La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, un grave accident aérien s'est produit cette nuit au large des Comores. Il a fait de nombreuses victimes, en particulier françaises ou résidant en France.
Je voudrais, au nom de tous, exprimer notre émotion face à cette catastrophe et assurer les familles des victimes de notre entière solidarité.
Je vous demande un instant de silence. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, mes chers collègues, promesse de campagne tenue par le Président de la République, la réduction de TVA sur la restauration a été votée par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi sur le développement et la modernisation des services touristiques.
Bien que le groupe Nouveau Centre ait, à cette occasion, rappelé son attachement profond à la nécessité de l'assainissement et de l'équilibre des finances publiques, nous avons également reconnu que cet important effort pour le budget de l'État – le coût total de la mesure s'élève à 2,4 milliards d'euros – s'avérait aujourd'hui bienvenu. En effet, le secteur de la restauration, pilier du dynamisme économique de notre pays, souffre, comme d'autres, des conséquences de la crise.
Toutefois, cette mesure doit également bénéficier au consommateur, puisqu'en contrepartie de cette réduction, les restaurateurs se sont engagés, à côté des embauches et de la modernisation du secteur, à baisser leurs prix.
À la veille de l'entrée en vigueur de cette mesure, de nombreuses voix se sont élevées craignant d'éventuelles manipulations de prix et des détournements de la mesure.
Madame la ministre, le groupe Nouveau Centre aimerait donc connaître avec précision, les termes de l'accord passé avec le secteur de la restauration.
Nous souhaiterions également connaître les moyens que vous seriez prête à mettre en oeuvre pour faire respecter cet accord, au bénéfice des consommateurs.
Enfin, nous avons souhaité que cette mesure, lourde pour le budget de l'État, puisse faire l'objet d'une évaluation…
Merci, monsieur Durand, votre temps de parole est écoulé. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur Durand, les restaurateurs attendaient la mise en oeuvre de cette mesure depuis 2002.
Vous avez raison : le Président de la République avait fait une promesse, il l'a tenue et nous avons obtenu une baisse de la TVA pour le secteur de la restauration. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
C'est scandaleux ! Nous n'avons pas d'argent et vous dépensez 3 milliards d'euros avec cette très mauvaise décision !
Demain matin, la TVA passera donc à 5,5 % dans le secteur. En contrepartie, les professionnels avaient pris des engagements : ils devront les respecter.
Leur premier engagement porte sur les prix. La TVA passe à 5,5 %, les prix vont baisser aussi.
Les restaurateurs se sont engagés à baisser les prix de 11,8 %, sur sept des dix produits qui composent un menu complet.
Qui vérifiera que ces engagements seront respectés ? Les premiers à le faire seront les consommateurs, car la baisse sera affichée. Les restaurateurs qui respectent l'engagement feront figurer sur leur vitrine et leur menu une affichette indiquant : « La TVA baisse, les prix aussi. » Les consommateurs sauront bien faire la différence entre ceux qui respectent leur parole et ceux qui ne la respectent pas.
Les engagements pris par les restaurateurs seront aussi vérifiés par l'administration. À partir de demain, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes effectuera très régulièrement des relevés de prix. Je leur avais demandé de procéder à des relevés aux mois de mars et d'avril : nous disposons ainsi d'une base de données comprenant 27 000 prix spécifiques de tous les produits constituant un repas complet. Nous serons donc en mesure de faire des comparaisons. Chaque fois que l'information donnée sera mensongère, chaque fois que l'engagement de baisse des prix ne sera pas respecté, l'article L. 121-1 du code de la consommation nous permettra de sanctionner ceux qui ne respectent pas leur parole. Mais j'ai confiance : les restaurateurs respecteront leur parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, « l'État s'est progressivement effacé au profit du marché et s'est privé des principaux moyens dont il disposait », dans le domaine du logement social. Ce constat sévère est celui du Conseil d'État.
Qui pourra nier le désengagement de l'État, avec une baisse de 7 % des crédits pour 2009, parachevée par la suppression du poste de ministre du logement ?
Plus grave encore : la loi Boutin porte atteinte au principe républicain fondamental de mixité sociale. Avec la baisse des plafonds de ressources en 2010, les familles aux revenus modestes mais suffisants pour vivre seront étranglées par des surloyers de plusieurs centaines d'euros.
Des familles implantées depuis des décennies sont contraintes de quitter leurs appartements HLM, sans aucune garantie de relogement. Vous chassez ainsi la mémoire de ces quartiers populaires ; vous expulsez des leaders de réseaux citoyens et associatifs qui prenaient en charge la vie sociale de ces quartiers et en assuraient la cohésion.
Les débats autour du Grand Paris et d'une nouvelle urbanité ont pourtant forgé un consensus pour combattre la spécialisation des territoires, et pour réduire la fracture entre des zones de grande richesse et les zones de relégation sociale. Comment accepter que votre politique aille à rebours ?
Votre gouvernement invoque à nouveau le « modèle social français », mais en spécialisant des quartiers pour les plus démunis, il condamne des territoires à être des ghettos de la misère et renforce tous les communautarismes.
Monsieur le Premier ministre, devant une crise financière qui fragilise les solidarités et la cohésion sociale des quartiers populaires, je vous demande de supprimer les surloyers et d'interrompre cette logique d'apartheid social. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant de répondre à la question posée par M. Asensi, je voudrais vous faire part d'un drame qui s'est déroulé ce matin à Asnières. Six de nos compatriotes ont perdu la vie dans un incendie, et j'exprime toute mon émotion devant ce drame.
Je me trouvais il y a quelques instants, avec Manuel Aeschlimann, à Asnières et j'ai rencontré ceux qui ont survécu à ce drame : ils étaient évidemment dans un état psychologique particulièrement difficile.
Monsieur Asensi, la loi Boutin a créé le surloyer, qui est précisément un outil pour nous permettre de répondre à votre attente de mixité sociale. En effet, aujourd'hui, nous n'avons pas cette mixité dans les logements HLM parce que nous n'arrivons pas à créer assez de logement HLM pour permettre à l'ensemble des populations d'y entrer.
Je vous précise, tout d'abord, que le surloyer est limité : nous ne pourrons pas percevoir plus de 25 % de la rémunération du locataire en ajoutant le surloyer.
Ensuite, il nous permettra, demain, de disposer de moyens supplémentaires à destination des HLM pour construire plus et donc loger plus de Français. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Enfin, monsieur le député, je vous rappelle que le surloyer ne s'applique pas dans les quartiers les plus difficiles. Les familles les plus en difficulté ne seront donc pas touchées par ce dispositif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, lundi dernier, devant le Congrès, le Président de la République a évoqué la mise en chantier d'un grand emprunt destiné à financer nos priorités nationales d'investissement, nos priorités d'avenir. Dimanche dernier, vous avez réuni l'ensemble des membres de votre gouvernement afin d'évoquer sa mise en oeuvre.
Mes questions seront très simples. Pouvez-vous nous préciser quelles seront les modalités de la concertation, qui vous y associerez et selon quel calendrier ? Pouvez-vous également nous indiquer que cet emprunt ne sera en aucun cas obligatoire ? (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
À chaque fois qu'il s'est agi de définir des priorités d'avenir, le rôle et l'impulsion de l'État ont été décisifs et déterminants, que ce soit pour l'industrie aéronautique, l'industrie ferroviaire, l'industrie spatiale ou pour le nucléaire civil. Il est donc normal que ce grand emprunt fasse l'objet d'un véritable débat politique. Celui-ci ne sera pas forcément partisan, puisqu'il y a quelques mois, certains responsables socialistes appelaient de leurs voeux un tel emprunt. Leurs voeux sont aujourd'hui exaucés ; nous verrons la manière dont chacun prend ses responsabilités.
Quant à nous, nous sommes certains du succès populaire de cet emprunt : la garantie de l'État est une sécurité pour les Français ; le financement de dépenses d'avenir est une sécurité pour nos enfants. En tout état de cause, monsieur le Premier ministre, nous répondrons présent à ce débat sur l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, devant le Congrès, le Président de la République nous a proposé une stratégie,…
…qui consiste à poursuivre les réformes de structure, à consentir un effort supplémentaire de réduction de la dépense publique, compte tenu de la situation financière de notre pays dans le cadre de la crise économique mondiale, et, dans le même temps, à réaliser un effort d'investissement vigoureux afin de booster des secteurs prioritaires, des secteurs d'avenir, qui créeront la croissance et les emplois de demain.
Naturellement, comme nous l'avons fait dans les années 1960 et 1970 en investissant massivement dans les filières aéronautique, spatiale ou nucléaire, nous allons organiser, au cours des trois prochains mois, une vaste concertation avec l'ensemble des acteurs économiques, politiques et sociaux afin de définir ces priorités.
Cette concertation commencera demain après-midi, puisque, avec le Président de la République, nous recevrons les partenaires sociaux et nous engagerons la discussion avec eux.
Dans les prochains jours, les membres du Gouvernement les plus concernés par ce sujet réuniront l'ensemble des acteurs.
Enfin, le Parlement sera naturellement amené à décider des priorités et des modalités de l'emprunt dans le cadre de l'examen d'un projet de loi de finances rectificative ou d'un projet de loi de programme. Je ne vois que des avantages à ce que les groupes politiques s'investissent dès maintenant dans cette réflexion et adressent leurs propositions au Gouvernement. Pour ma part, je recevrai, le 15 juillet prochain, les responsables de l'ensemble des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat pour engager la discussion et nous mettre d'accord sur une méthode de travail.
Je précise, par ailleurs, que cet emprunt n'a en aucun cas vocation à financer des dépenses courantes de fonctionnement ou d'investissement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Notre pays est déjà trop endetté, et ce n'est pas en ajoutant de la dette à la dette que nous améliorerons sa situation. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il nous faut à la fois réduire la dépense publique – et je serais intéressé de savoir dans quels secteurs la gauche nous proposera de le faire – et choisir les dépenses d'avenir qui procureront, demain, la croissance et les emplois dont nous avons besoins.
Nous discuterons ultérieurement, lorsque nous aurons défini les priorités, du montant et des modalités de cet emprunt. Mais, puisque j'ai constaté qu'un débat est né sur l'idée d'un emprunt obligatoire, je vous indique d'ores et déjà que, pour le Gouvernement, un emprunt obligatoire est un impôt supplémentaire. Or le Président de la République et moi-même nous sommes engagés à ne pas créer d'impôt supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Mesdames, messieurs les députés de la majorité (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et NC), beaucoup d'entre vous ont partagé notre combat contre le travail le dimanche. Cette opposition avait conduit au retrait du texte. Or on nous en présente aujourd'hui une nouvelle version, que le Gouvernement prétend a minima. Le travail dominical serait ainsi autorisé dans quelques zones seulement, sur la base du volontariat et de compensations salariales.
Eh bien, c'est faux ! La proposition de loi institue une généralisation totale du travail dominical (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…
…dans toutes les communes touristiques, soit plus de 6 000 communes, parmi lesquelles figurent les plus importantes de France. Cela englobe toutes les grandes agglomérations : Paris, Lyon, Marseille, Nantes, Toulouse, Rennes, Bordeaux, Strasbourg, et même Vitré.
Dans toutes ces villes, l'ouverture des commerces le dimanche sera de plein droit, sans aucune contrepartie pour les salariés. Il n'y aura, pour eux, ni volontariat, ni salaire double, ni repos compensateurs. Ce sera une obligation et, en cas de refus, le salarié sera passible d'un licenciement.
Mesdames, messieurs les députés de la majorité, ce texte est, hélas ! une escroquerie sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Huit jours après avoir défendu, devant le Congrès, le modèle social français, le Président de la République porte atteinte à l'un de ses piliers : le repos dominical. J'ai personnellement écrit à chacun d'entre vous : ne laissez pas passer une loi pire que celle que vous avez refusée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le président Ayrault, pourquoi ne dites-vous pas la vérité aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. –Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pourquoi voulez-vous faire croire que le projet de loi qui sera examiné la semaine prochaine vise à généraliser le travail le dimanche ? C'est faux ! Ce texte a pour objet de définir précisément les motifs et les circonstances dans lesquelles il est possible de déroger au principe du repos dominical. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous voulez créer un faux débat, alors que nous souhaitons répondre à de vraies questions.
Au reste, monsieur Ayrault, ne faites pas semblant de l'ignorer : ces questions se posent déjà. Pourquoi voudriez-vous que nous interdisions subitement les usages qui prévalent dans de grandes agglomérations comme Paris, Lille ou Marseille ? Ces usages sont fragiles, sur le plan réglementaire ; nous voulons clarifier les choses.
Pourquoi ne voulez-vous pas que nous clarifiions également le statut des salariés qui travaillent le dimanche, en leur donnant la garantie de liberté et de salaire qui correspond à cette tâche nouvelle, qu'ils choisiront volontairement ?
Enfin, pourquoi ne voulez-vous pas entendre l'opinion publique ? Je vous rappelle, en effet, que 60 % des Français approuvent le fait que des dérogations soient possibles dans les stations touristiques – qui sont 500 sur 36 000 communes – et dans des sites particuliers repérés comme tels.
Ne faites pas peur aux Français, alors qu'il s'agit uniquement de mettre de l'ordre dans un système que, par ailleurs, ils approuvent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État aux transports.
Monsieur le secrétaire d'État, un mois exactement après la catastrophe du vol AF 447 au large du Brésil, un avion a, une nouvelle fois, disparu des écrans radar cette nuit. Cet avion, qui appartenait à la compagnie Yemenia, effectuait une liaison entre le Yémen et les Comores. Il avait à son bord 153 personnes, dont 66 Français.
Je le dis en mon nom, mais aussi, j'en suis sûr, au nom de tous les parlementaires qui siègent dans cet hémicycle : cette nouvelle et tragique catastrophe aérienne nous touche profondément. Nous pensons avec émotion aux familles qui ont perdu l'un des leurs, comme à celles et ceux qui ne reverront plus un être qu'ils aimaient. Je tiens aussi, au nom du groupe UMP, à rendre hommage aux équipes de secours qui se sont immédiatement mobilisées et sont parties de la Réunion pour se rendre sur les lieux de l'accident.
Comme il advient en de telles circonstances, des questions se posent, auxquelles l'opinion publique est impatiente d'avoir des réponses. Je vous serais reconnaissant, monsieur le secrétaire d'État, de nous faire part des éléments dont vous disposez et, plus généralement, de tenir la représentation nationale régulièrement informée de l'état des recherches sur les causes qui ont pu provoquer une telle tragédie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, je commencerai par vous dire qu'à la demande du Président de la République et du Premier ministre, Alain Joyandet part aujourd'hui même aux Comores afin d'exprimer la solidarité du Gouvernement et du peuple français.
C'est au large de Moroni – un aéroport moyennement équipé par rapport aux normes internationales – qu'un avion s'est abîmé cette nuit. La situation météo n'était pas brillante et c'est, semble-t-il, au cours d'une manoeuvre d'approche, alors que l'avion effectuait un circuit « en hippodrome » autour de l'aéroport, qu'il s'est abîmé. Il s'agissait d'un Airbus A310, un avion qui, s'il n'est pas récent, vole encore au sein de nombreuses flottes nationales quand il est bien entretenu. Cet avion assurait la correspondance de Sanaa, au Yémen, à Moroni, aux Comores, pour 150 passagers initialement partis de Paris à bord d'un Airbus A330. Il y avait, parmi ces passagers, 45 Comoriens et 66 de nos compatriotes – dont certains peuvent avoir la double nationalité – en majorité originaires de Seine-Saint-Denis, de la région bordelaise et de Marseille, qui comprend une importante communauté comorienne.
L'enquête diligentée par le BEA établira ce qui s'est passé. À la demande du Président de la République et du Premier ministre, nous avons déployé d'importants moyens militaires, des navires venus de la Réunion et de Mayotte, ainsi que des moyens aériens. Il semble qu'un jeune enfant ait été retrouvé vivant.
La compagnie Yemenia est autorisée, c'est-à-dire qu'elle ne fait pas partie de la liste noire. Cela étant, il y a quelques années, nous avions exclu cet avion du territoire national, estimant que ses équipements présentaient un certain nombre d'irrégularités. La question que j'ai posée tout à l'heure au commissaire européen et que nous allons poser à l'Organisation de l'aviation civile internationale – l'OACI – est de savoir si l'on peut embarquer dans des conditions normales des passagers au départ de la France, pour voir ceux-ci transférés, au cours de leur voyage, dans un autre avion n'assurant pas leur sécurité. Le Gouvernement français va s'engager pour connaître la vérité et faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Après avoir écouté la réponse faite par M. Darcos à Jean-Marc Ayrault, je veux dire à M. le ministre que si nous l'excusons bien volontiers de ne pas avoir lu le texte – pas à fond, en tout cas – (Protestations sur les bancs du groupe UMP), nous ne pouvons accepter les contrevérités qu'il a proférées.
Certes, le texte a changé de titre – un titre désormais presque aussi long que le texte lui-même – et la liste des signataires a été modifiée. Mais sur le fond, rien n'a changé. Sur les questions du droit du travail, du volontariat, chacun sait que rien n'a changé. Sur les questions du zonage touristique, cela aurait plutôt empiré, puisque des communes touristiques comportant de grandes zones d'activité vont pouvoir ouvrir le dimanche. Ainsi, il se trouve près de Saint-Brieuc une commune touristique sur le territoire de laquelle est implantée la première zone commerciale de l'agglomération – l'autre zone étant située à trois minutes. Seule la première pourra ouvrir, pour la seule raison qu'elle relève d'une zone touristique. Croyez-vous qu'un tel système puisse fonctionner correctement ?
Monsieur le ministre, comme l'a dit Jean-Marc Ayrault, il existe près de 6 000 communes susceptibles d'être un jour classées « communes touristiques ». Comment, dès lors, ne pas considérer que vous êtes en train d'ouvrir à tous vents la possibilité de travailler le dimanche ?
Pour ce qui est de l'avantage économique, chacun sait qu'il va se produire un déplacement de population et de consommation, au détriment du petit commerce de centre-ville et au profit des grands centres commerciaux qui réclament cette mesure. Telle est la réalité du texte que vous nous proposez, un texte qui conduira sans doute les jeunes à déserter les stades et les centres culturels pour se tourner vers les centres commerciaux. Si c'est là le projet de société que vous nous proposez, permettez-nous de vous dire que nous ne sommes pas d'accord ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur Gaubert, permettez-moi de vous dire que j'ai lu ce texte et que je le connais ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne justifierez pas votre position uniquement en tentant de discréditer les ministres du travail, ce n'est pas la bonne solution.
Par ailleurs, pour vous prouver que je connais le dossier, il y a deux façons d'identifier une commune touristique, contrairement à ce que vous dites : par le biais du code du tourisme ou par celui du code du travail – le seul auquel il soit fait référence en l'occurrence. Or, les communes touristiques au sens du code du travail sont moins de 300 aujourd'hui, c'est-à-dire 1,4 % des communes françaises !
N'essayez donc pas de nous faire croire que, subitement, la France tout entière serait devenue un pays touristique, ce qui entraînerait une extension du dispositif proposé sur l'ensemble du territoire ! C'est un mensonge, une confusion que vous entretenez volontairement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je veux dire à ceux d'entre vous qui soutiennent le Gouvernement qu'ils ne doivent pas se laisser inquiéter. Trois choses sont certaines. Premièrement, ces zones touristiques seront parfaitement identifiées au sens du code du travail. Deuxièmement, cela se fondera sur un principe de volontariat, voire de référendum en entreprise. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Troisièmement, conformément aux engagements qui ont été pris, les salaires seront doublés pour les salariés volontaires qui accepteront de rendre ce service particulier. Tout le reste n'est que caricature, et j'espère que personne ne s'y laissera prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Avant de poser ma question, je veux moi aussi dire à M. Darcos qu'il doit revoir sa copie et approfondir sa connaissance du texte, qu'il ne maîtrise pas bien, manifestement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer et porte sur un problème grave : je veux parler de l'arrestation de Gérard Jodar, président de l'USTKE, le principal syndicat de Nouvelle-Calédonie, et de cinq autres responsables syndicaux. Ils ont été condamnés à des peines de prison ferme – un an pour le président Jodar – pour avoir mené une manifestation de caractère syndical (Protestations sur les bancs du groupe UMP) après qu'un protocole eut été signé entre l'USTKE et Air Calédonie. Or Air Calédonie n'a pas respecté ce protocole et les syndicalistes ont manifesté. Ils ont été emprisonnés pour un motif qu'on ne comprend absolument pas, ou trop bien, pour illustrer ce que peut être une justice coloniale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : entrave à la circulation d'un aéronef.
Cette criminalisation du mouvement syndical kanak au moment où nous discutons de l'évolution statutaire de l'île peut provoquer de graves troubles.
Je veux rappeler à la représentation nationale et à Mme la secrétaire d'État que M. Jodar avait été condamné à une peine de trois mois fermes, qui était négociable. Il avait d'ailleurs rendez-vous avec le juge d'application des peines le 17 août prochain pour envisager les modalités d'aménagement de sa peine. On a préféré l'arrêter à l'audience, ce qui a été particulièrement humiliant et scandaleux.
Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous mettre fin à cette situation insupportable ? Arrêtez les intimidations du haut-commissaire.
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer.
Monsieur le député, il ne revient pas à un membre du Gouvernement de commenter une décision de justice. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mais nul ne peut tolérer les qualificatifs que j'entends depuis hier sur la manière de rendre la justice en Nouvelle-Calédonie. Il n'y a pas une justice pour la France métropolitaine et une justice pour l'outre-mer : il y a une justice de la République, c'est la justice de mon pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Souffrez que je vous le dise, depuis 2006, la Nouvelle-Calédonie s'est engagée avec les élus et les partenaires sociaux dans un processus de dialogue social pour rompre avec une longue période de conflits souvent violents. Vous le savez mieux que moi, ce processus, que l'État soutient depuis le début avec constance, a porté ses fruits. Des projets de loi ont ainsi été élaborés notamment en matière d'emploi local, l'un des objectifs importants et significatifs de l'accord de Nouméa. Tout ce travail ne saurait être anéanti par des comportements violents qui ne relèvent pas d'une activité syndicale. Je suis mieux placée que vous pour le dire : certains utilisent l'action syndicale à des fins politiques. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Je sais que la population calédonienne appelle de ses voeux un climat social apaisé. La Nouvelle-Calédonie ne peut faire l'objet de polémiques. Son histoire est trop douloureuse pour que quiconque se sente le droit aujourd'hui d'essayer de la déstabiliser. Le Gouvernement a fait la démonstration, s'il en était besoin…
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Madame la secrétaire d'État, vous avez récemment annoncé le lancement d'une concertation sur l'évolution des avantages dont bénéficient les mères de familles dans le calcul de leurs droits à la retraite.
En effet, depuis près de quarante ans, les mères de famille bénéficient, à chaque naissance, d'une majoration de durée d'assurance de deux ans pour leur retraite. Or, si l'on en croit certaines déclarations, cette majoration, étendue désormais aux pères de famille par décision de justice, pourrait être remise en question.
Pourtant, selon le Conseil d'orientation des retraites, les femmes consacrent aujourd'hui trois fois plus de temps à l'éducation de leurs enfants que les hommes. Cette majoration des retraites est donc absolument indispensable pour les mères de famille.
Elle constitue d'abord une compensation liée aux contraintes de la maternité, aux interruptions d'activité, aux nouvelles charges de famille et au temps consacré à l'éducation de l'enfant.
Elle leur donne ensuite la possibilité de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle sans hypothéquer leurs pensions de retraite.
Elle traduit enfin une reconnaissance de la nation : le temps que l'on consacre à l'éducation d'un enfant n'est jamais du temps perdu.
Le 22 juin dernier à Versailles, le Président de la République évoquait devant le Parlement les investissements nécessaires à la France pour redresser la tête. Le soutien aux familles, et aux mères en particulier, doit clairement en faire partie.
Madame la secrétaire d'État, que comptez-vous faire pour maintenir un avantage spécifique en faveur des mères de familles ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour soutenir les familles et continuer à garantir aux mères le soutien indéfectible de la nation ? Il en va de la qualité de vie de nos concitoyens, il en va de l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Madame Besse, les femmes salariées du secteur privé bénéficient aujourd'hui d'une majoration pour enfant de huit semestres. La Cour de cassation a déclaré que ce dispositif n'était pas conforme à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme au motif que, ne s'appliquant qu'aux femmes, il n'était pas conforme au principe d'égalité entre les hommes et les femmes.
Il faut donc que ce dispositif évolue et fasse l'objet d'un nouvel examen juridique. Il doit répondre à de nouveaux besoins sociaux.
Madame la députée, nous allons trouver des réponses. Surtout, et j'ai déjà commencé depuis deux jours avec Nadine Morano, nous allons nous concerter avec les partenaires sociaux, les associations familiales pour faire en sorte que ce soit l'occasion d'une relecture complète des dispositifs de majoration de durée d'assurance, étant entendu que personne ne doit être lésée, et surtout pas les bénéficiaires d'aujourd'hui.
Je suis très attentif, en tant que ministre chargé des questions de retraite mais aussi du travail et de la famille, à ce qu'on concilie vie familiale et vie professionnelle.
Je rappelle aussi que c'est tout le sens de la création des 200 000 places de garde que le Président de la République a annoncées récemment et qui devraient nous permettre d'assurer cette conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Je le répète, Nadine Morano et moi-même sommes très attentifs à cette question et nous proposerons des réponses le plus vite possible, en concertation avec tous les partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de la justice, le Conseil supérieur de la magistrature traverse depuis quelques semaines une crise assez grave, liée à la mutation contre son gré du procureur général de la Cour d'appel de Riom à la Cour de Cassation.
Lors de la séance du Conseil du 4 juin dernier, cette mutation avait été retirée de l'ordre du jour par votre prédécesseur, contre l'avis du conseiller « justice » du Président de la République. Or, la semaine dernière, le Président de la République a pris un décret officialisant cette mutation et se référant à cette délibération du CSM, alors même que – je le répète – cette délibération avait été retirée de l'ordre du jour par la ministre. Il s'agit d'une violation si grave de la procédure qu'elle a conduit les représentants des syndicats de magistrats à refuser de siéger au sein de la formation parquet du CSM.
Ma question est donc triple. En premier lieu, quelle suite comptez-vous donner à cette affaire ? Nous venons d'apprendre que vous recevez aujourd'hui les magistrats du CSM : qu'allez-vous leur dire ? Deuxièmement, quelle marge de manoeuvre pensez-vous avoir, dans vos fonctions, par rapport au conseiller « justice » du Président de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Enfin, et plus généralement, quelle sera votre politique en matière de nomination des magistrats du parquet ? N'hésiterez-vous pas, comme votre prédécesseur, à passer outre les avis négatifs du CSM ou allez-vous, comme en leur temps Élisabeth Guigou, Marylise Lebranchu, Michel Vauzelle mais aussi Pierre Méhaignerie, respecter scrupuleusement les avis du CSM ? En un mot, madame la ministre d'État, quelle est votre conception de l'indépendance de la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur Vallini, j'ai indiqué dès ma nomination que je recevrais les membres du CSM et que je souhaitais travailler avec eux dans la confiance, le dialogue, la loyauté et la transparence. Chacun a son rôle et chacun doit pleinement l'assumer.
J'ai reçu ce matin les présidents des trois formations du CSM. Comme vous l'avez dit, je reçois cet après-midi le CSM dans sa formation parquet. Nous allons discuter d'un certain nombre de choses, y compris du dossier que vous évoquez.
Vous comprendrez que, dans mon souci de préserver le dialogue, je ne vous fasse pas part de positions que j'aurais prises d'emblée ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'écouterai les magistrats, avant de leur exposer ma conception.
Quoi qu'il en soit, ce dont il s'est agi le 4 juin est une décision qui, comme tout acte administratif est susceptible d'un recours en Conseil d'État. Le cas échéant, ce sera donc à celui-ci de décider. C'est en respectant ainsi un certain nombre de principes que nous garantissons et l'autorité du droit et l'indépendance de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Marcon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Demain, 1er juillet, va s'appliquer la baisse de TVA dans la restauration que nous avons votée à l'Assemblée nationale. Cette baisse, obtenue à l'arraché lors de la présidence française de l'Union européenne, au cours de laquelle vous êtes parvenus à un accord sur les taux réduits de TVA, concrétise une promesse du Président de la République.
Hervé Novelli et vous avez signé avec les professionnels un contrat d'avenir dans lequel ils s'engagent à baisser les prix, à créer des emplois et à réaliser des investissements : remise aux normes, amélioration de l'accueil et du confort, rénovation des restaurants. De surcroît, les restaurateurs s'engagent à ouvrir rapidement des négociations salariales, pour améliorer la situation de leurs employés, non seulement en ce qui concerne les rémunérations mais aussi pour ce qui est de la formation et des conditions de travail.
Au cours de l'examen de la loi sur le développement et la modernisation des services touristiques, j'ai déjà apprécié l'implication personnelle d'Hervé Novelli en vue de valoriser cette profession et, plus généralement, les métiers du tourisme.
Mais aujourd'hui, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer comment vous allez procéder pour vous assurer que les engagements des professionnels seront tenus et que cette baisse de la TVA favorisera le développement de ces métiers de l'hôtellerie-restauration, qui pendant longtemps ont contribué à la renommée et au prestige de notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député Jean-Pierre Marcon, vous l'avez dit : la TVA baisse, les prix aussi.
Les restaurateurs s'y sont engagés dans un contrat d'avenir négocié avec talent par Hervé Novelli, signé le 28 avril dernier et qui entre en vigueur à partir de demain.
En matière de prix, ce contrat comporte l'engagement d'une baisse de 11,8 % des prix, portant sur au moins sept des dix produits pouvant constituer la base d'un repas complet.
Les restaurateurs se sont également engagés à créer quarante mille emplois – vingt mille emplois pérennes et vingt mille emplois en alternance, plus particulièrement dédiés aux jeunes.
Enfin, les professionnels se sont également engagés à investir pour améliorer la qualité des produits et renforcer l'attractivité du territoire français.
Comment allons-nous vérifier que les engagements sont tenus ? Pour la baisse des prix, nous avons une batterie d'indicateurs, assis sur des relevés effectués en mars et avril et portant sur 27 000 prix. La DGCCRF sera très attentive au respect de ces engagements-ci.
En matière d'emploi, nous vérifierons fin 2009 et fin 2010 les déclarations annuelles d'embauche que fournissent les entreprises. En matière d'investissements enfin, Hervé Novelli a créé un fonds de mobilisation financé par les restaurateurs eux-mêmes et confié à OSEO. Il permettra de faire levier en mettant un milliard d'euros à disposition des restaurateurs qui souhaitent emprunter pour améliorer leur établissement.
La restauration est un secteur d'activité essentiel. Nous aiderons les restaurateurs, et ils tiendront leur parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre des comptes publics – et, depuis peu, de la fonction publique –, les ouvrages de Léon Blum et de Jean Jaurès font manifestement partie de la bibliothèque, sinon du Président de la République, du moins de celui qui lui écrit ses discours. Votre promotion au sein du Gouvernement témoigne à l'évidence de la confiance dont vous êtes investi ; pourriez-vous alors leur conseiller à tous deux de relire Pierre Mendès France, et leur rappeler que c'est lui qui déclara : « Des comptes en désordre sont le signe de nations qui s'abandonnent » ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Seuls trois gouvernements ont fait diminuer l'endettement du pays au regard de la richesse produite : ceux de Michel Rocard, de Lionel Jospin et de Dominique de Villepin.
Cette année, notre pays va emprunter 250 milliards d'euros : 100 milliards pour rembourser le capital, 120 milliards pour apurer le déficit de l'État, 20 milliards pour la sécurité sociale et 10 milliards pour les collectivités locales – ce qui doit d'ailleurs amener à relativiser les accusations selon lesquelles ces collectivités, et donc les élus locaux, contribueraient fortement à l'endettement de notre pays.
Monsieur le ministre, la Cour des comptes indique quatre pistes pour résorber cet endettement considérable – au 31 décembre 2008, sans compter donc les 250 milliards supplémentaires de cette année, il était de 1 327 milliards d'euros.
Or il est illusoire d'espérer le retour de la croissance avant 2012 ; il ne faut pas compter sur l'inflation ; et le lancement d'un grand emprunt ne témoigne pas d'une volonté réelle de diminuer la dépense publique – sauf naturellement s'il est réservé à l'investissement, ce qui n'est pas le cas des emprunts que nous contractons actuellement : depuis 2002, ils servent à payer les dépenses courantes et depuis 2008, à payer les intérêts de la dette.
Monsieur le ministre, le président du groupe UMP a proposé la fiscalisation des indemnités journalières pour accidents du travail et l'augmentation des cotisations de retraite des fonctionnaires. Êtes-vous favorable à ces deux mesures ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Je vous rassure : ni les comptes ni la nation ne s'abandonnent ! Bien au contraire, ils se battent. Je ne sais pas, d'ailleurs, si vous avez des idées, mais, c'est une certitude, vous avez de la suite dans les idées : vous m'avez posé trois fois la question hier lors du débat sur la loi de règlement, et j'ai déjà tenté de vous répondre.
Bien sûr que c'est vrai ! Je ne voudrais pas dire que vous étiez parti – mais en tout cas je l'ai fait.
Vous faites référence aux conclusions des états généraux de la dépense publique qui ont été organisés, et bien organisés, par le groupe UMP – ce dont je le remercie –, sous la présidence de Jean-François Copé et avec la bienveillante expertise de Gilles Carrez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. — « Et il est où, Copé ? » sur les bancs du groupe SRC.)Franchement, bravo !
J'aimerais que le groupe socialiste en fasse de même : travaillez, proposez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Dites-nous donc comment vousvoyez l'évolution de la dépense publique ! Toutes vos propositions ne conduisent qu'à une seule chose : augmenter les dépenses de fonctionnement. Relisez ce qui vous sert de programme : c'est comme cela que c'est rédigé ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Travaillez, au lieu de critiquer ! Alors, il pourra y avoir un débat républicain entre une majorité, que je salue, et une opposition digne de ce nom. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Les propositions du groupe UMP vont effectivement très loin. C'est une bonne chose : elles n'ont pas à rencontrer de tabous. Elles posent un certain nombre de questions : que les députés UMP se posent des questions que l'ensemble des Français se pose est une bonne chose.
Nous avons un débat, national : il porte sur l'avenir de la France. Il sera clos au mois de novembre.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est fini !
Nous ferons alors en sorte que les questions des dépenses d'investissement et du déficit de fonctionnement soient à l'ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et NC.)
La parole est à M. Georges Mothron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Il y a quelques années, l'Assemblée a eu à se prononcer sur le port du voile à l'école. Ce problème était considéré comme insoluble par certains. Il a finalement été abordé au fond et réglé de manière républicaine.
Aujourd'hui, élu d'Argenteuil, j'ai pu personnellement constater l'augmentation du port de la burqa ou du niqab chez les femmes de ma circonscription. Nous arrivons, avec cette pratique, à un stade critique : la dignité de la femme est menacée par cette tentative de cacher toute trace de féminité. Cette pratique est non seulement une manifestation religieuse ostentatoire, mais l'on sait également qu'elle symbolise pour ces femmes l'humiliation et, bien souvent, la soumission intolérable, venue d'un autre âge, à leur époux ou à d'autres membres de leur entourage.
Dans d'autres pays d'Europe – je pense à l'Italie, au Luxembourg ou bien encore aux Pays-Bas –, le port de la burqa ou du niqab est interdit, ou en voie de l'être.
M. le Président de l'Assemblée nationale, après l'intervention du Président de la République à Versailles il y a quelques jours,…
…a décidé la création d'une mission d'information parlementaire formée de représentants de tous les groupes de notre assemblée.
La France, pays des droits de l'homme, ne peut tolérer une telle pratique. J'insiste sur le fait que ma question ne vise en rien à stigmatiser une religion, mais bien au contraire à protéger ces femmes qui, comme toutes les autres, ont droit au respect.
Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Vous vous souvenez sans doute qu'il y a quelques années, Luc Ferry et moi-même avions présenté ici une loi sur le port de signes ostensibles manifestant l'appartenance à une religion. Les débats parlementaires avaient créé de très vifs débats, et certains doutaient même qu'il fût possible d'appliquer la loi. On constatera qu'aujourd'hui, dans les établissements scolaires, ces signes d'appartenance manifeste à telle ou telle religion ont disparu…
…et que la pacification s'est faite.
Je crois que nous pouvons avoir un débat comparable, même s'il est d'une autre dimension, avec la question de la burqa. Trois enjeux au moins, tous fondamentaux pour le législateur, se mêlent en effet ici.
Il y a tout d'abord la question de la dignité de la femme : personne ne contestera aujourd'hui que la burqa est une tenue qui s'apparente à une prison.
Il y a ensuite la question de la laïcité : comment doit-elle se manifester dans l'organisation sociale, dans un pays laïc comme le nôtre ?
Il est enfin évident que cette tenue entraîne des relations sociales de dépendance qui ne sont pas conformes au droit des personnes.
En conséquence, la décision prise par le Président de la République d'encourager la création d'une mission parlementaire doit évidemment être soutenue.
Il ne s'agit évidemment pas de stigmatiser l'appartenance à telle ou telle religion ; il ne s'agit pas plus de demander aux femmes qui seraient tentées de porter la burqa de renoncer à leurs convictions religieuses ; il ne s'agit pas de privilégier un culte par rapport à un autre ; il ne s'agit pas de considérer qu'il n'y a pas une égale dignité des croyances.
Mais c'est là un signe qui emporte une conception différente de celle qui fonde l'organisation laïque de la République française. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
J'aimerais, avant de poser ma question à Mme la ministre de la santé et des sports, faire observer à M. Woerth que si, décidément, l'augmentation des cotisations auxquelles sont assujettis les Français fait partie du débat, à l'évidence le bouclier fiscal, lui, est un tabou auquel la majorité ne veut pas toucher. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la ministre de la santé et des sports, la France est désormais confrontée sur son territoire au développement de la pandémie de grippe A. Heureusement, ses effets jusqu'à présent ne sont guère différents de ceux d'une grippe saisonnière, mais les milieux scientifiques redoutent le retour d'un virus beaucoup plus agressif à la rentrée.
Sommes-nous vraiment prêts ? On peut en douter au regard des hésitations et des contradictions dans l'actuelle prise en charge. Nous devons donc utiliser le répit qui nous est laissé pour approfondir notre préparation.
Madame la ministre, allez-vous enfin donner à la médecine de ville les moyens de se mobiliser en apportant des réponses crédibles pour ce qui est de l'organisation et des conditions d'engagement des professionnels de santé ? L'hospitalisation en effet doit être réservée aux cas les plus graves.
La défense la plus efficace contre l'épidémie est d'adopter, chacun le sait, des comportements adaptés et de favoriser la solidarité de proximité. Face à une crise sanitaire, il ne faut chercher ni à alarmer ni à rassurer. La vérité est la base de la confiance. Pouvez-vous prendre l'engagement, madame la ministre, d'organiser l'information complète de nos concitoyens dès la rentrée, notamment par l'organisation de journées locales de prévention et de préparation au risque de pandémie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le député, vous posez la question de la prise en charge adaptée de nos concitoyens face à l'épidémie de grippe A H1N1. Actuellement, 73 000 cas ont été répertoriés dans le monde, dont plus du tiers aux États-Unis. Nous n'avons enregistré, pour l'instant, que 288 cas dans notre pays. Nous avons donc adapté notre prise en charge à l'évolution de la pandémie.
Dans un premier temps, selon les indications de l'OMS, nous avons adopté une stratégie de contingentement avec prise en charge hospitalière, pour pouvoir tester ce mode de prise en charge et surtout limiter la diffusion de l'épidémie.
Nous avons constaté que le virus H1N1 était bénin. Nous n'avons en particulier enregistré que deux cas sévères, qui sont d'ailleurs tout à fait guéris aujourd'hui. Nous avons donc procédé à une première inflexion pour passer de 112 à 450 hôpitaux de référence, tout en affirmant que le soin pouvait être pratiqué par la médecine de ville et que le traitement antiviral ne devait pas être systématique.
Il n'est pas douteux que nous enregistrons maintenant une diffusion active du virus. Nous mobilisons donc la médecine de ville, et nous l'informons. Beaucoup de choses ont déjà été faites dans le cadre du plan de préparation à la pandémie grippale que vous connaissez bien, qui a été engagé par Xavier Bertrand.
Nous mobilisons les médecins pour leur passer le relais très probablement au cours de l'été. Nous avons organisé de nombreuses réunions. Nous avons procédé à des réapprovisionnements. Je réunis après-demain au ministère de la santé les syndicats, les unions régionales de médecins libéraux et le conseil de l'ordre. Ne doutez pas, monsieur le député, que l'information des professionnels de santé sera complète et diffusée en toute transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, le 17 juin, nous avons appris l'existence d'un plan de restructuration du groupe Michelin qui prévoit la suppression de 1 093 postes au premier semestre 2010, sur les sites de Tours, de Montceau-les-Mines et de Noyelles-lès-Seclin. Le site de l'usine Sodemeca, filiale de Michelin qui emploie 276 personnes à Noyelles-lès-Seclin dans le département du Nord, devrait donc fermer ses portes d'ici à moins d'un an.
Passée la stupeur provoquée par l'annonce brutale de cette fermeture, les salariés se trouvent dans l'incertitude la plus totale quant à leur avenir. Ils ont aujourd'hui le sentiment d'avoir été trompés.
Si l'entreprise Michelin a exprimé le souhait de réintégrer l'ensemble de ces salariés sur d'autres sites de production, nous ne pouvons rester indifférents à l'inquiétude légitime de ces 276 salariés, de ces 276 familles qui ont construit leur vie dans le Nord et pour lesquels cette mesure pourrait apparaître comme un licenciement déguisé.
Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention, ainsi que celle du Gouvernement, sur cette restructuration d'entreprise qui touche brutalement le bassin d'emploi de Lille. Le Gouvernement, nous le savons, s'est engagé pour le maintien de notre industrie automobile dans un contexte de crise sans précédent. Pouvez-vous à ce titre nous préciser si Michelin bénéficiait des dispositions du pacte automobile ?
Par ailleurs, certains salariés pointent des manquements juridiques dans la procédure engagée à Noyelles-lès-Seclin. Quels éléments pouvez-vous porter à la connaissance de la représentation nationale qui établissent ou non de tels manquements ?
Enfin, pouvez-vous nous préciser quelle stratégie le Gouvernement entend appliquer dans la gestion des restructurations qui touchent au quotidien les salariés du secteur de l'automobile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, je sais avec quelle détermination vous défendez votre territoire, qu'il s'agisse de votre département du Nord ou, plus particulièrement, du bassin de la filière automobile et de la filière pneumatique de Noyelles-lès-Seclin.
À votre question précise, je vous répondrai d'abord que si Michelin a bénéficié du dispositif d'accompagnement du chômage partiel, en aucun cas ce groupe n'a bénéficié du dispositif du pacte automobile.
Plus globalement, il faut savoir que tout cela intervient dans un contexte mondial qui a vu la filière pneumatique perdre près de 40 % de parts de marché au cours du premier trimestre 2009. Face à cette situation, et pour éviter tout licenciement sec, Michelin a pris des décisions stratégiques en matière de compétitivité, de recherche et de développement et bien évidemment de réinvestissement.
Le plan industriel de l'entreprise comporte un plan d'investissement de 100 millions d'euros à Clermont-Ferrand, avec un grand projet tourné vers la recherche et le développement,…
…et le renforcement de tous les sites qui permettront de fabriquer des produits à forte valeur ajoutée.
Par ailleurs, un plan social concerne la réorganisation de l'ensemble de la filière ; il sera accompagné d'un plan d'anticipation de départs naturels en retraite et d'un plan de mobilité interne, tout cela sur la base du volontariat.
J'ai réuni ce matin les commissaires à la réindustrialisation pour leur rappeler que Michelin avait une obligation de revitalisation de l'ensemble des sites concernés et qu'eux-mêmes devront suivre de très près l'évolution de la situation.
La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, aujourd'hui 30 juin, vous avez la possibilité de vous installer dans vos nouvelles fonctions en refusant de mettre en oeuvre le plan social sans précédent décidé par votre prédécesseur. En effet, 30 000 personnes – EVS, emplois vie scolaire, ou AVS, auxiliaires de vie scolaire – recrutées par votre ministère voilà trois ou six ans, vont venir allonger les files d'attente de Pôle emploi, simplement parce que le Gouvernement en a décidé ainsi.
En pleine crise économique, à un moment où l'école doit être l'objet de la plus grande attention, cet abandon est inacceptable. Pendant la durée de leur contrat, ces salariés, payés entre 600 et 800 euros nets par mois, se sont investis sans compter dans leur emploi. Ils ont aidé les directeurs des établissements dans leurs tâches administratives. Ils ont permis, pour la satisfaction de toute la communauté éducative, la scolarisation d'un grand nombre d'élèves en situation de handicap. Ils ont été pleinement intégrés dans les équipes éducatives. Ils ont eu le mérite de se former eux-mêmes, faute d'avoir pu bénéficier des formations initialement prévues par votre ministère. Ils ont acquis une véritable formation professionnelle. Opérationnels et essentiels au bon fonctionnement de nos écoles, ils sont reconnus par les inspecteurs d'académie, les directeurs d'école et les parents.
J'ajoute que les auxiliaires de vie scolaire ont joué un rôle essentiel en permettant la prise en charge individuelle d'enfants en situation de handicap qui, sans eux, n'auraient pu s'intégrer à l'école et progresser. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Pour ces enfants, la continuité de la prise en charge et l'unicité du référent sont primordiales.
C'est pourquoi le renvoi sec de ces personnels à la case chômage n'est pas acceptable. Cette opinion est partagée sur tous les bancs de cet hémicycle. Nous sommes aujourd'hui le 30 juin ; quelle décision allez-vous prendre, monsieur le ministre ?
Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser caricaturer la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Que les Français se rassurent : à la rentrée prochaine, il y aura toujours autant d'emplois vie scolaire et d'auxiliaires de vie scolaire dans les écoles, auprès des élèves.
Seulement, comme vous l'avez rappelé, il s'agit de contrats à durée déterminée, de trois ans, renouvelables une fois. Sur un total de 30 000 contrats, les 18 000 contrats renouvelables seront renouvelés. Les 12 000 autres arrivent à leur terme, mais les postes, eux, sont maintenus ! Il y aura toujours, à la rentrée, des EVS ou AVS dans les classes. Mais, pour les personnes, les choses étaient claires depuis le début. Il avait en effet été précisé d'entrée que ces contrats étaient ouverts pour une durée déterminée avec l'appui d'un accompagnant de formation, dans le but de servir de tremplin vers l'emploi. Leurs signataires ont d'ailleurs eu accès aux concours internes de la fonction publique.
Enfin, c'est précisément parce que l'accompagnement individuel des enfants handicapés suppose une relation particulière entre l'adulte et l'enfant que nous cherchons actuellement des solutions avec le monde associatif. Mais encore une fois, monsieur le député, gardez-vous de toute caricature, puisqu'il y aura, à la rentrée, autant de personnel de vie scolaire qu'aujourd'hui auprès des enfants et dans les classes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
En entrant en guerre avec la Géorgie l'an dernier, la Russie s'est mise à l'écart de la communauté internationale. Nous apprenons que des bruits de bottes retentissent de nouveau dans cette partie du Caucase, puisque la Russie organise des grandes manoeuvres réunissant, dans le cadre de l'opération « Caucase 2009 », plus de 8 000 hommes, 200 chars, 450 blindés et 250 pièces d'artillerie.
L'Union européenne a toujours privilégié le dialogue avec la Russie, même si ce choix n'est simple ni sur la forme – les rapports sont parfois rugueux – ni sur le fond. Ces derniers jours, plusieurs réunions ont eu lieu, car la seule façon d'obtenir des avancées est évidemment de dialoguer : le G8 à Trieste et, à Corfou, la réunion OTAN-Russie et la réunion ministérielle de l'OSCE.
Monsieur le ministre, comment appréciez-vous la situation dans cette partie du monde ? Ces réunions ont-elles permis de relancer nos relations avec la Russie et pouvons-nous espérer que nos principes et nos valeurs soient mieux respectés dans cette partie du monde ?
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Vous avez raison, monsieur le député, il faut dialoguer avec la Russie, même si ce n'est pas toujours facile. Vous avez rappelé que trois réunions se sont tenues récemment, la première à Trieste et les deux autres à Corfou, pour rétablir les négociations interrompues en août dernier par l'Union européenne.
Quand elle a présidé l'Union, la France a joué pleinement son rôle lors de la crise de Georgie. Nous avons obtenu que les Russes se retirent des zones « adjacentes » de l'Ossétie et de l'Abkhazie. Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante. C'est pourquoi, à chaque occasion, nous rappelons que nous n'avons pas l'intention de reconnaître ces deux entités et que nous devons poursuivre le dialogue à Genève.
La réunion du G8 a donné à Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères de Russie, l'occasion de se prononcer avec fermeté sur la crise iranienne. Le sommet avec l'OTAN a permis de réaffirmer, avec la Russie, que les coopérations militaires engagées contre le terrorisme et la piraterie devaient reprendre ou se poursuivre. Enfin, dans le cadre de l'OSCE, où la Russie, les États-Unis et tous les États membres peuvent dialoguer, il a été décidé qu'un document serait signé par tous à Athènes, lors de la réunion de fin d'année, pour témoigner d'un accord qui n'a pu être obtenu cette fois.
Relations avec la Russie
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'article unique de la proposition de loi visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement (n° 1672).
Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, mes chers collègues, la proposition de loi aujourd'hui soumise par notre groupe, et que j'ai corédigé avec notre président François Sauvadet, vise à corriger une anomalie de notre droit social qui permet actuellement à un employeur de proposer des offres choquantes, dans le cadre d'une procédure de reclassement.
Les médias se sont récemment fait l'écho de situations où des salariés se sont vu proposer par leur employeur, préalablement à leur licenciement, un emploi dans un pays émergent pour une rémunération dérisoire – quelques dizaines d'euros.
Comment admettre que des employeurs infligent à leurs salariés ce que je qualifierai d'une double peine puisqu'à l'annonce souvent brutale d'un licenciement vient s'ajouter une proposition de reclassement indécente, insupportable pour des salariés en situation de grande fragilité.
Pourtant, les employeurs qui adressent de telles offres déclarent appliquer strictement le code du travail. En effet, selon les textes et la jurisprudence en vigueur, lors d'un licenciement économique l'employeur est obligé de proposer un poste à ses salariés, même quand l'emploi se situe à des milliers de kilomètres, et même si les conditions de rémunération sont nettement inférieures à celles qui prévalent sur le territoire français.
L'exemple du jugement rendu par la Cour d'appel de Reims est particulièrement révélateur du ridicule de cet état du droit. Elle vient, en effet, de condamner une entreprise à verser 2,5 millions d'euros à ses 47 salariés licenciés, notamment pour avoir refusé, en accord avec les responsables syndicaux de son entreprise, de leur proposer des emplois en Roumanie à 110 euros par mois.
Mes chers collègues, il est urgent de sécuriser ces procédures de reclassement, notamment en cette période qui voit se multiplier les licenciements pour motif économique.
La première partie de l'article unique de la proposition de loi précise que les offres de reclassement devront assurer aux salariés une rémunération équivalente à celle qu'ils percevaient dans leur précédent emploi.
Avec l'adoption de ce texte, le juge pourra donc sanctionner les offres de reclassement assorties d'une rémunération non équivalente, et plus particulièrement celles qui sont humiliantes pour le salarié.
La seconde partie de la proposition de loi se concentre plus spécifiquement sur la question des offres de reclassement qui interviendraient dans un pays étranger.
Actuellement, lors d'un licenciement économique, certains employeurs qui profitent de l'ambiguïté de la législation, se débarrassent de leurs obligations légales, en proposant des rémunérations surréalistes à l'étranger dont ils savent qu'elles ne pourront être acceptées. Le dispositif que nous vous soumettons propose donc de replacer le salarié au coeur de la procédure de reclassement.
L'option retenue après consultation des partenaires sociaux consiste à donner une base légale à la méthode dite du questionnaire préalable, que certaines entreprises avaient imaginé pour éviter d'avoir à faire des offres de reclassement exhaustives, aussi indécentes apparaissent-elles.
Pour résumer l'ambition de cette proposition de loi du groupe Nouveau Centre, je dirai qu'elle vise deux objectifs.
Le premier est d'ordre moral. Il s'agit de remettre de la dignité dans des procédures où le mépris de la personne a pu s'installer. Plus jamais un salarié ne recevra une proposition de reclassement indécente voire traumatisante.
Le second vise à fixer un cadre juridique efficace aux procédures de reclassement, tant pour l'employeur que pour ses salariés.
Je suis convaincu que le vote de ce texte serait un beau message envoyé par le Parlement aux syndicats de salariés et aux organisations d'employeurs. Aussi, nous espérons que la représentation nationale saura se retrouver de la manière la plus consensuelle autour de cette proposition de loi de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen, jeudi 25 juin dernier, de la proposition de loi de nos collègues du groupe du Nouveau Centre, François Sauvadet et Philippe Folliot, nous avons mis en lumière les obstacles quant à la procédure de reclassement auxquels se heurtent tant les employeurs que les employés. En effet, nous avons pris conscience du caractère aberrant de la législation actuelle concernant le reclassement des salariés licenciés pour motif économique, plus particulièrement dans les structures à l'étranger.
Actuellement, les employeurs sont tenus de proposer à leurs salariés licenciés des postes équivalents dans les structures du groupe auquel appartient leur entreprise, pour des salaires souvent dérisoires.
Je rappelle ici le cas de cette entreprise de textile, située dans la circonscription de M. le rapporteur Folliot, qui a dû proposer à neuf de ses salariés un reclassement en Inde rémunéré à 69 euros par mois, ce qui est inadmissible, alors même que la législation indienne impose aux travailleurs étrangers un niveau de ressources nettement supérieur à ce salaire insignifiant pour être accueillis sur le territoire indien.
Nous devons garantir de justes conditions de rémunération aux salariés licenciés soumis à la procédure de reclassement.
Mes chers collègues, le rôle d'un parlementaire étant aussi celui de contrôler la bonne application de la loi, nous nous devons de faire évoluer la législation quand cette dernière se fonde sur des jurisprudences incohérentes avec la réalité salariale.
Aussi, le groupe UMP tient à ce que l'obligation faite par la loi à l'employeur de proposer des reclassements pour des salaires très inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance ne puisse pas être considérée comme sérieuse.
Nous devons accompagner les Français confrontés aux difficultés liées à la conjoncture actuelle en corrigeant les effets d'une jurisprudence qui permet de faire des offres de reclassement abusives en jouant sur les salaires.
Le groupe UMP s'interroge également sur la question épineuse de l'interprétation extensive que la jurisprudence tend habituellement à réaliser. En effet, établir une liste exhaustive des implantations de nombreuses entreprises ou groupes comme Lafarge ou McDonald est irréalisable en raison du nombre de sites dans les différents pays.
Nous pouvons penser que, si la liste n'est pas complète, la jurisprudence disposerait que l'offre de reclassement n'est pas respectée et ainsi que le licenciement n'est pas fondé. Il est donc impératif de rectifier cette jurisprudence si souvent créative et de garantir aux employeurs qu'ils ne devront plus proposer des offres manifestement inacceptables pour les salariés.
Aussi sommes-nous favorables à cette proposition de loi qui renforcera la protection des salariés en instaurant l'obligation de proposition de reclassement à poste et rémunération équivalents.
Ce texte fera ainsi évoluer cette offre de reclassement en obligation de résultats et non de moyens comme elle était jusqu'alors considérée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Sur le vote de l'article unique de la proposition de loi, je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin public.
La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de rappeler que la présente proposition de loi s'inscrit dans la suite de la loi de modernisation sociale qui avait été adoptée par le gouvernement Jospin et qu'il s'agit de l'améliorer.
Avant tout licenciement, précise cette loi, tout doit être entrepris pour trouver un emploi dans le groupe et pas seulement dans l'entreprise ou envisager une formation. Cette législation, particulièrement favorable aux salariés, a été très rapidement détournée au détriment de ces mêmes salariés. Comme cela vient d'être rappelé, on leur a proposé des salaires indécents : 50, 100 ou 200 euros par mois.
La solution à long terme passerait par une harmonisation de tous les salaires, en particulier sociale européenne a minima et non par la déréglementation du droit du travail. À court terme, le texte de M. Folliot vient à propos et je tiens à souligner que les amendements du groupe socialiste ont été repris par le rapporteur, ce dont je le remercie...
..après discussion avec les organisations syndicales, ce qui n'était pas obligatoire pour une proposition de loi. On l'a fait néanmoins et je m'en félicite.
On peut regretter que les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 aient attendu quatre ou cinq ans avant d'agir, plus préoccupés qu'ils étaient sans doute par des textes dérégulant et non sécurisants.
Je pense en particulier aux dispositions qui ont permis d'augmenter le plafond des heures supplémentaires, plafond qui n'a du reste jamais été atteint.
Et la dernière étape, la loi TEPA, est sans doute la plus scandaleuse ! Si ceux qui travaillent déjà peuvent éventuellement travailler plus ( pas forcément pour gagner plus), ceux qui ne travaillent pas n'ont quasiment aucun espoir, surtout en période de récession économique, de retrouver un emploi ! Peut-être pourront-ils tenter leur chance quand viendra la reprise, mais encore faudrait-il que ceux qui auront fait des heures supplémentaires leur aient laissé du travail.
La France est le seul pays où l'on indemnise le chômage partiel tout en exonérant les heures supplémentaires. La situation est inimaginable !
Prenons au mot le Président de la République qui a déclaré à Versailles que tout licencié économique devrait pouvoir garder son salaire et recevoir une formation pendant un an. Chiche ! Ce discours s'inscrit dans le droit fil de la flexicurité que nous préconisions déjà dans le cadre de la loi de modernisation sociale adoptée en 2002. Cependant, alors que le Président de la République, faute d'avoir trouvé des financements, se tourne vers les partenaires sociaux, nous proposons de supprimer tout simplement l'exonération des heures supplémentaires, ce qui pourrait rapporter un peu plus de 4 milliards, lesquels suffiraient largement à indemniser les licenciés économiques et à les former pendant un an.
Reste la question, soulevée par M. Folliot, de ceux qui, n'étant pas encore licenciés, ne sont pas concernés par le discours du Président de la République. Pour cette raison nous voterons cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe NC) a minima. Laurence Parisot elle-même a qualifié ce fameux reclassement en Inde à 69 euros par mois de « honteux, sadique et inacceptable ». Dans ces conditions, nous ne pouvons que voter cette proposition de loi, c'est une question de morale et d'éthique pour les salariés de nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe NC.)
Jeudi dernier, lors de l'examen en séance publique de la proposition de loi du Nouveau Centre, nous avons réussi à dépasser nos clivages pour dénoncer les offres abusives de reclassement à l'étranger, dans des pays où la main d'oeuvre ne coûte pas cher, pour des salaires indécents, près de vingt fois inférieurs au Smic.
Face au tollé soulevé par l'entreprise Carreman de Castres qui proposait à ses salariés déjà fragilisés par un licenciement économique un reclassement en Inde pour un salaire mensuel de 69 euros, la patronne du Medef elle-même s'était émue de tels comportements, sans pour autant montrer du doigt le système qui les générait.
Des patrons voyous il fut rarement question et c'est regrettable. En revanche, l'accent fut mis sur l'absurdité de la loi qui, à trop vouloir embrasser étreindrait mal, son respect scrupuleux finissant par précariser la situation professionnelle et personnelle des salariés, rien que cela.
La Cour d'appel de Reims et non la Cour de Cassation a récemment condamné la société Olympia pour n' avoir pas envisagé le reclassement de ses salariés sur des postes en Roumanie pour 110 euros mensuels. Une telle décision témoigne de la faiblesse de la législation actuelle. Il est cependant regrettable que toute la construction jurisprudentielle autour de l'obligation de reclassement en ressorte fragilisée, certains jugeant cette obligation de moyen trop renforcée, l'employeur étant contraint de proposer une alternative au licenciement pour valider le licenciement économique.
Si nous avons presque unanimement souhaité que soit inscrit dans la loi le principe selon lequel le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi assorti d'une rémunération équivalente, des voix discordantes se sont fait entendre en commission et jusque dans cet hémicycle pour douter de l'opportunité de légaliser la pratique dite du questionnaire préalable, qui impose à l'employeur de demander au salarié s'il accepte de recevoir des propositions de reclassement à l'étranger et sous quelles conditions salariales. Cette mesure, censée renforcer le droit et la protection des salariés, n'aurait-elle pas l'effet inverse ?
Le législateur doit se poser cette question.
A mes craintes qu'en inscrivant dans notre droit des dispositions spécifiques consacrées au reclassement à l'étranger nous n'amenuisions la portée de l'obligation de reclassement à la charge de l'employeur, que le droit au reclassement ne soit réduit au droit du reclassement, vous n'avez pu répondre.
Vous n'avez pas davantage pu répondre aux interrogations d'un de vos collègues de la majorité quant à la forme de ce questionnaire, à sa valeur juridique, aux risques de contentieux supplémentaires qu'il peut faire naître.
Parce que le doute entoure encore la portée réelle de cette mesure, dont nous ne savons pas si elle aura ou non des effets pervers, le groupe GDR ne pourra pas voter cette proposition.
Nous le regrettons d'autant plus qu'en cette période de destruction massive d'emploi, de présentation en cascade de plans sociaux de grande ampleur, les salariés ont plus que jamais besoin d'être protégés.
80% des licenciements économiques ont lieu actuellement hors de tout plan social. Pour un même bassin d'emploi, les disparités sont énormes entre les salariés des grosses entreprises et ceux, majoritaires, des TPEPME : indemnités supralégales compensant le préjudice injustement subi pour les uns, minimum légal pour les autres, accès à la CTP et aux dispositifs d'aide au reclassement pour certains, passage direct à Pôle emploi pour d'autres...
Mais ne soyons pas dupes d'une proposition qui permet un petit pas fragile car elle restera lettre morte tant que le gouvernement et sa majorité ne s'engageront pas résolument dans la lutte contre le dumping social en harmonisant par le haut les législations du travail et en soutenant l'idée d'un Smic européen.
Or, nous savons ce qu'il en est. Nous connaissons sa frilosité quand il s'agit de stopper les licenciements dans les entreprises qui délocalisent alors qu'elles réalisent des profits et distribuent des dividendes. Et que dire de l'attentisme coupable dont il a fait preuve pour rendre les salariés un peu moins inégaux face aux licenciements économiques !
Pour toutes ces raisons le groupe GDR s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article unique de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin).
Voici le résultat du scrutin :
Votant 481
Suffrages exprimés 458
Majorité absolue 230
Pour l'adoption 451
Contre 7
(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 40.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.
C'est avec beaucoup de fierté et d'espoir que le groupe Nouveau Centre a choisi de mettre à l'ordre du jour de sa journée d'initiative parlementaire ce projet de loi qui reconnaît enfin officiellement le rôle de l'Etat et le statut de victimes à ceux qui ont participé ou qui ont été touchés de près ou de loin par ce qui fut un véritable enjeu stratégique pour notre défense mais également un drame humain. Au prix de leur santé et, pour certains, de leur vie, ils ont permis à la France de vivre en paix jusqu'à maintenant, ils ont fait de la France un pays qui compte parmi les grandes puissances de ce monde et qui mérite son siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.
C'est notre honneur à tous, et en particulier à vous, Monsieur le ministre, qui avez rédigé ce projet de loi, de nous êtres engagés, quelle que soit notre famille politique, pour cette cause.
La question de la reconnaissance et de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français doit en effet transcender les clivages et nous rassembler derrière nos vétérans et leurs familles. La France se grandit en réparant l'oubli et nous tenons, Monsieur le ministre, à vous redire ici notre engagement à vos côtés.
A côté des victimes civiles que nous reconnaissons aujourd'hui, nous rendons également hommage aux militaires qui ont obéi aux ordres et qui en ont subi les conséquences, souvent dramatiques. Ce projet de loi leur témoigne notre soutien.
Ce texte n'est peut-être pas parfait, nous l'avons dit, mais il a, et ce n'est pas rien, le mérite d'exister. Jusqu'ici les procédures étaient complexes, longues et souvent infructueuses. Désormais, elles seront considérablement simplifiées et ainsi, dans beaucoup de cas, couronnées de succès ou, tout ou moins, menées à leur terme. Grâce au renversement de la charge de la preuve et la quasi présomption de causalité, la mise en place d'un comité de suivi dans lequel seront représentées les associations de victimes, point extrêmement important pour le Nouveau Centre, et un financement sécurisé par le recours au budget même du Ministère de la Défense, le dispositif que le texte propose est un premier pas qui n'est pas que symbolique.
Certes les symboles sont importants et nous soutenons vivement la modification du titre proposée par nos collègues de l'opposition pour qu'apparaissent clairement les termes de « reconnaissance » et d'« indemnisation ».
Ces insertions sont fondamentales car la reconnaissance et l'indemnisation font partie du processus de reconstruction personnelle des victimes.
Mais si les symboles sont importants, le concret l'est tout autant. Le comité de suivi permettra de prendre correctement en charge les dossiers des victimes.
Je conclurai en saluant le travail du rapporteur qui a, dans un laps de temps très court, travaillé en profondeur sur ce texte. Je salue également les associations de victimes qui nous ont régulièrement et depuis des années, informés et même parfois bousculés pour que nous agissions.
Notre démarche est juste et légitime car elle répond à une volonté de l'Etat français de réparer les conséquences de ses actes. La France se grandit en réparant l'oubli. C'est pour cette raison que le groupe Nouveau Centre soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
C'est avec une certaine émotion que je m'exprime sur ce sujet car ce texte, nous l'attendions depuis longtemps.
Des dizaines de propositions de loi, émanant de tous les bords politiques, ont été déposées sur le bureau de notre Assemblée. Je pense notamment à celles de Yannick Favennec et Christian Ménard qui se sont particulièrement mobilisés sur ce dossier.
Je remercie également notre rapporteur qui, en très peu de temps, a réalisé un travail remarquable.
Le groupe UMP est toujours resté mobilisé pour répondre aux attentes, déjà anciennes, des associations de victimes comme l'association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) dont je salue l'action.
Ce texte est en grande partie leur victoire, celle de la justice et du courage.
C'est aussi notre victoire, mes chers collègues, nous qui les avons soutenus, nous qui avons relayé fidèlement leurs demandes et beaucoup travaillé avec le ministère de la Défense afin d'arriver à un texte juste et équilibré.
C'est aussi une victoire pour notre pays qui, à l'instar d'autres grandes puissances nucléaires comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, a su reconnaître le sacrifice de ces hommes et de ces femmes qui se sont placés au service de notre indépendance nationale et de notre dissuasion nucléaire. Mieux vaut tard que jamais.
C'est encore, Monsieur le ministre, la victoire de votre engagement sur le sujet et je tiens à vous remercier au nom de mes collègues UMP pour votre implication personnelle sur cette question.
Plusieurs députés UMP. Très bien !
Comme je l'ai déjà dit, un consensus national existe aujourd'hui sur la nécessité d'indemniser les victimes des essais nucléaires, ces invalides de la guerre froide, sans que cette indemnisation remette en cause le bien fondé de notre politique nucléaire qui permet à notre pays d'affirmer son indépendance sur la scène internationale et d'y jouer un vrai rôle. Le recul sur ces questions nous permet aujourd'hui de reconnaître que nous avons un devoir moral envers ceux qui ont servi loyalement leur pays au prix parfois d'un sacrifice très lourd. Ce chemin n'a pas été simple : nous sommes nombreux sur ces bancs à pouvoir en témoigner.
Ce texte pose le principe de la réparation intégrale des conséquences sanitaires des essais nucléaires français. Le projet de décret que vous nous avez fait parvenir lors de l'examen du texte confirme que la liste des maladies radio-induites sera celle établie par les experts de l'UNSCEAR. Elle sera, de plus, susceptible d'évoluer avec les connaissances de la science.
Afin qu'un demandeur, ou ses ayants droit, puissent déposer un dossier d'indemnisation, la personne devra avoir résidé ou séjourné sur les sites concernés pendant les périodes définies et présenter une pathologie radio-induite. Les demandes d'indemnisation seront examinées par un comité d'indemnisation.
Dans notre esprit, les choses sont claires. Nous devons la plus grande transparence aux victimes. Rien ne doit leur donner l'impression que nous cherchons à les priver, pour telle ou telle raison, d'une indemnisation : le processus est transparent et les conditions parfaitement définies et garanties. C'est ce que demandent les victimes.
La création d'une commission nationale de suivi des essais nucléaires, dans laquelle ces associations seront représentées, nous paraît constituer un juste compromis. Le fait que cette commission puisse être consultée sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites est une avancée importante. Il en est de même de sa capacité à adresser des recommandations tant au ministre de la défense qu'au Parlement.
Le texte auquel nous sommes arrivés est équilibré. C'est pourquoi je tiens une fois de plus à me féliciter du travail que vous avez accompli. C'est une vraie victoire pour tous ceux qui se battent depuis des années sur le sujet : chacun doit en prendre conscience. Nous avons trouvé face à nous un gouvernement à l'écoute et soucieux de parvenir à un compromis.
Je le répète, les victimes ou leurs ayants droit peuvent adresser leur demande d'indemnisation dans un climat de confiance et de transparence. C'est véritablement l'état d'esprit qui prévaut à la mise en oeuvre de ce texte.
Représentés au sein de la commission de suivi, nous veillerons, en tant que députés, à cette bonne application. Nous ne manquerons pas d'interroger régulièrement le ministre sur la suite donnée aux différentes demandes formulées par les victimes.
Pour toutes ces raisons, au nom du groupe UMP, je vous invite à voter le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, le scrutin a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Pour le groupe SRC, la parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Monsieur le président, monsieur le ministre, treize ans après la fin des essais nucléaires français, nous nous félicitons que l'Assemblée nationale se prononce enfin sur une loi permettant de reconnaître et d'indemniser les victimes, comme l'indiquera le titre que nous avons voulu lui donner.
Il aura fallu dix-sept propositions de loi, émanant des divers groupes, puis une dix-huitième, dont la rapporteure était Christiane Taubira et qui faisait la synthèse des précédentes – elle a été examinée dans le cadre d'une niche parlementaire du groupe SRC le 27 novembre dernier –, pour que le Gouvernement élabore un projet de loi.
Monsieur le ministre, vous aviez pris l'engagement ce jour-là de présenter un projet de loi avant l'été, en concertation avec les parlementaires et les associations, et de fournir l'étude d'impact et le projet de décret lors de l'examen du texte : vous avez tenu vos promesses sur ces trois points, nous vous en donnons acte.
Au fil des réunions de travail et de l'examen en commission et dans l'hémicycle, nous avons su, sur tous les bancs, faire avancer de manière positive le projet de loi, notamment en ce qui concerne les trois conditions requises pour prétendre à l'indemnisation : les périodes de présence sur les sites, les zones géographiques, même s'il reste un débat sur la question du secteur angulaire, et la liste des maladies répertoriées, même s'il semble d'ores et déjà nécessaire d'y ajouter d'autres maladies non cancéreuses. Il est vrai que le projet de loi prévoit que la liste des pathologies pourra évoluer en fonction des avancées scientifiques.
La vraie divergence, qui perdure, porte sur la procédure d'indemnisation proposée. Avec les associations de victimes, le médiateur de la République et des députés de toutes tendances, qui se sont exprimés sur le sujet, nous sommes favorables, comme le prévoyait notre proposition de loi, à l'inscription dans la loi du principe de présomption du lien de causalité entre la maladie et les essais nucléaires, ainsi qu'à la création d'un fonds d'indemnisation doté d'une personnalité juridique propre.
En effet, seule une telle procédure garantit l'inversion de la charge de la preuve et une forme d'indépendance du comité chargé d'instruire les demandes.
Par crainte d'un risque d'automaticité de la réparation, vous avez choisi une procédure verrouillée, qui s'appuie sur un comité d'indemnisation dont tous les membres seront des représentants des ministères concernés ! Ce comité vous transmettra sous quatre mois une recommandation : il sera alors de votre ressort exclusif de faire une proposition dans les deux mois qui suivront, proposition qui sera à prendre ou à laisser. Le seul recours sera alors d'attaquer votre décision au tribunal administratif, avec le risque que celui-ci ne juge pas en plein contentieux. Il conviendra dans ces conditions de reprendre la procédure à zéro.
Monsieur le ministre, vous avez eu le mérite de décider de régler ce problème : vous en recueillerez le bénéfice politique et la reconnaissance des victimes, empêtrées dans de lourdes procédures juridiques qui n'aboutissent pas. Toutefois, votre refus obstiné de mettre en place une procédure semblable à celle qui a été mise en oeuvre pour le drame de l'amiante hypothèque votre démarche, qui se résume, en fait, à un processus de transaction avec le ministère de la défense, lequel se révèle à la fois juge et partie.
C'est pourquoi nous souhaitons que les associations, qui se battent depuis des années auprès des victimes, puissent être associées au travail de réparation. Sinon, vous créerez le seul dispositif de santé publique dont les associations soient exclues, puisque ce projet de loi leur accorde à peine la possibilité d'assister les victimes lors de la procédure contradictoire que nous avons obtenue. Elles participeront également à une commission consultative de suivi, mais vous l'avez vidée de tout son sens, alors que les associations en attendaient beaucoup, notamment en matière d'organisation du suivi médical et épidémiologique.
En imposant un dispositif complètement entre vos mains, pour ne pas dire «à votre main », vous créerez beaucoup de déception et d'amertume.
C'est pourquoi nous vous demandons un nouveau projet de décret afin de rééquilibrer la composition du comité d'indemnisation et d'élargir les missions de la commission de suivi à l'organisation du suivi médical et environnemental des conséquences des essais nucléaires.
En l'état, nous ne voyons pas comment nous pourrions voter un tel dispositif d'indemnisation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le groupe SRC s'est investi pleinement dans ce débat qui, selon un avis unanime, a été de bonne tenue.
Nous nous y sommes engagés dans un état d'esprit constructif avec, pour objectif, la recherche d'un consensus profitable aux victimes.
Aujourd'hui nous avons clairement le sentiment que vous souhaitez faire adopter une loi a minima,…
…qui, in fine, n'indemnisera que les vétérans ayant participé à des essais au cours desquels le ministère de la défense reconnaît lui-même que des incidents se sont produits. Pour les autres victimes, le combat pour la vérité devra se poursuivre et vous êtes sur le point de commettre une nouvelle injustice. Certains personnels civils risquent même d'être moins bien indemnisés que par le biais des démarches qu'ils peuvent avoir déjà engagées.
C'est pourquoi, à notre grand regret, monsieur le ministre, nous ne pouvons approuver un projet de loi, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) qui constitue assurément, dans l'esprit, une avancée en termes de reconnaissance, mais n'en demeure pas moins, dans son principe, insuffisant à créer un véritable droit à indemnisation.
Le groupe SRC s'abstiendra donc, dans l'espoir de faire évoluer ce texte de manière positive lors de sa deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
De l'aveu du ministre, M. Morin, la cause était entendue depuis la discussion de son projet de loi en commission de la défense. Il s'attendait à un avis consensuel de tous les groupes parlementaires, gauche et droite réunies. Ah, si cela avait été possible !
De fait, mis à part quelques députés complaisants et même euphoriques, les objections des parlementaires ont fusé en raison du rejet du principe de présomption, du contrôle par l'administration et le ministère de la défense du comité d'indemnisation, des limites consultatives de la commission de suivi, du doute à l'égard des possibilités de recours des victimes ainsi que de la dénégation d'un droit des victimes à indemnisation.
Des députés, notamment de l'opposition, ont bataillé si fermement, en vue de sauver quelques amendements concernant notamment les voies de recours, que le ministre, excédé, s'est trouvé, à chaque argument avancé, sur la défensive, accusant ceux qui critiquaient son projet de propos antirépublicains et soupçonneux à l'égard de l'administration. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Les deux députés de Polynésie, que je tiens à saluer, ont fermement rappelé que la majorité des essais nucléaires de la France ont été effectués chez les Polynésiens, sans leur accord, et que ces derniers méritaient, à ce titre, davantage de considération. Ils ont insisté également avec émotion sur les conséquences environnementales de ces essais, inquiétant héritage qui n'en est pas moins totalement évacué du projet de loi.
Les membres de la majorité n'ont pas été, non plus, avares de critiques, regrettant que leurs amendements ne soient pas pris en considération. Ils n'en ont pas moins fini par avouer qu'ils voteront le texte.
Exception faite du ministre, presque tous les intervenants, de gauche comme de droite, ont souligné le rôle important joué par les associations, sans lesquelles nous ne serions pas ici aujourd'hui. Cet hommage au travail de l'AVEN et de Moruroa e tatou a été également l'occasion de rappeler à M. Morin qu'il n'était pas question de confondre ces associations qui, depuis des années, ont prouvé leur compétence et leur pugnacité à défendre les victimes, avec d'autres, qui n'ont pas de véritable représentativité.
Aujourd'hui, mes chers collègues, nous votons sur un projet de loi qui, comme l'a souligné un député, « donne tout pouvoir au ministre ». Ce pouvoir sera même renforcé par le décret d'application, qui vise clairement à réduire au maximum le nombre des indemnisations. Les populations du Sahara et des îles polynésiennes devront savoir manier sextants, boussoles et autres GPS pour justifier leur présence sur les zones, très limitées, considérées comme étant à risques radioactifs. Les malades – personnels civils et militaires des sites d'essais et populations – seront en quelque sorte recalés par les experts désignés par le ministre en cas de soupçon, même minime, de tabagisme, d'alcoolisme ou de quelque tare héréditaire.
Comment pourraient-ils vraiment défendre leur dossier, alors qu'ils auront face à eux des experts qui, non seulement, seront soumis à la fois au secret médical et au secret défense mais, de plus, n'auront jamais eu aucune expérience des conditions dans lesquelles les essais ont été effectués ? C'est un vrai déni de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui précise que tout plaignant a droit aux moyens de sa défense.
Bref, les députés doivent voter sur un texte purement symbolique, par lequel la France se déclarera fièrement quitte des conséquences désastreuses de ses essais nucléaires, et cela à moindre frais, puisque les victimes, dans leur grande majorité, seront exclues d'une juste réparation en raison du dispositif mis en place par la loi.
Je vous ai entendu, mes chers collègues, protester contre mes propos. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je tiens simplement à vous signaler qu'ils ne font que reprendre les considérations de l'AVEN : on ne saurait donc me reprocher d'exagérer.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte et demandons que les sénateurs redonnent un vrai contenu au projet loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 478
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue 162
Pour l'adoption 300
Contre 23
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public (n° 1734).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 85 , portant article additionnel après l'article 4.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour évoquer les événements survenus la nuit dernière puisque, depuis le début de la présente discussion, le groupe socialiste a placé la dégradation de la situation sur le terrain au centre de ses préoccupations. Aussi, en préambule, j'adresse un témoignage de solidarité aux deux gardiens de la paix de Gagny, roués de coups hier soir, à la sortie du commissariat, au cours d'une agression manifestement préméditée.
Ces incidents, tout comme ceux qui se sont déroulés le week-end dernier à Tremblay, aux Tarterêts ou à Mantes-la-Jolie invitent les législateurs que nous sommes à nous montrer à la hauteur de notre devoir dans ce type de situation. Ce devoir consiste à apporter des solutions aux problèmes et non à ajouter des difficultés à celles qu'on constate déjà sur le terrain, en votant des textes d'affichage inapplicables, sources de complications juridiques, telle la présente proposition de loi.
Tous les policiers et tous les magistrats que nous avons entendus, en effet, ne croient pas à l'utilité de votre dispositif et en redoutent l'inefficacité. De surcroît, il semble que la majorité non plus n'y croit pas puisque, hier soir, quand il s'est agi d'examiner le point cardinal de ce texte, à savoir son article 1er, le groupe UMP était minoritaire en séance.
Nous allons donc continuer de défendre une autre politique de sécurité, des mesures concrètes, notamment en matière de violence scolaire – nous allons d'ailleurs bientôt examiner la deuxième partie du texte.
L'amendement n° 85 s'inscrit dans la continuité du débat d'hier soir sur l'enregistrement des interpellations et des interventions de la police nationale, en particulier sur les dispositifs d'enregistrement expérimentés en Seine-Saint-Denis, si j'en crois des éléments d'information récents donnés par le ministère de l'intérieur.
L'amendement demande que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les résultats des expérimentations en cours ainsi que sur le coût prévisionnel de la généralisation de la vidéosurveillance. Un projet de loi doit désormais systématiquement faire l'objet d'une étude d'impact, ce qui n'est pas le cas d'une proposition de loi. Or, puisqu'il s'agit ici d'une proposition, cet amendement répond donc à la nécessité pour le Parlement de disposer des éléments d'information que j'ai mentionnés – évaluation des expérimentations en cours et éléments de transparence financière sur le coût de la généralisation de ces enregistrements.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour donner l'avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Avis défavorable. La commission considère qu'il n'est pas nécessaire de procéder à la rédaction d'un énième rapport. Cette initiative appartient de toute façon au Parlement.
La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis. Le Gouvernement est tout à fait favorable à l'évaluation des dispositifs qui, de toute façon, ne saurait être réalisée avant leur montée en puissance.
(L'amendement n° 85 n'est pas adopté.)
Je souhaite m'inscrire sur l'article, ainsi que sur les articles 4 ter, 4 quater et 4 quinquies.
Soit, madame Batho, à l'exception de l'article 4 bis, puisque je viens d'appeler l'amendement n° 8 .
La parole est donc à M. Pierre Gosnat, pour soutenir cet amendement de suppression.
Cet article entend tout simplement permettre aux forces de l'ordre de se raccorder aux systèmes de vidéosurveillance des bailleurs.
La mise en place généralisée des systèmes de vidéosurveillance dans les lieux publics ou privés conduit notre société à s'interroger sur l'idée qu'elle se fait du respect de la vie privée. Certes, la vidéosurveillance permet parfois d'identifier des auteurs ou même de prévenir des actes de délinquance. Elle ne saurait néanmoins autoriser tout et n'importe quoi au nom du principe de précaution.
Dès lors qu'une caméra de vidéosurveillance est installée par un bailleur dans le respect de la légalité, il est normal que les services de police et les bailleurs coopèrent en bonne intelligence une fois l'infraction commise. Cependant, permettre aux forces de l'ordre de se raccorder en temps réel au système de vidéosurveillance installé par les bailleurs relève d'un mélange des genres.
Si les habitants d'un immeuble sont avertis de la présence des caméras ainsi que la loi l'exige, ils ne seront pas pour autant informés que les services de police sont susceptibles de les observer à tout instant.
Le dispositif tel qu'il nous est présenté manque, une fois encore, de clarté et de précision. Les termes : « des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l'intervention des services de la police », ouvrent la voie à des dérives sécuritaires et à une surveillance quasi constante. N'est-il pas à craindre, en effet, qu'un contexte social tendu justifie que les policiers se branchent directement au système de vidéosurveillance des parties communes des immeubles du quartier dit sensible ? Ces doutes, ces craintes suffisent pour que nous demandions la suppression de l'article 4.
Défavorable. Cet article proposé par Christian Estrosi et accepté par la commission offre des éléments utiles pour mieux protéger des résidences collectives et notamment des résidences sociales. Je précise que l'opportunité de transmettre les images appartiendra aux bailleurs sociaux et permettra aux forces de police qui les recevront d'adapter notamment leurs moyens d'intervention. Je ne comprends donc pas les raisons pour lesquelles ce dispositif vous gêne puisqu'il est utile et ne peut qu'accroître l'efficacité des forces de police et répondre à des situations très graves, notamment dans certains ensembles collectifs.
Défavorable. Le dispositif prévu permet un juste équilibre.
Je voudrais interroger le rapporteur, ou le Gouvernement, sur cet article 4 bis. Il me semble qu'il existe déjà un encadrement législatif en ce qui concerne tous les systèmes de raccordement. C'est notamment le cas s'agissant des systèmes de vidéosurveillance des entreprises de transport en commun. Un dispositif a récemment été mis en place par le ministère de l'intérieur visant à raccorder au commissariat de police des images filmées dans l'espace public, sous la responsabilité d'une commune.
J'aimerais qu'on nous confirme que les dispositions de cet article, qui concernent les bailleurs, relèvent du droit commun. On comprend l'intention de cet article, mais il est possible que sa rédaction soit un peu rapide. Introduire ces dispositions dans le code de la construction et de l'habitation peut avoir pour effet que ce dispositif échappe à toutes les règles de droit commun en vigueur concernant la vidéosurveillance. J'aimerais bien avoir une réponse précise. Merci.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 42 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
L'article 4 bis résulte d'un amendement qui a été déposé en commission sans que le rapporteur ait été très explicite quant à ses motivations. Nous savons, les uns et les autres, que les municipalités peuvent avoir recours à la vidéosurveillance, dès lors qu'elle est encadrée par l'autorité préfectorale, avec effacement des données au bout de quelques jours. Je rappelle qu'il y a tout de même 400 000 systèmes de vidéosurveillance dans ce pays, ce qui représente probablement entre deux et trois millions de caméras.
Il aurait été utile d'avoir l'avis du Conseil d'État. Il n'a pas été consulté, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi. Les choses vont changer avec la mise en application de la révision constitutionnelle, puisque le nouvel alinéa 5 de l'article 39 de la Constitution prévoit qu'une proposition de loi peut être soumise pour avis au Conseil d'État. Mais il aurait été utile, disais-je, que ce texte soit soumis au regard du Conseil d'État. Puisque cela n'a pas été possible, nous proposons cet amendement, qui vise à demander qu'un décret en Conseil d'État soit pris, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, pour définir les conditions d'application du présent article.
Défavorable. La CNIL n'a aucune compétence en matière de vidéosurveillance dès lors que n'est pas associé à ce système un traitement automatisé des données à caractère personnel.
Même avis. En effet, il ne s'agit pas de fichiers, mais de simples transmissions d'enregistrements.
Pour le reste, on peut dire que de toute façon, ces transmissions respectent les procédures existantes en la matière.
(L'amendement n° 42 n'est pas adopté.)
(L'article 4 bis est adopté.)
L'article 4 ter résulte d'un amendement introduit en commission à l'initiative de M. Goujon, qui propose une deuxième ou une troisième rédaction pour la définition du délit d'entrave à la circulation dans les halls d'immeuble créé par la loi du 18 mars 2003.
Ironiquement, nous avions déjà souligné, en commission, le ridicule de la situation. De nouveaux délits sont créés, au moyen de textes mal rédigés et inapplicables. Et la majorité, telle Pénélope, est sans cesse en train de remettre son ouvrage sur le métier pour essayer de trouver une rédaction qui rende ces dispositions applicables.
D'autre part, nous ne voyons pas ce que change le fait de remplacer le mot : « entravant » par le mot : « empêchant ». Entraver, c'est empêcher, et vice versa. Nous aimerions donc quelques éclaircissements du rapporteur.
Je ne sais pas si le rapporteur a pris connaissance de la note que Mme Dati a laissée, en guise de cadeau de départ, sur le délit d'entrave à la circulation dans les espaces communs ou toits d'immeuble. Cette note montre que 120 faits de ce type ont donné lieu à condamnation en 2007. J'aimerais savoir si une étude a été faite sur ce que changerait le fait de substituer au mot « entravant » le mot « empêchant », au regard des éléments d'application qui ont été communiqués par Mme Dati.
Cet article 4 ter est l'aveu, par la majorité actuelle, de son impuissance à lutter efficacement contre un certain nombre de problèmes qui perturbent la vie de nos concitoyens, et qui les mettent dans l'insécurité.
Tout le monde sait que, dans certains de nos territoires, des jeunes « squattent », pour parler le langage de ces territoires, des halls d'immeuble, empêchent les habitants de vivre dans la tranquillité, font peser, comme le disait hier notre collègue Vanneste, une espèce de pression sociale sur ces habitants, qui sont souvent les plus vulnérables.
La majorité avait essayé d'éradiquer ce phénomène en votant la loi de 2003. Or, nous faisons tous le constat que ce texte n'est pas applicable, qu'il ne fonctionne pas, et que ces jeunes sont, encore plus qu'auparavant, présents dans ces cages d'escalier. Nos concitoyens, qui avaient eu un moment l'espoir d'être enfin tranquilles, se sont vite aperçus que cette loi ne servait à rien. Les jeunes concernés s'en vantent. La police constate son impuissance, parce que le texte était très difficile à mettre en oeuvre.
Avec cet article, on continue dans la même erreur. On pense qu'en remplaçant le mot « entravant » par le mot « empêchant », on va donner plus de moyens juridiques aux policiers et aux juges.
Nous sommes certes d'accord sur l'objectif : on ne peut pas continuer à admettre qu'un certain nombre de jeunes, souvent membres de bandes, restent des nuits entières dans ces cages d'escalier, où ils perturbent la vie de l'immeuble. En outre, ces cages d'escalier sont souvent pour eux une base d'où ils vont éventuellement partir pour commettre leurs exactions. Nous le savons tous.
Mais devant ce constat d'échec, vous n'êtes pas capables de proposer une solution efficace. Il est urgent que la majorité entende enfin ce que nous disons – quand je dis nous, ce sont l'ensemble des acteurs de terrain –, à savoir que les textes qu'elle vote ne sont pas applicables, pas efficaces. Acceptons de trouver des solutions performantes et pertinentes.
Depuis le début de l'examen de ce texte, nous avons le sentiment de ne pas être entendus. Que l'on m'explique quel est l'intérêt de remplacer le mot « entravant » par le mot « empêchant », alors que l'on sait que les conditions de mise en oeuvre de l'article actuellement en vigueur ne sont pas réunies, et que les policiers ne peuvent pas élaborer leurs procédures.
Nous vous proposerons des amendements très simples, qui disent que rester dans une cage d'escalier n'est pas acceptable, que ceux qui y sont de manière durable ne peuvent pas y rester, et que l'on doit les faire sortir. Cela paraît simple, facile à mettre en oeuvre. Les procédures seront faciles à monter. J'espère que sur ce sujet, contrairement aux autres sujets, nous serons entendus.
Cet article 4 ter a été introduit par la commission et a pour objet de remplacer le mot « entravant » par le mot « empêchant » dans la définition du délit d'occupation abusive des halls d'immeuble. Ce délit est ainsi défini par l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation : « Le fait d'occuper en réunion les espaces communs d'habitation en entravant délibérément l'accès ou la libre circulation des personnes ou en empêchant le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ».
Selon vous, cette substitution terminologique permettrait que cette disposition soit mieux appliquée par les tribunaux. Très sérieusement, quelle différence y a-t-il entre « entraver délibérément l'accès » et « empêcher délibérément l'accès »? Ces deux termes sont en fait synonymes. Substituer l'un à l'autre, ne changera donc rien.
Ce n'est pas là qu'il faut chercher les raisons de la faible application de cet article par les tribunaux, mais dans son absurdité. Où donc est l'erreur ? En fait, ces dispositions sont inapplicables pour deux raisons.
Tout d'abord, la dimension subjective du caractère délibéré de l'obstruction ouvre la voie à toutes les interprétations.
Ensuite, engager des poursuites contre tous les jeunes qui tuent le temps dans les halls d'immeuble ferait exploser le circuit pénal, depuis le travail de la police judiciaire jusqu'au traitement par les parquets, au risque d'engorger un peu plus la machine pénale.
Certes, certains jeunes occupant les halls d'immeuble se livrent à des pratiques illicites, mais celles-ci constituent des délits spécifiques, sanctionnés comme il se doit par le code pénal. Cet article est donc superfétatoire, à moins qu'on veuille sanctionner spécifiquement une pratique très répandue dans les cités HLM, qui résulte d'un déficit de place, aussi bien au plan physique que symbolique. Cette pratique traduit, malheureusement, une volonté de visibilité sociale de la part de groupes ou de catégories qui en sont dépourvus.
Plutôt que de chercher les moyens de les sortir des halls d'immeuble en leur offrant d'autres lieux de vie, d'autres perspectives sur le plan éducatif et culturel, vous favorisez une logique de dégradation des relations sociales et vous renforcez ainsi, paradoxalement, les enjeux d'une telle pratique.
Nous demandons donc la suppression de cet article qui ne résout rien.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 43 .
Deux observations. La première, c'est que les verbes empêcher et entraver sont exactement synonymes. Ce n'est pas le vocabulaire qui rend difficile l'application de la loi.
La seconde, c'est que le problème réside dans l'administration de la preuve, qui est extrêmement difficile. Adjoint au maire chargé de la sécurité, j'ai tenté de faire appliquer l'article concerné. Il a fallu des heures de surveillance policière, avec le concours de forces de police qui étaient particulièrement disponibles en cette période de l'année. Elles se sont appliquées à essayer de caractériser le délit. C'est extrêmement difficile. Le changement de vocabulaire n'apportera rien, en l'espèce. Il ne faudrait surtout pas faire croire que, en changeant les mots, on va changer le réel. Malheureusement, le réel résiste, et ces pratiques qui sont difficiles à supporter pour un certain nombre de nos concitoyens, on ne peut pas espérer y mettre fin en changeant le vocabulaire.
Défavorable. Cet article, qui résulte d'un amendement déposé par Philippe Goujon, répond à un vrai problème.
Je note une profonde contradiction entre les interventions que nous venons d'entendre. Vous parlez, monsieur Gosnat, de « visibilité sociale », de « déficit de place », afin de légitimer ces pratiques qui sont illégitimes, et qui posent un réel problème, comme l'a dit M. Pupponi.
Nous sommes au coeur d'une difficulté majeure, d'une entrave à la liberté de circuler, d'une atteinte aux droits fondamentaux de personnes qui habitent dans des résidences et qui n'ont quasiment plus le droit de rentrer chez elles.
Pourquoi M. Goujon a-t-il proposé de remplacer le mot « entravant » par le mot « empêchant » ? Parce qu'il a considéré que cette modification introduisait une souplesse. La commission l'a suivi.
La distinction est certes minime, je vous le concède. Mais nous voulons que cet article s'applique. C'est vrai, monsieur Pupponi, qu'il s'applique mal. Néanmoins, il a été appliqué, puisqu'il y a eu 120 condamnations en 2007, Mme Batho l'a rappelé, contre une trentaine en 2003, lorsque la loi a été votée.
Chaque année, il y a un peu plus que 120 délits d'entrave à la circulation dans les halls d'immeuble, malheureusement !
Il est donc possible de faire appliquer cette disposition. Nous avons voté précédemment un article qui renforçait les moyens de vidéoprotection dans les habitations collectives. Je crois que cela sera un élément de preuve, qui sera ajouté aux procédures et livré à l'appréciation des magistrats. Cela renforcera les voies de condamnation et d'application d'un dispositif dont je ne comprends pas que vous contestiez l'utilité.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Sur ce sujet, évitons les postures. Beaucoup d'entre nous sont des élus locaux et sont concernés par ces questions depuis longtemps. Je me souviens des débats préalables à l'adoption du texte de 2003. Cela faisait quelques années que l'on parlait d'un texte de loi. Sur tous les bancs s'exprimait une demande pour que les textes existants soient précisés.
Aujourd'hui, bien sûr, beaucoup reste à faire, mais qui conteste que ce texte est utile ? C'est un élément parmi tous ceux dont nous avons besoin pour agir.
La vidéosurveillance est un moyen parmi d'autres types d'intervention, comme la prévention. Sur le terrain, nous savons que c'est un élément qui peut être utile, qui monte en puissance, comme l'a rappelé le rapporteur. Encore une fois, évitons les postures. Ce texte a son utilité, et il nous servira d'autant plus qu'il sera précis. Personne ne prétend qu'il règle tous les problèmes à lui seul, mais je ne pense pas que vous ayez de solution alternative.
Je partage le point de vue du rapporteur et du ministre : il faut que la loi soit efficace. Je me permets de rectifier ce que vient de dire le rapporteur au sujet du courrier que Mme Dati a adressé le 23 juin au président de la commission des lois. Il y a certainement une erreur dans le paragraphe, car le suivant, sinon, n'a pas de sens. Je pense que Mme Dati a dit qu'en 2007, 120 faits de ce type ont donné lieu à poursuite puisque le paragraphe suivant indique que quatre-vingt-sept condamnations ont été prononcées du seul chef d'entrave à l'accès ou à la circulation des personnes. Quoi qu'il en soit, je crains que plus de 120 halls d'immeubles n'aient été occupés en France en 2007. Cela démontre la difficulté d'usage de cette infraction, que relève d'ailleurs le Conseil national des villes dans un avis du 12 mars 2009, dans le cadre de son étude sur la mise en oeuvre de la loi prévention de la délinquance de 2007. Selon le Conseil, les dispositions sur l'occupation des halls d'immeubles ont débouché sur très peu de procédures parce qu'il est extrêmement difficile de qualifier le caractère délibéré de l'infraction.
Dans le dictionnaire, l'entrave c'est l'action d'empêcher. Vous proposez de remplacer « entravant » par « empêchant », ce qui est exactement la même chose, et surtout pas le souci. Le souci c'est de démontrer le caractère délibéré de l'entrave. En modifiant le verbe, vous ne résolvez pas la difficulté que soulignent ceux qui ont observé l'application de cette infraction.
Vous avez probablement un souci de précision – et je regrette que vous ne l'ayez pas exprimé hier s'agissant de nos amendements de précision, justement –, mais malheureusement, vous tapez à côté de la cible.
J'avoue ne pas comprendre la position du rapporteur et du ministre. La rédaction de l'article L. 126-3 visé par l'article 4 ter posait d'emblée un problème. Je le rappelle : « Le fait d'occuper en réunion les espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d'habitation en entravant délibérément l'accès ou la libre circulation des personnes ou en empêchant le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. » Selon ce texte, quiconque monte sur le toit d'un immeuble ne peut être sanctionné que s'il entrave l'accès à l'immeuble ! (Sourires.)
Tout le monde sait que la difficulté pour les policiers et les juges est d'arriver à démontrer que le jeune entravait l'accès. Il ne servira donc à rien de remplacer « entraver » par « empêcher ». Cherchons plutôt l'efficacité et faisons en sorte qu'il ne soit pas acceptable, d'une part, de monter sur le toit d'un immeuble, d'autre part, de squatter une cage d'escalier. On sait que c'est le problème, allons directement au but !
Vous modifiez un article mal rédigé sans résoudre les grandes difficultés de son application. Alors que nous essayons d'avancer avec vous vers plus d'efficacité, vous nous opposez un refus. Je ne comprends pas ! Cherchez-vous vraiment à avoir un texte efficace ?
(Les amendements identiques nos 9 et 43 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 56 .
La parole est à M. François Pupponi.
Dans le droit fil de ce que je viens de dire, nous proposons d'aller vers la simplicité : « Le fait d'occuper en réunion et de façon abusive – c'est-à-dire régulièrement – les espaces communs d'un immeuble collectif d'habitation constitue un trouble de voisinage puni d'une peine d'intérêt général… ». Cette formule permettrait à la police de constater l'occupation abusive d'un hall d'immeuble et de demander une sanction allant d'une peine d'intérêt général à une peine d'emprisonnement et d'amende en cas de refus. Non seulement c'est efficace immédiatement, mais cela répond à la demande de nos concitoyens de voir déclaré inacceptable le fait pour des jeunes de rester abusivement dans une cage d'escaliers. Peu importe qu'ils entravent ou non l'accès, le problème aujourd'hui c'est qu'en restant abusivement dans ces cages d'escaliers, ils exercent une pression. Permettons donc à la police et à la justice de s'appuyer sur un texte efficace !
Avis défavorable. Les risques que vous évoquiez avec le dispositif précédent sont aggravés par celui que vous proposez. La philosophie est la même, les objectifs poursuivis sont les mêmes.
Mais le fait d'occuper nous paraît présenter des risques constitutionnels beaucoup plus forts que dans le dispositif précédent, qui visait le fait d'empêcher.
Dans le fait d'occuper, quel est l'élément qui va matérialiser un délit ?
Nous considérons qu'il y a plus de force dans le dispositif précédent.
Quant à la seconde partie de votre amendement, outre que la peine d'intérêt général est une peine de substitution, nous estimons que c'est au juge d'apprécier librement la sanction qu'il doit prononcer.
(L'amendement n° 56 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 4 ter est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 57 , portant article additionnel après l'article 4 quater.
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est retiré. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 57 est retiré.)
Cet article introduit encore dans notre code pénal une nouvelle infraction : le fait de commettre en réunion, et de manière agressive ou sous la menace d'une arme, une vente irrégulière dans un lieu public. Ce nouveau délit est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.
Aujourd'hui, la vente à la sauvette ou la vente sauvage sur le domaine public sont interdites par l'article L. 442-8 du code du commerce, qui « interdit à toute personne d'offrir à la vente des produits ou de proposer des services en utilisant, dans des conditions irrégulières, le domaine public de l'État, des collectivités locales et de leurs établissements publics. » Toute personne en infraction avec cette réglementation peut être verbalisée. La police dresse une contravention et a le droit de saisir la marchandise vendue.
Qu'apporte donc ce nouvel article qui vise les ventes commises en groupe et avec violence ? Cette hypothèse relève tout simplement du fantasme. Nous n'avons jamais vu, ni même entendu parler, de ventes à la sauvette commises avec violence. Peut-être visez-vous le racket, qui est loin, il est vrai, du commerce. Or celui-ci est déjà sanctionné par l'article 312-12-1 du code pénal, qui punit de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende « le fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien. »
Adopter ce nouvel article, ce serait, de manière flagrante participer à l'inflation législative, qui, pour le compte, frise l'aberration.
Défavorable. Nous voulons sanctionner un nouveau mode de comportement, qui relève de la vente forcée et qui est de plus en plus constaté, contrairement à ce que vous affirmez.
Nous soutenons cet amendement pour deux raisons.
D'une part, ici encore, on s'éloigne du sujet qui nous préoccupe, à savoir les bandes de cités. Nous l'avions déjà fait avec la question des manifestations, et nous renouvelons notre regret de voir ce texte utilisé pour sanctionner des manifestations qui dégénèrent.
D'autre part, il s'agit d'un article qui traite de l'extorsion de fonds, puisqu'il vise des personnes qui obtiennent des remises de fonds sous prétexte de vendre agressivement des objets sans valeur. Or l'extorsion de fonds est punie d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. Nous avons déjà tout l'arsenal nécessaire pour sanctionner ce type d'agissement et il ne paraît pas utile, dans un texte sur les bandes, d'ajouter un article qui fait double emploi avec la législation existante.
(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)
(L'article 4 quinquies est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 64 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Cet amendement porte sur le titre du chapitre II, qui est révélateur des contradictions entre les intentions affichées avec force déclarations médiatiques et la réalité des textes proposés par la majorité et par le Gouvernement. Ainsi, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le présent texte, qui a été présenté comme une manière de sanctuariser les établissements scolaires, ne prête pas la moindre attention à la protection des élèves de ces établissements. Cet amendement vise donc à intégrer dans le titre et dans les articles, la protection des élèves – de nos enfants –, qui sont les principales victimes des violences scolaires.
Il y a quelques années, le système d'information SIGNA recensait les incidents et faits graves qui s'étaient produits dans les établissements. Progressivement, s'y est substitué le logiciel SIVIS, qui ne recense en réalité que les infractions pénales et passe absolument sous silence tout ce que subissent les élèves. S'il est nécessaire, et nous en sommes d'accord avec vous, de protéger les personnes qui travaillent dans les établissements scolaires, il nous semble indispensable de protéger simultanément les élèves. C'est pourquoi nous présentons cet amendement.
Voyez la contradiction dans laquelle vous êtes : en fait de tolérance zéro, dont parlait M. Vanneste l'autre jour, vous faites montre d'une tolérance à 100 % pour les violences que subissent les enfants et qu'ils s'infligent parfois entre eux. Le système d'information SIVIS ne prévoit pas, par exemple, de signaler les suicides et les tentatives de suicide qui ne relèvent pas du code pénal. Ce sont pourtant des drames qui arrivent dans les établissements scolaires et qui méritent autant d'attention que d'autres. Ce sont également des symptômes d'une trajectoire individuelle, mais aussi malheureusement souvent d'une trajectoire collective, en tout cas d'un contexte auquel nous aurions tort d'être insensibles.
Dans le nouveau dispositif SIVIS, une note d'information du ministère indique : « Pour les faits n'impliquant que des élèves, seuls les incidents présentant un caractère de gravité suffisant au regard des circonstances et des conséquences de l'acte sont enregistrés ». Il est temps de se pencher sur la réalité des violences scolaires. Comme le soulignent dans le rapport du rapporteur les quelques – et même fort peu nombreux – intervenants de l'éducation nationale et de l'univers scolaire qui ont été auditionnés, il y a un lien direct entre ce qui se passe dans les établissements et à l'extérieur. Ainsi, à la page 10 du rapport, le recteur de l'académie de Créteil, Jean-Michel Blanquer, « a d'ailleurs relevé le fait que les adolescents ont besoin pour se construire de phénomènes d'initiation collective, d'engagement pour autrui. Il appartient normalement au collège de jouer ce rôle dans un sens positif. La déscolarisation de certains jeunes les conduit à une initiation négative par la rue, favorisant l'émergence des bandes. »
Le rapport fait allusion à l'audition de M. Alain Bauer qui pointe les liens évidents entre ce qui se passe dans les établissements, autour des établissements et dans leur environnement immédiat. Je cite, page 13, « l'absentéisme scolaire dans le secondaire, qui contribue à la formation et au développement de bandes territoriales par une occupation quasi continue du territoire ».
Pour toutes ces raisons, nous avons proposé une série d'amendements qui ne ressortissent pas au code pénal, ni au code de procédure pénale, mais au code de l'éducation. Ils s'intéressent à ce qui se passe sur le terrain, dans et autour des établissements, et dans toutes les communautés qui accueillent les jeunes en formation, où, malheureusement, des bandes violentes sévissent.
Je trouve naturel que l'intitulé du chapitre II mentionne la protection tant des élèves que des personnels qui travaillent dans les établissements scolaires.
Je suis favorable à cet amendement, qui introduit une précision extrêmement utile. Il convient, en effet, tout autant de protéger les enseignants, l'ensemble des personnels de la communauté éducative – comme l'a prévu le texte– que les élèves. Cette précision me semblait aller de soi, mais votre amendement, madame Mazetier, me semble utile.
Comme l'a indiqué hier Mme la garde des sceaux, nous sommes favorables à un certain nombre d'amendements qui apportent des précisions utiles. C'est ici le cas.
Avis favorable.
(L'amendement n° 64 est adopté.)
L'intitulé du chapitre II est ainsi modifié.
Je suis saisi d'un amendement n° 55 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Maintenant que vous vous êtes fixé un objectif ambitieux, il faut que le texte réponde à l'intitulé du chapitre que nous venons de modifier.
Vous devriez mécaniquement considérer que nos amendements sont constructifs.
Le premier amendement illustre bien la démarche que nous avons exposée, tant lors de la discussion générale que lors de l'examen des articles. Il s'agit pour nous de répondre concrètement aux problèmes qui se posent dans la vie réelle par la prévention et par une sanction précoce.
Au lieu de renforcer la protection des personnes travaillant dans les établissements scolaires en se contentant d'alourdir les peines encourues – ce qui n'a manifestement aucun effet dissuasif –, il vaudrait mieux s'intéresser aux façons de prévenir et de sanctionner. Nous avons recueilli de nombreux témoignages sur les exclusions, y compris temporaires, d'établissements scolaires, à l'occasion desquelles les élèves exclus se retrouvent dans la nature.
Entre le moment où un conseil de discipline qui prononce une exclusion est convoqué et celui où il se réunit, il est très souvent procédé à des exclusions à titre préventif – « à titre conservatoire » – pour utiliser le vocabulaire de l'éducation nationale. Il est également possible que le conseil de discipline prononce une exclusion temporaire. Mais, entre-temps, l'élève concerné aura parfois passé quinze jours, trois semaines, un mois à l'extérieur d'un établissement. Si la sanction disciplinaire est prononcée en fin d'année scolaire, alors qu'il ne s'agit que d'une exclusion temporaire, il n'est alors pas rare que pendant une durée de deux ou trois mois un élève qui n'est cependant pas sorti du système éducatif se retrouve totalement dans la nature.
Nous préconisons d'éviter la fragmentation des actions, la multiplicité des intervenants. Parfois, seul le jeune connaît les adultes censés se préoccuper de son sort, alors qu'ils ne se connaissent pas entre eux.
L'amendement n° 55 est le premier amendement constructif visant à faciliter l'accompagnement, le suivi des mesures prises. Cela pourrait être normalement le rôle des assistants sociaux, qui sont, pour le moment, les seuls habilités à se rendre au domicile des familles et à vérifier qu'un enfant est suivi, qu'il n'est pas dans la rue, qu'il n'est pas seul, ni en train de commettre des actions répréhensibles. En France, il n'existe que 2 500 assistants sociaux de l'éducation nationale, alors qu'il y a près de 10 000 établissements secondaires. Le système d'information CIVIS a, au cours de l'année scolaire 2007-2008, noté que dans les établissements du second degré il y a eu 11,6 incidents graves pour 1 000 élèves.
Un meilleur taux d'encadrement par des assistants sociaux ou des conseillers d'éducation ou par des surveillants est indispensable.
L'amendement vise à illustrer notre démarche et à assurer un suivi des élèves exclus temporairement, qui sont parfois en dehors de toute surveillance et de tout accompagnement.
Sur le vote de l'amendement n° 55 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous nous éloignons des objectifs essentiels du texte. Le Président de la République a évoqué la mise en place d'un grand plan de prévention de la délinquance à l'automne. Les débats nous permettront de nourrir avec des arguments intéressants des propositions qui pourront être constructives.
Des dispositifs existent déjà. Je ne vais entrer dans le détail. Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à l'amendement.
Avis défavorable.
Nous sommes sur une autre question, qui doit être traitée autrement.
Les réponses du Gouvernement et du rapporteur ne sont pas recevables.
Vous nous avez expliqué que l'introduction de l'article 4 quinquies sur la vente forcée avait un rapport avec la proposition de loi. Pour vous, les phénomènes de déscolarisation et le non-respect de l'obligation scolaire par des jeunes de moins de seize ans, qui s'inscrivent à partir de là dans la logique des phénomènes de bande, seraient hors sujet.
Cette proposition de loi a été inventée par le Président de la République après les événements de Gagny. Parmi les mineurs armés de battes de baseball et de barres de fer qui ont commis cet acte d'intrusion violent dans le lycée de Gagny se trouvait notamment un mineur qui aurait dû être inscrit dans un établissement scolaire depuis belle lurette, alors qu'il avait été exclu d'un précédent établissement scolaire. Cependant, personne ne s'était rendu compte que depuis des mois et des mois ce mineur n'était pas dans l'établissement dans lequel il aurait dû être. La proposition de l'amendement n° 55 répond à ces difficultés.
Aujourd'hui, lorsqu'un conseil de discipline prononce une exclusion, personne ne surveille ce qui se passe après. C'est un mauvais système.
Nous sommes au coeur des problèmes d'échec scolaire et de déscolarisation dans le processus des phénomènes de bandes. Nous voyons bien comment un certain nombre de mineurs sont pris dans cette dérive. Nous invitons tous nos collègues, au-delà des sensibilités politiques,à voter cet amendement n° 55 .
Je partage totalement l'idée que l'exclusion temporaire non suivie peut produire les effets évoqués par nos deux collègues du groupe SRC.
Mais le Gouvernement a raison de dire que nous sortons de l'objet du texte. Si cet amendement est voté, qui désignera l'institution, la structure ou la personne ? La rédaction de l'amendement est très floue.
Je comprends parfaitement vos intentions, mais, si l'amendement était voté, il serait sans portée juridique. En effet, on ne voit pas quelles seraient ces institutions qui ne sont pas nommées, ces structures. Qui les désignerait ?
Au-delà des bonnes intentions, je pense que l'amendement n'est pas recevable sur le plan juridique.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 55 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 17
Contre 44
(L'amendement n° 55 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 60 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Je pense que l'adoption de cet amendement ne présente aucune difficulté. Il ne représente aucun coût pour le budget de l'État ; sinon, il serait tombé sous le coup de l'article 40. Il peut être suivi d'effet immédiat.
Cet amendement nous a été inspiré par des témoignages de terrain. Des collectivités s'investissent beaucoup, comme de nombreux maires, dont M. Pupponi, dans le suivi effectif des jeunes, dans la prévention de la délinquance juvénile. Les maires essaient de trouver des solutions pour lutter contre l'errance de certains mineurs exclus et pas forcément réintégrables immédiatement dans les établissements scolaires. Ils les accueillent dans les stages citoyens.
Aujourd'hui, les recteurs ne peuvent pas signer de conventions de stages avec la collectivité susceptible d'accueillir ces jeunes gens. Tandis que nous voyons une immense bonne volonté, un sens du partage, une coproduction possible, la cohésion d'un groupe pour venir en aide à des mineurs, il n'est pas possible pour des raisons pratiques, assez stupides et cependant simples à résoudre, de mettre en oeuvre un rappel à l'autorité.
Cet amendement, je vous l'assure, ne révolutionne en rien le code de l'éducation, le code pénal ou le code de procédure pénale. Il n'est pas difficile à mettre en oeuvre et ne grèvera aucun budget. Je ne comprendrais donc pas que vous le repoussiez.
Tout cela commence à devenir inquiétant.
Beaucoup de collectivités ont mis en oeuvre des dispositifs lorsqu'un jeune est déscolarisé. Seuls, d'après le code de l'éducation nationale, les familles et le jeune sont soumis à l'obligation de scolarité. L'institution, paradoxalement, n'est pas soumise à la même obligation. ce qui représente un vide juridique.
Le précédent amendement permettait de rendre la scolarité obligatoire pour l'institution. C'est souvent l'institution scolaire qui organise la déscolarisation. Elle exclut un jeune, ne l'inscrit pas dans un nouveau collège et le laisse ainsi à l'extérieur. Cela arrive quotidiennement.
Si nous établissions une comparaison entre les jeunes qui sont membres de bandes et ceux qui sont déscolarisés, il n'y aurait pas beaucoup de différence, croyez-en mon expérience. La quasi-totalité des jeunes complètement déscolarisés sont en même temps membres de bandes. Les phénomènes sont intimement liés.
Localement, nous avons essayé de trouver des solutions. Avec un accord, « non dit » de l'éducation nationale, les municipalités accueillent ces jeunes pour ne pas les laisser à la rue, en dehors de tout cadre légal, dans des locaux municipaux. Nous essayons de nous couvrir en disant : « La famille nous y autorise. » Nous proposons, par cet amendement, de légaliser ces pratiques, pour éviter que l'éducation nationale ou le maire ne soient en situation d'illégalité alors qu'ils vont dans le bon sens.
Vous ne pouvez pas refuser un cadre légal à des institutions qui se battent quotidiennement dans ces territoires pour éviter qu'un jeune ne bascule dans la déscolarisation et ne traîne dans la rue. Je ne comprends pas votre position. Nous pensons qu'il faut légiférer pour permettre aux institutions d'oeuvrer dans un cadre légal permettant ainsi à l'éducation nationale et aux collectivités de faire ce qu'ils doivent, conformément à la loi. Le vide juridique dans lequel nous sommes doit être comblé.
(L'amendement n° 60 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 86 .
La parole est à Mme Delphine Batho.
Le présent amendement s'inspire des principes de la loi sur le dialogue social et la continuité du service public du 21 août 2007 en proposant de les appliquer à l'éducation nationale.
M. Darcos, le précédent ministre de l'éducation, avait annoncé trois plans de lutte contre la violence scolaire, lesquels faisaient suite à neuf autres plans annoncés par les ministres de l'éducation nationale successifs. Je rappelle par ailleurs que les mesures annoncées par M. Darcos avaient fait réagir Mme Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, qui avait fait part de son scepticisme. Je rappelle aussi que M. Darcos n'avait pas consulté la communauté scolaire, les représentants des enseignants, des proviseurs, des chefs d'établissement, des élèves.
Tous les spécialistes de la lutte contre les phénomènes de violence à l'école s'accordent à dire que la participation et la responsabilisation de la communauté scolaire sont des facteurs essentiels de réussite dans la lutte contre les phénomènes de violence.
C'est pourquoi nous proposons que la consultation des organismes collégiaux de l'éducation nationale – je pense notamment au Conseil supérieur de l'éducation – soit rendue obligatoire avant l'adoption de toute mesure relative à la vie scolaire ou aux violences scolaires.
Des dispositions techniques – telles que la vidéo-surveillance ou les dispositifs anti-intrusion – sont d'autant mieux acceptées que la décision aura été prise par le conseil d'administration de l'établissement après un débat avec les enseignants et les élèves. Si ce sont des mesures parachutées d'en haut, décidées par les ministres, elles n'auront aucun effet sur les problèmes auxquels sont confrontés les établissements.
Avis défavorable. Il s'agit d'un cavalier législatif ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Avis défavorable.
Cela devient pathétique !
Vous ne pouvez pas, dans un texte qui a trait à l'intrusion des bandes dans les établissements scolaires, nous expliquer que, lorsque nous essayons d'impliquer l'éducation nationale, en quelque sorte à votre demande, nous sommes hors sujet !
Tout le monde est d'accord pour sanctuariser les établissements scolaires et les protéger de la violence extérieure, mais sanctuariser les établissements scolaires n'implique pas de les isoler. Au contraire, il faut les ouvrir sur le monde extérieur, afin qu'ils soient en mesure de maîtriser ces phénomènes et qu'avec eux, nous puissions lutter plus efficacement.
Nous devons empêcher que la violence entre dans l'enceinte des établissements scolaires, mais il ne faut en aucun cas les isoler. Une telle démarche aurait des conséquences dramatiques en matière de lutte contre les bandes.
Pour être efficace, l'éducation nationale doit être partie prenante dans la lutte contre les bandes. Elle doit être impliquée à tous les niveaux, à tout moment, de toutes les procédures car beaucoup d'actes de violence ont lieu autour des établissements, les collèges en particulier.
Sanctuariser contre les violences, oui ! Les isoler, non !
Notre amendement tend à impliquer l'éducation nationale, qui a parfois tendance à occulter la réalité extérieure. Or une telle réaction peut être dangereuse. C'est pourquoi nous souhaitons que l'ensemble des parties prenantes participent à ce travail collectif de lutte contre les bandes dans l'intérêt des enfants.
Je suis saisi d'un amendement n° 74 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Voilà un amendement qui devrait donner satisfaction à notre collègue Dominique Dord, qui souhaitait que des personnels appropriés assurent la prise en charge des élèves exclus. Nous parlions tout à l'heure de l'exclusion temporaire de l'institution scolaire, qui peut être de trois mois. À cet égard, on assiste à un phénomène curieux, à savoir que certains établissements procèdent à des exclusions d'élèves de troisième très peu de temps avant l'organisation du brevet des collèges, afin que ces élèves ne fassent pas chuter leur taux de réussite.
Avec l'amendement présent, il s'agit de l'exclusion définitive de l'institution scolaire, qui ne correspond pas forcément à la sortie définitive du système éducatif dès lors que l'on prend la peine de vérifier si un élève exclu d'un établissement scolaire en rejoint un autre – surtout lorsqu'il s'agit d'un établissement à problèmes, dans lequel l'élève ne se rendra pas. Tous les acteurs du secteur demandent la présence de personnes chargées du suivi du parcours de l'élève et de vérifier que celui-ci se rend bien dans son nouvel établissement d'affectation. Il est important que ces tuteurs, chargés de coordonner le suivi de l'élève et de veiller, en lien avec l'inspecteur d'académie, à sa réaffectation au sein d'un nouvel établissement, soient choisis de manière privilégiée dans les personnes participant au conseil local ou conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.
Vous ne cessez d'en appeler à la coopération interinstitutionnelle. Au-delà des mots, il faut passer aux actes. Nous vous proposons, avec cet amendement, d'agir très concrètement, de corriger l'erreur que vous venez de commettre en rejetant des propositions qui avaient tout à voir avec les violences scolaires, le décrochage scolaire, l'absentéisme, les dérives, parfois très violentes, qui en découlent immanquablement, les phénomènes de socialisation de substitution dans des bandes violentes. Nous nous battons afin que l'autorité de la République soit incarnée, qu'elle ne s'évapore pas dans la nature dès lors que l'élève quitte l'enceinte d'un établissement.
Cet amendement va de soi, car il ne pose aucune difficulté, même pas celle soulevée par notre collègue Dominique Dord – à propos de l'amendement n° 74 –, qui ne peut donc qu'approuver notre proposition.
Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées tout à l'heure : il existe déjà des dispositifs permettant d'éviter le décrochage scolaire.
Il est évident qu'une telle proposition ne relève pas du domaine législatif. Vous voulez mettre la société entière dans la loi ! Mais peut-être s'agit-il d'une opération dilatoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je parle de votre démarche !
C'est ici et maintenant que vous pouvez agir, que l'on peut répondre à la demande de l'ensemble des acteurs locaux : l'éducation nationale, les élus locaux, les collèges, les familles – que certains sont toujours tentés de stigmatiser. Adopter notre amendement reviendrait à concrétiser toutes vos déclarations ronflantes sur la nécessité de lutter ensemble contre les phénomènes de violence. Cet amendement a toute sa place dans cette loi, d'autant que vous avez accepté un amendement indiquant que les élèves font partie de vos préoccupations.
Votre refus est incompréhensible, ou, plutôt, il illustre bien le fait que cette proposition de loi, c'est, une fois de plus, beaucoup de bruit pour rien !
(L'amendement n° 74 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 66 .
La parole est à Mme Delphine Batho.
Je suis pour le moins surprise que l'on nous reproche de recourir à des manoeuvres dilatoires dans la mesure où la proposition de loi que nous examinons est censée aborder les problèmes de violences scolaires !
Or les violences des jeunes se produisent massivement à l'intérieur des établissements scolaires entre élèves. Dès lors que l'on aborde les violences de bandes, on ne peut occulter ni le décrochage et l'échec scolaires ni les phénomènes de déscolarisation.
Avec notre amendement n° 66 , nous sommes au coeur du débat : comment lutter contre la montée de la violence dans la société française, et, plus particulièrement, de la violence juvénile ?
À notre sens, les violences juvéniles doivent se combattre par l'éducation, en donnant des repères et des valeurs aux plus jeunes. Cette transmission de valeurs ne peut être assurée que par des êtres humains, et il s'agit d'un métier à part entière.
Aussi le groupe socialiste propose-t-il la création d'un nouveau métier de surveillant des établissements scolaires. Le syndicat des personnels de direction de l'éducation nationale – dont l'expertise est remarquable – nous a soufflé cette proposition. Il est, du reste, regrettable que le rapporteur ne l'ait pas auditionné.
Dans les collèges, on manque aujourd'hui dramatiquement d'encadrement. Depuis les années soixante-dix, le taux d'encadrement des élèves par des adultes a été divisé par deux dans les écoles françaises : 23 400 postes de surveillants ont été supprimés depuis 2003 ; 9 000 postes d'aides éducateurs, qui avaient été créés par la gauche entre 1997 et 2002, ont été supprimés durant la même période, soit un recul sans précédent de la présence éducative auprès des élèves, en particulier dans les collèges.
Cela étant, nous ne proposons de revenir au « pion » de jadis, mais de créer un nouveau métier de surveillant chargé de la sécurité des établissements scolaires, ce qui nous semble plus judicieux et plus efficace que la généralisation des portiques et autres mesures technologiques.
L'amendement n° 66 propose de franchir une première étape. Comme M. Ciotti ne manquera pas de reprendre les faux chiffres avancés systématiquement par M. Darcos lorsque l'on fait valoir la disparition de 23 400 postes de surveillants, nous demandons au Gouvernement de dresser un état des lieux de l'encadrement des élèves afin qu'il nous dise combien de personnes adultes sont chargées de la surveillance dans les établissements scolaires.
L'autre volet de notre amendement porte sur l'élaboration, par le Gouvernement, d'un rapport en vue de la création d'un nouveau corps de surveillants des établissements scolaires, une étude de faisabilité sur la création de ce nouveau métier, son coût, le nombre d'équivalents temps pleins, le syndicat des proviseurs ayant indiqué que tous les établissements scolaires n'avaient pas besoin de recourir à ces nouveaux surveillants chargés de la sécurité.
Ensuite, je vous fais observer que, depuis le début de l'examen de ce texte, vous avez déjà demandé une demi-douzaine de rapports ! Mieux vaut privilégier l'action et ne pas paralyser les acteurs de terrain en multipliant les rapports.
Quant aux chiffres, vous détenez peut-être « la » vérité, madame Batho ! Je préfère, pour ma part, faire confiance au ministre de l'éducation nationale. Les chiffres sont incontestables : il y avait 50 000 maîtres d'internat en 2002 lorsque vous aviez quitté le pouvoir ; il y a aujourd'hui 53 000 surveillants, assistants d'éducation ! (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Cela ne relève pas du domaine de la loi. Avis défavorable !
Monsieur le rapporteur, à force de vous entendre émettre un avis défavorable sur chacun de nos amendements, nous allons finir par nous désespérer.
Permettez-moi de vous dire qu'il faudrait lire les documents des annexes budgétaires dont sont issus les chiffres cités par Mme Batho. Comme M. Darcos, que j'avais interrogé sur ce point il y a quelques semaines, vous mélangez les catégories de personnels de façon à masquer la réalité de votre politique, qui, depuis 2003, a abouti à la suppression de 500 postes d'encadrement chaque mois dans les établissements scolaires en France.
Ce sont autant d'adultes absents des établissements scolaires.
Nous vous proposons un amendement constructif qui permet de dresser un état des lieux. Il ne vous coûterait rien de donner un avis favorable, car, si vous êtes si sûrs de la pertinence et l'efficacité de votre politique, vous pourrez en assumer toute la responsabilité grâce à ce rapport d'évaluation.
Par ailleurs, il s'agit d'un amendement progressif, car il constitue un premier pas vers la création d'un corps de personnel de surveillance des établissements scolaires, doté d'une formation le rapprochant davantage des éducateurs que des « pions ». Cela permettrait de mettre en place un encadrement fort, au plus près des jeunes, dans une volonté de prévention mais aussi de sanctions précoces, sans aller toutefois jusqu'à l'extrémité des sanctions pénales.
(L'amendement n° 66 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 59 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Eh oui, cher collègue, car l'article 40 nous interdit de parler de manière claire à nos concitoyens de la réalité des budgets votés par votre majorité. Nous proposons donc des rapports plutôt que des créations de postes !
À chaque budget, depuis 2002, vous supprimez des dizaines de milliers de postes – le seuil de 100 000 postes supprimés sera bientôt atteint dans l'éducation nationale à la rentrée prochaine –, mais, invariablement, vous prétendez que le taux d'encadrement demeure inchangé. Vous préférez avoir recours à des emplois précaires, occupés par des personnes qui passent et ne restent pas.
Or il existe des établissements où le taux d'encadrement pourrait être un peu plus faible que dans d'autres car peu d'incidents graves s'y produisent. Ainsi deux établissements sur cinq ne signalent aucune infraction pénale dans leurs déclarations trimestrielles. En revanche, un établissement sur dix signale dans le même laps de temps quatre incidents graves.
Toutes les études, au niveau international, montrent que la présence humaine et la stabilité des équipes sont indispensables et établissent une corrélation très forte entre la pérennité des personnels, leur style d'animation et le nombre d'atteintes subies par les élèves.
De deux choses l'une : soit il s'agit de répondre aux problèmes qui se posent dans l'enceinte des établissements, dans leurs abords immédiats ou dans leur environnement plus large, soit il faut se contenter de faire des claquettes.
Pour notre part, nous ne sommes pas les rois des claquettes mais les rois du pragmatisme et de la réponse opérationnelle. Demander la publication de rapports vous dérange peut-être, mais c'est la seule manière que nous ayons, dans cette enceinte, de poser les vrais problèmes.
À cet égard, j'aimerais attirer votre attention sur le rôle très spécifique d'éducation à la citoyenneté, d'encadrement des élèves et de coordination des surveillants que jouent les conseillers principaux d'éducation, en particulier dans les collèges, où les problèmes sont différents de ceux qui surviennent dans les lycées d'enseignement général ou les lycées professionnel. Malheureusement, il faut constater que le taux d'encadrement des élèves de collège par les conseillers principaux d'éducation est beaucoup trop faible, ce qui pèse sur la prévention et la sanction précoce des petits dérapages et sur la possibilité même d'empêcher la dérive de certains élèves, qu'ils soient victimes ou auteurs de violences.
Ne soupirez donc pas quand il est question de rapport. Intéressez-vous plutôt à ce qui se passe au sein des établissements scolaires. Vous avez une fâcheuse tendance à vouloir les sanctuariser, ce qui conduit d'une certaine manière à déculpabiliser leurs responsables et à leur ôter le contrôle de leur destin. Il faut au contraire que tous les adultes présents, toute la communauté éducative,…
…tous ceux qui prétendent protéger les enfants regardent la réalité en face et s'attellent aux vrais problèmes.
Cette disposition ne relève pas du domaine législatif. Avis défavorable.
Madame la ministre, mes chers collègues, j'ai dénombré cinq amendements visant à demander le dépôt de rapports. Ce n'est pas sérieux ! L'opposition doit certes assumer les fonctions qui sont les siennes, mais elle doit aussi respecter le bon fonctionnement de notre parlement. Les commissions compétentes peuvent se saisir de ces questions et, dans le cadre des nouvelles fonctions de contrôle du Parlement, auditionner tout à loisir les ministres. Nos collègues de l'opposition feraient bien de considérer que le respect du Parlement passe par le respect des tâches de contrôle effectuées au sein des commissions au lieu d'imposer des rapports qui n'auront rien d'utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Est-ce respecter le Parlement que de contourner les obligations constitutionnelles auxquelles le Gouvernement est soumis en matière de projets de loi – transmission au Conseil d'État et adjonction d'études d'impact ?
Est-ce respecter le Parlement que de retranscrire au mot près dans une proposition de loi le discours prononcé par le Président de la République à Gagny le 18 mars dernier ? Est-ce respecter le Parlement que de dire à l'opposition que le débat est clos et que les propositions qu'elle fait sont hors sujet ? Est-ce respecter le Parlement que de débattre des violences scolaires en l'absence de M. le ministre de l'éducation nationale ? S'il était présent, peut-être retirerions-nous nos amendements relatifs aux rapports car nous pourrions obtenir les réponses aux questions que nous posons.
Nous considérons que le Gouvernement agit de bien mauvaise manière à l'égard des législateurs que nous sommes.
(L'amendement n° 59 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 58 rectifié .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Les ministres et leurs services ne répondent pas forcément aux demandes de la représentation nationale. Au mois de mars dernier, j'ai demandé une chose très simple au ministère de l'éducation nationale : le nombre d'heures non assurées dans l'enseignement primaire. J'ai reçu il y a quelques jours la réponse de M. Nembrini, précisant que le ministère n'avait aucun moyen d'obtenir des informations s'agissant du primaire. Or, hier, RTL a fait part d'une étude montrant que le taux d'absentéisme des enseignants du primaire serait supérieur à celui des salariés du secteur privé. Que penser ? Soit le ministre et ses services mentent à la représentation nationale, soit l'étude diffusée auprès des médias est une imposture. Dans les deux cas, la chose est grave.
Voilà qui est de nature à dissiper les quelques illusions que vous semblez entretenir quant à la célérité et l'exhaustivité des réponses que les ministres sont susceptibles d'apporter au Parlement, monsieur de Charette.
Cet amendement propose donc que soit transmis au Parlement un rapport sur le climat scolaire qui règne dans les établissements publics d'enseignement dits sensibles. Certains collèges ou lycées vont mal, ce qui se traduit par des incidents graves, des agressions, des détériorations, des infractions pénales multipliées. Le plus souvent, s'est installé au préalable un climat spécifique marqué par des incidents répétés, des formes de harcèlement social, des jeux dangereux favorisés par le repli de la communauté éducative : l'espace public interne a été délaissé, les principaux acteurs concernés se sont réfugiés dans leurs bureaux ou leurs salles de classe, laissant aux autres la responsabilité d'intervenir dans les couloirs ou dans la cour de recréation et considérant que les bagarres entre enfants font en quelque sorte partie de leur éducation.
Mais il faut bien voir que si ces violences symboliques, ces violences verbales entre élèves ou entre élèves et adultes, …
… étaient mesurées, l'on pourrait sans doute éviter le pire dans ces établissements et prévenir des incidents graves.
En outre, ce rapport ne remettrait pas en cause l'équilibre des finances publiques déjà très détérioré par la politique que vous menez. Il permettrait au contraire de faire beaucoup d'économies par rapport aux frais induits par toutes les dégradations et violences que subissent nos concitoyens.
Défavorable également.
Madame Mazetier, je note que, chaque fois que vous prenez la parole, vous donnez l'impression de faire un cours. Il se trouve que nous sommes aussi, et parfois depuis fort longtemps, maires, présidents de conseils généraux, impliqués dans la vie locale et confrontés à la réalité de quartiers difficiles et d'établissements scolaires en zone sensible. Ces sujets-là, madame Mazetier, nous les connaissons aussi bien que vous : …
Il y a un côté déplaisant à se voir donner des leçons en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, vous n'êtes pas obligée de nous agresser quand vous prenez la parole.
Enfin, vous prétendez que nous sommes les rois des claquettes et vous les rois du pragmatisme. Je ne sais pas ce qu'il en est pour mes collègues, mais, pour ma part, je danse très mal et je fais des claquettes encore moins bien.
Toutefois, pour que les choses soient claires et que nous gagnions du temps, je demande à M. le rapporteur et à Mme la ministre de préciser leur position à l'égard de l'amendement n° 64 que nous avons adopté. Le Gouvernement et la commission entendent-ils traduire concrètement, à l'article 5, l'extension de l'intitulé du chapitre aux élèves scolarisés à laquelle il a été procédé? Cela permettrait de rassurer nos collègues de l'opposition en donnant corps à leur proposition, ce qui nous épargnerait peut-être ces défenses d'amendement un peu lassantes de Mme Mazetier.
(L'amendement n° 58 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 61 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Sandrine Mazetier. Je vais faire plaisir à mes collègues : cet amendement propose qu'un rapport soit remis au Parlement sur la mise en oeuvre du programme de « réussite éducative ».
En novembre 2005, le Gouvernement de Dominique de Villepin annonçait une accélération et une amplification de la mise en oeuvre du programme « réussite éducative » et posait comme objectif l'ouverture de vingt internats de réussite éducative pour 2007.
Deux ans plus tard, à Versailles, le Président de la République nous parle d'internat d'excellence. En dehors du fait que nous avons la conviction que ces internats d'excellence ne sont pas forcément adaptés, les internats de réussite éducative promis par la loi de cohésion sociale et prévus par le programme de « réussite éducative » n'ont pas tous vu le jour : nous sommes très loin d'avoir atteint les vingt établissements promis. Par ailleurs, ceux qui ont été créés sont très éloignés des territoires concernés et ne répondent pas aux besoins.
Souffrez donc mes chers collègues, quelques années après de grandes déclarations relatives aux objectifs de cohésion sociale et de réussite éducative, que l'Assemblée nationale s'intéresse à ce qu'il advient des lois qu'elle a votées ! Je suis certaine que vous serez attentifs à cet amendement. Le rapport en question sera peut-être le seul que vous accepterez, mais au moins celui-ci est-il particulièrement adapté à vos préoccupations.
Madame Mazetier, tout le monde est toujours très attentif à ce que vous dites.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
Monsieur Dord, vous demandiez pourquoi nous avions été favorables à l'amendement n° 64 qui modifiait le titre du chapitre II pour préciser que les dispositions renforçant la protection des personnes travaillant dans les établissements scolaires concernaient aussi les élèves.
Il s'agissait pour nous d'un amendement rédactionnel : bien évidemment, le dispositif de la proposition de loi concerne les élèves comme la communauté éducative. Les dispositions les concernant sont déjà dans le texte. Nous n'avions donc affaire qu'à un amendement de précision.
Avec l'amendement n°64 , nous étions bien au coeur de la proposition de loi. Ce n'est pas le cas avec les dispositions de l'amendement n° 61 , évoquées avec talent par Mme Mazetier : elles sont utiles, mais elles n'ont pas leur place dans ce débat. Nous y sommes donc défavorables.
Je veux réagir aux propos du rapporteur. Les élèves apparaissent désormais dans le titre du chapitre II. Mais peut-il nous dire dans quelle autre partie de ce chapitre ils sont cités ?
L'article 5 fait la liste des personnes concernées par la protection ; les élèves n'y sont pas !
(L'amendement n° 61 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 53 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Sandrine Mazetier. Depuis dix ans, presque tous les ans est annoncé un plan ou un train de mesures pour lutter contre les violences scolaires.
Seulement, il y a les déclarations et, ensuite, la réalité. Ainsi, la circulaire du 16 août 2006 prévoyait-elle la mise en place dans toutes les académies d'une permanence téléphonique « SOS violences ». Trois ans après, alors que nous évoquons les violences scolaires, la manière de les traiter, et que nous nous interrogeons sur l'efficacité éventuelle des mesures à prendre, je pense qu'il ne serait pas inutile de s'intéresser à la mise en place de ce dispositif.
Mais ces permanences téléphoniques sont-elles vraiment actives ? Nous avons fait quelques tests en Seine-Saint-Denis : il s'avère que les personnels de direction ne connaissent ni l'existence ni le numéro de ces permanences. Évidemment, rien n'est affiché à ce sujet alors que ces permanences téléphoniques devaient être accessibles pour toutes les victimes : les personnels, les élèves et leurs parents.
Il y a un lien direct entre la modification de l'intitulé du chapitre II, que vous avez acceptée, et l'amendement n° 53 , qui vise, tout simplement, à proposer à la représentation nationale de se mêler de ce qui la regarde.
(L'amendement n° 53 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 52 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Sandrine Mazetier. Si les permanences téléphoniques « SOS violences » existent bien, il y a forcément des personnes qui appellent. Puisque nous nous penchons sur les victimes des violences scolaires, il serait intéressant de savoir comment ces dernières sont suivies. Les invite-t-on systématiquement à saisir la justice ?
Ce matin, Éric Raoult, qui, bizarrement, n'est pas là cet après-midi… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je dis « bizarrement », car, ce matin, M. Raoult semblait très intéressé par le sujet. (Mêmes mouvements.) Nous en parlions avec le ministre de l'éducation nationale, qui était disponible pour répondre à des questions orales sans débats, alors qu'il ne l'est plus pour répondre sur nos amendements.
Ce matin, disais-je, Éric Raoult se plaignait de la « judiciarisation » des relations entre les parents d'élèves et la communauté éducative. Il serait donc intéressant d'analyser les démarches proposées par ces permanences téléphoniques – encore faudrait-il qu'elles existent. Cherchent-elles à calmer le jeu ? Orientent-elles efficacement les victimes ? Les accompagnent-elles ?
Nous sommes toujours attentifs aux victimes, nos propositions le montrent ; je crois que la majorité et le Gouvernement devraient faire de même.
(L'amendement n° 52 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Sur l'article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Cet article est le premier de ceux qui concernent les établissements scolaires. Or, quoi qu'en dise le rapporteur, plus du quart de cette proposition de loi est relatif aux violences scolaires, aux intrusions dans les établissements scolaires et à leur sanctuarisation. Il est donc légitime que la représentation nationale s'exprime longuement sur le sujet.
Certes, nos amendements s'insèrent dans le code de l'éducation et non pas dans le code pénal ou le code de procédure pénale, mais, loin de constituer des cavaliers législatifs, il faut qu'ils soient examinés avec toute l'attention qu'ils méritent. En fait, si vous les acceptiez, leur adoption démontrerait que la représentation nationale prend effectivement le réel en compte.
Il y a deux manières de mépriser les victimes des violences, que ce soient les violences de groupes ou les violences scolaires. Par l'exploitation du caractère sensationnel de ces violences, il est possible de généraliser, à partir de ce qui a pu arriver dans un établissement, et de vouloir aboutir à une loi. La proposition de loi que rapporte M. Ciotti ressemble furieusement à un texte élaboré sur ce modèle. Il est également possible de nier ce qui est arrivé aux victimes.
Pour notre part, nous avons décidé de ne pas être dans le déni du réel. Nous sommes, au contraire, attentifs à la réalité, nous sommes très constructifs dans nos propositions. Vous auriez tort de les repousser une à une en considérant que le problème de la violence scolaire sera réglé une fois que vous aurez mis des portiques à l'entrée de certains établissements.
Je note d'ailleurs qu'en agissant ainsi, vous accompagnez un penchant des acteurs concernés à ne jamais se remettre en cause – même s'il ne se constate pas partout. Dans les établissements scolaires, la violence n'est pas seulement le fait d'intrusions : très majoritairement, elle vient de l'intérieur. Surtout, les solutions ne sont pas nécessairement extérieures aux établissements. Or, en théorisant la sanctuarisation et l'isolement, en vous contentant de répondre au problème par des éléments techniques, en aggravant les peines encourues, d'une certaine manière, vous déculpabilisez la communauté éducative et le contexte dans lesquelles se produisent ces violences. Vous interdisez ainsi aux acteurs qui interviennent dans ces contextes et ces environnements de se remettre en cause ; vous les empêchez de contrôler leur destin.
Toutefois, si nous voulons réconcilier nos concitoyens avec l'action politique, avec l'autorité de la République et celle de la loi, il faut que les lois que nous votons soient utiles et répondent concrètement aux problèmes. Telle est la démarche que nous avons engagée depuis le début de nos débats.
Le groupe SRC approuve les dispositions de l'article 5.
Cependant, il faut aussi regarder les choses comme elles sont. Il s'agit de dispositions qui n'ont qu'une vocation symbolique. En effet, les personnels travaillant dans les établissements de l'éducation nationale font déjà partie des personnes « protégées » en tant qu'agents de service public.
Si nous comprenons la portée symbolique de l'article 5, soyons conscients du fait qu'il ne changera rien puisque, lorsque des violences sont commises, par exemple, à l'encontre d'enseignants, les poursuites peuvent d'ores et déjà être aggravées. À cet égard, Mme la garde des sceaux peut-elle nous informer sur les suites judiciaires données dans le cas de violences commises contre les enseignants – nous avions déjà interrogé Mme Dati ? Quelle a été, jusqu'à aujourd'hui, l'utilisation de la notion de catégorie protégée ? Disposons-nous de chiffres ? Ces derniers existent globalement en ce qui concerne les violences exercées à l'encontre des personnes chargées de mission de service public, mais ils ne concernent pas les seuls enseignants. Il serait utile de connaître ces données afin de mesurer l'évolution des faits.
Nous en sommes au troisième plan Darcos contre les violences scolaires. Après le remaniement gouvernemental, que vont devenir les mesures récemment annoncées par l'ancien ministre de l'éducation nationale ? En effet, après le drame qui avait touché le collège de Fenouillet, nous avions assisté à un véritable festival d'annonces, un concours Lépine des mesures spectaculaires, des propositions à qui mieux mieux pour lutter contre la violence scolaire.
Il fallait par exemple créer des brigades volantes susceptibles de se déplacer dans les établissements scolaires – on ne comprenait d'ailleurs pas très bien à quoi elles pourraient servir puisqu'elles devaient intervenir après les violences. On annonçait la fouille des élèves à l'entrée des établissements, alors que ce genre de mesures a été expérimenté aux États-Unis et qu'il est prouvé que, en plus de leur caractère anxiogène, elles n'évitent pas les violences.
Madame la garde des sceaux, vous vous étiez exprimée dans le Journal du dimanche, notamment parce qu'il était alors envisagé de donner la qualification d'officier de police judiciaire au recteur, ou celles d'auxiliaires de police judiciaire aux conseillers principaux d'éducation. Vous disiez : « Cela me paraît un peu compliqué. Ce ne sont pas des titres honorifiques, mais des compétences juridiques. Elles sont attribuées par l'autorité judiciaire, qui ne plaisante pas avec ses critères : pour être OPJ ou APJ, il faut passer un concours ou un examen et être informé très sérieusement. » Pour notre part, nous rejoignons votre position.
Or, à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi, était annoncé le dépôt d'un amendement du Gouvernement visant à donner la qualité d'OPJ aux recteurs et d'APJ aux CPE. Je voudrais que le Gouvernement nous confirme qu'il a définitivement renoncé à ces mesures.
Certes, l'article 5 va dans le bon sens ; mais quel douloureux constat d'échec ! Il est tout de même effarant qu'en 2009, il soit nécessaire, de légiférer pour rappeler que l'agression d'un enseignant – déjà spécifiquement protégé par la loi en tant qu'agent du service public – ou de tout autre membre du personnel travaillant dans un établissement scolaire est répréhensible, d'autant que, depuis des années, on nous promet la sécurité et une amélioration de la situation.
En tout cas, force est de constater, face à l'aggravation de ces faits dramatiques – que ce soit à Gagny ou à Garges-lès-Gonesse, où un chef d'établissement qui tentait de protéger un élève a été frappé à coups de marteau –, que nos établissements scolaires ne sont plus les sanctuaires dans lesquels la République permettait aux plus jeunes de devenir des citoyens éclairés.
Comment être le plus efficace possible ? Bien entendu, il faut tout d'abord rappeler que les enseignants ne sont pas n'importe quels agents du service public : ils jouent, dans notre République, un rôle bien particulier, qu'il faut protéger, valoriser et constamment rappeler à nos concitoyens et à tous ceux qui seraient tentés de ne pas le respecter.
Or une disposition de l'article 5 me gêne, car elle est rédigée de telle manière que l'agression d'un enseignant ou d'un membre du personnel travaillant dans un établissement scolaire pourrait rester impunie. En effet, le deuxième alinéa de cet article précise que la circonstance aggravante ne peut être retenue que si la qualité de la victime doit être apparente ou connue de l'auteur de l'agression. Or, un enseignant ne porte pas de signes distinctifs et sa qualité d'enseignant n'est pas apparente. Une personne étrangère à un établissement qui agresse un adulte dans son enceinte ne sait pas forcément s'il s'agit d'un enseignant.
Vous pourriez vous passer de faire ce type de réflexions : ce sujet n'est pas drôle ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Certains sujets ne prêtent pas à sourire. Nous souhaitons simplement renforcer l'efficacité du texte pour mieux protéger les enseignants. Reconnaissez-le !
Cela fait des heures que nous discutons. Or, vous n'entendez pas ce que nous disons et vous n'acceptez pas nos amendements. Nous ne sommes pas là pour bavarder !
…que, sur un sujet aussi grave, alors que nous adoptons une attitude responsable, on balaie nos propositions d'un revers de la main. Ce n'est pas responsable, et je le dis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mon intervention sera brève, car beaucoup a été dit. Il est toujours facile d'intervenir dans un débat pour y jouer le candide lorsqu'on n'a pas participé à la discussion des amendements. Mais enfin, de quoi s'agit-il ? L'objectif est de lutter contre les intrusions dans les établissements scolaires et les agressions qui peuvent s'y dérouler. La réponse qui nous est proposée consiste à qualifier de délit les coups portés sur les enseignants et les membres de leurs familles. Certes, c'est une bonne réponse ; mais c'est extrêmement court. On risque ainsi de nous reprocher de criminaliser ces agressions au lieu de faire en sorte de les empêcher. J'admets que ce raisonnement est simpliste, mais c'est la difficulté du texte.
Avant de réprimer de tels agissements, il faut chercher à les prévenir. Aujourd'hui, le Gouvernement et la commission refusent la totalité de nos amendements, au motif que ceux-ci seraient prématurés, puisqu'un grand plan de prévention sera examiné en septembre. Soit, mais ne cédons pas à l'illusion de croire que nous ferons cesser la violence scolaire dès lors que nous aurons transformé en délits les coups portés contre les enseignants. C'est un processus long, qui nécessitera d'articuler, comme c'est toujours le cas, prévention et répression. Le recours à la police et à la justice ne permettra pas de juguler ce phénomène si aucune action n'est menée en amont.
Enfin, on se grandit à reconnaître ses échecs. Or, force est de reconnaître que la loi du 5 mars 2007 sur la prévention n'a pas été suivie d'effets. Si l'on doit repenser les dispositifs de prévention, il serait bon de se souvenir de cet échec, qui ne s'explique pas uniquement par des raisons politiciennes, les villes de gauche refusant d'appliquer une politique de prévention de droite. Cet échec tient également à la loi elle-même.
Vous refusez de prendre en compte nos amendements visant à développer la prévention et le contrôle social. Dont acte. Mais votre texte est insuffisant.
Je suis saisi d'un amendement n° 63 .
La parole est à Mme Delphine Batho.
L'amendement n° 63 vise à réparer un oubli, car l'article 5 omet de viser les dispositions du code pénal sanctionnant les menaces.
Par ailleurs, puisque Mme la ministre ne m'a pas répondu, je réitère ma question : le Gouvernement a-t-il renoncé à toute disposition législative visant à donner la qualité d'OPJ ou d'APJ aux recteurs et aux CPE ?
Cet amendement est satisfait. La commission a en effet adopté un amendement similaire au 2° du III de l'article 5. Je suggère donc à Mme Batho de retirer son amendement.
Même avis que la commission.
Au 2° du III de l'article 5, il est précisé : « Après le mot : “voyageurs”, sont insérés les mots : “, d'un enseignant ou de tout membre des personnels travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire” ». C'est exactement le texte de votre amendement, madame Batho.
Je suis saisi d'un amendement n° 87 , portant article additionnel après l'article 5.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
De très nombreuses violences commises par des bandes se produisent aux abords immédiats des établissements scolaires. Si les intrusions spectaculaires et d'une extrême gravité sont inacceptables et méritent à ce titre toute notre attention, il convient de rappeler que des affrontements, du racket ou des agressions ont également lieu très souvent aux abords des établissements, à des heures précises, connues des personnels de direction.
Ceux-ci nous demandent donc régulièrement que leur sécurité ainsi que celle des élèves soit également assurée aux abords des établissements. Or, lorsque nous transmettons cette demande à qui de droit, on nous rétorque que la présence de la police de quartier – que nous appelons d'ailleurs de nos voeux – aux abords des établissements nécessiterait des effectifs trop importants.
Par cet amendement, nous proposons donc qu'un rapport soit remis au Parlement sur les dispositions prises pour assurer la sécurité des élèves et des personnels aux abords des établissements. Une présence policière effective ne serait pas nécessaire vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Tous ceux qui connaissent ce type de situations savent que les violences se produisent aux abords de certains établissements, à certaines heures. En tout cas, la représentation nationale est en droit d'avoir des informations précises sur ce point, afin de déterminer elle-même s'il est possible ou non que cette mission soit remplie, compte tenu des effectifs de police.
Défavorable, comme pour les autres amendements prévoyant la transmission d'un rapport. Sur le fond, dans son discours de l'Élysée du 28 mai, le Président de la République a très clairement indiqué que des diagnostics de sécurité seraient mis en oeuvre dans les établissements les plus sensibles.
Je me réjouis que Mme Mazetier se soit convertie à la vidéo-protection aux abords des établissements. Par ailleurs, l'amendement ne relève pas du domaine législatif.
Madame Batho, nous avons examiné une dizaine d'amendements proposant que des rapports soient remis au Parlement. Il me semble que nous avons suffisamment discuté de ce sujet.
Non, je souhaiterais répondre aux arguments utilisés par Mme la ministre.
Puisque Mme la ministre vient de dire que Mme Mazetier s'était convertie à la vidéo-surveillance, je tiens à informer la majorité que, depuis dix ans, la région Île-de-France, par exemple, a dépensé plus de 50 millions d'euros pour financer des mesures anti-intrusion dans les établissements scolaires, notamment la vidéo-surveillance des lycées. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Personne n'a donc de leçons à nous donner sur ce sujet. Les collectivités de gauche font leur travail pour sécuriser les établissements scolaires.
Par ailleurs, le rapporteur n'a pas répondu à la question de Mme Mazetier, car les diagnostics prétendument nouveaux qu'a évoqués le Président de la République – et qui, je le rappelle pour l'histoire, avaient déjà été prévus dans une circulaire de février 2000 prise par le ministre de l'éducation nationale de l'époque – portent sur les établissements scolaires eux-mêmes, et non sur leurs abords.
(L'amendement n° 87 n'est pas adopté.)
L'article 6 prévoit une aggravation des sanctions prononcées pour toute une série d'infractions commises dans ou à proximité des écoles. Il porte ainsi de trois à cinq ans et de cinq à sept ans les peines d'emprisonnement prévues selon l'infraction envisagée. Ces dispositions ont le même caractère virtuel qu'un certain nombre d'autres prévues dans la proposition de loi.
Nous sommes confrontés à un problème dramatique, qui n'est pas nouveau, celui des actes de racket ou de violence commis aux abords des établissements scolaires ou sur le trajet entre le domicile d'un élève et son établissement scolaire. Je pense notamment au lycéen agressé sauvagement à coups de marteau, à Clichy-la-Garenne, au mois de mai dernier, sur le chemin de son lycée.
Il ne semble pas que la solution à ce type de violences consiste à aggraver les peines prévues par le code pénal, qui sont déjà suffisamment lourdes. En revanche, il faudrait lutter contre deux phénomènes. Le premier est la loi du silence : les victimes de ces violences se trouvent souvent sous l'emprise de ceux qui les commettent, notamment parce qu'ils sont élèves dans le même établissement scolaire, parfois dans la même classe ; le deuxième est la peur des représailles, qui conforte la loi du silence dans la mesure où les victimes sont terrorisées à l'idée d'aller porter plainte.
À cet égard, je voudrais soumettre une proposition à notre assemblée, et demander à Mme la garde des sceaux – qui n'a pas répondu à ma question relative aux éventuels amendements gouvernementaux sur la qualité d'OPJ – de prendre, si elle le veut bien, un engagement à ce sujet. Il me semble qu'il serait nécessaire qu'en certaines circonstances, l'établissement scolaire se substitue en quelque sorte à l'élève victime de violences ou de racket pour enclencher une procédure judiciaire. C'est ce qui a été fait en matière de lutte contre les violences conjugales, où le guide de l'action publique rappelait la faculté dont dispose le parquet d'engager des poursuites, même si la victime ne porte pas plainte. Il me paraîtrait utile, madame la ministre d'État, qu'une circulaire de politique pénale rappelle au parquet qu'en cas de violences subies dans ou aux abords des établissements scolaires, il n'est pas nécessaire que la victime ait porté plainte, un signalement effectué par le CPE ou le proviseur de l'établissement scolaire suffisant à ce que des poursuites judiciaires soient engagées. Un dispositif de ce type serait, à notre avis, beaucoup plus efficace et plus pertinent que les dispositions superfétatoires de l'article 6.
L'article 6 alourdit les peines prévues pour les vols et extorsions commis dans des établissements scolaires ou à leur proximité immédiate. Il complète ainsi les dispositions du code pénal, afin de porter les peines encourues de trois à cinq ans en cas de vol et de cinq à sept ans en cas d'extorsion.
Ne nous trompons pas de débat : le phénomène grave des rackets, des vols et des trafics aux abords des écoles, des collèges et des lycées doit évidemment être combattu avec la plus grande fermeté. Comme le disait Michel Vaxès dans son intervention générale, il est intolérable que des enfants puissent se rendre à l'école la peur au ventre parce qu'ils redoutent de se faire racketter. Mais ce n'est pas ici la question, puisqu'il s'agit simplement dans cet article d'alourdir les peines d'emprisonnement prévues par la loi. Or, ces peines sont déjà lourdes. Pour notre part, nous ne considérons pas que garder deux ans de plus ces délinquants en prison constitue une réponse appropriée. Sincèrement, pensez-vous que l'enfermement prolongé d'un délinquant dans nos prisons telles qu'elles sont actuellement changera quoi que ce soit ?
Ce n'est pas que le condamné sorte au bout de cinq ans au lieu de trois qui importe, mais qu'il soit suivi, c'est-à-dire suffisamment accompagné ou contrôlé, afin de sortir de la spirale de la délinquance. En prenant le parti d'aggraver les peines de prison, vous choisissez la solution de facilité. Car, oui, la prison est une facilité qui demande un moindre investissement humain de la société et de nos institutions.
Pour conclure, je citerai Denis Sala : « Ne faudrait-il pas lancer un débat sur la faible crédibilité de la justice quand des peines prononcées ne sont pas exécutées et sur la pauvreté absolue de ses moyens ? On ne peut rester sur l'idée selon laquelle le délinquant qui a commis une faute doit payer en étant seul responsable de ses actes. L'État doit prendre ses responsabilités. Il doit accompagner ce projet répressif d'une politique publique d'inspiration sociale et éducative. Aujourd'hui, nous ne devons pas laisser croire que la dissuasion carcérale va réduire la criminalité. »
« Il faut évidemment réprimer les actes, mais aussi déployer une pluralité d'initiatives pour s'attaquer aux causes de la délinquance ».
Tel est le sens de notre amendement de suppression de l'article 6.
Défavorable. J'avoue avoir du mal à comprendre votre argumentation, monsieur Gosnat. Nous voulons instaurer, avec l'article 6, une circonstance aggravante en cas de vol ou d'extorsion dans une enceinte scolaire. Qui peut s'opposer aujourd'hui à cette volonté de sanctuariser l'école, d'éviter la commission de délits particulièrement insupportables ? Comment peut-on refuser de sanctionner mieux et plus fortement le racket subi par certains élèves ? J'ai d'ailleurs bien senti que Mme Batho et M. Gosnat étaient aussi gênés l'un que l'autre…
Avis défavorable, monsieur le président. Je veux d'abord dire à Mme Batho que l'article 40 du code de procédure pénale pose déjà l'obligation de dénonciation. Sa proposition visant à permettre que les faits de racket ou de violences puissent être poursuivis à l'initiative d'autres personnes que les victimes est donc satisfaite.
Par ailleurs, puisque je ne l'ai pas fait la dernière fois, je confirme que la qualité d'OPJ est réservée à des fonctionnaires et militaires dont c'est le métier et qui ont reçu une formation pour cela, et ne peut donc s'appliquer à des enseignants.
Je remercie Mme la ministre d'État pour sa réponse. J'ai bien noté que les dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale permettaient déjà de mettre en oeuvre le dispositif que j'ai décrit. Toutefois, il me paraîtrait préférable qu'un mécanisme opérationnel spécifique permette au chef d'établissement de signaler de façon plus systématique des faits de racket et de déclencher de facto l'ouverture d'une enquête et d'une procédure judiciaire.
Monsieur le rapporteur, ne croyez-vous pas qu'il est temps de renoncer aux arguments périmés fondés sur un syllogisme du type : « Si vous êtes contre le racket, vous devez être pour l'article 6 » ? Nous avons largement démontré notre volonté de donner plus d'efficacité à ce texte et notre capacité à formuler des propositions constructives. En l'occurrence, ce n'est pas en portant une peine de prison de trois ans à cinq ans que vous changerez quoi que ce soit à la situation.
(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 67 .
La parole est à Mme Delphine Batho.
L'amendement n° 67 correspond à un amendement que j'ai présenté en commission, puis retiré, le rapporteur de l'époque, M. Estrosi, nous ayant déclaré qu'il s'agissait d'un amendement intelligent et nécessaire, et assurés qu'il allait faire une proposition visant à amender le texte en ce sens. Je ne pense pas que cela ait été fait.
L'article 6, en raison de la réécriture d'un certain nombre d'articles du code pénal, a fait disparaître la circonstance aggravante lorsque le délit est commis dans certains établissements d'éducation qui ne sont pas des établissements scolaires. De ce fait, l'article 6 en sa rédaction actuelle ne s'applique pas à toute une série de structures. L'amendement n° 67 propose donc une rédaction rétablissant la mention des établissements d'éducation, afin que l'on n'aboutisse pas à la dépénalisation des violences commises dans certains d'entre eux.
Favorable.
(L'amendement n° 67 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
(L'article 6, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 82 , portant article additionnel après l'article 6.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
J'aurais eu bien du mal à prendre position en connaissance de cause au sujet de la vidéoprotection, madame la ministre d'État, puisqu'il a fallu que j'écrive au préfet de police pour obtenir quelques maigres informations sur le plan de déploiement de la vidéoprotection à Paris. En effet, les parlementaires, s'ils ne sont pas élus locaux, ne sont pas informés sur cette question.
Nous avions eu, alors que vous occupiez la fonction de ministre de l'intérieur, une discussion au sujet du dispositif de vidéoprotection couvrant la pelouse de Reuilly, située dans ma circonscription et accueillant tous les ans la foire du Trône. Je rappelle que des événements tragiques y avaient conduit à la mort d'un très jeune policier en 2007. Cela montre qu'en dépit des caméras installées, les effectifs de police mis en place sont insuffisants pour assurer la sécurité face aux nombreuses bandes violentes présentes sur ce lieu festif. La vidéo ne remplacera jamais l'incarnation de l'autorité par une présence humaine.
S'il est fidèle à ses chers syllogismes, notre rapporteur ne peut qu'être favorable à notre amendement, qui propose que soit inscrit dans le code de l'éducation le fait que l'État assure la sécurité des élèves et du personnel des établissements d'enseignement primaire et secondaire aux abords de ces établissements : puisque vous êtes pour la sécurité des personnels et des élèves, monsieur Ciotti, vous ne pouvez qu'émettre un avis favorable à un amendement visant à assurer cette sécurité !
Défavorable. Il s'agit d'une déclaration de principe déjà largement satisfaite, l'État assurant la sécurité des élèves.
Défavorable. Je fais remarquer à Mme Mazetier que s'il y a eu des tensions à Reuilly depuis deux ans, aucun drame n'y est fort heureusement survenu. En visitant le site, vous vous rendez compte de la nécessaire complémentarité entre les forces de police et la vidéoprotection.
(L'amendement n° 82 n'est pas adopté.)
Le rapporteur nous parlait tout à l'heure de cavalerie : l'article 7 est justement un parfait exemple de cavalerie législative. Alors que plusieurs de nos amendements ont été repoussés au motif qu'ils ne relevaient pas du domaine législatif, mais réglementaire, l'article 7 consiste à prendre des dispositions réglementaires pour les inscrire dans le code pénal.
Par ailleurs, les dispositions de cet article, visant à créer un délit de simple intrusion dans un établissement scolaire, sont particulièrement inquiétantes. À l'heure actuelle, il existe toute une gamme de dispositions juridiques permettant de poursuivre les intrusions accompagnées de violences ou de dégradations – le fait qu'elles soient commises au sein d'un établissement scolaire constituant une circonstance aggravante. L'article 7 vise, lui, à créer un délit de simple intrusion dans un établissement scolaire. En sa rédaction actuelle, il n'y est même pas fait mention de la notion d'intrusion, et le simple fait de « pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement scolaire sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes est puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende » – ce qui rend l'auteur des faits passible de la comparution immédiate. Un parent d'élève qui entre dans l'école afin d'y rencontrer un enseignant mais sans avoir reçu de convocation à cet effet, répond à la définition de l'infraction telle qu'elle figure à l'article 7 – de même que des lycéens qui organisent une assemblée générale aboutissant à la décision d'occuper l'établissement scolaire, puisqu'il est rare qu'ils obtiennent pour cela une autorisation préalable de leur proviseur ou du ministre de l'éducation nationale !
Comme à l'article 2, nous nous trouvons en présence de dispositions qui ne visent absolument pas les violences et les bandes délinquantes, mais plutôt le mouvement social, les lycéens et les parents d'élèves – qui ont organisé, il y a peu de temps, la nuit des écoles. Cela entre en contradiction avec le principe de notre droit pénal selon lequel les délits politiques ne peuvent pas être passibles de la comparution immédiate – par délits politiques, il faut entendre tous les délits commis dans le cadre de l'expression d'une opinion politique.
En aucun cas ces délits politiques ne peuvent être passibles de la comparution immédiate. Nous sommes donc dans le contournement de cette règle de procédure pénale. Il en résultera que des lycéens qui auront occupé leur lycée seront passibles de comparution immédiate.
Il me semble entendre des « très bien ! » sur les bancs de l'UMP. Cela signifie que telle est bien la volonté de la majorité parlementaire.
Je voudrais moi aussi exprimer mon opposition à la correctionnalisation des intrusions. L'avantage de l'incrimination contraventionnelle est qu'elle permet les poursuites même s'il n'est pas établi d'intention frauduleuse lors de cette intrusion. Cette disposition permet donc de sécuriser les lieux en amont même si, en pratique, les dépôts de plainte et appels aux forces de l'ordre ont lieu uniquement lors des intrusions hostiles.
À côté de cette incrimination contraventionnelle, existent d'autres infractions pouvant être visées suivant les circonstances – port d'arme prohibé, par exemple – ou des circonstances aggravantes, s'agissant de faits commis au sein de l'établissement scolaire.
Élever cette incrimination au rang de délit ne présente selon nous aucun intérêt. Soit l'intrusion est suivie ou accompagnée d'autres infractions et le fait qu'elle soit une simple contravention n'empêche nullement une répression sous une qualification délictuelle ; soit elle ne s'accompagne d'aucune autre infraction et doit pouvoir être poursuivie quelle que soit l'intention de son auteur, aux fins de sécuriser ces lieux d'enseignement.
Mes deux collègues ont dit l'essentiel sur les questions d'intrusion. Je reviendrai pour ma part sur les ports d'armes. Le texte prévoit, avec l'article 431-28, une peine de cinq ans d'emprisonnement pour port d'arme au sein d'une enceinte scolaire. Or cette disposition se heurte à celles concernant la répression habituelle du port d'arme puisque le port d'une arme de sixième catégorie est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement, et le port d'une arme de première et quatrième catégories – en clair, les armes à feu – est puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement. Il faut trouver une articulation entre ces différentes dispositions.
Alors que j'avais soulevé cette question en commission, on m'avait répondu qu'il s'agissait ici de sanctionner le port des armes par destination. Mais la difficulté réside précisément dans le fait que ces dernières ne sont au départ que de simples objets. Nous avons déposé un amendement visant à régler le problème. Il prévoit une répression du port d'arme – sous-entendu du port d'arme par destination – à l'intérieur ou aux abords d'un établissement scolaire en le punissant d'une peine de deux ans d'emprisonnement. Restera, je le répète, à trouver une meilleure articulation entre toutes ces dispositions.
L'article 7 comporte essentiellement deux dispositions. La première concerne l'intrusion injustifiée dans un établissement scolaire. Aujourd'hui, elle est sanctionnée par une contravention de cinquième classe et, à titre complémentaire, de la confiscation de l'objet qui a servi à commettre l'infraction et d'un travail d'intérêt général pour une durée de 20 à 120 heures. La récidive de cette contravention est réprimée d'une amende qui peut aller jusqu'à 3 000 euros.
Avec ce nouveau texte, « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement » sans autorisation sera puni d'un an de prison et de 7 500 euros d'amende. L'envahir en groupe peut valoir à chacun trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Si l'intrus est seul mais armé, fût-ce d'un bâton, il risque cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende. Et si c'est un groupe dont au moins l'un des membres porte une arme, la peine passe à sept ans de prison et 100 000 euros. Sans compter les peines accessoires qui réintroduisent, par exemple, la double peine : interdiction de séjour et interdiction du territoire français.
La contravention reste, pour nous, une peine appropriée s'il n'y a pas atteinte aux personnes ou aux biens. D'ailleurs, ces atteintes sont spécifiquement prévues et sanctionnées par la législation pénale actuelle.
Par ailleurs, nous sommes très inquiets car cette nouvelle disposition n'exclut pas explicitement de son champ d'application le cas des contestations sociales qui peuvent prendre la forme d'une occupation des établissements par les élèves ou leurs parents.
Enfin, si l'on fait abstraction de la philosophie qui l'inspire, cet alourdissement des peines ne risque-t-il pas d'être contre-productif ? Un proviseur soulignait ce risque en exprimant la crainte qu'une sanction trop lourde ne conduise les personnels de direction à renoncer à porter plainte.
La seconde disposition de cet article prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende contre les élèves et plus largement toute personne habilitée ou autorisée à y pénétrer ayant introduit une arme dans leur établissement scolaire.
Le rapporteur laisse entendre, pour justifier cette nouvelle disposition, que l'intrusion d'une arme dans un établissement ne serait pas aujourd'hui sanctionnée.
Pourtant, le code de la défense sanctionne déjà d'une peine de cinq ans d'emprisonnement le port d'arme de première et quatrième catégories – armes à feux dites de défense –, et de trois ans d'emprisonnement le port d'arme de sixième catégorie. L'emprisonnement est porté à dix ans, notamment, si deux personnes au moins sont trouvées ensemble porteuses d'armes. Dans tous les cas, le tribunal ordonne la confiscation de celles-ci.
Finalement, que vise cette disposition puisque le port d'arme, dans une école ou ailleurs, est déjà sanctionné par le code de la défense ? Le rapporteur ne laisse aucune ambiguïté. Ce sont en fait les armes par destination qui sont visées, c'est-à-dire tout objet susceptible de présenter un danger pour les personnes. Les fournitures scolaires ne sont-elles pas susceptibles de devenir des armes par destination ? Compas, équerre, rapporteur, crayon, ciseaux, cutter devront-ils donc être interdits dans l'enceinte scolaire ? Ou bien tous les élèves risqueront-ils cinq ans de prison chaque fois qu'ils franchiront le seuil de l'école ?
Il semble que vous ayez décidé d'ignorer la décision du Conseil constitutionnel du 18 janvier 1995 selon laquelle, « si le législateur pouvait interdire le port et le transport sans motif légitime d'objets pouvant constituer une arme au sens de l'article 132-75 du code pénal, l'extension de cette interdiction à tous les objets pouvant être utilisés comme projectiles, lesquels sont susceptibles d'être saisis, est de nature, par sa formulation générale et imprécise, à entraîner des atteintes excessives à la liberté individuelle. »
Nous demandons donc la suppression de l'article 7.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 68 .
Nous estimons très judicieux de supprimer cet article pour plusieurs raisons. Le fait constitutif du délit a déjà été évoqué mais je voudrais y revenir.
L'article 7 dispose que le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes est puni de l'amende prévu pour les contraventions de la cinquième classe. Or la qualification de cette infraction, son élément constitutif regroupe des situations qui, à l'extrême limite, ne sont même pas condamnables au sens éthique, moral du terme.
Prenons l'exemple d'un parent d'élève mécontent qui veut discuter avec le principal du collège. Si celui-ci refuse de le recevoir et si ce père entre quand même dans l'établissement, il y pénétrera et s'y maintiendra sans autorisation. Pour peu qu'il soit avec son épouse, le délit est alors commis en réunion et la peine sera doublée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vois M. Garraud, éminent juriste, lever les yeux au ciel. Certes, ce n'est pas ce type de situation que vous visez, me direz-vous. Mais, mes chers collègues, nous faisons la loi. Qui va déposer plainte ? L'autorité compétente, et elle peut utiliser cet instrument pour régler des conflits qui n'ont rien à voir avec la volonté de sécurisation du collège qui semble être vôtre.
Par ailleurs, le juge va bien devoir appliquer la loi. L'élément constitutif du délit est de nature contraventionnelle puisqu'il n'y a pas d'intention. Le seul fait d'être dans l'établissement, de s'y maintenir ou d'y avoir pénétré alors qu'on n'y est pas autorisé constitue l'infraction. Mes chers collègues, c'est une nouvelle boîte de Pandore. Comme ce fut le cas avec les dispositions relatives aux halls d'immeuble, les parquets vont se demander pendant des mois et des mois comment appliquer ces nouvelles mesures. Les tribunaux se demanderont ce qu'on cherche à leur faire faire et il y aura des relaxes. Bref, la présente disposition ne sera pas appliquée.
Deuxième aspect du problème : vous êtes en train de faire exploser les principes de hiérarchisation des peines. On fabrique un magma de sanctions à des niveaux d'une telle différence qu'il n'y aura plus d'ordonnancement réel de la sanction en fonction de la gravité des faits. La sanction que vous appliquez à la situation visée à l'article 7 est ainsi totalement disproportionnée : elle équivaut à celle prévue pour un vol alors qu'elle est censée servir la prévention.
Vous pouvez dire que vous souhaitez plus de sévérité. Mais personne ne croira à la fin de ce débat que vous réglerez les problèmes que vous avez dénoncés en alourdissant simplement les sanctions de deux ou six mois. Ce serait bien la première fois que, dans une démocratie, une assemblée, en aggravant une sanction pénale, freinerait l'augmentation des délits et des sanctions. Toutes ces dispositions n'apporteront aucun apaisement dans les établissements scolaires. Vous ne croyez pas en ce texte, nous non plus et le Gouvernement y croit à peine.
C'est la raison pour laquelle ce texte est dangereux. Il l'est d'autant plus qu'il entraîne l'explosion de la hiérarchie des sanctions. C'est une grave erreur et vous n'en sortirez pas. Quand on s'apercevra qu'on sanctionne un fait banal plus lourdement qu'un fait grave, on ne réduira pas la sanction pénale, on l'augmentera. Ainsi, vous porterez également atteinte à la nature des peines les plus lourdes. Le code pénal et le code de procédure pénale ne seront plus utilisés. C'est la raison pour laquelle il faut supprimer cet article 7 qui ne servira à rien et n'apportera aucune solution aux problèmes que vous souhaitez résoudre.
Avis défavorable. C'est le fond du débat : nous créons un nouveau délit, le délit d'intrusion dans une enceinte scolaire, qui remplacera une contravention de cinquième classe. Les amalgames ont été nombreux, tant dans l'intervention de M. Gosnat que dans celle de M. Le Bouillonnec. Il ne s'agit évidemment pas de sanctionner des familles.
Que se passera-t-il quand le principal du collège ne voudra pas les recevoir ?
Le code de l'éducation définit très clairement la communauté éducative, qui comprend les parents et les élèves.
Quant à l'introduction d'armes, M. Garraud a, là aussi, très justement parlé d'amalgame. Sur les compas, nous avons précisé qu'il s'agissait de sanctionner, non pas le port d'arme, mais l'intrusion d'une arme sans motif légitime. Tout réside dans ce « sans motif légitime », qui évitera les situations que vous avez évoquées et qui relèvent totalement du fantasme.
Même avis que la commission.
M. le rapporteur nous dit que ce texte crée un délit. Nul n'en doutait, c'est écrit au début de l'article 7. Mais c'est précisément tout le débat.
M. Le Bouillonnec a énoncé les conséquences qui découleront de cet article. L'échelle de valeurs a un sens quand on parle de phénomènes de violence et de délinquance. Et détruire cette échelle de valeurs posera un problème. Monsieur le rapporteur, il ne suffit pas de dire que les dispositions prévues ne s'appliqueront pas à la communauté scolaire. Excusez-moi de vous le dire : elles s'y appliqueront au contraire parfaitement. Une fédération de parents d'élèves et des syndicats lycéens sont d'ailleurs vent debout contre cet article 7. Et il est dommage que vous n'ayez pas pris le temps de les auditionner. Ils s'insurgent contre le fait que l'article 7 n'est rien d'autre qu'un « copier-coller » du décret n° 2008-1412 du 19 décembre 2008.
Je rappelle en effet qu'en novembre et décembre derniers, il y a eu des mobilisations lycéennes importantes et que, lors de ces mobilisations, le ministre de l'éducation nationale, Xavier Darcos, a déclaré vouloir sanctionner les lycéens qui se livraient à des blocages ou occupaient leur établissement scolaire. Il a donc demandé à M. Fillon un décret qui, à l'article R. 645-12 du code pénal, insère, après le mot « pénétrer », les termes « ou de se maintenir ».
Votre article 7 reprend donc l'expression « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement scolaire ». Et s'il s'agit de s'y maintenir, ce sont bien les enseignants – des enseignants participant à un mouvement revendicatif et décidant, par exemple, d'occuper la nuit leur établissement scolaire – ou les lycéens qui sont visés.
Vos arguments ne sont donc pas recevables. Il s'agit bien d'une disposition qui vise à criminaliser des actions de mobilisation sociale. C'est pour cela qu'il faut supprimer cet article.
Il faut insister là-dessus, car l'occupation des établissements scolaires est depuis quelques décennies un moyen pour certains de faire entendre leurs revendications. On peut le réprouver mais, jusqu'à présent, cela n'avait jamais été considéré comme un délit.
Mais vous choisissez de criminaliser des modes d'action qu'utilisent, sans pratiquer aucune dégradation, des élèves, des étudiants ou des parents qui veulent se faire entendre.
C'est dangereux non seulement parce que ces personnes pourront désormais être jugées coupables et condamnées, mais aussi parce que cela implique l'intervention des forces de police et la mise en oeuvre d'un arsenal répressif dont on sait ce qu'il implique pour la démocratie. C'est très grave !
(Les amendements identiques nos 12 et 68 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 81 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Nous pourrions sans doute parvenir à une conciliation sur cet amendement.
En soulignant le risque de voir le mouvement social criminalisé, nous ne faisions de procès d'intention à personne. Il y a aujourd'hui dans notre pays une droite et une gauche républicaines, mais l'histoire nous a appris que les principes républicains peuvent être bafoués et que certains peuvent se servir des textes existants pour réprimer les mouvements sociaux.
« Délictualisation », si vous préférez, mais le terme de criminalisation sert à désigner un processus de pénalisation, et le risque de criminalisation du mouvement social est incontestable.
Il faut par ailleurs harmoniser les dispositions concernant les armes. Nous vous proposons donc cet amendement, qui évite habilement de mettre en cause le mouvement social et pare aux critiques de tous ceux qui se montrent très sourcilleux sur la défense des droits et dénoncent, avant même qu'il soit voté, les risques de dérive de ce texte.
Il s'agit de punir de deux ans d'emprisonnement le port d'arme dans l'enceinte ou aux abords d'un établissement scolaire, tout en maintenant les peines prévues pour les armes prohibées par nature, qu'il s'agisse des armes de première catégorie ou de sixième et quatrième catégories, dont le port est puni de trois et cinq ans d'emprisonnement. Il me semble que la gradation des peines que nous proposons – deux, trois et cinq ans – pourrait faire l'unanimité.
Avis défavorable. Vous réécrivez complètement l'article. Nous avons déjà eu le débat de fond.
Avis défavorable. L'article 7 de la proposition de loi permet en l'état d'atteindre le but recherché. Et il me paraît cohérent que ces dispositions figurent dans le code pénal.
(L'amendement n° 81 n'est pas adopté.)
Nous proposons de faire simple puisque l'incrimination prévue à l'article 7 reprend l'article R. 645-12 du code pénal. Vous prévoyez que le maintien soit puni au même titre que l'intrusion dans l'établissement scolaire. Cela ne nous semble correspondre à aucune réalité concrète. En effet, toute personne se trouvant dans un établissement sans autorisation y aura forcément pénétré sans en avoir demandé la permission. Bornons-nous donc à pénaliser l'intrusion et l'objectif que vous visez sera atteint.
Nous voici arrivés à l'avant-dernier article de cette proposition de loi… et le roi est nu !
Les craintes que nous exprimions hier à propos des dispositions des articles 2 et 3 et des menaces qu'elles faisaient peser sur le mouvement social sont confirmées par l'article 7, qui menace en particulier tous ceux qui se battent pour l'école, y compris dans l'école.
Ce n'est pas le gang des barbares qui se maintient dans les établissements scolaires sans y avoir été autorisé ! Ce ne sont pas les tortionnaires d'Ilan Halimi qui réclament des dotations horaires globales plus importantes, qui se battent pour le maintien de classes dans les écoles primaires ! Ce sont les parents d'élèves, les personnels de l'éducation nationale, les élèves…
Mais je doute que les élus soient menacés, quoique… Nous avions hier soir une discussion sur les dangers que faisait peser votre proposition de loi sur les manifestants pacifiques qui, lors de la dispersion d'une manifestation, pourront être assimilés à des porteurs d'arme et être punis aussi sévèrement que des casseurs. Il en va de même ici pour des personnes qui s'engagent dans la défense de l'école, contre l'échec scolaire et la fatalité, et qui encourront demain des peines de prison et de lourdes amendes.
L'article 7 marque le retour de la double peine. Non seulement votre proposition de loi ne supprimera pas les violences de groupe, alors même que nous vous faisions des propositions permettant, grâce à des solutions de proximité rapides, de répondre au problème soit par la prévention soit par la sanction, mais vous utilisez de surcroît des événements dramatiques pour les exploiter politiquement. Vous vous goinfrez et profitez de ce texte et des phénomènes d'intrusion violente constatés dans certains établissements pour punir le mouvement social et ceux qui se battent pour l'école et l'avenir de nos enfants !
La réponse que vous réserverez à nos amendements sera révélatrice de vos réelles intentions et de la brutalité avec laquelle vous avez décidé de punir le mouvement social, sous couvert de lutter contre l'insécurité.
Avis défavorable. Vous avez, sans doute par passion, madame Mazetier, utilisé des termes totalement déplacés. On ne peut pas parler de se goinfrer à propos d'un sujet aussi grave !
Nous considérons que le dispositif de la loi est un dispositif équilibré…
… et nous conservons la notion de « maintien dans l'établissement scolaire ».
Ce texte, je le répète, ne vise pas le mouvement social. Il vise à sanctionner des comportements violents dans l'école et à protéger les enfants et les enseignants. Ne faites pas sans arrêt des amalgames !
Je m'étonne du mépris dont vous faites preuve envers les juges. Cet article donne au juge un moyen juridique dont il a besoin pour établir son jugement.
Il faut savoir modérer son propos. Mon avis est défavorable.
Essayons de lever les malentendus. Nous voulons bien admettre que votre intention avec ce texte n'est pas de criminaliser le mouvement social. Je l'admets.
Le rapport explique qu'il s'agit d'empêcher des bandes de s'introduire dans des établissements scolaires. Il n'en reste pas moins que, juridiquement, dès lors que ce texte sera voté, il s'appliquera à tout le monde. Et lorsqu'un proviseur constatera que des élèves du lycée voisin pénètrent dans son établissement pour inciter ses propres lycéens à faire grève – cela arrive fréquemment lors des mouvements lycéens –, il pourra porter plainte et faire tomber les lycéens concernés sous le coup de l'article 7, puisqu'ils se seront introduits dans son établissement sans y être autorisés.
Vous considérez donc qu'un lycéen qui demande à un autre de faire grève encourt un an de prison, alors qu'hier il risquait une simple contravention. C'est cela qui est choquant ! Les masques tombent !
(Les amendements identiques nos 70 et 71 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 69 .
Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Nous avons demandé un scrutin public, car nous considérons que nous en sommes à un moment crucial du débat sur l'article 7.
Madame la ministre d'État, je souhaite vous lire l'extrait d'un document : « Page 10. Son application par les cours et tribunaux. Alors que de nombreuses autres dispositions du code pénal permettent de réprimer les violences commises à l'occasion d'attroupements sur la voie publique, les juridictions pénales ont recouru par priorité à l'article nouveau, en raison des facilités qu'il offre pour incriminer les coupables. Les craintes exprimées par certains intervenants lors des débats parlementaires se sont avérées justifiées. Le fait le plus marquant est que l'article 314 du code pénal a été principalement appliqué à des responsables d'organisations syndicales. Ont pu être incriminés aussi bien des syndicalistes ouvriers, des syndicalistes enseignants ou étudiants et surtout des syndicalistes agricoles ou des agriculteurs. »
Celui qui écrivait ses lignes en 1981 n'est pas un socialiste. C'est Charles de Cuttoli, sénateur RPR, chargé de la proposition de loi abrogeant la loi anticasseurs de 1970.
L'article 7 sera utilisé pour traduire devant des tribunaux, en comparution immédiate, des lycéens qui auront simplement occupé leur établissement scolaire.
Sur les bancs de la majorité, je vois d'ailleurs certains collègues perplexes : je ne veux pas parler pour eux, mais ils ont l'air de découvrir cet aspect du texte ! D'autres, au contraire, approuvent et disent que les occupations de lycées sont inadmissibles !
Notre amendement est tout simple : il annule le décret de M. Darcos contre le mouvement lycéen récent, et supprime donc du texte les termes « ou de se maintenir ». C'est un amendement de repli, qui ne rend pas plus acceptable le délit d'intrusion que vous créez, mais, à tout le moins, adoptez-le !
Même avis.
Qui peut « se maintenir » dans un établissement scolaire ? C'est quelqu'un qui y est entré en y étant habilité, mais qui n'est pas autorisé à s'y maintenir. L'intrusion ne concerne ni les enseignants, ni le personnel, ni les élèves ; mais eux seuls peuvent se maintenir dans un établissement sans y être habilités.
Cet amendement propose de supprimer les termes : « ou de se maintenir » pour bien montrer que ce texte ne peut pas s'appliquer à des élèves ou à des enseignants qui décideraient, par mécontentement social, d'occuper leur établissement.
Refuser cet amendement, c'est dire qu'un enseignant qui décide d'occuper son établissement pour faire part de son mécontentement social est passible d'une année de prison. Acceptez notre amendement pour que le message soit clair !
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 69 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 17
Contre 44
(L'amendement n° 69 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 72 .
La parole est à Mme Delphine Batho.
L'amendement n° 72 propose de substituer aux mots « autorités compétentes », relativement flous, ceux de « directeurs d'école ou d'établissement ».
Prenons l'exemple d'une école primaire : depuis que le ministre de l'éducation nationale a supprimé les cours du mercredi et imposé la semaine de quatre jours, ce sont les communes qui utilisent l'établissement scolaire le mercredi. Les locaux appartiennent d'ailleurs aux communes, qui sont chargées de leur entretien. Le terme « autorités compétentes » pourrait-il alors désigner un maire, par exemple ?
Il s'agit donc un amendement de clarification.
Avis défavorable. Ce n'est pas à la loi de préciser la nature des autorités administratives compétentes pour autoriser l'entrée dans un établissement.
(L'amendement n° 72 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 73 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
J'en profite pour redire à Mme la garde des sceaux que nous comprenons bien son souci de doter les magistrats d'outils juridiques dont ils seraient aujourd'hui privés. Mais les auditions ont permis d'écouter les magistrats, qui ont ainsi pu nous dire si la proposition de loi correspondait à leur attente – et ce n'est pas le groupe socialiste qui a organisé ces auditions, mais le rapporteur Christian Estrosi !
Je me permets de citer seulement deux phrases. La première émane de l'Union syndicale des magistrats : « Les propositions développées nous paraissent pour leur très grande majorité inutiles, soit en ce qu'elles ne trouveront pas d'application pratique, soit parce qu'elles existent déjà. » L'autre organisation syndicale invitée, qui était le Syndicat de la magistrature, conclut en disant : « le Syndicat dénonce la philosophie générale d'un texte qui instaure la création d'un délit préventif et permet une insécurité juridique manifeste. »
Ayant lu cela, je ne crois pas que l'on puisse dire que les magistrats étaient demandeurs des outils dont vous voulez les doter.
Par l'amendement n° 73 , nous voulons réagir contre la disproportion des peines encourues par des personnes physiques coupables de l'infraction que vous venez de prévoir. Les alinéas 13 et 14, que nous proposons de supprimer, permettent en effet de punir ce délit d'une interdiction de séjour, voire d'une interdiction du territoire pour une durée de dix ans.
Je fais une hypothèse – je confesse que c'est une hypothèse d'école, mais elle n'en reste pas moins plausible – : un ancien élève qui souhaiterait récupérer son bulletin scolaire de l'année précédente sans avoir pris rendez-vous avec l'administration de l'école, et qui rentrerait dans l'établissement, pourrait se voir reprocher, pénalement, l'intrusion que vous venez de créer.
L'interdiction de séjour ou de territoire paraît totalement disproportionnée.
Avis défavorable également, car si on peut trouver des exemples aberrants, il y a aussi des exemples réels : des groupes de jeunes violents, élèves ou non, peuvent entrer dans un établissement – c'est arrivé, notamment en Seine-Saint-Denis il y a peu. Il faut alors pouvoir prendre des mesures.
J'ajoute que ce n'est pas en citant deux phrases extraites d'auditions dont j'imagine qu'elles ont duré beaucoup plus longtemps que vous reviendrez sur une démonstration déjà faite au début des débats sur ce texte : nous avons, je vous le rappelle, déjà discuté de l'intérêt qu'il y avait à compléter la législation.
(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)
(L'article 7 est adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 80 .
La parole est à M. Gérard Gaudron.
C'est un amendement que j'ai déposé avec Patrice Calméjane et avec Éric Raoult. Celui-ci ne se tournait d'ailleurs pas les pouces cet après-midi, madame Mazetier, puisqu'il animait la commission sur l'outre-mer, et il va peut-être regretter toutes les gentillesses qu'il avait dites à votre égard hier soir.
Nous souhaitons que cette loi soit rapidement expérimentée. Le département de Seine-Saint-Denis est non seulement touché par le phénomène des bandes – on l'a vu à Gagny, au Blanc-Mesnil, à Aulnay-sous-Bois et à Sevran – mais ces bandes sont de plus en plus souvent armées et agissent de façon de plus en plus dure.
C'est pourquoi nous pensons qu'une expérimentation rapide de la loi est nécessaire, en particulier au sein et autour des établissements scolaires. La Seine-Saint-Denis pourrait pour cela devenir un département pilote, comme cela a été le cas pour les unités territoriales de quartier.
Je demande à M. Gaudron de retirer cet amendement : la loi pénale doit s'appliquer partout, même si la Seine-Saint-Denis rencontre des problèmes spécifiques.
La loi pénale s'applique sur l'ensemble du territoire national : c'est la base !
(L'amendement n° 80 est retiré.)
(L'article 8 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 41 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Depuis le début de l'examen de ce texte, de la défense des motions de procédure et de la discussion générale à la discussion des articles et de chaque amendement que nous avons présenté, nous avons vraiment tenté de parier sur votre bonne foi ; nous avons tout fait pour améliorer un texte dont nous considérions qu'il risquait d'être un texte de plus, berçant nos concitoyens d'illusions et dégradant finalement l'autorité de la République et de la loi. Nous avons tenté d'apporter des améliorations, de rendre concrètes les déclarations de principe dont vous nous inondez, et qui finissent par échouer – à moins qu'elles ne soient suivies d'aucun effet.
En particulier, nous avions, sur la question de la prévention des violences juvéniles et scolaires, sur la manière d'installer des cercles vertueux au plus près du terrain, fait des propositions qui apportaient des réponses concrètes et ne présentaient aucune difficulté, aucune !
Mais vous avez par exemple refusé les stages citoyens dans les collectivités locales, pour accueillir des élèves en rupture. C'était pourtant une demande des acteurs de terrain.
Vous avez, depuis le début de ces débats, fait preuve de ce qu'il faut bien appeler un immense cynisme. Cet amendement, qui visait à inscrire dans le titre de la loi l'objectif de lutte contre les violences scolaires, n'a plus lieu d'être : votre attitude, vos réponses ont prouvé que là n'était vraiment pas votre problème.
Je retire l'amendement.
(L'amendement n° 41 est retiré.)
En application de l'article 101 du Règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 1er de la proposition de loi.
La seconde délibération est de droit.
Je rappelle que le rejet de l'amendement vaut confirmation de la décision prise en première délibération.
Nous prenons tout juste connaissance de cet amendement du Gouvernement, qui supprime un amendement adopté hier soir ; cet amendement avait été déposé par M. Vanneste, et sous-amendé par nous-mêmes.
Nous arrivions par ailleurs à la fin de la discussion du texte ; la seconde délibération surgit ainsi au dernier moment pour revenir sur un amendement adopté par l'Assemblée. Certes, c'est la règle, mais je vous demande une suspension de séance pour réunir mon groupe, afin de décider de la position à adopter sur cet amendement du Gouvernement, ainsi que sur l'ensemble du texte, compte tenu du déroulement de nos débats, mais aussi de cette méthode de dernier instant.
Madame Batho, vous connaissez bien le fonctionnement de l'Assemblée : cette demande du Gouvernement est de droit, vous le savez bien.
Nous allons donc examiner cet amendement.
Je ne vous l'accorde pas ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1 du Gouvernement.
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux.
Je souhaite que nous revenions sur un texte voté hier trop rapidement. Je développerai à cet effet un certain nombre d'arguments, ce que je n'ai pas pu faire hier.
Le Gouvernement, tout comme M. Vanneste, est soucieux de favoriser le recours aux alternatives à l'emprisonnement. Il est évident que le travail d'intérêt général correspond tout à fait à cette volonté. C'est d'ailleurs à ce titre qu'avait été envisagé, dans le projet de loi pénitentiaire, d'étendre l'amplitude horaire du travail d'intérêt général pour la porter à 400 heures.
Je rappelle toutefois que la demande de M. Vanneste portait sur 720 heures.
Il a été impossible de retenir ce choix de 400 heures, en raison des difficultés pratiques qui s'opposeraient à sa mise en oeuvre : il est difficile de trouver un poste de travail ou une collectivité susceptible d'accueillir un condamné pendant aussi longtemps ; une amplitude horaire trop longue empêche, de plus, que la personne concernée suive une formation complémentaire ou exerce un métier.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu conserver l'amplitude horaire actuelle de 210 heures. Nous savons qu'elle n'est pas idéale, et nous aurions souhaité aller plus loin, mais, aujourd'hui, nous ne pouvons pas faire davantage.
Il faudra faire des efforts mais je ne crois pas qu'il soit de bon travail législatif que de voter des mesures dont on sait qu'elles ne pourront pas être mises en oeuvre – en tous les cas, ce n'est pas ma conception du travail législatif.
En outre, je rappelle que le travail d'intérêt général, parce qu'il est une peine complémentaire, peut toujours, selon l'article 131-8 du code pénal, être prononcé en lieu et place d'une peine d'emprisonnement ou d'amende. Dans les faits, il s'adresse en priorité justement aux primo-délinquants parce que nous voulons éviter leur emprisonnement, avec toutes les dérives qui ont été très justement rappelées.
Je crois que l'amendement de M. Vanneste est satisfait puisque le recours au travail d'intérêt général est actuellement possible sur 210 heures. En revanche, monter à 700 heures est totalement hors de portée aujourd'hui.
C'est donc au titre du réalisme que je vous demande, tout en comprenant parfaitement l'intention exprimée hier, qui va dans le même sens que celle du Gouvernement, de voter l'amendement gouvernemental.
Monsieur le président, je veux faire un rappel au règlement, fondé sur l'article 58-1 de notre règlement, qui est toujours en vigueur, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel puisque ce texte est discuté selon le règlement de l'ancien régime – j'emploie ces termes dans un sens positif.
L'article 58, alinéa 3, de notre règlement dispose que les demandes de suspension de séance, lorsqu'elles sont formulées par le président de séance, par le rapporteur, ou personnellement par un président de groupe ou son délégué – je suis le délégué du président du groupe SRC – sont de droit. Donc, je redemande, monsieur le président, une suspension de séance de cinq minutes pour réunir mon groupe afin que nous examinions et l'amendement du Gouvernement et la position que nous voulons exprimer sur l'ensemble du texte.
Je mets aux voix l'article 1er ainsi amendé. (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
Sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Delphine Batho ?.. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC descendent des travées et se massent au pied de la tribune, en protestant.)
Nous savions que cela se passerait comme cela, dès la première occasion !
Rapidement puisque les esprits s'échauffent, je voudrais, au nom du groupe Nouveau Centre, souligner que cette proposition de loi va renforcer la protection des victimes.
Avec ce texte, nous allons pouvoir disposer de moyens juridiques adaptés pour réprimer les comportements violents.
Nous allons pouvoir compléter des dispositions de droit pénal afin de permettre aux autorités publiques d'assurer la protection des biens et des personnes. Ce texte va dans le sens d'une plus grande fermeté réclamée par beaucoup de nos concitoyens. L'État doit être très ferme dans la réponse apportée à ce type de violence.
On peut être ferme si l'on est juste, ferme avec les délinquants et juste pour les honnêtes citoyens et les victimes. Tel est bien l'esprit du texte qui nous est présenté.
Deux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Chantez la Marseillaise !
Nous pourrons apporter des réponses plus adaptées aux phénomènes des bandes violentes.
Dans le second chapitre, des dispositions sont prises pour mieux protéger les personnes travaillant dans les établissements scolaires. Le groupe Nouveau Centre les approuve.
C'est pour ces raisons que nous voterons cette proposition de loi.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
Ne regagnez pas votre place si vous ne le voulez pas, chacun fait comme il veut. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est un coup de force ! Vous n'appliquez pas le règlement ! C'est une honte !
(Il est procédé au scrutin.)
Vous êtes tellement en difficulté que vous n'avez plus que cette méthode !
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 43
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Déclaration du Gouvernement sur l'orientation des finances publiques pour 2010 et débat sur cette déclaration.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma