact. Depuis 2007, les budgets consacrés à la politique familiale sont passés de 4,5 % à 5,2 % du PIB. La France est sans doute l'un des pays au monde qui consacre les sommes les plus importantes à la politique familiale ; on ne peut donc pas parler de désengagement de l'État, bien au contraire.
Mmes Pinville, Amiable, Adam m'ont interpellée sur le fonds national de financement de protection de l'enfance.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, j'avais émis le souhait que l'État abonde ce fonds à hauteur de 10 millions d'euros. C'est désormais le cas, madame Amiable. Sur le premier versement de 10 millions d'euros pour 2010, 7 millions seront consacrés à la compensation et 3 millions à l'appel à projet. Nous surveillons ce processus avec grand soin. Je précise qu'il ne revient pas aux conseils généraux de s'en occuper mais bien au comité de gestion, à la différence de ce que vous avez déclaré.
Je remercie enfin Cécile Dumoulin pour le soutien qu'elle a apporté à la très intéressante proposition de loi d'Henriette Martinez.
Merci, madame la ministre, des précisions que vous venez d'apporter et qui répondent à nos attentes.
J'ai conscience, madame Pinville, que la proposition de loi ne constitue qu'un outil pour compléter la loi du 5 mars 2007. Les dispositions absentes du présent texte figureront dans les décrets d'application que prépare le Gouvernement. Il restera cependant toujours à faire tant qu'un enfant sera victime de violences.
Je n'adhère pas à l'idée, madame Amiable, que les violences ne concernent que les familles pauvres et que l'on pourrait établir une relation entre pauvreté et maltraitance, même si je conviens bien que le facteur social peut se révéler aggravant. Des enfants sont maltraités dans des familles aisées.
Eh oui !
J'indique à Mme Dumoulin qui a souligné l'importance du secret partagé et l'importance du facteur temps, que je partage tout à fait son point de vue et que si nous avons bien travaillé sur la question du secret partagé – nous avons obtenu des résultats positifs –, le facteur temps peut encore être amélioré dans la transmission de l'information ; c'est l'objet de ce texte.
J'entends rassurer Mme Adam, à laquelle me lie, sur le sujet qui nous occupe, une grande complicité, des convictions communes : cette proposition ne relève en rien de l'émotion, elle ne s'appuie pas sur un fait divers mais elle est le fruit d'une longue observation. J'ai commencé de réfléchir sur la question quand j'ai été élue maire en 1991, c'est-à-dire il y a déjà bien longtemps, question qui avait du reste été posée par la mission « Famille et droits de l'enfant ». Les organismes sociaux avaient alors répondu qu'ils ne disposaient pas des fichiers nécessaires pour fournir les informations demandées, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
Aussi cette proposition n'obéit-elle pas à l'émotion mais s'inscrit-elle dans la continuité d'anciennes préoccupations dont une dramatique actualité – qui ne survient certes pas tous les jours – montre malheureusement l'urgence. Les commentateurs soulignent du reste que certaines familles concernées sont contraintes de déménager ; il est alors trop tard.
Je salue le travail réalisé par les nombreux conseils généraux – seulement 20 % d'entre eux n'y ont pas encore procédé – qui ont mis en place une cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes. Je salue également l'implication des conseils généraux qui permet d'améliorer les situations.
Enfin, s'est posée la question de savoir si les dispositions que nous examinons sont d'ordre législatif ou réglementaire.
À l'issue de la concertation que j'ai menée, toutes les observations faites par l'ADF et par la CNIL – qui refuse de recourir à des fichiers, fût-ce de façon indirecte, si la loi ne l'y autorise pas – vont dans le même sens : la consultation des fichiers par des organismes sociaux aux fins de transmettre les adresses des familles ne peut être autorisée que par la loi ; je pense notamment au répertoire national interrégimes des bénéficiaires de l'assurance maladie.
Il est temps de vous acheminer vers la conclusion, madame la rapporteure.
Si le texte prévoit une procédure judiciaire pour retrouver les familles, je ne crois pas qu'il soit utile de judiciariser tous les dossiers.
Enfin, vos amendements ont été acceptés par la commission.
La discussion générale est close.
Madame la ministre, mes chers collègues, la séance sera levée à vingt heures. Il reste un article unique à examiner. Si vous souhaitez que ce texte soit adopté avant la fin de la présente séance, il faudrait penser à abréger vos interventions.
J'appelle l'article unique de la proposition de loi, dans le texte de la commission.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 12 .
L'adoption de cet amendement devrait utilement faire tomber un certain nombre d'autres amendements.
