La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de Mme Marie-Louise Fort et plusieurs de ses collègues visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et à améliorer l'accompagnement médical et social des victimes (n° 1538).
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, madame la rapporteure, mes chers collègues, comme nous l'avons dit précédemment, le groupe socialiste est évidemment sensible à la nécessité de lutter sans faiblesse contre ce crime abominable qu'est l'inceste et de répondre ainsi à la douleur des victimes. Sur le principe, vous avez donc notre adhésion, comme tous nos orateurs vous l'ont répété.
Toutefois, nous nous interrogeons sur certaines solutions juridiques et sociales que vous avez préconisées et nous sommes heurtés, je le redis, par la procédure précipitée qui a été utilisée pour aborder une question aussi lourde de sens. Les débats de cet après-midi et les interventions de qualité de plusieurs de nos collègues n'ont fait que me conforter dans ce sentiment.
Pourquoi demandons-nous le renvoi en commission ? Parce que nous estimons que le sujet et le Parlement qui en traite n'ont pas été respectés dans cette affaire. C'est flagrant : la procédure parlementaire a été expédiée au point de devenir quasi inexistante. Aucune audition n'a été réalisée par la commission des lois. Quand nous en avons demandé, on nous a répondu que tout avait déjà été vu par Mme la rapporteure, et que si nous voulions en savoir plus, nous n'avions qu'à nous reporter à son blog. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Une manière aussi désinvolte de traiter de ce sujet, et surtout de traiter les parlementaires prêts à s'investir dans ce travail ne me semble pas acceptable.
Nous ne comprenons pas davantage qu'on ait recouru à la procédure accélérée. Une procédure parlementaire normale aurait été le moins qu'on puisse attendre pour traiter de ce sujet comme il le mérite.
La maturation de la réflexion n'a pas pu se faire. Au bout de quatre semaines, dont deux semaines d'interruption des travaux de notre assemblée, il ne serait pas sérieux de prétendre que nous avons abordé ce sujet important comme il aurait dû l'être.
Cela est d'autant plus regrettable que la plupart des grandes associations intervenant sur le sujet, que nous avons consultées, nous ont dit qu'elles n'avaient pas été auditionnées par la rapporteure, et ce alors même qu'elles reçoivent des crédits pour améliorer l'écoute des victimes. L'Enfant bleu, Enfance et Partage, la Voix de l'Enfant auraient aimé pouvoir parler avec vous de ce texte. Le Planning familial lui-même n'a pas été entendu ! Des personnalités importantes, comme Mme Claire Brisset ou Mme Versini, ancienne et actuelle défenseures des enfants, n'ont pas non plus été auditionnées, alors que cela aurait été très profitable.
Si l'on compare à ce qui s'est fait sur d'autres thèmes, par exemple sur les lois bioéthiques, sur la loi funéraire ou sur la question de la fin de vie, il apparaît que nous n'avons pas travaillé comme le sujet le méritait. Je le regrette. C'est pourquoi la proposition formulée par notre collègue Vaxès me semble extrêmement importante et mérite d'être creusée.
Du coup, beaucoup d'interrogations subsistent sur des points importants. S'agissant par exemple du périmètre à retenir pour définir l'infraction, nous avons avancé sur la question de savoir s'il fallait ou non nommer l'inceste, mais si nous nous félicitons qu'on ait répondu par la positive, ne faut-il pas alors caractériser l'inceste pédophile ? Vous n'avez pas répondu à cette question. La pédophilie est pourtant, elle aussi, un crime particulièrement odieux.
La proposition de loi propose une notion de la famille extrêmement large : elle inclut non seulement la famille biologique, mais également la famille juridique. Là encore, la question que nous avons posée n'a pas reçu de réponse. Est-il opportun que la définition pénale de l'inceste soit plus large que la définition civile ? En effet, en matière de prohibition du mariage, il existe des possibilités de régularisation ou de dispense qui seraient de nature à contrecarrer les dispositions que vous proposez pour l'incrimination de l'inceste.
D'autre part, vous ne nous avez pas expliqué comment il était possible de modifier l'ordre juridique existant en introduisant une nouvelle infraction qui constitue une circonstance aggravante, si l'on ne modifie pas, parallèlement, les dispositions qui déterminent la gravité des faits et les peines encourues. Les magistrats eux-mêmes s'interrogent beaucoup en ce moment sur les conséquences de ce texte, qui pourrait bouleverser l'ordonnancement juridique actuel.
Certains de nos collègues ont exposé avec beaucoup de chaleur et de talent les raisons pour lesquelles ils étaient prêts à soutenir ce texte. Mais ce qui étonnant, c'est que l'on ne trouve pas dans vos propositions les réponses aux observations qu'ils ont présentées.
Par exemple, Mme Martinez nous a parlé avec beaucoup de justesse des médecins qui, par crainte des poursuites, hésitent à dénoncer des faits qui s'avèreraient non fondés. J'ai beau regarder, je n'ai pas vu dans ce texte une réponse à ce problème.
On nous a parlé de l'interdiction de replacer l'enfant victime dans sa famille. Là encore, nous n'avons pas vu, dans le texte, de dispositions en ce sens.
Notre collègue Lagarde, qui a été comme d'habitude extrêmement brillant, nous a dit que le texte allait permettre une meilleure prévention. Le problème est que la partie de la proposition de loi qui prévoyait des structures spécialisées a été laminée par le jeu de l'article 40.
C'est là qu'on se rend compte que nous avons intérêt à travailler ensemble. Un adage populaire dit qu'on est plus intelligent à plusieurs que tout seul. J'ai parfois l'impression que ce qui est en train de se passer le confirme.
Autre question non résolue : l'âge de la majorité sexuelle est-il ou non modifié par cette proposition de loi ? La mission Estrosi avait proposé de confirmer l'aggravation des peines jusqu'à l'âge de quinze ans, et de maintenir l'article 227-27 pour les actes incestueux commis sur des mineurs de quinze à dix-huit ans, mais en augmentant dans ce cas la peine pour atteinte sexuelle. Pourquoi cette proposition n'a-t-elle pas été retenue ? On ne sait pas et, dès lors, on ne saisit pas clairement ce que vous avez décidé sur cette question de l'âge de la majorité sexuelle.
Nous sommes d'accord pour définir de manière beaucoup plus souple la notion de contrainte, car cela peut éviter des débats extrêmement désagréables pour la victime. Mais comme vous n'avez pas changé la définition légale du viol, la question se pose de savoir quelles conséquences va entraîner cette modification de la notion de contrainte dans le cas d'un viol par ascendant. En effet, on continuera, dans ces situations, de se demander s'il y a eu ou non contrainte ou violence. Il faudrait que les choses soient claires sur ce point. Modifier la notion de contrainte est une avancée, mais on ne voit pas très bien comment cela s'articule avec les dispositions existantes en matière de viol.
Par ailleurs, le rapport Estrosi avait avancé quelques idées intéressantes sur la question des peines complémentaires. Il proposait par exemple le retrait systématique, par la juridiction de jugement, de l'autorité parentale. Il est vrai que cela pouvait poser question, car nous savons que dans certains cas, c'est l'un des parents qui dénonce les faits et accompagne la victime devant le juge. Mais pourquoi cette disposition a-t-elle disparu sans qu'on en entende parler ? Là encore, on ne sait pas. Elle pouvait pourtant être considérée comme extrêmement intéressante.
Je ne reviendrai pas sur la formation des professionnels de santé, ni sur les structures spécialisées. Je rappellerai seulement que le rapport Estrosi proposait de renforcer la prévention en améliorant le traitement des agresseurs sexuels. Et si l'on veut développer la prévention, on doit bien évidemment, non seulement entendre et accompagner les victimes, mais aussi améliorer la compréhension du comportement des auteurs et le traitement dont ils peuvent faire l'objet. Un certain nombre de propositions en ce sens avaient été retenues. Nous ne savons pas si vous les avez écartées parce que vous estimez que ce qui a été fait est suffisant et a permis d'aboutir à un résultat correct. Quoi qu'il en soit, nous sommes amenés à travailler sur cette question sans qu'ait été dressé le bilan des dispositions existantes.
On nous dit qu'il n'y a pas eu de travail sur ce sujet depuis un certain temps. C'est un peu injuste quand on songe à ce qui a été fait par Élisabeth Guigou en 1998, mais aussi par Dominique Perben en 2004, puis par Pascal Clément. La loi Bas sur la protection de l'enfance a elle aussi introduit un certain nombre de mécanismes très importants. Or voici qu'à vous entendre, il faudrait travailler à partir de rien ! Nous savons pourtant parfaitement que des lois existent, et le minimum eût été d'en faire le bilan.
S'agissant par exemple du suivi des criminels sexuels, il est indiscutable que des mesures avaient été prises. Mais, selon les informations que nous avons, ce sont les moyens qui ont fait défaut pour mettre ces dispositions en oeuvre.
Vous nous avez fait travailler à nouveau sur cette question des délinquants sexuels dès le début de cette législature, en 2007. Mme Dati nous avait alors proposé un certain nombre de mesures, en particulier la rétention de sûreté. Là encore, nous aimerions bien savoir ce qu'elle pense de ce qui est dit ici, à savoir que rien n'a été fait en la matière. Car il semble raisonnable de penser – mais peut-être n'est-ce pas votre avis ? – que les dispositions existantes pour le suivi et le traitement des affaires sexuelles peuvent être utilement appliquées au profit des victimes de l'inceste.
Je comprends très bien la volonté d'identifier et de nommer l'inceste, mais ce qui n'est pas clair, dans votre texte, c'est l'articulation entre, d'une part, ce que vous proposez en matière d'inceste, et d'autre part, tout ce qui se fait, s'est déjà fait ou devrait se faire si les moyens en étaient donnés, pour lutter de manière plus générale contre les infractions sexuelles.
Je pense notamment au fichage des délinquants. La loi Guigou de 1998 avait créé un fichier national automatisé des empreintes génétiques, bien utile pour lutter contre la récidive. Or, comme le constatent nos collègues Delphine Batho et Jacques-Alain Bénisti dans leur rapport d'information, ce fichier a changé de nature. Il est devenu énorme. En conséquence, alors qu'il devrait constituer un outil précieux pour lutter contre les infractions sexuelles, au nombre desquelles figure l'inceste, il est aujourd'hui quasiment inutilisable.
À nouveau, comment articulez-vous les dispositions que vous proposez avec l'existence et l'exploitation de ce fichier ? Ce sujet très important n'a pas été abordé.
Enfin, comme l'ont rappelé aussi bien M. Estrosi que Mme Adam, la protection de l'enfance, et donc la défense des enfants victimes d'abus sexuels et d'incestes, relèvent aujourd'hui principalement de la compétence des conseils généraux. Nombre de ceux-ci prennent des mesures très importantes en la matière. Heureusement, d'ailleurs, parce que du côté de l'État, les crédits sont souvent inexistants. Or, le conseil général, qui est l'interlocuteur principal en matière de protection de l'enfance, où est-il, dans ce texte ?
Je ne vois pas comment l'on peut arrêter des mesures relatives à l'inceste, y compris pour organiser l'information sur ce sujet au sein de l'éducation nationale, comme le prévoit votre texte, tout en faisant abstraction du principal acteur en la matière.
Ce texte est ambitieux, et le sujet mérite qu'on le soit. Mais beaucoup de ses dispositions sont en réalité totalement réduites à néant du fait de la politique menée par le Gouvernement et soutenue par l'UMP dans d'autres domaines.
Par exemple, vous proposez de créer un service spécifique pour le suivi thérapeutique et psychologique des victimes d'inceste. Très bien. Mais, même sans parler de l'article 40, je rappelle qu'au même moment, la majorité a démantelé de nombreux services hospitaliers au motif qu'ils n'étaient pas rentables. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Absolument ! Au motif de réduire les déficits des hôpitaux, la loi « hôpital, patients, santé et territoires », à laquelle je vous renvoie si vous ne l'avez pas regardée de près, a étranglé l'hôpital public, et surtout…
On est en plein dans le sujet, puisqu'il s'agit, avec ce texte, de créer une structure supplémentaire au sein de l'hôpital.
Vous cherchez des prétextes pour vous défiler. De mauvais prétextes. Personne n'est dupe.
C'est vous qui avez réduit les structures existantes dans les hôpitaux. Le texte est donc contradictoire avec ce que vous êtes en train de faire par ailleurs.
De même, vous nous dites que l'éducation nationale doit mieux faire en matière de prévention. Mais vous avez réduit ses crédits. Des intervenants spécialisés, pourquoi pas ? Mais comment allez-vous les payer ?
Ah, elle n'est pas facile à défendre, votre position ! C'est laborieux !
C'est votre texte qui est laborieux !
Vous proposez, et cela peut se comprendre, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport, mais parallèlement, madame la rapporteure, votre voisin, M. Warsmann, propose dans le texte relatif à la simplification du droit la suppression de quatre-vingts rapports qui n'ont jamais été présentés.
En effet, c'est confus !
Dernier point, le meilleur : vous nous proposez une réforme faisant appel au juge d'instruction, alors que cette majorité nous parle de le supprimer.
C'est à vous d'harmoniser ce que vous proposez dans les différents textes. Nous, en tout cas, nous avons du mal à nous y retrouver, étant donné les contradictions d'un texte à l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous ne contestons pas, madame Fort, que vous vous soyez beaucoup impliquée dans ce travail. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous contestons simplement le fait que vous vous soyez impliquée sans nous y associer.
Il eût été préférable de ne pas confondre vitesse et précipitation. Il conviendrait de reprendre ce travail d'une manière cohérente, avec les associations concernées et les conseils généraux. Mais comme d'habitude, lorsque nous proposons de ne pas faire les choses en vitesse, de les faire avec soin, vous nous dites qu'il faut aller vite.
Vous nous opposez que les victimes ne peuvent pas attendre. Mais quelle que soit la manière dont elles souhaitent être prises en considération, on ne peut nier que d'ores et déjà, dans les cours d'assises et les tribunaux correctionnels, les affaires d'agression sexuelle – y compris par des personnes ayant autorité ou par des ascendants – représentent entre 20 et 30 % des audiences.
Par conséquent, ne nous dites pas que si nous prenons quelques mois de plus pour approfondir la question, nous allons nous opposer à la répression. Celle-ci existe déjà. Il vaut beaucoup mieux faire le travail correctement, le faire à fond, que de le bâcler, comme vous nous le proposez en permanence, pour le reprendre ultérieurement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous détestons le travail bâclé. Le sujet est important, il mérite qu'on s'y attelle.
Je ne comprends pas que vous poussiez de tels cris parce que nous souhaitons avoir le temps d'y travailler avec vous. Vous n'avez aucun intérêt à dire que l'opposition n'a pas d'idées, qu'elle ne peut pas vous apporter sa compétence. Vous n'avez pas le droit de dire que nous ne sommes pas aussi concernés que vous par la nécessaire répression de l'inceste.
Là encore, vous nous proposez de travailler d'une manière qui n'est pas acceptable. Il est normal que nous vous disions qu'il faut faire un travail de qualité. Le Parlement doit être respecté, les parlementaires doivent être respectés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La vérité, c'est que vous êtes gênés. Vous faites de la politique politicienne !
Par conséquent, associez-nous au travail. Les choses en iront bien différemment.
Il est inadmissible de se comporter comme vous le faites sur un sujet aussi important que l'inceste. C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi en commission. Vous avez la majorité, vous pourrez donc le refuser. Mais encore une fois, vous aurez fait un mauvais travail, et nous estimerons que ce n'est pas digne de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Marie-Louise Fort, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je suis très perplexe. À vous entendre, cette loi serait sans intérêt, ce serait une loi d'affichage, une loi compassionnelle, et notre travail n'aurait servi de rien, si toutefois c'est un travail – en tout cas, vous lui refusez la qualité de travail parlementaire, alors qu'il me semble quand même que je suis députée, au même titre que d'autres.
Ce qui me perturbe encore plus, madame Pau-Langevin, c'est que vous soyez aussi virulente. Vous dites que l'on vous attaque,…
…alors qu'à aucun moment les orateurs intervenant dans la discussion générale ne vous ont accusés de quoi que ce soit.
Je suis perplexe aussi parce que vous dites – et j'ai senti comme une frustration de votre part – que vous n'avez pas été associés à l'élaboration de cette loi. C'est effectivement une loi d'initiative parlementaire, présentée par le groupe UMP. Mais, que je sache, demain, ou plutôt après-demain, d'autres lois seront proposées par votre groupe.
Je pourrais comprendre que vous soyez gênés de ne pas avoir été associés autant que vous l'auriez souhaité…
Nous n'avons pas été associés du tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La loi ne vous a pas semblé si mauvaise, monsieur Roy, puisque vous en êtes cosignataire. Cela étant, je ne veux pas alimenter la polémique, parce que je crois que les victimes méritent mieux qu'un débat sur la question de savoir si Mme Guigou, en 1998, ou si le garde des sceaux de 2004 ont bien travaillé.
Le rapport de Christian Estrosi, qui est au coeur de vos interventions, a servi de base à ma réflexion comme à celle du groupe UMP en général. Mais, depuis 2005, chère collègue, de l'eau a coulé sous les ponts de la Seine. Rien n'interdisait à qui que ce soit de s'emparer du sujet.
Vous me faites procès de ne pas avoir auditionné certaines associations. Celles que vous avez citées sont tout à fait estimables, nous savons qu'elles oeuvrent pour l'enfance, mais j'ai entendu les associations qui travaillent plus précisément sur la question de l'inceste.
J'ai dit : qui travaillent plus précisément sur la question de l'inceste. Et ce sont des associations qui n'ont pas qu'un siège parisien mais sont présentes dans l'ensemble des départements, tant il est vrai que le sujet n'est pas réservé à tel ou tel endroit du territoire.
Tout le monde est d'accord pour dire que l'inceste est le dernier tabou, ce dont on ne parle pas. De deux choses l'une. Soit, dans ce pays, l'on traite particulièrement bien le problème, et dans ce cas, il n'est en effet pas nécessaire d'adopter une nouvelle loi. Soit il est vrai que l'on a bien des fois renvoyé des auteurs d'inceste en correctionnelle, où leur ont été infligées des peines qui ne correspondent absolument pas à ce qu'ont subi les victimes.
L'inscription de l'inceste dans le code pénal devrait recueillir l'adhésion du plus grand nombre. Et j'ai précisé, dans la présentation de cette proposition de loi, que je n'avais pas l'impression d'avoir fait là un grand pas, mais bien un petit pas.
Je reviens à ce qu'a dit M. Vaxès dans la discussion générale. De fait, nous n'avons pas fait de distinction en fonction de l'âge légal de la majorité sexuelle : toute agression sexuelle commise sur un mineur dans le milieu familial est à considérer comme inceste.
Mais, monsieur Vaxès, vous vous inquiétez de la différence faite entre une jeune fille de dix-neuf ans victime d'inceste de la part de son père, et une autre de dix-sept ans. Or, comme vous l'avez vous-même relevé, il y a suffisamment d'éléments dans le code pénal pour que l'acte dont a été victime la première soit qualifié de viol aggravé, par ascendant ; dans le cas de la seconde, la qualification sera celle d'inceste. Je ne vois pas qu'il y ait là matière à discussion.
Quant aux viols et agressions sexuelles commis par un ascendant ou par une personne ayant autorité, ce sont des actes qui demandent à être appréhendés de façon distincte. Nommer l'inceste, c'est déjà pour nous faire preuve de courage, et je suis persuadée que ce sera un progrès pour la société. Or quel est le rôle du Parlement, sinon de s'intéresser au quotidien de nos concitoyens et d'essayer de faire avancer les choses ?
J'ai bien entendu les propos de Jean-Christophe Lagarde. Sur le financement des unités médico-judiciaires, qu'il appelle de ses voeux, je crois que Roselyne Bachelot et le ministère de la santé ont bien l'intention de l'assurer durablement. Les éléments retirés de cette loi parce qu'ils tombaient sous le coup de l'article 40 de la Constitution seront intégrés à la réforme de la médecine légale ; ce sera indiqué dans le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement pour la fin de cette année.
Je tiens à dire que nous nous sommes appuyés sur le rapport de Christian Estrosi, mais en tenant compte des évolutions qui ont eu lieu depuis – en particulier, dans le code pénal, s'agissant du traitement de la pédophilie et c'est en pensant à cela, madame Pau-Langevin, que je me permettais de vous dire que, depuis 2005, il s'est passé beaucoup de choses dans notre pays. Je maintiens pourtant que l'inceste est un délit qui, bien qu'à caractère pédophile, est tout à fait particulier.
J'ai eu le sentiment que votre intervention virulente…
…montrait beaucoup de dépit de n'avoir pas été associée à cette proposition – peut-être, car je ne me permettrai pas d'être aussi affirmative que vous. Rien ne vous empêchait d'y prendre part. Ce texte n'a pas été mis sur mon blog – je n'en ai pas, car je considère que la politique est chose sérieuse, et qu'il n'y a pas matière à polémiquer sur un tel sujet.
Vous nous avez dit que nous étions virulents. Je crois plutôt que nous faisons preuve de gravité. Dans les temps difficiles que traverse notre pays, une telle loi aurait mérité un certain consensus et le travail effectué aurait mérité un certain respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous propose donc de ne pas renvoyer cette proposition de loi en commission. Les victimes attendent depuis des siècles… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) – eh oui, vous avez vous-même évoqué l'histoire de l'inceste : ce ne sont pas des décennies, ce sont des siècles !
Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Michel Vaxès.
Ce texte aurait dû être consensuel. La démonstration vient d'être faite qu'il ne l'est pas, et je le regrette profondément.
La volonté de mieux traiter les agressions incestueuses et de mieux prendre en charge les pathologies qui en résultent est sans aucun doute partagée, sur tous les bancs de cette assemblée, et par tous les parlementaires. Pourtant, le consensus ne se fera pas ; je redis que c'est profondément regrettable, sur un sujet de cette importance.
J'ai souligné quelques-unes des ambiguïtés du texte qui nous est proposé. Je ne peux pas me satisfaire de l'explication que vous donnez, madame la rapporteure, à la distinction faite entre l'adolescente de dix-sept ans et celle de dix-neuf ans. Dans les deux cas, il s'agit d'un inceste ; avec ce texte, les faits seront qualifiés d'inceste pour la première, et pas pour la seconde !
C'est bien la réalité, sauf si l'on refuse de lire ce que vous écrivez !
Et ce n'est pas la seule faille de ce texte. Mme Pau-Langevin a mis en évidence un certain nombre d'ambiguïtés ; j'en ai soulevé d'autres. Et la liste pourrait être longue.
Ainsi, il faudrait m'expliquer comment le magistrat traitera le problème d'une liaison entre un jeune garçon et une jeune fille, qui, oncle et nièce ou tante et neveu, ont tous deux dix-sept ans. Qui est la victime ? L'affaire est beaucoup plus complexe que vous ne semblez le croire.
Parmi les questions qui restent posées, il y a la limitation de l'inceste à la famille.
Pourquoi s'arrêter là ? Pourquoi hiérarchiser les douleurs ? L'agression par un ami de la famille, par le parrain de l'enfant est-elle moins incestueuse que l'agression par l'oncle ou la tante ? Je regrette votre conception restrictive de l'inceste.
Je la regrette, car cela conduit à hiérarchiser les souffrances ! Or les souffrances ne peuvent pas être hiérarchisées ; elles sont subies par tous les enfants victimes d'agressions sexuelles, que ce soit dans le cadre de la famille ou dans celui de la proximité affective. On ne peut pas d'un côté citer Mme Héritier, et contester de l'autre la dimension sociale de l'inceste.
Voilà pourquoi plutôt que répondre vite, il aurait mieux valu, je crois, répondre bien. C'est le sens de la proposition que j'ai faite, et que je renouvelle ; il n'est pas trop tard pour la prendre en compte : mettons en place, à l'initiative de l'Assemblée nationale ou de son président, une mission d'information. Celle-ci disposera de plusieurs mois pour mettre en débat la question de l'inceste et commencer à traiter le problème.
Par cette méthode, nous sommes arrivés à des textes consensuels sur des sujets qui n'étaient pas simples, ici même, il n'y a pas si longtemps. Ne dites donc pas que ce n'est pas possible !
C'est possible. Et la diffusion vidéo à un large public…
Je termine, monsieur le président. Une mission d'information aurait permis de bien prendre en compte les problèmes et d'apporter des réponses législatives ou réglementaires mieux adaptées que celles de cette proposition de loi.
C'est pourquoi nous soutenons cette motion ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Patrick Roy. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le sujet qui nous réunit depuis la fin de l'après-midi est éminemment difficile, délicat – certains ont parlé d'un sujet tabou, et ils ont bien raison. C'est, je crois, tout à l'honneur de l'Assemblée nationale que d'oser l'aborder.
Je poursuis quelques instants sur ce ton pour saluer le travail accompli par Mme la rapporteure, sur cette question grave qui concerne – cela a été dit, et en a étonné beaucoup – environ deux millions de victimes en France. Ce n'est pas mince. Le sujet n'est pas accessoire, cantonné à quelques petits drames ; il est d'importance nationale.
Reconnaître le crime qu'est l'inceste va à l'évidence dans le bon sens. Mais nous aurions aussi souhaité qu'on en donne une définition précise, ce qui m'amène à faire part de mes regrets.
Sur un tel sujet, comme l'a souligné M. Vaxès, un vote unanime aurait été possible : il ne s'agit pas d'un sujet qui oppose, suivant les lignes de faille connues, hier comme aujourd'hui, la gauche et la droite. Si une mission d'information avait été constituée, nous aurions abouti – comme sur d'autres thèmes – à cette unanimité, dans l'intérêt des victimes passées et à venir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est laborieux !
Quand Mme Pau-Langevin demande un retour en commission, elle ne le fait pas pour polémiquer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
S'il y a polémique, c'est de votre côté ! Car vous nous parlez depuis des mois de revalorisation du travail parlementaire : en parler, c'est bien ; mais il faut des actes ! (Mêmes mouvements.) Eh oui, parler, c'est bien, agir, c'est mieux !
Regardez-vous dans une glace. À quoi sert l'opposition sur ce texte ? Nous l'avons eu il y a quelques jours seulement, et il nous a été impossible d'organiser nos propres auditions ! On ne peut pas parler d'un travail parlementaire renforcé, revalorisé, constitutif d'une révolution démocratique !
Ce texte est, comme beaucoup d'autres, un texte rapide, bâclé. Il n'y avait pourtant aucune raison qu'il le soit ! Mme la rapporteure nous dit que les victimes attendent depuis des siècles : au vu de la longueur de l'attente, on pouvait se permettre de prendre les mois nécessaires pour apporter de vraies réponses. L'UMP a préempté cette proposition de loi. Ce n'est pas un texte de l'Assemblée nationale, mais de l'UMP seule ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la rapporteure nous dit également qu'il suffit d'aller chercher l'information sur son site – puisqu'il paraît que ce n'est pas un blog. De fait, mes collègues ont obtenu des renseignements sur le Web. Mais il est tout à fait inadmissible, et très inquiétant, d'assister à de tels dérapages, alors même que se met en place la réforme du travail parlementaire. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la rapporteure nous dit enfin qu'elle a auditionné qui il lui semblait bon. C'est encore une chose bien surprenante ! Je ne prends qu'un seul exemple.
C'est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mme Pau-Langevin nous avait habitués à plus de clarté : son propos, comme ceux de ses collègues qui se sont exprimés après elle, a été relativement confus.
Vous recherchez des arguments, ou plutôt des arguties juridiques confuses, qui ne servent finalement qu'à justifier le fait que l'opposition ne votera pas ce texte. Et, pour tout dire, on vous sent mal à l'aise.
Défendre une motion de renvoi en commission revient à réclamer l'arrêt de l'examen de ce texte.
Un renvoi en commission pour quoi faire ? Vos arguments ne sont pas nouveaux. Vous avez déjà évoqué ces réserves lors de l'examen en commission et Marie-Louise Fort avait alors eu l'occasion de vous répondre, il suffit de se référer aux comptes rendus des débats.
Ainsi, madame Pau-Langevin, quand vous évoquez la prévention de l'inceste, vous savez bien que le présent texte apporte des éléments de réponse puisque le ministère de l'éducation nationale sera investi d'une mission d'information en matière de violence et d'éducation à la sexualité, et qu'il sera relayé par l'audiovisuel public, lui aussi chargé d'une mission d'information sur la santé et la sexualité. En ce qui concerne les professionnels de santé et ceux de l'enfance, vous savez également que leur formation en la matière sera améliorée.
Ce texte constitue surtout une réelle avancée parce que, désormais, une définition de l'inceste figurera dans le code pénal. Même si une telle disposition paraît tout à fait symbolique à notre collègue Vaxès, chacun connaît la puissance évocatrice des symboles et chacun sait très bien à quel point il est important pour les victimes, si vous en avez rencontré, que l'inceste soit défini en tant que tel dans le code pénal.
Il est vrai que la loi ne permet pas de résoudre les problèmes de société. Il ne faut toutefois jamais perdre de vue que certains textes permettent de franchir des étapes, ce qui est le cas de la présente proposition. Je regrette par conséquent que l'opposition, encore une fois, ne soit pas au rendez-vous des réformes, en particulier sur un sujet de nature consensuelle. Pour vous, chers collègues de l'opposition, ce n'est jamais le bon moment ; et, à force d'attendre, rien ne bouge. Tergiverser n'aidera pas les victimes et ne favorisera pas la prévention de l'inceste.
Il est temps d'agir. Cette proposition est le fruit d'un consensus entre tous les acteurs concernés par la prévention et la lutte contre l'inceste. Elle répond à leurs attentes et, surtout, à celles des victimes qui attendent de la représentation nationale des actes.
Par conséquent, le groupe UMP votera cette loi et ne suivra pas l'opposition dans la voie de l'immobilisme dont elle ne sort décidément pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous nous trouvons dans une situation assez paradoxale. Pendant un peu plus d'une heure et demie, nous avons entendu les orateurs de l'opposition expliquer que la rapporteure avait réalisé un bon travail, choisi un bon sujet, et permis une vraie avancée de la législation. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Puis, tout en ayant ainsi jeté des fleurs à Mme Fort, les mêmes ont dénoncé un texte compassionnel, inutile et mal ficelé.
Premier paradoxe donc : le sujet vaudrait la peine d'être débattu mais il serait dans le même temps urgent d'attendre, de renvoyer le texte en commission – et l'on sait bien le sort qui, dès lors, lui serait réservé.
Ensuite, nous inaugurons une nouvelle pratique institutionnelle devant laisser une plus grande place à l'initiative parlementaire d'où qu'elle provienne, alors que, en dépit de l'existence de « fenêtres » – mot que je préfère à un autre –, le législateur n'avait jusqu'à présent qu'un rôle limité dans l'élaboration de la loi. Nous avons d'ailleurs voté tout à l'heure la possibilité pour le Parlement de recourir au Conseil d'État afin d'améliorer la qualité juridique d'un texte. Vaudrait-il donc mieux attendre d'appliquer cette procédure, quitte à retarder encore davantage l'application de la proposition, plutôt que de la renvoyer en commission ?
Mais le vrai paradoxe, c'est M. Roy qui l'a énoncé : les victimes attendent depuis des siècles et elles peuvent dès lors, si j'ai bien compris, attendre encore un peu !
Cette explication paraît bien étrange en regard de la réalité – nous l'avons montré au cours de la discussion générale et nous le montrerons de nouveau à l'occasion de l'examen des articles. Votre motion de renvoi doit être rejetée.
Qu'en sera-t-il en effet si le texte est renvoyé en commission ? On a parlé de mission d'information, de rapports… Mais un rapport a justement été déposé depuis un certain temps, celui de M. Estrosi, commandé par un précédent garde des sceaux. Or si le sujet était si important à vos yeux, n'importe quel groupe pouvait s'en saisir ou pouvait demander auprès du président de la commission des lois qu'on lui confie une mission d'information, ce que personne n'a fait à ma connaissance.
Et lorsque l'une d'entre nous, avec l'appui de son groupe, a mené un tel travail, lorsque le texte qu'elle propose est soumis à votre examen, votre seule réponse est de chercher à en différer l'application. Mon propos vaut non seulement pour ce texte mais pour tous ceux que nous examinerons dans le cadre des fenêtres parlementaires. Il n'y a pas de proposition de loi ni d'ailleurs de projet de loi, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, qui soit parfait. Le débat d'amendements permet justement d'améliorer les textes.
Si nous accédons à la demande de renvoi en commission de la présente proposition – je ne dirai pas : « Si nous cédons à cette manoeuvre dilatoire » –,…
…que va-t-il se passer ? Votre texte, chère madame la rapporteure, ne reviendra pas avant bien longtemps en discussion devant chaque assemblée…
…alors qu'il présente aux yeux des députés du Nouveau Centre au moins trois vertus.
La première, morale et symbolique, consiste à qualifier l'inceste pour ce qu'il est pour des centaines de milliers de victimes, ce qui les incitera à dénoncer le sort qui leur a été fait.
La deuxième vertu est plus juridique : les victimes n'auront plus à faire la preuve de leur non-consentement – ce qui est un comble : un gamin doit apporter la preuve qu'il ne consentait pas au rapport sexuel qui lui était imposé, état du droit auquel vous souhaitez donc rester, chers collègues de l'opposition. Il est urgent de ne plus imposer aux enfants et aux l'adolescents victimes d'inceste une telle démonstration. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Dernière vertu, le texte permettra aux associations que vous souhaitez auditionner d'ester en justice et de soutenir les victimes.
Pourquoi donc attendre plus longtemps dès lors que nous pourrons parfaire le texte au cours de la navette parlementaire ? Mettons-nous donc en marche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
L'opposition est minable !
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Je suis saisi d'un amendement no 1 , portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à M. Jacques Remiller.
N'en étant pas cosignataire, je ne pourrai pas défendre l'amendement n° 17 de Sébastien Huyghe, absent ce soir. Reste que nos deux propositions se ressemblent, même si celle de M. Huyghe couvre un champ beaucoup plus large que la mienne puisqu'elle concerne tous les crimes mentionnés à l'article 706-47 du code de procédure pénale, tels que l'inceste ou la pédophilie.
L'amendement n° 1 est fondamental. Il s'agit en effet d'adresser un signe aux victimes et aux associations. Je propose de modifier le dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale de façon que les agressions incestueuses soient imprescriptibles.
Pour les crimes sexuels sur mineurs, le délai de prescription est actuellement de dix ans après la majorité de la victime et de vingt ans lorsque le crime est commis par un ascendant ou une personne ayant autorité. On se rend compte néanmoins de l'ampleur des dégâts qu'une telle agression provoque chez l'enfant qui, souvent, se coupe de ses sensations et se dissocie, l'amnésie post-traumatique lui permettant de survivre à l'inceste. L'abus est enfoui, refoulé durant des années, mais n'est jamais effacé.
Les ravages ne s'arrêteront pas là et les victimes peuvent sombrer dans des états dépressifs susceptibles de conduire au suicide. La plupart des abus ne se révéleront que bien plus tard, le plus souvent après des années, voire des décennies, lorsque la victime devenue adulte trouvera enfin un interlocuteur de confiance et les moyens d'exprimer l'indicible.
Pourquoi ? Parce que l'amnésie ou le déni est la seule réponse de survie à l'horreur de l'abus sexuel, et que ce refoulement dans l'inconscient se prolonge chez un grand nombre de victimes jusqu'à un âge avancé, conduisant au-delà du délai de prescription en vigueur – j'insiste sur ce point. Quel que soit le moment où survient la dénonciation de l'abus, la vérité sera toujours synonyme de délivrance. Savoir qu'il y a une justice, sans prescription, est donc, de mon point de vue comme du point de vue de Sébastien Huyghe, capital.
En effet, comment concevoir qu'un crime qui laisse des séquelles à vie sur la victime demeure impuni parce que la plainte survient au-delà du délai de prescription ? Est-ce à dire que la société et l'institution considèrent que le temps a effacé, voire réparé le préjudice ? Ce n'est bien sûr pas le cas. Pour la victime, quel désaveu ! C'est la renvoyer une seconde fois au silence et à l'oubli ; c'est tout bonnement la condamner au néant. Tandis que l'agresseur, lui, peut tranquillement tourner la page, voire recommencer.
Voilà pourquoi je souhaite la modification du dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale.
Cet amendement a été repoussé par la commission cet après-midi. Nous avons bien réfléchi à la question et je rappellerai les propos de Christian Estrosi dans son rapport remis au Premier ministre en 2005 : « Rendre imprescriptibles les actes incestueux ne ferait que renforcer les difficultés probatoires déjà existantes et par là même risquerait de sur-victimiser des personnes qui, frustrées de ne pas avoir été reconnues, pourraient nourrir une certaine amertume à l'encontre des institutions. »
Le droit positif dispose que les crimes en question sont prescrits vingt ans après la majorité de la victime. Pour les autres crimes de même nature, la durée est de dix ans. Or les membres de la commission se sont accordés pour penser qu'il est compliqué, vingt ans après la majorité, d'apporter les preuves qu'on a été victime d'inceste. C'est pour ces raisons que la commission avait également rejeté l'amendement de M. Huyghe.
Je comprends très bien l'intervention de M. Remiller mais seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles dans le droit français. Adopter l'amendement poserait un problème d'échelle.
Je rappelle également que les délais de prescription des infractions concernées par la proposition de Mme Fort ont déjà été étendus en 2004 à vingt ans pour les viols et les délits, et à dix ans pour les autres délits d'agression. Si le délai court jusqu'à vingt ans après la majorité de la victime, cela signifie qu'elle aura atteint l'âge de trente-huit ans.
Il est très difficile et donc inopportun d'aller au-delà. Aussi le Gouvernement, à regret, monsieur le député, demande-t-il le retrait de votre amendement, faute de quoi il donnera un avis défavorable.
Je vais retirer mon amendement. Ne pourrait-on toutefois pas le sous-amender et porter le délai de prescription à trente ans ?
Pas ainsi ? Pourrais-je obtenir une réponse de la part du président de la commission des lois, monsieur le président ?
Une échelle des prescriptions existe et l'amendement la bouleverserait complètement.
M. le secrétaire d'État a rappelé qu'il y avait une catégorie de crimes imprescriptibles. Sur la question qui nous occupe, la prescription intervient vingt ans après la majorité. On laisse donc vingt ans à l'enfant victime après sa majorité – époque où il est normalement déjà en état de juger librement – pour poursuivre.
Dans les cas extrêmes, des personnes âgées de trente ans ou trente-cinq ans pourront poursuivre. Ce temps me semble largement suffisant pour que l'enfant victime échappe à l'emprise de la personne incriminée, se forge une opinion et décide en toute liberté de poursuivre.
Je suis donc sur la même ligne que le Gouvernement et Mme la rapporteure.
Je me range aux arguments du Gouvernement, du président de la commission des lois et de Mme la rapporteure et je retire l'amendement.
Sur un plan technique, je tiens à rappeler que votre amendement ne pouvait pas être modifié, compte tenu de sa rédaction.
Il était donc plus sage de le retirer.
(L'amendement n° 1 est retiré.)
Madame la rapporteure, l'objectif de cet article et de cette proposition de loi est avant tout, selon vous, de mieux protéger les enfants victimes.
Nous partageons totalement cet objectif – cela a été affirmé à maintes reprises – car nous savons combien les conséquences du viol incestueux se révèlent souvent terribles pour les victimes et combien leur vie d'adulte peut se trouver gravement affectée.
Pour autant, je m'interroge sur la nécessité de nommer l'inceste dans la loi. Le fait d'inscrire le terme dans le code pénal sera-t-il favorable aux victimes ? Cela aidera-t-il en quoi que ce soit à la prévention de ces délits et à la protection des victimes ?
Il est important de noter que le viol et l'agression sexuelle commis par ascendant figurent déjà dans le code pénal et sont des circonstances aggravantes. Certes, les frères et les oncles ne sont pas inclus dans l'expression « personne ayant autorité sur la victime », mentionnée au même article du code pénal, mais on aurait pu envisager un amendement parlant de « collatéraux » ou de « membres de la famille »…
Si l'objectif est de protéger les victimes, je crois qu'il n'est pas inutile de rappeler que, jusqu'à présent, à cette fin justement, on refuse par exemple d'établir une filiation incestueuse.
Dans ce texte, madame la rapporteure, la notion d'inceste que vous introduisez n'est pas celle de l'interdit pénal. Elle est clairement inspirée des interdictions de mariage. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de la logique, pourquoi faire cesser l'inceste, c'est-à-dire l'interdit, à la majorité ? Pourquoi ne pas aller au-delà ?
Par ailleurs, je m'étonne, mais c'est sans doute un point secondaire, qu'il soit envisagé d'inscrire l'inceste dans un nouvel article 222-32-1 qui sera placé après celui concernant l'exhibition sexuelle. Quel rapport y a-t-il entre les deux ? Et, à supposer qu'il puisse y en avoir un, je ne suis pas sûre qu'il soit très évident. Il m'aurait semblé plus judicieux d'inscrire l'inceste avec le viol et les autres agressions sexuelles. Cela aurait permis de parler de viol incestueux ou d'agression sexuelle incestueuse.
La définition de l'inceste que vous retenez s'applique à une notion de famille élargie, y compris à la famille recomposée, quel qu'en soit le fondement – mariage, PACS ou concubinage, ce qui ipso facto fait famille avec toutes les conséquences qu'il faut en tirer –, ainsi qu'à la famille adoptive. Nous sommes dans une notion de famille beaucoup plus large que celle du code civil.
Je me demande si ce que vous introduisez dans le code pénal est bien en phase avec ce que notre société ressent et vit aujourd'hui.
Monsieur le président, je voudrais revenir sur les travaux en commission. Ils ont permis d'améliorer grandement le texte initial (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.). La commission a largement modifié ce texte, lui apportant plus de clarté, ce dont le code pénal même tire profit.
Je pense en particulier à la suppression de la référence que vous faisiez, madame la rapporteure, aux filiations légitime, naturelle ou adoptive, reprenant là des termes qui ne sont plus usités dans le code civil mais qui perduraient dans le code pénal. La commission a procédé là à un utile toilettage de ce dernier.
Mais la principale innovation de la commission dans le nouvel article 1er porte sur la définition de l'inceste par renvoi à la notion nouvelle de « contrainte », morale ou physique. Un nouvel article 222-22-1 du code pénal est ainsi créé, cependant que, parallèlement, est supprimée l'assimilation systématique de l'inceste au viol et à l'agression sexuelle.
Mais la rédaction de cet article laisse penser que la contrainte se définit par les critères cumulatifs de la « différence d'âge » – il est important de le noter – et de l'« autorité de droit ou de fait ». Elle pourrait, en apparence, mieux correspondre à la définition de l'acte incestueux. En effet, cet article couvre les cas d'inceste d'ascendant sur descendant et écarte du champ de l'infraction les cas où la relation sexuelle n'est pas contrainte, notamment dans les situations où l'article 164 du code civil permet de lever les empêchements à mariage, par exemple entre un oncle et une nièce, ou entre une tante et un neveu, sachant que, dans ces situations, la différence d'âge peut être minime et que les neveux ou nièces peuvent être plus âgés que leur oncle ou tante. C'est compliqué, mais c'est une réalité objective dans de nombreuses familles recomposées.
Cependant, en dehors de ces aspects rassurants tirés de l'introduction de cette notion de contrainte comme condition de réalisation de l'inceste, cette définition soulève aussi plusieurs interrogations.
Ainsi, le critère de la différence d'âge manque à l'exigence de précision des infractions pénales. Je ne vois pas comment, dans l'état actuel du texte, un tribunal pourra juger de la différence d'âge. Que devons-nous entendre par cette expression ?
À partir de quel seuil estimez-vous que la contrainte est vérifiée et que le crime d'inceste est commis ? La réponse ne figure pas dans le texte. C'est une autre lacune incompatible avec l'exigence de précision du droit pénal.
Si ce texte était soumis au Conseil constitutionnel, il serait rejeté pour cette unique raison.
De plus, ce même critère de la différence d'âge conduirait à écarter l'inceste dans le cas où celui-ci est commis entre frère et soeur, d'un âge proche, entre lesquels ne s'exerce pas de rapport d'autorité de droit ou de fait.
Dès lors, le renvoi à ces critères contredit la définition que vous entendez donner de l'inceste dans le nouvel article 222-32-1 du code pénal qui vise explicitement dans le 3° les relations sexuelles entre frère et soeur. Si, prenant en compte la contrainte, vous considérez aussi la différence d'âge, cela ne vaut plus. Ces deux phrases se contredisent.
Je termine monsieur le président.
En ce qui concerne la désignation des victimes, la rédaction du nouvel article 222-31-1 définit l'inceste comme un acte commis sur un mineur. Or, s'il s'agit du tabou d'inceste absolu, pourquoi – comme l'a fort bien expliqué M. Vaxès – le limiter en s'arrêtant ainsi à l'âge de la majorité civile ? Ce point ne sera pas compris par les victimes.
Je suis saisi d'un amendement n° 4 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Nous avons souligné en commission combien nous étions sensibles à la nécessité d'assouplir cette notion de contrainte.
Il nous semble que la menace peut, de la même façon, être entendue de manière souple. Même si nous n'en avons pas pour l'instant de définition satisfaisante, il nous paraît nécessaire de tenir compte de l'effet qu'elle peut avoir sur un enfant alors même qu'un adulte passerait outre.
C'est pourquoi notre amendement n° 4 tend à insérer les mots « ou menace » après le mot « contrainte ».
La commission a repoussé cet amendement, estimant qu'il est satisfait par le texte adopté par la commission.
Si l'on prend l'exemple d'un ascendant incestueux qui exerce un chantage psychologique sur un mineur, le juge n'aura aucune difficulté, avec le dispositif de la proposition de loi, à constater qu'il s'agit d'une contrainte morale, qui permettra de qualifier les faits d'agression ou de viol. Ajouter la menace dans le dispositif n'apporte rien et risque même de laisser penser que le législateur entend créer une nouvelle infraction, ce qui n'est pas le cas.
Même avis que la commission.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
L'amendement n° 5 vise à supprimer la dernière phrase de l'alinéa 3. Les exemples cités et l'énumération nous semblent de nature à brouiller le message.
Lorsqu'une infraction est définie, il n'est pas nécessaire d'en donner des exemples dans le corps même de l'article.
L'amendement n° 5 a été repoussé en commission, car il vise à supprimer l'interprétation que le législateur donne de la notion de contrainte morale, afin d'améliorer précisément la réponse judiciaire donnée au fait d'inceste.
Nous avons voulu faire en sorte que l'enfant ne puisse à aucun moment être suspecté d'avoir été consentant.
La notion de contrainte morale est consacrée dans cette proposition mais, madame Pau-Langevin, il est utile de préciser l'interprétation qu'il convient d'en faire pour guider les juges dans l'application de la loi.
Comme cela a été rappelé, la contrainte résultant du lien particulier qui unit la victime mineure à l'auteur adulte dans les cas d'inceste n'est pas seulement une circonstance aggravante, elle détermine une qualification pénale. Sans violence, contrainte, menace, ni surprise, il y a atteinte sexuelle punie de deux ans ou cinq ans d'emprisonnement, selon que le mineur victime a plus ou moins de quinze ans au moment des faits.
Avec un élément de contrainte, y compris moral, on parlera d'agression sexuelle punie de cinq à dix ans d'emprisonnement, ou de viol puni de vingt ans de réclusion.
L'enjeu est donc d'assurer une qualification des faits incestueux qui corresponde bien à la portée que l'on souhaite donner à la notion de contrainte morale.
Au bénéfice de ces explications, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sinon il donnera un avis défavorable.
Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire. Mais il me semble que, par définition, la contrainte n'est pas la menace.
Par conséquent, le raisonnement que vous suivez en matière de contrainte peut s'appliquer de la même façon en matière de menace. L'amendement est donc maintenu.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 6 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Il s'agit de revenir au droit commun de la définition de la minorité et de la majorité sexuelles.
Le texte introduit une différence parce qu'il définit l'inceste comme les faits commis sur mineurs. Nous souhaitons que l'on revienne à la distinction qui existe entre les mineurs de quinze ans et les mineurs de dix-huit ans, pour qu'il y ait une unité dans le droit pénal.
Nous retrouverons tout à l'heure cette difficulté avec l'article 227-27 qui réprime les atteintes sexuelles. Si nous n'évacuons pas cette difficulté ici, nous la retrouverons plus tard avec une extension du champ d'application de la pénalité.
Il serait raisonnable de revenir à une définition beaucoup plus stricte de la minorité sexuelle fixée à quinze ans.
L'amendement n° 6 a été rejeté par la commission, la présente proposition ne visant pas à faire de l'inceste une infraction autonome – c'est tout au plus une interprétation – car nous avons souhaité que la loi soit applicable dès sa promulgation.
Quant à l'amendement n° 7 , le dispositif de la proposition de loi couvre, en effet, l'ensemble des atteintes sexuelles incestueuses à l'égard des mineurs, qu'ils aient plus ou moins de quinze ans. Je rappelle que les faits d'inceste se déroulant dans le cadre du foyer, l'auteur des faits ne peut ignorer l'âge de la victime, qu'il connaît. Il ne peut donc pas ignorer la qualité de mineur de la victime, même si son apparence peut laisser penser qu'elle est plus âgée. De même, nous constatons que, parce qu'il est commis au sein de la cellule familiale, l'inceste est une violence particulière pour les mineurs. Il abolit le lien générationnel et instaure une relation d'emprise entre l'auteur des faits et la victime. Un mineur ne dispose bien évidemment pas des repères suffisants pour appréhender la situation dans laquelle il se trouve. Le rapport de M. Christian Estrosi rappelle ainsi « la confiance quasi absolue que le mineur place en ses modèles, auxquels il est subordonné et desquels il dépend. »
Les alinéas en cause visent à nommer « inceste » des faits qui, de toute façon, seront condamnés. Il s'agit seulement d'un problème d'identification de ces faits par usage du terme approprié.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 6 . Quant à l'amendement n° 7 , il suit l'avis de la commission et vous invite, monsieur le député, à le retirer. L'inceste est un acte imposé à un mineur quel que soit son âge. La minorité de quinze ans est une circonstance aggravante qui demeure inchangée, mais ce n'est qu'une circonstance aggravante. Il est très difficile d'affirmer qu'il n'y a pas inceste au-delà de quinze ans, lorsqu'on est encore mineur.
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à Mme Danielle Bousquet.
Notre amendement vise à supprimer l'alinéa 9. Il convient en matière pénale, et compte tenu de l'objectif poursuivi qui est de « nommer » l'inceste sur mineurs et non de définir la famille de la victime, de s'en tenir à la conception ordinaire de l'inceste et à l'image qu'en ont nos concitoyens. Les relations entre un enfant et les frères et soeurs de l'un de ses parents ne relèvent pas de l'inceste « absolu », irréparable, qu'il convient de viser ici. Cette remarque est d'autant plus juste que, dans les familles recomposées, il n'est pas rare que la tante et le neveu aient le même âge, ou un âge voisin, et qu'ils puissent avoir des relations sexuelles consenties. Dans ce cas, je ne pense pas, pour ma part, que l'on puisse parler d'inceste.
Avis défavorable. Mes arguments valent également pour les amendements n°s 10 et 11 .
Selon nous, les oncles, tantes, neveux et nièces doivent être inclus dans le périmètre de l'inceste. Là encore, il ne s'agit pas de créer une nouvelle incrimination, mais d'affirmer qu'un viol commis par un oncle – acte d'ores et déjà condamné – est incestueux. Le code civil prohibe, du reste, de tels mariages. Ils peuvent certes être autorisés par dispense du Président de la République, mais seulement dans des cas exceptionnels et pour des motifs très graves. En outre, la liste des auteurs des faits d'inceste doit être adaptée à l'évolution de notre société. Or Françoise Héritier-Augé, professeure d'anthropologie au Collège de France, constate qu'au-delà de l'inceste classique entre ascendants et descendants, il convient d'identifier un inceste de deuxième type qui implique toutes les personnes vivant dans le foyer – ce m'est l'occasion, monsieur Vaxès, de vous répondre sur ce point.
Même avis que la commission.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement de précision en vue d'améliorer votre texte, monsieur le président de la commission !
La qualification d'inceste ne saurait s'appliquer à toutes les infractions prévues par la section relative à l'ensemble des infractions de mise en péril des enfants. Or, dans la section 5 du chapitre VII « Des atteintes aux mineurs et à la famille », figurent un certain nombre d'infractions qui n'ont rien à voir avec l'inceste, comme par exemple la mise en péril du mineur, la privation d'aliments et de soins, le non-paiement de la pension alimentaire. C'est pourquoi nous proposons de substituer aux mots « à la présente section », les mots « à l'article 227-25 », car l'objet de votre texte est d'incriminer l'inceste et non toutes les atteintes aux mineurs.
Je constate que le président de la commission brigue tous les pouvoirs ! (Sourires .)
L'article 2 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 2 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 16 .
La parole est à M. Christian Estrosi.
Notre amendement tend à porter la sanction encourue pour atteinte sexuelle sur une mineur de plus de quinze ans à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.
La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y souscris.
Le Gouvernement émet un avis favorable car il est attaché à la juste répression des atteintes sexuelles sur mineurs. Actuellement, la loi hiérarchise la gravité en fonction de l'âge du mineur victime. En dessous de quinze ans, l'atteinte sexuelle est punie de cinq ans d'emprisonnement, dix ans en cas d'aggravation, notamment en cas d'inceste. Pour les mineurs de quinze à dix-huit ans, elle est punie de deux ans d'emprisonnement, à condition d'être commise par un ascendant ou une personne ayant autorité. L'amendement propose de réprimer ces atteintes sexuelles sur des mineurs âgés de plus de quinze ans par une peine d'emprisonnement de cinq ans au lieu de deux ans ainsi que d'une amende de 75 000 euros.
Le mérite de ce texte est de ne pas aggraver la répression, mais de désigner l'inceste, à savoir de mettre un mot sur un acte répréhensible qui n'était pas nommé comme tel.
Or l'amendement de notre collègue Estrosi vise à aggraver doublement la peine, puisqu'il la porte de deux à cinq ans d'emprisonnement et qu'il tend en même temps à élargir le champ d'application de la loi.
L'article 227-27 du code pénal réprime les relations sexuelles entre un ascendant ou une personne ayant autorité et un mineur de quinze à dix-huit ans. Il aggrave la peine pour l'ascendant. La minorité étant fixée à quinze ans, un article spécifique prévoit les relations sexuelles consenties entre, par exemple, un père et sa fille.
Avec la définition de l'inceste telle qu'elle nous est proposée, on élargit le champ d'application. Dans le cas de familles recomposées, il se pourrait que le jeune concubin de dix-huit ans d'une femme de trente-cinq ans, mère d'une jeune fille de seize ans, ait des relations sexuelles consenties avec cette dernière. Votre texte pénalisera cette relation.
Je vous invite, conformément à l'esprit du texte, à ne pas aggraver la répression et à ne pas étendre le champ d'application. Or c'est ce vers quoi tend l'amendement de M. Estrosi. De mon point de vue, c'est une double erreur.
La majorité sexuelle est aujourd'hui fixée à quinze ans, certes, mais les séquelles dues à des violences sexuelles du fait de proches sont parfois plus gravement ressenties à quinze ans que par un mineur de moins de quinze ans. Voilà pourquoi, conformément aux recommandations de l'ONED – l'Observatoire national de l'enfance en danger –, nous proposons d'aggraver les peines concernant des actes commis sur des jeunes considérées comme étant majeurs sexuellement.
Je souhaite lever une ambiguïté. Notre collègue vient de citer l'exemple d'une famille recomposée. Dans un cas d'inceste, nous ne sommes pas face à un crime qui peut s'apparenter à un cambriolage ou à un braquage avec trouble à l'ordre public, pour lequel les forces de l'ordre et le procureur de la République ont vocation à intervenir. La procédure judiciaire – pénale – en cas d'inceste implique le dépôt d'une plainte et l'existence d'une victime.
Dans le cas que vous venez de citer, il n'y aurait pas eu plainte. Il ne saurait donc y avoir d'infraction pénale. On imagine mal un procureur de la République qualifier de trouble à l'ordre public des relations sexuelles entre personnes consentantes, même si ces relations sont moralement répréhensibles.
Il n'est donc pas absurde de décider une aggravation de la sanction, comme Christian Estrosi le propose. S'il y a plainte, c'est qu'il n'y avait pas consentement, la personne coupable ayant abusé de son autorité morale. Je suis donc favorable à cet amendement.
Je ne peux vous suivre dans votre argumentation, monsieur Lagarde, car dans le cas cité par Dominique Raimbourg, une plainte peut fort bien être déposée par un tiers, en l'occurrence la mère s'estimant lésée par cette relation. La justice sera alors saisie même s'il s'agit de relations entre une personne majeure et une personne mineure de plus de quinze ans consentante.
J'aurais besoin de quelques précisions. Prenons l'exemple de Woody Allen, qui vit avec la fille adoptive de son ancienne compagne. Une plainte ne pourrait-elle pas être déposée par un tiers ?
Dans le cas cité par mon collègue, si la mère de la mineure portait plainte, que se passerait-il ? Le problème peut se poser et il faut que nous puissions apporter une réponse à cette question, sinon la justice sera confrontée à des difficultés certaines.
Monsieur Vaxès, dans ce débat, il me paraît important d'éviter de citer des noms de personne.
Je suis saisi d'un amendement n°15 .
La parole est à M. Christian Estrosi
Les plaintes pour sévices sexuels à l'encontre d'enfants ont augmenté de manière significative : on avance le chiffre de deux millions d'atteintes, le plus souvent commises par des proches. Toutefois, si l'inscription de l'inceste en tant qu'infraction spécifique dans le code pénal est un premier pas important que nous sommes en train de franchir grâce à cette proposition de loi, il convient de prendre des mesures très fortes de dissuasion afin de lutter efficacement contre l'inceste et, plus généralement, contre les violences sexuelles exercées sur des mineurs.
Pour prendre en compte la gravité de ces sévices et leur multiplication, le présent amendement prévoit d'exclure les majeurs condamnés pour viol, agressions sexuelles ou atteintes sexuelles sur un mineur du bénéfice des réductions de peine, notamment lorsque les actes incriminés sont incestueux ou commis par une personne ayant autorité sur la victime.
Par ailleurs, j'aimerais que M. le secrétaire d'État m'apporte une précision sur l'un de mes amendements adopté par la commission des lois dans le cadre de l'article 88 et déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Il visait à ce que les victimes puissent disposer d'un avocat dès la constatation des sévices subis, le placement en garde à vue de l'auteur des infractions ou l'engagement d'une procédure à son encontre. Quelles suites le Gouvernement pourrait-il réserver à cette proposition ?
Sans possibilité de réduction de peine, il n'y a pas de possibilité de liberté conditionnelle ni de rétention de sûreté. Pour ces raisons, il semblerait préférable, monsieur Estrosi, que vous retiriez votre amendement.
S'agissant de l'amendement n° 15 , le Gouvernement comprend votre volonté de voir réprimer les infractions sexuelles – notamment les incestes – avec la fermeté que justifie leur particulière gravité.
Pour autant, il considère qu'il n'est pas justifié d'exclure les auteurs de ces infractions du bénéfice des réductions de peine, et ce pour deux raisons.
D'une part, ces réductions de peine obéissent déjà à un régime particulier. Depuis la loi du 10 juillet 2007 sur la récidive, elles peuvent être retirées si les personnes refusent les soins qui leur sont proposés en prison.
D'autre part, depuis la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté. supprimer ces réductions de peine aurait pour conséquence d'empêcher le prononcé d'une surveillance judiciaire en fin de peine et, éventuellement, d'une surveillance de sûreté pour les personnes les plus dangereuses. Or ce contrôle post-carcéral est indispensable pour continuer à contrôler des détenus après leur libération.
Dans ces conditions, nous préférerions que cet amendement soit retiré, monsieur Estrosi ; à défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
J'en viens à votre amendement sur l'assistance par un avocat du mineur victime, dès le début de l'enquête. Il faut savoir qu'aujourd'hui, un mineur victime peut être assisté dès l'enquête par des professionnels – médecin, psychologue, administrateur ad hoc – afin de faciliter son audition. Mais ce n'est que devant le juge d'instruction que l'enfant doit obligatoirement avoir un avocat à ses côtés. L'avancée que vous souhaitez suppose par conséquent une expertise budgétaire, en concertation avec les avocats.
En tout état de cause, le Gouvernement prend l'engagement de réfléchir à ce point en sorte qu'une disposition puisse éventuellement être introduite dans le texte lors de son examen au Sénat.
Je le retire, même si j'ai quelques doutes sur les explications fournies.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour votre réponse quant aux suites que vous entendez donner au Sénat s'agissant de l'assistance aux victimes. Il est important de préciser, à la suite de M. le Président de la République, que l'on ne peut continuer à vivre dans un État où l'auteur d'une infraction placé en garde à vue bénéficie de multiples avantages – avocat à la première heure, traducteur, médecin – alors que la victime est laissée de côté.
Lorsque certains sujets suscitent des réticences de la part de l'Assemblée nationale, je souhaiterais que le Gouvernement en traite devant elle et non devant une autre chambre.
Lors de l'examen du projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires », l'Assemblée nationale a prévenu le Gouvernement de l'existence de certains risques. Nos collègues ont fait leur travail mais rien n'a été cédé et, aujourd'hui, l'on donne l'impression que c'est au Sénat que tout va se régler.
S'agissant de l'amendement évoqué par M. Estrosi, je souhaite que le Gouvernement propose des aménagements ici même, au besoin dans le cadre d'un autre texte de loi. Le travail de cette assemblée, qui représente l'ensemble de la population de ce pays, doit être respecté. Lorsque des aménagements sont proposés, c'est ici qu'il doit en être décidé. (Applaudissements sur tous les bancs).
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, puis-je me permettre de vous rappeler que ce n'est pas le Gouvernement qui a demandé que ce texte fasse l'objet d'une procédure accélérée ? Après cette lecture, il n'y aura donc qu'une lecture au Sénat, puis une CMP. En toute logique, je préfère éviter de dire à M. Estrosi qu'aucune modification n'est possible au motif qu'il est trop tard pour y procéder à l'Assemblée. Il n'est pas dans mes habitudes, ni dans celles du Gouvernement, de renvoyer les questions d'une chambre à l'autre. Je dis seulement que, lorsqu'il n'y a qu'une seule lecture par chaque assemblée, il est logique de vouloir faire en sorte que les demandes aboutissent grâce à un travail commun des chambres.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois.
Je remercie M. le secrétaire d'État pour sa réponse mais je maintiens ma position : il y aura d'autres textes de loi et je souhaiterais que ce soit notre assemblée qui vote sur le dispositif se rapportant à une suggestion ou une proposition qu'elle a elle-même formulée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à Mme Henriette Martinez.
Cet amendement traite de deux sujets : l'obligation de signalement qui s'impose aux médecins, et la protection des médecins ayant fait un signalement.
Les médecins généralistes ou spécialistes – pédiatres, pédo-psychiatres, gynécologues – sont en première ligne pour constater les abus et les maltraitances dont sont victimes les enfants. Or, aujourd'hui, malgré les avancées permises par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, nous nous trouvons confrontés à des situations paradoxales.
Il n'est pas clairement indiqué dans la loi que les médecins ont l'obligation de signaler. La formule « impose ou autorise » permet l'une ou l'autre des interprétations et crée une ambiguïté. Il serait donc nécessaire que la loi impose clairement aux médecins de signaler les maltraitances ou abus sexuels dans certains cas.
Il s'agit, en outre, de préciser quels sont ces cas. Je souhaiterais en particulier que soit mentionnée la grossesse. Quand elle est causée par un abus sexuel, la levée du secret professionnel s'impose. Or, aujourd'hui, la grossesse n'est pas considérée comme relevant des situations de fragilité de la personne autorisant cette levée.
Enfin, il s'agit d'éviter que les médecins qui adressent un signalement soient poursuivis. Nous sommes là au coeur d'un problème particulièrement complexe. En vertu de l'article 226-14 du code pénal, les médecins doivent adresser un signalement mais il revient au juge de décider s'ils instruisent ou s'ils poursuivent. Dans les cas où les faits sont qualifiés et où la justice intervient pour sanctionner l'abuseur, les médecins sont à peu tranquilles. En revanche, si un non-lieu est prononcé, le médecin ayant alerté les autorités en toute bonne foi est susceptible d'être poursuivi, y compris au pénal, pour dénonciation calomnieuse. Certains médecins ont vu leur carrière professionnelle, voire leur vie familiale et personnelle gâchées dans de telles affaires.
Le médecin ayant effectué un signalement est donc exposé au risque d'être poursuivi si le juge décide de ne pas donner suite à ce qui a motivé le signalement. Cependantt les articles 226-3, 434-1 à 3 du code pénal sanctionnent les médecins qui n'auraient pas effectué de signalement, notamment lorsque des abus ou des maltraitances graves sont constatés sur les enfants – ce fut le cas lors du verdict de la cour d'assises de Douai le 6 novembre 2008.
Les médecins sont donc confrontés à un terrible dilemme : soit ils adressent un signalement et ils risquent d'être poursuivis s'il n'y a pas de suites judiciaires ; soit ils n'effectuent pas de signalement, et ils sont poursuivis si des maltraitances et des abus sont constatés.
Je souhaiterais donc que l'on puisse clarifier cette situation.
J'ajoute que j'ai reçu un soutien spontané de la part d'un médecin, qui m'a autorisé à citer son nom. Il s'agit du docteur Jean-Louis Chabernaud, pédiatre, praticien hospitalier et président du syndicat national des pédiatres en établissement hospitalier. Voici ce qu'il m'écrit dans son courriel : « Ces amendements sont extrêmement importants parce qu'ils permettront que nos collègues qui sont amenés à signaler ne soient l'objet d'aucune sanction ou poursuite de quelque ordre que ce soit. Ayant déjà défendu plusieurs collègues obstétriciens etou pédiatres par le passé, je suis prêt à soutenir publiquement votre initiative ».
Je ne suis pas médecin, mais je travaille depuis quelques années sur la protection de l'enfance. Dans le cadre de la loi Jacob de 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, Mme Adam et moi-même avions fait voter un amendement visant à protéger des sanctions disciplinaires les médecins qui signalent. Il s'avère que les sanctions disciplinaires continuent pour certains et que des poursuites pénales sont engagées lorsque les faits ne sont pas qualifiés par la justice.
Aussi, je souhaite que cet amendement, qui protège définitivement les médecins, soit adopté. Nous avons tous compris que, si les médecins ne constatent pas les faits, les enfants victimes d'incestes, crimes odieux commis dans le cercle familial, crimes dont on ne peut parler à personne parce qu'ils sont commis par les parents, ne pourront toujours pas parler des faits à l'âge adulte.
Il semble que la proposition de Mme Martinez soit trop vaste. L'immunité serait complète.
En outre, cette disposition risque fort d'être inconstitutionnelle.
D'autres dispositions du texte sont elles aussi anticonstitutionnelles !
Madame la députée, si le Gouvernement comprend l'objet de l'amendement, il ne peut qu'y être défavorable.
S'agissant de l'obligation de signalement, les professionnels de santé notamment qui ne signalent pas les sévices qu'ils ont constatés savent pertinemment qu'ils engagent leur responsabilité pénale, en particulier du chef de non-assistance à personne en danger. Cela vaut même lorsque la loi ne fait qu'autoriser ce signalement sans l'imposer.
D'ailleurs, ces dispositions ne doivent pas se lire isolément. Je rappelle que l'article 40 du code de procédure pénale impose à tout fonctionnaire ou membre d'un corps constitué de signaler les crimes et délits dont il acquiert la connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
Tout cela contribue déjà incontestablement à favoriser les signalements qui sont étayés par des constatations précises. Introduire une obligation dans un texte sur le secret professionnel ne serait probablement pas un gage d'efficacité supplémentaire.
S'agissant maintenant de la responsabilité des auteurs de signalement, je rappelle qu'ils bénéficient d'ores et déjà d'une protection complète de la loi. Ils ne peuvent être condamnés pour violation du secret professionnel. Ils bénéficient d'une excuse légale pour toute autre infraction – diffamation par exemple – dès lors que leur signalement n'est pas fait de mauvaise foi – vous y faites d'ailleurs allusion dans votre amendement –, ou sans justification.
Enfin, le dernier alinéa de l'article 226-14 exclut expressément toute sanction disciplinaire et la remarque faite par Mme Fort selon laquelle il y aurait là un élément d'inconstitutionnalité est probablement justifiée.
Vous considérez que mon amendement couvre un champ trop large. Aussi, pour que les choses soient claires, je vous propose de le rectifier pour n'en conserver que le dernier alinéa.
Monsieur le secrétaire d'État, j'entends bien ce que vous me dites. Mais ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et il convient qu'il n'y ait plus d'ambiguïté pour les juridictions.
Mme Martinez pose un vrai problème. Toutefois, il ne me semble pas possible d'introduire dans la loi une immunité générale et absolue. On ne peut pas accorder une immunité totale à une profession, en sorte que, quoi qu'elle dise, elle n'encoure jamais aucune sanction. Cette disposition excessive risque effectivement d'être déclarée anticonstitutionnelle.
Aussi, je me rallie au jugement de M. le secrétaire d'État et de Mme la rapporteure en émettant un avis défavorable sur cet amendement.
Il y a quand même une restriction, l'exigence de bonne foi, ce qui ne laisse pas un champ complètement ouvert.
J'ajoute que les pays qui ont de telles législations ont vu le nombre de signalements augmenter, et donc s'améliorer la détection des abus sexuels et des maltraitances lourdes sur les enfants. Pour ma part, je me suis référée à la législation québécoise. Je peux vous assurer que de grands progrès ont été réalisés quant à la détection des abus et quant à la tranquillité des médecin,s qui n'encourent aucune sanction quand ils effectuent un signalement.
Aussi, je maintiens cet amendement rectifié qui me paraît extrêmement important. La bonne foi ne donne pas une immunité totale aux médecins qui signaleraient n'importe quoi.
Mme Martinez a cité des cas que nous sommes nombreux à avoir rencontrés dans nos circonscriptions. Certains médecins refusent de témoigner de faits dont ils ont connaissance, sur lesquels ils ont parfois une certitude, parfois des doutes. Compte tenu de la responsabilité qu'ils engagent, certains refusent de témoigner ou d'apporter des éléments permettant soit de lancer une investigation, soit de saisir le procureur.
Cela étant, nous assistons vraiment là à un débat de commission. Si ce point avait été discuté comme il se doit en commission, nous ne nous poserions pas de telles questions à cette heure dans l'hémicycle.
Monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, cela démontre, une fois de plus, combien il est dommage que nous n'ayons pu procéder à des auditions sur ce texte, faute de délai suffisant. Mme Martinez est malgré tout parvenue à recueillir des témoignages de médecins mais si nous avions tous eu le temps d'examiner comme il faut cette proposition et de prendre des avis, nous n'en serions pas là ce soir.
Il est dommage que, sur un texte aussi important et qui intéresse de nombreuses victimes, nous ayons des débats de cet ordre ici. Ce n'est pas digne de l'Assemblée nationale.
Madame Adam, cet amendement, qui a été examiné au titre de l'article 88 du règlement, a été repoussé. Vous ne pouvez donc pas dire que nous ne l'avons pas examiné.
Madame Martinez, la bonne foi ne pourra jamais être établie...
..parce que votre amendement interdit toute poursuite, et donc toute enquête.
Je le répète, je suis sûr qu'avec cet amendement on ne parvient pas à un bon équilibre. L'argument que vous utilisez est totalement contradictoire avec le texte que vous proposez. Aussi, je répète que je suis totalement défavorable à votre amendement.
(L'amendement n° 3 , tel qu'il vient d'être rectifié, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Henriette Martinez, pour soutenir l'amendement n° 2 .
Cet amendement, qui s'inspire lui aussi de textes qui font référence, vise à protéger la personne qui signale en lui permettant de conserver l'anonymat.
Bien entendu, elle donne son identité au moment où elle signale, mais elle peut demander que l'anonymat soit respecté au moins pendant le temps de la procédure, de telle sorte que le présumé agresseur ne puisse pas avoir connaissance de son identité dans les heures qui suivent la réception du signalement, comme c'est le cas actuellement. On évitera ainsi qu'un médecin, par exemple, soit soumis à des pressions, voire à des menaces, visant à le dissuader de maintenir son signalement.
Cet amendement pose problème car une personne qui dénoncerait des maltraitances imaginaires ne pourrait pas être poursuivie en dépit des préjudices qu'entraîne un tel comportement.
Autant je partage pleinement l'idée qu'une personne qui dénonce les faits de bonne foi ne doit pas être poursuivie, autant une immunité absolue, appuyée sur un anonymat que personne ne pourrait remettre en cause, m'apparaît contestable.
Même avis.
Actuellement, il n'existe dans notre droit aucune disposition qui préserve aussi radicalement l'anonymat d'une personne, y compris les personnes qui déposent sous X afin de préserver leur vie ou leur intégrité physique. Par conséquent, je ne peux que demander le retrait de cet amendement. À défaut, j'émets un avis défavorable.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4.
La parole est à Mme Patricia Adam.
Avec l'article 4, nous abordons le code de l'éducation.
Nous pouvons tous être favorables, je l'admets, aux propositions faites ici car l'intention est particulièrement louable. Nous pouvons de fait largement améliorer l'information donnée aux jeunes par l'intermédiaire de l'éducation nationale – et peut-être pas uniquement par ce canal, d'ailleurs !
Je suis toutefois très sceptique sur la portée de ces dispositions car, alors que ce texte est présenté devant l'Assemblée nationale, les associations qui travaillent sur ces questions depuis longtemps et qui sont des partenaires des collectivités territoriales mais aussi de l'État, de l'ONED, de l'ODAS – je pense à Enfance et Partage, à La voix de l'enfant, à L'enfant bleu, au Planning familial, au CIDF – n'ont été ni écoutées, ni même entendues.
Je le répète : ces associations n'ont été écoutées à aucun moment, ce qui est inadmissible quand on sait le travail qu'elles réalisent depuis de très nombreuses années. Et, contrairement à ce que j'ai pu entendre tout à l'heure, ce travail n'est pas que national, il est aussi local. Dans mon département et dans bien d'autres, ces associations sont présentes, elles accueillent les victimes et le public. Pourtant, elles ont vu leur budget supprimé. Aussi, comment pouvez-vous demander qu'elles fassent oeuvre éducative auprès des élèves quand on leur enlève les subventions qui leur permettent d'intervenir dans les collèges et les lycées ?
Si ces associations, à côté de l'éducation nationale, à côté des conseils généraux, parviennent encore à intervenir auprès de ces publics victimes, en particulier des mineurs, c'est parce que des collectivités locales les financent, mais certes pas l'État.
Il est donc facile de proposer dans un texte législatif – et de faire croire aux victimes – que l'État s'engage dans cette voie, alors que les lois de finances qui viennent d'être votées ont supprimé ces budgets.
Dernièrement, de nombreuses associations de planning familial qui intervenaient dans les établissements scolaires, ainsi que le CIDF, qui intervient plus particulièrement sur les violences faites aux femmes – mais nous savons très bien que ces violences s'accompagnent souvent de violences aux enfants –, ont vu leurs budgets d'accompagnement des victimes supprimés. Vous oubliez de le dire, mais j'aimerais profiter de la discussion de ce texte pour rappeler ce fait car les associations ne réussissent pas à se faire entendre.
Par ailleurs, vous mettez en avant le rôle des enseignants. Ils ont certes un rôle à jouer, mais il leur est très difficile d'intervenir sur des questions aussi sensibles et aussi difficiles à traiter. Sur le terrain, nous savons très bien que l'éducation nationale a besoin de faire appel à ces associations, à ces structures, à ces professionnels compétents. Or votre texte ne prévoit pas le recours à ces personnes. Nous proposerons des amendements en ce sens que, j'espère, vous accepterez même si je constate qu'aucune proposition concrète et constructive n'a jusqu'à présent été acceptée par Mme la rapporteure.
Je pense pour ma part que la prévention de l'inceste ne peut pas faire l'objet d'une formation spécifique mais qu'elle doit davantage bénéficier d'une formation générale et d'une sensibilisation, cela a été dit tout à l'heure. L'inceste est une violence qui est faite aux enfants et il est difficile d'aborder cette question directement.
La véritable question qui se pose, c'est qui va former. Il existe encore aujourd'hui, parmi les formateurs qui forment à l'éducation sexuelle et à toutes sortes de questions relatives aux droits des enfants, des personnes qui pensent que les enfants fabulent et que leur parole ne doit pas être crue. Les mères sont également accusées, de manipulation lorsqu'elles soutiennent les enfants, et de coresponsabilité avec le parent abuseur lorsqu'elles ne les soutiennent pas.
L'appréciation de la compétence des personnels, de leur formation et la manière dont on va certifier la formation sont des questions majeures, sachant que les conseils généraux étant, pour l'essentiel, ceux qui financeront ces dépenses, c'est sans doute avec eux, comme le disait Mme Adam tout à l'heure, qu'il faudra aborder ces questions de fond.
Je suis saisi d'un amendement n° 20 .
La parole est à Mme la rapporteure.
Nous avons souhaité que l'éducation nationale soit partie prenante dans ce texte parce que la vie d'un enfant repose sur deux piliers : la famille et l'école, qui joue un rôle très important quand la famille fait défaut.
L'amendement n° 20 , qui a été adopté par la commission, vise à préciser que le contenu de la séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée, prévue à l'article L. 542-3 du code de l'éducation et qui sera orientée sur les violences intra-familiales à caractère sexuel, sera précisé par une circulaire.
(L'amendement n° 20 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
L'amendement n° 18 concerne la formation des médecins. Je propose que le chapitre 2 du code de l'éducation, qui traite des études médicales, stipule que les étudiants en médecine soient formés pour détecter, signaler et prendre en charge des enfants victimes d'abus sexuels et de maltraitance.
Il est certes prévu de former beaucoup de personnels, dont des personnels déjà en activité, des médecins, des juges, des avocats, etc. Mais les étudiants en médecine doivent eux aussi être formés de telle sorte qu'ils puissent gérer ces problématiques très difficiles. Le stress provoqué par la reconnaissance d'abus sexuels est réel, tout comme la peur de procéder à un mauvais diagnostic, avec toutes les conséquences que cela peut avoir, sans compter qu'un médecin qui signale perd les patients et tout l'environnement familial autour du cas signalé.
Les jeunes médecins ne sont pas préparés à aborder ces difficultés. Au-delà de la formation des professionnels déjà en activité, je souhaiterais que l'on puisse former les jeunes médecins à cette problématique.
La commission a accepté cet amendement qui vise à préciser que la spécificité de l'inceste doit être abordée dans le cursus des études médicales.
(L'amendement n° 18 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
(L'article 4, amendé, est adopté.)
Sur l'article 6 bis, je suis saisi d'un amendement n° 13 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Et nous y sommes favorables !
(L'amendement n° 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 6 bis, amendé, est adopté.)
L'article 8 a été supprimé par la commission.
Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans les explications de vote, j'informe l'Assemblée que, sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe SRC.
Nous l'avons déjà dit, nous regrettons les conditions dans lesquelles cette proposition est examinée. Un débat plus approfondi et une analyse plus fine de la situation auraient été préférables. Le dossier, malheureusement, n'est pas clos, mais nous sommes disponibles pour continuer à travailler sur le sujet, à entendre les victimes d'inceste et à améliorer la prise en charge de ce délit.
Nous regrettons vivement que les améliorations que nous avons proposées n'aient pas été retenues, que les délais que nous souhaitions obtenir pour pouvoir aller de l'avant et procéder aux auditions indispensables aient été refusés. C'est la raison pour laquelle, malgré les avancées que comporte ce texte, avancées que nous avons signalées – le fait de nommer l'inceste dans le code pénal nous semble positif, tout comme le fait de préciser la conception de la contrainte pour éviter des débats –, nous nous abstiendrons sur cette proposition de façon qu'elle puisse passer. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Mais, nous le répétons, nous souhaitons travailler dans de meilleures conditions à l'avenir.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai développés dans mon intervention générale et dans l'explication de vote sur la motion de renvoi en commission. Je voudrais seulement insister sur ce qui me paraît important dans la proposition de notre collègue, à savoir les dispositions relatives à la prévention et aux soins que méritent les personnes victimes d'agressions sexuelles incestueuses.
Il était prévu, dans la proposition de loi initiale, qu'une formation en sciences humaines notamment soit assurée pour les personnes qui ont à voir avec ces situations-là.
Il était prévu que dans chaque département – je ne peux pas résister à ce rappel – existe au moins un établissement de santé public doté d'un centre de référence pour les traumatismes psychiques qui assure l'accueil et la prise en charge des victimes de violences pour permettre la continuité des soins. Les équipes devaient comprendre au moins deux psychiatres, des infirmiers formés à la psycho-traumatologie, deux psychologues, un psychologue motricien…
Ces dispositions ont été supprimées. J'aurais aimé entendre l'explication. Si elles ont été supprimées au titre de l'article 40 parce qu'elles coûtent, on peut s'interroger sur le prix que l'on veut mettre pour combattre l'inceste.
Et si l'on n'est pas prêt à mettre ce prix, alors peut-être avons-nous raison de proposer l'abstention pour que la réflexion puisse se poursuivre et que les moyens de régler au fond les problèmes que pose ce texte soient enfin trouvés.
Il est prévu dans les textes actuels que les personnels médicaux, infirmiers, sociaux, dans les établissements scolaires, aient la possibilité de venir en aide à des enfants victimes de violences. Je rappellerai pour mémoire qu'il y a aujourd'hui un infirmier ou un médecin scolaire pour 8 000 enfants dans les écoles primaires. Peut-on assurer vraiment une prévention dans ces conditions ? Sans moyens, on en reste aux intentions, à de l'affichage, sans conséquences, avec le risque que les victimes de l'inceste soient très déçues par ce qu'apportera la loi que vous allez, mesdames et messieurs de la majorité, adopter.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 140
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 124
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures (n° 1578).
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord – cela devient une habitude aujourd'hui – de remercier le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, M. Jean-Luc Warsmann, et le rapporteur de ce texte, Étienne Blanc, pour l'ensemble du travail accompli autour de cette proposition de loi de simplification, de clarification du droit et d'allégements des procédures.
Simplifier n'est pas une démarche accessoire de l'action des pouvoirs publics.
La simplification est au coeur de l'activité législative, comme elle doit être au coeur de l'activité administrative, parce qu'elle conditionne la qualité et la pertinence de nos réglementations, parce qu'elle garantit la diffusion et la compréhension du droit et donc son application effective, parce qu'elle répond à l'une des lois fondamentales du service public, celle de l'adaptation permanente aux besoins de nos concitoyens.
C'est une entreprise difficile qui, pour réussir, doit être visible et répondre aux attentes des usagers. Vous en avez tous une perception très nette dans votre quotidien d'élu : la simplification est une priorité pour les usagers. D'ailleurs, plus de 85 % de nos concitoyens considèrent que la simplification des démarches administratives doit être une priorité de l'action gouvernementale.
Reconnaissons-le, en matière de simplification, l'année passée a déjà été marquée par des concrétisations très significatives.
Je pense au contribuable qui, pour la première fois en 2008, a eu la possibilité de déclarer ses impôts par téléphone.
Je pense également aux familles, avec la suppression des 8 millions de déclarations de ressources aux CAF en mutualisant les données que les services des impôts avaient déjà. Ces 8 millions de déclarations, il fallait les faire tous les ans !
Je pourrais encore citer d'autres mesures qui sont loin d'être anecdotiques, et si Éric Woerth ou André Santini étaient là, ils le feraient avec beaucoup plus de talent que moi.
Se débarrasser des pesanteurs administratives est encore plus indispensable en temps de crise, et au moment où notre économie souffre. Simplifier c'est aussi gagner en compétitivité. C'est donc tout simplement vital !
Le texte qui vous est soumis contient de très nombreuses mesures de simplification en faveur des usagers. Il s'agit pour nous que soient concrétisées le plus rapidement possible les actions engagées.
Pour les entreprises notamment, si vous votez cette disposition, les entreprises de plus de cinquante salariés n'auront plus l'obligation chaque année de transmettre un rapport sur leur situation économique aux directions départementales du travail. A quoi cela sert-il en effet d'obliger une entreprise à transmettre un document qui n'est pas systématiquement consulté ? Cette obligation sera remplacée par une simple mise à disposition à la demande de l'administration. Plus de 25 000 entreprises sont concernées.
Je tiens particulièrement à rassurer les membres des groupes d'opposition qui s'interrogent sur le bien-fondé de cette mesure. L'objectif poursuivi est d'alléger les formalités qui pèsent sur les entreprises, et en aucun cas de porter atteinte aux prérogatives de l'inspection du travail qui, naturellement, pourra consulter tous les documents nécessaires.
Pour les usagers, nous allons leur permettre de ne plus avoir à se déplacer ou à se faire représenter pour renoncer à une succession. Cette mesure permettra d'éviter aux usagers des démarches inutiles, chronophages et coûteuses.
Pour les agriculteurs, les professionnels n'auront plus qu'un organisme unique vers lequel se tourner pour la gestion et le paiement de la majorité des aides communautaires directes. Il s'agit d'une réforme de fond et de simplification de nos structures administratives décidée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
D'autres dispositions permettant, par exemple, le recours à la signature électronique en matière pénale ou encore celles visant à assurer une meilleure protection des victimes de discrimination au travail vont participer de manière tangible à l'amélioration du service public.
Mesdames, messieurs les députés, le droit nous permet de rendre effective la simplification. Avec cette proposition de loi, nous passons ensemble à l'action ! Je ne peux que m'en réjouir et, au nom du Gouvernement, vous remercier à nouveau pour votre engagement. et en particulier le président Warsmann qui a fait de cette question de la simplification un véritable combat dans l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, comme cela vient d'être dit excellemment, le Parlement a pris à bras-le-corps le problème de la complexité du droit. La présente proposition de loi, qui vous est soumise en deuxième lecture après son adoption par le Sénat, en est la deuxième traduction concrète depuis le début de la XIIIème législature, après l'adoption de la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.
Déposée le 22 juillet 2008 par M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, puis adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 14 octobre 2008, la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures a été adoptée par le Sénat le 25 mars 2009. Composée de quatre-vingts articles après son adoption par l'Assemblée nationale, elle a été enrichie par le Sénat de soixante et onze nouveaux articles. Trente-trois articles ont été adoptés conformes par le Sénat et dix-huit « quasi conformes ». Par ailleurs, dix articles ont été supprimés.
Cette proposition de loi est importante non seulement par le nombre de ses articles, mais également par la diversité des complexités législatives qu'elle permet de dénouer. En effet, de nombreux pans de notre droit, donc de la vie de nos concitoyens, font l'objet non seulement de coordinations, de corrections et de toilettages, mais aussi d'allégements des obligations. Dans les nombreux domaines couverts par cette proposition de loi, les modifications permettront aux citoyens et aux entreprises d'agir avec un encadrement juridique assoupli, tandis que les modes de décision des collectivités territoriales seront allégés, au bénéfice de la rapidité et de la qualité de leurs interventions.
Parmi les principales mesures de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures adoptées conformes ou avec de simples modifications rédactionnelles par le Sénat, certaines méritent tout particulièrement d'être citées.
L'article 1er permet la participation aux élections de tous les citoyens ayant changé de domicile pour un motif professionnel après la clôture des listes électorales.
L'article 2 permet la restitution automatique de la consignation en cas de succès de la contestation d'une amende.
L'article 4 vise à permettre la vente, sur autorisation judiciaire, d'un bien en indivision, pour hâter et régler les procédures d'indivision successorale.
L'article 6 simplifie et assouplit les dispositions relatives à la surélévation des immeubles afin de favoriser la densification des centres villes et des centres bourgs.
L'article 9 renforce le bloc de compétences dévolu au juge aux affaires familiales en y ajoutant les mesures de tutelle concernant les mineurs aujourd'hui dévolues au tribunal d'instance.
L'article 14 bis règle le problème de l'insaisissabilité du solde des comptes bancaires.
L'article 28 quinquies, introduit par notre assemblée en première lecture sur l'initiative de M. Nicolin, octroie aux maires la compétence en matière de déplacements des débits de tabac sur le territoire d'une même commune.
L'article 29, essentiel, supprime 98 dispositions législatives prévoyant des obligations de dépôts de rapports devant le Parlement, obligations qui ne sont pas tenues ou qui apparaissent inutiles.
L'article 30 simplifie les règles d'action en justice pour les présidents de conseils généraux et régionaux.
L'article 44 centralise les contentieux en matière de recouvrement des amendes de transport.
L'article 46 dématérialise les informations cadastrales.
Les articles 56 et 57 suppriment des dispositions inutiles ou inadaptées en matière de récidive des infractions.
En revanche, le Sénat a souhaité adjoindre à ce texte de nouvelles mesures se situant dans l'esprit général de simplification et de clarification de notre droit.
L'article 6 bis permet la rénovation complète d'un bâtiment qui, bien que régulièrement construit, ne respecte pas les dispositions d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme postérieur à sa construction.
L'article 9 ter renforce la professionnalisation des juges de la Cour nationale du droit d'asile.
L'article 15 nonies améliore le régime de protection des stagiaires en entreprise en matière d'accident du travail, procédures lourdes et complexes, au même titre que pour les maladies professionnelles.
L'article 35 bis abroge deux dispositions inappliquées du code de la sécurité sociale en matière d'objectifs de dépenses de soins.
L'article 65 octies, introduit au Sénat par un amendement du Gouvernement, a pour objet de reporter du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2011 l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction, permettant ainsi aux juridictions de se préparer à cette nouvelle organisation.
Voila, résumé en quelques mots, le contenu de cette proposition de loi très riche en mesures de simplification attendues par nos concitoyens. Je souhaite vivement qu'elle puisse être définitivement adoptée ce soir, avec le soutien le plus large de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je me livrerai à quatre observations pour étayer mon argumentation.
La première est d'ordre général. La simplification du droit est effectivement un exercice intéressant auquel nous souscrivons tous. Cependant, cette proposition de loi ne présente pas toutes les qualités requises. En technique législative, un cavalier est un amendement qui n'a strictement rien à voir avec le texte principal. Or, la lecture de cette proposition touffue nous donne l'impression que celle-ci n'est composée que de cavaliers. Elle comporte en effet 141 articles qui n'ont aucun rapport entre eux. Vous êtes ainsi promu, monsieur le rapporteur, à la tête d'un escadron de cavaliers, mais vous avez été obligé de recruter une partie d'entre eux au Sénat alors que vous n'en souhaitiez pas vraiment la présence. En effet, le chef d'escadron n'est pas toujours le sergent recruteur et doit supporter des cavaliers parfois indisciplinés dont la présence est difficile à justifier !
Le plus important de ces cavaliers est celui qui figure à l'article 65 octies, à savoir le report d'un an de l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction, décidée à la suite du fiasco d'Outreau et instaurée par la loi du 5 mars 2007, qui devait intervenir le 1er janvier 2010. En application de cette loi, devaient être décidés par le collège des juges d'instruction : la mise en examen, l'attribution du statut de témoin assisté, la saisine du juge de la liberté et des détentions pour une mise en détention, la mise en liberté d'office, le renvoi devant le tribunal, l'ordonnance de non-lieu ou le renvoi devant la cour d'assises. C'est à ce titre d'ailleurs que, pendant la période intermédiaire, on a créé les pôles de l'instruction et c'est en application de ces derniers qu'a été modifiée, dans la douleur, la carte judiciaire. Et curieusement, par un amendement au Sénat, on décide de repousser d'une année l'application de cette disposition votée en 2007 et prévoyant une période intermédiaire de trois ans. Cette période intermédiaire n'a pas été mise à profit pour se donner les moyens de mettre en oeuvre une réforme que tout le monde jugeait pourtant absolument nécessaire à l'époque.
Il faut dire que entre temps, le 7 janvier 2009, lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le Président de la République a expliqué qu'il était favorable à la suppression du juge d'instruction. Sur une simple injonction présidentielle, on suspend donc l'application d'une loi au motif, nous dit-on, que la chancellerie ne serait pas prête.
J'ajoute que le Sénat a modifié cet article qui prévoyait à l'origine un report sans date de cette réforme votée à l'unanimité. Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, que le groupe SRC ne puisse voter ce texte, ne serait-ce que parce qu'il comporte une telle disposition.
Vous comprendrez que le groupe SRC ne vote pas un texte qui comporte une telle disposition.
Hélas ! Ce n'est pas la seule que nous réprouvions. Certaines vous exposent même à la censure du Conseil constitutionnel. Le texte comporte en effet de nombreux cavaliers qui contredisent l'ambition affichée de la réforme de la Constitution, qui était de revaloriser le rôle du Parlement. L'article 28 quater autorise le Gouvernement à modifier les parties législatives et réglementaires du code rural et forestier, lui donnant ainsi l'occasion de créer des organisations de producteurs nationaux, en lieu et place des producteurs régionaux. L'article 28 terdecies modifie le code rural et le code de la sécurité sociale en ce qui concerne les relations avec l'inspection du travail. L'article 33 ter prévoit la modification par ordonnance des règles budgétaires applicables au régime des régions et des syndicats mixtes, et l'article 36, celle des structures administratives dans le secteur agricole. Il cause à ce titre une vive inquiétude au sein des organisations de producteurs, dont s'est émue une de nos collègues élue des Côtes d'Armor. Parce que ces dispositions visent à autoriser la modification par ordonnance des textes relevant de la compétence législative, elles encourent à notre sens la censure du Conseil constitutionnel.
En troisième lieu, le texte contient des décisions inopportunes. Il prévoit notamment que la réception et l'instruction du dossier de demande de naturalisation par mariage incomberont non plus aux tribunaux d'instance mais aux préfectures. De ce fait, on peut craindre certaines disparités dans leur traitement, ce qui ne simplifiera pas le droit. Dans la plupart des cas, en effet, il faudra demander un certificat de nationalité du fait du mariage, qui reste délivré par le tribunal d'instance. De même, l'article 15 bis supprime la transmission des rapports économiques à l'inspection du travail, dont le rôle se trouve ainsi amoindri. L'article 15 octies applique à la SNCF des dispositions du code du travail, ignorant des décrets datant des années soixante. Enfin, l'article 14 quinquies exclut les déménageurs de la réglementation sur les transports. Pourtant, le rapporteur de la commission des lois nous a expliqué que cette mesure risque de soustraire la totalité des entreprises de déménagement à la réglementation du transport, ce qui n'est pas une bonne idée. Sans doute l'auteur de cette disposition adoptée par le Sénat n'en a-t-il pas mesuré les conséquences.
Cependant, dans un souci de rapidité, vous avez décidé que ce texte devait être voté conforme, quitte à y revenir par la suite. Si de telles pratiques peuvent se justifier quand on veut en finir avec un texte, elles ne concourront pas à la simplification de la loi, puisque, de l'aveu du rapporteur lui-même, il contient des mesures insatisfaisantes.
J'en viens à ma quatrième remarque. À l'évidence, certains articles du texte, sans être mauvais pour autant, ne visent en rien à simplifier le droit. Il en va ainsi de l'article 54 ter, qui modifie les règles de la police intercommunale, de l'article 28 duodecies, qui offre la possibilité aux débitants de tabac d'exploiter leur commerce sous forme de société en nom collectif, ou encore de l'article 28 octies qui adjoint au Conseil national des barreaux deux membres de droit, le président de la conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Paris.
Nous voterons par conséquent contre ce texte qui modifie une disposition de procédure pénale adoptée à l'unanimité par l'Assemblée, qui porte atteinte aux droits du Parlement en transférant au Gouvernement la possibilité d'intervenir par ordonnance dans les matières législatives, et contient enfin des dispositions critiquables. J'ajoute que la méthode qui consiste à présenter comme une simplification du droit des mesures qui visent en fait à le modifier n'a rien de satisfaisant.
Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Lionel Tardy.
Aucune motion n'avait été déposée sur ce texte lors de sa première lecture, le 14 octobre dernier. En voir surgir, lors de cette seconde lecture, est donc très étonnant, surtout quand on l'apprend quelques heures seulement avant le débat, sans qu'aucun signe avant-coureur l'ait annoncée.
Comment expliquer cette initiative ? Une opposition au texte ou à la démarche qu'il met en oeuvre aurait pu s'exprimer autrement, notamment dans la discussion générale ou les explications de vote prévues à cet effet.
Déposer la motion d'irrecevabilité est le signe d'une forte hostilité politique au texte. En l'espèce, peut-être s'agit-il plutôt d'une volonté de manifester une mauvaise humeur politique, en lien avec l'actualité parlementaire. Mais la démarche de simplification et de clarification du droit mérite mieux que d'être instrumentalisée pour des raisons politiciennes. Si tel était le cas, ce que je n'ose croire, cela ne ferait pas honneur à l'opposition, car je pense que certains principes doivent être au-dessus des contingences de la vie politique.
La simplification du droit est d'utilité publique, la mauvaise qualité de la norme exigeant que l'on intervienne vigoureusement. Elle va d'ailleurs dans le sens d'une meilleure intelligibilité de la loi, qui est un principe constitutionnel. Je m'étonne donc qu'une motion visant à démontrer l'inconstitutionnalité de ce texte ait pu être déposée. C'en est même absurde !
J'avoue donc mon incompréhension et celle de mon groupe devant le dépôt tardif de cette motion à laquelle nous ne saurions nous associer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mon groupe votera l'exception d'irrecevabilité.
Certes, monsieur Tardy, notre attitude a changé depuis la première lecture du texte. C'est que le Sénat y a adjoint beaucoup d'articles, dont certains sont loin d'être anodins, même si je reconnais certaines avancées, qui montrent tout l'intérêt de la navette parlementaire.
Je commencerai par une remarque générale sur les lois d'initiative parlementaire. Celles qui émanent de l'opposition ne seront jamais discutées au niveau des articles, ce que je regrette, mais je me réjouis que nous puissions examiner jusqu'au bout celles de la majorité. Mais nous avons déjà pu constater une dérive, alors que nous commençons seulement à appliquer la réforme de la Constitution et que nous abordons l'examen de celle du règlement : le texte précédent a dû être voté en urgence, après une seule lecture dans chaque assemblée avant la CMP, et le Gouvernement nous demande de voter le texte dans les mêmes termes que le Sénat. Pourquoi appliquer une telle règle aux propositions de loi ? Il avait été dit que la procédure d'urgence, pour les textes gouvernementaux, serait fortement encadrée. Les textes d'origine parlementaire appellent un travail de fond, qui exige du temps.
J'en viens à ma seconde remarque. Nous sommes résolument favorables à une simplification du droit. Mais regardons, par exemple, l'article 35 ter introduit par le Sénat. Il ne vise ni plus ni moins qu'à autoriser le Gouvernement à procéder par ordonnance à la création de la partie législative du code des transports, du code minier et du code de l'énergie, ainsi qu'à compléter le code de l'environnement pour codifier les dispositions de la loi n° 2006-686 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ou à la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. On est bien loin de la simplification du droit !
M. Raimbourg l'a souligné avec humour : cette loi fourre-tout, à l'origine, compte tenu de son objet, est devenue avec le temps une voiture-balai rassemblant des dispositions que le Gouvernement entend faire passer en catimini, sur des sujets qui mériteraient de plus longues discussions.
Pour ces deux raisons, nous voterons – malheureusement – l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois de l'Assemblée nationale a choisi de faire de la simplification du droit une priorité durant toute la XIIIe législature et je salue cette initiative du président Jean-Luc Warsmann et du rapporteur Étienne Blanc.
Nous ne connaissons que trop les causes de ce qu'il est convenu d'appeler 1'« inflation législative ». On peut citer la part croissante des réglementations européennes et les conventions internationales, ou rappeler que, trop souvent, nous autres, responsables politiques et représentants de la nation, nous cédons à la tentation de la réponse légale immédiate.
Nous connaissons tous les effets nocifs d'un droit devenu si complexe et si obscur que les administrés n'y comprennent plus rien. Celui-ci doit être au service de la société, et non l'inverse. Là où il faudrait des règles qui facilitent et sécurisent le quotidien de nos concitoyens et des entreprises françaises, on trouve trop souvent des normes touffues et des obligations inutiles.
Je veux citer à ce sujet un chiffre éloquent : pour 620 pages de lois promulguées en 1973, nous en avons promulgué 1 966 en 2006. Signe que la situation devient intolérable, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel nous demandent de remédier à la complexité et à la densification du droit. La règle selon laquelle « nul n'est censé ignorer la loi » devient de plus en plus difficile à respecter.
La méthode de travail appliquée à l'élaboration de ce texte doit également être soulignée. Il s'agit d'une initiative parlementaire menée en étroite collaboration avec le Gouvernement et avec tous nos concitoyens. Grâce au site Internet « Simplifions la loi », les particuliers et les entreprises ont pu être associés à notre démarche. Les institutions, comme le médiateur de la République, ont aussi été consultées. Voilà donc un exemple parfait de ce que peut être la coproduction législative si chère au secrétaire d'État aux relations avec le Parlement.
Le Sénat a complété utilement la proposition de loi que nous avons adoptée. Le texte, qui comprenait quatre-vingts articles après son adoption par l'Assemblée nationale, en comporte soixante et onze de plus depuis son examen par le Sénat. Au total, la proposition de loi compte cent quarante et un articles.
Allons donc ! Le texte n'a rien à voir avec la simplification du droit !
Le travail réalisé est très important, même si nous savons qu'il reste beaucoup à faire en la matière. Le président de la commission et le rapporteur nous présenteront sans doute d'autres initiatives de ce type au cours de la législature.
L'adoption de cette proposition de loi nous permettra de simplifier, de clarifier et d'alléger le droit dans trois domaines, par des mesures très concrètes pour la vie quotidienne de nos concitoyens, des collectivités territoriales et des entreprises.
Je ne balaierai pas les 141 articles,…
…mais je voudrais tout de même donner quelques exemples de cette simplification.
Pour nos concitoyens, une simplification consiste, par exemple, à permettre la vente, sur autorisation judiciaire, d'un bien en indivision, même si plusieurs indivisaires s'y opposent.
Nous savons que de nombreuses familles françaises ont subi ou subissent des blocages induits par la complexité du régime de l'indivision. Grâce à ce texte, elles ne les subiront plus.
Les administrations ne sont pas en reste, y compris le Parlement, puisque nous supprimons, par ce texte, 98 rapports devant être remis aux assemblées. Cela nous permettra de simplifier notre travail et nos relations avec le Gouvernement.
Enfin, comme exemple de simplification en faveur des entreprises, il nous est proposé de supprimer l'obligation de transmission à l'inspection du travail du rapport sur la situation économique de l'entreprise, réalisé dans les entreprises de plus de cinquante salariés, et de le remplacer par une obligation de tenir ce rapport à la disposition de l'inspection du travail. Voilà une mesure aisée et efficace pour simplifier la vie de nos entreprises.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP vous propose d'adopter conforme ce texte pour rendre un service à nos concitoyens, à nos entreprises et aux collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cette proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures est la seconde que nous examinons. Nous sommes en deuxième lecture, huit mois après la première, et le texte s'est, pendant tout ce temps, enrichi – mais le mot est inadapté – d'autant de nouveaux textes que d'anciens précédemment examinés. Devons-nous parler d'une deuxième ou d'une troisième loi de simplification ?
Ne parlons pas des conditions même de l'arrivée du texte dans sa version définitive jusqu'à nous ce soir, qui ont vu arriver à chaque moment de la procédure législative de nouvelles dispositions émanant du Gouvernement.
Si celles-ci n'étaient que de pure forme et allaient dans le sens de la simplification, nous pourrions encore le comprendre. Mais lorsqu'il s'agit de dispositions en matière de procédure pénale, par exemple, nous ne parlons plus de simplification mais bien d'un texte essentiel pour notre droit pénal relégué dans un débat où se télescopent tous les sujets possibles, alors même que la réforme de la procédure pénale exige un texte respectueux des droits des citoyens, protecteur des victimes, renforçant l'institution judiciaire et l'indépendance de la justice.
Mais il est vrai qu'on nous a annoncé la suppression du juge d'instruction sans autre forme de procès !
Plus que jamais, ce texte apparaît comme un fourre-tout. Toutefois, ses dispositions ne sont pas toutes anodines, tant s'en faut.
Ce texte touche aussi bien le code civil que le code de la construction et de l'habitation, le code de l'organisation judiciaire, le code de justice administrative, le code de la consommation, le code général des collectivités territoriales, le code rural, souvent cité, le code de la santé publique, le code de la sécurité sociale, le code des douanes, le code pénal et le code de procédure pénale. Sans compter nombre de lois importantes non codifiées.
Lorsqu'il s'agit, par ailleurs, de ratifier, au nom de la simplification, une cinquantaine d'ordonnances, c'est tout le travail parlementaire qui se trouve écarté de l'élaboration de la loi. Comment croire qu'un débat ne serait pas utile pour certaines d'entre elles ?
On relève dans ce texte l'utilisation d'ordonnances d'habilitation qui ne visent pas toutes à codifier, harmoniser, adapter, mais également à modifier profondément le droit lui-même. Je n'en donnerai que deux exemples : l'article 28 quater, qui vise à modifier les règles relatives aux cotisations et prestations sociales agricoles, alors même que nous connaissons les manquements du Gouvernement envers le FIPSA ; et l'article 28 terdecies, qui autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier la partie législative du code de la sécurité sociale et du code rural.
Les professionnels que vous avez sollicités pour inspirer l'esprit de simplification et de clarification n'y trouvent pas leur compte. Nos concitoyens, trop souvent victimes de l'imprécision des textes que nous votons, ne sont pas mieux considérés. Et les élus que nous sommes ne peuvent que dénoncer la dérive constatée.
La loi de simplification est par ailleurs l'occasion de ratifications et de corrections d'ordonnances, avec des dispositions qui ne manquent pas de surprendre, comme l'autorisation de distribution « ordinaire », certes sous la responsabilité d'un pharmacien, de médicaments dérivés du sang ; une question qui relève davantage de la bioéthique que de la marchandisation des médicaments.
S'agissant des dispositions relatives aux professions judiciaires et juridiques, et alors même que viennent d'être connues les conclusions du rapport Darrois, un article vient étendre l'arbitrage obligatoire du bâtonnier aux conflits entre professionnels, en l'absence de conciliation, notamment, mais également au sein d'une équipe entre avocats et avocats salariés. Et l'on nous dit que l'instance d'appel est la cour d'appel siégeant en formation ordinaire et non en chambre du conseil. Faut-il en conclure, alors, que le bâtonnier est érigé en juge ?
S'agissant du droit pénal et de la procédure pénale, il est totalement inacceptable de vouloir évoquer dans ces conditions une réforme de la procédure essentielle à la garantie des droits des citoyens. Comment le Gouvernement, arguant de la prochaine réforme de l'instruction et de la suppression du juge d'instruction, a-t-il pu déposer un amendement au Sénat supprimant la réforme introduite par la loi du 5 mars 2007 relative au renforcement de l'équilibre de la procédure pénale ?
Le Sénat a fort judicieusement refusé de nouvelles dispositions qui lui étaient soumises, telles que l'extension massive du recours à l'ordonnance pénale qui se caractérise par la suppression du contradictoire pour gagner du temps, à l'article 63 ; la création d'un délit de soustraction à l'exécution d'un décret d'extradition, à l'article 65 ; la suppression d'une nouvelle proposition de définition plus large du délit de favoritisme ; ou encore la suppression brutale de la collégialité de l'instruction.
D'autres dispositions, arrivées pour la plupart en deuxième lecture, méritent attention.
Il s'agit, tout d'abord, de la généralisation de la signature électronique. Il n'est pas prudent d'accepter sa généralisation alors que le système n'en est qu'à son expérimentation et que l'informatisation de l'ensemble des tribunaux et commissariats ou gendarmeries est loin d'être acquise. Il suffit d'en visiter quelques-uns pour prendre la mesure de cela.
L'élargissement du droit d'ester en justice en lieu et place de la victime en cas de diffamation pour une association départementale des maires régulièrement déclarée, affiliée à l'Association des maires de France, doit être supprimé. En effet, la diffamation est un délit spécifique, largement lié au sentiment d'atteinte à l'honneur propre à chaque individu. Autant il paraît souhaitable de voir une association sérieuse venir à l'appui d'une victime, autant il ne serait pas sain de lui permettre de se substituer à cette même victime dans une affaire de délit de presse. Enfin, les exceptions à la règle « nul ne plaide en France par procureur » ne se conçoivent que dans les cas où, pour des raisons de fait, la victime ne peut exercer elle-même ses droits.
Un autre point auquel s'est opposé le Sénat est la tentative de suppression de la collégialité des juges d'instruction, à l'article 65 octies. Le Gouvernement, arguant de la prochaine réforme de l'instruction et de la suppression du juge d'instruction, a déposé un amendement au Sénat supprimant la réforme introduite par la loi du 5 mars 2007 relative au renforcement de l'équilibre de la procédure pénale. Il souhaitait maintenir les pôles de l'instruction sans garantir la collégialité et supprimer les postes de juge d'instruction dans tous les tribunaux qui ne disposaient pas de pôle.
Le Sénat a seulement accepté un report de l'entrée en vigueur de la loi de 2007, en attendant l'hypothétique réforme.
Cet article maintient les risques apparus lors de l'affaire d'Outreau. Il doit être écarté.
Mon collègue Dominique Raimbourg, dans la défense de son exception d'irrecevabilité, a suffisamment développé tous les autres aspects justifiant, à la seule lecture des dispositions touchant à la réforme de la procédure pénale, le rejet de cette proposition de loi.
Au terme de la seconde lecture d'un texte dit de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures, objet que chacun dans cet hémicycle s'accorde à reconnaître comme constamment nécessaire pour redonner confiance à nos concitoyens dans leur justice, que constatons-nous ?
Depuis bientôt deux ans que vous nous proposez d'y travailler, le Gouvernement a successivement supprimé les tribunaux sans concertation, annoncé la suppression du juge d'instruction sans préalable, supprimé la profession d'avoué avant même de réfléchir à l'organisation de la procédure judiciaire, laissant 2 000 salariés sans avenir professionnel et toujours dans l'expectative.
Il a pourtant commandé plusieurs rapports sur de nombreux sujets touchant à notre justice : rapports Guinchard, Varinard, Lamanda, Léger, Darrois, Coulon – et j'en oublie –, autant de documents de travail précieux au travail législatif !
Mais on préfère distiller certaines réformes au nom de la simplification du droit, alors même que ce sont des textes de lois fondateurs que nous attendons : loi sur l'organisation judiciaire, loi sur la procédure judiciaire et la procédure pénale, loi sur l'accès au droit et les professionnels du droit.
C'est bien à une dérive de la procédure législative que nous assistons, au nom de la simplification, avant même que le droit d'amendement ne soit définitivement limité et encadré.
Cette proposition de loi est censée se cantonner à une simplification, à une clarification et à un allégement du droit, comme l'indique son titre, mais en dépit de celui-ci, elle procède à des modifications de fond de notre législation. Il ne s'agit pas simplement de dépoussiérage, mais de mesures politiques, tendant à modifier la vie de nos concitoyens. Ce gouvernement, qui prétend porter haut les couleurs de la réforme, semble désormais obligé de cacher son action pour ne pas susciter un surcroît de colère parmi nos concitoyens.
Parmi les réformes de fond dont ce texte est porteur, je voudrais m'arrêter sur trois articles qui bouleversent le statut des personnels des entreprises de transport, parmi lesquels celui des agents de la SNCF ou de la RATP.
Ainsi, l'article 14 quinquies exclut les entreprises de transport des bénéfices de la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982 – la LOTI –, qui avait notamment créé le statut d'EPIC de la SNCF et créé un droit au transport devant permettre de se déplacer « dans des conditions raisonnables d'accès, de qualité et de prix ainsi que de coûts pour la collectivité ». La commission au Sénat avait pourtant demandé le retrait de cet article, et le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de cette assemblée. Le rapport de notre collègue Étienne Blanc condamne sans appel cet article.
Ensuite, l'article 15 octies est très clair, tout comme le rapport de M. Blanc à son sujet : « Il vise à rendre directement applicable la quatrième partie du code du travail aux entreprises de transport dont le personnel est régi par un statut. » C'est-à-dire que le statut spécifique des agents de la SNCF ou de la RATP en termes de sécurité ou de médecine du travail pourrait être supprimé. À ce sujet, ces agents expriment leur plus vive inquiétude : seul le maintien de mesures particulières prévues par la réglementation actuelle est à même de garantir un haut niveau de sécurité et d'aller dans le sens d'une plus grande protection des personnels.
Ce changement inopiné de statut, réalisé brutalement au prétexte d'une clarification du droit, est décidé d'en haut, sans la moindre concertation avec les personnels concernés ou avec leurs représentants syndicaux. Il néglige l'extrême spécificité des conditions de travail des agents de la SNCF ou de la RATP, leur nécessaire protection et la prévention des risques inhérents au secteur ferroviaire : risques électriques, coactivité ferroviaire, règles d'incendie et de désenfumage, travail en hauteur ou encore règles d'éclairage.
Enfin, l'article 35 ter, déjà évoqué tout à l'heure, autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance à la création de la partie législative du code des transports.
C'est donc un dispositif complet qui est créé pour réformer, de façon totalement verrouillée et en confisquant tout débat, le statut des agents des entreprises de transport. Il n'y a pas eu de négociation avec les partenaires sociaux ; il n'y aura pas non plus de débat parlementaire, puisque le Gouvernement s'arroge la possibilité de faire le droit par ordonnance.
C'est le Gouvernement lui-même qui a introduit cet amendement en commission. Ce gouvernement qui ne cesse de répéter qu'il veut « revaloriser le rôle du Parlement » amende donc les propositions de loi pour se donner le droit de légiférer par ordonnance, quitte à demander à sa majorité de ratifier ses textes quelques mois plus tard.
Les députés communistes, républicains et du parti de Gauche protestent contre cette démolition des statuts des personnels des entreprises de transport, cachée derrière une prétendue « simplification du droit » : ils voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Les examens successifs par l'Assemblée nationale et par le Sénat de cette proposition de loi de simplification, de clarification du droit et d'allégement des procédures – la deuxième de l'actuelle législature – nous auront permis de mesurer l'attachement de l'ensemble des parlementaires à ce véritable impératif que constitue la simplification de notre droit.
Nul d'entre nous ne l'ignore : la qualité comme la lisibilité de la norme juridique ont un effet direct sur la vie quotidienne de nos concitoyens, comme sur la compétitivité de notre pays – et, en conséquence, ils influent sur son attractivité. Plus globalement, lorsque la loi de la République devient l'affaire des seuls spécialistes, le sentiment de proximité du citoyen envers l'État et la confiance que celui-ci place dans les pouvoirs publics s'en trouvent affectés.
Aussi, je tiens à saluer l'action entreprise par notre commission des lois depuis le début de cette législature dans ce domaine. Ainsi, une étroite collaboration avec le Gouvernement, une consultation régulière des autorités administratives indépendantes, et le recueil de propositions de particuliers – grâce à la mise en place d'un site Internet dédié, à l'initiative du président de la commission – ont été mis au service de cette ambition de simplification et de clarification du droit.
Le texte dont nous débattons aujourd'hui prouve aussi que cette ambition est largement partagée par nos collègues sénateurs : la Haute Assemblée a ainsi complété la proposition de loi et l'a enrichie de soixante et onze nouvelles dispositions, soit un plus grand nombre de mesures que celles adoptées par l'Assemblée. Le texte compte donc désormais cent quarante et un articles qui sont autant de mesures de simplification, de clarification ou d'allégement des procédures.
Pour autant, voir le législateur se livrer à un tel exercice peut sembler paradoxal tant il semble, à cette occasion, prêter ses traits à un nouveau Sisyphe, poussant héroïquement sa pierre jusqu'au sommet de la colline sans se soucier de la pente qui prive son effort de tout résultat. Aussi, ces initiatives, si nombreuses et régulières soient-elles, ne peuvent en aucun cas nous dispenser d'un questionnement tant sincère qu'exigeant sur le volume et la qualité de notre production législative.
Nous dénonçons ce phénomène depuis longtemps : l'inflation législative qui s'est emparée de notre assemblée ces dernières années est réelle. Elle prend ses racines dans une pratique qui veut que tout fait divers retenant l'attention des médias trouve en quelques semaines sa réponse législative. À ce titre, la revalorisation du rôle du Parlement ne sera complète que si ce dernier cesse de débattre pour voter des lois souvent superfétatoires ou relevant du domaine réglementaire, ou encore des textes qui ne constituent, à dire vrai, que de simples déclarations d'intention.
La loi organique que nous avons définitivement adoptée il y a quelques semaines apporte des éléments de réponse non négligeables à ce phénomène, et je voudrais saluer une nouvelle fois l'action du président Warsmann qui a permis que soit inscrite dans ce texte l'obligation pour le gouvernement de joindre à tout projet de loi une étude d'impact détaillée exposant notamment les justifications d'un recours à une nouvelle intervention législative – même si le Conseil constitutionnel a quelque peu amputé certains des progrès en question. À ce sujet, sans doute sera-t-il nécessaire, monsieur le président de la commission des lois, que nous nous modifiions un jour la Constitution pour mieux préciser les intentions du constituant en la matière.
Ce renforcement de l'information des parlementaires sur les dispositions dont ils ont à débattre doit à l'avenir constituer l'un des leviers privilégiés de l'amélioration tant quantitative que qualitative des textes que nous élaborons.
Pour en revenir au texte dont nous débattons, je voudrais souligner le sage cadrage qui a prévalu à son élaboration. Le risque est en effet toujours grand de complexifier et d'alourdir certains dispositifs au motif d'en simplifier ou d'en clarifier d'autres.
Il existe cependant un risque plus grand encore qui consiste à dévoyer l'exercice de simplification du droit en réécriture pure et simple. Monsieur le secrétaire d'État, si plusieurs dispositions de cette proposition de loi prévoient d'habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance à la simplification de certains pans de notre législation, nous formons le voeu que l'esprit de ces autorisations soit strictement respecté et que les modifications qui nous seront soumises pour ratification s'en tiennent à cette seule ambition de simplification.
À ce titre, je regrette que le report au 1er janvier 2011 de l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction n'ait pu trouver d'autre véhicule législatif que cette proposition de loi de simplification. Pour justifiée que cette mesure apparaisse, elle nous semble en contradiction avec l'esprit qui a prévalu à l'élaboration du reste de ce texte.
Cette proposition de loi prévoit ainsi, tout d'abord, nombre de mesures destinées directement à nos concitoyens. Ainsi, l'article 1er facilite leur inscription sur les listes électorales lorsqu'ils sont contraints de déménager pour des raisons professionnelles. Je retiendrai également la possibilité qui sera désormais offerte aux propriétaires de biens en indivision de recourir à une décision judiciaire pour procéder à la vente de ce bien, malgré l'absence d'unanimité des propriétaires. Tous les élus locaux qui se trouvent parmi nous savent que cette mesure peut avoir d'importantes conséquences pour des copropriétés ou des propriétés laissées à l'abandon.
Nombre de simplifications sont également proposées pour les entreprises et les professionnels. À titre d'exemple, le régime d'indemnisation des stagiaires en entreprise est amélioré en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Cette proposition de loi permettra aussi de simplifier plusieurs dispositions relatives à l'urbanisme commercial. Elle permettra également de prendre plusieurs mesures facilitant l'exercice de leurs missions par les conseils de prud'hommes.
La simplification des règles d'action en justice applicables aux présidents de conseil général ou régional, et la compétence désormais offerte aux maires en matière de déplacements des débits de tabac sur le territoire d'une même commune, sont à ranger parmi les nombreuses mesures qui viendront simplifier le quotidien de nos collectivités locales.
Avec la levée d'une série d'obstacles à l'utilisation des nouvelles technologies de communication, cette proposition de loi permet également un réel allégement de nombreuses procédures administratives comme la transmission d'informations cadastrales.
Enfin, cette proposition de simplification et de clarification du droit est l'occasion de procéder à l'abrogation de dispositions devenues caduques ou désormais privées de leur objet. Elle permet la correction d'erreurs matérielles, notamment dans le code du travail, ainsi qu'une modernisation terminologique de plusieurs codes remplaçant, par exemple, les termes de « réméré » ou d'« antichrèse », sans doute un peu obscurs pour nos concitoyens, par ceux, plus accessibles, de « rachat » et de « gage immobilier ».
Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le secrétaire d'État, alors que le principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi voit sa légitimité quotidiennement fragilisée, ces lois de simplification doivent s'installer comme un exercice régulier de l'activité parlementaire. Avec la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui, nous n'en avons pas terminé avec un effort qui devrait être celui de toute la législature et de tout notre Parlement, tant il est vrai que la loi est progressivement devenue peu compréhensible, peu claire et surtout peu utilisable par nos concitoyens.
Cette proposition de loi contribue à cet effort, et le groupe Nouveau Centre est favorable à son adoption puisqu'elle répond aux attentes de nombre de nos concitoyens, même si d'autres textes sont encore à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Nous abordons la deuxième lecture de la proposition de loi de clarification. Il est de plus en plus rare, même sur les propositions de loi, que nous soyons amenés à débattre de textes en deuxième lecture « ordinaire ». Le texte qui nous vient du Sénat est globalement satisfaisant. Les sénateurs ont beaucoup travaillé pour l'enrichir et l'améliorer, et même si sur certains points, il y aurait des choses à dire, ce texte est acceptable.
Je souhaite vivement que cette démarche de clarification et de simplification du droit se poursuive. Mais je souhaite aussi que la démarche et la manière de travailler évoluent sensiblement. Mes remarques porteront donc bien davantage sur la forme que sur le fond.
Au Sénat, ce ne sont pas moins de quatre commissions qui ont travaillé sur cette proposition de loi. À l'Assemblée, seule la commission des lois s'en est saisie. Je souhaite que, pour le prochain texte de simplification, les différentes commissions concernées s'impliquent, ce qui contribuerait à l'enrichir. Je solliciterai mon président de commission dans ce sens si j'estime que le contenu du texte justifie une saisine pour avis.
Plus généralement, j'aimerais que l'ensemble des députés soit davantage associé à la préparation de ces textes de clarification et de simplification. Cela éviterait des surprises et des arrivées précipitées dans l'hémicycle, qui risquent de discréditer ce vaste programme de simplification du droit auprès de nos collègues.
Je souhaite également que l'esprit de simplification et de clarification souffle partout, y compris sur la procédure, et que ces textes soient exemplaires.
Je regrette qu'en première lecture, nous ayons eu à voter à l'aveugle des amendements gouvernementaux déposés à la dernière seconde. De même, je suis un peu gêné que l'on utilise pas cette deuxième lecture pour améliorer encore cette proposition de loi. Le choix de la commission des lois de s'en tenir à un vote conforme nous ramène à ce que nous vivons sur tous les autres textes : une seule vraie lecture, car il faut aller vite.
J'aimerais que l'on prenne le temps de bien légiférer. Il serait vraiment dommage de répéter, en examinant ces textes de clarification, les mauvaises pratiques qui ont produit les erreurs que nous sommes censés réparer.
Au fil des débats, une question qui avait déjà été posée lors de la première proposition de loi de simplification, a ressurgi : qu'est-ce que la simplification du droit ? Où sont les limites entre simplification et mesures nouvelles ? Visiblement, les choses ne sont pas claires, il est pourtant essentiel, si nous ne voulons pas que cette dynamique simplificatrice se brise, de clarifier le concept.
Nous travaillons trop vite, la production normative est de mauvaise qualité. Nous en sommes tous conscients, et vous venez, monsieur le président de la commission des lois, de nous en donner un diagnostic très pertinent dans votre rapport sur la qualité et la simplification du droit.
La simplification commence par la correction des erreurs et des malfaçons législatives. Rien qu'avec cela, nous avons du travail. Il s'alourdira dans les années à venir avec la mise en place de l'exception d'inconstitutionnalité, qui provoquera un grand débroussaillage de notre droit. Il me semble que cette conception de la simplification est partagée sur tous les bancs et ne fait pas débat.
La simplification est également un élagage de notre droit et de nos procédures. Nous produisons trop de lois et trop de textes normatifs, en général. Notre organisation et nos méthodes de fonctionnement veulent cela. Mais le chantier est beaucoup plus vaste, y compris sur le plan politique, il est donc par essence moins consensuel.
Personnellement, j'adhère pleinement à l'idée qu'il y a trop de réglementations en France et que cela étouffe la créativité. Nous entretenons, notamment dans certaines administrations en charge de l'économie, des bataillons de fonctionnaires pour réglementer, surveiller, compliquer. Qu'est-ce qu'une complication ? C'est une complexité inutile. Ces fonctionnaires seraient sûrement mieux utilisés ailleurs, dans des tâches relevant des fonctions régaliennes de l'État.
Pour conclure, je souhaite la mise en place de process, pour que de bonnes habitudes soient prises. Le programme est déjà établi : il est dans le rapport Warsmann. Il nécessite, non pas de nouvelles lois, mais une surveillance de la part du Parlement.
Nous ne sommes plus sur le versant législatif de notre action, mais plutôt sur le versant du contrôle. Or, pour bien travailler, il faut mieux s'organiser. Monsieur le président de la commission des lois, comme beaucoup de mes collègues dans cet hémicycle, je suis prêt à m'investir dans ce travail. Encore faut-il savoir qui fait quoi et comment.
Pourquoi ne pas impliquer tous ceux qui s'intéressent à la simplification du droit, sur tous les bancs et dans toutes les commissions, au sein d'un groupe de travail ?
Je pense sincèrement qu'il est plus que temps de passer à l'étape suivante pour mener à bien ce chantier que je considère comme prioritaire et réellement utile pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La proposition de loi de simplification du droit partait de très bonnes intentions puisque nous sommes tous préoccupés par la lisibilité de la loi. Elle ne manquait donc pas d'intérêt d'autant qu'elle avait fait l'objet d'un travail très important. Toutefois, nous ne sommes satisfaits ni du contenu du texte ni de sa méthode d'élaboration.
Je prendrai l'exemple de la réglementation des canalisations traitée dans l'article 18 bis qu'un amendement du Gouvernement a introduit dans la proposition de loi. Comme le signalait Lionel Tardy, je constate que la question des pipelines aurait pu être débattue dans d'autres commissions que la commission des lois, elle aurait sans doute fait alors l'objet d'une analyse plus approfondie.
Sur le territoire des Alpes, près de trente-huit communes, quatre départements et deux régions sont traversés par des canalisations transportant de l'éthylène. L'arsenal législatif applicable se compose de huit lois, neuf décrets et quatre arrêtés, tandis que l'on constate une absence d'harmonisation entre les diverses catégories de canalisation. En France, les pipelines ont été installés dans les années soixante-dix : l'âge moyen des réseaux se rapproche donc des quarante ans. On peut donc considérer que le parc est plus que vieillissant, il s'étend pourtant sur près de 50 000 kilomètres. Avec le transport de matières comme l'éthylène, je vous laisse imaginer la dangerosité de ce type d'installation pour les habitants. Sachant que la zone légale de sécurité en cas d'explosion peut s'étendre jusqu'à 350 mètres de part et d'autre du pipeline, des localités entières se trouvent concernées. Même si, je vous l'accorde, les accidents sont rares, le risque existe bien, et avec un parc aussi important, les conséquences peuvent être extrêmement graves pour les localités en question.
Deux questions majeures se posent donc aux élus et aux associations – nous avions d'ailleurs prévu de les poser dans le cadre des projets de loi relatifs au Grenelle de l'environnement qui nous semblaient plus adaptés que cette proposition de loi pour porter ce type de mesure. Nous nous interrogeons, d'une part, sur la dangerosité des matières transportées avec un parc vieillissant et, d'autre part, sur la mise en place d'une redevance au profit des communes traversées par les pipelines.
À ce jour le régime existant présente des disparités selon les matières transportées. Selon que la conduite transporte du gaz, des hydrocarbures ou d'autres produits chimiques, et les régimes en matière de sécurité varient. Les communes n'ont donc sur ce plan aucune visibilité, et des compensations disparates existent en fonction de la matière transportée, et selon les accords particuliers qui ont été signés lors de la mise en place du pipeline. Un tel dispositif complexe, disparate et confus est cause d'injustice parce qu'une grande ville peut négocier avec un grand groupe industriel, ce qui n'est pas le cas d'une commune rurale de trois cents habitants dépourvue des moyens juridiques nécessaires.
Suite aux démarches effectuées par les associations et les élus – je pense notamment à ma collègue Henriette Martinez, dont la circonscription est entièrement traversée par ces canalisations, qui passent même sous son domicile –, nous avons interrogé M. Borloo, le 28 mai 2008, à propos de la redevance au profit des communes traversées par ces pipelines. Celui-ci nous a répondu en s'engageant à harmoniser les textes et à établir un barème de redevances d'occupation du domaine public unique. Or l'article 18 bis de la proposition de loi, introduit à la sauvette, ne correspond absolument pas à ces engagements.
La situation est complexe et les industriels qui exploitent les combustibles ne doivent pas être les seuls gagnants dans ces vallées alpines. Si l'on tient compte de la prescription sur deux fois trois cent cinquante mètres, à laquelle s'ajoute souvent un plan de prévention des risques naturels, il ne reste guère plus à exploiter, en matière d'urbanisme, que les deux parois qui existent de part et d'autre. Il est donc nécessaire de prévoir une avancée en faveur des collectivités locales, en particulier pour ces petites communes rurales de montagne qui disposent de faibles moyens. C'est la lutte du pot de terre contre le pot de fer, en l'espèce Total.
Avec les modalités d'application du code de l'urbanisme en matière de maîtrise d'urbanisation, notamment des canalisations de transport, le versement d'une redevance est un acte d'équité pour les finances publiques, en faveur duquel Jean-Louis Borloo s'était engagé. Comme c'est le cas du régime applicable aux pylônes électriques à haute tension, qui existe depuis 1980, cette redevance pourrait assise, non pas sur l'occupation du domaine public, qui produit des montants finaux ridicules, mais sur la seule présence sur le territoire communal de l'installation, d'autant que les contraintes seront importantes et que les collectivités seront obligées d'investir.
De manière plus générale, ainsi que l'a excellemment dit Jean-Michel Clément, cette proposition de loi balaie un ensemble de sujets qui n'ont aucun rapport les uns avec les autres,…
… puisqu'elle traite à la fois du droit des collectivités territoriales, du droit pénal et du droit de la sécurité sociale.
Il n'y a aucune vue d'ensemble. D'une simplification qui aurait pu être bienvenue, vous avez glissé vers une dérive qui met franchement en péril le droit des citoyens et celui des collectivités. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons à l'adoption de ce texte. Au-delà, nous attendons des explications sur les engagements qu'avait pris le ministre Jean-Louis Borloo sur ce sujet particulier et qui ne sont pas respectés dans l'article 18 bis, introduit par un amendement du Gouvernement.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux à mon tour déplorer les conditions dans lesquelles se déroule notre débat. L'un des orateurs précédents s'est félicité que la coproduction législative avance ; je crains, pour ma part, que ce ne soit surtout la dévalorisation du Parlement qui progresse. Voilà, en effet, une proposition de loi, qui n'est pas anodine et à laquelle le Sénat a ajouté de nombreux articles, dont nous débutons l'examen à minuit passé ! Et l'on nous dit qu'elle doit être votée conforme, ce qui exclut l'adoption de tout amendement, alors que six mois séparent les deux lectures du texte à l'Assemblée. Pourquoi cette subite précipitation ? En outre, j'observe que la ministre la plus directement concernée, la garde des sceaux, n'a daigné participer ni à la première ni à la deuxième lecture du texte à l'Assemblée. Il est vrai qu'elle est, hélas ! coutumière du fait. Peut-être le sujet ne prête-t-il pas suffisamment à l'humour…
Lors de la discussion de cette proposition de loi en première lecture, au mois d'octobre dernier, j'étais intervenu pour saluer l'objectif louable de simplification du droit. Nous avions en effet été nombreux à souligner à quel point l'adage républicain selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » était devenu théorique. Du reste, cette proposition de loi est quelque peu contraire à la pratique de l'actuel gouvernement, qui multiplie les projets de loi et contribue ainsi à la complexification de la législation par un empilement des textes. De même que le Président de la République parle à tort et à travers – et j'en ai été le témoin récemment (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –, le Gouvernement demande au Parlement de légiférer à tort et à travers.
À ce propos, je ne peux m'empêcher de faire référence à la récente monographie d'un économiste, qui a été envoyée à tous les parlementaires. Je suis loin de partager les options idéologiques de l'association qui l'édite, mais il me semble que l'idée développée par cet économiste, selon laquelle l'empilement des lois finit par coûter cher aux contribuables, devrait toujours être présente à l'esprit du législateur.
Dans la mesure où cette proposition de loi de notre collègue Warsmann, président de la commission des lois de notre assemblée, est par nature un peu « fourre-tout », je concentrerai mon intervention sur le seul article 1er A, qui a été ajouté par le Sénat.
Cet article, qui vise à reconnaître dans le code civil les unions civiles et autres partenariats comparables au PACS conclus à l'étranger, a été introduit dans le texte grâce à un amendement de ma collègue sénatrice Alima Boumédiène-Thiery et du sénateur socialiste Richard Yung.
J'avais moi-même déposé, lors de la première lecture de cette proposition de loi à l'Assemblée, un amendement parfaitement identique, qui avait été rejeté suite à un avis défavorable du Gouvernement et de la commission. Je me réjouis donc que nos collègues sénateurs aient été moins frileux et, pour tout dire, plus pragmatiques. Au reste, le Gouvernement – que vous représentiez, monsieur le secrétaire d'État, à cette occasion – a défendu, au Sénat, un point de vue différent. Quoi qu'il en soit, j'espère que nous confirmerons cette petite avancée en ne votant pas l'amendement de suppression déposé par notre collègue Vanneste, lequel est d'ailleurs absent, me semble-t-il.
Je rappelle que la rédaction adoptée par le Sénat, et que j'avais préalablement défendue à l'Assemblée, n'a pas pour objet d'ouvrir un grand débat théorique sur les mérites comparés des unions civiles et autres PACS conclus dans les différents pays d'Europe. Non pas que ce débat ne soit pas intéressant : il serait bon que l'Assemblée nationale se saisisse d'un tel sujet pour faire progresser l'égalité des droits. Mais l'article 1er A de la proposition de loi ne vise qu'à simplifier notre droit en tenant compte de cas concrets et de situations vécues. Il est donc parfaitement conforme à l'objet de la proposition de loi du président Warsmann.
Je tiens à préciser que cette rédaction est le fruit d'un travail réalisé en collaboration avec le médiateur de la République, qui, après avoir envisagé plusieurs solutions, a retenu celle-ci, qui est apparue comme la plus satisfaisante, afin de conserver « une unique forme d'union civile hors mariage » et de respecter le fait « que chaque personne ne doit conclure qu'un seul partenariat ou pacte ».
Il s'agit, concrètement, de transposer l'union civile étrangère ou de délivrer un document équivalent, en l'accompagnant d'effets qui sont limités – j'y insiste – aux droits existants sur le territoire national. On ne saurait être plus prudent. Je sais que certains craignent que cette disposition ne soit le cheval de Troie de réformes beaucoup plus importantes. Mais tel n'est pas son objet. Je vous invite donc à voter l'article 1er A.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Actuellement, la situation des couples pacsés à l'étranger est absurde. En effet, pour conclure un PACS en France et bénéficier des droits afférents, ils doivent d'abord dénoncer le pacte conclu dans un autre pays, selon la législation dudit pays, afin de pouvoir produire le certificat de célibat exigé en France pour la signature d'un PACS, ce qui est d'ailleurs tout à fait normal. Ainsi, dans ma circonscription, un Danois s'est vu refuser par son pays la délivrance d'un certificat de célibat, au motif qu'il a souscrit dans ce pays un contrat d'union qu'il n'a pas dénoncé. Ces personnes ne disposent donc pas de droits équivalents à ceux ouverts par un PACS, car elles ne souhaitent pas abandonner leur contrat initial, ce qui peut se comprendre.
Dans la mesure où les traités instituant l'Union européenne reconnaissent la liberté de circulation et d'installation, il est temps de mettre un terme à cette asymétrie qui veut, par exemple, que le Royaume-Uni reconnaisse le PACS français alors que la France ne reconnaît pas le civil partnership britannique.
(L'article 1er A est adopté.)
Les articles 1er, 2, 4, 6, 6 bis, 7 et 7 bis ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
(Les articles 1er, 2, 4, 6, 6 bis, 7 et 7 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 15 , tendant à supprimer l'article 8.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Le transfert du dépôt des demandes d'acquisition de la nationalité vers les préfectures, prévu dans cet article, risque de créer des disparités dans les décisions rendues par les différentes préfectures et marque le recul du rôle de la sous-direction des naturalisations, qui unifiait ces décisions sur l'ensemble du territoire. Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons que l'article 8 soit supprimé.
(L'amendement n° 15 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 8 est adopté.)
Les articles 9 à 9 ter, ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
(Les articles 9 à 9 ter, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
L'article 13 a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
L'article 14 a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
Les articles 14 bis, 14 ter, 14 quater, 14 quinquies et 14 sexies ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.
(Les articles 14 bis, 14 ter, 14 quater, 14 quinquies et 14 sexies, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Dans le cadre de la proposition de loi funéraire du 19 septembre 2008, nous avons adopté deux dispositions – dont l'une, la création d'un fichier national des contrats de prestations obsèques, est issue d'un amendement que j'avais déposé – qui ont été modifiées par une ordonnance du 30 janvier 2009. Je comprends parfaitement la réaction de Jean-Pierre Sueur et je m'y associe pleinement. Il est en effet inacceptable que des dispositions que nous avons votées et qui avaient reçu un avis favorable du Gouvernement soient modifiées par ordonnance un mois et demi après leur adoption. C'est vraiment se moquer du Parlement !
Par ailleurs, je me demande si la proposition de clarification du droit est le moyen le plus adapté en l'espèce et s'il n'aurait pas mieux valu attendre la ratification de l'ordonnance en question. De toute façon, nous devrons y revenir lors de cette ratification, sous peine de créer un imbroglio juridique qui pourrait être assez cocasse. À force de jongler ainsi, nous prenons le risque de complexifier au lieu de clarifier.
(L'article 14 septies est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1 , tendant à supprimer l'article 15 bis.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Il est défendu.
(L'amendement n° 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 15 bis est adopté.)
Les articles 15 ter à 15 octies ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.
(Les articles 15 ter à 15octies, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Sur l'article 15 nonies, je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement a pour objet de protéger les stagiaires, en prévoyant que ceux-ci ne peuvent être affectés à des travaux dangereux.
(L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 15 nonies est adopté.)
Les articles 15 decies à 15 duodecies ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.
(Les articles 15 decies à 15 duodecies, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 , tendant à supprimer l'article 15 terdecies.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
En supprimant la présentation spécifique des effets sur la santé du travail de nuit, cet article nuit à la défense de la protection du travail.
La commission est défavorable à cet amendement, l'article 15 terdecies visant simplement à supprimer une redondance dans l'article L. 4612-16 du code du travail.
Je suis saisi d'un amendement n° 4 , visant à supprimer l'article 15 quaterdecies.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
La commission est défavorable à cet amendement, l'article 15 quaterdecies visant simplement à rectifier une erreur de référence.
Les articles 15 quindecies à 15 octodecies ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.
(Les articles 15 quindecies à 15 octodecies, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
L'article 17 a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
L'article 28 ter a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
Sur l'article 29, je suis saisi d'un amendement n° 17 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à demander l'établissement d'un rapport annuel – dont le dernier sera remis avant le 31 décembre 2010 – sur les voies de rapprochement des grandes écoles et des universités, rapprochement dont on connaît l'importance pour la recherche – les grandes écoles participant très peu à la recherche – et pour que l'égalité des chances puisse progresser au sein de l'éducation nationale.
L'amendement n° 17 vise à maintenir l'obligation pour le Gouvernement de déposer deux rapports prévus par les articles 13 et 34 de la loi du 18 avril 2006. Or, le rapport prévu par l'article 13 a été remis le 15 novembre 2007 et celui prévu au titre de l'article 34 a été remis le 8 décembre 2006. Je tiens ces rapports à votre disposition, monsieur Raimbourg, et vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Mon amendement vise à ce que le dernier rapport – il s'agirait d'un nouveau rapport – soit déposé avant le 31 décembre 2010. Par conséquent, je le maintiens.
Je suis saisi d'un amendement n° 14 , visant à supprimer l'article 33 ter.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à permettre au Gouvernement de légiférer par voie d'ordonnance en matière de règles budgétaires et comptables applicables aux régions et aux syndicats d'économie mixte. L'objectif de simplification du droit est un objectif trop large, ne permettant pas un contrôle effectif et allant à l'encontre de l'objectif général de revalorisation du rôle du Parlement.
La commission est défavorable à cet amendement. Je rappelle en effet que la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit une ratification expresse et que les craintes de M. Raimbourg n'ont donc pas lieu d'être.
L'article 34 a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
L'article 36 a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
L'article 36 ter a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
Jusqu'à présent, les délibérations de la CNIL ne sont pas publiques. Or, lorsque se produisent des fuites – comme cela a été le cas par le biais de La Tribune lors de l'examen de la loi HADOPI – des informations qui ne devraient pas être divulguées en viennent à être utilisées dans le débat. L'article 44 bis permet, à la demande du président de l'une des commissions, de rendre les délibérations publiques, afin d'aboutir à une plus grande transparence.
Je suis saisi d'un amendement n° 18 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à ce que l'avis de la CNIL soit transmis directement et automatiquement aux parlementaires.
Défavorable.
(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 16 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à ce que les membres du Parlement représentés à la CNIL soient choisis à parité entre la majorité et l'opposition.
Défavorable.
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 19 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Sur l'article 47, je suis saisi d'un amendement n° 9 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à encadrer la possibilité offerte à l'Institut géographique national de créer une base de données numériques, au moyen d'un décret du Conseil d'État.
Cet amendement est satisfait par le II de l'article 47, qui prévoit qu'un décret soit pris en Conseil d'État après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Je souhaite par conséquent que cet amendement soit retiré.
L'article 55 bis a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
Sur l'article 63, je suis saisi d'un amendement n° 10 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Le texte prévoit que le procureur de la République peut procéder simultanément à une convocation à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et à une convocation devant le tribunal correctionnel, au cas où la CRPC échouerait. On comprend bien l'intérêt pratique de cette mesure, mais la personne qui comparaît en CRPC subit de ce fait une pression extrêmement importante qui porte atteinte à la liberté avec laquelle il consent à reconnaître sa culpabilité. Nous souhaitons par conséquent la suppression de cet article.
D'une part, les textes régissant la CRPC sont suffisamment protecteurs. D'autre part, c'est une vraie simplification, car en l'état actuel, si la personne concernée ne se présente pas à la CRPC, il faut la reconvoquer, et si elle ne se présente pas à cette deuxième convocation, il faut signifier un jugement contradictoire, avec toutes les difficultés que cela implique. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement considère que la proposition de loi apporte deux améliorations : d'une part, elle assure que le juge se prononce sur la peine proposée au plus tard dans le mois qui suit la comparution ; d'autre part, elle permet que se tienne rapidement une audience devant le tribunal si le juge refuse d'homologuer la peine envisagée par le procureur et acceptée par le prévenu. Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 10 .
(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à renforcer la place des parties civiles dans le procès pénal, et à mettre fin à une anomalie de notre code pénal en consacrant le droit d'information des victimes non appelantes en cas d'appel correctionnel ou d'assises de la part du prévenu ou du ministère public.
La commission a émis un avis défavorable, estimant qu'il s'agit là d'une réforme de fond de la procédure pénale, qui mérite un véritable débat de fond.
Le Gouvernement n'est pas opposé à cette mesure, qui pourrait être intégrée à la future réforme de la procédure pénale ou à un autre texte législatif. Je souhaite par conséquent le retrait de cet amendement.
Compte tenu de l'engagement de M. le secrétaire de faire figurer cette proposition dans un autre texte, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 8 est retiré.)
(L'article 63 est adopté.)
Les articles 65 et 65 bis ont été supprimés par le Sénat. Ces suppressions ont été maintenues par la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 11 , visant à supprimer l'article 65 ter.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Les moyens matériels n'ayant pas suivi, nous ne sommes pas prêts à adopter la signature électronique. Nous proposons par conséquent de supprimer l'article 65 ter.
La signature électronique est déjà largement utilisée en matière fiscale et civile, grâce à un encadrement très protecteur. Un décret en Conseil d'État permettra d'apporter les garanties nécessaires en termes de sécurisation de signature. La commission souhaite donc que cet amendement soit repoussé.
Un véritable effort a été réalisé ces dernières années en matière d'informatisation des tribunaux. Un plan de déploiement des nouvelles technologies a été lancé en 2006 et accéléré depuis 2007. Aujourd'hui, toutes les juridictions sont informatisées et bénéficient notamment, depuis le 1er janvier 2008, d'une plate-forme de numérisation. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)
(L'article 65 ter est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 12 , visant à supprimer l'article 65 septies.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
L'amendement n° 12 vise effectivement à supprimer l'article 65 septies, afin de défendre le principe selon lequel on ne plaide pas par procureur. Compte tenu du caractère extrêmement personnel de l'appréciation de la diffamation, il nous paraît important qu'il appartienne au seul diffamé d'entamer la procédure, sous peine de voir les tribunaux encombrés de procédures toujours compliquées et qui, de surcroît, se retournent parfois contre le diffamé.
L'article 65 septies prévoit bien de soutenir l'élu diffamé dans un domaine extrêmement complexe sur le plan juridique. Je rappelle que la loi de 1881 contient toute une série de règles de procédure précises, mais extrêmement lourdes. Les articles 29 et suivants de ce texte sont difficilement applicables par une personne qui n'est pas rompue à cet exercice. C'est la raison pour laquelle nous avons pensé qu'une association de maires pouvait légitimement soutenir l'un de ses membres dans cette procédure particulièrement complexe. Il ne s'agit pas de plaider par procureur pour son propre compte, mais simplement d'apporter un soutien. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'article 65 octies, introduit au Sénat par un amendement du Gouvernement, s'inscrit dans l'annonce présidentielle visant à supprimer le juge d'instruction. Il tend, en effet, à reporter du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2011 l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction.
L'exposé des motifs de l'amendement déposé par le Gouvernement est on ne peut plus clair : « Quel que puisse être le contenu de la réforme à venir, qui dépendra des solutions retenues par le Parlement lorsqu'il se prononcera sur le projet de code de procédure pénale rénové, il ne serait pas raisonnable que la collégialité de l'instruction soit mise en oeuvre pour une période susceptible d'être seulement transitoire. » Quoi que vous en disiez, il s'agit purement et simplement d'anticiper la future suppression du juge d'instruction décidée par le seul Président de la République, et qui, sans aucun doute, sera confirmée par la commission Léger.
Une fois de plus, et comme le confirme la future modification du règlement, la démonstration pourrait être faite qu'en dépit de toutes les belles déclarations d'intention que vous pouvez faire, les droits du Parlement se résument à entériner la volonté présidentielle.
Pourtant, ce n'est pas là une question de moindre importance. Le Parlement avait décidé en 2007 la mise en place de la collégialité de l'instruction. Cette réforme avait été souhaitée et saluée par les professionnels et l'ensemble des députés l'avaient soutenue. Je rappelle que la chancellerie, qui l'avait proposée, avait donné un avis très positif sur l'organisation de la collégialité. Prendre aujourd'hui pour argument le fait que les juridictions ne seraient pas encore prêtes pour la collégialité de l'instruction, faute d'une anticipation suffisante des mesures nécessaires en termes d'affectations de personnels et d'organisation des tribunaux, ne peut être admissible. Pour notre part, nous nous étions abstenus et avions alerté le pouvoir exécutif sur les moyens indispensables à la collégialité de l'instruction. Cette incapacité du pouvoir exécutif à mettre en oeuvre les réformes votées est désormais devenue chronique !
Du reste, au-delà de ces observations quant au respect du pouvoir législatif, la collégialité de l'instruction était et reste la réforme à faire. Avant même de nous donner les moyens de constater ou non son efficacité, en nous soumettant cet article, le Gouvernement nous demande, dans l'attente d'une future réforme visant à confier toutes les enquêtes pénales au parquet, de faire passer le message à la chancellerie et au corps judiciaire qu'il ne leur faut surtout pas anticiper la mise en oeuvre de la collégialité.
Bien évidemment, nous nous opposons fermement à cet article et dénonçons le procédé utilisé. Un tel article n'a en effet aucunement sa place dans une proposition de loi visant à simplifier le droit. Nous voterons par conséquent l'amendement de suppression de Dominique Raimbourg ; s'il n'était pas adopté, nous voterions en faveur de l'amendement suivant.
Je suis saisi d'un amendement n° 13 , visant à supprimer l'article 65 octies.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Je reprendrai les arguments développés par Michel Vaxès. Premièrement, cet article n'a rien à voir avec la simplification du droit ; deuxièmement, entre le 5 mars 2007 et le 1er janvier 2010, les trois années écoulées me paraissent un temps suffisant pour réunir les moyens nécessaires ; troisièmement, cet article anticipe en réalité sur la suppression du juge d'instruction ; quatrièmement, il revient sur un vote acquis après l'affaire Outreau ; cinquièmement enfin, il confirme le bilan calamiteux de ce Gouvernement et de la ministre concernée en matière de justice. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La commission a émis un avis défavorable, considérant que les tribunaux ne sont pas prêts aujourd'hui à appliquer le principe de collégialité pour des raisons d'organisation matérielle. Rappelons que les affaires instruites représentent entre 4 et 5 % des affaires jugées par les tribunaux répressifs, que ce sont les affaires les plus lourdes et qu'une mauvaise organisation ferait peser un risque sérieux sur les procédures les plus graves et les plus complexes.
Je me rallie aux arguments de la commission et suis également défavorable à cet amendement. Je tiens à dire à M. Vaxès et à M. Raimbourg que la réforme nécessite des investissements considérables et une réorganisation complète qui tienne compte du rapport Léger. Ne faites pas sans cesse des procès d'intention au Gouvernement !
(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 7 rectifié .
La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
Malgré l'heure tardive, je souhaite m'arrêter un instant sur la question de la collégialité de l'instruction.
À la suite des travaux menée par la commission d'enquête parlementaire d'Outreau, la loi du 5 mars 2007, votée à l'unanimité, prévoyait la collégialité de l'instruction à partir du 1er janvier 2010, ceci afin d'éviter que ne se reproduise un désastre comme celui d'Outreau.
Reporter d'un an la mise en place de la collégialité est donc lourd de conséquences et mérite que l'on y réfléchisse. Le Gouvernement et le rapporteur nous expliquent que ce report est uniquement dû à un problème de moyens et d'organisation. J'en prends acte et propose dont, avec cet amendement, une version « allégée » de la collégialité, qui ne concerne que certains actes de la fin d'information mais permet de respecter la volonté unanime du législateur. Et puisque, dans l'attente de sa généralisation, je limite la collégialité à certains actes précis, on ne pourra pas m'opposer la question des moyens et de l'organisation.
Il s'agit là d'une proposition assez modérée pour être acceptée, à moins que l'on envisage la suppression du juge d'instruction. Il s'agirait là d'un changement radical de notre système judiciaire, qui d'inquisitoire deviendrait accusatoire, et cela nécessite bien en amont un travail préparatoire.
S'il ne s'agit que d'un problème de moyens, mettons en place une collégialité allégée, conforme à la volonté du législateur ; si votre refus est sous-tendu par d'autres raisons, dites-le clairement.
Avis défavorable. Cet amendement propose d'appliquer la collégialité non pas en cours mais en fin d'instruction, pour certains actes. Si l'on voulait rajouter de la complexité dans le code de procédure pénale, on ne s'y prendrait pas autrement ! Le code distingue déjà de manière fort complexe ce qui relève de différentes juridictions ; ajouter à cela une dichotomie supplémentaire au sein même de l'instruction, entre ce qui relève de la collégialité et ce qui n'en relève pas, ne ferait qu'ajouter de la complexité et ne correspond pas à l'esprit du texte qui nous est soumis aujourd'hui.
Sur le fond, les juridictions ne sont pas prêtes pour la collégialité. Je sens bien que pèse sur cet amendement l'inquiétude suscitée par le rapport Léger et par les réflexions en cours sur le devenir du juge d'instruction. Ces réflexions vont se poursuivre. Dans un an, l'Assemblée aura choisi entre procédure inquisitoire et procédure accusatoire ; si le juge d'instruction doit disparaître dans sa forme actuelle, nous en tirerons les conséquences. Pour l'heure, c'est essentiellement pour des questions d'organisation, de moyens matériels et humains que nous ne pouvons mettre en oeuvre la collégialité.
Même avis que la commission. Le Gouvernement n'a pas d'avis arrêté sur la collégialité. Nous devons tenir compte du rapport Léger, des problèmes matériels et des questions d'organisation. Le Parlement sera naturellement consulté sur le nouveau code de procédure pénale et il définira des orientations nouvelles. Il sera temps alors de voir dans quelles conditions cette collégialité peut se mettre en place. Je préférerais donc dans l'immédiat que cet amendement soit retiré.
Je ne peux pas retirer cet amendement. L'argument de la complexité ne tient pas face à ma proposition d'une collégialité allégée, réservée aux avis de fin d'information, aux ordonnances de règlement et de non-lieu, qui seraient pris par trois magistrats instructeurs.
Le Parlement a voté à l'unanimité, le 5 mars 2007, une loi dont le respect est ici en jeu, par-delà les difficultés que vous évoquez, monsieur le secrétaire d'État. D'où ma proposition. Il s'agit d'un amendement cohérent qui respecte la volonté du législateur et permet d'éviter les problèmes matériels dont vous parlez.
Permettez-moi trois observations. La première est que la réforme votée après Outreau l'a été parce que nous la jugions nécessaire pour protéger les justiciables des errements commis lors de cette affaire et empêcher que soient incarcérées des personnes ultérieurement acquittées par la cour d'assises. C'est dire l'importance de cette réforme, dont l'urgence était telle qu'elle fit l'objet d'un vote unanime. Elle ne peut donc attendre indéfiniment. J'ajoute que, à supposer que la commission Léger rende son rapport courant juin 2009, la réforme de la procédure pénale qui en découlera mettra un certain temps à être adoptée et plus longtemps encore à être mise en oeuvre.
Deuxièmement, la proposition de Jean-Paul Garraud apporte une réponse aux difficultés matérielles qui subsistent – bien que la loi du 5 mars 2007 ne date pas d'hier – et qui sont invoquées pour repousser l'application de la réforme post-Outreau.
Enfin, le rapporteur nous explique qu'il ne serait pas raisonnable de créer une instruction tantôt collégiale, tantôt non collégiale. Mais la réforme censée s'appliquer en 2010 prévoyait précisément que certains actes seraient effectués par les trois juges d'instruction, d'autres, plus simples, relevant d'un magistrat unique. L'objection ne résiste donc pas à l'examen et, dans ces conditions, nous voterons donc l'amendement de Jean-Paul Garraud.
L'argument de la complexité ne tient pas. En effet, aujourd'hui, la collégialité est pratiquée dans certaines juridictions, selon la perspective tracée par la loi de 2007.
Monsieur le secrétaire d'État, vous dites que le Parlement aura à faire des choix. Mais le Parlement les a faits, ces choix ! Je rappelle que la commission Outreau a produit un rapport, lequel a été salué par tous les acteurs concernés, qu'ils appartiennent à la magistrature, au barreau ou à la Chancellerie. La loi de 2007 s'inscrit du reste dans le prolongement de ce rapport.
Soyons donc clairs. Vous prétendiez à l'instant le contraire, mais avez-vous l'intention de remettre en cause le juge d'instruction pour le remplacer par le parquet ? Si c'était le cas, je rejoindrais les cent députés qui demandent la création d'une mission préparant la réforme dans de bonnes conditions.
Je le dis avec la liberté de ton que me donne mon appartenance à l'opposition : on ne peut pas accepter que les décisions du Parlement soient remises en causes par une décision du Président de la République sur cette question. Or c'est comme cela que nous le vivons aujourd'hui !
Notre collègue Vaxès disait qu'il parlait avec la liberté d'un député de l'opposition ; permettez-moi de parler avec la responsabilité d'un député de la majorité. Cette réforme ne peut tout simplement pas être mise en place au 31 décembre 2009.
Il faut être pragmatique : on ne peut voter et laisser perdurer des choses qui ne sont pas applicables. Quand la réforme a été votée en 2007, nous avions prévu un délai long parce que nous savions que sa mise en place serait difficile. Elle se révèle extrêmement difficile : par pragmatisme, il faut donc repousser cette réforme d'un an.
D'autre part, la cosaisine de juges d'instruction est déjà possible aujourd'hui. Lorsqu'une affaire, par sa nature ou sa complexité, rend nécessaire de saisir deux juges d'instruction, c'est déjà possible.
Je souligne encore que la proposition de notre collègue n'est pas conforme à ce que souhaitait le Parlement ; je regrette donc beaucoup qu'il n'ait pas accepté de retirer son amendement. J'approuve, pour ma part, les propos du rapporteur : c'est un élément de complexité qui serait introduit.
Enfin, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : la commission Léger réfléchit à une nouvelle organisation. Va-t-on dépenser de l'argent pour mettre en place une réforme qui ne l'a pas encore été, alors même qu'existe une réflexion pour s'organiser différemment ? Ce serait du gaspillage d'argent public.
Matériellement, on ne sait pas faire, et il est inutile de dépenser de l'argent pour continuer dans une logique alors qu'on est en train de réfléchir pour s'orienter un peu différemment. C'est une réflexion de bon sens : laissons le travail se faire.
Enfin, nous ne serons en rien dessaisis ! La décision nous appartient. Si la commission Léger venait à nous proposer une organisation différente, c'est bien dans cet hémicycle qu'une telle réforme serait votée. Le problème du dessaisissement ne se pose donc pas.
Par pragmatisme, par souci de bonne gestion des deniers publics, par respect du Parlement, je vous appelle donc à ne pas voter cet amendement.
(L'amendement n° 7 rectifié n'est pas adopté.)
(L'article 65 octies est adopté.)
Cet article ratifie une ordonnance très récente, puisqu'elle date du 30 janvier 2009. C'est à mon sens trop rapide pour nous permettre de bien analyser son contenu, et surtout pour que des remarques des experts et des personnes concernées puissent nous revenir.
J'ai ainsi trouvé un article dans le Recueil Dalloz, où une juriste pose un certain nombre de questions et soulève un certain nombre de problèmes sur cette ordonnance. Il ne me semble pas que ces remarques aient été prises en compte dans cet article. Cela va nous obliger, dans la prochaine loi de clarification du droit, à revenir sur le sujet.
Je ne vois pas les raisons qu'il peut y avoir à se précipiter pour ratifier des ordonnances qui prennent effet dès leur publication. Il me semble plus sage d'attendre le dépôt des projets de ratification et de prendre le temps de faire du bon travail. J'estime donc dommage d'aller trop vite pour ratifier cette ordonnance, dans le cadre d'un texte justement destiné à réparer des erreurs et des oublis.
(L'article 66 quater est adopté.)
La division « Chapitre V » et son intitulé ont été supprimés par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
L'article 67 a été supprimé par le Sénat. Cette suppression a été maintenue par la commission.
Dans les explications de vote sur l'ensemble de la proposition de loi, la parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe SRC.
L'objectif de simplification du droit est partagé par tous ; mais la méthode n'est visiblement pas au point. Ce n'est d'ailleurs pas forcément un reproche : la méthode est neuve, elle a besoin d'être rodée. Le passage d'une assemblée à l'autre et l'ajout par le Sénat de multiples articles d'origines diverses et variées ont rendu l'opération extrêmement difficile – malgré l'importance du travail fourni par le rapporteur.
Parmi ces articles, certains autorisent le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance : nous sommes ici plutôt dans l'abaissement du rôle du Parlement que dans sa revalorisation.
Enfin, je souligne que le débat que nous venons d'avoir sur le juge d'instruction est particulièrement éclairant : il nous montre la façon dont ce texte de simplification du droit a été utilisé pour repousser une mesure pourtant adoptée à l'unanimité par le Parlement – alors même que le temps écoulé aurait permis la mise en place de cette mesure, et alors même que la modification de la carte judiciaire a été justifiée par la mise en place des pôles de l'instruction. Ceux-ci auraient pourtant pu servir de transition.
Dans ces conditions, le groupe SRC ne peut que voter contre ce texte, quand bien même nous reconnaissons qu'il comporte des aspects positifs. Nous regrettons que, compte tenu de la complexité de ce texte, ces aspects positifs n'aient pas pu être séparés d'aspects beaucoup plus négatifs.
Plusieurs d'entre nous ont déjà eu l'occasion de dire ici combien ce texte a été profondément modifié par le Sénat. Ces modifications auraient probablement justifié un examen plus approfondi, un débat plus élaboré. Mais il a fallu adopter, suivant votre décision, un texte conforme à celui issu du Sénat.
Je remarque que ce texte anticipe sur des décisions à venir, voire met d'ores et déjà en place certaines dispositions. Nous venons d'assister, lors du débat sur l'article 65 octies, à la fin, sans doute, du système inquisitoire dans notre pays. Ce texte est donc extrêmement lourd.
C'est enfin un texte qui donne au Gouvernement le droit de légiférer par ordonnances, et ce dans des domaines graves : nous l'avons dit lors de la discussion générale. Cela concerne notamment un certain nombre de dispositions à caractère social.
Pourtant, le Gouvernement et la majorité parlent souvent de donner de nouveaux droits au Parlement. Ce que nous avons vu ce soir n'est, hélas ! ni le premier, ni le dernier exemple de ce que cela recouvre.
Tous ces éléments amènent les députés communistes et du parti de gauche à voter contre ce texte. Les députés verts, pour leur part, s'abstiendront.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 29 avril, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Nouvelle lecture du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 29 avril 2009, à une heure cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma