Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'article 65 octies, introduit au Sénat par un amendement du Gouvernement, s'inscrit dans l'annonce présidentielle visant à supprimer le juge d'instruction. Il tend, en effet, à reporter du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2011 l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction.
L'exposé des motifs de l'amendement déposé par le Gouvernement est on ne peut plus clair : « Quel que puisse être le contenu de la réforme à venir, qui dépendra des solutions retenues par le Parlement lorsqu'il se prononcera sur le projet de code de procédure pénale rénové, il ne serait pas raisonnable que la collégialité de l'instruction soit mise en oeuvre pour une période susceptible d'être seulement transitoire. » Quoi que vous en disiez, il s'agit purement et simplement d'anticiper la future suppression du juge d'instruction décidée par le seul Président de la République, et qui, sans aucun doute, sera confirmée par la commission Léger.
Une fois de plus, et comme le confirme la future modification du règlement, la démonstration pourrait être faite qu'en dépit de toutes les belles déclarations d'intention que vous pouvez faire, les droits du Parlement se résument à entériner la volonté présidentielle.
Pourtant, ce n'est pas là une question de moindre importance. Le Parlement avait décidé en 2007 la mise en place de la collégialité de l'instruction. Cette réforme avait été souhaitée et saluée par les professionnels et l'ensemble des députés l'avaient soutenue. Je rappelle que la chancellerie, qui l'avait proposée, avait donné un avis très positif sur l'organisation de la collégialité. Prendre aujourd'hui pour argument le fait que les juridictions ne seraient pas encore prêtes pour la collégialité de l'instruction, faute d'une anticipation suffisante des mesures nécessaires en termes d'affectations de personnels et d'organisation des tribunaux, ne peut être admissible. Pour notre part, nous nous étions abstenus et avions alerté le pouvoir exécutif sur les moyens indispensables à la collégialité de l'instruction. Cette incapacité du pouvoir exécutif à mettre en oeuvre les réformes votées est désormais devenue chronique !
Du reste, au-delà de ces observations quant au respect du pouvoir législatif, la collégialité de l'instruction était et reste la réforme à faire. Avant même de nous donner les moyens de constater ou non son efficacité, en nous soumettant cet article, le Gouvernement nous demande, dans l'attente d'une future réforme visant à confier toutes les enquêtes pénales au parquet, de faire passer le message à la chancellerie et au corps judiciaire qu'il ne leur faut surtout pas anticiper la mise en oeuvre de la collégialité.
Bien évidemment, nous nous opposons fermement à cet article et dénonçons le procédé utilisé. Un tel article n'a en effet aucunement sa place dans une proposition de loi visant à simplifier le droit. Nous voterons par conséquent l'amendement de suppression de Dominique Raimbourg ; s'il n'était pas adopté, nous voterions en faveur de l'amendement suivant.