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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 13 janvier 2011 à 15h00
Suivi des enfants en danger par la transmission des informations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Madame la ministre – comme c'est agréable de pouvoir dire « madame la ministre » ! – les situations qui ont été mentionnées par tous et qui ont été décrites en partie par Mme Martinez sont intolérables et il est clair que, dans ce domaine, nous n'avons pas droit à l'erreur. La vigilance de chaque citoyen est nécessaire et l'organisation de nos instances doit être exemplaire et sans faille. Cependant il n'est pas bon de légiférer dans l'émotion.

Nous avons voté, en 2007, la loi réformant la protection de l'enfance à la quasi-unanimité. Il convient de souligner qu'un important travail avait été réalisé alors par Philippe Bas. Le groupe socialiste ainsi que le groupe communiste et républicain s'étaient abstenus en raison de la question du financement du fonds de protection de l'enfance sur lequel nous avions quelques inquiétudes. Malheureusement, ces inquiétudes étaient fondées puisque, alors que les départements consacraient près de 6 milliards à la protection de l'enfance en 2008, le fonds était doté de 7 millions seulement.

Une fois de plus, le Gouvernement a, à travers cette loi, augmenté les charges des départements en créant de nouveaux dispositifs et transféré des compétences qu'il assumait. Je pense en particulier aux actions civiles de la protection judiciaire en faveur des jeunes, plus particulièrement des jeunes majeurs, dont les budgets ont considérablement augmenté.

Parce que cette loi constituait une avancée pour la protection des enfants en danger ou en voie de l'être, la quasi-totalité des départements l'ont mise en oeuvre. En tant que présidente du groupement d'intérêt public pour l'enfance en danger dans lequel les services de l'État sont représentés ainsi que l'ensemble des départements et les grandes associations de protection de l'enfance, je peux témoigner que les dispositifs des cellules des informations préoccupantes fonctionnent. Des rencontres ont lieu et des colloques sont organisés. La circulation des informations préoccupantes entre le 119, le numéro gratuit pour les enfants, et les départements entre eux, se fait dans d'excellentes conditions, même si le dispositif est perfectible.

De même, une harmonisation a été opérée entre les observatoires départementaux et le niveau national. Les conventions qui règlent les dispositions de transmission d'informations entre les différents acteurs – éducation nationale, PJJ, gendarmerie, police – fonctionnement bien.

Les départements respectent donc la loi. Ils améliorent, à travers ces dispositifs, la connaissance des situations. À cet égard, je ne peux que regretter que les décrets d'application tardent à paraître, ce qui a justifié la proposition de loi de Mme Martinez. Comme les professionnels du GIPED que je préside ont participé à l'élaboration des décrets, je sais que le travail est prêt, qu'ils ont été rédigés dans la concertation avec les différentes instances et que les décrets pourront rapidement entrer en application, ce que Mme la ministre vient de confirmer.

Je m'interroge cependant sur l'inversion législative. Je ne suis pas sûre qu'un texte de loi était nécessaire. Un décret aurait largement suffi, ce qui nous aurait permis de gagner du temps. On dit souvent qu'il y a beaucoup trop de lois, ce qui est vrai et particulièrement dommage.

Cela étant, la médiatisation de cette loi m'inquiète. J'avoue être toujours gênée de voir dans les médias ou dans la presse – je pense en particulier à un documentaire, sorti il y a peu de temps et qui a été initié par l'association La Voix de l'enfant – des reportages sur des situations dramatiques comme la mort, la séquestration ou la torture d'enfants. On voit toujours l'aspect médiatique, sans considérer l'ensemble d'une situation. Cela met en accusation tous les acteurs, qu'il s'agisse de l'État, des départements ou des professionnels de l'enfance.

Les services des conseils généraux, comme ceux des associations de protection de l'enfance et des différents ministères concernés ne contestent pas la validité de ces situations, mais, contrairement à ce que j'ai entendu, je tiens à indiquer que très peu de familles connues et suivies déménagent sans laisser d'adresse. Il s'agit de cas exceptionnels et, dans beaucoup de départements de tels cas n'existent pas. Les dossiers ne sont jamais classés, jamais oubliés ; ils sont toujours dans les services. L'attention constante portée par les différents professionnels à l'intérêt de l'enfant le démontre tous les jours. D'ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ?

Les rares cas qui existent sont signalés au procureur ; l'amendement proposé par le Gouvernement à ce sujet va dans le bon sens. En effet, le procureur est le seul capable de pouvoir intervenir rapidement en utilisant tout ce qui est en sa possession pour retrouver ces familles.

De la même façon, il existe depuis près de trente ans une cellule qui est une procédure de signalement national et qui fonctionne, même si, je le reconnais, elle nécessite une évolution législative.

La seule façon de protéger un enfant, c'est le placement. Il n'y a pas d'autre solution. Malheureusement, on a vu que, dans les exemples dramatiques que vous avez cités, les enfants n'ont pas été placés. Du reste, ces cas relèvent plus de défaillances. Sont-elles humaines ou administratives ? Je ne porterai pas de jugement sur ce point. En tout cas, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une défaillance des textes législatifs.

J'en viens aux informations préoccupantes transmises par le GIP Enfance en danger.

Beaucoup d'entre elles sont suivies d'effets en matière d'accompagnement. Ainsi, sur les 391 000 appels reçus par le GIPED entre le 1er janvier et le 30 septembre 2010, 15 000 ont fait l'objet d'une aide immédiate du 119 et seulement 7 000 ont été suivis d'une transmission aux départements ; plus de 80 % d'entre elles ont ensuite donné lieu à une mesure. En 2008, 3 900 appels avaient été transmis à un département, ce qui veut dire que les chiffres ont pratiquement doublé. Je le souligne pour montrer l'efficacité du dispositif des cellules d'informations préoccupantes prévu par la loi de 2007, et réalisé en lien avec le 119 mais aussi avec les départements, la qualité du travail fourni par les différents acteurs et leur bonne coordination.

J'en viens à la question de la frontière administrative.

Nous venons d'examiner un projet de loi sur le Défenseur des droits. Or son article 27 nie le département dans sa compétence en matière de cellules d'informations préoccupantes, considérant que les collectivités locales pourraient l'assurer. Il faut être très vigilant sur ce point, car il ne serait pas bon de transférer la cellule des informations préoccupantes à des communautés de communes car l'échelon n'est pas suffisant. Cela ne ferait que compliquer ce que souhaite Mme Martinez, à savoir la transmission entre départements.

Nos amendements entendent corriger le texte sur différents points auxquels Mme la ministre a répondu très favorablement, qu'il s'agisse d'un décret pris après avis de la CNIL, de l'absence de différenciation entre les procédures administratives et judiciaires, de l'obligation pour les présidents de conseil général de transmettre ces informations au procureur de la République et, bien sûr, au juge pour enfants s'il a déjà connaissance de ces situations. Le groupe SRC appréhende de façon très positive l'amendement que le Gouvernement a déposé puisqu'il va dans le bon sens.

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