J'invite donc les députés à l'adopter, afin d'écourter la séance. (Sourires.)
L'amendement du Gouvernement tient compte de certaines interpellations et vise à mettre en cohérence plusieurs dispositions avec le code de l'action sociale et des familles qui indique que les conditions dans lesquelles les services de l'aide sociale à l'enfance des départements accèdent aux demandes de renseignement sont déterminées par voie réglementaire.
Le Gouvernement vous propose de modifier le premier alinéa de l'article unique en prévoyant qu'un décret en Conseil d'État précisera les conditions d'application de cette transmission d'informations. En outre, pour éviter les redondances et les incohérences, l'amendement vise à abroger l'actuel article L. 221-3 du code de l'action sociale et des familles, pour le remplacer par le premier alinéa de l'article unique amendé.
En ce qui concerne le deuxième alinéa, il n'opère, dans sa rédaction actuelle, aucune distinction entre les situations administratives et judiciaires selon qu'il existe un danger ou un risque de danger du fait de l'interruption de la prise en charge. Or la prise en compte de ces situations est essentielle car elle seule peut justifier le recours ou non à des mesures contraignantes. Il vous est donc proposé de modifier le deuxième alinéa de l'article unique de façon à reprendre la distinction introduite par la loi du 5 mars 2007 entre les situations dans lesquelles l'interruption de la prise en charge provoque un danger ou un risque de danger pour l'enfant concerné d'une part et, d'autre part, les autres situations.
Voilà qui devrait nous permettre de mettre en cohérence plusieurs observations et d'alléger la discussion.
La commission est favorable à cet amendement et moi aussi à titre personnel. Je n'avais pas prévu le cas de la transmission à l'autorité judiciaire dans la mesure où plusieurs associations m'avaient fait part de leur souhait de bien séparer les procédures administratives et judiciaires. Néanmoins, si vous souhaitez intégrer cette transmission dans le texte et si c'est dans le but d'aboutir à une meilleure efficacité, je ne saurais m'y montrer hostile.
Je souhaite simplement savoir si la rédaction proposée permettra au président d'un conseil général de saisir l'autorité judiciaire et, en même temps, de s'adresser aux organismes sociaux pour consulter les fichiers. Si les deux actions peuvent se conjuguer, on concourra efficacement à la protection de l'enfant par l'autorité judiciaire dans le cas où le danger est avéré, mais aussi à la recherche rapide de la famille, ce qui me paraît nécessaire tant les procédures judiciaires peuvent se révéler longues.
Tout à fait !
Les députés du groupe SRC approuvent l'amendement présenté par le Gouvernement. Il reprend d'ailleurs, sur le fond, les nôtres qui insistent sur l'importance de l'autorité judiciaire et sur l'obligation de sa saisine par les présidents de conseil général. En outre, l'amendement reprend les dispositions de la loi de mars 2007 en distinguant les mesures administratives et les mesures judiciaires et il renvoie à un décret après avis de la CNIL.
Nous y sommes donc, j'insiste, très favorables et, pour gagner du temps, comme vous nous le demandez, monsieur le président,…
…nous ne défendrons pas nos amendements qui, de toute façon, tomberont après l'adoption de celui du Gouvernement.
L'amendement du Gouvernement répond aux préoccupations des députés du groupe GDR et son adoption fera également tomber nos amendements nos 7 et 8 qui tendaient à préciser la population concernée, à prévoir un décret après avis de la CNIL, à spécifier que seules les missions de protection de l'enfance peuvent justifier une transmission des données.
Le Gouvernement satisfait aussi un autre de nos amendements, tout à fait légitime quand l'on constate que celui présenté par M. Gérard étend le partage des données à la question de l'absentéisme scolaire.
L'amendement gouvernemental répond également à la question de la responsabilité du président du conseil général en rendant facultative la saisine des organismes de sécurité sociale et la transmission des données dans le cas où le président du conseil général ne bénéficie pas de la nouvelle adresse. Sa seule obligation est de saisir l'autorité judiciaire. Quel sera toutefois le rôle de cette dernière dans le suivi des enfants des familles bénéficiant uniquement de prestations à caractère social ? N'induit-on pas par là d'emblée une mesure judiciaire pour des familles qui n'en font pas l'objet au moment de leur déménagement ?
La saisine de l'autorité judiciaire permet l'investigation pour trouver l'adresse, elle ne remplace pas les autres éventuelles mesures judiciaires de poursuites dans le cadre d'une démarche de recherche en responsabilité sur les violences exercées sur les enfants.
L'effort consenti par Mme Martinez, par Mme la ministre et par vous toutes pour enfin permettre une sorte de « traçabilité » des enfants me paraît remarquable. En même temps, on peut se demander pourquoi, dans les crèches, on note les dates de limite de consommation inscrites sur les couvercles des petits pots, que l'on garde pendant six mois, alors qu'on ne peut pas suivre le trajet d'un enfant.
Je vous demande, madame la ministre, d'ouvrir un carnet de santé et vous allez découvrir que les lois que vous avez fait adopter, vous ou vos prédécesseurs, dans les années soixante-dix…
Ah non, ce n'était pas moi, tout de même ! (Sourires.)
…et quatre-vingts, obligent toutes les PMI et les CAF à recueillir des certificats que le médecin doit remplir à huit jours, à neuf mois, à deux ans.
On pourrait même les prolonger. Il suffit d'entrer les données dans un ordinateur et de cocher des cases.
Ainsi, on avait installé le suivi des enfants. Quand j'étais pédiatre, il y a vingt ans, si la famille n'avait pas apporté ces certificats, on les lui réclamait. Aujourd'hui, ils pourrissent dans tous les carnets de santé. Les médecins ne les remplissent pas, puisqu'on ne les demande pas. On s'est donc privé d'un outil qui fonctionnait très bien, qui marchait tout seul, et qu'il faudrait au contraire prolonger. Cela servirait la traçabilité que vous essayez de mettre en oeuvre. Je pense que l'on détecterait ainsi beaucoup plus d'enfants en danger, parce qu'ils seraient obligés d'aller consulter, soit auprès de la PMI soit auprès de leur médecin. Le système pourrait même être informatisé.
(L'amendement n° 12 est adopté.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour soutenir l'amendement n° 9 .
Cet amendement conditionnera notre vote. Il concerne le fonds national de financement de la protection de l'enfance, et son abondement par le Gouvernement.
Vous venez de nous dire, madame la ministre, que l'État avait débloqué 10 millions d'euros, après avoir été condamné à abonder ce fonds.
Non, je vous arrête tout de suite. Je m'inscris en faux contre ces propos : le Conseil d'État a jugé que l'État n'avait pas à abonder ce fonds. Sa décision est contraire à ce que vous dites.
D'accord !
En tout cas, vous nous annoncez 10 millions d'euros alors que nous souhaiterions que ce fonds puisse être pérennisé et sécurisé, que l'engagement vaille pour l'avenir, et ne se réduise pas simplement à ces 10 millions. Je rappelle que, lors de l'adoption de la loi du 5 mars 2007, le ministre de l'époque avait évalué les besoins de financement à 115 millions d'euros. Nous sommes donc bien loin du compte, puisque 30 plus 10, cela ne fait que 40 !
Quels sont les engagements pour l'avenir ? Pour mettre en oeuvre la protection de l'enfance dans notre pays, il faut des moyens. Aujourd'hui, ces moyens font défaut.
Défavorable. Je regrette, ma chère collègue, qu'un aspect financier puisse vous empêcher de voter cette proposition de loi, qui a pour objet de protéger des enfants, même si je ne méconnais pas l'importance de l'aspect financier pour les conseils généraux.
(Les amendements identiques nos 2 et 9 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
(L'amendement n° 5 et les amendements identiques nos 6 et 10 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe SRC.
En commission des affaires sociales, nous nous étions abstenus sur cette proposition de loi, parce qu'il nous manquait un certain nombre d'éléments et de précisions, notamment en ce qui concerne la publication des décrets. Nous avons eu ce soir, de la part de Mme la ministre, des indications sur cette publication. En outre, certains de nos amendements ont été pris en compte. Nous voterons donc cette proposition de loi.
La protection de l'enfance, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, est une priorité nationale. Cette proposition de loi aurait pu recueillir notre assentiment, mais nous nous abstiendrons, pour plusieurs raisons.
D'abord, ce texte est présenté, je le repète, alors que le Gouvernement vient de supprimer le Défenseur des enfants, et à un moment où le désengagement de l'État en matière de protection sociale se vérifie par votre refus de vous engager, madame la ministre, en ce qui concerne l'avenir du fonds national dont nous avons parlé.
En outre, la loi de 2000, qui était destinée à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de maltraitance à enfant n'a toujours pas eu de décrets d'application. Ceux-ci devaient fixer les modalités d'organisation des visites médicales, de détection des enfants maltraités. Dix ans après, les décrets ne sont toujours pas publiés.
Enfin, il nous semble qu'en face des intentions, il faut mettre les moyens.
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma