La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès, le 17 avril dernier, d'Aimé Césaire.
Élu député de la Martinique à quatorze reprises, de 1945 à 1993, il siégea sans discontinuer quarante-huit années sur nos bancs, ce qui représente la durée de mandat la plus longue d'un député depuis la Libération.
Aimé Césaire consacra sa vie à la poésie et à la politique. Son oeuvre sut, à merveille, mêler la fierté de ses origines et son attachement aux valeurs universelles.
À sa famille, à la Martinique, à tous ceux qui appréciaient Aimé Césaire, je dis l'hommage ému de l'Assemblée nationale, que j'ai représentée aux obsèques nationales qui ont eu lieu à Fort-de-France.
Nous rendrons un hommage solennel à Aimé Césaire le 13 mai prochain. Dès à présent, je vous invite à vous recueillir quelques instants. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Semaine après semaine, lycéens et enseignants manifestent contre la suppression de milliers de postes dans le service public de l'éducation. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les justifications du Gouvernement, qui se borne essentiellement à opposer le quantitatif au qualitatif, ont du mal à convaincre. Et pour cause !
Diviser le nombre d'élèves par le nombre d'enseignants est sans doute commode pour communiquer, mais laisse de côté trop de données. Ce ratio ne dit rien des disciplines enseignées : la France n'est-elle pas, par exemple, le seul pays à proposer à tous ses élèves de terminale un enseignement de la philosophie ? De même, ce ratio ignore totalement les disparités entre territoires. À la rentrée prochaine, soixante-treize postes au moins seront supprimés dans l'académie de la Réunion, qui connaît pourtant les taux d'encadrement les plus faibles de la République et une augmentation continue des effectifs scolaires. Une telle décision intervient alors même que, de leur côté, les collectivités locales doivent, chaque année, construire un lycée et deux collèges pour combler les retards et améliorer l'accueil et les conditions d'étude de milliers d'élèves !
Les collégiens et les lycéens de la Réunion peuvent-ils vraiment subir, sans préjudice, la suppression de vingt-cinq postes en lettres et de quinze en sport alors que, d'ores et déjà, le recours aux contractuels est démesuré ?
La jeunesse refuse la querelle des chiffres, car elle refuse une vision utilitariste de l'enseignement et de l'éducation ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Elle dit oui à une formation qui débouche sur un emploi. Mais elle aspire aussi à un enseignement qui lui permette de penser et de comprendre le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Réforme du bac professionnel, licenciement massif des personnels précaires, diminution des heures en primaire et réduction des postes d'enseignants : l'éducation nationale n'est pas épargnée par ce que vous appelez la réforme.
Ces réformes ont un point commun : elles visent toutes à réduire les moyens. Personne ne prétend que leur augmentation est à elle seule la clé du succès de l'éducation nationale, mais nous savons tous que la diminution systématique des moyens, notamment en matière de personnels, conduit inévitablement, à plus ou moins long terme, à l'échec.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
C'est d'ailleurs tout le sens de la stratégie de Lisbonne dont le pilier social invite, je le rappelle, les États membres à « investir dans l'éducation et la formation. »
Je termine, monsieur le président. Mais vous m'interrompez tout le temps ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aussi, monsieur le ministre, pendant qu'il en est encore temps, nous vous demandons de suspendre vos décisions…
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
C'est de la discrimination, monsieur le président ! Vous ne m'avez pas permis de conclure mon propos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la députée, comme je l'ai déjà expliqué plusieurs fois ici et contrairement à ce que vous venez d'affirmer, les non-renouvellements de postes à la rentrée prochaine ne sont pas de nature à changer l'offre éducative. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il n'y a rien d'absurde à établir un rapport entre le nombre de professeurs et le nombre d'élèves. Comment calculer l'offre éducative autrement ? Je le répète, même si cela ne semble pas plaire à tout le monde, nous comptons en moyenne, dans le second degré, un professeur pour 11,9 élèves, ce qui place la France parmi les pays ayant le meilleur taux d'encadrement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les cris ne changeront rien aux chiffres et vous ne m'impressionnerez pas en poussant des hurlements ! Je crois connaître quelque peu l'éducation nationale et ses chiffres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Contrairement à ce que vous avez dit, madame Bello, l'académie de la Réunion perdra des élèves à la rentrée prochaine. Or nous y avons maintenu le même taux d'encadrement, en compensant une partie des non-renouvellements par des heures supplémentaires, qui seront effectuées sur la base du volontariat. Nous avons déjà très largement de quoi assurer ce taux d'encadrement. Pour les élèves de l'académie de la Réunion, il n'y aura donc, à la rentrée prochaine, aucune différence en matière d'offre éducative.
En tout état de cause, c'est bien à tort que vous faites une obsession sur ces questions de postes. Ce qu'il faut, c'est parler du « dedans », donc de l'accompagnement éducatif et de l'éducation prioritaire. Soixante-dix-sept postes seront consacrés à l'accompagnement éducatif dans l'éducation prioritaire à la Réunion. Des stages seront également proposés aux élèves en difficulté de CM1 et de CM2 avant leur entrée en sixième. C'est une autre organisation de l'école. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce que veulent les Français, les élèves, le ministre et le Gouvernement, c'est une meilleure école et non pas simplement une augmentation systématique des postes : la comparaison de notre système éducatif avec celui d'autres pays a bien montré que c'était inefficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Depuis un an, le groupe Nouveau Centre a constamment rappelé l'urgente nécessité de résorber les déficits publics de fonctionnement et a même proposé de constitutionnaliser la règle d'or selon laquelle les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale doivent être présentés et votés en équilibre de fonctionnement.
Un député du groupe Nouveau Centre. Très bien !
Trois raisons justifient notre position. Premièrement, une raison économique : si l'on veut améliorer l'emploi en accélérant la croissance d'un demi-point par an, il faut supprimer ces déficits. Deuxièmement, une raison éthique : nous ne pouvons continuer à faire payer à nos enfants et à nos petits-enfants le poids toujours grandissant de notre endettement public. Troisièmement, enfin, une raison européenne : le traité de Maastricht, voté par le peuple français, et les engagements du Président de la République, nous imposent de réduire ces déficits publics.
Le groupe Nouveau Centre ne s'est pas simplement contenté de suggérer de réduire les déficits. Il a proposé quatre grandes mesures d'économies : la concentration des 35 milliards d'exonérations de charges sociales patronales sur les petites et moyennes entreprises ; le plafonnement des 43 milliards d'euros de niches fiscales à l'impôt sur le revenu ; l'application aux 93 milliards de transferts financiers de l'État consentis aux collectivités territoriales des mêmes règles que celles qui valent pour l'État ; enfin, la mise en oeuvre rapide de la réforme de l'État
Or, pas plus tard qu'hier, le commissaire européen aux affaires économiques, Joaquin Almunia, a eu le propos suivant : « La France constitue le cas le plus préoccupant de la zone euro ».
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est vrai !
Ma question est donc tout à fait limpide, monsieur le ministre. Le Gouvernement, qui s'était déclaré intéressé par chacune des quatre grandes mesures d'économies proposées par le groupe Nouveau Centre, pourrait-il indiquer à la représentation nationale sa position sur chacune d'entre elles ainsi que sur la constitutionnalisation de la règle d'or ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le député, le Gouvernement partage évidemment le constat avec vous : nous devons aller plus loin dans le rééquilibrage de nos finances publiques. Nous y travaillons d'arrache-pied. Le taux de dépenses publiques en France est le plus élevé de l'OCDE. C'est donc par la maîtrise de la dépense publique que nous pourrons réduire les déficits publics actuels. L'équilibre des finances publiques en 2012 est un impératif national.
Les axes que vous avez cités, notamment la conditionnalité des exonérations de charges et les niches fiscales, sont évidemment sur la table. Nous les avons à plusieurs reprises évoqués en commission des finances lors de l'examen du budget et nous y reviendrons.
S'agissant de la « règle d'or » – sujet que vous connaissez puisque le groupe Nouveau Centre a déposé une proposition de loi en la matière – nous avons déjà réuni à trois reprises le groupe de travail composé de membres de la majorité et de l'opposition. Nous réfléchissons aux bonnes règles à mettre en oeuvre afin de faciliter le rééquilibrage des finances publiques.
Cela dit, je ne crois pas que l'on puisse rééquilibrer les finances publiques uniquement à partir de règles. L'objectif est de diminuer le rythme d'évolution de la dépense publique et non la dépense publique.
En ce sens, les déclarations du commissaire Almunia me paraissent pessimistes, et Christine Lagarde le lui a d'ailleurs dit hier. Les déficits publics sont maîtrisés, la réduction de la dépense publique est en marche, la croissance est plus élevée que celle qu'annonce l'Union européenne. Bref, nous avons engagé des réformes que la Commission européenne ne prend pas en compte. Elle se fonde sur une sorte de photographie de la France alors que nous sommes en évolution.
Nous aurons à revenir sur tous ces sujets dans les semaines et les mois qui viennent. Nous le ferons avec beaucoup de constance. L'année 2012 sera celle de l'équilibre des finances publiques. Nous nous y sommes engagés, ce sera le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Monsieur le secrétaire d'État, la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Chatel, avait pour objectif la baisse des prix pour le consommateur, notamment dans le secteur de la grande distribution, en permettant de réintégrer l'ensemble des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte. Le distributeur peut donc aujourd'hui revendre à prix coûtant, et je sais que les premiers fruits sont en cours de récolte.
Le projet de loi de modernisation de l'économie a été adopté hier en conseil des ministres. Il entend s'inscrire dans la continuité de cette loi, avec plusieurs leviers majeurs pour moderniser l'économie : simplifier la vie des entrepreneurs, stimuler toutes les créations d'activité et favoriser le développement des PME, renforcer l'attractivité de l'économie française et, enfin, mobiliser les financements au service de l'économie française.
Par ailleurs, ce nouveau projet de loi prévoit la négociabilité des tarifs entre distributeurs et fournisseurs.
Je suis ce dossier avec passion depuis plusieurs années, en tant que rapporteur de la mission que vous avez présidée il y a quatre ans, puis en tant que rapporteur de la loi de janvier dernier.
J'ai auditionné de nombreux fournisseurs, en particulier des dirigeants de PME, dont certains que je connais bien. Ils craignent d'être désarmés face aux distributeurs. Ils ont peur de devoir accepter des baisses de prix sans aucune contrepartie, notamment dans le cadre de la coopération commerciale.
Nos collègues socialistes nous ont proposé de façon démagogique la suppression de la coopération commerciale tout en interdisant de négocier les tarifs.
Ce serait un système unique en Europe, inapplicable, et ce serait incontestablement la source d'une augmentation des prix.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La question !
Je me suis opposé en son temps à la mise en place d'une négociabilité sans contrepartie et sans garantie pour les fournisseurs.
Ma question est double. Pouvez-vous tirer un premier bilan de la loi de janvier dernier ? Pouvez-vous répondre aux préoccupations des fournisseurs, qui sont les miennes et celles de nombreux compagnons UMP, et préciser les garanties qui seront apportées par le texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
La vérité, monsieur Raison, et vous la connaissez bien en expert de ce sujet, c'est que les Français paient plus cher leurs produits de grande consommation que l'ensemble de leurs voisins européens.
La raison en est simple.
La législation de ces dix dernières années a trop encadré les relations commerciales entre distributeurs et industriels, et a laissé se développer un système d'opacité, les fameuses marges arrière, dont le consommateur a été la victime.
Vous avez parlé de continuité dans l'action du Gouvernement. Effectivement, vous avez voté une première loi en décembre dernier qui, depuis janvier, permet aux distributeurs de réintégrer dans les prix aux consommateurs la totalité des promotions qu'ils obtiennent de leurs fournisseurs. J'ai pu constater ce matin encore dans un hypermarché de la région parisienne les effets de cette loi, qui permet des opérations ponctuelles de baisse de prix. En l'occurrence, un distributeur rembourse à ses clients la TVA sur certains produits.
Nous irons plus loin, et c'est l'objet du projet de loi de modernisation de l'économie, qui autorisera la libre négociation des conditions générales de vente, car le commerce, c'est la négociation. Nous allons favoriser la transparence, nous allons sortir enfin définitivement de ce système des marges arrière.
Il y aura aussi des garanties pour les fournisseurs. Les distributeurs devront justifier de leurs prestations de services, comme la coopération commerciale. Nous allons renforcer fortement les sanctions à l'égard des contrevenants et la législation concernant les abus de puissance d'achat.
Je tiens également à rassurer les filières agricoles puisque les produits agricoles non transformés ne seront pas concernés par cette législation.
Vous le voyez, il y a une vraie volonté d'aller vers un système qui a fait ses preuves partout ailleurs en Europe et qui permet d'assurer une plus grande transparence et, au total, d'avoir des prix moins élevés sur les produits de grande distribution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, ma question est très simple : quelle est votre conception de la solidarité ?
J'ai constaté avec stupéfaction jeudi dernier que le Président de la République avait rayé ce mot de son vocabulaire. Pas une fois il ne l'a prononcé. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) J'ai également entendu le Président demander aux titulaires de la prime pour l'emploi, c'est-à-dire des salariés modestes, qui touchent au plus 1 800 euros, de financer le revenu de solidarité active.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Lamentable !
Nous avons là un saisissant résumé des réformes de M. Sarkozy : déshabiller Pierre pour habiller Paul, exiger des plus modestes de prendre en charge l'effort de solidarité pendant que les plus favorisés en sont systématiquement exonérés.
Ce sont les malades qui paient pour la recherche sur la maladie d'Alzheimer avec les franchises médicales. Ce sont les familles modestes qui vont perdre 600 euros dans le nouveau mode de versement des allocations familiales. Ce sont les chômeurs qui sont rendus coupables de leur situation avec le projet de supprimer leurs allocations en cas de refus de deux emplois, même si c'est à un salaire nettement inférieur.
Bribes par bribes, injustices par injustices, vous rendez les réformes haïssables aux Français, selon l'expression de l'un de vos amis, M. Hervé de Charrette, député du Maine-et-Loire.
Monsieur le Premier ministre, vous dites assumer votre part d'erreurs dans l'échec de cette politique. Êtes-vous prêt à aller plus loin, êtes-vous prêt à reconnaître enfin l'erreur du paquet fiscal, que les Français condamnent, et à en affecter une partie au financement de la politique sociale ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous l'avez compris, ma question est vraiment très simple : quelle est votre conception de la solidarité ? Nous attendons une réponse claire avec une grande majorité de Françaises et de Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Ayrault, je comprends que vous soyez en colère. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le revenu de solidarité active pour les socialistes, c'est un sujet de colloque, c'est un engagement que l'on prend lors des campagnes électorales. Pour nous, c'est un projet que nous mettons en oeuvre, et je suis heureux d'avoir à mes côtés Martin Hirsch, qui en est à l'origine et qui a le courage de passer de la conception intellectuelle à l'application. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Ce projet de solidarité va nous permettre d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé : réduire la pauvreté d'un tiers en cinq ans.
La France est l'un des pays d'Europe qui consacrent le plus d'argent à la politique sociale.
Nous proposons aujourd'hui de dégager 1,5 milliard de plus pour que, dans notre pays, travailler rapporte plus qu'être dans une situation d'assistance.
Dans ce cadre, Martin Hirsch a engagé une concertation pour voir comment l'ensemble des minima sociaux peuvent être activés pour lutter plus efficacement contre la pauvreté, ce que nous n'avons pas réussi à faire dans le passé, ce que vous n'avez pas réussi à faire dans le passé.
Nous allons poursuivre cette concertation, avec vous si vous êtes disponibles, avec les partenaires sociaux qui soutiennent le revenu de solidarité active.
Nous espérons que le parti socialiste va sortir de l'attitude négative qui est la sienne (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : non à la réforme de l'université, non à la réforme des régimes spéciaux de retraite, non aux heures supplémentaires. Ce n'est pas en disant non à tout que vous participerez à la modernisation de notre pays ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Ma question, à laquelle je tiens à associer mon collègue Michel Diefenbacher, député du Lot-et-Garonne, s'adresse au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le ministre, depuis le 27 mars dernier, vous avez engagé la concertation sur le « rendez-vous 2008 » des retraites, fixé, rappelons-le, par la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites.
Hier, vous avez rencontré l'ensemble des partenaires sociaux à l'occasion d'une seconde journée de concertation. Étaient présents à cette rencontre la CGPME, la CFE-CGC, FO, la CFTC, le MEDEF, la CGT, 1'UPA et la CFDT. Lors de cette concertation, un document leur a été remis, précisant les intentions du Gouvernement tant sur l'application de la loi de 2003 que sur la mise en oeuvre des engagements du Président de la République en faveur de l'emploi des seniors ou de la revalorisation des retraites.
Je pense qu'il est inutile de rappeler que les Françaises et les Français sont profondément attachés à la sauvegarde du système de retraite par répartition,…
…qui demeure un système solidaire ayant largement fait ses preuves. Nos concitoyens sont d'ailleurs prêts à faire des efforts, pour peu que cela soit juste et garantisse l'avenir de nos retraites.
Pouvez-vous, d'une part, nous indiquer quels sont les principaux axes de ce document et, d'autre part, nous exposer quel calendrier vous vous êtes fixé pour conduire cette réforme et comment vous y associerez la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le député, le document auquel vous faites allusion précise les intentions du Gouvernement pour le rendez-vous retraite de 2008. Il a été transmis hier à l'ensemble des groupes parlementaires de façon que la représentation nationale soit informée en même temps que les partenaires sociaux.
Il y a trois aspects dans ce document.
Le premier, c'est l'allongement de la durée de cotisation, qui va se faire progressivement à partir du 1er juillet 2009, pour atteindre quarante et un ans au 1er janvier 2012. Cette mesure est indispensable, nous le savons. En matière de retraite, en effet, vous avez plusieurs leviers. Soit vous acceptez que les pensions baissent, ce qui est impossible en termes de pouvoir d'achat. Soit vous acceptez que les cotisations augmentent. Si ce sont celles des salariés, c'est aussi leur pouvoir d'achat qui est pénalisé. Si ce sont celles des entreprises, c'est leur compétitivité, donc l'emploi, qui est pénalisée. Enfin, il faut aussi tenir compte du fait que, si nous vivons plus longtemps, nous pouvons aussi cotiser un peu plus longtemps.
Deuxième aspect : la priorité des priorités – nous avons bien entendu le message des partenaires sociaux – c'est l'emploi des seniors, qui doit faire l'objet de la mobilisation de toutes et tous. La France se situe quasiment au dernier rang européen en la matière. Or c'est un gâchis à la fois économique, social et humain.
Nous avons donc décidé de changer totalement de logique. La surcote sera augmentée. Si un salarié travaille un an de plus, il aura 5 % de retraite supplémentaires jusqu'à la fin de ses jours. Il pourra également choisir le cumul emploi-retraite. Ceux qui ont une retraite à taux plein et qui le souhaitent pourront travailler un peu plus longtemps en cumulant revenu d'activité et pension de retraite, ce qui leur permettra d'améliorer leur pouvoir d'achat.
L'action en faveur de l'emploi des seniors se situe également au niveau des branches professionnelles et des entreprises, où des plans pour l'emploi des seniors sont mis en place. Qu'on forme enfin les salariés de plus de quarante-cinq ans et qu'on améliore partout les conditions de travail. Quant aux entreprises qui ne joueraient pas le jeu, elles seraient redevables à partir de 2010 d'une cotisation retraite supplémentaire. Nous n'avons plus besoin de discours : nous avons besoin de résultats. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dernier aspect, enfin, et sur ce point des avancées sont attendues, les minima vieillesse seront revalorisés de 25 % pendant ce quinquennat, et les pensions de réversion passeront de 54 % à 60 % dès le 1er janvier 2009.
Quant à la question de la pénibilité du travail, les discussions, enlisées depuis trois ans, n'ont que trop duré. Sur tous ces sujets, comme sur les carrières longues, nous avons écouté les partenaires sociaux. Nous donnons aux Français la garantie que leurs pensions de retraite, que la retraite par répartition seront préservées grâce à l'action des parlementaires et du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, je souhaite interroger le Gouvernement, et en particulier son porte-parole Luc Chatel, à propos du crime dont une étudiante suédoise de dix-neuf ans a été victime le 19 avril dernier, et qui nous a tous marqués par la violence inqualifiable avec laquelle il a été commis.
Le Président de la République avait pris devant les Français l'engagement solennel de renforcer les moyens de lutte contre la récidive, répondant ainsi à une préoccupation légitime de nos concitoyens. Cet engagement a été respecté grâce à deux dispositifs majeurs…
… : tout d'abord la loi renforçant la lutte contre la récidive, notamment par la fixation de peines planchers, adoptée dès le mois d'août 2007. Sept mille huit cent décisions de justice ont déjà été prises sur le fondement de ce texte. Au mois de février, la loi relative à la rétention de sûreté est venue compléter cet outil, en permettant de soigner les criminels sexuels dangereux à l'issue de leur peine, dans des centres fermés.
Nous savons qu'entre trente et cinquante détenus pourraient être concernés chaque année par cette mesure.
Les récents événements confirment une fois de plus la nécessité de ces réformes et l'urgence d'une réponse efficace à ce problème, qui concerne directement la vie de nos concitoyens.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, comment, avec cet arsenal législatif destiné à assurer la sécurité des Français, nous pourrons encore être plus performants ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Je voudrais tout d'abord, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, excuser Mme Rachida Dati (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) qui accompagne le Président de la République en visite officielle en Tunisie. (« Encore absente ! »sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je vous en prie, monsieur Montebourg ! Vous aurez la parole dans quelques minutes.
Monsieur le député, le meurtre atroce de Susanna Zetterberg montre combien il était temps d'agir contre les criminels les plus dangereux, et particulièrement contre les multirécidivistes. Comme vous l'avez rappelé, c'était un engagement présidentiel pour la sécurité des Français, et il a été mis en oeuvre sans tarder par la garde des sceaux, sous l'autorité du Premier ministre.
Le Parlement a effectivement voté en moins d'un an deux lois essentielles, qui donnent aujourd'hui à la justice les outils dont elle avait besoin.
La première, renforçant la lutte contre la récidive, a donné lieu à plus de 7 800 décisions de justice. On avait dit que c'était une loi d'affichage, un texte inutile : chacun voit bien qu'elle était nécessaire. Elle est aujourd'hui appliquée, puisque plus de 4 100 peines minimales ont été prononcées. La loi est donc plus ferme, et les détenus sont incités à se soigner s'ils veulent bénéficier de toutes leurs réductions de peine.
Deuxièmement, la loi créant la rétention de sûreté, que vous avez également adoptée, pose un principe clair : ne pas laisser en liberté des criminels particulièrement dangereux à l'issue de leur peine. Si le détenu s'est soigné en détention et s'il n'est plus dangereux en fin de peine, il pourra sortir. En revanche, s'il a refusé de se soigner et si sa dangerosité est établie par une commission pluridisciplinaire, il sera alors placé, à l'issue de sa peine, dans un centre fermé.
Certaines dispositions, monsieur le député, sont d'application immédiate : c'est le cas de la surveillance de sûreté, qui s'applique aux condamnés placés sous surveillance judiciaire s'ils ne respectent pas leurs obligations. Quarante-neuf condamnés font actuellement l'objet de ce contrôle.
L'examen de dangerosité s'applique également aux condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Sept condamnés vont faire l'objet de cette évaluation pluridisciplinaire.
Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement a tenu l'engagement du Président de la République auprès de nos concitoyens en matière de sécurité et de justice. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Comme c'est consolant !
Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir, si vous me le permettez, sur la question du revenu de solidarité active.
C'est une mesure juste, d'ailleurs expérimentée par beaucoup des départements que nous présidons.
Encore faut-il être précis quant à ses modalités, et c'est là-dessus que je voudrais vous interroger.
La première question est celle du coût. Sur ce sujet, on a entendu les chiffres les plus divers. On parlait à l'origine de 10 à 12 milliards d'euros ; M. le ministre du budget nous a dit ensuite que ce serait 5 milliards ; M. le haut-commissaire Hirsch tient pour 3 milliards, et M. le Président de la République nous a dit l'autre jour qu'il s'agirait plutôt d'1 ou d'1,5 milliard. Laquelle de ces excellences contradictoires faut-il croire ?
La deuxième question est celle du financement. Les départements, monsieur le Premier ministre, sont inquiets : ils se demandent si ce ne sont pas eux, au bout du compte, c'est-à-dire les contribuables départementaux, qui auront à payer. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les titulaires de la prime pour l'emploi, qui a été créée par la gauche, sont également très inquiets. Nous avons cru comprendre en effet qu'au-dessus de 1,4 fois le SMIC, vous supprimeriez la PPE. Si j'étais le seul à avoir cette inquiétude, peu importerait au fond (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais je voudrais vous lire une citation qui vous intéressera, mes chers collègues. Il s'agit d'une déclaration faite sur France Inter au début du mois d'avril : « Le projet qui est proposé par Martin Hirsch est un projet qui a deux inconvénients : il est coûteux, de l'ordre de trois milliards, et il conduit à diminuer la prime pour l'emploi pour un certain nombre de Français. » L'auteur de ces mots frappés au coin du bon sens est M. François Fillon, Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ma troisième interrogation porte donc sur votre conception de la solidarité. Pour nous, la solidarité, ce n'est pas de financer le revenu des plus pauvres en taxant les pauvres. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Avec vous, c'est « demain on rase gratis » !
De sorte que ce RSA, qui était à l'origine un revenu de solidarité active, risque de devenir un revenu de solidarité absente.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez accusé d'être hostiles à tout : pas du tout ! Nous sommes contre les injustices, et pour la solidarité, la vraie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
Monsieur le Premier ministre, le revenu de solidarité active se fera solidairement pour les allocataires de minima sociaux qui n'arrivent pas à retrouver du travail et pour les travailleurs pauvres. Il augmentera le pouvoir d'achat de ceux qui sont aux portes du travail, et de ceux qui ont déjà un pied dans le travail mais n'arrivent pas à s'en sortir.
Il aidera les salariés modestes, dans les conditions qui ont été fixées initialement, avec des parlementaires de droite et de gauche (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), avec les syndicalistes, les différents acteurs et départements concernés.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Les pauvres sont oubliés !
Il y a trois ans, nous proposions déjà, dans notre rapport, d'intégrer le RMI, l'allocation parent isolé et la prime pour l'emploi. Pour ma part, je n'ai pas changé d'avis sur ce point. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cela ne veut pas dire que ceux qui ont le plus besoin de la prime pour l'emploi, qui sont majoritaires parmi ses bénéficiaires, seront perdants. Il vont y gagner au contraire. (« Paroles ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Soyons précis sur vos trois questions, et d'abord sur le financement. Reprenez les déclarations que j'ai faites depuis plus d'un an quand les différents candidats me demandaient de chiffrer le dispositif : vous verrez que j'ai dès l'origine évoqué une fourchette de deux à trois milliards d'euros. Le Président de la République et le Premier ministre ayant déclaré qu'on y consacrera 1,5 milliard d'euros ne venant ni de la prime pour l'emploi ni des minima sociaux, on verra comment on va recentrer un peu la prime pour l'emploi pour ce faire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je n'ai aucun problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Sur l'ensemble des bénéficiaires de la prime pour l'emploi, un million touche moins de sept euros par mois à ce titre. Ils ne le savent même pas ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce propos est honteux !
Je pense que c'est pour ces mêmes raisons que le Parti socialiste a proposé la suppression de la prime pour l'emploi à son congrès du Mans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour notre part, nous ne proposons pas sa suppression : nous proposons de l'intégrer dans ce nouveau dispositif.
J'en viens au troisième élément.
J'entends dire que nous déshabillerions Paul pour habiller Pierre.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pour déshabiller l'abbé Pierre !
C'est un mensonge. Vous savez très bien que le nombre de travailleurs pauvres a augmenté. Or les travailleurs à temps partiel vont voir leur revenu croître de 100, 150, 200 euros par mois grâce au revenu de solidarité active, comme l'expérimentation l'a montré. (« Mensonges ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Quand nous aurons aidé toutes ces personnes à retrouver du travail, le revenu de solidarité active ne fera pas de perdants : l'ensemble de l'économie française, la solidarité, la France et la dignité de ceux qui peinent à retrouver du travail, tous seront gagnants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, hier matin, à Meyzieu, ville tranquille du Rhône, un collégien de quinze ans est parti de chez lui muni de trois couteaux destinés à tuer. Le bilan de cette agression est lourd : trois collégiens blessés dont l'un lutte encore contre la mort.
La réaction de la communauté éducative à cette attaque a été remarquable, les enseignants faisant preuve d'un sang-froid et d'une efficacité exceptionnels. Votre décision de vous rendre sur les lieux a été appréciée par les habitants de cette ville, traumatisés par la violence de l'agression.
Cette agression pose à notre société des questions graves et fondamentales. Est-il normal que des adolescents soient assommées de jeux vidéo et de téléfilms qui font de la violence leur fonds de commerce ? Est-il normal de permettre la diffusion de chansons appelant à la haine, au suicide et au meurtre?
Un député du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. La Marseillaise ?
Cet agresseur, âgé seulement de quinze ans, s'est perdu entre le monde réel et le monde virtuel. Il est de notre devoir de rappeler à l'ensemble des acteurs économiques et sociaux leur responsabilité en la matière. Faire de l'argent sur la haine de l'autre et la violence doit être sévèrement sanctionné.
Tous les parents du monde veulent la sécurité pour leurs enfants. Mais comme il n'est pas souhaitable de transformer nos collèges en forteresses, seul le rétablissement des principes liés à l'autorité et à la discipline permettra de retrouver des établissements où régnera le calme, grâce, entre autres, à la valeur éducative de la sanction.
La quasi-totalité des parents, des enseignants, des lycéens et des collégiens veulent le rétablissement de cette autorité perdue depuis mai 68. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. S'il a suffi d'un mois pour la perdre, c'est que ce n'était pas grand-chose !
Monsieur le ministre, même si, comme nous le savons tous, la morale s'apprend d'abord en famille, que comptez-vous faire pour qu'au sein de nos écoles, de nos collèges et de nos lycées, on apprenne plus efficacement à ceux qui sont l'avenir de notre société que le bien et le mal ne sont pas des valeurs relatives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le député, comme tous nos concitoyens, j'ai été extrêmement choqué de ce qui s'est produit hier au collège Olivier de Serres de Meyzieu, où un jeune homme a blessé à coups de couteau trois de ses camarades dans deux classes différentes. Je saisis l'occasion de vous informer que celui des trois élèves qui a été le plus gravement blessé et pour lequel, jusqu'à hier, le pronostic vital était engagé, est aujourd'hui dans un coma artificiel, mais que ses jours ne sont plus en danger.
Comme vous l'avez justement souligné, monsieur le député, la communauté éducative a très bien réagi et je tiens à saluer devant la représentation nationale le sang-froid et la détermination du proviseur, de la principale et de l'ensemble de l'équipe éducative. Je me suis rendu sur place et j'ai pu constater une fois de plus à quel point les enseignants et les cadres ont été admirables.
À dire vrai, cet événement est d'autant plus surprenant qu'il intervient dans un collège qui ne connaît pas de difficultés particulières – 530 élèves, 35 professeurs, une dizaine d'encadrants, un CPE et des surveillants. Cela légitime précisément votre question.
Il est clair que la violence à l'école n'est pas la violence de l'école et que viennent se manifester en ce lieu des comportements qui interrogent la société tout entière. Pour ce qui relève cependant de ma responsabilité actuelle, je tiens à faire trois observations.
La première est que, comme vous l'avez dit, nous devons persuader les élèves que ce qu'ils voient dans les médias et à la télévision ne doit pas être perçu comme la réalité. En effet, jouant sans cesse avec des jeux qui confondent réel et virtuel, ils finissent par considérer des comportements appartenant au domaine ludique ou à la fiction comme réalistes, voire comme des comportements qu'ils pourraient reproduire.
En deuxième lieu, il faut que nous disposions d'un système de signalement plus rapide. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place un groupe de travail qui proposera à la rentrée prochaine un code de la paix scolaire qui permettra des signalements rapides et fluidifiera les relations entre la police, la justice et nos personnels afin que nous soyons plus réactifs.
Enfin, osons le mot : il faut aussi que l'école retrouve sa vertu d'éducation morale. Je ne sais pourquoi certains jugent passéiste le souhait exprimé par le Président de la République de réintégrer la morale dès le primaire, c'est-à-dire toutes questions relatives au comportement, à la vie collective, aux relations interpersonnelles. Cela relève pleinement de nos responsabilités éducatives.
Peut-être n'échapperons-nous pas à d'autres faits divers, mais du moins le Gouvernement veut-il assumer ses responsabilités. À la rentrée prochaine, je présenterai à la représentation nationale le code de la paix scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, …
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Monsieur Françafrique !
… les émeutes de la faim qui ont ravagé récemment certaines capitales d'Afrique, d'Asie et des Caraïbes ne sont pas seulement un phénomène passager dû au renchérissement conjoncturel des matières premières agricoles. Nous sommes face à une crise durable du système alimentaire mondial, dont les conséquences sociales et politiques commencent à peine à investir l'actualité.
Les risques de déstabilisation de pays pauvres déjà fragilisés vont aller croissant. La communauté internationale se doit donc de réagir, qu'il s'agisse des États et des organisations internationales compétentes comme la FAO, le Programme alimentaire mondial ou la Banque mondiale, mais aussi la société civile dans son ensemble, le secteur privé, les grandes fondations et les ONG. Ma question tient donc en deux parties. Tout d'abord, quelles actions la France a-t-elle engagées ou entend-elle engager ? Quelles initiatives peuvent être prises, selon le Gouvernement, dans le cadre international ? Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, après vous être rendu en Haïti pour rencontrer le Président et les acteurs internationaux mobilisés sur place, quels enseignements tirez-vous de ces rencontres de terrain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Monsieur le député Xavier Breton, vous avez raison : la situation est très préoccupante. La réponse du Président de la République a été immédiate pour faire face à l'urgence. L'aide alimentaire de la France est ainsi passée de 30 à 60 millions d'euros. La France a donc donné l'exemple.
Au-delà de l'urgence, nous travaillons pour apporter des réponses sur le moyen terme. En effet, seul le développement économique des pays concernés apportera véritablement une réponse sociale durable, et tout particulièrement en Afrique. C'est la raison pour laquelle nous agissons dans cinq directions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Premièrement, l'Agence française de développement va débloquer 1 milliard d'euros sur cinq ans pour le développement rural en Afrique, afin de réaliser les équipements structurants indispensables et de relancer l'agriculture locale, qui a souffert de décennies de sous-investissement. Deuxièmement, j'ai obtenu l'appui de la Commission européenne pour relancer en Afrique de l'ouest de la filière coton, qui pourrait occuper plus de 15 millions de personnes. Troisièmement, pour mieux appréhender ces évolutions récentes, nous avons créé à l'initiative de Bernard Kouchner, un groupe d'intervention français qui associe notamment les ONG, lesquelles ont une vraie expertise de terrain dont nous allons évidemment tenir compte. Quatrièmement, je vous rappelle l'existence de deux fonds d'intervention de 250 millions d'euros chacun qui permettront de soutenir toutes les initiatives économiques. Dieu sait si les jeunes générations africaines ont envie d'entreprendre ! Enfin, avec Michel Barnier, ministre de l'agriculture, nous réfléchissons aux conséquences de cette crise alimentaire pour l'agriculture mondiale.
Monsieur le député, ce que j'ai vu en Haïti est terrible et ne peut vraiment laisser personne indifférent, mais j'y ai vu aussi des raisons d'espérer. Je tiens à dire à la représentation nationale que l'aide alimentaire financée par la France arrive, et tout particulièrement dans les écoles, où le repas servi aux enfants est parfois le seul de la journée pour eux. Les aides pour la création d'entreprises arrivent également.
Je repars tout à l'heure pour l'Afrique à la demande du Premier ministre. La France prend toute sa part face à la crise mondiale qui a donné lieu à ces émeutes de la faim. Comme vous le voyez encore, mesdames et messieurs les députés, le gouvernement de François Fillon est mobilisé.
Monsieur le premier ministre, la semaine dernière, le Président de la République a déclaré à la télévision que le paquet fiscal serait, selon lui, une « erreur de communication ». Ne croyez-vous pas que ce serait plutôt une lourde faute économique et budgétaire que les Français vont payer pendant longtemps ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que penser, par exemple, d'un paquet fiscal qui dépense 15 milliards d'euros, c'est-à-dire 100 milliards de francs – une paille ! – pendant que les déficits publics atteignent un sommet historique ? (« Et les 35 heures ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que penser d'un paquet fiscal qui s'ingénie à rembourser des millions d'euros aux contribuables les plus riches pendant qu'on augmente les taxes sur les classes moyennes et les classes populaires et les franchises sur les malades ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que penser enfin d'un paquet fiscal qui exonère de droits de succession les grandes fortunes et les hauts patrimoines au mois d'août, avant de vous entendre dire au mois de septembre, soit un mois plus tard, monsieur le Premier ministre, que la France est en faillite et d'entendre le Président de la République, trois mois plus tard encore, déclarer que les caisses de la France sont vides ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Monsieur le premier ministre, si les caisses sont vides, c'est que vous les avez vidées avec le paquet fiscal ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons proposé dans cet hémicycle – et il serait utile que M. Hirsch écoute nos propositions – d'augmenter, avec sept fois moins d'argent, la prime pour l'emploi en faveur des salariés les plus modestes, qui se débattent aujourd'hui dans la crise du pouvoir d'achat. Vous nous disiez tout à l'heure, monsieur Fillon, que c'est nous qui disions « non ». Ici, monsieur le Premier ministre, c'est vous qui avez dit « non » à notre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour conclure, monsieur le Premier ministre, plutôt que de confesser une erreur vénielle de communication, il serait raisonnable que vous reconnaissiez sérieusement la faute grave commise contre l'esprit de prévoyance, contre la justice fiscale et sociale et contre la prospérité de nos finances publiques. Reconnaissez-la et, pour une fois, nous vous applaudirons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Montebourg, répéter inlassablement depuis des mois des contrevérités ne suffit pas à les transformer en vérités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez mené depuis des mois la campagne d'intoxication que l'on sait. Je vous objecterai les faits.
Ceux qui bénéficient des 5 millions d'heures supplémentaires rendues possibles grâce au projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat sont les ouvriers et les jeunes de moins de 25 ans qui, s'ils travaillent quatre heures supplémentaires par semaine, auront à la fin de cette année deux mois de salaire supplémentaire. Ce ne sont pas des privilégiés.
De même, les familles qui souhaitent devenir propriétaires de leur logement et peuvent déduire les intérêts d'emprunt lorsqu'elles l'achètent, ce qui va réduire de 8 % le coût de leur acquisition, ne sont pas des privilégiées, mais des familles moyennes. Les étudiants qui vont travailler cet été pour financer leurs études et qui, pour la première fois, ne paieront pas d'impôt sur le revenu pour ces petits boulots ne sont pas non plus des privilégiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons bien compris la tactique du rideau de fumée adoptée par le Parti socialiste, qui consiste en une intoxication générale à propos du projet de loi sur l'emploi et le pouvoir d'achat pour mieux cacher la vacuité de ses propositions. La différence entre nous, monsieur Montebourg, c'est que vous avez aggravé les déficits de 20 milliards d'euros supplémentaires par an pour faire moins travailler les Français. Nous avons, quant à nous, investi dans le travail, car c'est grâce au travail qu'il y aura plus de croissance et plus de pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, l'éducation nationale est le premier budget de notre pays. La France est la nation qui consacre le plus d'argent par élève à l'éducation de ses enfants. Les résultats ne sont pourtant pas au rendez-vous de nos espoirs et 15 % des élèves environ quittent aujourd'hui l'école primaire avec des lacunes graves dans la maîtrise de la lecture, de calcul de l'écriture.
Comme il s'y était engagé, le Président de la République vous a demandé de mener une action réformatrice pour lutter contre cet échec scolaire. Cette réforme de l'éducation nationale pour nos plus jeunes élèves s'articule autour de deux axes. Il s'agit tout d'abord de la réforme des programmes du primaire, à propos de laquelle vous avez fait des annonces dont je souhaiterais que vous indiquiez les grandes lignes devant les élus de la nation. Il s'agit ensuite du soutien scolaire destiné aux plus fragiles.
À cette fin, vous avez mis en place des stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires, notamment au cours des vacances de printemps qui viennent de s'achever. Menés par des enseignants volontaires, ces stages prennent en charge des élèves par petits groupes. À Roanne, deux stages devaient avoir lieu voilà quelques jours. Deux enseignants du primaire s'étaient portés volontaires, l'un provenant de l'enseignement public et l'autre de l'enseignement privé, chacun devant encadrer six élèves.
Or, monsieur le ministre, seul le stage encadré par l'enseignante du public a pu avoir lieu, privant de soutien scolaire six élèves pourtant issus de l'enseignement public. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que la ville, désormais dirigée par une élue socialiste, a refusé l'accès à un établissement scolaire à un enseignant d'une école privée sous contrat sous couvert du principe de laïcité. « L'école publique est faite pour les enseignants du public », a-t-elle déclaré. Six enfants seulement, de surcroît tirés au sort, ont ainsi pu bénéficier de ces cours de soutien, les six autres restant sur le carreau, victimes d'un aveuglement idéologique patent.
Il est navrant qu'un maire brandisse de nouveau cet étendard d'un autre temps et que l'intérêt des enfants n'ait pas été une priorité dans cette affaire. J'attends donc de vous, monsieur le ministre, que vous clarifiiez la situation. Ne s'agit-il pas là d'un acte caractérisé de discrimination pouvant tomber sous le coup de la loi ? Le maire de cette ville était-il fondé à refuser l'accès à cet enseignant et à priver six élèves de leur stage de soutien ? Que comptez-vous faire pour lutter contre cet acte discriminatoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Nicolin, permettez-moi d'abord de rappeler que ces stages de remise à niveau que nous proposons pour les élèves de CM1 et de CM2 sont une réussite. Malgré les arguties ou les arguments contournés qu'un certain nombre de syndicats, d'associations, d'élus, voire de représentants de parents d'élèves ont cru bon de formuler, 85 000 élèves ont pu bénéficier, pendant les vacances de Pâques, de ce soutien gratuit que nous offrons à tous les enfants qui en ont besoin, en particulier à ceux issus de milieux modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Je n'ai toujours pas compris d'ailleurs comment on peut formuler la moindre critique à l'encontre d'un dispositif qui rend justice à ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir des officines privées, alors que, dans le même temps, ceux qui le peuvent ne manquent évidemment pas d'y faire appel.
Quant au cas précis de Roanne les bras m'en tombent !
Comment peut-on refuser un enseignement à des élèves volontaires ? Comment peut-on tirer au sort ceux qui auront droit à l'école et ceux qui n'y auront pas droit ? J'en appelle à tous, y compris au parti socialiste : est-ce acceptable ? (« Non ! » sur de nombreux du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) De surcroît, est-il acceptable qu'un professeur sous contrat d'association avec l'État, qui a donc la même responsabilité, la même compétence, le même diplôme et les mêmes engagements vis-à-vis du service national d'éducation qu'un enseignant du public, soit écarté au motif qu'il vient de l'enseignement privé sous contrat ? Je persiste à penser que ce n'est pas acceptable, et que le maire adjoint de Roanne qui, sous prétexte qu'il est socialiste, a décidé de prendre cette décision, doit être condamné par ses amis politiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mesdames, messieurs les députés, nous continuerons à mettre en place les stages de remédiation car c'est une oeuvre de justice sociale plébiscitée par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Après l'intervention très anxiogène du Président de la République pour les classes populaires et les classes moyennes (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) – je l'ai ressentie ainsi et j'ai le droit de l'exprimer, mes chers collègues –, je voudrais demander à M. le Premier ministre quelle est sa conception de la solidarité en matière de logement.
Monsieur le Premier ministre, puisque vous dites que nous n'avons jamais de proposition, nous allons vous en faire une. Le Président de la République affirme qu'il y a une crise de l'immobilier et qu'il l'a anticipée. Il se trompe : ce n'est pas une crise de l'immobilier ; la preuve en est que l'on est obligé d'avoir recours à de la main-d'oeuvre sans papiers pour répondre aux besoins et que les agences se multiplient. Il s'agit d'une crise du logement.
Pourtant, depuis 2003, vous avez créé des niches fiscales – les dispositifs de Robien puis Borloo. L'État verse ainsi entre 30 000 et 40 000 euros à des personnes qui veulent faire construire des logements pour les louer. Il s'agit des 25 % les plus favorisés de la population. Or l'État ne verse que 20 000 euros par logement social, et ce au moment où la crise du logement crée des tensions fortes, une forme de violence larvée que tout le monde constate, parce que le logement représente 30 % à 50 % du budget des plus défavorisés. En outre, le livret A va être mis en concurrence avec d'autres produits d'épargne : de ce fait, la collecte de la CDC destinée au logement social va diminuer.
Dès lors, n'est-il pas temps de dire que ces niches fiscales doivent être tout de suite, c'est-à-dire dès la semaine prochaine, annulées pour consacrer au moins autant d'argent au logement social, pour ceux qui en ont le plus besoin, qu'on en donne à ceux qui construisent un deuxième, un troisième ou un quatrième appartement, y compris pour leurs enfants, et en tout cas pour payer moins d'impôt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.
Madame Lebranchu, je vais vous répondre très précisément sur les dispositifs Borloo et Robien. Mais je rappellerai tout d'abord que 435 000 logements ont été construits en 2007 contre 300 000 en 2000, quand vous étiez au pouvoir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
108 000 logements sociaux ont été construits en 2007 contre 42 000, quand vous étiez en responsabilité ! 14 000 PLAI ont été financés cette année contre 5 000 en 2000.
Il y a eu 33 000 logements à loyer maîtrisé mis à disposition par le biais de l'ANAH cette année contre 10 000 à votre époque ! Vous n'avez donc pas de leçon à nous donner en la matière. (Mêmes mouvements.)
S'agissant des dispositifs Borloo et Robien, pourquoi chercher des querelles là où elles n'ont pas lieu d'être ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous savez fort bien que lors de la réunion portant sur la modernisation des politiques publiques, sous la présidence de M. le Président de la République et du Premier ministre, il a été décidé de recentrer ces dispositifs sur les zones dans lesquelles il est nécessaire de les poursuivre. En effet, nous connaissons un déficit de 500 000 logements par an aujourd'hui.
Or, grâce aux deux dispositifs, on a construit l'année dernière 60 000 logements, ce qui n'est pas négligeable. Nous allons donc les recentrer dans les périmètres où ils sont nécessaires, et les interdire là où ils font doublon.
Madame la députée, pour construire tous ces logements, nous avons besoin de financements publics mais également privés. Or tous les mauvais signaux qui seraient envoyés aux investisseurs privés (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) diminueraient d'autant la construction des logements. Vous ne pouvez pas nier qu'il est nécessaire d'avoir une vue d'ensemble en ce domaine.
Mesdames, messieurs les députés, je vous le dis très clairement : la lutte des classes, c'est terminé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Nous n'opposons pas public et privé, locataires et propriétaires : nous répondons aux besoins de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, c'est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris la mort, le 6 mars dernier, de notre collègue Michel Debet.
À soixante-trois ans, il n'était l'un des nôtres que depuis le mois de juin, il est parti trop vite.
Trop vite, pour sa famille et pour ses proches bien sûr, pour son village de Tocane-Saint-Apre aussi ; trop vite pour son Périgord qu'il aimait si fort et qu'il défendait si bien ; trop vite pour notre assemblée enfin, où ses qualités politiques et humaines, connues par nombre d'entre nous, en auraient fait, à n'en pas douter, un parlementaire de talent.
Né au bord de la Drône, à Tocane, de parents eux-mêmes périgourdins, Michel Debet gardera de son enfance et de ses racines un attachement viscéral à sa Dordogne, à son magnifique Périgord, auquel il fut fidèle toute sa vie, qu'il ne cessa d'aimer, de découvrir et de défendre. Ses paysages, ses lumières, ses villages, ses hommes, sa ruralité, sa langue même, que Michel Debet parlait si bien, dessinèrent à jamais la carte de ses lois et de ses combats.
Le Périgord, mais aussi la République : Michel Débet fut en effet un grand républicain. Par sa réussite, d'abord, par son parcours.
Fils d'ébéniste, Michel Debet fut un enfant de l'école de la République. Au point d'en devenir un des maîtres. Brillant élève à l'école communale de Tocane, puis au lycée de Ribérac, à Bordeaux enfin où il poursuivit ses études de lettres, Michel Debet devint instituteur, puis professeur de lettres. Bel exemple d'ascension républicaine, bel exemple de gratitude aussi envers cette école de la République qu'il a aimée et servie avec loyauté. Longtemps professeur de lettres – et d'occitan ! – au collège Saint-Georges de Périgueux, Michel Debet fut aussi, jusqu'en 2003, un directeur apprécié du centre départemental pédagogique de cette même ville.
Le Périgord et la République, le français et l'occitan : tel était Michel Débet, l'avocat passionné de cette république de France qui trouve au plus profond de ses racines ses fondements les plus sûrs, les plus attachants. Aussi est-ce bien naturellement qu'il se tourna vers la politique, d'abord locale, pour défendre au sein de la République cette réalité rurale qu'il aimait. En 1981, il fut élu maire de Tocane. En 1992, il devint conseiller général de Montagrier, puis vice-président du conseil général, avant d'être élu député aux législatives de juin 2007, au terme d'une campagne où il avait passionnément arpenté la circonscription dont les habitants lui apportèrent leur confiance.
Celui qui n'avait de cesse de défendre la ruralité de sa région – au point de se présenter volontiers comme le « député des broussailles » – était aussi devenu le spécialiste du désenclavement numérique au conseil général de la Dordogne, se battant pour qu'Internet parvienne à la moindre commune. La ruralité qui était la sienne était une ruralité moderne, consciente de sa précieuse singularité, mais ouverte au monde, à ses possibilités, à sa diversité.
Affable et chaleureux, Michel Debet connaissait chaque chemin, chaque maison de sa circonscription. Attentif aux autres, grand travailleur, courageux, il était apprécié de tous.
Cet homme de coeur et d'engagement, cet homme fidèle à ses convictions républicaines et socialistes, ce fervent défenseur de sa région, fut heureux et fier, en juin dernier, de devenir député. Fier de devenir représentant de la nation, fier de porter dans notre assemblée les couleurs de son Périgord aimé. Membre de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, Michel Debet y travaillait déjà à la défense des langues régionales.
Sa présence parmi nous fut beaucoup trop brève, hélas !
Bien vite, trop vite, la maladie implacable contre laquelle il luttait déjà depuis plusieurs années – avec un grand courage et une immense dignité – l'a éloigné de notre hémicycle. Elle a fini par l'emporter.
Nous ne l'oublierons pas.
À son épouse, à ses deux fils, Julien et Philippe, à ses proches, à ses amis, à nos collègues du groupe socialiste radical et citoyen, je renouvelle, au nom de notre assemblée, l'expression de notre peine et de notre profonde sympathie. (Mmes et MM. les députés ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement observent quelques instants de silence.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement s'associe à cet hommage à Michel Debet, qui se qualifiait lui-même de « député des broussailles ». Toute sa vie, il l'a consacrée à ce fameux Périgord vert qu'il adorait tant et pour lequel il a tant travaillé. Toute sa vie, il a eu les mêmes engagements, les mêmes passions.
Ce fut tout d'abord la vocation de l'enseignement, avec cette passion des lettres qu'il a voulu transmettre à tous ses élèves, partout, que ce soit au lycée Faidherbe au Sénégal, ou à l'école normale de Kairouan, en Tunisie, ou encore par la suite à Périgueux. Ce Périgord, il l'adorait. Il l'a effectivement beaucoup traversé et beaucoup servi. Enseignant, il est devenu directeur du centre de documentation pédagogique.
Et puis, il s'est lancé dans la vie publique qui l'attirait tant. D'abord dans sa ville, à Tocane, dont il a été conseiller municipal, et ensuite maire ; puis il est devenu conseiller général, vice-président, premier vice-président du conseil général de Dordogne. Il s'est dévoué pour travailler pour la ruralité, dévoué pour sortir ce territoire du désenclavement, dévoué pour que, par le numérique, l'on puisse atteindre aussi la modernité.
Cet homme dévoué était aussi un grand combattant républicain, avec des convictions fortes qu'il a exprimées au conseil général de Dordogne, dans le Périgord vert, et au travers des nombreuses associations qu'il animait dans sa région. De la défense de l'occitan à celle des valeurs sociales qu'il voulait incarner, il s'est toujours référé à la République qui nous réunit tous ici. Élu député en 2007, il s'est tout de suite consacré à un travail important dans les mêmes domaines – l'enseignement, la ruralité, la défense de la modernité – au sein de la commission des affaires économiques.
À toute sa famille, à son épouse Marie-Claude, à ses deux fils, Julien et Philippe, à ses collègues du groupe socialiste, radical et citoyen et de la commission des affaires économiques, ainsi qu'à l'ensemble de l'Assemblée nationale, je présente, au nom du Gouvernement, toutes nos condoléances. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent quelques instants de silence.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi portant modernisation du marché du travail (nos 743, 789).
Avant de passer aux explications de vote, je donne la parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les débats sur le projet de loi de modernisation du marché du travail, que nous achevons aujourd'hui dans votre assemblée, revêtent une importance particulière : il s'agissait, en effet, du premier projet de loi élaboré à la suite d'un accord conclu entre les partenaires sociaux dans le cadre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. À plusieurs reprises au cours des débats, nous avons eu l'occasion de souligner l'avancée majeure que constitue cette loi : elle rénove le dialogue social en misant à la fois sur la confiance et la concertation pour faire évoluer en profondeur notre société, notre démocratie sociale.
L'accord du 11 janvier 2008 a ainsi marqué un tournant particulièrement important dans notre vie sociale, un tournant que nous pouvons qualifier d'événement. Il a montré que les partenaires sociaux étaient à même de trouver, avec responsabilité, les solutions les plus adaptées aux problèmes qui les concernent.
C'est pourquoi les débats sur le projet de loi transposant cet accord étaient si importants, et c'est pourquoi je me réjouis aussi qu'ils aient eu lieu dans un esprit de responsabilité. Je voudrais à cet égard remercier le rapporteur du projet de loi, Dominique Dord,…
…le président de la commission des affaires culturelles, Pierre Méhaignerie, ainsi que tous les groupes, qui ont participé au débat dans un climat constructif.
Les réformes les plus durables et les plus efficaces sont celles qui bénéficient de la plus grande légitimité. Or ce texte sera désormais revêtu d'une double légitimité : celle des partenaires sociaux, qui en sont à l'origine, et celle de la représentation nationale, qui lui donne force obligatoire. C'est pourquoi il me paraît important de souligner que vous avez toujours su préserver l'équilibre du texte.
Vous l'avez également amélioré, notamment sur quatre points que je voudrais brièvement évoquer car ils témoignent de la qualité de la discussion parlementaire. En premier lieu, votre assemblée a souhaité inscrire dans la loi le fait que les personnes qui signeront une rupture conventionnelle s'ouvriront des droits à l'assurance chômage.
C'est une précision importante, et les négociations de la future convention d'assurance chômage viendront confirmer ce principe.
Vous avez également indiqué que les parties devaient s'informer mutuellement de l'utilisation qu'elles entendent faire de la possibilité de se faire assister lors de l'entretien prévu en matière de rupture conventionnelle.
Ensuite, vous avez inscrit noir sur blanc le fait que l'indemnité de rupture de 10 % prévue pour le CDD à objet défini est due par l'employeur au salarié, et non l'inverse, en cas de rupture à l'initiative du salarié.
Enfin, vous avez complété la sécurisation juridique que nous avons voulu mettre en oeuvre pour le CNE en prévoyant l'application des périodes d'essai conventionnelles pour les CNE requalifiés en CDI.
Mesdames et messieurs les députés, depuis maintenant un an, et chacun peut s'en réjouir, le dialogue social a retrouvé une vitalité dans notre pays. Nous n'y sommes pas pour rien, et les partenaires sociaux y sont pour beaucoup. Grâce à vos travaux, qui ont relayé ceux des partenaires sociaux, les avancées considérables introduites par l'accord du 11 janvier vont bientôt pouvoir entrer en vigueur. Elles façonnent un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité.
Cette flexicurité à la française, si souvent évoquée, va enfin trouver sa première traduction concrète et, surtout, renforcer la confiance de tous les acteurs de notre marché du travail et de notre démocratie sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objectif que nous nous étions fixé me semble rempli. Notre assemblée a en effet respecté le plus strictement possible l'esprit de l'accord national interprofessionnel, même quand elle en a précisé la lettre. Je veux, comme c'est l'usage, en remercier tous nos collègues qui, sur presque tous les bancs, ont contribué à cet état d'esprit, ainsi que les services de l'Assemblée.
Notre travail est un hommage aux sept signataires de l'ANI, à leur engagement et au risque que certains d'entre eux ont pu prendre. Il apporte également un démenti à la CGT, qui pensait que notre assemblée allait tailler le texte en pièces et le dénaturer : il n'en a rien été. Voilà qui doit aussi encourager les centrales syndicales et les représentants patronaux à poursuivre dans la voie du dialogue social.
Comme l'a rappelé M. le ministre, notre travail confirme également notre volonté, traduite dans la loi en janvier 2007, de donner, avant toute réforme en ce domaine, la priorité au dialogue social. À ce stade, vous me permettrez de formuler trois voeux. Tout d'abord celui que notre démarche contribue, en matière sociale, à estomper plus encore les conflits au profit des accords et des contrats. Le voeu, ensuite, qu'elle nous permette de sortir du cycle, si souvent paralysant, qui fait se succéder évolutions, protestations, réformes et mouvements sociaux. Je souhaite enfin une démocratie parlementaire plus constructive, plus efficace et plus précise. Certains pensaient que notre rôle en serait diminué, mais, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, quelques-uns des amendements résultant de nos longues heures de débat prouvent le contraire.
En conclusion, c'est avec un double sentiment, celui du devoir accompli et celui que nous avons écrit une page nouvelle de notre démocratie parlementaire, que je vous propose d'adopter le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en venons aux explications de vote sur l'ensemble du projet de loi. Les orateurs, qui s'expriment chacun pour un groupe, disposent de cinq minutes.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions, en commençant nos débats, deux objectifs essentiels.
Le premier était de respecter l'accord conclu entre les partenaires sociaux, lequel, comme l'indique le titre du texte, visait à moderniser le marché du travail, c'est-à-dire à aborder le sujet d'une façon non pas conflictuelle mais en tenant compte, d'une part, des contraintes des entreprises et, de l'autre, des besoins légitimes des salariés. Le second objectif concernait la juste répartition des rôles entre le travail légitime du législateur et le respect de l'accord des partenaires sociaux, accord sans lequel nos débats n'auraient pas eu lieu.
Au terme de notre discussion, nous pouvons dire que ces deux objectifs ont été atteints. L'accord entre les partenaires sociaux a été respecté par les amendements issus du travail parlementaire, et l'architecture initiale du texte préservée. C'était d'ailleurs le voeu du président de la commission et du ministre : ils peuvent sur ce point être satisfaits.
Des modifications importantes ont été apportées, mais dans l'esprit du texte et en harmonie avec lui : celle qui a trait à la période d'essai ; celle qui ouvre les droits à l'assurance chômage pour les salariés faisant l'objet d'une rupture conventionnelle ; celle, enfin, qui permet d'améliorer les informations échangées entre l'employeur et le salarié quant à l'utilisation des contrats de travail à durée déterminée.
Sur au moins deux sujets, des précisions essentielles ont été apportées en séance par le Gouvernement, ce qui a conduit certains collègues à retirer leurs amendements. Le premier était le portage salarial : lors des travaux en commission, Gérard Cherpion et moi avions fait part de nos interrogations. Vous avez répondu en séance, monsieur le ministre, que cette activité ne serait pas absorbée par le secteur du travail temporaire, même si celui-ci devait organiser les négociations.
Nous avons eu un autre débat important sur la suppression du CNE : je n'y reviens pas, mais la situation est désormais clarifiée et le risque pour les entreprises limité.
Au cours des mois à venir, d'autres sujets importants seront débattus, qui feront l'objet d'une étroite coopération entre les partenaires sociaux et le Parlement : je pense, entre autres, à la représentativité des syndicats. Je souhaite que ces débats se déroulent dans le même climat que pour le présent texte. Je remercie à ce titre notre excellent rapporteur Dominique Dord, et salue également le travail de nos collègues de l'opposition, tous groupes confondus, qui ont voté certains amendements avec nous.
Nous avons ainsi beaucoup apprécié l'intervention de M. Mallot, qui avait expliqué, au début de la discussion, les raisons pour lesquelles le parti socialiste s'abstiendrait. Nous avons aussi apprécié les exercices de funambule de Jean-Patrick Gille, qui devrait dans un instant nous expliquer que son groupe s'abstiendra. Je pense toutefois que la nature du texte devrait le conduire à le voter avec nous.
En ce qui nous concerne, nous le voterons en tout cas sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous, socialistes, sommes profondément attachés à la négociation sociale, et les exemples funestes du CPE et du CNE, que nous allons heureusement enterrer aujourd'hui, attestent qu'il ne doit pas y avoir de modification du code du travail sans négociation préalable des partenaires sociaux.
Toutefois, si la négociation sociale est une condition nécessaire et désormais reconnue par la loi de janvier 2007, elle n'est pas suffisante. Notre travail ne peut se réduire à un « copié-collé » législatif des éléments de l'accord nécessitant une transcription juridique, ni à une quelconque validation automatique. Notre rôle, comme cela a été le cas lors de ce débat, consiste à clarifier, préciser, amender, sécuriser l'accord et à en éclairer les enjeux.
Pour vous non plus d'ailleurs, monsieur le ministre, il ne suffit pas que les partenaires aient négocié pour que vous entériniez le fruit de leurs travaux. J'en veux pour preuve l'accord relatif au dialogue social dans l'artisanat, signé le 12 décembre 2001 entre l'UPA, l'Union professionnelle artisanale, et l'ensemble des syndicats de salariés, qui attend toujours son application.
Si le sérieux du travail accompli – quatre mois de discussions tous les vendredis – force le respect, nous pouvons tout de même faire quelques observations sur la méthode.
En premier lieu, les organisations syndicales ont négocié sous la menace : celle, en cas d'échec final, de voir le Gouvernement imposer le contrat unique par la voie législative. La portée de l'accord est elle-même limitée par le fait que le Gouvernement a choisi une négociation tronçonnée et éclatée entre plusieurs ministères. Enfin, la transcription menée en concertation avec les signataires est certes fidèle, mais partielle. Elle reprend essentiellement les nouvelles flexibilités souhaitées par le patronat : l'allongement des périodes d'essai, dont nous avons réussi à inscrire la définition dans la loi ; la séparation à l'amiable, rebaptisée « rupture conventionnelle », pour laquelle nous avons obtenu de préciser dans la loi qu'elle ouvrait droit, pour le salarié, à l'assurance chômage de droit commun. Troisième innovation : le contrat de projet sous la forme d'un « CDD long pour la réalisation d'un objet défini ». Ce sont là, il faut bien le dire, trois innovations sécurisant, pour les employeurs, les procédures de séparation avec leurs salariés, selon le postulat jamais démontré ni confirmé, et pourtant cher au MEDEF, d'après lequel plus il est facile de licencier, plus on embauche. Mais ces innovations sont porteuses de précarité pour les salariés.
Qu'obtiennent ces derniers en contrepartie ? La réaffirmation du CDI comme forme normale et – nous y avons insisté – générale, c'est-à-dire générique, de la relation de travail ; la suppression du CNE ; l'obligation faite à l'employeur de motiver tout licenciement ; l'intégration des périodes de stage dans les périodes d'essai ; l'abaissement de la durée d'ancienneté de deux à un an pour bénéficier de l'indemnité de licenciement, laquelle devrait être doublée par décret.
Pour autant, et quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, ces avancées législatives ne suffisent pas à mettre en oeuvre une véritable flexicurité, alors que l'accord en contenait potentiellement tous les éléments. Je pense notamment à l'amélioration de l'indemnisation du chômage, notamment pour les plus jeunes, à l'anticipation des besoins et des qualifications, à l'amélioration de l'orientation et de la formation professionnelle, et surtout à la « transférabilité » des droits – prévue à l'article 14 de l'accord –, et notamment du droit individuel à la formation.
Faute de reprendre ces éléments, le texte offre une vision borgne de l'accord qui satisfait les attentes du patronat, alors que les avancées obtenues par les syndicats sont en partie renvoyées au domaine réglementaire et aux négociations à venir sur l'assurance chômage et la formation professionnelle. Bref, l'équilibre de l'accord relève désormais du pari que les négociations ultérieures viendront confirmer les bonnes intentions actées.
Nos craintes sont donc vives lorsque nous découvrons la manière dont ces négociations s'engagent et les propositions du Gouvernement sur les retraites, la formation professionnelle et l'assurance chômage, ou encore la manière dont vous-même, monsieur le ministre, avez annoncé la baisse de la cotisation chômage et une hausse proportionnelle des cotisations « retraites » alors même que la négociation avec les partenaires sociaux n'avait pas commencé.
Certains proposent même que le salarié ayant recours à une rupture conventionnelle ne bénéficie pas d'un taux plein d'assurance chômage, au moment où le Président de la République propose de sanctionner tout demandeur d'emploi déclinant plus de deux offres d'emploi.
Quant à la remise en cause de l'autonomie de gestion de l'UNEDIC par la mainmise de l'État, comme nous le dénoncions déjà dans le cadre de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, elle augure mal de l'avenir du paritarisme !
Enfin, votre loi n'est pas à la hauteur des difficultés persistantes que connaît le marché du travail dans notre pays : d'un côté, une pénurie de main d'oeuvre qualifiée ; de l'autre, une précarisation croissante, que ce texte risque d'accentuer encore.
L'amélioration des statistiques du chômage ne saurait masquer la multiplication du nombre des « travailleurs pauvres » dans notre pays. Votre projet de loi ne relève pas ce défi, pas plus que les déclarations récentes du Président de la République sur le financement de la généralisation du RSA par une partie de la PPE.
Ce n'est pas en fragilisant les plus modestes que l'on améliorera la situation des plus démunis.
Monsieur le ministre, nous voyons plutôt dans votre « modernisation » une forme de résignation ou un accompagnement fataliste de la mondialisation, qui tient plus d'une volonté de déréguler le marché du travail sur le mode anglo-saxon que de sécuriser les parcours professionnels. C'est pourquoi, tout en saluant le travail des partenaires sociaux, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche s'abstiendra de voter ce texte et sera vigilant sur l'application de la loi, de l'accord et des négociations à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous achevons l'examen prétend transposer l'accord « donnant, donnant, donnant, donnant » – pour reprendre le titre d'un article de doctrine d'Emmanuel Dockès – signé le 11 janvier dernier par le MEDEF, la CGPME, l'UPA et quatre organisations syndicales de salariés sur cinq, qui ont toutes reconnu avoir négocié sous la menace d'une initiative gouvernementale plus dure. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Même si le terme n'apparaît pas dans le texte, cet accord était censé jeter les bases d'une flexicurité à la française. À l'arrivée, force est de reconnaître que si l'accord prétend s'inspirer largement de cette thématique, c'est pour mieux la dénaturer, au profit quasi exclusif de son seul volet sécurité.
Nous sommes loin, avec cet accord, d'une véritable sécurité sociale professionnelle, dans le prolongement de propositions formulées en ce sens depuis très longtemps, par la CGT notamment, et fondée sur la promotion de nouveaux droits qui, n'étant plus attachés au contrat mais à la personne, sont transférables d'une entreprise à une autre et opposables à chaque employeur : il en va ainsi du droit à la formation continue, du droit à la santé, à la retraite, à l'emploi, à la carrière, à la démocratie sociale...
Nous sommes loin également du modèle danois, promu par la Commission européenne et largement convoqué dans les débats récents, pour la bonne raison que la situation danoise est très différente de la nôtre : la mobilité y est le plus souvent choisie par les salariés, et la sécurité des trajectoires y est garantie par des formations effectives et une protection sociale de très haut niveau. De plus, l'emploi public y est parmi les plus élevés au monde. Au Danemark, comme le rappelait Florence Lefresne, de l'Institut de recherches économiques et sociales, « C'est l'ampleur de la redistribution limitant les inégalités et la vigueur des négociations collectives qui constituent les clefs de voûte du système ».
Rien de comparable en France, où la thématique de la flexicurité prend une tout autre figure puisqu'elle sert de cheval de Troie aux revendications patronales.
D'ailleurs, votre texte en porte les stigmates puisqu'il porte sur les fonts baptismaux des revendications déjà anciennes du patronat français. Je pense à la création d'un trente-huitième contrat – le contrat de mission à durée déterminée – qui permettra d'enfermer les salariés, ingénieurs et cadres, dans une situation de précarité d'une durée de trois ans, voire plus. Et il est à craindre que ce contrat ne soit étendu à d'autres catégories de salariés, à l'instar du trop fameux forfait jours.
Nous craignons également la mise en oeuvre du principe de séparabilité, avec la nouvelle modalité de rupture conventionnelle, qui permettra à l'employeur de mettre fin aux contrats de travail sans avoir à alléguer de motifs de licenciement. Ce dispositif va enfermer le salarié dans un face à face inégal avec l'employeur, notamment dans les PME-TPE où travaillent 80 % des salariés de notre pays et où les organisations syndicales ne sont pas présentes. N'oublions pas l'allongement de la période d'essai, dont les durées sont désormais supérieures à ce qu'admet la jurisprudence de la Cour de cassation, les menaces qui pèsent sur le montant des indemnités de licenciement pour les salariés justifiant plus de dix ans d'ancienneté, et la légalisation des pratiques de prêt de main-d'oeuvre avec la consécration des contrats de portage.
La liste est longue des reculs qu'inflige votre texte au droit du travail, d'autant que les dispositions de l'accord les plus favorables aux salariés, du reste peu nombreuses, sont systématiquement renvoyées à plus tard, au domaine réglementaire, avec les incertitudes et l'instabilité qui en découlent.
Pour nous, monsieur le ministre, votre projet de loi est totalement déséquilibré et il ne répond pas aux problèmes actuels que sont le développement du sous-emploi, l'écrasement des grilles salariales et le recul du niveau de vie de nos concitoyens. Au contraire, comme l'analysent d'ailleurs de nombreux observateurs, dont l'économiste Thomas Coutrot, nous pensons que l'accord national de janvier dernier est un « accord de précarisation » et que le présent projet de loi réduit la sécurisation des parcours professionnels à celle des licenciements.
Nous désapprouvons enfin la méthode qui a présidé à l'élaboration du projet de loi. Ce « dialogue social administré » sert en effet d'alibi permanent pour refuser aux parlementaires le droit d'avoir une vision différente de celle des partenaires sociaux et d'amender un texte destiné à être transcrit, sur le plan législatif, à la virgule près. Cette méthode est d'autant plus inacceptable que ce texte portant sur le droit du licenciement touche au coeur de l'ordre public social. Cette attitude est d'autant plus condamnable que l'on parle aujourd'hui des droits nouveaux du Parlement.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'opposera donc à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre aborde le vote de ce texte avec un double sentiment.
Nous avons tout d'abord la conviction qu'il représente une étape essentielle dans la constitution progressive, avec la participation et l'appui des partenaires sociaux, d'une nouvelle sécurité des salariés. Après l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier et l'esprit de responsabilité dont ont fait preuve les partenaires sociaux, un premier pas a donc été franchi avec ce texte vers la rénovation de notre pacte social. C'est un signe encourageant pour notre pays. Il nous paraît donc primordial, et notre groupe a insisté sur ce point lors de la discussion générale, que cet esprit de responsabilité et cet accord soient pleinement respectés.
Or, votre texte laisse de côté certains éléments notoires de l'accord, qui participaient pourtant, dans l'esprit des signataires, à l'équilibre de celui-ci. C'est donc une impression d'inachevé qui se dégage de l'examen de ce texte.
Pour nous, il aurait été préférable de présenter une loi d'ensemble, une loi-cadre reprenant l'intégralité des avancées de l'accord, quitte à n'énoncer que les grands principes des parties de l'accord qui relèvent encore de la négociation collective. Vous auriez pu ainsi intégrer dans ce texte des dispositions essentielles concernant la portabilité des droits des salariés, notamment dans le domaine de la formation professionnelle continue.
D'une manière générale, d'autres aspects de notre législation du travail doivent être rénovés pour que la flexicurité à la française soit pleinement en mesure d'apporter aux salariés toutes les garanties d'une nouvelle sécurité des parcours professionnels. Je pense notamment à l'accessibilité réelle de la formation continue aux salariés et aux demandeurs d'emploi qui en ont le plus besoin, à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau des entreprises, des branches professionnelles, mais également des territoires et des bassins d'emploi. Je pense encore à la sécurisation des périodes de transition et de chômage en cas de restructurations industrielles. Ce sont autant de chantiers à mener à bien avec les partenaires sociaux.
Nous pensons que la sécurisation des parcours professionnels passe aussi par l'engagement des territoires et des collectivités, et qu'il est indispensable d'intégrer cette approche dans notre réflexion. Nous regrettons donc que ce texte, en matière de sécurisation des parcours professionnels, ne nous offre pas une vue d'ensemble. Car avec une approche par étapes successives, nous risquons de manquer de lisibilité, dans un domaine sensible et à un moment où la conjoncture économique difficile nourrit les inquiétudes de nos concitoyens. En l'absence d'une logique d'ensemble, les mesures proposées risquent de susciter des interrogations, puis des craintes, des blocages et enfin le rejet.
Il n'en reste pas moins vrai que ce projet de loi constitue une avancée pour notre droit du travail : il réaffirme la place centrale du contrat de travail à durée indéterminée, clarifie les règles applicables aux périodes d'essai et facilite l'accès des salariés à certains droits, enfin, il instaure un mode de cessation amiable du contrat de travail et crée le « contrat à objet défini ». Ces nombreuses innovations sont d'autant plus importantes qu'elles résultent de négociations entre les partenaires sociaux.
Pour nous, députés du Nouveau Centre, donner aux salariés des garanties nouvelles en matière de parcours professionnel et leur offrir la possibilité de rebondir en cas de changement ou de perte d'emploi, c'est permettre à nos concitoyens d'avoir à nouveau confiance dans l'entreprise et sa capacité à générer de la croissance dans notre pays.
C'est donc en saluant la vitalité de notre démocratie sociale et en manifestant notre confiance dans l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux que le groupe Nouveau Centre se prononcera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 503
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue 160
Pour l'adoption 295
Contre 23
Le projet de loi est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique adopté par le Sénat, modifiant l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et relatif à ses archives, ainsi que du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux archives (nos 567, 566, 810).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, « Qu'on interroge et qu'on remue jusqu'au fond les Archives de France, et, de quelque façon que la fouille soit faite, pourvu que ce soit de bonne foi, la même histoire incorruptible en sortira », écrivait Victor Hugo dans Paris. Et de poursuivre : « Dans l'histoire humaine, parfois c'est un homme qui est le chercheur, parfois une Nation. »
Pour les millions de généalogistes de notre pays, les archives sont d'indispensables machines à remonter le temps. Pour tous nos concitoyens, elles sont plus que des sources du passé, elles constituent des éléments de preuve, des justificatifs de droits, comme les décrets de naturalisation. Pour notre Nation, les archives sont une mémoire. Elles renferment les actes fondateurs de notre histoire, comme l'Édit de Nantes, le Serment du Jeu de paume, ou encore la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elles sont aussi une mémoire des existences individuelles, à travers les actes notariés, les documents de l'état civil, les archives d'associations ou d'entreprises. Pour notre société contemporaine, les archives, et notamment les plus récentes, sont aussi de précieux antidotes aux crises de mémoire, aux fantasmes qui obscurcissent certaines pages de notre histoire,
La mémoire n'est un fardeau que lorsqu'elle se heurte à des zones d'ombre. Éclairer ces zones d'ombre, c'est le travail des chercheurs, des historiens. L'État doit les aider. Il en va de la cohésion de notre société et de la démocratie. La plupart des grands États démocratiques ont déjà facilité l'accès à leurs archives publiques pour répondre à la fois aux besoins des chercheurs et à ceux du grand public.
En France, les conditions d'accès aux archives nationales, ainsi que la définition même de cette notion, ont été fixées pour la première fois à la Révolution.
La loi du 3 janvier 1979, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises dans le code du patrimoine, a marqué une avancée notable. En effet, s'agissant des délais de communicabilité des archives, elle a substitué à une multitude de durées différentes, souvent fixées par de simples circulaires, un éventail restreint de six délais, clairement portés à la connaissance des citoyens. Près de trente ans plus tard, plusieurs de ces dispositions apparaissent inadaptées à l'évolution des mentalités et aux besoins nouveaux des archivistes et des chercheurs – professionnels ou amateurs.
D'abord, le point d'équilibre, acceptable par les citoyens, entre, d'une part, le souci de protéger certains secrets, comme ceux qui touchent à la vie privée des personnes et, d'autre part, la volonté de transparence et d'ouverture, s'est déplacé au profit de cette dernière.
Ensuite, la loi de 1979 n'avait pas envisagé le développement de certaines pratiques indispensables à l'enrichissement et à la gestion des archives, auxquelles il convient de donner désormais une assise juridique. Il est donc nécessaire de doter notre pays de nouvelles règles de droit. Les deux projets de loi – organique, pour les archives du Conseil constitutionnel, et ordinaire – soumis aujourd'hui à votre examen sont résolument placés sous le signe de l'ouverture. Ouvrir, mais aussi mieux protéger nos archives, tels sont les principaux objectifs que le Gouvernement poursuit à travers ces textes, qui sont l'aboutissement d'une longue réflexion.
C'est en 1996 que le Gouvernement a confié à Guy Braibant une mission de réflexion sur la modernisation des archives. À l'époque, déjà, les chercheurs réclamaient l'abaissement des délais de communicabilité des archives publiques. Ils demandaient un accès plus facile et rapide à des sources essentielles pour leurs travaux sur l'histoire contemporaine, et notamment sur deux événements marquants du XXe siècle, la Seconde guerre mondiale et la guerre d'Algérie.
S'agissant de la volonté d'ouverture, dans un souci de plus grande transparence, mais aussi d'articulation avec la loi du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents administratifs, dite « loi CADA », le projet de loi ordinaire établit le principe de la libre communicabilité des archives publiques. Il supprime ainsi le délai minimum de communication qui, dans la loi de 1979, avait été fixé à trente ans. Désormais, chaque Français pourra consulter librement et immédiatement les archives publiques. Par ailleurs, le projet de loi réduit les délais de communication des documents qui mettent en cause les secrets protégés par la loi.
Je soulignerai rapidement quatre points, qui ont donné lieu à des échanges très constructifs du Gouvernement avec la commission des lois.
Le premier point concerne les archives dont la communication est susceptible de porter atteinte à la vie privée de nos concitoyens. Le Gouvernement souhaitait ramener le délai qui leur est applicable de soixante à cinquante ans. Le Sénat, arguant de l'allongement de la durée de la vie, a souhaité relever ce délai à soixante-quinze ans. La commission des lois, reprenant les conclusions de son rapporteur, M. François Calvet, vous propose de revenir au projet initial du Gouvernement, c'est-à-dire à un délai de cinquante ans. Le Gouvernement ne peut que se féliciter de cette initiative. En effet, l'adoption d'un délai de soixante-quinze ans reviendrait à refermer des fonds d'archives déjà ouverts et cette perspective a suscité l'inquiétude des milieux de la recherche. Une telle mesure irait à l'encontre de l'esprit du projet de loi, gouverné par un souci d'ouverture.
Le deuxième point concerne les archives dont la communication, aux termes du projet de loi, est susceptible de mettre en cause la « sécurité des personnes ».
Votre commission des lois a proposé que puissent être communiqués, au bout de 100 ans, les documents d'archives concernés, alors que le projet du Gouvernement envisageait leur incommunicabilité perpétuelle. Notre objectif était en fait très précis : cette incommunicabilité visait principalement à protéger la sécurité physique des agents des services spéciaux et de leurs descendants. Toutefois, force est de reconnaître que les termes employés, à savoir « la sécurité des personnes », pouvaient donner lieu à une interprétation trop large. Par ailleurs, le principe même d'une incommunicabilité de certaines archives ne peut être envisagé que de la façon la plus restrictive, lorsqu'elle se révèle absolument nécessaire.
De ce double point de vue, la solution proposée par le rapporteur de la commission des lois – un délai de 100 ans et une définition plus explicite des archives concernées – se révèle plus équilibrée que le projet du Gouvernement, qui s'y rallie donc pleinement. Cette disposition apaisera, je l'espère, les inquiétudes que de nombreux historiens ont manifestées récemment. Ne resteront incommunicables que les seules archives dont la divulgation pourrait permettre de concevoir, de fabriquer, d'utiliser ou de localiser des armes de destruction massive – nucléaires, biologiques, chimiques ou bactériologiques.
En troisième lieu, le Sénat a fixé à soixante-quinze ans le délai applicable aux enquêtes statistiques qui ont trait aux faits et comportements d'ordre privé, et à 100 ans le délai applicable au recensement de la population. Je rappelle que le délai actuellement en vigueur est uniformément de 100 ans et que le Gouvernement envisageait de le ramener à cinquante ans. Votre commission des lois a rejoint le point de vue du Sénat
Le Sénat a également fixé à soixante-quinze ans le délai prévu pour les dossiers judiciaires, les enquêtes de police et les minutes et répertoires des notaires. Ces documents sont soumis, dans le droit en vigueur, à un délai de 100 ans, que le Gouvernement projetait de réduire de moitié. Là encore, votre commission des lois partage le point de vue du Sénat. Pour l'ensemble de ces documents, le Gouvernement se rallie à la position de cette dernière. Elle est plus protectrice de la vie privée des personnes, tout en permettant de réduire de vingt-cinq ans – soit une génération – le délai actuel de communicabilité de ces archives.
En quatrième et dernier lieu, reste la question des registres d'état civil, uniformément couverts aujourd'hui par un délai de 100 ans. Le Gouvernement proposait d'y substituer une approche graduée, en fixant, pour les différents actes, des délais distincts, proportionnés à l'atteinte susceptible d'être portée à la vie privée : 100 ans pour les actes de naissance, cinquante ans pour les mariages et une communication immédiate pour les décès.
Le Sénat a mis en avant des considérations de simplification du droit pour réunifier ces trois délais, à hauteur de soixante-quinze ans. Votre commission des lois ne s'est séparée de cette approche que pour les actes de décès, qu'elle propose – comme dans le projet du Gouvernement – de rendre immédiatement communicables.
Le Gouvernement tient toutefois à souligner que la réduction, de cent à soixante-quinze ans, du délai de libre communication des actes de naissance apparaît paradoxale au regard de l'allongement de la durée de la vie, alors même que l'acte de naissance centralise, par l'apposition des mentions marginales, toutes les données relatives à l'état d'une personne.
C'est ainsi la nécessité de protéger ces données personnelles qui justifie que, en l'état de notre droit, la copie intégrale de l'acte de naissance ne puisse être délivrée qu'à des catégories très limitées de personnes.
Par ailleurs, la réduction des délais applicables aux différents registres d'état civil risquerait également d'avoir des conséquences négatives en matière de lutte contre la fraude, le libre accès à ces documents permettant de disposer de données personnelles pouvant faire l'objet d'une utilisation frauduleuse.
Le Gouvernement ne peut donc, sur ce point, que vous inviter à la plus grande prudence lorsque vous aurez à débattre de cette question des délais en matière d'état civil.
Le projet de loi vise également à mieux protéger les archives.
Les archives sont le matériau de l'Histoire et cette Histoire, nous en écrivons chaque jour un nouveau chapitre. Dans les cabinets ministériels, dans les services administratifs, dans les universités, les hôpitaux, ici même, en ce moment, à l'Assemblée. Pour que les historiens de demain puissent éclairer, qualifier ce début du XXIe siècle, pour qu'ils puissent analyser cette période qui marqua l'ouverture des archives à tous nos concitoyens, nous devons nous assurer que les traces de notre action sont bien recueillies puis protégées.
Je parlerai tout d'abord des archives des hommes politiques, dont le caractère public est réaffirmé.
Depuis la loi de 1979, les responsables politiques signent un protocole de versement avec les Archives nationales. Cette pratique n'a jamais été encadrée juridiquement. Le projet de loi comble cette lacune et permet donc une collecte cohérente de ces documents indispensables à la connaissance de notre histoire contemporaine. Il aligne les délais de communicabilité sur ceux prévus par la loi et supprime le recours à des mandataires.
Il prévoit que les protocoles conclus à l'avenir cesseront de produire leurs effets au décès du signataire, et que les clauses des protocoles déjà signés relatives aux mandataires désignés expireront vingt-cinq ans après le décès des signataires.
Le projet de loi encadre également l'externalisation des archives produites par les services administratifs. Il ne s'agit en aucun cas d'une « privatisation » de la gestion des archives publiques. Au contraire, il s'agit de donner une base législative et, surtout, de soumettre à des conditions précises une pratique largement répandue dans l'administration.
Aujourd'hui en effet, faute de place, des services publics ont recours à des sociétés privées pour conserver leurs archives courantes et intermédiaires. Aucun cahier des charges, aucune norme de sécurité, aucune contrainte technique ne sont imposés, ce qui entraîne de vrais risques. Nous en avons eu un exemple récemment avec la destruction, dans l'incendie d'un entrepôt privé, de tous les dossiers médicaux d'un hôpital proche de Paris.
Le projet de loi ordinaire définit des normes précises pour la conservation et la gestion des archives concernées. Je rappelle que les sociétés appelées à gérer ces archives ne pourront prendre en charge que les archives courantes et intermédiaires des services et établissements publics de l'État. Et non les archives définitives, c'est-à-dire celles qui ont fait l'objet d'un tri et présentent un intérêt historique. Celles-ci continueront d'être obligatoirement versées dans les services publics d'archives.
Enfin, parce que les archives privées classées constituent pour les chercheurs des sources précieuses, leur protection est devenue un enjeu majeur.
C'est pourquoi nous proposons d'harmoniser leur régime avec celui des objets mobiliers classés et de leur appliquer les dispositions de la loi du 10 juillet 2000 relative à la vente de gré à gré des objets mobiliers.
Le projet de loi vise aussi à renforcer les sanctions pénales.
Protéger nos archives et, de façon générale, notre patrimoine, c'est aussi réprimer plus sévèrement le vol, le trafic, la destruction et la dégradation de ces biens.
Aujourd'hui, le droit pénal ne prend pas systématiquement en compte la spécificité des dégradations et des vols de biens qui appartiennent à notre patrimoine culturel. Seules la destruction, la dégradation et la détérioration de certains de ces biens font l'objet d'une répression spécifique, prévue par les 3° et 4° de l'article 322-2 du code pénal. Or, nous savons que ces biens sont parfois mal protégés – je pense notamment à ceux qui sont déposés dans des lieux de culte – et représentent des proies faciles pour de véritables réseaux internationaux puissamment organisés. Les sanctions doivent donc être beaucoup plus dissuasives.
Le projet issu de l'examen par le Sénat a, à cet égard, un triple objet.
Étendre la protection pénale spécifique des biens culturels – limitée pour l'instant aux actes de dégradation – aux cas de vol.
Donner une définition plus large et plus cohérente de la notion de biens culturels dans le code pénal, en y intégrant par exemple les biens culturels qui relèvent du domaine public mobilier, les biens culturels privés qui sont exposés, conservés ou déposés dans une médiathèque, ou encore les biens culturels conservés dans un édifice cultuel.
Prévoir des sanctions adaptées, en fixant le maximum des peines encourues à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, et dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros s'il existe une autre circonstance aggravante. L'amende pourra représenter jusqu'à la moitié de la valeur des biens volés, détruits ou détériorés, comme c'est le cas en matière de recel.
À cette fin, plusieurs articles nouveaux sont insérés dans les chapitres du code pénal consacrés au vol et aux destructions. Dès lors que ces dispositions concernent également les archives, elles ont toute leur place dans le projet de loi ordinaire qui vous est soumis.
Mesdames et messieurs les députés, la connaissance des archives, par là même l'écriture de l'histoire, est un enjeu de libertés publiques et de démocratie. Les débats récents ont montré combien les Français restent profondément attachés à leur histoire, leur histoire nationale, mais aussi leur histoire individuelle. Notre pays dispose en ce domaine d'un patrimoine considéré comme l'un des plus importants et des plus riches au monde ; le réseau des archives françaises est souvent envié par nos voisins.
Ce patrimoine n'a pas pour vocation de dormir et de prendre la poussière sur les rayonnages des services d'archives, mais d'alimenter les recherches universitaires et individuelles, de permettre à nos concitoyens de faire valoir leurs droits, de faciliter l'accès aux sources, de participer à la connaissance de l'histoire par les nouvelles générations.
Il n'est pas un domaine de notre histoire récente ou plus ancienne que le recours aux archives ne permette d'illustrer et de mettre en valeur. La réalisation récente de plusieurs guides de recherche, sur les sources de la Seconde guerre mondiale, par exemple, ou sur celles de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions ont montré combien le travail sur les collections publiques d'archives éclaire notre histoire, évite les incompréhensions et les falsifications, apaise les querelles et les passions.
Tels qu'ils se présentent aujourd'hui après leur examen par le Sénat et par votre commission des lois, les projets de loi sur les archives réalisent un équilibre harmonieux entre, d'une part, les besoins exprimés par les chercheurs et le grand public et, d'autre part, la protection des intérêts relatifs à la vie privée des personnes et à la sûreté de l'État.
Saluons là une avancée décisive dans la transparence de l'administration et dans l'accès de nos concitoyens aux sources de leur histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. François Calvet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président,madame la ministre,mes chers collègues,depuis la grande loi fondatrice de 1979, le régime juridique des archives est resté inchangé, alors même que les attentes des citoyens en matière de transparence de l'administration ont évolué. La législation française, qui avait, en son temps, fait figure de modèle en Europe, apparaît aujourd'hui en décalage avec les règles en vigueur dans les autres pays.
La réforme importante que vous proposez, madame la ministre, est donc la bienvenue. Elle permettra de mieux protéger cette partie sensible de notre patrimoine culturel national tout en en facilitant l'accès pour les citoyens.
Eux pour qui démocratie équivaut, nous le savons bien, à rendre toujours plus transparents et proches les outils de transmission et les démarches de communication. Eux aussi pour qui cette démocratie ne saurait en aucun cas mettre en cause le principe du respect de la vie privée.
Les deux projets de loi que vous proposez, madame la ministre, ont été élaborés dans un esprit de consensus que je salue. Ils font suite à un long travail d'étude et de concertation, cette sorte de « conversation » constructive qui, aux yeux de Pascal, « forme l'esprit et les sentiments ».
Toutes les personnes que j'ai entendues dans le cadre des auditions sont favorables aux mesures prévues par ces textes, aussi bien les archivistes que les chercheurs, les notaires, les généalogistes amateurs et professionnels. J'ai aussi entendu la CADA et la CNIL s'agissant des modalités de communication des documents. Autant d'acteurs et de témoins de notre mémoire collective.
La principale source de satisfaction est, bien sûr, la réduction des délais de communication des documents d'archives. Une évolution en ce sens était nécessaire compte tenu des demandes croissantes de consultation des archives récentes, qui s'expliquent notamment par l'intérêt des chercheurs pour l'histoire contemporaine et le développement de la généalogie.
Le projet de loi prévoit ainsi de réduire tous les délais de consultation des archives, y compris pour les documents couverts par un secret protégé par la loi. Le Sénat est partiellement revenu en arrière sur ce point car il a jugé que le droit d'accès aux archives ne devait pas porter atteinte à la vie privée. Cette position est légitime, c'est un principe intangible de notre tradition et de notre culture démocratique, car le droit au respect de la vie privée est fondamental et, à ce titre, constitutionnellement garanti.
Toutefois, je regrette le choix du Sénat de soumettre les documents relatifs à la vie privée à un délai de communication de 75 ans, alors que ces documents sont aujourd'hui consultables à l'issue d'un délai de 60 ans. Appliquer ce délai de 75 ans conduirait à refermer des fonds d'archives qui sont déjà ouverts et à revenir sur cette notion de « communicabilité » et donc de « traçabilité » d'un nombre extrêmement important de documents témoignant de notre histoire commune. Il n'est en effet pas toujours sain, au prétexte de « protéger » des documents contenant « une appréciation ou un jugement de valeur », comme l'exprime le Sénat, d'en verrouiller l'accès sur une période supplémentaire de 15 ans.
Ce retour en arrière, tel que l'augure le choix du Sénat, apparaît donc difficilement acceptable puisque des documents levant certains voiles sur notre vécu collectif, y compris les archives attestant de la réalité des heures sombres des conflits, de la guerre et de tant de meurtrissures, seraient désormais refermés et soustraits donc à la connaissance.
Cette connaissance qui rime avec conscience et permet de nous référer à Elsa Triolet pour prétendre que « la connaissance de la vie est comme le sable : surtout, elle ne salit pas ». La commission des lois vous proposera donc un amendement sur ce sujet.
En deuxième lieu, on ne peut qu'approuver l'alignement des mesures de protection des archives privées classées archives historiques sur celles qui s'appliquent aux objets mobiliers classés au titre des monuments historiques. Bien qu'étant très proches, ces deux législations ne sont pas pour autant totalement harmonisées. Certaines avancées récentes concernant les monuments historiques n'avaient pas été étendues aux archives, alors même que celles-ci constituent également une partie du patrimoine national et doivent être mieux protégées.
Le projet de loi répare ces oublis. En particulier, les mesures d'exonération fiscale pour travaux de restauration sont étendues aux propriétaires d'archives, ce qui permettra de combler le retard français en matière d'incitations fiscales visant à protéger le patrimoine et de hisser celui-ci au rang des grands « volets » de notre action culturelle. En Espagne, par exemple, les aides fiscales ont permis de conserver le patrimoine dans de remarquables conditions.
En protégeant notre patrimoine, en révélant tous ses ressorts, c'est notre patrimoine, j'allais dire presque intime, qui est révélé, c'est-à-dire nos valeurs profondes, nos racines, ce qui fonde individuellement, et dans notre for intérieur, notre citoyenneté.
En troisième lieu, le projet de loi améliore la protection des biens culturels, y compris des archives, en aggravant les sanctions pénales encourues en cas de vol, de destruction ou de dégradation. La recrudescence des vols d'objets culturels, notamment dans les églises, est un fléau contre lequel il faut se donner de nouveaux moyens de lutte.
Le Sénat a utilement complété le projet de loi par des dispositions relatives aux archives des groupements de collectivités territoriales. Aujourd'hui, ces archives ne font pas l'objet de dispositions spécifiques. On a même parlé, à leur sujet, d'« archives oubliées ». En pratique, ce silence des décrets d'application a abouti à la perte de nombreuses archives de groupements de collectivités, alors même qu'elles sont, sans aucun doute, publiques.
Ce contexte de silence me fait d'ailleurs penser à cette image tout droit venue d'Afrique : « Quand un vieil homme meurt, c'est une bibliothèque qui disparaît... ».
Les disparitions d'archives sont d'autant plus regrettables qu'il s'agit souvent de documents présentant un grand intérêt pour les collectivités territoriales en termes de « mémoire » de leurs espaces et de leurs spécificités géographiques.
Par exemple, pour élaborer un nouveau plan de prévention des risques naturels, il est nécessaire de connaître les aménagements hydrauliques effectués par le passé, qui ont souvent été réalisés par un syndicat intercommunal. En outre, avec le développement de l'intercommunalité, les groupements de collectivités territoriales interviennent dans des secteurs de plus en plus variés. Le projet de loi soumet ces archives au même régime que les archives des collectivités territoriales, ce qui est probablement la solution la plus logique. Les groupements pourront ainsi soit conserver leurs archives, soit les confier à l'une des communes membres, soit les verser aux archives départementales. Aspect particulièrement intéressant du dispositif du Sénat, il favorise la mise en commun des moyens et la synergie des réseaux au niveau local. Le groupement qui crée son service pour conserver ses propres archives pourra aussi conserver celles des communes membres, ce qui permettra de réaliser des économies d'échelle, tout en accentuant la vision collective et solidaire des enjeux de territoire.
Lors de sa réunion du 9 avril, la commission des lois a adopté plusieurs amendements afin d'améliorer encore le texte qui nous est proposé.
En matière de délais de communication, elle a voulu concilier le nécessaire respect de la vie privée et le souhait de rendre les archives accessibles plus rapidement. Pour cela, il sera proposé de réduire à cinquante ans le délai de communication des archives, qui est aujourd'hui de soixante ans, plutôt que de l'allonger à soixante-quinze ans. Cette disposition permettra de ne pas refermer des fonds d'archives déjà ouverts.
En revanche, toutes les archives comportant des données plus sensibles et qui sont aujourd'hui soumises à un délai de cent ans – par exemple les actes d'état civil, les actes des notaires, les dossiers de personnel et les procédures judiciaires – resteraient soumises au délai de soixante-quinze ans retenu par le Sénat.
Dans la même logique, la commission des lois propose de ne pas retenir le principe d'incommunicabilité des documents concernant les agents des services spéciaux de l'État. Ce principe aboutirait à une fermeture définitive de tous les fonds d'archives relatifs à ces services, même après plusieurs siècles. La commission vous propose de retenir un délai de cent ans, qui garantit sans problème la sécurité des agents concernés tout en laissant ouverte la perspective d'une transparence dans l'appréciation de certains événements et dans l'action de l'État.
En matière d'archives des groupements de collectivités territoriales, la commission a souhaité compléter la démarche du Sénat en prévoyant que, lorsque les archives d'un groupement sont conservées par une commune, celle-ci peut également conserver les archives des autres communes membres. Cela permettra de tirer le meilleur parti possible des services d'archives qui existent dans certaines villes en rationalisant les méthodes de conservation.
Enfin, en ce qui concerne l'articulation avec la loi de 1978 sur les documents administratifs, la commission vous propose de revenir sur quelques mesures d'harmonisation voulues par le Sénat. Dans un souci louable, celui-ci a souhaité harmoniser la rédaction des textes relatifs aux archives et aux documents administratifs. Il est cependant apparu, au cours des auditions – notamment celle de la CADA –, que certaines modifications rédactionnelles auraient en réalité des conséquences imprévues sur le fond. La commission vous propose de supprimer les modifications qui posent problème, tout en espérant une harmonisation future de ces deux textes, peut-être par voie d'ordonnance.
En conséquence, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi qui, au « culte du secret », oppose la « culture de la transparence », dans la conscience du droit de chaque citoyen au respect de sa vie privée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Pierre Gosnat.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nos collègues sénateurs communistes, nous aurions pu, avec quelques réserves, adopter votre projet de loi, s'il n'était pas passé à la moulinette franchement réactionnaire de votre majorité au Sénat. Le rapporteur vient de le rappeler, certes sans employer l'adjectif « réactionnaire ». Le Sénat ne s'est-il pas, en cela, conformé à sa tradition ? Songez, par exemple, à son vote concernant le projet de loi sur les OGM. Bref, le passage du projet de loi au Sénat a lessivé ce qui pouvait apparaître comme une certaine avancée sur un sujet trop méconnu, les archives. Un texte d'ouverture s'est transformé en projet de loi conservateur…
…provoquant une exceptionnelle levée de boucliers. Historiens, utilisateurs et salariés des archives, tous se sont mobilisés pour exprimer leur profonde opposition à ce texte. L'AUSPAN, association des usagers du service public des Archives nationales, a lancé un appel à l'attention des parlementaires. En quelques jours, une pétition dénonçant le culte du secret a recueilli plusieurs centaines de signatures d'historiens français et étrangers, aussi reconnus que Jean-Pierre Azéma, Marc Lazar ou Gérard Noiriel. Enfin, les différents syndicats, dont la CGT, ont aussi exprimé leur profond désaccord.
J'ai donc été étonné, monsieur le rapporteur, de lire votre interview dans L'Indépendant de vendredi dernier – vous voyez que j'ai de bonnes lectures. Vous y paraissez satisfait, annonçant, avant notre débat et notre vote, l'adoption de vos principaux amendements. Il est vrai que la commission des lois a déposé des amendements tendant à contrebalancer ceux du Sénat. Ils restent toutefois insuffisants. J'espère d'ailleurs, monsieur le rapporteur, que vous soutiendrez mon sous-amendement concernant la communicabilité des archives relevant de la sécurité des personnes.
Il est possible, monsieur le rapporteur, de concevoir que vous n'ayez pas eu entre les mains l'appel de l'AUSPAN publié dans L'Humanité du 14 avril.
Vous avez tort ! Je lis bien L'Indépendant, moi ! (Sourires.)
Pour autant, vous n'avez pas pu échapper à l'article de Vincent Duclert, professeur agrégé à l'École des hautes études en sciences sociales, publié dans Le Monde du 17 avril. Ce dernier fait part de la très vive inquiétude qui a saisi la communauté des historiens depuis l'adoption du texte par le Sénat. II parle même d'une « nuit des archives » en référence à « l'obscurité » qui « recouvrira l'État tenté de s'abstraire de sa mission de servir l'intérêt général et les libertés publiques ». Car c'est bien de cela qu'il s'agit : la place et le rôle des archives dans notre société, au regard des libertés individuelles et des enjeux démocratiques.
René Rémond disait que les archives étaient la « mémoire de l'État ». Elles sont aussi irrémédiablement liées à notre système politique. Les Archives nationales sont nées en même temps que notre démocratie, puisqu'elles ont été créées le 29 juillet 1789 par l'Assemblée constituante qui les considérait comme un outil de lutte contre l'Ancien Régime. Elles sont au coeur de la démocratie et représentent un garde-fou indispensable dans le rapport qu'entretient la société avec son histoire.
Le texte que nous a transmis le Sénat est donc très préoccupant. Il fait écho aux déclarations de Nicolas Sarkozy dénonçant de façon fallacieuse et stigmatisante un « culte de la repentance » qui caractériserait notre pays. Pour faire cesser ce qu'il nomme « cette mode exécrable », le plus simple était donc de fermer les sources de la critique, quitte à sacrifier quelque peu les libertés publiques et les droits fondamentaux.
C'est bien sur le plan des libertés publiques que cette motion d'exception d'irrecevabilité se justifie. Dans son rapport, Guy Braibant souligne que la loi de 1979 se fonde sur l'article 34 de notre Constitution, qui réserve à la loi le pouvoir de fixer « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». L'accès aux archives dépend donc du domaine des libertés publiques. C'est un droit fondamental qui fait d'ailleurs écho à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui, dans son article XV, consacre le fait que « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel, dans ses décisions des 16 juillet 1971 et 27 décembre 1973, a reconnu la constitutionnalité du préambule de la Constitution et, donc, de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Je l'affirme donc, ce texte représente une menace pour les libertés, pour trois raisons principales : l'incommunicabilité de certaines archives ; les délais de communicabilité relatifs aux régimes d'exception ; la menace de balkanisation et de privatisation des Archives nationales.
Nous soutenons le principe de libre communicabilité des archives publiques. C'est un progrès indéniable pour le public et une avancée majeure contenue dans ce texte. Cependant, ce principe, affirmé dans l'article 11, est contourné quelques alinéas plus loin, pour, au final, être totalement renié. Nous pourrions résumer l'esprit du projet de loi par le constat suivant : « Tout est ouvert, sauf ce qui est fermé. »
Madame la ministre, vous êtes en contradiction manifeste avec vos propres intentions d'ouverture. Il ne saurait exister en droit républicain des « archives incommunicables ». L'incommunicabilité est contraire aux recommandations du Conseil de l'Europe, qui précise que « toute restriction doit être limitée dans le temps ». Penser que la consultation des archives contribuera à diffuser les armes de destruction massive est assez irraisonné et trop lié à la conjoncture actuelle, dominée par la peur du terrorisme. Le principe d'incommunicabilité est donc inacceptable. Ceux qui souffrent ou qui meurent des essais nucléaires, à Mururoa par exemple, auront-ils le droit de savoir de quoi est fait leur mal ?
La question des délais de communication relatifs aux régimes d'exception est également contestable. Les amendements adoptés par le Sénat reviennent sur une avancée décisive. En appliquant, au nom de l'allongement de la durée de vie et de la protection de la vie privée, des délais moyens compris entre soixante-quinze et cent ans, les sénateurs ont dépouillé le projet de loi de son caractère positif.
En réalité, les réticences les plus fortes concernant l'abaissement des délais sont venues des notaires, qui, pour les minutes notariales, sont parvenus à convaincre les sénateurs UMP que, au délai de cinquante ans prévu par le Gouvernement, il fallait en substituer un de soixante-quinze ans. Ce délai s'est ensuite généralisé. L'allongement des délais isole la France des autres grandes nations démocratiques qui se sont engagées sur la voie d'une réduction des délais de divulgation.
Les nouvelles dispositions sénatoriales entravent significativement les recherches des historiens. Denis Peschanski, auteur de La France des camps, a d'ailleurs considéré que, « avec une telle loi, Benjamin Stora n'aurait pas pu réaliser ses travaux sur la guerre d'Algérie ». Il en va de même pour tous les historiens de la Seconde Guerre mondiale, de la France de Vichy et de la décolonisation. Ces restrictions font peser sur les chercheurs des suspicions indignes de notre pays et des enjeux que représente la recherche historique.
Celle-ci est particulièrement freinée dans notre pays et bon nombre d'historiens trouvent les sources sur l'histoire française dans d'autres pays. C'est à partir d'archives étrangères, américaines et allemandes, et par des chercheurs étrangers, que les premières études importantes sur les persécutions antisémites et la participation de Vichy au génocide ont été menées. Par exemple, il a fallu attendre les travaux de l'américain Robert Paxton pour reconnaître l'ampleur de la collaboration du régime de Vichy avec l'Allemagne hitlérienne.
Ce constat vaut aussi pour les études sur les crimes politiques en France. Qu'on songe à l'affaire Ben Barka, encore en cours d'instruction, et l'on verra combien les familles et les historiens ont de difficultés à accéder à des documents concernant ces événements. Par exemple, les documents relatifs à l'affaire Henri Curiel – dont on commémorera dimanche prochain l'anniversaire de l'assassinat rue Rollin – sont très difficilement accessibles. Et les dispositions du texte relatives à la sécurité des personnes laissent présager des difficultés croissantes pour quiconque voudra connaître un jour la vérité sur ces événements.
Enfin, ce texte officialise le recours à des entreprises privées pour la gestion des archives courantes et intermédiaires. Loin de revenir sur la « balkanisation » constatée par Guy Braibant dans son rapport de 1996, le projet de loi dessaisit un peu plus la Direction des archives de France, la DAF, et les services publics d'archives de leurs prérogatives. Le pré-archivage est ainsi abandonné par la DAF. Chaque administration doit gérer ses archives courantes et intermédiaires. Pis, la communication et la conservation des archives définitives peuvent être confiées à ces mêmes administrations. En outre, la multiplication des centres d'archivage ne simplifiera pas la tâche du chercheur. Ces nouvelles dispositions n'offrent en rien les garanties de neutralité et de cohérence nationale indispensables.
Ces archives pourront de plus être stockées, inventoriées et communiquées par des entreprises privées. C'est en soi une attaque à peine voilée contre le service public d'archive. Qui peut croire, au vu de la réduction annoncée des moyens dans la fonction publique, que ces archives reviendront un jour dans le secteur public ?
Vous prétendez, madame la ministre, que vous souhaitez encadrer une pratique déjà existante. C'est en quelque sorte un aveu : vous voulez bouleverser le statut des Archives nationales et les moyens qui lui sont dédiés. Pourtant l'engagement financier de l'État est un enjeu majeur, tout autant que la restructuration économique et politique de cette administration. En effet, l'annonce d'une fusion de la direction des Archives de France au sein d'une grande direction du patrimoine réunissant les anciennes directions du patrimoine, des musées de France, du livre et de la lecture, fait planer la menace d'une perte de moyens pour les Archives nationales.
Cette initiative représente un recul extrêmement grave, recul qui ne saurait être comblé sans un investissement constant et réaffirmé de l'État notamment en moyens humains. En effet, le principe de libre communicabilité des archives va certainement provoquer un regain d'affluence dans les centres d'archives et il faudra bien répondre à cette demande par une politique d'emploi sérieuse et adéquate.
Ce texte représente une réelle entrave aux libertés publiques et un obstacle supplémentaire à la recherche historique, Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter l'exception d'irrecevabilité, sur laquelle je demande, monsieur le président, un scrutin public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Si le principe de libre communicabilité est affirmé, les conditions de son application sont fortement limitées. Le projet de loi a en effet durci plusieurs aspects du régime existant avec, par exemple, l'allongement à soixante-quinze ans du délai de consultation dont la communication touche la vie privée ou la mesure prévoyant que, désormais, certains documents seront incommunicables. En outre, les moyens relatifs à la mise en oeuvre de certains aspects de la loi ne sont pas aujourd'hui assurés. Enfin, ce texte présente des risques sur le plan des libertés publiques et des droits de l'homme.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je m'étonne de la réaction de nos collègues. Je rappelle que le 8 janvier ce projet de loi a fait l'objet d'un vote unanime au Sénat. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La communication entre nos deux assemblées fonctionne sans difficulté et je m'étonne de vos réactions. Sans doute la polémique naissante, quelques signatures ici ou là ont-elles renforcé les interventions des uns ou des autres.
Pour ma part, je respecte les historiens mais je considère que la commission des lois, suivant le rapporteur dans sa grande sagesse, a fait des propositions intéressantes. Aujourd'hui, je crois qu'on peut affirmer que le projet de loi renforce la communicabilité des archives ainsi que leur protection. Invoquer les libertés publiques me paraît donc exagéré, pour ne pas dire excessif.
Bien évidemment, le groupe UMP votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre, je préfère être à ma place qu'à la vôtre parce que si vous aimez le mot « transparence » quand il est écrit en russe, ce mot ne vous plaît pas quand il est en français.
Serait-ce que votre séjour à Versailles vous aurait donné le goût du secret et des armoires secrètes, comme celles où se trouvaient les preuves contre Mirabeau ou Danton, lesquelles n'étaient pas à Versailles au demeurant ?
Nous avons besoin de transparence, nous avons besoin que les historiens puissent travailler.
Je citerai quelques exemples : dans l'affaire Bousquet, savons-nous toute la vérité, connaissons-nous toutes ses pérégrinations jusqu'à sa mort ? Pas encore, mais ces informations doivent bien se trouver quelque part. S'agissant du meurtre des Algériens qui manifestaient dans les rues de Paris le 16 octobre 1961, pensez-vous qu'on a fait toute la transparence et que Papon, à l'époque préfet de police, a contribué à la faire ? Nous avons besoin de savoir la vérité. Concernant le putsch du 13 mai 1958, pensez-vous que nous savons tout aujourd'hui ?
Nous avons besoin que les historiens puissent accéder aux archives. Or votre loi est une loi chloroforme.
Le fait que vous protestiez, monsieur Gosselin, est une sorte de confirmation parce que vos explications étaient, pour le moins, embrouillées. Qu'un député en soit réduit à faire appel au Sénat pour expliquer qu'il a raison, on aura vraiment tout vu ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cela n'enlève rien à la sagesse des sénateurs mais je vous rappelle que nous, nous avons la légitimité du suffrage universel direct. Est-ce à dire, mon cher collègue, que pour échapper aux risques auxquels vous expose le suffrage universel direct, vous aspiriez à vous réfugier dans la chambre haute ?
C'est vrai que vous vous y connaissez en matière de risque de résultat !
Exactement, je sais de quoi je parle et, en vrai républicain, moi, j'assume.
Je le répète, je crois à la transparence, je crois au travail scientifique des historiens. Il faut donc absolument voter cette exception d'irrecevabilité. Sinon, c'est une chape de plomb qui s'abattra sur l'histoire et notre pays verra son rayonnement à l'extérieur se réduire. Madame la ministre, oui à la glasnost, mais en français aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
……………………………………………….
Nous allons maintenant procéder au scrutin.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 22
Contre 45
L'exception d'irrecevabilité est rejetée.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Marietta Karamanli.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, le projet de loi sur les archives adopté par le Sénat fait l'objet de nombreuses critiques de la part des usagers chercheurs, de bon nombre de professionnels et des défenseurs des droits de l'homme.
Il se voulait un texte d'ouverture visant à libéraliser la loi du 3 janvier 1979 relative aux archives mais il s'avère finalement plus restrictif. Comme quoi, de bonnes idées ne font pas forcément de bonnes lois.
J'essaierai avec mesure et un esprit constructif d'illustrer ce paradoxe en développant quelques-unes des critiques et des propositions que les députés du groupe socialiste, radical et citoyen et divers gauche, souhaitent voir adoptées.
Plusieurs points peuvent, il est vrai, être considérés comme positifs.
Il est en ainsi de l'extension du domaine des archives publiques. L'article 1er ter du projet affirme et détermine la notion d'archives publiques indépendamment de leur forme et de la nature de leur support matériel. Sont ainsi prises en compte la numérisation et l'évolution des supports. Il s'agit là, à l'évidence, d'une avancée intéressante tant du point de vue du champ couvert que des progrès que l'on peut attendre de leur utilisation. La croissance rapide et presque sans limite des supports nécessite que les ressources du passé, les informations d'intérêt, les actes et les documents écrits qu'ils retracent soient inclus dans le champ des archives publiques. Dans la pratique, de nombreux services conservateurs faisaient état et font état de grandes difficultés à faire comprendre aux collectivités détentrices l'intérêt de gérer et de valoriser les fonds que constituent les documents figurant sur ces supports. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de ce que les progrès techniques puissent déboucher sur un progrès d'utilisation collective.
Autre point positif, l'affirmation de la notion de service public. L'article 3 du projet prévoit que les archives publiques qui sont destinées à être conservées sont versées dans un service public d'archives dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
Au titre des avancées, il convient également de noter, toujours à l'article 3, l'affirmation du caractère imprescriptible desdites archives et la possibilité d'une action en revendication de la part du propriétaire réel et des services de conservation. Cela fait potentiellement des citoyens les garants, au travers de leurs institutions, des documents les intéressant au premier chef.
Cependant, plusieurs dispositions relatives aux conditions d'accès posent d'importants problèmes.
Première critique : si le principe de libre communicabilité est affirmé, les conditions en sont fortement limitées.
La loi pose, dans son article 11, le principe de la libre communicabilité des archives publiques « qui ne mettent pas en cause l'un des secrets protégés par la loi » puis définit quatre catégories de délais d'attente en fonction de la nature des documents pour lesquels existe un tel secret.
La philosophie du projet initial était de faire glisser les différents délais de communicabilité des documents contenus dans une fourchette de soixante à cent ans vers un délai moyen de cinquante années. Le projet soumis à notre délibération aujourd'hui tend plutôt en l'état à instaurer des délais moyens de soixante-quinze ans, ce qui est plus restrictif.
Le Sénat a en effet durci plusieurs aspects du régime existant comme l'allongement à soixante-quinze ans du délai de consultation dont la communication touche la vie privée, au lieu de cinquante ans dans le projet de loi initial. Cet allongement est critiquable parce qu'il fait peser sur toutes les archives la possibilité d'un allongement légal par référence à des éléments de vie privée, ce qui est contraire au principe même du projet qui est de diminuer les délais. Ce délai constitue en outre une durée plus longue que celle rencontrée dans la plupart des autres pays européens et démocratiques.
Des dispositions existent d'ores et déjà pour réprimer les atteintes à la vie privée et la réputation des personnes. De plus, peu de dérives ont été jusqu'à présent constatées et quasiment aucune n'est l'oeuvre de chercheurs, d'historiens, de sociologues ou de politologues. Nous devons avoir, me semble-t-il, une attitude confiante vis-à-vis des chercheurs et ce, alors même que les atteintes à la vie privée ne sont pas à rechercher de leur côté.
De façon complémentaire, l'article 25 du projet de loi, qui rédige l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents administratifs, redéfinit ce qu'est la vie privée, en incluant désormais les documents « comportant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne ».
Par ailleurs, l'article 11 du projet modifie le régime des dérogations, c'est-à-dire des communications avant expiration des délais, en le rendant plus discrétionnaire.
Face à ces limitations abusives, notre groupe demande une généralisation du délai moyen de cinquante ans, y compris pour ce qui est des registres de naissance de l'état civil, avec l'introduction par dérogation d'un délai de cent ans concernant certains crimes de nature sexuelle ou concernant les mineurs, et de cinquante ans concernant les minutes notariées.
Deuxième critique : certains documents deviennent incommunicables. Cette interdiction concerne l'accès aux documents relatifs aux armes de destruction massive et de nature à compromettre la sécurité des personnes. Si les motifs de la protection sont justifiés au fond, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche est contre le principe d'une interdiction complète.
Nous sommes favorables, par dérogation, à un délai de cent ans révisable pour les documents relatifs à la sécurité collective et à un délai de cinquante ans pour les documents pouvant mettre en cause la sécurité des personnes.
Troisième critique : les moyens relatifs à la mise en oeuvre de certains aspects de la loi ne sont pas assurés. De façon plus générale et plus pratique, l'attitude la plus facile serait de revenir à la législation existante et de refuser l'évolution possible.
Néanmoins, trois points méritent non seulement une réponse de forme du Gouvernement, mais un engagement de fond de celui-ci.
D'abord, l'abaissement de cent ans à soixante-quinze ans du délai de communicabilité des documents de l'état civil peut-il conduire les services centraux et déconcentrés de l'état civil, au niveau des communes, à ne plus pouvoir délivrer lesdits actes dans de bonnes conditions de sécurité et de délai, y compris pour nos compatriotes dont les parents sont nés à l'étranger ?
Ensuite, les services centraux et déconcentrés ont-ils les moyens de réaliser l'actualisation et la digitalisation dans des délais raisonnables, avec des moyens renouvelés, de l'ensemble des documents existants s'y rapportant ? On évoque ici un coût de 3 millions d'euros pour réaliser l'ensemble des tâches que cela impliquerait.
Enfin, se pose la question du statut des actes juridiques délivrés à partir de pièces administratives devenues des archives et dont l'actualisation devrait toujours être possible parce que nécessaire.
Ce texte pose la question des moyens mis en oeuvre pour accomplir des missions nouvelles confiées au service public. Le principe en est posé par la loi, mais les moyens utiles sont laissés à l'appréciation des administrations qui ont à les gérer au quotidien.
Je ne pense pas qu'à chaque nouvelle mission on doive nécessairement faire correspondre des moyens nouveaux, mais se désintéresser de la façon de faire serait irresponsable, notamment quand l'état des personnes est directement conditionné par un droit à l'accès qui est juste.
A ce titre, je rapprocherai cette situation des demandes adressées par les fédérations hospitalières aux députés pour qu'ils amendent le projet de loi afin de permettre aux établissements de santé de confier à des tiers les dossiers médicaux papier. En effet, en l'état, seules les données de santé à caractère personnel figurant sur un support électronique peuvent à l'heure actuelle être hébergées chez un tiers.
Ici, comme en matière d'état civil, les termes désincarnés de la loi posent des problèmes matériels peu ou pas évalués au moment de la discussion parlementaire et pour lesquels nous ne disposons pas d'une estimation technique objectivée en termes de moyens en personnel ou de coûts.
Quatrième critique : la répression des infractions relatives au vol et à la détérioration des archives est aggravée, mais les moyens de protection des archives ne sont pas augmentés.
