Aujourd'hui des millions de Français se passionnent pour la généalogie.
Bien sûr, je sais que vos archivistes, madame la ministre, ne voient pas toujours d'un très bon oeil ces « nouveaux chercheurs », néophytes exigeants, qui semblent parfois encombrer les salles de travail des centres d'archives. Souvent animés d'une passion dévorante, ils ont, envers l'histoire, l'ardeur des nouveaux convertis. Toutefois soyons indulgents, car, en recherchant les origines de leurs propres familles, ils accèdent souvent, sans parti pris et dans un esprit objectif, à la connaissance de notre histoire collective, ce qui n'est pas neutre pour le renforcement de la cohésion sociale.
Votre projet, madame la ministre, aurait dû faire l'unanimité. L'ouverture d'esprit dont vous avez fait preuve en matière de délais de communication au public allait en effet dans le sens du progrès et de l'esprit de réforme que j'ai salué précédemment. Malheureusement, pour des raisons restées parfois obscures, nos collègues du Sénat en ont jugé autrement sur certains points particulièrement significatifs.
Bien entendu, je parle non pas des améliorations qu'ils ont apportées en ce qui concerne l'autonomie des assemblées parlementaires dans la gestion de leurs archives, l'alignement entre les collectivités territoriales et leurs groupements ou l'harmonisation avec les documents administratifs et les statistiques, mais des problèmes posés par la réécriture de l'article 11 du projet de loi.
Vous aviez, madame la ministre, conservé le délai de cent ans dans un cas, celui de la communication des registres des naissances de l'État civil, maintenu l'absence de délai spécifique pour certains documents et réduit les délais actuels de communication pour tous les autres. Vous proposiez ainsi une véritable réforme, de réelle ampleur, conforme aux voeux de la population, notamment de tous les chercheurs qui s'intéressent à l'histoire collective.
Le Sénat n'a pas du tout partagé votre approche. Dans un cas – un seul –, il s'est montré plus libéral que vous, en ramenant à soixante-quinze ans le délai de communication des registres de naissance de l'État civil, que vous proposiez de maintenir à cent ans. La mansuétude de nos collègues sénateurs répond à un voeu ardent des généalogistes ; il faut donc conserver cette modification.
En revanche, sur nombre d'autres dispositions, le Sénat est revenu en arrière, en rétablissant le délai initial alors que vous vouliez le réduire – par exemple, pour les questionnaires de recensement de la population – ou en introduisant, pour certains cas, un délai intermédiaire. Peut-être s'agissait-il, pour nos collègues, de « couper la poire en deux », mais une telle mesure est intellectuellement en porte-à-faux avec l'évolution des esprits constatée depuis trente ans, qui vous avait conduite à proposer de nouveaux délais plus réalistes. En effet, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis trente ans : l'évocation, ces dernières années, de faits hautement sensibles a modifié le besoin d'accéder aux archives.