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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 13 janvier 2011 à 15h00
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

…ce dont je me réjouis tout en regrettant que ce soit parce que nous parlons de sujets qui concernent les femmes –, la proposition de loi en discussion, qui instaure un quota de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises, représente une avancée, mais une avancée pour le moins mesurée. Mes collègues Martine Pinville et Jean-Luc Pérat en ont déjà fait la démonstration.

Oui, il est absolument nécessaire de travailler sur la gouvernance des entreprises. L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes doit progresser dans toutes les strates de l'entreprise et pas seulement au niveau des conseils d'administration ou des conseils de surveillance. Néanmoins, il fallait commencer par légiférer en la matière dans les instances dirigeantes pour faire évoluer les comportements, car, comme nous l'avons dit et redit, ils n'évoluent pas spontanément. Ce faisant, nous pouvons également espérer qu'un changement dans les organes de direction irriguera ensuite l'ensemble de l'entreprise.

En effet, sans initiative législative, nous ne pouvons espérer faire évoluer les choses. Ce ne sont pas de pseudo-chartes éthiques qui pourront faire progresser les femmes au-delà de ce fameux « plafond de verre ».

Ce n'est pas une question de compétences. Ce n'est pas non plus une question de temps. On sait très bien que, en privilégiant des organisations du travail totalement aberrantes, certaines entreprises organisent l'exclusion des femmes, notamment des mères de familles, d'autant que le partage des tâches domestiques n'est pas égalitaire entre les hommes et les femmes.

L'intervention du législateur est donc plus que légitime. D'ailleurs, comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, le fait de légiférer sur ce sujet a déjà produit des effets en 2010, puisque les entreprises du CAC 40 ont dû anticiper l'application de la loi et ont procédé au recrutement de femmes au sein des conseils d'administration et de surveillance.

Je rappellerai quelques chiffres, tirés du rapport de Mme Grésy, de l'IGAS, bien qu'ils aient déjà été cités : en 2009, il y avait, en France, 40 % de femmes cadres administratifs, 18 % de femmes ingénieurs et cadres techniques – cela pose le problème de l'orientation professionnelle des femmes, qui devra également être abordé de front dans les prochaines années – et seulement 10 % de femmes dans les conseils exécutifs.

La France reste parmi les très mauvais élèves de l'Europe en matière de représentation des femmes : notre pays se situe loin derrière la Norvège – où, grâce à une politique résolument volontariste menée à la suite d'une initiative législative, les femmes représentent 44,2 % des administrateurs de sociétés, sans que ce pays ait eu à appliquer la sanction radicale prévue en cas de non-respect de l'obligation légale, à savoir la dissolution pure et simple du conseil d'administration. La France est également loin derrière la Suède, où les conseils d'administration comptent 26,9 % de femmes.

La proposition de loi que nous examinons en deuxième lecture constitue une avancée, que nous saluons, et c'est pourquoi nous la voterons. Mais nous considérons que le champ de ce texte est trop réduit et que les sanctions prévues sont encore trop peu dissuasives.

On l'a dit, aucune des propositions du rapport de Mme Grésy concernant l'égalité professionnelle n'a été reprise. Le rapport abordait également des sujets cruciaux : les différences de traitement entre les femmes et les hommes en matière d'accès à l'emploi et d'évolution de carrière ; le temps partiel, qui touche 80 % des femmes et qui est trop souvent subi – cela pénalise les femmes à la fois dans l'évolution de leur carrière et dans le calcul de leur retraite – ; les emplois peu qualifiés, souvent occupés par des femmes, avec la tertiarisation de l'économie ; la précarité du travail féminin, ou encore les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.

Toutes et tous, nous sommes parfaitement conscients que les inégalités ne concernent pas seulement les instances dirigeantes, puisque 13 % des femmes vivent sous le seuil de pauvreté, un tiers n'a pas de qualification reconnue et un tiers travaille à temps partiel, en général subi. Deux fois plus de femmes que d'hommes sont payées au SMIC. Alors que les filles sont en moyenne plus diplômées que les garçons, elles touchent des salaires inférieurs en moyenne de 27 % à ceux des hommes. Enfin, la pension des femmes de plus de soixante-cinq ans est égale à 50 % de celle des hommes.

Quant au caractère dissuasif des sanctions, le débat ne me semble pas abouti. Selon le rapport d'information remis par la rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, les dispositifs européens existants sont relativement hétérogènes dans le choix des sanctions applicables. Alors que l'Espagne a opté pour des mesures essentiellement incitatives, la Norvège a choisi une solution plus drastique, avec des résultats probants. Le rapport souligne que, même si la lourde sanction prévue en Norvège ne s'applique qu'aux sociétés publiques cotées et qu'elle n'a jamais eu à s'appliquer, l'effet escompté a été suffisamment dissuasif pour que les entreprises se mettent en conformité avec la loi dans les délais prescrits.

Tout en nous interrogeant sur les limites des sanctions prévues dans la proposition de loi, nous pouvons espérer qu'elles contribuent à changer les mentalités. En tout cas, j'estime indispensable une initiative législative en ce sens.

Nous prenons rendez-vous avec vous, madame la ministre, et avec la majorité pour mettre en oeuvre de manière autrement plus significative le principe, désormais inscrit dans notre Constitution, selon lequel la loi favorise non seulement l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives – innovation de 1999 –, mais aussi leur égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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