La question des peines applicables a été discutée au Sénat. L'introduction, par amendement du Gouvernement, de nouvelles sanctions est critiquable du fait qu'elle renforce les sanctions sans que l'on ait une vision claire de l'échelle et de la proportionnalité des peines par rapport aux faits et à d'autres infractions plus graves, mais qui pourraient être in fine moins sanctionnées. Là encore, la répression sans mise en perspective des enjeux et de la proportionnalité des peines pourrait se révéler au final contre-productive.
De plus, l'aggravation des peines encourues ne s'accompagne malheureusement ni d'un dispositif efficace ni de moyens financiers pour aider les propriétaires et les collectivités à protéger leur patrimoine. On le sait, la diminution des infractions sur les choses, fussent-elles un patrimoine, est liée étroitement aux techniques de lutte contre les vols et les dégradations mises en oeuvre.
Pour ces raisons, nous demandons à titre principal : une réécriture de l'article 11 et la généralisation du délai de cinquante ans, sinon nous voterons contre ; la disparition de l'article 25 et des assurances du Gouvernement quant aux moyens alloués pour la mise en place de cette nouvelle loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Comme je l'ai indiqué en soutenant la motion d'irrecevabilité, ce texte aurait pu obtenir le soutien des députés communistes et républicains si les sénateurs de la majorité ne lui avaient pas ôté son caractère d'ouverture. Il était attendu par les historiens et, plus généralement, par les utilisateurs des archives. Or le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont été déçus ! Un appel a été lancé par les utilisateurs des archives. La communauté des historiens et des salariés de l'administration des archives s'est mobilisée. Tous dénoncent un texte conservateur et dangereux pour les libertés publiques. Loin de s'en inspirer, le projet de loi amendé jette aux oubliettes les conclusions du rapport du conseiller d'État Guy Braibant.
Déjà en 1996, celui-ci constatait une situation alarmante : problématique des archives publiques des personnalités politiques ; pertes et destructions volontaires ou non d'archives ; insuffisante attention portée aux archives économiques et sociales, notamment des entreprises, dispositif restrictif d'accès aux archives.
Le projet de loi voté par le Sénat ne réglera pas ces problèmes. Pourtant, notre pays aurait eu besoin d'une grande loi d'ouverture libéralisant l'accès aux archives. Il y a toujours eu, en France, une certaine omerta autour de dossiers « jugés » sensibles. Sonia Combe, dans son livre Archives interdites, dénonce des pratiques incohérentes et opaques autour des archives relatives à l'affaire Dreyfus, aux mutins et déserteurs des deux dernières guerres mondiales, à la Gestapo, aux camps d'internement français pour les étrangers et à la guerre d'Algérie, à tout ce qu'a rappelé tout à l'heure mon collègue et ami Jean-Pierre Brard.
Il est très difficile d'avoir accès à des documents sur ces sujets. Or le texte qui nous est soumis aujourd'hui est loin de répondre aux attentes légitimes des chercheurs et des utilisateurs des archives. Il contient des dispositions qui portent atteinte à la liberté d'écriture et à la recherche historique. Il restreint de façon arbitraire le droit d'accès des citoyens aux archives publiques contemporaines. Il renforce et rallonge les régimes d'exception, et crée une catégorie d'archives incommunicables. Ce texte renoue avec la culture du secret : le mot « secret » est employé quatorze fois dans le texte.
Mes chers collègues, nous ne devons pas craindre le travail des historiens. Ce sont des documents déposés dans les fonds du département de la Gironde, envoyés au Canard enchaîné, qui ont lancé le processus ayant conduit à la condamnation de Maurice Papon. La France doit assumer son histoire contemporaine et, pour cela, faciliter la consultation des archives et limiter les régimes d'exception. C'est le sens des amendements déposés par mes collègues communistes et moi-même.
Je reconnais le travail de la commission des lois et de son rapporteur, mais les modifications apportées au texte restent insuffisantes.
Enfin, comme le dénonce l'association des archivistes français, aucune étude d'impact n'a été menée concernant l'application de la loi. Il est probable que l'instauration du principe de libre communicabilité, principale avancée du texte, engendre une augmentation de la fréquentation des lieux d'archivages. Or aucun moyen supplémentaire n'est prévu pour répondre à cette future demande.
Comme l'ensemble de la fonction publique, les archives subiront le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Pis, la fusion de la direction des archives de France au sein d'une super direction du patrimoine fait planer la menace d'une perte de moyens pour le stockage des archives et d'une dégradation des conditions de travail pour les salariés. Nous ne devons pas sacrifier notre service public d'archives. Les archives doivent être au coeur de la cité. Elles sont la mémoire de l'État et les remparts indispensables contre l'arbitraire.
En conclusion, les députés communistes et républicains conditionnent leur vote sur ce texte au sort que connaîtront leurs amendements. En l'état, ils ne peuvent que s'opposer à son application.
Adoptés à l'unanimité – cela n'est pas une garantie absolue, mais c'est une présomption de sagesse ! – en première lecture au Sénat, le 8 janvier 2008, ces deux projets de loi ont pour objet non seulement d'améliorer la protection de l'ensemble des archives en France, et pas simplement de celles du Conseil constitutionnel, mais aussi de faciliter l'accès à ces archives.
Sans mettre à mal les principes fondateurs de la loi de 1979, précédée par les lois de 1978 sur la CNIL, l'accès aux documents administratifs et la communication de ces documents, l'idée est aujourd'hui d'adapter notre droit à la forte demande de notre société de mieux s'approprier son histoire. Je rejoins ce qui a été dit tout à l'heure sur ce point essentiel. En effet, et il est heureux d'avoir ce débat, les archives font partie de notre patrimoine national au même titre que les vieilles pierres ou certaines oeuvres d'art. Il s'agit d'un bien commun, de la mémoire d'un peuple, d'un territoire. Cependant c'est aussi la mémoire de familles, de tranches de vie, avec ses heurs et ses malheurs.
Si la première loi en la matière date de la Révolution – loi du 7 messidor an II –, la monarchie aussi s'est préoccupée de ces archives ainsi que les paroisses, certaines familles, les corporations. C'est donc un attachement très ancien, sans doute même un peu viscéral pour nous, Français. Bien sûr, la disparition d'archives est toujours un drame.
Tirant les conclusions de ce qui se faisait depuis de nombreuses années, le conseiller d'État Guy Braibant avait tenté, dans une quarantaine de propositions, d'articuler au mieux les archives, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui, avec un peu de retard, dans les meilleures conditions. Il faut, disait Guy Braibant, que les archives soient plus riches, plus ouvertes et mieux gérées. Tel est le sens de ces projets de loi qui s'articulent autour de deux axes.
Premier axe : une meilleure protection des archives publiques et privées.
S'agissant des archives publiques, le projet de loi ordinaire renforce les sanctions pénales en cas de détournement d'archives publiques. Il rappelle l'interdiction importante de détenir sans droit ni titre des archives publiques. C'est aussi une protection contre le vol et les dégradations.
S'agissant des archives privées, le renforcement de la protection des archives privées classées archives historiques est la marque d'un intérêt public qui va à l'encontre des propos que j'ai entendus tout à l'heure.
Second axe : faciliter l'accès aux archives publiques et privées.
C'est le coeur de notre discussion et j'avoue avoir beaucoup de mal à comprendre que l'on puisse parler de « fermeture », d'« omerta » ! Le projet de loi ordinaire instaure, en effet, un principe qui me paraît essentiel : le principe de libre communicabilité. Certes, c'est vrai, sont prévues quelques dérogations, quelques exceptions, mais un État a aussi besoin, dans certains cas, de se protéger et de protéger ceux qui ont pu agir dans des contextes particuliers.
Les délais spéciaux sont réduits de façon importante. Sans entrer dans le détail, c'est sur ce sujet que s'est focalisée une partie de la polémique de ces dernières semaines sur ce projet de loi, mais la commission des lois, à l'initiative de son rapporteur François Calvet, a fort justement cherché à apaiser des craintes qui pouvaient être légitimes. Nos collègues sénateurs avaient peut-être poussé le curseur un peu loin et, dans notre grande sagesse collective – ce n'est pas l'apanage de nos collègues de la Haute assemblée ! –, je souhaite que nous revenions sur des chemins qui puissent nous réunir.
Sont également prévues des dérogations accrues à l'accès individuel, voire des ouvertures anticipées. Cela représente une avancée très importante.
Enfin, le principe de la gratuité de l'accès, cher à la foultitude des généalogistes amateurs dans un cadre familial et pas seulement aux chercheurs, est renforcé. C'est encore un grand progrès.
Pour m'attarder encore quelques instants sur la loi organique, j'illustrerai ces propos par la soumission des archives du Conseil constitutionnel au droit commun. Quelle avancée extraordinaire que de réduire leur délai de consultation de soixante à vingt-cinq ans ! Quelle richesse, pour tous ceux qui s'intéressent à la vie politique, les chercheurs et les constitutionnalistes, mais aussi pour l'ensemble des Français ! Derrière ce bien commun, en effet, se cache la possibilité de mieux comprendre nos institutions, donc notre vie.
Le texte apporte également la consécration juridique, qui touche plus particulièrement notre assemblée, des protocoles d'archives conclus avec les autorités politiques. Une telle mesure est intéressante, puisqu'elle permettra d'alimenter et d'enrichir nos débats et, par conséquent, les archives et les livres de demain.
Ainsi, ces deux lois me paraissent des lois d'ouverture, principe que l'on nous reproche parfois en politique (Sourires), mais que nous appliquons aussi en matière d'archives et, souhaitons-le, avec bonheur. J'espère que nos collègues sauront tout à l'heure nous rejoindre.
Elles apportent un vrai progrès pour les historiens et pour la société en général. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles. Je crois que nous avons su entendre les justes récriminations de certains historiens. Celles-ci ne relèvent pas, à mes yeux, de la polémique, mais plutôt d'une mise en garde. À ce titre, je me réjouis qu'historiens et chercheurs aient été nombreux à nous alerter.
Au-delà des arguties, le débat qui nous occupe offre au moins l'intérêt de montrer l'attachement viscéral des Français à leurs archives. Ils entretiennent avec elles un rapport passionnel et passionné, qui montre qu'ils ont besoin du passé pour mieux comprendre le présent et éclairer l'avenir. C'est en face qu'ils regarderont l'histoire, sans chercher à la farder ni à la restreindre.
Je crois réellement que les deux projets de loi qui nous sont soumis nous permettront d'y voir plus clair et, contrairement à ce qu'on a pu dire, d'ouvrir encore davantage nos archives. C'est pourquoi le groupe UMP les votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi porte réforme du traitement des archives. Adopté en première lecture au Sénat, il a vocation à compléter l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et relative à ses archives.
Je ne crois pas inutile de rappeler son but : il s'agit, vous l'avez indiqué, madame la ministre, d'améliorer la protection des archives, mais surtout d'en faciliter l'accès afin de répondre au souhait de nos concitoyens. Ce texte réorganise le traitement des archives, en donnant au code du patrimoine davantage de cohérence et de lisibilité.
Ces objectifs, que mon prédécesseur à cette tribune a rappelés avec talent, doivent être approuvés, puisqu'ils visent à améliorer la protection des archives, à renforcer le régime de protection des archives privées classées « archives historiques », à faciliter l'accès aux archives publiques et politiques, à poser le principe de la libre communicabilité des archives publiques, à réduire les délais opposables au nom des intérêts protégés et à donner un statut juridique aux archives des autorités politiques.
Il faut rappeler que le législateur est intervenu à plusieurs reprises, en 1978 et 1979, ainsi que l'a indiqué le rapporteur, afin de faciliter l'accès des usagers aux documents administratifs et aux archives publiques.
Les principales dispositions du projet de loi visent donc à mieux protéger les archives par un renforcement des sanctions pénales. Il prévoit en effet la création d'une sanction administrative qui a vocation à limiter l'accès aux salles de lecture des personnes déjà condamnées pénalement pour destruction ou vol d'archives. Il renforce également la protection des archives privées. Il facilite l'accès aux archives publiques et politiques. Il réduit les délais spéciaux, sachant que les délais actuels de communication publique sont actuellement au nombre de six, qui s'échelonnent entre trente et cent cinquante ans. Le délai de communication de droit commun pour les documents couverts par un secret protégé par la loi passerait de trente à vingt-cinq ans.
Une autre disposition essentielle, qui a été rappelée à juste titre à cette tribune, tient à la gratuité de l'accès aux archives publiques, que consacre le texte.
Ce projet de loi ordinaire est complété par un projet de loi organique, qui modifie l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, afin d'appliquer à ses archives certaines dispositions régissant le nouveau droit des archives publiques.
Cette réforme attendue permettra d'ouvrir plus largement l'accès aux archives, tout en leur assurant une meilleure protection, et de concilier ainsi les exigences de la recherche contemporaine, à savoir la nécessité d'ouverture des archives au bénéfice de la collectivité et l'impératif de protection des données individuelles et personnelles.
Les députés du Nouveau Centre approuvent les objectifs du projet de loi. Loin de remettre en cause les grands principes posés par le législateur depuis trente ans, il garantit une meilleure protection des archives, ainsi que le principe de libre communicabilité et de gratuité. Il ouvre en outre les archives du Conseil constitutionnel puisqu'il réduit de soixante à vingt-cinq ans le délai au terme duquel la consultation est ouverte.
Pourquoi ai-je tenu à rappeler si longuement les objectifs de ce projet de loi ?
Vous lisez la presse, madame la ministre, vous entendez et lisez les critiques, ainsi que les réserves exprimées par l'opposition parlementaire. Parfois, nous avons eu l'impression que tout le monde n'avait pas lu le même texte, en découvrant certains articles publiés par la presse nationale et signés par d'éminents historiens ou par ceux qui se considèrent comme les garants du libre accès aux archives. Comme si le Gouvernement et les députés de la majorité, à travers ce texte ou nos débats dans l'hémicycle, poursuivaient un autre but que d'améliorer l'accès aux archives !
Pour autant, je crois qu'il faut être sensible à certaines interrogations, qui se sont élevées moins sur le texte lui-même que sur les amendements votés par la Haute assemblée, que notre rapporteur, au prix d'un travail remarquable, a quelque peu corrigés.
Les généalogistes successoraux de France ont ainsi contesté le délai d'incommunicabilité de certains documents. Ils réclament – à juste titre, me semble-t-il – que les professionnels dont la mission est de rechercher les héritiers puissent bénéficier d'une dérogation. Celle-ci se justifie par le respect du secret professionnel auquel ils sont tenus. Cet après-midi, en commission, nous avons discuté au préalable certains amendements relatifs à cette question, qui seront examinés au cours de la discussion.
Quant aux charges nouvelles qu'auront éventuellement à assumer les collectivités territoriales, nous y reviendrons, là encore, lors de l'examen du texte.
La communauté des historiens et l'association des usagers des archives nationales se sont élevées contre la création d'une catégorie d'archives incommunicables ou l'instauration d'un nouveau délai de non-communicabilité pour certaines archives. Beaucoup de critiques me semblent excessives. Objectivement, elles ne résistent pas à la lecture des fondements et des buts du projet de loi.
Pour conclure, je souhaite que la discussion des articles et des amendements apaise les craintes qui se sont exprimées, et qu'un consensus se dégage sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté a fait l'objet d'une attente très forte des historiens et, au-delà, de tous les usagers des archives. En effet, depuis le rapport de Guy Braibant, qui avait permis d'élaborer, dès 1992, des propositions sur le sujet dans un large consensus, les années ont passé sans que rien ne vienne.
Pourtant, au regard des législations de nombreux autres pays européens, la France est considérée comme la lanterne rouge de l'Union en la matière. À l'heure où nombre de pays de l'ex-bloc de l'Europe de l'Est ouvrent largement leurs archives, il était temps de légiférer. Dès lors, l'annonce d'un projet de loi qui avait initialement vocation à assouplir l'accès aux dossiers, notamment en substituant à la période de trente ans en vigueur un principe de libre communicabilité des archives et en raccourcissant les délais pour nombre de catégories d'archives, a suscité un réel engouement.
La déception n'en est que plus forte quand on lit ce texte après son passage au Sénat. En effet, s'il reste posé, comme principe général, que les archives publiques sont communicables de plein droit sous réserve d'un certain nombre de dispositions énoncées dans le projet de loi initial, l'équilibre du texte a été profondément bouleversé lors du débat à la Haute assemblée.
Ainsi, alors qu'il prévoyait à l'origine un délai moyen de communication compris entre vingt-cinq et cinquante ans – avec naturellement des exceptions –, le texte voté par le Sénat revient sur ces avancées en appliquant des délais moyens compris entre soixante-quinze et cent ans. La seule question qui vaille aujourd'hui n'est plus d'essayer de comprendre comment le Sénat a pu être amené à modifier ce texte de telle sorte qu'il soit totalement dénaturé, mais de voir comment notre assemblée peut répondre aux légitimes attentes des chercheurs, historiens et de tous les usagers des archives.
À cet égard, nous avons noté, madame la ministre, votre souhait, exprimé dès l'ouverture de ce débat, de prendre en compte le travail effectué par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Vous comprendrez cependant que, au stade de cette discussion générale, notre groupe continue à exprimer force réserves et critiques.
Reconnaissons-le, le principe de libre communicabilité permettra, en dehors de toute demande, aux administrations qui le souhaitent, de mettre à disposition du public, notamment par Internet, le patrimoine public que peuvent constituer les archives. Mais si, parallèlement, certains documents voient leur délai de communicabilité raccourci, les nouvelles restrictions créées par le Sénat ne peuvent que nous interpeller.
Ainsi, les documents « dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, ou rend publique une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou fait apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice » ne seraient plus communicables avant soixante-quinze ans. Ces critères sont énoncés de manière tellement vague que l'on court le risque qu'un nombre indéterminé de documents puissent se retrouver inaccessibles durant trois quarts de siècle.
Comment écarter tous les documents faisant mention d'un jugement de valeur et dans quel but ? Pourquoi, au détour du texte, apporter une telle extension à la notion de vie privée et qu'est-ce qui justifie de restreindre aussi considérablement le domaine de la recherche ? Que vont devenir les archives sur lesquelles nombre d'historiens et d'étudiants travaillent déjà, et qui sont naturellement susceptibles de correspondre à ces notions d'appréciation si arbitraires ? Ceux-ci devront-ils mettre fin à leurs travaux ? Sera-t-on ainsi amené à refermer les archives du régime de Vichy ? Sincèrement, ce n'est pas sérieux !
Nous sommes passés d'un projet de loi présenté comme un texte d'ouverture, visant à libéraliser la loi de 1979 en permettant aux citoyens d'accéder avec plus de facilité aux sources de leur histoire, à un texte qui semble désormais dicté par le culte du secret.
La création, dès le projet de loi initial, d'une catégorie d'archives non communicables nous interpelle. Non seulement elle entre en contradiction avec les recommandations du Conseil de l'Europe visant à limiter dans le temps toute restriction à l'accès aux documents publics, mais l'extension de cette catégorie aux archives publiques dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes nous laisse plus que perplexes. À nouveau, nous sommes face à une notion dont le périmètre nous paraît peu clair et donc totalement inadapté à la nécessité d'être très précis en ce domaine. Étudiants, historiens, chercheurs, usagers des archives publiques, syndicat des généalogistes, tous se mobilisent aujourd'hui pour nous dire leur incompréhension.
En outre, la disparition d'une direction spécifique des archives de France, que vous avez récemment annoncée, madame la ministre, risque de marquer la fin d'une politique nationale des archives cohérente et dotée de vrais moyens, et cela l'année même où nous commémorons le bicentenaire des archives nationales à l'hôtel de Soubise.
Ce texte nous fait d'ailleurs accomplir un pas supplémentaire vers la balkanisation des archives déjà dénoncée par Guy Braibant. En effet, outre la gestion par les administrations de leurs archives courantes et intermédiaires, la possibilité qui pourrait leur être octroyée d'en assurer la conservation et d'en gérer la communication nous fait craindre un dangereux morcellement des archives publiques.
De fait, le texte qui nous est présenté aujourd'hui, constitue, en l'état, une régression contestable du droit d'accès des citoyens aux archives publiques.
Notre groupe a déposé un certain nombre d'amendements qui peuvent permettre d'atteindre réellement les objectifs d'ouverture censés caractériser ce projet de loi. Il est du devoir de notre assemblée d'empêcher que soit « mutilé le récit historique», comme le craint Benjamin Stora. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les archives, mémoire de notre nation, permettent la connaissance de l'histoire de notre pays et des générations successives de ses habitants. Rapportant des faits, des dates, des noms, elles offrent une clef de compréhension de notre destin commun et constituent un facteur de cohésion et de solidarité nationale. Gardiennes des moments clés de notre histoire, elles permettent également de conserver la trace des parcours individuels, des existences les plus simples, les plus singulières et des vies les plus modestes, notamment à travers les actes notariés et les documents d'état civil.
Néanmoins si les archives font, par définition, référence au passé, elles sont aussi, pour reprendre votre expression, madame la ministre, une « mémoire en devenir ». Elles sont, en effet, avant tout, des outils de gestion pour notre administration, des éléments de preuve ou encore des justificatifs de droits pour nos concitoyens, à l'instar des documents relatifs à la naturalisation.
Proclamé par la loi du 7 messidor an II, le principe de l'ouverture des archives au public, sans restriction ni discrimination, n'est jamais à l'abri de tentatives de remise en cause. C'est pourquoi la représentation nationale se doit de veiller sans cesse au respect de leur libre accès, en faisant en sorte qu'elles ne soient pas ouvertes aux seuls historiens et chercheurs, mais aussi à l'ensemble de nos concitoyens désirant s'approprier l'histoire de leur pays, leur histoire en somme.
La loi du 3 janvier 1979, votée conformément à ces principes, est à l'origine d'acquis essentiels tels que la définition des archives, la distinction entre archives publiques et privées ou encore la mise en place de sanctions pénales. Cette législation, qui complète la loi du 17 juillet 1978, relative à l'accès aux documents administratifs, a participé au mouvement d'ouverture et de transparence de l'administration.
Soucieux du respect de ces principes, je ne peux, madame la ministre, en tant que représentant de l'Assemblée nationale à la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, qu'approuver, d'une manière générale, les objectifs des textes que vous avez soumis à la discussion parlementaire.
Mon intervention se limitera à traiter du projet de loi ordinaire qui tire les leçons de près de trente ans d'application de la loi de 1979 et vise à adapter les dispositions de cette loi à l'évolution du contexte politique, économique et social.
Je tiens, tout d'abord, à insister sur les dispositions de l'article 11 du projet de loi : elles posent de façon claire le principe de libre communicabilité, sauf exception, des archives publiques. Le texte prévoit une innovation majeure en faisant du libre accès le principe, et du maintien de certains délais, l'exception. Il s'agira là d'une avancée démocratique non négligeable qui profitera à l'ensemble de nos compatriotes.
J'émettrai néanmoins une réserve concernant la disposition selon laquelle les documents dont la communication pourrait porter atteinte à la sécurité des personnes ne seraient pas communicables. En effet, elle fait largement double emploi avec deux autres exceptions : celle concernant la sécurité juridique, et celle portant sur la divulgation du comportement d'une personne dans des conditions qui pourraient lui porter préjudice. Or, dans le projet de loi soumis à notre discussion, ces deux exceptions sont déjà assorties de délais de libre communicabilité importants. Le risque est donc de voir ces délais vidés de leur substance par une invocation trop systématique de l'exception relative à la sécurité des personnes. Cela conduirait à interdire la communication des archives concernées de manière perpétuelle.
Il serait possible de limiter ce risque en précisant la notion d'atteinte à la sécurité des personnes afin de la rendre moins floue et moins subjective. Je vous proposerai de modifier le projet de loi en ce sens lors de la discussion des articles.
La réduction des délais de communication constitue un autre apport significatif du projet de loi. Il faut bien admettre que, contrairement, à ce que l'on peut entendre ou lire, ici ou là, le projet de loi, dans son ensemble, réduit de manière significative les délais de droit commun et la durée de protection de certains secrets, qui pouvaient paraître inutilement longs. De plus, à défaut d'un délai spécifique instauré par la loi, les secrets protégés par la loi du 17 juillet 1978, qui relevaient jusque-là du délai de droit commun de trente ans, deviendront désormais librement communicables à l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans.
Sur la question des délais, j'émettrai une réserve concernant l'amendement adopté par le Sénat visant à fixer à soixante ans le délai de communicabilité de documents pouvant porter atteinte à la protection de la vie privée. Il semble souhaitable de revenir aux cinquante ans prévus par le projet de loi initial, d'autant que ce délai semble plus conforme à l'esprit de du texte.
Madame la ministre, si le projet de loi, tel que vous l'avez déposé, me paraît aller dans le bon sens, je me montrerai un peu plus réservé sur certains articles, visant à modifier la loi du 17 juillet 1978 relative aux documents administratifs, issus de la discussion du texte devant le Sénat. Il s'agit principalement des articles 23 à 26 du projet de loi.
Ces derniers marquent, pour la première fois depuis 1978 une régression de la transparence au détriment des citoyens et soulèvent un certain nombre de difficultés juridiques et pratiques que j'aborderai très sommairement et sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir au cours de la discussion des articles.
L'article 23 propose de substituer le terme « détenu » au terme « reçu » comme critère de communication des documents administratifs. Cette substitution me semble peu appropriée dans la mesure où ce qui compte pour le citoyen est de savoir non pas que l'administration a reçu ou non un document, mais si elle le détient, donc si elle peut le communiquer.
La logique est, peu ou prou, la même en ce qui concerne l'article 24 hors le fait qu'il s'agit de transmission et non de réception.
Toutefois les dispositions les plus contestables me semblent être celles de l'article 25 qui réécrivent, quasi intégralement, l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978. Il faudra désormais aller chercher dans le code du patrimoine ce qui concerne la non communicabilité des documents concernés alors que la loi de 1978 faisait, jusque-là, office de texte de référence en matière de documents administratifs. Cette modification entraînera une perte de lisibilité pour le citoyen et ce n'est pas le seul aspect négatif de ces dispositions ; nous aurons l'occasion d'y revenir dans la discussion.
Je conclurai, madame la ministre en réaffirmant mon soutien aux textes que vous avez soumis au Parlement. Ils contiennent de nombreuses avancées. J'espère néanmoins que le débat sur le projet de loi ordinaire aboutira à l'adoption d'un texte proche de celui que vous aviez initialement déposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui saisis d'un projet de loi concernant les archives et préparé par les services de Mme Christine Albanel, qui aurait dû, pour deux raisons, faire l'unanimité dès sa première lecture par le Sénat.
Il aurait dû, tout d'abord, faire l'unanimité parce qu'il s'inscrit parfaitement dans la gamme des réformes voulues par la Président de la République. Le régime des archives publiques avait été défini, il y a maintenant trente ans, ou presque, par trois lois de 1978 et de 1979 – la dernière concernait directement et exclusivement les archives – codifiées depuis dans le code du patrimoine.
Or votre projet, madame la ministre, vise à améliorer la situation existante en permettant un meilleur accès du public aux archives. Par ce choix, vous montrez clairement la volonté du Gouvernement et du Président de la République de rendre l'information relative à notre passé plus transparente.
En effet, que sont les archives, sinon l'ensemble des informations dont l'État et les collectivités territoriales sont dépositaires concernant notre passé, celui de notre pays, c'est-à-dire notre mémoire collective, celle qui appartient à tous et à laquelle chacun doit avoir accès dans les conditions fixées par la loi ?
Voilà donc bien une vraie réforme qui vise à renforcer notre cohésion nationale par une meilleure connaissance de notre passé commun. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans notre histoire, certains sujets divisent et ont parfois donné naissance, sur le plan politique, à des drames affreux, y compris au xxe siècle dans un passé récent, notamment au cours des six dernières décennies. Toutes les blessures et cicatrices causées par ces drames ne sont pas encore refermées, et les lois dites mémorielles, assorties quelquefois de la prétention de vouloir imposer une vérité officielle dans le domaine de la recherche historique, ne sont pas une solution.
En revanche, c'est presque toujours dans les archives, étudiées objectivement, scientifiquement, avec méthode et respect, que la bonne réponse se trouve. Que serait notre connaissance de la Shoah ou du régime de Vichy si nous n'avions pas les magnifiques travaux de Serge Klarsfeld et de tant d'autres historiens qui, avec abnégation, compétence, objectivité et responsabilité, ont dépouillé les archives nationales, départementales et locales, travail ingrat s'il en est ?
Je tiens à rappeler combien notre administration française des archives est en tout point remarquable. Elle est sans doute la meilleure au monde, non pas sur le plan technique, car elle manque de moyens matériels, comme chacun le sait, mais sur le plan intellectuel et pour ce qui concerne son objectivité.
Les meilleurs de nos archivistes sont d'anciens élèves de l'École nationale des chartes, établissement d'enseignement supérieur d'un niveau exceptionnel qui a formé, en même temps que nos conservateurs, d'éminents historiens dont la compétence, la science et l'érudition sont reconnues dans le monde entier. Parmi bien d'autres, Jean Favier, André Chamson, Charles Braibant ou Alain Erlande-Brandenburg ont porté partout le rayonnement de nos archives, en même temps qu'ils étaient reconnus comme grands historiens et fins connaisseurs en matière d'art.
Nos archivistes font également preuve d'une objectivité irréprochable ; ils sont neutres, ils ne prennent pas parti et connaissent mieux que quiconque les impératifs du devoir de réserve. Jamais on n'a pu leur reprocher d'avoir failli à cette exigence rigoureuse. Voilà pourquoi, les archives, notamment les archives nationales, sont dépositaires de fonds particulièrement sensibles, tels que ceux relatifs à la franc-maçonnerie ou à la famille d'Orléans, ainsi que du fichier des juifs et de bien d'autres documents encore.
Par ailleurs, le fonctionnement des archives est suffisamment souple pour permettre la conciliation des intérêts réciproques de la conservation publique et des déposants.
Ce projet de loi, madame la ministre, aurait dû faire l'unanimité pour une seconde raison : vous-même et le Gouvernement, en communion d'esprit avec le Président de la République, répondez à une immense attente de la population française de plus en plus passionnée par notre passé, de très nombreux exemples le montrent.
Nos concitoyens veulent savoir, nos jeunes veulent savoir et cette soif de connaissance vise la connaissance vraie et objective, sans rapport avec la désinformation, ou l'information retouchée au nom de la rentabilité médiatique quotidienne dont nous sommes malheureusement trop souvent abreuvés. Nos concitoyens veulent, de plus en plus, retrouver notre passé, et ils savent qu'il se trouve dans les archives. Ils s'intéressent à notre passé collectif, bien sûr, avec ses grands moments tels que l'affaire Dreyfus, la Grande guerre – dont nous venons d'enterrer avec les honneurs le dernier combattant, Lazare Ponticelli –, les années sombres de l'Occupation, la guerre d'Algérie et aussi l'histoire plus ancienne, même si elle est souvent une affaire de spécialistes. Cependant le passé familial et individuel est également concerné avec l'extraordinaire engouement que ressent aujourd'hui un nombre considérable de Français pour la généalogie, comme le rappelait tout à l'heure mon collègue Philippe Gosselin.
Aujourd'hui des millions de Français se passionnent pour la généalogie.
Bien sûr, je sais que vos archivistes, madame la ministre, ne voient pas toujours d'un très bon oeil ces « nouveaux chercheurs », néophytes exigeants, qui semblent parfois encombrer les salles de travail des centres d'archives. Souvent animés d'une passion dévorante, ils ont, envers l'histoire, l'ardeur des nouveaux convertis. Toutefois soyons indulgents, car, en recherchant les origines de leurs propres familles, ils accèdent souvent, sans parti pris et dans un esprit objectif, à la connaissance de notre histoire collective, ce qui n'est pas neutre pour le renforcement de la cohésion sociale.
Votre projet, madame la ministre, aurait dû faire l'unanimité. L'ouverture d'esprit dont vous avez fait preuve en matière de délais de communication au public allait en effet dans le sens du progrès et de l'esprit de réforme que j'ai salué précédemment. Malheureusement, pour des raisons restées parfois obscures, nos collègues du Sénat en ont jugé autrement sur certains points particulièrement significatifs.
Bien entendu, je parle non pas des améliorations qu'ils ont apportées en ce qui concerne l'autonomie des assemblées parlementaires dans la gestion de leurs archives, l'alignement entre les collectivités territoriales et leurs groupements ou l'harmonisation avec les documents administratifs et les statistiques, mais des problèmes posés par la réécriture de l'article 11 du projet de loi.
Vous aviez, madame la ministre, conservé le délai de cent ans dans un cas, celui de la communication des registres des naissances de l'État civil, maintenu l'absence de délai spécifique pour certains documents et réduit les délais actuels de communication pour tous les autres. Vous proposiez ainsi une véritable réforme, de réelle ampleur, conforme aux voeux de la population, notamment de tous les chercheurs qui s'intéressent à l'histoire collective.
Le Sénat n'a pas du tout partagé votre approche. Dans un cas – un seul –, il s'est montré plus libéral que vous, en ramenant à soixante-quinze ans le délai de communication des registres de naissance de l'État civil, que vous proposiez de maintenir à cent ans. La mansuétude de nos collègues sénateurs répond à un voeu ardent des généalogistes ; il faut donc conserver cette modification.
En revanche, sur nombre d'autres dispositions, le Sénat est revenu en arrière, en rétablissant le délai initial alors que vous vouliez le réduire – par exemple, pour les questionnaires de recensement de la population – ou en introduisant, pour certains cas, un délai intermédiaire. Peut-être s'agissait-il, pour nos collègues, de « couper la poire en deux », mais une telle mesure est intellectuellement en porte-à-faux avec l'évolution des esprits constatée depuis trente ans, qui vous avait conduite à proposer de nouveaux délais plus réalistes. En effet, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis trente ans : l'évocation, ces dernières années, de faits hautement sensibles a modifié le besoin d'accéder aux archives.
En 1979, on jugeait encore inopportun d'évoquer les responsabilités de la France de Vichy, que le Président Jacques Chirac reconnaîtra solennellement en 1995.
Enfin, et c'est le point le plus grave, le Sénat a créé, à propos de la vie privée, un délai de soixante-quinze ans, plus contraignant que le délai actuel de soixante ans, que vous vouliez très justement ramener à cinquante ans.
Madame la ministre, je ne sais pas si nos collègues sénateurs ont clairement mesuré la portée d'un tel retour en arrière. Pour ma part, je ne puis que m'associer à la protestation unanime de l'ensemble des historiens et des chercheurs, qui travaillent en ce moment même sur des dossiers récemment ouverts à l'étude en application de la règle des soixante ans et qui, si nous votons cette disposition, risquent de se voir opposer, dès la publication de la nouvelle loi, un refus légal de communication pour ces mêmes dossiers. Cela n'est pas possible, cela ne doit pas être.
Si cela était, mes chers collègues, plusieurs milliers de chercheurs qui poursuivent des études longues et difficiles, qui préparent des examens de haut niveau et des publications de qualité, se verraient contraints de différer, voire d'abandonner leurs travaux. Quel gâchis, et ce sans motifs sérieux ! Et je ne parle pas de l'image que la France aura auprès des nombreux chercheurs étrangers, attirés par la qualité de nos centres d'archives, leur objectivité et la haute compétence de nos personnels. En outre, une telle régression ne risque-t-elle pas d'être reçue comme une marque de défiance à l'égard de ces personnels ?
À un degré moindre, la fixation par le Sénat à soixante-quinze ans – au lieu de cinquante, comme vous le proposiez – du délai de communication des renseignements collectés dans le cadre d'enquêtes statistiques constituera, si elle est maintenue, une gêne pour les généalogistes dans l'exercice de leur profession.
Madame la ministre, mes chers collègues, je voterai naturellement le projet de loi proposé par le Gouvernement, en souhaitant ardemment que les amendements déjà adoptés par la commission des lois et ceux qui viendront en séance publique traduisent une volonté de rétablir le texte initial du projet de loi concernant le délai de soixante ans, ramené à cinquante pour les mentions relatives à la vie privée, et celui de cent ans, ramené à cinquante pour les questionnaires de recensement de la population et les renseignements collectés dans le cadre d'enquêtes statistiques.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement, sur le projet de loi relatif aux archives.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, très attendue depuis plusieurs années, la révision de la législation relative aux archives devrait viser à faciliter, dans un souci de transparence, l'accès des usagers aux archives publiques, à adapter le droit applicable à ces archives, à organiser les conditions de leur conservation et à améliorer leur protection en actualisant le cadre juridique fixé par la loi du 3 janvier 1979.
Nous saluons donc cette initiative, madame la ministre, tant il est vrai que cette réforme était, ainsi que je viens de le rappeler, attendue par nos concitoyens comme par la communauté des chercheurs. Le rapport Braibant de 1996 avait fait naître de grands espoirs, en souhaitant des archives plus riches, plus ouvertes, mieux gérées et en appelant à une libéralisation de la loi de 1979, dont il relevait les faiblesses des décrets d'application.
Malheureusement, ces attentes sont déçues par le projet de loi tel qu'il est soumis aujourd'hui à notre assemblée. Certes, le principe de la libre communicabilité des archives publiques est établi, et les délais de communicabilité relatifs aux intérêts protégés par la loi souvent réduits ; le régime des archives des autorités publiques, notamment gouvernementales, est précisé, afin qu'en soit améliorée la collecte par la consolidation des protocoles, et le régime de protection des archives privées classées comme archives historiques se trouve renforcé.
Malgré tout, ce projet de loi ne parvient pas à assurer, comme il le propose, un juste équilibre entre les exigences de la recherche contemporaine, la nécessité de l'ouverture des archives au profit de la collectivité et l'impératif de protection des données individuelles et personnelles. À l'instar de la loi de 1979 qui, sous couvert de réduire les délais, avait en fait permis de repousser de dix ans l'ouverture des archives sur la période de Vichy, ce projet de loi semble viser, après les modifications introduites par le Sénat, à retarder de quinze ans le travail des historiens sur la guerre d'Algérie. C'est évidemment inacceptable.
Pour contribuer à l'avancée des connaissances scientifiques, synonyme de liberté et de libération des peuples, pour refuser l'histoire officielle des États totalitaires, celle des historiographes officiels et des photos truquées, qui est animée par l'idéologie et non par la recherche de la vérité – ou tout au moins d'une parcelle de vérité, accessible à un instant donné –, il faut permettre aux historiens, aux chercheurs, de revenir aux sources, de revenir aux documents bruts ; j'aurais pu dire à l'odeur des vieux papiers, si, aujourd'hui, la mémoire collective n'était pas recueillie et stockée sur des supports numériques.
Cet accès aux archives, direct et de plein droit, est la seule garantie, pour les pairs et pour les citoyens, de pouvoir vérifier ce qui est avancé par les chercheurs, contrairement au régime d'exception par dérogation qui fait actuellement office de palliatif face au caractère très restrictif de notre législation. Mon collègue du groupe GDR a rappelé l'épisode catastrophique et scandaleux du 17 octobre 1961, quand des centaines d'Algériens ont été jetés à la Seine : la communication de ces archives n'aurait pas été possible, à l'époque, sans la dérogation accordée par le gouvernement de Lionel Jospin.
Dois-je rappeler, avec tous les chercheurs mobilisés, que les archives présentent un triple intérêt pour notre société ? Elles assurent la sauvegarde de l'histoire collective ; elles permettent de justifier les droits des personnes, aujourd'hui mais aussi à l'avenir, et elles constituent, pour leurs propriétaires, la mémoire de leur activité, dont elles leur permettent d'organiser au mieux la poursuite grâce à la consultation régulière des précédents.
Les archives ne sont pas là pour mythifier une identité nationale, en n'en retenant que sa face glorieuse. Elles permettent également que ne s'oublie pas la face sombre de cette histoire et que justice soit rendue aux oubliés de l'histoire officielle.
L'importance des archives est trop souvent méconnue et justifie pleinement que le législateur en améliore la protection. En 2000, les recommandations du Conseil de l'Europe insistaient sur leur importance comme indicateur de l'état de démocratisation d'une société, comme critère pertinent pour juger de l'avancée des libertés individuelles. En ce domaine, la France n'est, malheureusement, pas un modèle. Le Sénat l'a, une fois de plus, démontré, en renforçant le culte du secret par les modifications qu'il a introduites.
Ce qu'il faudrait renforcer, madame la ministre, ce sont les archives précisément, notamment en leur consacrant des moyens. Or ce secteur est sinistré en France et les meilleures intentions se heurtent à la réalité des chiffres, à la pauvreté du budget et à la balkanisation déjà dénoncée en son temps par Guy Braibant.
Ne faisons pas de procès d'intention mais demandons-nous quel est l'état de la législation en vigueur.
Les archives nationales, chargées de réunir tous les documents d'État, ont été créées par le décret du 12 septembre 1790 et leur ouverture au public sans restriction ni discrimination a été proclamée pendant la période révolutionnaire par la loi du 7 messidor an II. Ce principe fondateur n'est jamais à l'abri de tentatives de remise en cause et notre vigilance doit être des plus aiguës. Ce débat nous donne l'occasion de l'exercer pleinement.
La législation sur les archives a été définie par la loi du 3 janvier 1979, aujourd'hui codifiée dans le code du patrimoine, qui a unifié et rationalisé les règles antérieures éparses, tout en ne libéralisant que partiellement l'accès aux archives. Elle a pourtant été adoptée dans un contexte général d'amélioration de la transparence de l'administration et de reconnaissance d'un « droit de savoir » des citoyens sur l'action administrative. Elle faisait suite à deux lois, qui ont largement ouvert l'accès aux documents publics : celle du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public, qui pose un principe général de communicabilité des documents administratifs de caractère non nominatif ; et celle du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui reconnaît aux personnes physiques un droit d'accès et de rectification aux fichiers nominatifs qui les concernent.
La loi de 1979 est fondée sur l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi le pouvoir de fixer « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l'exercice des libertés publiques ». Les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 n'avaient abordé cette dimension fondamentale des archives que par l'édiction, dans l'article 15, du droit des citoyens de demander compte à tout agent public de son administration.
L'accès aux archives figure désormais au nombre des critères de la démocratie, de même que l'indépendance de la justice ou la liberté de la presse. Du reste, je relève que le projet de loi sur la protection des sources des journalistes n'a pas été confié à votre ministère, madame la ministre – et je le déplore –, mais au ministère de la justice, j'espère que nous aurons l'occasion de l'examiner prochainement. L'accès aux archives publiques constitue un droit et, dans un système politique adhérant aux valeurs démocratiques, ce droit doit être reconnu à tous les utilisateurs, indépendamment de leur nationalité, de leur statut ou de leur fonction.
Le Conseil de l'Europe a reconnu ce principe et les institutions américaines sont un exemple dans ce domaine puisque, en application du principe d'open government – de gouvernement transparent –, trois grandes lois ont permis de ramener le délai de communicabilité de la plupart des documents officiels à dix ans. Nous en sommes loin, avec ce projet de loi !
Les deux textes qui nous sont présentés s'articulent autour des deux grandes missions assignées aux archives : la conservation et la communication.
Le projet de loi ordinaire consacre ainsi les protocoles de remise des archives des autorités politiques, harmonise le régime des archives privées sur celui des objets mobiliers classés et affirme le principe de libre communicabilité des archives publiques en réduisant les délais de communication.
Le projet de loi organique, quant à lui, modifie l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et applique les principes du projet de loi ordinaire aux archives du Conseil constitutionnel en les ouvrant à l'issue d'un délai de vingt-cinq ans.
Une révision des règles de communication des archives définies par la loi de 1979 apparaît effectivement nécessaire au vu des évolutions constatées depuis lors : augmentation du volume d'archives produites en raison de la décentralisation, intérêt croissant pour de nouvelles catégories d'archives relatives à l'histoire des entreprises ou à l'histoire des sciences, et demandes toujours plus nombreuses d'une plus grande ouverture des dossiers relatifs à l'histoire contemporaine.
La loi de 1979 a été évaluée à plusieurs reprises, notamment par le rapport Braibant, qui avait pour objet de dresser un bilan de l'application de cette loi au regard de plusieurs évolutions intervenues depuis son adoption : la décentralisation et son impact ; l'augmentation constante de la masse des archives ; le développement du « droit de savoir » ; l'intérêt croissant pour l'histoire de la part de nombre de nos concitoyens ; les débats sur l'ouverture de dossiers relatifs à certaines périodes de l'histoire contemporaine, telles que le régime de Vichy ou la guerre froide.
Ce rapport soulignait déjà la « situation critique » des archives françaises, « en raison des retards juridiques et des faiblesses administratives qui les caractérisent aujourd'hui, ainsi que de l'insuffisance et du mauvais emploi de leurs ressources financières » ; il précisait par ailleurs : « un ensemble de réformes est indispensable pour que notre pays soit en mesure d'enrichir les archives, de les ouvrir plus et de les gérer mieux ». Le rapport formulait quarante propositions en ce sens, dont certaines sont reprises par le projet de loi. À l'instar du rapport rendu en 2005 par la mission présidée par M. Bernard Stirn sur l'organisation administrative des archives, il relevait une inadaptation des structures administratives aux besoins d'un service public moderne.
Votre projet de loi, madame la ministre, se voulait un texte d'ouverture. Le projet initial du ministère de la culture, déposé depuis deux ans, se présentait en effet comme un texte permettant aux citoyens d'accéder avec plus de facilité aux sources de leur histoire. Il était censé s'inscrire dans la suite des précédentes lois destinées à protéger le citoyen contre un certain verrouillage de l'information par l'État.
Le texte que nous examinons aujourd'hui s'avère décevant et inquiétant, en particulier après les modifications apportées par le Sénat, qui ont réduit la portée de certaines mesures. Loin d'affirmer le principe d'accessibilité aux archives, il est synonyme de régression pour notre pays, alors que la France a souvent été par le passé une nation de référence pour les politiques publiques d'archives et l'existence d'une administration scientifique, juridique et technique. Ce projet de loi aggrave les conditions actuelles d'accès aux archives et porte atteinte aux droits des citoyens.
L'ancien directeur des Archives de France, Philippe Bélaval, avait proposé, en 1998, que les archives soient « au centre de la cité ». Le projet de loi les place au-dehors, et non au service de la démocratie, eu égard à l'importance que revêtent, dans une société démocratique pluraliste, une administration publique transparente et la disponibilité immédiate d'informations sur les questions d'intérêt public.
Par une série d'amendements, la majorité du Sénat a transformé ce texte de façon significative, réduisant la portée des nouvelles mesures et allant jusqu'à durcir les modalités de mise à disposition existante en allongeant à soixante-quinze ans le délai de consultation quand la communication touche la vie privée, alors que le projet initial prévoyait de réduire à cinquante ans le délai actuel, qui est de soixante ans.
Depuis quelques semaines, la large mobilisation des historiens, relayée par le comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire, les nombreuses prises de position individuelles et collectives des chercheurs et les différents communiqués ont permis d'installer le débat dans l'espace public.
La révolte est à la mesure des attentes déçues. Je citerai comme seuls exemples les communiqués de la Ligue des droits de l'homme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ou encore la mobilisation de 500 signataires contre le « culte du secret ». Les historiens, sociologues, philosophes, généalogistes ou simples usagers, français mais aussi américains, anglais ou canadiens, qui travaillent sur l'histoire de France affirment que ce projet « renoue avec le culte du secret » en s'abritant derrière une utilisation abusive de la notion de vie privée, surtout quand il est question des agissements de fonctionnaires de l'État et « va à rencontre des recommandations du Conseil de l'Europe et des pratiques et législations en vigueur dans les grandes démocraties occidentales ».
Toutes ces restrictions à la communicabilité des archives semblent traduire une véritable défiance du Gouvernement envers les chercheurs et les historiens, qui regrettent un double langage : d'un côté, l'exhortation au devoir de mémoire et, de l'autre, une restriction significative de l'accès aux archives ayant trait à l'histoire récente, telles celles relatives à la guerre d'Algérie.
Cela est d'autant plus flagrant que ce texte va à contre-courant de la tendance actuelle en Europe. Si au Royaume-Uni, par exemple, il faut actuellement attendre trente ans, une consultation publique est en cours pour raccourcir le délai. Dans les pays de l'ex-bloc de l'Est (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), on assiste en ce moment à l'ouverture des archives de la période communiste, avec un accès dès maintenant à des documents qui n'ont pas plus de dix-huit ou vingt ans. Pourquoi la France ne s'inscrirait-elle pas, elle aussi, dans ce mouvement général de libéralisation ? Pourquoi, au moment où le Président de la République insiste avec force sur la nécessité de partager un devoir de mémoire, celui-ci devrait-il se cantonner à la glorification des pages les plus édifiantes de notre passé ?
L'article 11 du projet de loi cristallise l'essentiel de nos critiques. En totale contradiction avec les recommandations du Conseil de l'Europe sur l'accès aux documents publics du 21 février 2002, cet article crée une catégorie d'archives « incommunicables », certains fonds d'archives ne pouvant pas être divulgués. Il s'agit des archives relatives aux armes nucléaires, chimiques biologiques, et de celles traitant d'informations compromettantes pour la sécurité des personnes.
Tout d'abord, à la lecture du texte, on constate que ces cas sont déjà couverts par les articles L.213-2 3° et L.213-2 4° du code du patrimoine. De plus, la suppression de toute possibilité de communication de ces documents instaurée par les alinéas 18 et 19 du présent projet va à l'encontre de ce qui est recommandé par le rapport Braibant, c'est-à-dire fixer des délais au-delà desquels les limitations ne s'appliqueraient plus.
Qu'entend le législateur par « des archives publiques dont la communication porterait atteinte à la sécurité des personnes » ? Pourquoi ne pas avoir suivi les recommandations de Guy Braibant, afin d'éviter l'utilisation abusive de la notion de vie privée étendue aux actes commis dans l'exercice des fonctions ou sous l'uniforme ? Un délai de communicabilité de cinquante ans nous semble raisonnable au regard de l'évolution des technologies et des armes.
Surtout, ce culte du secret traduit une défiance inquiétante de la part des pouvoirs publics à l'égard des citoyens et des chercheurs, que le nouveau délai de soixante-quinze ans introduit par le Sénat ne fait que confirmer. Actuellement, le délai pour ce genre de documents est fixé à soixante ans. Or pratiquement tous les dossiers d'archives publiques, tels les rapports des préfets, contiennent des jugements de valeurs sur certaines personnes. Si l'on adoptait cette loi, il serait ainsi impossible d'étudier les sanctions prises à l'encontre de plus de 2 000 instituteurs par le régime de Vichy. Revenir sur l'extension injustifiée de ces délais par le Sénat constitue donc aujourd'hui une exigence fondamentale des citoyens.
Comme le soulignait l'archiviste Sonia Combe dans un texte publié en septembre dernier, « les lois régissant l'accès aux archives publiques constituent l'un des indicateurs les plus fiables du degré de démocratie qui règne dans un pays ».
Quant à l'historien Benjamin Stora, réputé pour ses travaux sur la guerre d'Algérie, il argue pour sa part que, sans accès aux archives de l'État et de l'armée, « le récit historique se trouve mutilé ». Pour l'universitaire, les sénateurs ont plutôt cherché à « protéger les territoires brûlants de l'histoire contemporaine ». C'est au nom de la richesse de la recherche qu'il repousse le prétexte de la protection de la vie privée : « Bien sûr, il faut aussi protéger la vie privée. Mais là, ça fait beaucoup et nous avons forcément un sentiment de fermeture d'archives. Ici, il s'agit plutôt de protéger la vie privée de certains individus. Seulement certains. »
Les dispositions extrêmement restrictives de ce nouveau texte sont empreintes de méfiance et sont inspirées par une vue largement fictive de ce qu'est la pratique des archives. Ce dont les archives françaises ont besoin, ce n'est pas d'un retour déguisé au secret d'État mais bien, sur le modèle des législations étrangères, d'une plus large ouverture, d'une plus grande confiance de la nation en ses chercheurs et en ses concitoyens.
Peut-on raisonnablement penser que la démocratie française en sortirait affaiblie ? Comme le disait François Mitterrand (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), « les archives de tous les pays, en gardant la trace des actes d'hier et leurs cheminements éclairent mais aussi commandent le présent. Ceux qui exercent une responsabilité savent bien qu'on ne définit pas des orientations dans l'ignorance du passé ».
Je m'interroge également sur la volonté exprimée par le président de la commission des lois de renvoyer à des ordonnances, hors de tout débat parlementaire, la question de l'harmonisation des textes de 1978 et 1979. Le Sénat a en effet oeuvré en ce sens à travers plusieurs amendements, mais le texte a été jugé, de l'avis général, peu satisfaisant. Si le Gouvernement a jugé bon, sous la précédente législature, d'user et d'abuser de la technique des ordonnances avec l'appui d'une majorité pour le moins complaisante (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), cette banalisation de la procédure des ordonnances fait question et dénote pour le moins un caractère inabouti du texte qui nous est présenté.
Au-delà du contenu du projet de loi, il convient d'insister sur la nécessité de renforcer la démarche de sensibilisation de l'ensemble des citoyens, notamment des responsables publics comme privés, à l'importance du rôle des archives dans notre société de la connaissance et de l'information. La source d'informations que représentent les archives est indispensable pour comprendre et analyser les phénomènes contemporains, dans tous les domaines de la connaissance.
À cet égard, il me paraît opportun de rappeler la proposition formulée par M. Guy Braibant dans son rapport, consistant à sensibiliser les futurs dirigeants des entreprises et des administrations publiques, au cours de leur formation initiale, à l'importance des archives. Comme il le souligne, « la richesse des archives d'une nation dépend très largement de l'intérêt que leur portent les dirigeants des services et des entreprises qui les produisent. Or il est frappant et inquiétant de constater que ceux-ci sont rarement intéressés par ce problème, qu'il s'agisse des responsables politiques, des hauts fonctionnaires ou des chefs d'entreprise. Souvent, ils ne songent aux archives que pour s'en débarrasser lorsqu'elles deviennent trop encombrantes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette attitude d'indifférence contraste avec l'intérêt accru pour l'histoire, la mémoire collective et les célébrations d'anniversaires. »
L'attitude, ce soir, de certains de nos collègues de droite semble constituer la preuve de leur propre indifférence à la question des archives ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Si je demande, au nom du groupe SRC, le renvoi de l'examen du projet de loi en commission, c'est que le texte qui nous est présenté est manifestement en deçà des exigences posées par les recommandations du Conseil de l'Europe sur l'accès aux documents publics du 21 février 2002 et présente de nombreux dangers quant au devoir de mémoire et aux garanties que nous devons apporter à nos concitoyens dans ce domaine.
Si ce texte devait être définitivement adopté en l'état, non seulement il entraverait le travail des chercheurs, mais il porterait atteinte au droit de tout citoyen à accéder, sous les seules réserves strictement indispensables à la préservation de l'ordre public et de la vie privée, à l'instrument de connaissance et de mémoire partagée que représentent les archives publiques dans une démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je rappelle à nos collègues de l'opposition, qui n'ont pas été d'une grande correction à l'égard de notre collègue Aurélie Filippetti (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
On peut être passionné par le sujet, mais il aurait suffit de dix minutes pour dire la même chose !
Je rappelle que le règlement de l'Assemblée nationale prévoit qu'une motion de renvoi en commission peut être défendue durant une demi-heure, et Mme Filippetti n'a pas abusé de son temps de parole.
Il était parfaitement légitime de lui donner la possibilité d'exposer, au nom de notre groupe, un certain nombre d'arguments dans ce débat, d'autant que nous avons vu nombre d'orateurs du groupe UMP s'interroger ouvertement sur le fait que ce projet de loi avait été altéré, notamment en son principe fondateur de libre communicabilité, lors de son passage au Sénat.
La présentation de deux motions de procédure a permis à notre assemblée d'approfondir ses échanges dans un domaine aux ressorts plus profonds qu'il n'y paraît de prime abord. Comme cela est bien souvent le cas lorsque le Parlement traite de sujets apparemment techniques, mais ayant trait à notre histoire collective, on voit ressurgir de vieilles passions.
C'est sans doute ce qui a conduit le Sénat à restreindre de façon aussi contestable ce projet de loi. Espérons que l'Assemblée nationale aura une vision plus ouverte.
Notre législation sur les archives n'a pas été modifiée depuis trente ans. Il s'agissait donc de prendre en compte, avec beaucoup de retard, reconnaissons-le, les préconisations du rapport Braibant, et de suivre les recommandations du Conseil de l'Europe, bref, de nous mettre à l'unisson des grands pays démocratiques, de l'Union européenne notamment.
Nous voulons allier travail de mémoire, connaissance, vérité et transparence. Pour cela, un certain nombre de conditions doivent être réunies, ce qui n'est, en l'occurrence, pas le cas dans le projet de loi tel qu'il nous est soumis. Aurore Pilippetti a donc défendu avec talent et conviction cette motion de renvoi en commission pour inviter notre assemblée à retravailler ce texte dont certains articles, après le passage au Sénat, sont d'une extrême faiblesse : je pense tout particulièrement au très controversé article 11.
De même, le culte du secret s'est insidieusement glissé dans bien des dispositions et la notion de vie privée est, dans la version qui nous est présentée, des plus extensives et des plus floues. Notre groupe souhaite donc, compte tenu de ce qui a été précisé dans la discussion générale, reprendre sereinement ce projet en commission, afin de répondre aux demandes légitimes et à la mobilisation tout à fait compréhensible des historiens, des chercheurs et des étudiants qui veulent tout simplement poursuivre leurs recherches. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous devons, à travers ce texte, réaffirmer tranquillement, et si possible collectivement, la place particulière des archives dans la construction de notre mémoire nationale.
Tel est le sens de cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je me réjouis d'entendre les propos de M. Bloche. Grâce au groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche qui va voler au secours du Gouvernement et de la majorité, nous aurons peut-être un texte amélioré, puisque amendé !
Au-delà de cette boutade, je m'étonne tout de même quelque peu de l'attitude de l'opposition. Ont en effet été défendues une exception d'irrecevabilité et une motion de renvoi en commission, comme s'il s'agissait d'un grand texte liberticide. On invoque le Conseil de l'Europe et les grands ancêtres de la Révolution, mais il faut raison garder ! Les termes de « balkanisation » et de « culte du secret » ont été utilisés comme si, aujourd'hui, nous nous apprêtions à être les fossoyeurs de deux textes qui, au contraire, garantissent l'ouverture et non le secret et permettent un accès le plus large possible à ces archives. Je m'étonne donc de ces attitudes qui s'apparentent davantage à des postures qu'à de véritables positions.
Pour autant, nous partageons certaines interrogations. J'ai exprimé, lors de mon intervention dans la discussion générale, une sensibilité aux pétitions lancées qui constituent une alerte et doivent nous conduire à rectifier un certain nombre d'éléments qui, s'agissant des durées retenues par le Sénat, ne nous paraissent pas souhaitables. La commission des lois en a tenu compte. Les propositions que nous examinerons tout à l'heure permettront, je le pense, d'avancer.
Nous pouvons donc nous entendre et travailler au-delà des clivages politiques habituels. S'il vous plaît, raison gardons parce que ce qui nous unit nous grandit. J'espère que, ce soir, nous sortirons grandis de cette histoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la motion de renvoi en commission.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 58
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 17
Contre 41
La motion de renvoi en commission est rejetée.
J'appelle en premier lieu, dans le texte du Sénat, l'article unique du projet de loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et relatif à ses archives.
Sur l'article unique, je suis d'abord saisi de l'amendement n° 1 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement tend à corriger une erreur matérielle, donc, à substituer à la référence « Art. 61 », la référence « Art. 58 ».
Favorable.
Favorable.
Je mets aux voix l'article unique, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement, n° 3 , portant article additionnel après l'article unique.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement prévoit un délai d'application de cinq mois pour les dispositions organiques relatives au Conseil constitutionnel. En effet, le régime de consultation qui sera appliqué passe, comme cela a été précisé, de soixante-cinq à vingt-cinq ans. Il convient donc de laisser un temps suffisant au Conseil constitutionnel pour s'adapter à son nouveau régime de gestion et de communication des archives.
Favorable.
Sur le titre du projet de loi organique, je suis saisi de l'amendement n° 4 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Favorable !
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)
J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi relatif aux archives.
Les articles 1er bis et 1er ter ne font l'objet d'aucun amendement.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
(Les articles 1er bis et 1er ter, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Sur l'article 1er quater, je suis saisi de l'amendement n° 1 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Cet amendement tend à réparer une omission dans l'énumération des membres du Conseil supérieur des archives en ajoutant aux personnalités qualifiées les représentants des élus du personnel.
Favorable !
Je mets aux voix l'article 1er quater, modifié par l'amendement n° 1 .
(L'article 1er quater, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 2, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 2 est adopté.)
Sur l'article 3, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Cet amendement tend à insérer après le mot « organismes », les mots : « ou aux fondations d'utilité publique ou à tous autres organismes agréés, ». En conséquence, dans la dernière phrase du même alinéa, il convient de substituer aux mots « ces administrations ou organismes », les mots : « les bénéficiaires des dérogations ainsi accordées. »
Cet amendement tend à garantir l'accès et la communicabilité des archives que les fondations d'utilité publique ont pour missions de conserver. Il est proposé en accord total avec les différentes fondations, que ce soit la Fondation Charles de Gaulle ou la Fondation François Mitterrand.
Avis défavorable.
La conservation des archives publiques relève du réseau des services publics d'archives. Cette règle ne saurait souffrir aucune exception. Il est simplement toléré que les administrations et les établissements publics, c'est-à-dire les personnes publiques, conservent leurs propres archives. En revanche, les fondations, personnes privées, n'ont pas compétence pour conserver les archives publiques, même si ce sont celles des présidents de la République. C'est pourquoi les protocoles de versement actuellement signés prévoient un versement intégral aux Archives nationales des archives produites par leurs signataires dans l'exercice de leurs fonctions. C'est d'ailleurs ce qu'a récemment fait le Président Giscard d'Estaing. Seules les archives purement privées de ces personnes peuvent donc être confiées à une fondation.
Nous prenons acte de ces éléments. Nous ne sommes toutefois pas nécessairement d'accord avec la réponse de Mme la ministre.
L'article 3 consacre le lien étroit entre l'activité de service public par les collectivités et les documents devenant des archives publiques. Il conviendra que le Conseil supérieur des archives, consulté sur la politique mise en oeuvre, soit vigilant quant aux initiatives pouvant être prises pour valoriser les archives des entreprises qui, bien que ne gérant pas un service public et ne relevant pas de cet article 3, possèdent des fonds intéressant particulièrement la politique économique, sociale et technique de la nation.
Cet amendement vise à supprimer les trois dernières phrases de l'alinéa 12 de l'article 3.
L'archive, même si on lui reconnaît trois âges, est en réalité une et indivisible. Une archive, avant d'être définitive, est courante et intermédiaire ; elle pourra donc, pendant une période donnée, être stockée, inventoriée et communiquée par une entreprise privée ce qui est particulièrement grave.
En effet bien que la loi encadre les conditions de stockage et d'accès aux archives laissées aux mains d'une entreprise privée, il n'en reste pas moins que, contrairement, aux services publics d'archives, dont la gestion repose sur l'intérêt général, la recherche de profits, fondement de la gestion « entreprenariale », aura des conséquences sur la qualité de stockage des archives. Nous ne pouvons donc laisser au privé la gestion de la mémoire de l'État.
De plus, qui peut croire qu'à l'issue de la durée d'utilité administrative, ces archives, gérées par le privé, reviendront un jour dans le giron des services publics, quand on sait que les moyens en bâtiments et en personnels ont vocation à être réduits de 20 % ?
Avis défavorable.
Le projet de loi n'instaure pas la possibilité de confier des archives publiques à des personnes privées, mais ne fait que reconnaître une pratique existante. Beaucoup d'archives publiques sont déjà confiées à des sociétés privées. Cela se fait en marge de la loi, donc sans aucun contrôle de l'administration des archives. En consacrant cette pratique et en exigeant notamment un agrément de l'entreprise, gage de sécurité, de qualité et de professionnalisme, le projet de loi l'encadre mieux. Je précise qu'il s'agit uniquement d'archives intermédiaires et non définitives.
Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer brillamment M. Le rapporteur.
Nous soutenons cet amendement. La quatrième des quarante préconisations du rapport de Guy Braibant excluait de manière précise le recours à des entreprises d'archivage pour la collecte et la conservation des archives publiques, hormis pour des prestations techniques ponctuelles. Si l'État ne se donne pas les moyens de conserver sa mémoire nationale, où va-t-on ?
Ce n'est pas en officialisant une pratique, par ailleurs déplorable, que l'on résoudra ces problèmes, mais en donnant davantage de moyens aux services d'archives.
Cet amendement de repli tend à encadrer le recours à des entreprises privées d'archivage. Dans le projet de loi, les administrations peuvent, si elles en font la déclaration, déposer tout ou partie des archives courantes et intermédiaires auprès d'entreprises privées d'archivage. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine proposent que ce dépôt soit soumis à une demande préalable auprès de l'administration des archives. Cette disposition permettrait de mener une politique nationale d'archivage plus cohérente en limitant une trop forte balkanisation – le terme est exact – des centres d'archivage.
La multiplication des lieux de stockage et de consultation rendra la tâche plus difficile pour les chercheurs et les simples utilisateurs des archives. Aujourd'hui, le système de centres nationaux, six au total avec le projet de Pierrefitte-sur-Seine, et d'archives départementales assure la cohésion d'un système efficace de stockage des archives.
Cet amendement n'interdit pas le recours à l'archivage privé, mais vise à en contrôler l'utilisation.
La commission est défavorable à cet amendement.
Un système déclaratif est plus souple qu'un système d'autorisation préalable. En outre, il est suffisant puisque le projet de loi, et vous l'avez signalé tout à l'heure, monsieur Gosnat, encadre la possibilité de confier des archives à des sociétés privées. L'entreprise doit avoir été agréée par le ministère. L'administration contrôle les conditions de conservation des archives. Les garanties prévues par le projet paraissent suffisantes.
Défavorable.
L'amendement n° 2 de la commission est rédactionnel. L'avis du Gouvernement est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 2 .
(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)
Les articles 3 bis, 4 et 4 bis ne font l'objet d'aucun amendement.
Je les mets aux voix successivement.
(Les articles 3 bis, 4 et 4 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
À l'article 4 ter, je suis saisi d'un amendement n° 3 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement tend à permettre à la commune la plus importante d'un groupement de collectivités de conserver les archives des autres communes. L'objectif est de réaliser des économies d'échelle. Cela complète la disposition très judicieuse du Sénat en matière d'archives des groupements de collectivités territoriales.
Favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 4 rectifié est de coordination.
L'avis du Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 4 ter, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 4 ter, ainsi modifié, est adopté.)
Les articles 6 et 6 bis ne font l'objet d'aucun amendement.
Je les mets aux voix successivement.
(Les articles 6 et 6 bis,successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Les articles 7, 8, 9 et 10 ne font l'objet d'aucun amendement.
Je les mets aux voix successivement.
(Les articles 7, 8, 9 et 10, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 11.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Cet article 11 va focaliser nos débats ce soir.
C'est l'un des paradoxes de ce projet de loi : les délais auraient dû être significativement et globalement diminués mais ils risquent en fait d'être allongés.
Les délais « diminués » proposés par le projet de loi initial paraissaient et paraissent, tant au plan théorique, si j'ose dire, que pratique, raisonnables. L'amendement adopté par le Sénat, en les raccourcissant, a vidé pour une large part le projet de loi de ce progrès. Le projet ainsi soumis à notre délibération tend donc en l'état plutôt vers des délais moyens de soixante-quinze ans.
À cet égard je vais formuler deux observations, l'une pragmatique et de bon sens, l'autre relative aux libertés publiques et aux droits individuels.
Dans la pratique, les services d'archives examinent de manière courante des quantités considérables de demandes de dérogation tenant compte des délais de communicabilité existants, avec un examen très attentif de tous les documents et de tout leur contenu. Il s'agit d'un principe de précaution. Ce travail occasionne parfois des semaines ou des mois d'examen à un ou plusieurs agents, pour un avis qui n'est, la plupart du temps, que consultatif. Parallèlement, l'administration productrice émet aussi un avis consultatif avant remontée à la direction des archives de France. D'après les données en ma possession, dans 99 % des cas, les avis donnés, qu'ils soient positifs ou négatifs, sont validés. Dans la quasi-totalité des cas, le document est communicable. Ainsi, si les délais doivent être réduits, ce doit être de manière significative, et il ne saurait être question de les allonger.
En ce qui concerne les libertés publiques et les droits individuels, le projet de loi devrait constituer un progrès puisqu'il renforce les droits de la collectivité sur ses propres documents, donc en permettre un meilleur accès à tous.
À cette liberté publique doit, il est vrai, correspondre le droit des individus à voir leur vie personnelle et intime préservée et leur réputation protégée. Néanmoins, là encore, il s'agit de prévenir par anticipation des situations qui restent aujourd'hui exceptionnelles et le seront certainement encore demain avec l'abaissement du délai à cinquante ans que défend le groupe SRC.
Le projet est proposé à notre assemblée avec un amendement du rapporteur ramenant ce délai à cinquante ans. Nous ne pouvons que soutenir cette initiative.
Le projet de loi que nous examinons cet après-midi suscite, vous le savez, madame la ministre, une très vive inquiétude, pour ne pas dire la colère, des historiens et des chercheurs. Il s'agit d'un projet que l'un d'eux, le professeur Duclert, a qualifié de résolument obscurantiste, d'un projet qui, s'il était adopté, viendrait paralyser la recherche historique contemporaine et restreindre de façon arbitraire le droit d'accès des citoyens aux archives publiques contemporaines.
L'article 11 est au coeur de ce dispositif, dénoncé à juste titre, avec, en particulier, quatre dispositions relatives au régime de communication.
Il y a d'abord la création d'une catégorie d'archives incommunicables, création en contradiction avec le principe même affirmé au début de l'article de la communication de plein droit des archives publiques. Elle me semble également inutile puisque les informations qui concernent la sécurité nationale ou qui peuvent compromettre la sécurité des personnes, sont déjà couvertes par des dispositions de l'article L. 213-2.
La deuxième disposition inacceptable est l'instauration d'un nouveau délai de soixante-quinze ans pendant lequel les archives ne sont pas communicables, délai ainsi allongé de quinze ans au nom d'une conception inédite de la protection de la vie privée des personnes, conception que le rapport Braibant avait d'ailleurs déjà dénoncée en son temps.
Une telle disposition, si elle était validée, aurait pour effet de remettre en cause, par exemple, les études historiques sur les années trente et sur le régime de Vichy, puisque cela reviendrait à soumettre au privilège d'une dérogation l'étude de documents aujourd'hui librement accessibles.
La troisième disposition, tout à fait inquiétante, est l'aggravation des conditions permettant aux chercheurs d'utiliser les documents obtenus par dérogation, avec la demande faite au chercheur de justifier que ses travaux ne portent pas une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Que faudrait-il entendre par une telle formule ?
Enfin, la dernière disposition dénoncée de manière quasi unanime par les associations des usagers du service public des archives nationales en particulier, est l'extension du système des protocoles en vigueur pour les chefs d'État aux ministres. Cette extension offrirait à ces derniers jusqu'à leur décès la possibilité de traiter les archives publiques produites par leurs collaborateurs et par eux-mêmes comme des archives privées.
Voilà autant de raisons qui ne peuvent, en l'état actuel des choses, qu'entraîner une opposition résolue à ce texte. Notre position ne pourrait évoluer que si, sur chacun de ces points, il y avait un retour au texte antérieur.
Cet article concentre l'essentiel des dispositions négatives, et même réactionnaires, qui remettent en cause les avancées que pouvait comporter le projet de loi du Gouvernement, même si elles étaient insuffisantes. Il est en particulier redoutable, comme je l'ai évoqué en présentant l'exception d'irrecevabilité, sur l'extension des délais de communicabilité, l'incommunicabilité de certaines archives et la dispersion des lieux d'archivage.
Nous attendons de voir quelles modifications Mme la ministre et M. le rapporteur sont prêts à proposer ou à accepter pour nous déterminer.
L'amendement n° 7 est également un amendement de précision auquel le Gouvernement est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 37 rectifié .
Cet amendement ne protège pas de manière satisfaisante le secret médical en prévoyant qu'un dossier médical tombe dans le domaine public à l'issue d'un délai de cinquante ans. Cela permettrait en effet de divulguer les informations médicales du vivant de la personne.
Le secret médical n'est pas une entrave à la recherche puisque les chercheurs peuvent toujours demander des dérogations pour accéder à ces archives.
La commission a donc repoussé cet amendement.
Défavorable. Cet amendement réduit considérablement le délai de protection du secret médical, qui est actuellement fixé à vingt-cinq ans après le décès ou cent vingt ans après la naissance. Compte tenu des intérêts en jeu, le Gouvernement est attaché à l'équilibre atteint avec le délai prévu par le projet de loi.
Nous proposons de réduire le délai de communication de ces documents pour permettre aux chercheurs de faire des études épidémiologiques ; je pense en particulier aux maladies professionnelles, qui sont insuffisamment étudiées dans notre pays. Nous aurions besoin d'avoir des enquêtes sérieuses et de nous appuyer sur des chiffres précis, ce qui n'est pas le cas actuellement. Cela me semble aller dans un sens plus protecteur pour l'ensemble de nos concitoyens.
Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 25 rectifié , 8 rectifié et 38 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. François Vannson, pour défendre l'amendement n° 25 rectifié .
Cet amendement concerne un problème que l'on a évoqué lors de la discussion générale.
La logique de base du texte est de favoriser la transparence. Le Sénat a allongé les délais de communicabilité. Or, dans l'esprit du texte initial, si l'on veut davantage de transparence, il est tout à fait logique de les diminuer.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8 rectifié .
Cet amendement revient aux dispositions initiales prévues par le projet de loi, comme cela a déjà été largement évoqué, en matière de délais de communication des documents concernant la vie privée et des documents comportant un jugement de valeur sur une personne physique. Ces documents sont actuellement soumis à un délai de communication de soixante ans, qu'il est proposé de ramener à cinquante ans.
Le délai de soixante-quinze ans proposé par le Sénat a pour effet d'allonger les délais de communication de certaines archives. Ce choix est en contradiction avec l'objet du projet de loi, qui vise au contraire à accroître la transparence. Une telle modification aboutirait à refermer des dossiers d'archives actuellement ouverts à la communication. Le présent amendement propose donc de ramener le délai de communication de ces archives à cinquante ans.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour défendre l'amendement n° 38 rectifié .
L'objectif de cet amendement est effectivement de revenir au principe initialement prévu par le texte d'un délai de cinquante ans. Nous jugeons en effet l'allongement des délais de communicabilité des documents pouvant être considérés comme relatifs à la vie privée critiquable, pour trois raisons au moins. Je les rappelle rapidement, puisque je les ai déjà évoquées.
D'abord il fait peser sur toutes les archives la possibilité d'un allongement légal en cas de présence d'éléments de vie privée, ce qui est contraire au principe même du projet, qui est de réduire les délais.
Il constitue par ailleurs une durée plus longue que celle en vigueur dans la plupart des autres grands pays européens et démocratiques. J'ai cité tout à l'heure l'exemple de l'Allemagne, où le délai normal est de vingt-cinq ans.
Enfin il existe d'ores et déjà des dispositions visant à réprimer les atteintes à la vie privée et la réputation des personnes.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous présentons cet amendement, qui ramène le délai de communication à une durée de cinquante ans.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 25 rectifié et 38 rectifié ?
Ces amendements sont satisfaits par l'amendement n° 8 de la commission, même si je veux souligner le travail excellent des auteurs de ces deux amendements.
Favorable à l'amendement de la commission.
L'amendement n° 25 rectifié est retiré.
Retirez-vous également le vôtre, madame Karamanli ?
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
En conséquence, les amendements nos 38 rectifié et 55 rectifié tombent.
J'en viens donc à l'amendement n° 9 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Cet amendement prévoit que les documents dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes qu'ils désignent ne peuvent être consultés avant l'expiration d'un délai de cent ans alors que le texte proposé par le projet de loi dispose que ces documents restent incommunicables à titre définitif. Deux domaines sont concernés : tout ce qui concerne la fabrication d'armes nucléaires et les documents relatifs aux agents des services spéciaux et de renseignement.
Nous proposons que ces documents soient communicables au bout d'un délai de cent ans.
La parole est à M. Pierre Gosnat, pour soutenir le sous-amendement n° 59 .
Monsieur le rapporteur, la série d'amendements que vous avez déposés à l'article 11 tendent à revenir sur les dispositions adoptées par le Sénat, dont beaucoup restreignent l'ouverture du texte originel.
La finalité de ce sous-amendement est de déterminer avec précision quels documents sont visés par les mots « portant atteinte à la sécurité des personnes ». Les utilisateurs des archives craignent que cette notion extensive aboutisse à la non communicabilité pendant un délai de cent ans d'un grand nombre d'archives, notamment celles concernant les périodes mouvementées de notre histoire. Si l'amendement n° 11 , deuxième rectification, de la commission revient sur l'incommunicabilité de ces documents, il laisse subsister l'imprécision de la formule « sécurité des personnes ».
C'est pourquoi ce sous-amendement fixe l'obligation d'établir par décret en Conseil d'État une liste précise des archives concernées par cette définition, afin de délimiter avec précision le champ d'application de ce régime d'exception.
L'amendement n° 11 , deuxième rectification, donne une définition plus précise des documents en cause, en indiquant qu'il s'agit des documents couverts par le secret de la défense nationale. C'était précisément le but de la rectification que d'apporter cette précision.
La commission a émis un avis favorable au sous-amendement, qui permet d'éviter que le champ des documents soumis à un délai de cent ans ne soit étendu de manière excessive.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l'amendement ?
Favorable à l'amendement du rapporteur pour les raisons qu'il a exposées, et défavorable au sous-amendement : il ne me semble pas opportun de tenter de dresser une liste des documents mettant en cause la sécurité des personnes, car il y aurait des risques d'omission. La solution retenue par la commission des lois, plus souple, laisse place à l'appréciation de l'administration, sous le contrôle du juge.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 59 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 11 , deuxième rectification.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour défendre l'amendement n° 41 .
Nous proposons de supprimer les alinéas 18 et 19 de cet article, pour les raisons décrites dans l'exposé sommaire.
En ce qui concerne les archives relatives aux armes nucléaires, chimiques ou biologiques, le délai est plutôt de cent ans révisables, alors qu'en ce qui concerne la sécurité des personnes, le délai est de cinquante ans.
Il me paraît tout à fait normal de ne pas rendre publics les modes de fabrication des armes de destruction massive. Il s'agit d'une restriction indispensable à la sécurité publique. D'où un avis défavorable.
Avis défavorable.
Le Gouvernement est sensible à la volonté d'ouverture manifestée par cet amendement, qui rejoint l'objectif principal de notre projet de loi. Toutefois, sur la question de la sécurité des personnes, le compromis trouvé par la commission des lois, c'est-à-dire cent ans, est satisfaisant. Sur celle des armes de destruction massive, le caractère incommunicable des documents est proportionné au risque que présente leur divulgation.
Je précise d'ailleurs que cela faisait partie des préconisations de Guy Braibant.
Je trouve qu'on va un peu vite sur cet amendement. Le problème est d'accepter ou non le principe d'incommunicabilité de certaines archives. Pour ma part je le juge inacceptable. Je n'ai d'ailleurs pas lu que M. Braibant le proposait.
Je ne crois pas non plus que le ministère de la défense l'ait proposé. Si j'ai bien compris, ce dernier proposait un délai de cent ans révisable. C'est le premier point : nous ne pouvons pas accepter le principe d'archives incommunicables.
En ce qui concerne le cas des armes de destruction massive, le délai de cinquante ans me paraît suffisant, compte tenu de l'évolution des technologies. Je ne suis pas convaincu que la levée de ces secrets au bout de plusieurs dizaines d'années soit de nature à mettre l'État en péril. Même dans ces matières, il faudrait nous démontrer quels secrets méritent d'être gardés pour l'éternité !
Le rapporteur a d'ailleurs très justement proposé dans un amendement un délai de cent ans en ce qui concerne les documents dont la communication risquerait de porter atteinte à la sécurité des personnes. Cela prouve bien que le principe d'archives incommunicables pose problème.
Le rapport de Guy Braibant proposait qu'un délai de cinquante ans soit retenu en ce qui concerne les documents dont la communication risquerait de porter atteinte à la sécurité des personnes ou à la sécurité nationale, et que, à l'expiration de ce délai, on examine les risques d'une consultation des documents en cause.
Le rapport évoquait un délai « indéterminé » – ce qui ne signifie pas une incommunicabilité définitive, mais qui reste à déterminer par la loi – uniquement en ce qui concerne les documents dont la communication peut porter atteinte à la sûreté nucléaire.
L'amendement n° 42 nous permet de poursuivre le même débat. Nous souhaitons en effet retravailler cet article 11, avec les députés de la majorité s'ils le veulent. Il s'agit en effet du coeur de ce projet de loi, ce qui explique que nous y consacrions un certain temps.
Comme l'ont souligné à très juste titre Christophe Caresche et Aurélie Filippetti, le fait d'inscrire dans la loi que les archives relatives aux armes nucléaires, biologiques ou chimiques ne pourront pas être consultées va à l'encontre non seulement des préconisations du rapport Braibant, mais aussi des recommandations du Conseil de l'Europe. C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 42 propose de permettre leur communication au terme d'un délai « raisonnable » de cent ans.
Vous conviendrez, chers collègues, que cela laisse du temps au temps, si je puis dire. Cela permettrait en tout cas de réaffirmer que ce projet de loi soutient avec vigueur le principe de libre communicabilité, y compris dans ce domaine sensible.
J'abonderai dans ce sens, car la question posée est bien celle de l'incommunicabilité des archives, qui est contraire aux recommandations du Conseil de l'Europe. Qui plus est, penser que la consultation des archives contribuera à la diffusion des armes de destruction massive me semble quelque peu déraisonnable et trop conjoncturel. Cette disposition est donc inacceptable.
L'amendement n° 58 , qui correspond au souhait initialement émis par le ministère de la défense, tend à ce que « les archives publiques dont la communication est susceptible d'entraîner la diffusion d'informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d'un niveau analogue » soient communicables au bout de cent ans, ce délai étant cependant révisable.
Défavorable, car une arme nucléaire sera tout aussi dangereuse en 2050 qu'aujourd'hui.
Également défavorable.
L'amendement n° 62 est un amendement de conséquence de l'amendement n° 11 rectifié et vise à supprimer l'alinéa 19 de l'article 11.
Favorable
L'amendement n° 44 vise à modifier l'alinéa 20 de l'article 11, qui pose en effet un problème récurrent dans nos débats parlementaires et pour lequel j'en appelle donc à l'esprit parlementaire de nos collègues de la majorité.
En effet, nous écrivons la loi. Or, bien souvent, des parlementaires de la majorité comme de l'opposition ont souligné que l'on écrivait mal la loi quand on ouvrait une possibilité, quand on écrivait : « peut être ». Cela est précisément le cas dans la rédaction de cet alinéa 20, qui dispose que « l'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande ». En l'espèce, bien écrire la loi consisterait à écrire que l'autorisation « est accordée aux personnes qui en font la demande ». Je souhaite donc que nous fassions collectivement cet effort de rédaction.
Cet amendement, qui prévoit que toute demande de consultation avant l'expiration des délais doit être acceptée, vide de son sens la notion de délai de communication des archives. La fixation de délais par la loi n'aurait donc aucun effet juridique.
Défavorable, pour les mêmes raisons. Je précise en outre que 98 % des demandes de dérogation sont acceptées.
Cet amendement n'aura nullement pour effet d'introduire une dérogation permanente et de droit. La fin de la première phrase de l'alinéa 20 précise en effet que la possibilité de consulter les documents est soumise à une appréciation qui tient compte des intérêts que la loi a entendu protéger.
Il s'agit donc simplement, madame la ministre, de mettre le droit en conformité avec le fait, c'est-à-dire d'inscrire dans la loi le fait que le régime de dérogation est libéral, ce qui est heureux. N'écrivons donc pas dans la loi que la dérogation « peut être » accordée. Cela ne signifie évidemment pas qu'elle serait de droit, car elle serait subordonnée aux dispositions prévues par la loi pour protéger notamment la vie privée.
Tel qu'il est rédigé, le texte de l'article 11 nous semble beaucoup trop restrictif et il donnera à l'administration une latitude bien trop grande pour accorder ou non une dérogation. L'objectif que vous affirmez avec ce projet de loi va dans le bon sens, mais, à la lecture de ses dispositions, il semble plutôt que, loin d'avoir une orientation libérale, vous refermiez plutôt les possibilités de communication, donnant finalement à l'administration une latitude bien trop grande, notamment pour ce qui concerne les dérogations. La loi devrait donner un signal indiquant une démarche libérale en matière de consultation des archives, et non pas le contraire.
Christophe Caresche ayant répondu à la commission, je souhaite pour ma part répondre au Gouvernement, même si la Mme la ministre a visiblement choisi de jouer un rôle minimaliste dans ce débat.
Il y a un certain paradoxe dans la position du Gouvernement si, comme vous l'indiquez, madame la ministre, 98 % des demandes sont accordées. En outre – je ne l'ai pas répété tout à l'heure parce que nous avons tous le texte sous la main –, ce droit est conditionnel, car la partie de l'alinéa 20 que nous ne modifions pas précise que la communication des documents n'est possible que « dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ce document ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger ».
Nous tenons certes à bien écrire la loi pour éviter des contestations ultérieures mais nous voulons aussi et surtout, puisque l'objectif de votre projet de loi est de rendre plus accessibles les archives publiques, que l'autorisation de les consulter soit un droit. Or ce droit ne peut pas être reconnu dans la formulation actuelle du texte.
L'amendement n° 44 n'est donc ni rédactionnel ni secondaire. Je ne comprends vraiment pas, chers collègues, votre refus de bien écrire la loi afin d'éviter les contestations ultérieures.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour défendre l'amendement n° 45 .
La question de la rédaction de l'alinéa 20 n'est pas seulement rédactionnelle ; c'est vraiment une question de fond.
Puisque le Gouvernement a souhaité conserver la formule : « peut être accordé aux personnes qui en font la demande », nous proposons, avec l'amendement n° 45 , de supprimer la suite de cette phrase, qui n'apporte rien de plus au sens. Nous en restons donc à l'idée que ceux qui en font la demande peuvent avoir une réponse positive.
Même avis que la commission
L'amendement n° 60 vise à supprimer, dans la première phrase de l'alinéa 20 de l'article 11, l'adjectif « excessives », trop imprécis. Il serait sage, pour la clarté du texte, de préciser les intentions du législateur, ce qui permettrait par exemple d'éviter de devoir solliciter le juge pour distinguer quelles sont les atteintes « excessives » et celles qui ne le sont pas.
Même avis.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 46 .
Avec cet amendement comme avec beaucoup d'autres, nous voulons tenter de défendre le projet du Gouvernement face aux atteintes insupportables dont il a été l'objet au Sénat. Madame le ministre, nous voulons vous aider, car le Sénat, cela a déjà été dit, a largement défiguré ce projet, dont il ne reste pas grand-chose.
Parmi les amendements présentés et adoptés au Sénat, certains concernent les minutes et les répertoires des notaires. Alors que le projet du Gouvernement n'évoquait que la protection des minutes notariales, le Sénat a ajouté celle des répertoires, avec la volonté de protéger plus largement des regards extérieurs certains éléments notariaux. La formulation proposée initialement par le Gouvernement nous paraît plus juste et il ne nous semble pas qu'il faille étendre cette protection aux répertoires.
Dans ce cas, comme pour d'autres dispositions, on constate que le Sénat, loin de vous suivre dans votre démarche d'ouverture, a eu, sur bien des plans, une démarche de fermeture. Nous espérons donc, madame la ministre, que vous défendrez votre projet de loi et nous voulons vous y aider.
Avis défavorable.
Les répertoires des notaires sont les répertoires des minutes. La notion de répertoire des officiers publics ou ministériels est sans ambiguïté. Elle correspond à une disposition légale de l'article 867 du code général des impôts, qui en définit le contenu. Il paraît donc tout à fait logique d'avoir associé ces deux types de documents et de les soumettre au même régime de communication.
Défavorable, car il nous semble souhaitable de conserver l'expression traditionnellement usitée de « minutes et répertoire des notaires » afin d'éviter toute interprétation de la loi qui laisserait penser qu'elle entendait modifier le périmètre des documents concernés par le délai applicable à l'activité des officiers ministériels.
Madame la ministre, je souhaite une précision concernant la fin de l'alinéa 20.
En effet, si le texte donne à l'administration la possibilité d'accorder des autorisations, il précise également, à la fin de cet alinéa, que ces autorisations sont accordées « sous réserve, en ce qui concerne les minutes et le répertoire des notaires, des dispositions de l'article 23 de loi du 25 ventôse an XI ». Or cette loi est celle qui consacre le secret professionnel des notaires. Il y a donc là une contradiction. : d'un côté, le secret professionnel interdit de communiquer ces minutes et répertoires et, de l'autre côté, on dit à l'administration qu'elle peut éventuellement accorder l'autorisation de les communiquer. Une précision serait donc utile.
Vous allez déjà avoir l'opinion d'un notaire : la parole est à M. Sébastien Huyghe. (Sourires.)
Permettez-moi d'apporter une précision : si on interdit l'accès aux minutes, il faut interdire l'accès au répertoire, car celui-ci reprend les éléments essentiels de l'acte. Dès lors donc qu'on interdit l'accès aux minutes au motif qu'elles contiendraient des éléments confidentiels relatifs à la famille concernée, il n'y a pas de raison d'autoriser l'accès à ces informations par le biais du répertoire. C'est une question de logique.
, rapporteur. Je précise que la loi du 25 ventôse an XI prévoit une procédure spécifique pour les notaires, lesquels agissent sur ordonnance du tribunal de grande instance.
Les notaires sont très protégés ! Voilà une profession qui s'organise très bien ! (Sourires.)
L'amendement vise, après l'alinéa 20, à insérer l'alinéa suivant :
« Le temps de réponse à une demande de dérogation ne peut excéder deux mois à compter de l'enregistrement de la demande. ».
Certes, 95 % des demandes de dérogation aux régimes d'exception reçoivent une réponse favorable, cependant nous savons que les délais de réponse sont quelquefois longs et handicapent les chercheurs. L'amendement a donc pour finalité de faciliter leur travail.
La commission a émis un avis favorable. Il paraît légitime de prévoir que les demandes de dérogation doivent recevoir une réponse dans un délai raisonnable. Toutefois je préférerais l'emploi de l'expression « demandes de consultation », le terme « dérogation » ne figurant pas actuellement dans le projet de loi.
Monsieur Gosnat, acceptez-vous la demande de rectification proposée par M. le rapporteur ?
L'amendement n° 61 est ainsi rectifié : le mot : « dérogation » est remplacé par le mot : « consultation ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Le délai de deux mois est déjà actuellement respecté en pratique. Rajouter dans le texte un délai spécial de réponse identique au délai de droit commun serait inutile et ne contribuerait pas à la clarté du droit. Cependant le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Je mets aux voix l'amendement n° 61 , tel qu'il vient d'être rectifié.
(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
C'est le premier amendement de l'opposition qui est voté ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cet amendement est dans le droit fil de la loi du 23 juin 2006 réformant les successions et les libéralités, qui a précisé les conditions d'exercice de la profession de généalogiste.
Aujourd'hui, les généalogistes ont accès par dérogation à des documents qui leur permettent de retrouver les héritiers. Ma crainte est que, à la suite du texte que nous allons voter, cette dérogation n'existe plus. Je vous propose donc par cet amendement de la maintenir, dans les conditions fixées par la loi du 23 juin 2006, afin que les généalogistes professionnels aient accès aux documents leur permettant d'exercer leur mission et de retrouver plus facilement les héritiers.
Vous savez que, en raison de la dispersion des familles, certains sont difficiles à découvrir. Facilitons donc la tâche aux généalogistes. Cela permettra de régler plus rapidement les successions, et aux héritiers de bénéficier plus rapidement des sommes qui leur sont dues, donc de consommer ; cela facilitera l'augmentation du pouvoir d'achat en incitant à la consommation !
Les généalogistes bénéficient déjà du régime de droit commun pour l'accès aux dérogations. Nous pensons donc que leur conférer un régime beaucoup plus favorable qu'à tous les autres citoyens serait anormal. C'est pourquoi nous avons repoussé cet amendement.
Même avis parce que les généalogistes peuvent bénéficier du raccourcissement des délais que prévoit le présent projet de loi. De plus, je rappelle que 98 % des demandes de dérogation sont accordées, y compris bien sûr aux généalogistes.
Monsieur Huyghe, il est dommage que vous n'ayez pas rejoint nos préoccupations concernant les chercheurs.
Pourquoi voulez-vous limiter aux généalogistes professionnels une dérogation qui devrait s'appliquer à l'ensemble de la communauté scientifique ? Si vous nous aviez rejoints sur la défense des chercheurs, nous aurions pu vous rejoindre sur les généalogistes. (Mouvements divers.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour défendre l'amendement n° 47 .
Nous proposons de supprimer la dernière phrase de l'alinéa 22 car il ne semble pas utile d'élargir le système du protocole aux archives produites par les collaborateurs personnels du Président de la République, du Premier ministre ou des ministres. De ce fait, elles seraient considérées comme des archives privées jusqu'à leur décès.
Le projet de loi prévoit, par dérogation, que les documents d'archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement puissent faire l'objet d'un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé pendant la durée des délais prévus à l'article L. 213-2 du code du patrimoine. Cependant, si le principe de la légalisation du protocole peut s'entendre, sa généralisation aux documents d'archives publiques émanant des ministres et de leurs collaborateurs à des organismes privés, fussent-ils d'utilité publique, pose question. Faut-il étendre à d'autres ce qui ne s'appliquait jusqu'ici qu'au seul Président de la République ?
Enfin, faut-il considérer que l'insuffisance de conscience civique ou certains atermoiements des serviteurs de l'État justifie qu'on généralise une dérogation ? Nous constatons de plus en plus que les collaborateurs politiques, parfois de hauts fonctionnaires, sans respect d'aucun délai ni souci de partage avec des chercheurs, utilisent des informations qu'ils ont recueillies au cours de leur mission – enregistrements de conversations, notes d'information exclusive – comme vecteurs de leurs succès de librairie. À l'instar de la majorité des chercheurs et des usagers, nous ne sommes pas favorables à l'extension des dérogations prévues.
Avis défavorable.
Les collaborateurs personnels du Président de la République, du Premier ministre et des ministres sont déjà concernés par les protocoles de versement d'archives. C'est là une solution logique car les archives des ministres et celles de leur cabinet forment à notre sens un tout indissociable.
Même avis.
Indépendamment des arguments de fond excellemment présentés par Mme Karamanli, je me permets, monsieur le rapporteur, vous qui avez travaillé sérieusement sur ce projet de loi, de vous interpeller au nom de mon groupe : peut-on ainsi écrire la loi ? Je cite la phrase que nous voulons supprimer : « Les stipulations de ce protocole peuvent également s'appliquer aux documents d'archives publiques émanant des collaborateurs personnels de l'autorité signataire. » Nous retrouvons à nouveau l'emploi du terme « peuvent ». Il faut que la loi soit claire : soit une disposition s'applique, soit elle ne s'applique pas, mais l'idée que cela « puisse » s'appliquer est à notre avis une mauvaise façon d'écrire la loi.
De même, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que signifie la notion de « collaborateurs personnels » des ministres ou du Président de la République ? Prenons un exemple concret : M. Guéant, secrétaire général de l'Élysée, est-il un collaborateur personnel du Président de la République, ou est-ce que ses fonctions l'amènent à exercer une responsabilité qui ne le fait pas rentrer dans cette catégorie ?
La notion de « collaborateurs personnels de l'autorité signataire » n'est pas précisée. On comprendra qu'un directeur ou un chef de cabinet, un conseiller technique ou un chargé de mission, donc celui qui apparaît directement comme étant membre du cabinet du ministre, soit considéré comme un collaborateur personnel de l'autorité signataire, mais qu'en est-il pour l'exemple que j'ai cité ?
Il y a là une imprécision de la loi qui, outre les raisons avancées par Mme Karamanli, devrait amener notre assemblée à supprimer cette phrase qui ne se justifie pas.
Je mets aux voix l'article 11, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 11 bis ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 11 bis est adopté.)
Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)
Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement n° 15 .
(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 14 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 14 est adopté.)
Sur l'article 15, je suis saisi d'un amendement n° 16 rectifié , de la commission. Il est de coordination.
L'avis du Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 15, modifié par l'amendement n° 16 rectifié .
(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 17 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 17 est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 18 A.
L'amendement n° 17 de la commission est rédactionnel et l'avis du Gouvernement est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour défendre l'amendement n° 51 .
Cet amendement propose de compléter le dernier alinéa de l'article L. 2312-1 du code de la défense par une phrase ainsi rédigée : « , ou par un organisme de recherche, s'agissant de documents classifiés depuis plus de cinquante ans visés au premier alinéa du 3° de l'article L. 231-2 du code du patrimoine. »
En effet, par dérogation au droit commun, certaines archives des services de l'État restent inaccessibles en raison de leur objet. Il s'agit des documents qui traitent de certaines questions relatives aux recherches et expérimentations des services du ministère de la défense ou qui intéressent la sûreté du territoire.
Il n'est pas souhaitable de remettre en cause ce principe dérogatoire. Toutefois, force est de constater qu'au fil du temps, la notion de secret d'État a connu une certaine extension. Une lecture restrictive des conditions d'accès à certaines archives, même cinquante ans après la fermeture des dossiers d'archives, gêne considérablement les travaux des chercheurs.
L'adoption de l'amendement permettrait de concilier au mieux les justes aspirations des chercheurs et la nécessaire protection de certains documents sensibles même au-delà de la limite des cinquante ans.
Aujourd'hui, la déclassification du secret défense intervient dans le cadre d'une procédure judiciaire. En créant une voie parallèle de saisine de la commission consultative du secret de la défense nationale, on complexifierait le système. En outre, la notion d'« organisme de recherche » est imprécise. La commission a donc émis un avis défavorable.
Même avis que la commission.
Sur l'article 18 A, je suis saisi d'un amendement n° 31 tendant à supprimer l'article.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Le Sénat a souhaité créer un dispositif de réduction d'impôt en faveur des propriétaires d'archives privées classées, qui serait complémentaire de celui mis en place par la loi de finances rectificative pour 2007 dans le cas des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques. Un même contribuable pourrait cumuler le bénéfice de ces deux dispositifs.
Or la différence entre le dispositif proposé par le Sénat et celui qui a été adopté en loi de finances rectificative est que le premier prend en compte, en sus des travaux de conservation et de restauration, les travaux de réalisation d'inventaire des archives, c'est-à-dire, pour l'essentiel, des dépenses liées à la rémunération du personnel chargé de cet inventaire, alors que l'utilité et l'efficacité de cette extension n'ont pu être préalablement démontrées. La simple mention d'une condition visant à faciliter la consultation des archives ainsi restaurées ou inventoriées ne paraît pas suffisante pour justifier l'octroi d'un avantage fiscal pouvant atteindre 5 000 euros par contribuable et par an.
Par ailleurs, la mesure proposée n'est pas conforme aux principes fixés par le conseil de la modernisation des politiques publiques. En effet, afin de limiter les dépenses fiscales aux seules dispositions réellement nécessaires, le CMPP a fixé le 12 décembre dernier un certain nombre de prescriptions, parmi lesquelles la réalisation d'une étude d'impact préalable comportant notamment une comparaison des outils fiscaux et budgétaires ce qui n'est pas le cas dans cet article.
La commission a repoussé cet amendement. Nous souhaitons conserver le système de déduction fiscale créé par le Sénat pour les travaux de restauration d'archives privées classées : il ne représente pas des sommes extraordinaires et permettrait de restaurer des archives privées souvent détériorées ou mal inventoriées. Les restaurations seraient effectuées sous le contrôle scientifique, historique et intellectuel des archives de France. Un tel système existe en Espagne et dans d'autres pays européens. Le promouvoir nous permettrait de rattraper notre retard ; je pense qu'il faut maintenir cette disposition.
Nous examinons un projet de loi sur les archives dont, dans l'ensemble, nous partageons les objectifs, même si l'opposition a voulu réécrire un texte qu'elle jugeait peut-être contraire aux objectifs annoncés. Puis, tout à coup, au cours de la discussion, on s'aperçoit que le Sénat a fait voter des dispositions fiscales avantageuses.
À ce propos, je veux soutenir Mme la ministre et le Gouvernement.
S'agissant de la méthode, si à chaque texte examiné dans cet hémicycle, chacun se met à déposer un amendement créant un avantage fiscal, comment va-t-on s'y retrouver dans le budget de l'État ?
Deuxième interrogation : le rapporteur qui défend une position contraire à celle du Gouvernement peut-il nous préciser le montant du manque à gagner pour l'État ? La commission des finances de notre assemblée a-t-elle été saisie d'un tel amendement ?
Au cours de la discussion, notamment en raison des amendements de l'opposition, un travail rédactionnel très précis nous a parfois conduits aux frontières du législatif et du réglementaire et, tout à coup, arrive une mesure fiscale incitative !
Monsieur le rapporteur, je propose que les amendements sur des réductions d'impôt visant à encourager ce genre d'initiatives soient déposés à l'occasion de la discussion du budget du ministère de la culture et de la communication, à l'automne prochain. Je considère que Mme la ministre a tout à fait raison de déposer cet amendement. C'est une question de principe ! Je suis désolé d'être en désaccord avec le rapporteur.
Cette déduction existe pour les objets mobiliers ; son extension aux archives privées classées constituerait une simple harmonisation. Les deux domaines bénéficieraient du même régime d'incitation fiscale.
L'article 18 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.
(L'article 18 est adopté.)
Après l'article 18, je suis saisi de l'amendement n° 33 .
La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.
Cet amendement traduit une interrogation des établissements de santé qui, comme vous le savez, rencontrent des difficultés liées à l'archivage des dossiers des patients.
Le décret du 6 janvier 2006, pris en Conseil d'État en application d'une loi du 4 mars 2002, limite au dossier électronique la possibilité d'héberger les informations médicales auprès d'un tiers. Or l'article 3 du présent projet de loi, en son alinéa 13, est relatif à l'hébergement des données de santé à caractère personnel sur support informatique et il n'apporte aucune modification sur ce point. Les établissements de santé s'exposeraient à des sanctions pénales s'ils confiaient l'archivage des dossiers papier à un tiers. Il me semble donc qu'il serait utile d'ouvrir cette possibilité pour protéger les établissements et les données de santé.
Cet amendement reflète les craintes des établissements que le rapporteur pourra peut-être apaiser grâce à des éléments de réponse dont je ne disposerais pas. Il s'agit d'un point très concret de l'application de ce projet de loi.
La commission a repoussé cet amendement pour deux raisons techniques.
D'une part, la précision ajoutée paraissait inutile puisque la loi ne prévoit pas que seules les données médicales sur support informatique puissent être confiées aux tiers. Ni la loi ni le décret n'ont prévu une telle limitation qui résulte d'une seule circulaire ministérielle.
D'autre part, cet amendement ne garantit pas suffisamment la sécurité et le contrôle de l'accès des documents médicaux confiés à des tiers. Ces garanties sont indispensables compte tenu du caractère sensible des données médicales. Au cours d'un accident récent, un hangar rempli d'archives d'hôpitaux a brûlé ; il ne faudrait pas que cela se reproduise.
Sur l'article 19, je suis d'abord saisi de l'amendement n° 19 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Dans un souci de simplification, cet amendement prévoit que les décisions sur les demandes de dérogation pour consulter des données recueillies au cours d'enquêtes statistiques seront prises par l'administration des archives, sur avis du comité du secret statistique au sein duquel siège un représentant de l'INSEE. Actuellement, ces demandes de dérogation doivent faire l'objet d'une décision conjointe de l'INSEE et de l'administration des archives.
Favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 18 est également de coordination et l'avis du Gouvernement est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Cet amendement supprime des dispositions d'ordre réglementaire de la loi du 7 juin 1951, qui indiquent que la décision de transmettre une demande de consultation au comité du secret statistique est signée par le ministre chargé de l'économie, le ministre chargé de la recherche et le ou les ministres dont relève l'administration ou la personne morale qui a collecté les données transmises.
Favorable.
Je mets aux voix l'article 19, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)
Les articles 20, 21 et 22 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je les mets successivement aux voix.
(Les articles 20, 21 22, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Cet amendement propose une substitution de mots pour revenir à des définitions concordantes dans les deux lois : « matériel, les documents produits ou reçus » devient « les documents élaborés ou détenus » ce qui est aujourd'hui préconisé par la CADA.
Favorable.
Je mets aux voix l'article 23, modifié par l'amendement n° 20 .
(L'article 23, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 24 , je suis saisi de l'amendement n° 48 .
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.
Il s'agit de revenir sur une disposition introduite par le Sénat, toujours très prompt à défendre le régime de séparation des pouvoirs et, en l'occurrence, un système spécifique de conservation des archives pour les assemblées parlementaires.
On peut le comprendre d'un point de vue général. Cependant, l'amendement sénatorial revient à soustraire toute une série de documents, notamment ceux qui sont liés aux commissions d'enquêtes parlementaires, au champ d'application de la loi du 17 juillet 1978. La CADA fait remarquer que la rédaction de cette loi ne pose aucun problème, alors que la modification introduite au Sénat complexifie très fortement la communication des documents administratifs transmis aux assemblées parlementaires dans le cadre de commissions d'enquête. Effectivement, lors des commissions d'enquête, les services de l'État sont souvent interrogés et ils transmettent des documents à l'Assemblée nationale ou au Sénat.
L'article 24 fait sortir ces documents du champ d'application de la loi de 1978 ; je crois vraiment que sa suppression s'impose et qu'il faut en revenir au droit commun pour l'ensemble de ces documents.
Avis défavorable.
Le problème ne nous a cependant pas échappé puisque nous sommes revenus à la notion de documents « détenus » et non pas « reçus ». En supprimant la fin de cet article, on contrevient au principe de l'autonomie des archives des assemblées parlementaires dont la spécificité est reconnue. Depuis 2000, la CADA a pris l'habitude de communiquer certains documents sur la base d'une jurisprudence. Cependant, il subsistait un vide juridique qui va être comblé par cet article : il sera possible de communiquer l'ensemble des documents, sauf ceux des assemblées parlementaires.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée, comme pour tout ce qui touche à l'autonomie des assemblées parlementaires.
Comme Christophe Caresche l'a expliqué, il ne s'agit pas de séparation des pouvoirs ou de l'autonomie de gestion des assemblées parlementaires en matière d'archives. L'amendement que nous proposons vise explicitement des documents « produits ou reçus ». C'est le terme « reçus » qui nous pose problème.
À partir du moment où des documents seraient communiqués à l'Assemblée nationale ou au Sénat – dans notre exposé sommaire nous visons les commissions d'enquête – ils deviendraient intouchables et soumis à un régime particulier. Tout cela n'a pas grand sens. À mon avis, le Sénat – à l'origine de cet amendement – prend des précautions bien inutiles. De ce fait, il conduit nos assemblées à voter un principe de libre communicabilité, tout en limitant l'accès à un certain nombre de documents que nous recevons. Nous aurions pu lever cette contradiction sans difficulté.
Je mets aux voix l'article 24, modifié par l'amendement n° 21 .
(L'article 24, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 25, je suis d'abord saisi d'un amendement n° 49 .
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le soutenir.
Avec cet article 25, le projet de loi subit une double évolution. En modifiant l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents administratifs, il redéfinit ce qu'est la vie privée, puisqu'il inclut désormais les documents comportant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne. Selon nous, il convient de revenir à une définition plus classique et aussi plus large de la vie privée, à savoir la vie personnelle et familiale et, d'une manière générale, les faits et comportements d'ordre privé. Je fais référence à l'article 7, alinéa 4, de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives.
De plus, cet article aligne complètement la définition des documents administratifs non communicables sur le régime des archives publiques soumises à un délai de communication. Or cette harmonisation complète pose plusieurs problèmes : d'une part, elle aboutit à supprimer l'absence de communicabilité de certains documents couverts par des secrets protégés par la loi ; d'autre part, la création de renvois au code du patrimoine rend, du fait de définitions croisées, la loi du 17 juillet 1978 moins intelligible.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 25, et préconisons une définition plus cohérente de la vie privée.
Défavorable, même si l'on peut partager certaines des réserves exprimées quant à la rédaction de l'article 25, notamment les risques de confusion pour la lecture de la loi de 1978.
Toutefois, plutôt que de supprimer l'article, la commission des lois a proposé, avec l'amendement n° 22 , de ne supprimer que les dispositions susceptibles de poser problème, tout en conservant les mesures d'harmonisation purement rédactionnelles. Pour viser les mêmes types de documents, la loi de 1978 fait référence au « secret de la vie privée », alors que la loi relative aux archives évoque la « protection de la vie privée ». L'article 25 du texte permettra d'harmoniser et de clarifier le droit en ne retenant que cette dernière formule.
L'amendement n° 22 de la commission, madame Karamanli, répond donc selon moi à votre préoccupation.
Même avis que la commission.
L'amendement n° 22 de la commission a été défendu. L'avis du Gouvernement est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Sur l'article 26, je suis saisi de l'amendement n° 23 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement concerne la réduction du champ des exceptions à la compétence de la CADA aux documents administratifs : il prévoit que cette dernière n'est pas compétente pour traiter des demandes de communication des documents parlementaires.
Sagesse !
Je mets aux voix l'article 26, modifié par l'amendement n° 23 .
(L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 27 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 27 est adopté.)
Sur l'article 28, je suis saisi d'un amendement n° 24 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
L'amendement propose de modifier les conditions d'application du code pénal dans les collectivités d'outre-mer et à Mayotte, par coordination avec les modifications apportées à ce code.
Favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 28, modifié par l'amendement n° 24 rectifié .
(L'article 28, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l'article 28.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 32 .
La commission des lois du Sénat avait estimé « nécessaire d'engager dans les plus brefs délais une réforme encore plus ambitieuse consistant en la réécriture complète de la loi du 17 juillet 1978 afin de clarifier les régimes d'accès aux documents administratifs et archives publiques ».
Afin de mettre en oeuvre dans les meilleurs délais le souci de clarification du droit exprimé par le Parlement, l'amendement propose d'habiliter le Gouvernement à modifier et à compléter, par ordonnance, l'ensemble des dispositions législatives portant sur l'accès aux documents administratifs, aux archives ou à des données publiques en vue d'harmoniser les règles qui leur sont applicables.
Très favorable : cet amendement permettra de mettre fin aux difficultés d'articulation entre la loi de 1979, relative aux archives, et celle de 1978, qui a trait aux documents administratifs.
J'alerte notre assemblée sur le fait qu'au détour d'un amendement, nous nous apprêtons à habiliter le Gouvernement à modifier et à compléter, par voie d'ordonnances, l'ensemble des dispositions législatives portant sur l'accès aux documents administratifs, aux archives ou à des données publiques en vue d'harmoniser les règles qui leur sont applicables.
Franchement, il n'est pas très normal de proposer cela à l'heure qu'il est, et à la toute fin de nos débats (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Certes, il y a un souci d'harmonisation, mais habiliter le Gouvernement à faire par voie d'ordonnances ce qui relève du travail législatif n'est pas sérieux.
Comment avez-vous pu déposer un tel amendement, madame la ministre ? Nous n'entendons pas crier haro sur les ordonnances, mais de grâce, que notre droit fondamental d'écrire la loi ne soit pas ainsi escamoté ! (« Pantalonnade ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je n'ai pas les textes en tête, mais il me paraît curieux de proposer un amendement sur un tel sujet.
Si je ne m'abuse, l'habilitation que vous proposez, madame la ministre, nécessite un projet de loi : je ne crois pas que le présent amendement y suffise. Il faut normalement, me semble-t-il, un projet de loi – dit, justement, d'habilitation – pour autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance, lequel projet précise le champ et les délais. Sur le seul plan juridique, l'amendement ne me paraît donc pas pertinent.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, brièvement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le sujet est d'importance.
Au détour d'un amendement, le Gouvernement veut nous imposer la voie des ordonnances. Je l'avais déjà dénoncé en défendant la motion de renvoi en commission. Une telle manoeuvre relève du coup de force et, qui plus est, dénote le caractère inabouti du texte.
Sans porter d'appréciation sur le fond, je précise qu'il est juridiquement possible de demander le recours à légiférer par ordonnances dans un projet de loi, dès lors que cette demande émane du Gouvernement : cela s'est déjà produit.
Peut-être que Mme la ministre pourrait nous répondre ?
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 50 .
Lors de votre audition en commission, madame la ministre, Mme Karamanli vous avait interrogée au sujet de la conservation des archives sur des supports numériques. Vous lui aviez répondu que ces archives étaient périodiquement transférées sur des supports durables.
L'amendement vise à appeler l'attention de l'Assemblée sur un grave problème, celui de la perte de la mémoire collective. Les nouvelles technologies rendent en effet progressivement obsolètes un certain nombre de logiciels et de matériels informatiques utilisés par l'administration, notamment fiscale, pour stocker des documents appartenant au patrimoine national. À cause de cette obsolescence, Bercy a ainsi perdu tous les fichiers relatifs, par exemple, à l'impôt sur les grandes fortunes dans les années quatre-vingt : on ne peut plus les retrouver, car nous n'avons plus les logiciels pour lire les documents correspondants. C'est un exemple parmi d'autres, qui illustre le problème de la conservation de fichiers archivés sur des supports périodiquement mis à jour.
C'est pourquoi nous proposons que le Gouvernement présente un rapport au Parlement au sujet de la conservation et du transfert régulier des archives publiques sur des supports réellement durables, c'est-à-dire lisibles à un instant T par des logiciels informatiques mis à jour. Il convient aussi de préciser le coût de gestion induit pour l'État et les collectivités locales de ces mesures de conservation.
La commission a repoussé cet amendement : lors des auditions, il nous a été indiqué que la conservation des données numériques sur des supports durables était déjà faite de manière systématique. Il n'est donc pas apparu utile de demander un rapport sur ce point.
Le transfert et la conservation des archives publiques sur des supports électroniques pérennes sont en effet des priorités du Gouvernement depuis des années.
Le plan de numérisation du patrimoine culturel mené par mon ministère favorise, grâce à des aides, les actions des collectivités territoriales en la matière. Quant à l'archivage électronique, c'est une priorité qui s'inscrit dans le cadre de l'« e-administration », et qui a été confirmée dans le récent audit de 2007 relatif à l'archivage dans les ministères. Sur ces deux points, la direction des archives de France élabore et diffuse normes, guides, circulaires, recommandations et bulletins d'informations.
Il n'apparaît donc pas indispensable de présenter un rapport annuel au Parlement sur ce thème. Toutefois, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Quelques mots pour conclure ce long débat.
Le texte initialement présenté par le Gouvernement avait été sérieusement égratigné au Sénat. Nous pouvions donc espérer que nos débats rectifient un peu les choses. De fait, il y a eu un véritable retour en arrière sur la question des archives nationales : c'est à juste titre que les chercheurs et les différents usagers se sont mobilisés.
Nous attendions cette discussion pour juger des propositions qui viseraient à revenir à l'esprit du texte initial. La commission des lois de l'Assemblée a ainsi pris en compte certaines remarques, notamment en ce qui concerne les délais de communicabilité, mais nous sommes très loin du compte. Seulement deux amendements de l'opposition ont été votés : c'est bien maigre dans un débat démocratique. En outre, le Gouvernement a fait adopter, à la toute fin du débat, un amendement qui me semble en totale contradiction avec le travail du Parlement, et certainement à la limite de la légalité.
C'est pourquoi notre groupe votera contre le texte. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Comment ne pas ressentir une déception à l'issue de ce débat ? Lors de la discussion générale, Mme la ministre, M. le rapporteur et plusieurs collègues de la majorité ont relevé, comme les députés de l'opposition, combien les objectifs initiaux du texte avaient été dénaturés et combien son équilibre avait été bouleversé par le passage au Sénat. Je vous le dis sans naïveté : nous attendions donc beaucoup de ce débat.
La mémoire nationale appartient à nous tous, quelles que soient nos convictions et nos places dans cet hémicycle : nous aurions donc pu dépasser nos clivages pour réécrire utilement le texte et préserver son objectif essentiel, à savoir le principe de la libre communicabilité des archives.
J'ai parlé de déception, parce que nous n'avons pas légiféré sur la question des archives depuis trente ans. S'il est toujours d'actualité, le rapport Braibant a été remis il y a plus de dix ans. Aujourd'hui, nous avons à l'esprit les recommandations du Conseil de l'Europe et nous ne voulons pas que, dans ce domaine, la France soit la lanterne rouge de l'Union européenne.
À cet égard, ce débat est une occasion ratée. Comme l'a rappelé notre collègue Gosselin, seuls deux de nos amendements, au demeurant très secondaires, ont été adoptés par notre assemblée. Je pense que si nous avions été collectivement plus déterminés, nous aurions pu supprimer certaines restrictions, notamment en matière de délais, et apporter quelques précisions utiles au projet de loi.
Nous partageons tous, je crois, l'objectif d'une plus grande transparence, et nous souhaitons établir la vérité sur un certain nombre de faits historiques : seul l'accès aux archives nous le permettra.
Il s'agit des connaissances et du travail de mémoire. Si, dans un tel domaine, nous avions pu parvenir à un texte plus consensuel, nous aurions pris en compte les demandes que nous ont adressées avec beaucoup de conviction les historiens, les chercheurs, les universitaires et les étudiants. Ils ne pourront qu'être déçus du résultat que nous avons obtenu ce soir.
S'agissant de l'article 11, qui aurait dû faire d'objet d'une réécriture en profondeur, la majorité aurait montré son esprit d'ouverture en accueillant plus généreusement, si j'ose dire, nos amendements.
Pour toutes ces raisons et parce que nous sommes attachés au principe de la libre communicabilité des archives – qui reste altéré – et parce que la place particulière des archives dans notre mémoire nationale n'a pas été réaffirmée ce soir, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, tout en le regrettant, votera contre ce projet de loi, faisant là oeuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Naturellement, je ne partage pas ce sentiment d'échec. Ce texte a été amendé et bonifié…
…et certains délais ont été modifiés.
Convenons-en, il va améliorer considérablement l'accessibilité des archives. Certains déplorent qu'il n'aille pas assez loin, mais, par rapport à la situation actuelle, il représente une réelle avancée.
Je me réjouis également du renforcement de la protection des archives. L'amendement soutenu par Mme Filippetti, que nous avons voté, traduit bien notre volonté d'une protection durable.
La commission des lois a accompli un excellent travail en proposant de modifier un certain nombre de délais, ce qui, je l'espère, devrait satisfaire nos collègues du Sénat. Ce texte pourra peut-être encore évoluer lors de son examen par la Haute assemblée en deuxième lecture, mais il nous permettra en tout état de cause de mieux nous approprier notre patrimoine, qui est un bien collectif, et il réaffirme la libre communicabilité et le principe de gratuité des archives. Nous devons nous en réjouir, et oublier certains termes qui ont été utilisés au cours de ce débat, tels que « loi liberticide » !
Il s'agit d'un texte raisonnable, capable de satisfaire nos concitoyens. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 45
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 30
Contre 15
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le trafic des produits dopants.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma