La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de réforme des collectivités territoriales (nos 2280, 2516, 2459, 2510).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de dix heures quarante-sept minutes pour le groupe UMP, onze heures seize minutes pour le groupe SRC, cinq heures quarante-trois minutes pour le groupe GDR, et cinq heures cinquante-trois minutes pour le groupe Nouveau Centre.
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 1er A.
Je suis saisi d'un amendement n° 239 , visant à supprimer cet article.
La parole est à M. Marc Dolez.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, ma collègue Marie-Hélène Amiable a évoqué hier soir les raisons de fond pour lesquelles nous nous opposons résolument à la création des conseillers territoriaux et au mode de scrutin retenu par l'article 1er A.
À nos yeux, une réduction du nombre des élus ne peut qu'être synonyme d'un affaiblissement de la démocratie locale et d'un éloignement accru entre les citoyens et leurs élus. Le nouvel élu devra voter dans deux assemblées différentes en cumulant les fonctions, alors que le texte prétend dissocier radicalement les domaines de compétence des départements et des régions.
Je veux livrer à la réflexion de nos collègues ce qu'en dit Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'Université Lille 2 – que Bernard Derosier et moi-même connaissons très bien.
…est en somme la solution institutionnelle trouvée à l'incapacité de supprimer l'un des deux niveaux de collectivité. En quoi un même élu qui s'occupe des compétences de deux collectivités apporte-t-il de la « simplification » ou de la « clarification » ? La réforme risque ainsi de renforcer les logiques de professionnalisation politique, de notabilisation et de concentration du pouvoir local. Elle instaure un cumul des mandats d'un nouveau type, obligatoire. »
L'instauration du conseiller territorial pose également des questions de constitutionnalité, comme l'ont déjà souligné un grand nombre de collègues. Ainsi, Jean-François Brisson, professeur à l'université Montesquieu Bordeaux IV, écrit dans la revue Pouvoir Locaux que « dès lors que l'identité constitutionnelle du département par rapport à celle de la région est mise en cause, on doit pouvoir affirmer que c'est au pouvoir constituant, et non à la loi, d'intervenir ».
Enfin, le scrutin uninominal à deux tours est, on le sait, défavorable à la parité et au pluralisme. Quant aux amendements qui visent à rehausser les seuils d'accès au second tour, ils doivent être rejetés car ils ne feraient que consolider la dérive institutionnelle vers le bipartisme, qui affaiblira un peu plus la vitalité démocratique de nos territoires.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Après ce qui a été dit hier soir, et que j'ai écouté durant de longues heures, je veux affirmer qu'à mes yeux, l'honneur de la vie politique consiste justement à s'occuper à la fois de questions de proximité, d'accompagnement humain, et de définition stratégique : c'est ce qui fait l'intérêt du travail politique, et je ne vois aucune contradiction à assumer ces deux fonctions. Je suis donc défavorable à cet amendement de suppression.
La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
Le Gouvernement est naturellement défavorable à la suppression de l'article 1er A qui, comme cela a été souligné à de nombreuses reprises, constitue le coeur du texte.
Je veux dire une nouvelle fois que, pour nous, l'instauration du conseiller territorial constituerait une erreur fondamentale. Tel qu'il est envisagé, le mode de scrutin uninominal majoritaire aboutirait forcément à un recul de la parité. Par ailleurs, dans l'exercice de son mandat, le conseiller territorial rendrait illusoire la libre administration des différentes collectivités concernées, pourtant consacrée par la Constitution. En cela, il ne répond pas à l'objectif affiché de coordination des politiques, ni à celui de réduction des coûts – j'en ai donné des exemples hier soir. Au contraire, la généralisation d'élus à plein temps engendrerait des dépenses supplémentaires. La recherche d'une meilleure articulation de l'action des collectivités territoriales passera par des solutions plus efficientes, moins déstabilisatrices et surtout moins démagogiques.
Je suis saisi d'un amendement n° 171 .
La parole est à M. Bernard Derosier.
Dès le début de la discussion des articles, nous voici effectivement au coeur du débat avec les dispositions relatives aux conseillers territoriaux et à leur mode d'élection. Depuis l'examen du texte en commission la semaine dernière, nous savons que le projet du Gouvernement consiste en un scrutin uninominal à deux tours. Ce n'était pas le projet initial, mais vous me répondrez, monsieur le ministre, que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis,…
Je ne vous le fais pas dire !
…et le fait est que le Gouvernement a modifié le texte, sans doute sous quelques pressions que les historiens s'emploieront à rechercher un jour,…
…des pressions provenant notamment des rangs de l'UMP, sans doute, car je ne peux croire que c'est uniquement la dénonciation par l'opposition du caractère inique du scrutin uninominal à un tour, votre projet initial, qui vous a fait changer d'avis.
On peut penser que le résultat des élections régionales y est également pour quelque chose…
Non !
…même si M. le ministre dit le contraire.
Enfin, les élections qui ont eu lieu récemment en Grande-Bretagne ont pu jouer un rôle, en montrant les limites du scrutin uninominal à un tour.
Toujours est-il que vous nous proposez aujourd'hui un scrutin uninominal à deux tours. Cela étant, je n'ai pas entendu parler d'une lettre rectificative ou d'une modification de l'ordre du jour des travaux du Sénat par laquelle vous retireriez le texte qui y a été déposé, un texte relatif au mode d'élection et au statut de l'élu – le Gouvernement ne se refuse décidément rien.
Le projet de loi que nous examinons est, lui, censé avoir pour objet la réforme des collectivités territoriales, et non le mode d'élection. Dès lors, nous ne comprenons pas que vous cherchiez à introduire subrepticement des dispositions relatives au mode d'élection dans un texte portant réforme des collectivités territoriales. Ces dispositions ne nous semblent pas ici les bienvenues. Elles nécessiteraient une discussion approfondie avec le Gouvernement, notamment sur les conséquences potentielles de l'amendement du rapporteur fixant à 12,5 % le seuil nécessaire pour être présent au deuxième tour.
Mes chers collègues, j'espère vous avoir convaincus qu'il serait beaucoup plus simple d'adopter notre amendement visant à supprimer la deuxième phrase de l'article 1er A.
Comme l'a rappelé M. Derosier, le Gouvernement avait initialement déposé sur le bureau du Sénat un projet prévoyant un autre mode de scrutin, qui n'a cependant pas rassemblé suffisamment de partisans.
Je considère, monsieur Piron, qu'il s'agissait d'un excellent projet, mais sans doute le Gouvernement était-il en avance sur son temps. Ayant constaté l'absence d'accord sur ce projet, le Premier ministre a lancé une large concertation en direction de tous les partis politiques. Il en est ressorti, en grande majorité, le souhait de voir appliquer un mode de scrutin connu des Français – celui grâce auquel cette assemblée est élue – à savoir le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Certains ont répondu, d'une façon subtile, qu'ils étaient contre le projet mais que celui-ci était déjà décidé et que, finalement, il ne leur déplaisait pas tant que cela. (« Ce qui est vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.) Puisque l'on nous enjoint, à demi-mot, de « faire le boulot », nous allons le faire ! Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Ce n'était pas une position centriste, mais une position claire et ferme !
Nous en avons déjà débattu hier, monsieur le ministre mais je veux insister sur le fait qu'il est étonnant qu'une loi ayant trait à la décentralisation, intitulée « réforme des collectivités locales » devienne, par le biais d'un amendement déposé sur table à la commission des lois – autant dire en catimini – une loi électorale. Le juge constitutionnel aura évidemment à se prononcer sur ce point.
Le Gouvernement lui-même avait déposé sur le bureau de la Haute assemblée le texte d'une loi électorale. Aujourd'hui, il choisit de transformer ce texte portant réforme des collectivités territoriales en une loi électorale. Je ne connais pas les méandres de la pensée gouvernementale, ni les relations entre cette pensée et celle de la majorité parlementaire, mais il y a de quoi s'interroger !
Par ailleurs, au sujet de la faculté du conseiller territorial d'assumer parallèlement deux mandats, que nous contestons, nous avons dit hier qu'il s'agissait d'un vrai recul en matière d'organisation de la vie locale, notamment au regard de la limitation du cumul des mandats, votée ici, qui interdit à un parlementaire d'exercer plus d'un autre mandat local.
Si votre projet est adopté, de fait, le conseiller territorial exercera deux mandats locaux. Pourtant, nous savons combien il est déjà difficile, pour un conseiller régional ou un conseiller général, d'assumer la totalité de ses charges de représentation. Hier, un membre de la majorité a soutenu qu'actuellement, des élus cumulaient déjà un mandat parlementaire avec un mandat de conseiller général et un mandat de conseiller régional. Non, cela n'existe pas. Mais votre proposition le permettra demain : on pourra être parlementaire et, si l'on est élu conseiller territorial, être ainsi en même temps conseiller général et conseiller régional. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Eh bien, j'aimerais que vous me présentiez le surhomme ou la surfemme qui sera capable d'assumer honnêtement et en toute transparence l'ensemble de ces mandats.
Monsieur le ministre, la loi électorale dont nous débattons s'appliquera en 2014, mais d'autres échéances électorales interviendront entre-temps. Or vous avez l'habitude, après chaque élection, de modifier le mode de scrutin en fonction des intérêts de la majorité. Vous devriez donc vous laisser le temps de changer encore d'avis en acceptant notre amendement.
Faisons un peu d'histoire. Dans son rapport, le comité Balladur proposait un mode de scrutin sur lequel vous n'avez pas cherché à obtenir un consensus, alors que, je vous le dis, le consensus était possible. Tel n'était pas le cas, en revanche, pour le mode de scrutin qui figurait dans votre premier projet de loi, puisque votre majorité elle-même ne le soutenait pas et que nous n'étions pas, quant à nous, favorables à la rupture qu'il aurait créée avec les habitudes françaises en matière de loi électorale. En tout état de cause, je le répète, le mode de scrutin proposé dans le rapport Balladur aurait trouvé des soutiens chez de nombreux députés qui siègent de ce côté-ci de l'hémicycle et il ne vous aurait peut-être pas été très difficile de convaincre votre majorité. Vous n'avez pas souhaité le faire.
Le Gouvernement a préféré, ainsi que je le disais, présenter sa propre proposition, qui prévoyait une prime à la liste arrivée en tête. Cette proposition n'a recueilli aucun soutien et il l'a modifiée lorsqu'il s'est aperçu, au vu des résultats des dernières élections régionales, qu'elle ne correspondait pas exactement à la logique qu'il croyait favorable à l'UMP. Vous pensiez en effet être à même, face à une gauche divisée au premier tour, de rassembler beaucoup plus largement, et donc d'empocher la prime. Mais votre analyse a changé le soir même des dernières élections régionales.
Vous nous proposez aujourd'hui un mode de scrutin qui, manifestement, n'est pas adapté, pour une raison simple, liée à la question de la parité. Puisque la majorité n'adoptera certainement pas notre amendement de suppression, il nous faudra bien discuter du mode de scrutin. Nous souhaiterions donc être au moins rassurés sur ce point. Certes, vous avez donné des signes de nature à nous rassurer, mais, M. Marleix ne nous ayant pas répondu hier, je réitère deux de nos questions.
Premièrement, comment comptez-vous prendre en compte techniquement dans votre projet la proposition de loi relative à la parité de Mme Brunel, dont nous devrions être saisis un jour ? Deuxièmement, cela nécessitera-t-il une modification du calcul de la dotation publique des partis, puisqu'il semble que ce devrait être le cas ? Comme vous entendez prendre des engagements sur la question de la parité, nous souhaitons qu'ils soient concrets et que vous répondiez à ces deux questions, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois avouer que je suis gêné d'appartenir à la majorité qui va supprimer l'élection des conseillers régionaux par le peuple. D'autant plus gêné que cette disposition antidémocratique nous est proposée quelques semaines seulement après les élections régionales qui ont vu notre majorité enregistrer une défaite sans précédent. Ainsi, le message que nous envoyons au peuple de France est le suivant : « Puisque nous avons beaucoup de difficultés à gagner les élections régionales, il n'y aura plus d'élections régionales ! »
J'ajoute que vous prévoyez une augmentation très importante du nombre des membres des conseils régionaux : dans ma région, ils seront 164 de plus ! Et, je le répète, ils ne seront plus élus par le peuple.
Très franchement, croyez-vous que c'est le message que la majorité présidentielle doit envoyer au peuple français ? C'est ma question ; merci d'y répondre, monsieur le ministre !
Depuis hier soir, je bois du petit-lait. On évoque le cumul des mandats, on me dit que les deux mandats du conseiller territorial seraient incompatibles avec la fonction de parlementaire. Chiche, mes chers collègues de l'opposition ! En commission, j'ai déposé des amendements sur le cumul des mandats, concernant notamment l'intercommunalité, puisque vous savez qu'actuellement, un élu national peut également détenir un mandat intercommunal. Je vous donne donc rendez-vous tout à l'heure, lorsque nous examinerons l'article 2.
Vous estimez que, pour un élu qui cumulerait son mandat de député avec celui de conseiller territorial, la charge de travail serait trop lourde. Je propose que l'on se pose également la question pour un élu qui exercerait un mandat de député et qui détiendrait la présidence d'un conseil général, d'un conseil régional ou d'une intercommunalité. (« D'accord ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je souhaite que nous puissions aborder ce sujet ; ce serait déjà pas mal.
Nous voterons cet amendement avec plaisir !
(L'amendement n° 171 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 306 , présenté par le groupe Nouveau Centre.
La parole est à M. Philippe Vigier.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné qu'après François Sauvadet et Maurice Leroy, j'évoque à mon tour le problème du mode de scrutin. Nous souhaitons en effet que l'Assemblée rétablisse l'article 1er A tel qu'il a été adopté au Sénat, afin que puissent être assurées à la fois la représentation des territoires – à laquelle, sur tous ces bancs, nous sommes attachés – et l'expression du pluralisme, que garantirait une dose de proportionnelle. Car si nous ne faisons pas vivre le pluralisme, nous savons quelles seront les conséquences : l'abstention, le vote extrême.
Tout à l'heure, M. Le Roux a fort habilement fait référence à la première proposition de mode de scrutin, mais je n'ai pas encore entendu celles du parti socialiste à ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est dommage, car cela nous aurait permis de savoir où nous en sommes.
Lors de la dernière réforme constitutionnelle, le droit d'expression des groupes minoritaires au sein des assemblées a été renforcé, et Michel Mercier le sait pour avoir oeuvré en ce sens. Par ailleurs, la parité est un élément majeur, car c'est un facteur d'équilibre et de richesse de la vie politique ; or, seuls 13 % des conseillers généraux sont des femmes, alors qu'elles sont plus nombreuses dans les conseils régionaux.
Monsieur le ministre, un engagement a été pris. Contrairement aux membres du groupe socialiste, nous sommes favorables à la création du conseiller territorial, car le rapprochement entre les régions et les départements doit permettre de faire émerger, non pas des « OVNI », comme cela a été dit par certains, mais des élus ancrés dans leurs territoires et représentant l'ensemble de la palette de la vie politique ; c'est un facteur de richesse indispensable.
Je rappelle également les réserves relatives à la lecture que le Conseil constitutionnel fera de cette disposition.
Monsieur le ministre, il me paraît essentiel que nous puissions faire vivre le pluralisme, que vous défendez depuis de longues années et auquel vous vous êtes toujours déclaré publiquement attaché. Et que l'on ne me dise pas qu'une dose de 20 % de proportionnelle empêchera l'émergence de majorités stables : peut-on me citer un seul exemple d'un conseil régional qui, avant 1998, ait été bloqué à cause de l'absence de prime à la liste arrivée en tête ?
Pour ces différentes raisons, et puisque Alain Marleix s'est dit ouvert sur ce sujet, je souhaite que nous ayons une conception plus équilibrée et plus démocratique des futurs conseillers territoriaux.
Enfin, je rappelle à Bernard Roman, qui a évoqué des surhommes, qu'actuellement, les conseillers municipaux de Paris sont également conseillers généraux ; ils exercent donc un double mandat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ne soyons pas hypocrites, la charge de travail du président d'une agglomération est plus lourde que celle du conseiller régional de base siégeant dans l'opposition que je suis.
Il était bon d'apporter ces petites précisions.
Monsieur le ministre, vous l'avez compris, le groupe Nouveau Centre est attaché à une dose de proportionnelle et au scrutin majoritaire – et le fait qu'il soit à deux tours est une bonne chose. Pour autant, nous ne nous satisfaisons pas du mode de scrutin proposé par le Gouvernement, qui marque un recul de la démocratie.
La commission a repoussé cet amendement. À ce stade de notre discussion, je souhaiterais vous livrer une réflexion sur le mode de scrutin, dont le choix est, à l'évidence, un élément très important du débat sur la création du conseiller territorial.
Plusieurs propositions ont été faites, par le comité Balladur et par différents responsables politiques. Personnellement, j'ai d'abord soutenu le scrutin proportionnel d'arrondissement proposé par le comité Balladur. À ce propos, nos amis du groupe socialiste nous disent aujourd'hui qu'ils auraient pu le soutenir, mais, à l'époque, leur silence était assourdissant ; or, si tel ou tel groupe politique avait pris position, les choses auraient peut-être évolué différemment. On s'est également interrogé sur l'hypothèse d'un scrutin mi-urbain, mi-rural.
Toujours est-il que, dans le cadre des consultations que j'ai menées et des très nombreux déplacements que j'ai effectués dans les départements, j'ai été très frappé – et je le dis d'autant plus sincèrement que ce n'était pas ma position initiale – par l'attachement extrêmement fort de nos concitoyens et des élus locaux, toutes tendances politiques confondues, au scrutin uninominal à deux tours. Le choix du Gouvernement correspond donc bien à l'attente de la très grande majorité de nos concitoyens et des élus locaux.
J'ai le sentiment que ce mode de scrutin appartient à la culture politique de notre pays. Les Françaises et les Français le connaissent bien, le comprennent bien, savent bien l'utiliser, en tenant compte de la subtilité des deux tours. Je souhaitais que cela soit rappelé.
Sur le plan théorique, je suis tout à fait favorable au scrutin mixte, car il me semble le mieux à même de représenter la diversité et la complexité de nos sociétés. Mais il faut prendre en compte l'histoire récente. Le Gouvernement a déposé un projet de loi comportant un mode de scrutin mixte. Or, et c'est un peu gênant, tous ceux qui auraient dû soutenir le Gouvernement à ce moment-là se sont plutôt tus et ont souligné tout ce qui n'allait pas dans son projet. Il est vrai que ce texte n'était pas parfait – aucun ne l'est – mais nous aurions pu l'améliorer.
Le fait est qu'il a été rejeté, avec des arguments qui ne manquent, du reste, ni de vigueur ni de réalité. Ainsi, on nous a indiqué que de nombreux candidats aux élections locales n'appartiennent à aucun parti politique : ils sont « divers » : divers droite, divers gauche, divers centre. C'est la proximité de ces candidats avec les électeurs qui leur permet d'être élus.
Vous considériez par ailleurs que le mode de scrutin proposé était extrêmement complexe. Vous nous reprochiez d'additionner les voix des battus pour désigner des élus. Je vous rappelle que ce mode de scrutin est celui qui a inspiré la loi fondamentale de la République de Bonn en 1949 et que cela ne marche pas si mal en Allemagne.
En fait, avec un scrutin à un seul tour, nous heurtions une partie de notre conscience politique. Mais avec un scrutin mixte proportionnel et majoritaire, avec deux tours pour le majoritaire et un seul pour la proportionnelle, il aurait été difficile de savoir à quoi s'en tenir. Cela rend impossible un scrutin mixte, car prévoir de la proportionnelle au deuxième tour ou en introduire au premier tour n'est pas la même chose. Le Gouvernement a dû constater que sa proposition ne recueillait pas de soutien, notamment de ceux qui auraient dû la soutenir. Je n'ai entendu qu'un seul vrai soutien : celui de François Bayrou. Pour le reste, cela n'a été que critiques.
Le rapporteur a fort justement rappelé l'attachement des citoyens au scrutin majoritaire uninominal. Écoutant les propos de Dominique Perben, je me suis souvenu du temps où j'étais étudiant, et cela commence à dater…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais non ! (Sourires.)
Mais on a toujours plaisir à se rappeler cette époque. Il me semble bien qu'en 1949, dans la Revue française de science politique, Michel Debré a tout dit sur le mode de scrutin et le lien existant entre le délégant et le délégué. Seul le scrutin majoritaire uninominal est de nature à bien régler les relations entre ceux qui délèguent et celui qui reçoit la délégation. C'est ce que viennent de nous dire à nouveau les Français et qu'a bien ressenti le rapporteur.
Le Gouvernement, comme la commission, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je ne peux m'empêcher de sourire et de penser que, quand les centristes parlent aux centristes, cela devient très compliqué. Aux termes de toutes de leurs circonvolutions, ils ont du mal à se rencontrer.
Monsieur Vigier, il n'était pas utile d'être aussi agressif, ou pour le moins offensif, à l'encontre du groupe socialiste puisque nous allons voter votre amendement.
Bernard Roman l'a dit, nous considérons qu'il est de bonne méthode d'en revenir à la rédaction adoptée par le Sénat. Nous estimons en effet que le travail effectué par la Haute assemblée et la parole donnée aux formations centristes n'ont pas été respectés. En outre, le mode de scrutin maintenant proposé a été introduit en commission par le Gouvernement sans prendre le temps de la réflexion avec l'ensemble des groupes politiques. Enfin, la fixation du nombre de conseillers territoriaux par département a été introduite par amendement lorsque la commission s'est réunie en application de l'article 88. Cette façon de procéder donne le sentiment, sinon d'une certaine précipitation, en tout cas d'un passage en force.
Prenons le temps de réfléchir à un mode de scrutin qui représente à la fois les territoires et les sensibilités politiques. Pour l'heure, revenons à la rédaction du Sénat et faisons en sorte que le projet de loi relatif aux modalités électorales que vous avez déposé sur le bureau de la Haute assemblée ait toute sa raison d'être.
On pourrait débattre pendant des heures du mode de scrutin. Pour moi, le scrutin proportionnel pose le problème de l'identification de l'élu. Nous avons pu le constater une fois encore avec les dernières élections régionales : l'objectif est de figurer dans les positions éligibles.
Plutôt que de revenir à la rédaction adoptée par le Sénat, je vous propose une autre solution : le scrutin proportionnel plurinominal avec vote préférentiel.
C'est le système en vigueur en Finlande. Les représentants finlandais sont élus selon un scrutin proportionnel avec liste de groupes. Mais le citoyen choisit aussi la personne pour laquelle il veut voter. Comment fonctionne un tel scrutin ? Chaque parti ou alliance de partis présente une liste de candidats dans une région électorale : canton, région ou département. Chaque candidat se voit attribuer un numéro qui servira au vote. Lors du scrutin, l'électeur vote pour un seul candidat. Les voix récoltées par chaque liste sont comptabilisées et les sièges acquis sont répartis en fonction du nombre de voix global de chaque liste, répartition selon la méthode de Hondt. Sont élus à ces sièges les candidats ayant récolté le plus grand nombre de voix sur leur nom.
Ce système électoral permet de conjuguer une représentation proportionnelle des partis tout en conservant l'attrait du scrutin nominal. Cette solution est intéressante. Elle aurait pu être retenue. Chaque candidat devrait faire campagne et serait identifié puisque, de toute façon, l'électeur voterait pour un seul candidat.
Considérant que le mode de scrutin finlandais est plus intéressant que celui proposé par le Sénat, je ne souhaite pas qu'on en revienne à la rédaction sénatoriale.
Monsieur le ministre, je ne crois pas que le mode de scrutin que nous proposons soit compliqué. Vous connaissez parfaitement le mode de scrutin sénatorial : dans les grands départements, il y a un scrutin de liste proportionnel à un tour, et dans les plus petits, un scrutin uninominal à deux tours. Ce système, qui existe depuis longtemps, ne crée aucune difficulté.
Monsieur Dussopt, il n'y avait aucune agressivité dans mes propos. J'ai apprécié le ton que vous avez employé. J'ai fait allusion au cumul des mandats car les choses doivent être claires : présider une communauté urbaine est une responsabilité extrêmement importante. Il faudra prendre en compte cette fonction lorsque nous aborderons la question du cumul.
Enfin, monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre avait fait savoir au chef de l'État qu'il tenait à cette dose de proportionnelle, sur laquelle celui-ci s'était d'ailleurs engagé. Tel qu'il avait été présenté, le mode de scrutin initial, dans lequel les voix des battus pouvaient finalement servir à désigner un gagnant, ne m'a jamais paru très clair. Cela ne me semblait pas la bonne solution. Un scrutin direct sur une liste départementale me paraissait beaucoup plus lisible. J'ai bien entendu les propos de Dominique Perben : certes, la compréhension du mode de scrutin par les élus en place ne pose pas de problème, mais l'homme ou la femme de la rue savent-ils vraiment comment on élit un conseiller général ou régional ? J'en doute beaucoup.
Monsieur le ministre, qui dit définition du mode de scrutin, dit mise en pratique sur le terrain. Quelle méthode allez-vous choisir pour découper les circonscriptions ? Allez-vous demander aux préfets de réunir l'ensemble des élus ? Y aura-t-il concertation ? Chaque département a sa spécificité : dans certains d'entre eux, il y a plus de cantons urbains tandis que, d'autres, il y a davantage de cantons ruraux. Il faudra que vous soyez très vigilant.
Nous avons besoin de savoir comment vous allez organiser les choses. Prévoyez-vous une discussion globale avec l'ensemble des élus ? Ou allez-vous nous imposer une liste de cantons sans que nous ayons pu en débattre localement ? C'est très important car il y va de l'acceptation d'un mode de scrutin de la part des élus mais aussi des citoyens. Nous ne partageons pas votre choix mais il est nécessaire de préparer la suite notamment pour assurer la représentation des territoires ruraux.
À l'origine, ce texte ne prévoyait pas le mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux. C'est pour faire adopter le projet au Sénat que vous avez accepté l'amendement introduisant l'article 1er A. Nous en étions d'ailleurs marris car, dans le même temps, alors que nous discutions du texte relatif à la concomitance des élections départementales et régionales, vous refusiez de nous donner des précisions sur ce point. Il est clair qu'un accord avait présidé à l'adoption de cet amendement au Sénat.
Cet amendement avait du bon sens : il énonçait des principes très généraux pour la rédaction du futur texte relatif au mode de scrutin. Nous souhaitons nous aussi que vous remettiez à plus tard – il n'y a pas urgence – le choix du mode de scrutin en vous appuyant sur ce principe réintroduit dans le projet. Cela donnerait une communauté de vues au Sénat et à l'Assemblée sur la décision que nous devrions prendre en la matière.
À l'évidence, il existe des modes de scrutin permettant de respecter toutes les conditions contenues dans l'amendement qui avait été adopté au Sénat et dans celui que souhaite réintroduire M. Vigier. Nous vous l'avons dit, nous sommes prêts à travailler pour définir un mode de scrutin assurant la représentation des territoires. Pour les plus ruraux, cela semble passer par le scrutin uninominal à deux tours. En zone urbaine, la visibilité du conseiller général est très faible par rapport au maire, au député. On pourrait donc prévoir un mode de scrutin de liste à deux tours permettant un choix. Si nous avançons sur ces propositions, nous pourrions aisément trouver un consensus. Le rechercherez-vous pour une fois ? En adoptant l'amendement n° 306 , nous respecterions la volonté initiale de ne pas faire de choix dans ce texte et nous ouvririons la porte à un possible consensus sur un mode de scrutin permettant de respecter toutes les dimensions à prendre en compte.
Députée d'un département rural et même de montagne, j'ai eu l'occasion d'expliquer aux élus des Hautes-Alpes le mode de scrutin initialement proposé : un scrutin mixte, moitié proportionnel, moitié rattaché à un territoire. Je n'y étais pas personnellement défavorable. Mais les élus ruraux, dont vous parlez tant, mes chers collègues, se sont à l'unanimité, de droite et de gauche, insurgés contre ce mode de scrutin. Ils ont tous demandé que les conseillers territoriaux soient élus dans des territoires bien définis. Ils ont même appelé ceux qui seraient élus sur une liste à la proportionnelle des conseillers « hors sol », sans territoire et qui ne représenteraient rien. C'est l'ANEM, l'Association des élus de montagne, qui a inventé cette expression de « conseiller hors sol ». Mais tout le monde l'a reprise, y compris sur vos bancs, mes chers collègues. L'opposition socialiste s'en est emparée. J'ai été assaillie de protestations contre la création de ces conseillers hors sol, qui seraient des espèces d'êtres éthérés, alors que les élus du scrutin uninominal seraient en prise avec le terrain.
Considérant cela et l'ensemble des arguments avancés par le Gouvernement en faveur d'un unique mode de scrutin pour cette nouvelle catégorie d'élus, prenant aussi en compte la nécessité de lisibilité et de territorialité des élus afin que les électeurs s'intéressent à la politique – les dernières élections régionales ont montré que c'était loin d'être le cas avec des élections à la proportionnelle –, je voterai contre l'amendement n° 306 .
J'en reviens à la procédure de découpage. Ce n'est pas la première fois qu'on se livrera à cet exercice : il est encadré par des règles juridiques extrêmement précises. Il y aura un décret en Conseil d'État après consultation de l'ensemble des collectivités territoriales intéressées. Donc, bien évidemment, les régions et les départements seront consultés, de même, à mon sens, que l'ensemble des communes puisque leur rattachement à un canton va changer.
La consultation du Conseil d'État n'est pas non plus sans importance. Certes, ce n'est qu'un avis. Mais qui jugera en cas de contentieux : le Conseil d'État. S'il émet un avis défavorable, il y aura risque d'annulation.
Par conséquent, la transparence avec les collectivités sera assurée et le respect des règles juridiques, en particulier l'équilibre démographique entre les territoires, sera garanti.
Le Gouvernement souhaite le faire sans concertation !
(L'amendement n° 306 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 367 rectifié et 28 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Henriette Martinez, pour présenter l'amendement n° 367 rectifié .
Nous souhaitons donner, sur la base d'un scrutin à deux tours, une véritable légitimité à ces nouveaux élus, en faisant en sorte qu'ils recueillent plus de 50 % des voix. Pour cela, nous proposons que seuls les deux candidats ayant obtenu le plus de voix au premier tour puissent se maintenir au second.
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié , similaire, et dont vous êtes également cosignataire, est ainsi défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Elle les a repoussés. Par ailleurs, j'ai moi-même déposé un amendement, qui viendra un peu plus loin dans le débat, visant à mettre en place un système coordonné pour les différentes élections. Alors que l'on crée les conseillers territoriaux – avec un nouveau mode de désignation par les électeurs –, je pense en effet qu'il est temps d'harmoniser les dispositifs pour l'organisation des élections à deux tours. Chacun le sait ici, selon qu'il s'agit d'élections cantonales ou législatives, les planchers pour être présent au second tour sont différents. Le résultat, c'est que nous-mêmes, souvent, nous oublions ou mélangeons un peu les chiffres ; plus personne ne sait comment cela fonctionne.
Je propose donc que l'on aligne le seuil sur celui des élections législatives : pourront être présents au second tour les candidats ayant réuni plus de 12,5 % des inscrits, et ce principe s'appliquerait donc aussi à l'élection des conseillers territoriaux. Il est évident que cette proposition est en contradiction avec les deux amendements en discussion, que la commission a par ailleurs rejetés. J'émets donc un avis défavorable.
Nous considérons que le scrutin présidentiel est unique dans notre fonctionnement institutionnel. Par conséquent, et en admettant que l'on doive unifier les modes de scrutin pour l'élection des députés et l'élection des conseillers territoriaux, cela doit se faire sur la base des propositions que vient d'exposer M. le rapporteur.
Je vous invite donc, madame Martinez, à retirer ces amendements. Dans l'hypothèse contraire, j'émettrais un avis défavorable.
Vous comprenez bien la préoccupation des signataires de ces amendements : il s'agit d'harmoniser les modes de scrutin, parce que les gens n'y comprennent rien ! Je dirai même plus : les candidats eux-mêmes se demandent s'ils vont pouvoir se maintenir au second tour.
Je considère que la proposition présentée par le rapporteur et soutenue par le ministre ne va pas totalement dans le sens que j'ai indiqué, car elle ne permettra pas à tous les élus d'avoir une majorité de plus de 50 % des voix, avec la vraie légitimité que cela implique. Néanmoins, elle nous permet d'avancer vers la simplification de nos régimes électoraux. Je retire donc ces amendements.
(Les amendements nos 367 rectifié et 28 rectifié sont retirés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Mon amendement porte naturellement sur le mandat de conseiller territorial. Celui-ci va siéger à la fois dans deux assemblées distinctes : le conseil général et le conseil régional. Il n'y aura donc plus d'élection pour le conseil régional.
Si cette situation ne conduisait pas notre assemblée à considérer que le mandat de conseiller territorial est un double mandat local – ce qui devrait alors être pris en compte au regard des règles sur le cumul des mandats –, cela signifierait que le Gouvernement et notre majorité abandonnent ces règles.
Il faut garder à l'esprit cette situation nouvelle : un élu pourra, si vous ne votez pas cet amendement, cumuler cinq mandats.
Plusieurs députés du groupe UMP. Ce ne serait pas plutôt quatre ?
Cinq, mes chers collègues ! En effet, il pourra être maire, faire partie d'une intercommunalité, siéger au conseil régional – sans que le peuple l'ait souhaité – et au conseil général, mais aussi être député ou sénateur. Qu'est-ce que cela voudrait dire ? Ce serait un formidable recul en arrière (Rires)…
…si tant est, effectivement, qu'il puisse y avoir des reculs en avant !
Or le texte que nous examinons consacre déjà une série d'abandons. En créant les conseillers territoriaux, il supprime les élections directes par le peuple des conseillers régionaux, dont il multiplie le nombre par deux – voire plus, puisque dans ma région il y en aura 164, contre 67 précédemment. Il abolit également l'exigence de parité, et je regrette, à cet égard, que notre collègue Marie-Jo Zimmermann n'ait pas été présente tout à l'heure pour défendre l'un des amendements qu'elle avait déposés, mais elle a été suffisamment claire à ce sujet lors de la discussion générale. Dès lors, mes chers collègues, la question que nous devons nous poser, celle qui nous concerne tous dans cet hémicycle, est la suivante : à ces abandons en matière de démocratie et de parité, voulons-nous en ajouter un troisième sur le cumul des mandats ? C'est la grande question et c'est même la seule ; je pense qu'elle mérite un débat.
J'ai bien compris la question qu'a posée M. Grand à travers son amendement. Le Gouvernement a fait un choix : faire en sorte qu'il n'y ait pas de mandat unique.
Je vous remercie de l'avoir remarqué ! (Sourires.)
Je voudrais simplement vous dire que nous reviendrons à la question des incompatibilités et des inéligibilités dans un autre projet de loi relatif au statut de l'élu. À ce moment, nous pourrons avoir un débat sur ce problème. Je vous invite donc, monsieur Grand, à retirer votre amendement.
Dans l'hypothèse où vous ne voudriez pas attendre cette discussion globale sur le statut de l'élu, j'émettrais un avis défavorable.
Notre collègue Jean-Pierre Grand pose en effet une vraie question, mais il me semble que la voie prônée par le rapporteur et le ministre est la bonne car, on le voit bien, nous avons affaire, avec cet article créant le conseiller territorial, à toute une série d'amendements portant sur des sujets aussi divers que les modes d'élection, le cumul ou la parité. Le Gouvernement a dit que nous aurions prochainement une véritable discussion sur ces sujets à propos du statut de l'élu.
C'est un homme de foi ! (Sourires.)
Toutes ces questions vont donc faire l'objet d'une réflexion.
Je voudrais d'ailleurs rebondir sur la proposition de Bruno Le Roux, qui a apporté tout à l'heure son soutien à notre amendement sur le mode de scrutin : je crois que nous aurions intérêt, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, à mener, à l'issue de cette discussion, et dans le souci d'apaiser notre démocratie, une vraie réflexion associant les différents partis politiques sur l'ensemble de ces questions. Mais en adoptant ce genre d'amendement, nous nous contenterions d'afficher des principes qui ne pourraient trouver aucune traduction dans la pratique.
Nous voterons cet amendement, parce que M. Grand pose une bonne question à propos du cumul des mandats, que nous avons nous aussi dénoncé dans la discussion générale. Il va tout de même falloir, un jour ou l'autre, se décider à légiférer sur le sujet. À chaque fois on se donne bonne conscience en présentant des amendements sur la limitation du cumul, mais au final on n'avance pas.
M. le ministre nous dit : « On va en parler à propos du statut de l'élu. » Soit ! Mais « on va » toujours, et cela fait des années qu'on attend. Je me souviens qu'avec Bernard Roman, sous une précédente législature, nous avions proposé une série de mesures. Mais le Sénat était – évidemment – passé derrière et vous-mêmes, chers collègues de la majorité qui étiez alors dans l'opposition, vous n'étiez pas d'accord avec nous !
Au-delà de cette question, on observe, y compris chez certain de nos collègues, une confusion entre mandat et fonction. Par exemple, légalement, la représentation dans une intercommunalité n'est pas un mandat mais une fonction. Cette confusion tient, là encore, au fait que l'on ne va pas au bout de la démarche : la différence est grande entre un mandat de maire ou de conseiller général dans un petit département et le fait de siéger dans une grosse intercommunalité, voire de la présider ! Mais, dans le second cas, il ne s'agit pas d'un mandat et on ne tombe donc pas sous le coup de la loi.
Il y a là un vrai problème qu'il faudra bien un jour se donner les moyens de régler. Tout devra y passer !
Cela apparaît d'autant plus clairement si l'on regarde ce qui se fait ailleurs. Les étrangers se disent : « Ils sont fous, ces Français ! Comment font-ils pour cumuler autant ? » Il faudra donc, je le répète, que la règle s'applique à tout le monde ; elle devra être claire pour les élus et lisible pour les citoyens, ce qui n'est absolument pas le cas aujourd'hui.
J'avais considéré cet amendement avec scepticisme car il me semblait de simple précision. En effet, ce qui y est indiqué me paraît couler de source : il y aura deux collectivités – conseil général et conseil régional –, c'est-à-dire deux responsabilités et donc deux mandats différents, quoique obtenus par une même élection.
Or le Gouvernement semble considérer qu'il ne s'agit pas d'un amendement de précision : il y a pour lui une unique fonction élective. Pourtant, les arguments employés tout à l'heure montrent que, à l'évidence, la charge de travail ne permet tout simplement pas le cumul avec une autre fonction.
M. Hunault a estimé que nous étions là dans un premier texte, qui traite des compétences des collectivités, et que nous n'avions pas à y aborder d'autres dimensions. Cela suppose d'écarter les questions comme le mode de scrutin, afin de laisser les choses se faire au rythme prévu. Car, s'il en allait autrement, on devrait décider de tout : en lançant le débat sur le mode de scrutin, on amorce aussi la réflexion sur la question du cumul des mandats, posée dans un certain nombre d'amendements.
Pour notre part, nous sommes prêts à prendre nos responsabilités politiques en adoptant des positions qui permettront d'avancer sur les questions de non-cumul des mandats, de parité, et éventuellement – si nous trouvons des accords sur ce point – de mode de scrutin, car les fausses concertations promises à l'extérieur de cet hémicycle peuvent très bien être remplacées par des votes clairs intervenant après débat dans l'Assemblée.
Monsieur le ministre, vos arguments sur le mode de scrutin, sur la parité et sur la nécessité du renouvellement des élus auraient dû vous conduire à vous rallier sans hésiter à la proposition de M. Grand !
Car, si le fait d'accepter son amendement n'entraîne pas automatiquement la parité, il permet tout de même de faire un pas dans cette voie ; et il en va de même en ce qui concerne l'impossibilité de cumuler les mandats et le renouvellement des élus.
Vous pourriez donc nous dire : « En effet, nous ne savons pas très bien, avec la création du conseiller territorial, comment faire pour régler le problème de la parité, mais cet amendement va dans le bon sens, il clarifie les choses, il constituera un premier pas et donc le Gouvernement y est favorable. » C'est la position que nous attendions car elle paraissait évidente. Aujourd'hui il semble qu'elle ne le soit pas, ce qui pose un vrai problème !
Je suis désolé, monsieur le ministre, mais je maintiens plus que jamais cet amendement.
Mes chers collègues, vous rendez-vous compte que vous allez voter la fin des élections régionales et en même temps celle de la parité ? Pensez-vous vraiment que ce soit une bonne chose de supprimer, en plus, les règles limitant le cumul des mandats ?
Monsieur le ministre, les élections présidentielles ne sont pas très éloignées et je pense que, parmi les questions qui seront débattues en 2012, celle de la démocratie française sera particulièrement importante. Autrement dit, dans quelle société voulons-nous vivre ? Quelle démocratie voulons-nous ?
Aujourd'hui, nous avons affaire à un peuple qui souffre, qui s'interroge et qui attend de nous une certaine rigueur intellectuelle et politique. Les Français attendent de nous que nous changions nos pratiques.
Or nous aggravons les défauts qu'ils n'aiment pas, et même qu'ils rejettent, c'est-à-dire le cumul et le refus de la parité. Chacune et chacun d'entre vous est concerné dans sa circonscription !
Eh bien, moi, je ne veux pas être interpellé dans les rues de ma commune ou des villages de ma circonscription pour avoir voté quelque chose d'antidémocratique. Je suis un gaulliste !
Dans quelques jours, nous allons fêter le soixante-dixième anniversaire du 18 juin 1940 : trouvez-vous que ce soit le bon moment pour voter une régression démocratique de nos institutions locales ?
Monsieur le ministre, au nom de la République, je vous demande d'accepter cet amendement. Acceptez que, demain, on puisse toujours élire les conseillers régionaux. Permettez aux femmes d'être à égalité avec les hommes dans les assemblées régionales. Permettez-nous de tenir notre parole et nos engagements, notamment sur le cumul des mandats !
Ne nous renions pas, comme nous le faisons ici article après article ! Mes chers collègues, au nom de la République, au nom de nos valeurs communes, au nom de ce que nous sommes, au nom de celles et de ceux qui nous ont fait confiance, réfléchissons !
Mes chers collègues, je vous rappelle que 600 amendements ont été déposés sur ce texte.
Bien sûr, mais c'est mon rôle de vous rappeler que si vous vous inscrivez aussi nombreux sur chacun des amendements, vous n'aurez pas le temps de tous les défendre.
La question du cumul, que soulève Jean-Pierre Grand, est incontestablement une vraie question. Il est évident que si on regarde le mandat de conseiller territorial comme un mandat unique et par conséquent cumulable, on assouplit les règles du cumul actuellement applicables. On peut donc utiliser le terme de recul.
Mais comment pourrait-on traiter le problème dans cette loi ? La question du cumul des mandats des conseillers territoriaux ne peut, en effet, être séparée de celle du cumul des mandats des conseillers de Paris.
C'est exactement la même question : le mandat de conseiller de Paris est regardé dans nos textes comme un mandat unique, et parfaitement cumulable.
Je suis d'accord pour considérer qu'il s'agit d'une vraie question, mais elle est suffisamment importante pour que nous l'examinions dans le texte ultérieur.
De plus, je suis moi aussi gaulliste, et je ne suis pas choqué par le débat que nous avons.
Je ne crois pas avoir abusé du temps imparti à mon groupe, puisque c'est la première fois que je demande la parole depuis hier.
Si plusieurs questions évoquées ici peuvent se recouper, ce ne sont pas tout à fait les mêmes : j'aimerais donc rappeler, sur le mode de scrutin comme sur le cumul, quelques éléments de nature à alimenter notre réflexion.
D'abord, si chacun sait que le cumul est particulier à la France, on oublie parfois de se demander pourquoi. Nous détenons effectivement tous les records de cumul par rapport aux pays qui nous entourent – Allemagne, Italie, Espagne, Grande-Bretagne, d'autres encore. En essayant de comprendre les raisons de cette situation, j'ai été amené à constater que dans ces pays, des réformes ont été accomplies voilà vingt ou vingt-cinq ans, voire avant pour l'Allemagne, dont le système fédéral remonte à l'après-guerre, dans le sens d'une décentralisation très forte. Dans quasiment toutes les régions – qu'on les appelle Länder ou comuninades, que l'on parle de l'Écosse ou du Pays de Galles –, dans quasiment tous ces régimes fortement décentralisés, fédéraux de droit ou de fait, les trois quarts des règles du jeu sont fabriquées par les élus territoriaux.
On légifère dans toutes ces régions – je n'en demande pas tant – alors qu'on ne réglemente qu'à peine dans les nôtres. Notre système est mixte, comme vous le savez : il continue d'hésiter entre une centralisation très aiguë dans tout le domaine législatif et réglementaire – on fabrique la quasi-totalité des règles du jeu au niveau national, dans cet hémicycle et celui du Sénat ou au Gouvernement – et une vraie décentralisation ; les marges de manoeuvre financières étant plutôt plus fortes dans nos territoires.
En conséquence, un élu local, un conseiller territorial demain, je l'espère, n'a pas d'autre possibilité pour modifier les règles du jeu, peser sur elles, que d'être également élu au niveau national. C'est vrai pour les maires des grandes villes, c'est vrai pour les présidents des grandes agglomérations. Non seulement l'exercice des responsabilités territoriales se fait sous des contraintes réglementaires fortes, mais le seul moyen d'influer sur leur définition, c'est d'être parlementaire. Voilà ce qui incite, qui invite même au cumul !
On ne peut donc pas séparer la réflexion sur le cumul de la réflexion sur l'ensemble de notre système de gouvernance. C'est bien ici, dans cette loi sur la réforme territoriale, une invitation à franchir une étape, avant d'aller beaucoup plus loin dans le sens de la décentralisation. Nous ne résoudrons pas correctement la question du cumul sans poser en même temps celle de la gouvernance en général, et celle du rapport entre les collectivités locales et l'État.
Je ne crois donc pas que ce soit au détour d'un amendement que l'on puisse régler une si vaste et si profonde question. On aurait bien tort de traiter l'un des effets en oubliant les causes essentielles. Voilà ma première observation.
Sur le mode de scrutin, j'ai aussi entendu beaucoup de choses depuis hier. À l'évidence, et tout le monde l'a bien compris, aucun des modes de scrutin ne peut être parfait. Ils ont tous des avantages et des inconvénients. L'avantage du mode de scrutin retenu ici, c'est la clarté et la lisibilité ; il n'a peut-être pas, en revanche, toute la respiration que l'on pourrait attendre de l'instillation d'une part de proportionnelle.
Tout de même, vous le reconnaissez. Vous progressez, cher collègue, encore un effort !
Il n'y a pas, je le répète, de mode de scrutin idéal. Celui que nous avons retenu correspond, encore une fois, à l'attente de beaucoup de nos concitoyens.
Pour terminer, je remarque que l'on nous décrit le futur conseiller territorial comme un virtuose. N'exagérons rien ! Il y a tout de même un détail que je m'étonne de ne pas avoir entendu citer. J'entends tous les propos tenus contre ce conseiller qui devrait assumer un seul mandat mais deux fonctions – je partage la distinction établie par M. Vuilque. Mais les plaisanteries sur ce Superman qui sera le matin au département et l'après-midi à la région reposent sur une grave erreur : on raisonne là comme si les choses continuaient comme avant, comme si le conseiller territorial allait se retrouver dans la situation d'aujourd'hui. Pas du tout ! On peut tout de même faire confiance aux personnes qui assumeront cette double responsabilité pour avoir l'intelligence de s'organiser, pour ne pas fixer de réunions le même jour au département et à la région, pour ne pas reprendre dans l'une des instances ce qui aura été traité dans l'autre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est la justification même du conseiller territorial : mettre de la complémentarité là où il y avait de la redondance, mettre de la cohérence là où il y avait de la concurrence.
Voilà ce que je voulais dire sur ces différentes questions, qui n'appellent pas exactement les mêmes réponses.
Nous avons eu deux ans de débats, entre 1998 et 2000, sur deux lois visant à limiter le cumul des mandats. Chaque fois, on entend la même chose : pour pouvoir avancer sur le cumul, il faut des étapes, il faut un débat général, il faut s'interroger sur les relations du pouvoir central et du pouvoir local. Non. On avance sur la limitation du cumul des mandats si on en a la volonté, or cette volonté n'a jamais été partagée dans cette assemblée par l'opposition de l'époque, devenue la majorité d'aujourd'hui.
Il y a bien quelques velléités individuelles – nous voterons d'ailleurs ces amendements pour montrer notre attachement à la limitation du cumul – mais une telle volonté n'existe pas.
Pour le reste, je voudrais d'abord évoquer la situation de Paris. Nous en avons parlé hier : il faut que le Gouvernement cesse de nous faire prendre les vessies pour des lanternes. La question de Paris n'a rien à voir avec celle du conseiller territorial.
À Paris, il y a une assemblée et une seule, qui a la compétence de deux assemblées. Ici, il s'agit d'une élection et une seule, visant à envoyer des élus dans deux assemblées. En aucun cas le texte ne supprime le conseil général et le conseil régional : ils demeurent l'un et l'autre des entités administratives et des collectivités. Mais, comme le dit M. Grand, l'une d'entre elles n'a plus d'élus directs.
C'est d'ailleurs l'un des risques auxquels je vous invite à réfléchir, après ce qu'a excellemment dit hier soir Jean-Pierre Balligand. Car on imagine bien comment les conseils régionaux vont se mettre en place : les présidents de chacun des conseils généraux des départements qui composent la région se rencontreront pour mettre en place l'exécutif de la région. Et, dans 80 % à 90 % des cas, les conseils régionaux ne seront plus des conseils régionaux, mais des fédérations de conseils généraux !
Par rapport à l'ambition majeure, réussie, du développement fondé sur la dynamique de la région, ce sera un recul phénoménal – non seulement un recul de nos institutions, mais aussi, par exemple, pour les questions d'équipement ou de recherche. Je pense aux clusters que l'on évoquait hier et qui ont marqué la réussite du développement régional.
Je voudrais également savoir, monsieur le ministre, si une étude d'impact a été réalisée. Je veux bien qu'on se renvoie des arguments sur les super-hommes ou les super-femmes, qu'on disserte sur le possible et l'impossible. Mais – on pourrait le faire d'ici à lundi – prenons trois ou quatre départements dans trois ou quatre régions, et regardons, en fonction du nombre de conseillers territoriaux programmés, combien il y a de lycées et combien il y a de collèges. On sait que le ministère de l'éducation nationale demande à tous les proviseurs et principaux d'organiser leurs conseils d'administration la même semaine : cela fait cinq jours ouvrables pour tous les collèges et tous les lycées – et cela même quand il n'y aura plus que des conseillers territoriaux ! Or le devoir des élus vis-à-vis de leurs électeurs est de participer au conseil d'administration de ces établissements.
En créant les conseillers territoriaux, je crois que nous les empêcherons d'y assister.
Enfin, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vais vous poser, presque pour rire, une question à laquelle vous allez peut-être pouvoir répondre. Ce n'est pas dans le texte, mais j'ai lu qu'on programmait une évolution du régime indemnitaire des conseillers territoriaux par rapport à celui des conseillers généraux et régionaux. Avez-vous prévu de qui dépendra la fixation de ce régime : des conseils généraux ou des conseils régionaux ? Ils ne perdent ni les uns ni les autres leur compétence pour cela.
Il dépendra de la loi, comme toujours.
Avez-vous prévu qui organisera la cotisation – certes modeste – à l'IRCANTEC ? Le conseil général, le conseil régional ?
Avez-vous prévu quelles assurances couvriraient quels élus à quel moment ?
Mes chers collègues, ce sont des questions très concrètes, mais auxquelles les collectivités territoriales sont confrontées en permanence. Toutes ces questions méritent réponse, et je crois que nous allons nous rendre compte, au fur et à mesure du débat, que la motion de renvoi en commission défendue par M. Derosier était tout à fait justifiée.
Ce qui me gêne dans cet amendement, dont je rappelle qu'il a été repoussé par la commission, c'est qu'il ne s'inscrit pas dans une réflexion globale sur la problématique des cumuls.
Je remarque d'abord qu'il ne s'appliquerait pas aux parlementaires, pour lesquelles une loi organique est nécessaire. C'est une première difficulté, que l'on pourrait certes surmonter, mais c'est un point important.
Je note ensuite que le cumul pose plusieurs problèmes différents les uns des autres – je sais que le parti socialiste se penche activement sur cette question. Il y a les mandats, mais il y aussi les fonctions, comme l'a dit M. Vuilque : ce n'est pas la même chose d'être aujourd'hui, par exemple, conseiller général et président du conseil général, comme ce n'est pas le même chose d'être président d'une grande communauté urbaine, maire d'une grande ville et sénateur – ce qui est très lourd – que d'être maire d'une commune moyenne et président d'une communauté d'agglomération plus modeste.
Ce débat me paraît légitime, mais il faut l'aborder dans sa globalité.
C'était d'ailleurs la position de la commission des lois, monsieur Grand. La commission ne s'est pas vraiment prononcée sur le fond de la question que vous posez, mais sachant qu'un texte allait venir sur le statut de l'élu et l'élection des conseillers communautaires, elle a estimé que ce moment serait plus opportun pour traiter la problématique du cumul plutôt que de l'aborder subrepticement à l'occasion de la création du conseiller territorial.
C'est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable. Il est vraiment nécessaire d'ouvrir un débat global qui aborde à la fois la problématique des mandats et celle des fonctions ; c'est dans ce cadre qu'il nous faudra prendre position.
Nos débats montrent la difficulté que nous avons à nous réformer, à intégrer l'innovation et la modernité dans la vie politique. En tant que gaulliste, je ne pense pas, cher Jean-Pierre Grand, que le gaullisme soit le conservatisme.
Nous sommes en train de franchir une étape importante de notre vie démocratique en créant le mandat de conseiller territorial. C'est un nouvel élu pour lequel nos concitoyens vont voter. Un seul et même élu, pour une seule et même élection, qui donnera un seul et même mandat, celui de représenter les électeurs dans deux assemblées, l'assemblée départementale et l'assemblée régionale.
Cette nouveauté donne une dimension particulière à ce nouvel élu. Il ne s'agit pas de l'addition d'un conseiller général et d'un conseiller régional. Il s'agit véritablement d'un conseiller territorial, élu d'un territoire plus grand, qui aura par son travail dans les deux assemblées une vision à la fois départementale et régionale des problèmes. C'est nécessaire pour sortir de la vision cantonale, réductrice, qui date d'après la Révolution et que l'on a parfois gardée dans les départements. Les élections, les campagnes électorales, les programmes, la vision du département et de la région ne seront plus du tout les mêmes, parce que ce seront les mêmes élus qui siégeront dans les deux assemblées et qui actionneront les leviers à tous les niveaux pour le plus grand bénéfice de leurs électeurs et de leurs territoires.
Quant à la charge de travail, si ces assemblées se répartissent les compétences comme elles doivent le faire, elle ne sera pas doublée, elle sera partagée. Certes, la distance sera à prendre en compte – j'habite un département de montagne, je ne la mésestime pas – mais si le travail s'organise bien et si le partage des compétences se fait dans l'esprit de la loi, alors nous aurons véritablement un nouvel élu, qui sera un conseiller territorial. Nous créons son mandat, il devra créer sa fonction et en démontrer toute la légitimité. En tout cas, j'y suis très favorable ; c'est sur cette base que nous devons penser et non sur l'addition des deux précédents mandats.
Cet amendement pose la question du cumul des mandats. Je ne le voterai pas, non que je sois favorable au cumul des mandats, ou que je n'aie pas mon brevet de gaulliste avec mention, mais simplement parce qu'il pose cette question de manière partielle. Aujourd'hui, l'équilibre du système est empreint de beaucoup d'hypocrisie. Un de nos collègues socialistes rappelait à juste titre qu'il y avait les mandats mais aussi les fonctions. Et en réalité, lorsque l'on regarde précisément les choses, on constate qu'être conseiller municipal d'une commune de plus de 3 500 habitants ou conseiller municipal d'opposition dans une grande ville est considéré comme un mandat plein, au même titre que député, sénateur ou futur conseiller territorial ! Si l'on veut mettre fin à cette hypocrisie, il faut effectivement prendre l'ensemble des mandats et fonctions en compte, et mettre en oeuvre un statut de l'élu qui permette d'adapter son indemnité de manière raisonnable au vu de l'ensemble de ses activités, et qui lui donne la possibilité de dégager du temps pour accomplir son mandat.
C'est une question importante, mais qui ne trouve pas sa place dans ce texte, où on ne pourrait pas lui donner une réponse précise et juste.
Je suis pour ma part favorable à l'interdiction du cumul, ou au moins à sa limitation à deux mandats. Pendant dix ans, j'ai été en même temps vice-président d'une région et vice-président d'un conseil général, et il est vrai que l'exercice n'est pas facile. Il correspond à une pratique qui ne donne pas suffisamment d'importance aux mandats territoriaux. La question est bien posée, mais elle mérite un débat et une loi mettant fin à toutes ces hypocrisies, notamment la non-prise en compte de la présidence des intercommunalités.
Ce qui vient d'être dit me paraît tout à fait sensé, mais vous auriez dû auparavant définir un cadre pour le cumul des mandats en général. Si vous souhaitiez faire une vraie réforme territoriale, avec toute l'ambition que vous affichez, vous auriez dû régler cette affaire au préalable. On ne peut pas avancer dans la modernisation de la vie publique française sans s'attaquer au cumul des mandats, et surtout des fonctions.Sébastien Huyghe l'a remarquablement démontré, c'est un vrai problème, sur lequel une hypocrisie sans nom prévaut.
À la suite deBernard Roman, je vous rappelle qu'entre 1998 et 2000, vous n'avez fait que jouer avec cette affaire. C'était un débat difficile, y compris chez nous. Je peux d'autant mieux en parler que je suis le seul jeune président de conseil général à avoir démissionné, au bout de trois ans, parce que j'étais parlementaire. Je considérais alors, et je considère toujours, qu'on ne peut pas être juge et partie lorsqu'on fait la loi. Être patron d'un grand exécutif territorial, président de conseil général ou de conseil régional, et en même temps parlementaire pose un vrai problème. Je le dis tout en respectant le choix d'autres collègues.
Cette affaire n'en a pas moins largement miné toutes les discussions, et c'est ainsi que l'on a laissé des présidents d'intercommunalités très importantes siéger dans d'autres enceintes en disant que cela ne comptait pas comme mandat.
Ce n'est pas ainsi que l'on fera reculer le décalage dont parlait tout à l'heure Jean-Pierre Grand. De moins en moins de citoyens votent aux élections locales et territoriales, et je n'ai pas besoin de vous dire que, dans ce pays, cela peut coûter très cher, parce que ce qui ne passe pas par la représentation et la médiation politique passera forcément par la rue.
Démissionnez de vos postes de conseiller général, de maire et de président d'intercommunalité !
Parce que vous n'avez pas été capables de mettre à plat, avant de démarrer l'examen de ce texte, la question du cumul des mandats et des fonctions, nous sommes bien obligés de constater qu'il subsiste une formidable ambiguïté sur les conseillers territoriaux dans le texte.
J'étais hier aux assises des petites villes avant de revenir siéger sur ces bancs. Un collègue comme Martin Malvy, en Midi-Pyrénées, va se retrouver avec une assemblée de 255 conseillers territoriaux, soit la moitié de cet hémicycle, pour faire de la programmation ! Vous rendez vous compte ? Pensez-vous qu'il soit responsable de la part de l'Assemblée de mettre en place ce type de dispositif ? Franchement, si vous laissez faire cela, si vous créez ces conseillers territoriaux sans limiter le cumul des mandats, ce sera catastrophique. Car toute la semaine, ils ne devront faire que cela : siéger au conseil général, siéger au conseil régional, siéger aux collèges, aux lycées ! On a beau dire qu'il faudra redéfinir la fonction, je suis désolé de rappeler que certaines responsabilités doivent être exercées en dehors des séances publiques, et des séances de commission. Un tel travail exige la professionnalisation totale de ces 255 élus, dans l'exemple de Midi-Pyrénées.
Ce que nous proposeJean-Pierre Grand n'est pas l'idéal, car il eût fallu concevoir une loi sur l'ensemble des cumuls, mais laisser passer ce texte en l'état ne serait pas faire oeuvre utile pour nos concitoyens.
Le statut de Paris a été évoqué hier après-midi et ce matin, et je souhaite rectifier un certain nombre d'inexactitudes. Le Conseil de Paris n'est pas une assemblée, ce sont deux assemblées distinctes, puisque les conseillers de Paris ne traitent pas de façon indifférenciée et indistincte les affaires de la commune et celles du département. Il y a des règles très précises : nous siégeons soit en formation de conseil général, soit en formation de conseil municipal,…
…avec deux exécutifs différents : d'un côté des vice-présidents, de l'autre des adjoints au maire ; avec deux budgets ; avec des compétences qui sont départementales pour le conseil général et municipales pour les affaires de la commune ; avec deux règlements intérieurs. L'unité de lieu n'a pas de conséquences juridiques : il s'agit bien de deux assemblées distinctes.
Nous sommes même amenés à siéger dans une troisième assemblée, qui est le conseil d'arrondissement.
Cette dimension a été voulue par Gaston Defferre, que vous ne renierez pas. En 1982, certains s'en souviennent peut-être, il souhaitait faire des arrondissements des communes de plein exercice. À l'époque, certains d'entre vous soutenaient ce projet. Nous n'en sommes pas arrivés là, mais il y a bien deux assemblées qui siègent distinctement, même si l'unité de lieu est respectée.
Enfin, pour ce qui concerne les questions indemnitaires, statutaires ou d'assurances, tout cela est fort bien réglé à Paris. Je m'en rapporte au dernier questeur du Conseil de Paris ici présent,M. Christophe Caresche, qui ne me démentira pas.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
(L'article 1er A est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 574 rectifié , portant article additionnel après l'article 1er A.
La parole est à M. le rapporteur.
Voici l'amendement que j'ai annoncé dans mon commentaire sur les modalités d'accès au second tour de l'élection des conseillers territoriaux. J'ai fait cette suggestion permettant d'harmoniser le mode d'élection du conseiller territorial avec celui des députés. Elle me semble apporter une solution équilibrée à la recherche d'une bonne légitimité de l'élu issu d'une circonscription, quelle qu'en soit la dimension.
En fixant à 12,5 % des inscrits le seuil qui permet à un candidat de se maintenir au second tour, la probabilité est forte que la personne élue obtienne finalement plus de 50 % des suffrages exprimés.
Par ailleurs, ce seuil s'inscrit dans la tradition de notre droit électoral, puisqu'il a été retenu depuis bien longtemps pour toutes les élections uninominales à deux tours.
Je pense qu'il s'agit d'une proposition raisonnable, que la commission a bien voulu adopter.
Favorable.
Hier, j'ai interrogé le Gouvernement à ce sujet ; il ne m'a pas répondu, prétextant qu'il s'agissait d'une proposition du rapporteur. Je suis donc heureux de connaître la position du ministre.
Cet amendement vise finalement à interdire à certains candidats du premier tour d'être démocratiquement candidats au second. Il les oblige en effet à recueillir au premier tour 12,5 % des suffrages des inscrits, soit le seuil prévu pour les élections législatives, au lieu des 10 % actuels. Or toutes les statistiques démontrent que la participation aux élections législatives est supérieure à celle constatée aux élections locales, qu'elles soient cantonales ou régionales. Cet amendement remet donc en question les règles démocratiques relatives au deuxième tour.
Cette raison est suffisante pour que nous demandions à l'Assemblée de ne pas suivre le rapporteur. En votant pour cet amendement, la majorité afficherait, même si c'est de façon indirecte, qu'elle souhaite ne voir s'affronter au second tour que les deux candidats arrivés en tête au premier.
(L'amendement n° 574 rectifié est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 238 rectifié .
La parole est à M. Marc Dolez.
Cet amendement important vise à instaurer la représentation proportionnelle, seule à même de garantir l'expression du pluralisme dans notre pays ; à donner enfin le droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne ; à garantir la parité pour les élections des conseillers généraux et régionaux, conformément à la Constitution.
(L'amendement n° 238 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 564 .
La parole est à M. Alain Cacheux.
Cet amendement vise à accroître la lisibilité de la démocratie locale, voulue par les promoteurs du projet de loi. Il prend aussi en compte la montée en puissance de l'intercommunalité, dont il parachève la généralisation.
Très accessoirement, il permet de limiter les possibilités de « saucissonnage » des futures circonscriptions électorales, exercice dans lequel s'est illustré M. Marleix lors du redécoupage des circonscriptions pour les élections législatives.
Nous proposons que les conseillers départementaux soient « élus au suffrage universel direct dans une circonscription qui respecte le périmètre des communautés urbaines, d'agglomération et d'une ou plusieurs communautés de communes ».
La commission a rejeté cet amendement.
Je comprends la préoccupation de notre collègue, mais sa proposition me paraît irréaliste et irréalisable. D'abord, le périmètre des intercommunalités évolue beaucoup, et il continuera à le faire. Ensuite, quelle que soit l'autorité qui procéderait au découpage envisagé, elle serait soumise à des contraintes si fortes qu'elles rendraient l'exercice quasiment impossible.
Même si je comprends le souhait des auteurs de l'amendement, je constate qu'ils veulent imposer des contraintes trop fortes. Je rappelle qu'il faut aussi tenir compte d'autres principes, comme ceux liés à la démographie.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit déjà, dans des dispositions que nous examinerons ultérieurement, de rationaliser le périmètre des intercommunalités d'ici à 2014. Il n'est donc pas possible, sur le même sujet, d'adopter deux règles contradictoires.
En conséquence, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Je ne partage pas les préventions du rapporteur et du ministre, même si les dispositions prévues par cet amendement sont un peu difficiles à mettre en oeuvre.
Le Gouvernement n'a pas été assez audacieux dans sa réforme. Elle lui donnait l'occasion de remettre en cause la répartition actuelle des cantons, qui est largement obsolète. L'écart entre les cantons urbains et les cantons ruraux en termes de représentativité peut être considérable : il est de 1 à 15 dans mon département et il peut aller au-delà dans certains cas. Cela pose un vrai problème de légitimité démocratique, chacun le reconnaît.
L'opposition veut aller au bout de la démarche qui est la sienne : elle demande que les représentants des communes dans les organes des communautés de communes soient élus au suffrage universel. Même si vous ne partagez pas ce point de vue, vous aviez l'occasion, à partir de cette réforme qui vise, entre autres, à terminer de tracer la carte de l'intercommunalité – intention louable que j'approuve –, d'établir un lien direct entre les conseillers territoriaux et l'intercommunalité.
La tâche n'était pas facile, mais ce choix aurait permis de moderniser la carte électorale et de régler les problèmes liés au découpage des cantons.
(L'amendement n° 564 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 172 .
La parole est à M. Jean-René Marsac.
Dans le souci de simplifier les dispositions législatives relatives aux élections municipales, et de garantir que la parité sera respectée dans toutes les communes, cet amendement propose d'adopter un mode de scrutin unique pour toutes les communes, y compris celles ayant moins de 500 habitants. Dans celles-ci la possibilité de déposer des listes incomplètes serait toutefois maintenue.
Cet amendement va un peu vite en besogne. Il a été rejeté par la commission.
L'idée d'abaisser le seuil concerné de 3 500 à 500 habitants fait son chemin, avec le maintien, sous le seuil, du système actuel, sans référence au scrutin de liste et avec possibilité de panachage. Cette solution me semble la plus raisonnable. Je crois qu'elle a fait l'objet d'un consensus au sein de l'AMF, et je ne pense pas qu'il faille aller au-delà.
Je partage l'avis du rapporteur.
Monsieur Marsac, il est déjà très difficile de trouver des candidats dans les petites communes. Abaisser le seuil prévu pour l'application du scrutin de liste poserait inévitablement de nouveaux problèmes.
Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi nous déciderions d'interdire une candidature isolée dans une commune de moins de 500 habitants.
Je suis opposé à cet amendement.
Monsieur Hunault, notre amendement permet de déposer des listes incomplètes ; toutes les possibilités sont donc ouvertes.
Il aurait l'avantage d'instaurer un mode de scrutin unique pour toutes les communes.
Je signale que, contrairement à ce qui est souvent répété, les habitants des petites communes ne se connaissent pas toujours. Par ailleurs, les électeurs, aujourd'hui de plus en plus mobiles, voient trop souvent les règles électorales changer pour le même type d'élection en déménageant d'une commune à l'autre.
(L'amendement n° 172 n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 237 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 130 .
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement vise à compléter l'article L. 337 du code électoral en introduisant la phrase suivante : « La composition des conseils régionaux respecte les principes de la parité. »
Depuis deux jours, même si nous n'avons pas tous la même analyse, la question de la parité a été évoquée sur tous les bancs. Le constat de l'Observatoire de la parité me paraît incontournable : l'application du scrutin uninominal ferait reculer la parité dans les conseils régionaux.
Élisabeth Guigou l'a rappelé : aujourd'hui, 48 % des élus régionaux sont des femmes ; elles seraient 20 % avec l'application de la réforme. Nous ne pouvons pas l'accepter.
En 2014, si ce projet de loi est adopté, on comptera 3 471 élus territoriaux dont 2 776 seront des hommes. En faisant progresser le pourcentage d'élues femmes de 10 % par élection, il faudrait alors soixante ans pour parvenir à la parité avec 1 800 femmes élues ! Je crains qu'en 2074, beaucoup d'entre nous ne soient plus là pour voir advenir ce jour !
Le sérieux et la raison nous amènent à défendre les dispositions relatives à la parité actuellement en vigueur : elles sont synonymes de progrès.
Avis défavorable : l'amendement n'a pas de caractère normatif.
Vous avez compris que ce sujet est pour nous absolument essentiel.
Depuis la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999, l'exigence de parité est inscrite dans la Constitution, dont l'article 3 – désormais l'article 1er – dispose : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. »
Aujourd'hui, comme vient de le démontrer, chiffres à l'appui, Marietta Karamanli, en créant le conseiller territorial et en adoptant le mode de scrutin uninominal à deux tours, nous ferions régresser la parité.
Vous vous apprêtez à introduire dans la loi des dispositions contraires à un principe constitutionnel. C'est pourtant votre majorité qui a « rehaussé » la parité dans la Constitution en faisant passer l'énoncé du principe de l'article 3 à l'article 1er. Je rappelle également que, depuis juillet 1999, l'article 4 de la Constitution prévoit que les partis et les groupements politiques contribuent à la mise en oeuvre du principe de parité. Les partis ont donc une obligation en la matière. Or, nous le savons tous, le scrutin majoritaire, qu'il soit à un ou deux tours, rend très difficile l'application de ce principe.
C'est la raison pour laquelle, pour les scrutins majoritaires, les législatives par exemple, nous demandons, comme le Premier ministre d'ailleurs, que les pénalités financières soient dissuasives. C'était l'objet de la proposition de loi de M. Le Roux, qui est toujours sur la table.
Nous demandons donc soit le maintien du mode de scrutin actuel pour les conseils régionaux, c'est-à-dire un scrutin proportionnel pour les assemblées locales, de façon à permettre le strict respect de la parité, soit, si vous tenez à votre scrutin à deux tours que nous désapprouvons totalement, des garanties quant aux pénalités, même si nous savons que c'est difficile pour les assemblées départementales, pour les scrutins locaux, parce qu'il n'y a pas de financement public.
L'élection du conseiller territorial au scrutin uninominal à deux tours fait que, mécaniquement, la parité régressera : au lieu d'être aux alentours de 50 %, dans les futures assemblées les femmes seront 17 % selon les projections de l'Observatoire de la parité.
Nous vous demandons à nouveau de renoncer à la funeste réforme qui consiste à créer le conseiller territorial et à faire mécaniquement régresser la parité, à tout le moins de nous donner des assurances que vous ferez progresser la parité autrement qu'en offrant aux femmes des postes de remplaçantes des conseillers généraux.
Vous nous avez dit, madame Martinez, que vous alliez faire inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée la proposition de loi de Mme Brunel. Mme Brunel en parle en effet mais je constate qu'elle n'est toujours pas inscrite sur le site de l'Assemblée, que personne dans votre groupe n'en a vraiment pris la responsabilité. C'est un leurre, une illusion.
Pour résumer, nous vous demandons à nouveau, pour ne pas contrevenir au principe constitutionnel de parité, un, de renoncer aux conseillers territoriaux, deux, si vous ne renoncez pas aux conseillers territoriaux, de prévoir un système – je ne vois pas lequel en dehors de la proportionnelle – qui garantisse vraiment la parité. Faute de quoi, nous considérerons, et c'est ce que nous plaiderons devant le Conseil constitutionnel, que votre loi est inconstitutionnelle, sans parler bien évidemment des interpellations politiques que nous ferons devant le pays sur cet important sujet.
Depuis de nombreuses années, nous avançons à pas feutrés sur ce sujet de la parité, mais des évolutions un peu plus importantes sont parfois obtenues et quelques assemblées ont pratiquement atteint la parité, c'est le cas des conseils régionaux, pour des mandats importants.
Avec votre funeste réforme des conseillers territoriaux, vous vous emmêlez les pinceaux, vous vous prenez les pieds dans le tapis, en essayant de nous faire croire qu'il n'y aurait pas d'atteinte à la parité. Pourtant, les acquis de ces dernières années vont être perdus et c'est une régression brutale que nous allons connaître, passant de presque 50 % de femmes élues à certainement moins de 20 %.
Mme Guigou vous demande des garanties, en ajoutant qu'elle ne voit pas lesquelles. En effet, à moins de sortir un truc extraordinaire du chapeau, je ne vois pas comment vous pourrez, en dehors de la proportionnelle, maintenir la parité dans les conseils régionaux. C'est une parfaite hypocrisie et même, plus grave, une vraie régression. Nous allons perdre des années d'acquis pour les femmes, qui vont être exclues dans des proportions très importantes – les deux tiers vont quitter les conseils régionaux. Je ne vois pas comment vous pourrez justifier votre position aux yeux du pays.
(L'amendement n° 130 n'est pas adopté.)
Le présent amendement vise à garantir une représentation minimale des territoires de montagne au sein de départements qui ont souvent une faible densité démographique et un territoire de grande superficie entraînant d'importants surcoûts au regard de l'aménagement du territoire.
Je ne reviens pas sur le nombre de conseillers municipaux selon le nombre d'habitants des communes, mais sur le nombre minimal de conseillers territoriaux, que je souhaite voir porter à vingt pour répondre plus efficacement aux impératifs de bonne administration du département.
Il est crucial que les territoires ruraux et de montagne continuent de pouvoir s'appuyer sur des élus en nombre suffisant, véritables relais de proximité entre le département et le canton et liens entre les niveaux départemental et régional, afin de traduire les besoins et les attentes des citoyens.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement n° 419 .
D'emblée, je voudrais préciser que je n'ai rien contre le territoire de Belfort. Si je l'ai exclu de l'amendement, c'est tout simplement pour permettre à celui-ci d'être examiné en séance, contrairement à ce qui s'est passé en commission où il a été victime de l'article 40 – ce département n'ayant que quinze élus, il a été considéré, abusivement à mon sens, que notre proposition pouvait créer une dépense pour ce département.
Je l'ai dit dans la discussion générale, je suis favorable au conseiller territorial, mais si je pense qu'il peut siéger dans deux assemblées, je considère que le nombre de quinze est insuffisant. Puis-je vous faire remarquer, à titre de comparaison et sans malice, que la loi prévoit dix-neuf élus municipaux pour administrer une commune de plus de 1 500 habitants, voire vingt-trois si la commune en compte plus de 2 500 ?
Neuf départements seraient concernés par le relèvement du seuil de quinze à vingt. Je me félicite à cette occasion que le Gouvernement, aidé en cela par les rapporteurs, ait pu évoluer par rapport à sa position initiale et admettre le principe de ce seuil minimal. Je voudrais aussi faire remarquer que, s'agissant de relever un seuil qui est dérogatoire, la disposition que je propose serait sans effet sur le nombre des conseillers territoriaux des autres départements de la même région.
L'adoption de cet amendement se traduirait par une augmentation d'un nombre que je qualifierai de minime, de trente-quatre élus, qui viendraient s'ajouter aux 3 471 prévus. Vous conviendrez que cette proposition n'est pas inflationniste. J'insiste pour qu'un geste soit fait en faveur de ces neuf départements ruraux ou de montagne, considérant que cette proposition est tout à fait raisonnable.
La parole est à M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour soutenir l'amendement n° 290 .
Je propose de laisser mon collègue Jean-Pierre Marcon s'exprimer, en tant que cosignataire de l'amendement.
L'amendement n° 290 , qui est presque identique à l'amendement suivant, l'amendement n° 286 , vise à apporter une représentation suffisante des conseillers territoriaux dans les nouvelles assemblées régionales et départementales.
En réalité, ce n'est pas tant le nombre des conseillers territoriaux siégeant à la région qui est important pour ces petits territoires, c'est surtout le fait qu'il faut qu'il reste quand même un minimum de conseillers territoriaux aux départements parce qu'ils auront fort à faire pour assurer toute la représentation à laquelle ils sont habitués depuis très longtemps.
J'avais présenté en commission du développement durable un amendement souhaitant que le nombre minimum soit porté à vingt, considérant, au vu des prévisions qui nous avaient été fournies, que le nombre de conseillers territoriaux dans chaque département aurait été bien inférieur au chiffre de quinze, voire de dix, ce qui était inacceptable. Après discussion, nous avons ramené en commission le chiffre à quinze. C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 286 , que je défends en même temps que le n° 290, s'était rangé à la proposition de la commission de quinze. Bien évidemment, s'il fallait le remonter à vingt, nous serions d'accord, mais, pour l'heure, l'amendement me semble satisfait par le Gouvernement qui a proposé, dans le cadre de la liste, que le nombre soit ramené à quinze.
Tout à fait.
Très bien.
Cela dit, je reste favorable à la proposition que j'avais faite en commission de demander vingt conseillers, pour permettre aux départements d'effectuer leurs missions traditionnelles.
Je ne suis pas certain, monsieur Marcon, que vous puissiez retirer l'amendement n° 290 car celui-ci est présenté par M. Bignon au nom de la commission du développement durable.
Quel est l'avis de la commission ?
la commission a repoussé ces amendements à la suite d'un travail approfondi qui a abouti à considérer que la proposition du Gouvernement sur le tableau était satisfaisante. Celle-ci respecte en effet le minimum de quinze élus par département, mais d'une manière exceptionnelle. L'application d'un principe d'exception qui concerne quatre départements pourra être considérée comme telle lorsque le Conseil constitutionnel examinera très probablement le ou les recours qui lui seront présentés, sachant que, en dehors de ces quatre départements, qui à titre exceptionnel ont été amenés à quinze, la proposition qui vous est faite enserre dans un tunnel, entre 80 et 120 conseillers, l'ensemble des représentations.
Même si notre collègue Descoeur dit que sa demande resterait exceptionnelle et ne ferait pas monter la représentation des autres départements, il n'empêche qu'elle aurait un effet sur le tunnel. Si on allait jusqu'à vingt, cela ferait remonter à vingt des départements qui ont parfois 100 000 habitants de moins que d'autres qui, dans la même région, sont à vingt, avec une répartition en dehors de tout système d'exception. Il y aurait inéluctablement un effet de remontée du nombre très sensible.
Le système à quinze, qui présente en outre l'avantage de se fonder sur l'expérience du territoire de Belfort, est raisonnable. Il permet de n'avoir que quatre exceptions et pas neuf, ce qui serait le cas si on passait à vingt conseillers. C'est à mon avis plus facilement acceptable par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, le fait que la commission ait obtenu que le tableau lui soit présenté et qu'il soit voté de manière classique par le Parlement est une garantie pour l'ensemble des départements.
C'est pour ces raisons que la commission des lois a repoussé ces amendements.
Je crois que les amendements nos 286 et 290 sont satisfaits, comme l'a dit M. Marcon, par les propositions du tableau des effectifs de conseillers territoriaux par département.
Quant aux autres amendements qui visent à porter le nombre minimum de conseillers territoriaux de quinze à vingt, notamment pour les départements de montagne, je rappelle que la répartition et le nombre de sièges par département dans le cadre d'une région doivent se faire sur des bases essentiellement démographiques. M. Marleix avait pris un engagement clair au congrès de l'ANEM l'année dernière, celui de faire des exceptions pour les départements les plus ruraux de telle façon qu'aucun département ne compte moins de quinze conseillers territoriaux. Cette exception, comme son nom l'indique, est une exception à la règle démographique et au tunnel plus vingt, moins vingt dans lequel doit s'inscrire chaque circonscription électorale. Aller au-delà nous ferait prendre un risque fort d'inconstitutionnalité. Pour ce motif, je donne un avis défavorable à ces amendements.
Le débat qui vient d'avoir lieu au sein de la majorité illustre bien le fait que vous vous trouvez dans une impasse s'agissant du conseiller territorial. Chacun a conscience qu'avec quinze conseillers territoriaux on n'assurera pas la couverture d'un département, de montagne ou autre, comme c'est le cas aujourd'hui, avec un nombre bien plus élevé de conseillers généraux. Un certain nombre d'entre vous s'en sont rendu compte.
Mais à l'inverse, avec ce seuil on aggravera la « saturation » en conseillers régionaux. En Rhône-Alpes par exemple, ce sont 296 élus qui siègeront dans le même hémicycle, soit plus de la moitié du nombre de députés à l'Assemblée nationale. Ce sera une assemblée pléthorique. Cela va à contresens de tout ce qui se fait dans les autres pays européens. Ainsi, la Catalogne, région partenaire de la nôtre, gère un budget vingt fois supérieur à celui de la région Rhône-Alpes avec 110 à 115 députés.
Sous-représentation des élus de proximité d'une part, assemblées régionales pléthoriques et ingouvernables de l'autre : vous êtes dans une impasse. Vous allez organiser la panne des collectivités territoriales avec ce système hybride qui, en outre, contredit le présupposé de départ du Président de la République, à savoir qu'il y a trop d'élus locaux et qu'il faut donc fusionner les collectivités. Il est vrai que c'est la vision de quelqu'un qui a été maire de Neuilly et président du conseil général des Hauts-de-Seine, ce qui n'est pas vraiment représentatif de la réalité française. En fin de compte, cette nouvelle organisation territoriale ingérable va faire perdre dix ou quinze ans à la France.
Lors du congrès de l'ANEM à Largentière-La Bessée, M. Marleix avait annoncé un seuil de quinze conseillers territoriaux. Je le remercie de s'y être tenu. Mais ni le secrétaire d'état ni le rapporteur, avec lequel nous avons longuement dialogué, ne m'en voudront si je plaide ici pour qu'on relève un peu ce seuil.
Le département des Hautes-Alpes est l'un des quatre départements qui mérite qu'on fasse une exception pour lui. Actuellement, il compte trente conseillers généraux. Même si je suis tout à fait convaincue que le mandat de conseiller territorial n'est pas l'addition de deux mandats, mais bien un nouveau mandat, dans un département de montagne comme le mien où la densité est de 22 habitants au kilomètre carré, il se pose un problème. Pas de proximité, je n'aime pas ce terme : la proximité ne tient pas à la division d'une surface par un nombre d'habitants, mais à la personnalité de l'élu, à la façon dont il fait son travail et sait répondre aux attentes. La proximité, ce n'est pas boire son café tous les matins dans tous les bars du canton,…
…c'est être là quand les habitants ont besoin de vous et lors des réunions importantes. Je ne souscris donc pas à cette notion vague.
En revanche, je suis attentive à l'égalité des conditions de travail. Et entre les quinze conseillers territoriaux des Hautes-Alpes et ceux d'Aix ou de Marseille, elle ne sera pas assurée. Puisque nous nous inscrivons de toute façon dans une situation dérogatoire sur le plan constitutionnel, qu'il y ait un seuil de quinze ou de vingt conseillers territoriaux, il faudra le défendre. Bien entendu, je ne voudrais pas que cette demande conduise à perdre tout ce que nous avons gagné grâce à votre bienveillante attention, et le principe de sagesse s'impose.
Néanmoins, cette discussion n'a rien de vain, ce n'est pas un marchandage. Il est vraiment nécessaire de tenir compte de la situation des départements de montagne. Un tiers du territoire des Hautes-Alpes est à plus de 2000 mètres d'altitude ; le conseiller général du canton de La Grave se trouve à plus de 300 kilomètres de Marseille.
Les conditions de travail ne sont donc pas les mêmes dans ce cas. Il faut faciliter les conditions d'exercice de ce nouveau mandat. Si l'on pouvait accorder une représentation plus importante aux départements de montagne, j'en serais très satisfaite. Mais j'apprécie déjà l'effort qui a été fait et je vous en remercie. Excusez-moi si j'en demande un peu plus aujourd'hui.
Je souscris aux propos de Mme Martinez sur ce point. Les amendements à géométrie variable qu'il suscite montrent, monsieur le secrétaire d'état, le malaise de la majorité.
En commission, vous nous avez imposé une discussion abstraite sur un seuil de quinze élus. Pourquoi pas treize, quatorze, seize ou dix-sept ? M. Perben a parlé d'un « tunnel » – une fourchette d'une vingtaine de sièges. Mais on discute d'un nombre sans avoir eu auparavant la moindre discussion sur les critères pertinents de représentation territoriale. C'est incroyable.
Pour notre part, nous doutons de la pertinence du seuil que vous imposez. M. Perben a raison d'être très prudent sur le sujet. C'est très justement qu'il dit que le seuil de quinze conseillers rend le système plus acceptable par le Conseil constitutionnel. Mais c'est dire aussi que vous n'êtes pas si sûr de vous sur le sujet, monsieur le ministre.
Chacun doit être très attentif aux conséquences du vote qui va intervenir. Je pense, chers collègues, que vous me saurez gré, ainsi qu'au président Warsmann, d'avoir exprimé votre souhait de maîtriser la définition du nombre de conseillers territoriaux dans l'ensemble de nos départements, en particulier pour préserver une représentation équitable des espaces ruraux et de montagne. C'est pourquoi j'avais souhaité que l'on n'accepte pas le recours aux ordonnances. Nous avons donc réfléchi aux propositions faites par le Gouvernement sur le tableau de répartition des conseillers territoriaux. Je crois pouvoir dire que celui auquel nous sommes parvenus est tout à fait équitable. Il préserve dans les meilleures conditions possibles, compte tenu des règles constitutionnelles que nous devons respecter, la représentation des départements ruraux. J'appelle votre attention sur le fait que passer d'un minimum de quinze à un minimum de vingt élus peut vraiment remettre en cause l'équilibre global de ce tableau. Au-delà de cela, nous risquons d'avoir des difficultés importantes. C'est ma responsabilité de rapporteur de le rappeler. Soyons donc bien attentifs aux conséquences du vote auquel nous allons procéder.
J'aurais volontiers laissé la parole à Vincent Descoeur, futur président de l'association nationale des élus de la montagne. Mais ayant l'honneur d'occuper cette présidence et d'être également le président en exercice du conseil national de la montagne, je voudrais faire l'historique des événements depuis six mois, qui ont conduit non pas à un malaise, mais à un équilibre, avec la participation d'autant de députés et de sénateurs de l'opposition que de la majorité.
Il y a six mois, lorsque nous avons commencé à parler de la représentativité et du nombre des conseillers territoriaux, tous les parlementaires élus de la montagne, de l'opposition comme de la majorité, ont interpellé le Gouvernement. Il nous a reçus et écoutés, et il a reconnu qu'il fallait être vigilant sur une représentation minimale des départements au sein des futurs conseils régionaux. D'une seule voix, ces élus de l'opposition et de la majorité ont sollicité le Gouvernement, dans le cadre de la préparation de l'assemblée générale de l'ANEM à Largentière-La Bessée, pour obtenir un seuil minimum de conseillers territoriaux. Les deux ministres présents aujourd'hui étaient attendus avec impatience. Tous deux, M. Marleix et M. Mercier, sont venus confirmer devant le congrès qu'il y aurait bien un seuil minimum et que ce seuil serait porté à quinze. Ayons l'honnêteté de dire que l'ensemble des élus de la montagne, majorité et opposition, ont applaudi le Gouvernement, qui répondait à leur attente.
Il n'y a donc pas de malaise aujourd'hui. Il s'agit d'un ajustement. Nous nous sommes livrés à un exercice difficile, avec le rapporteur et le président de la commission des lois, pour maintenir l'équilibre entre l'objectif que représentait ce seuil minimum et le souci constant des élus de la montagne de respecter la Constitution. Puisque nous aurons des navettes et puisqu'il s'agit d'un ajustement, ne serait-il pas judicieux de voir pendant cette période s'il est encore possible d'améliorer la représentation de quelques départements, parmi les moins peuplés de France ? Compte tenu de ce que nous avons déjà obtenu, du consensus au congrès de l'ANEM de l'automne dernier et de l'enjeu constitutionnel, je souligne, notamment auprès des élus de montagne, le risque de tout perdre que nous prendrions en voulant obtenir un peu plus. La sagesse serait, avec peut-être un engagement du Gouvernement d'examiner la question, que l'on profite de la navette pour examiner s'il serait possible, sans grand risque,…
Je suis saisi d'un amendement n° 290 .
La parole est à M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis.
Je donne la parole à Mme Françoise Briand, premier orateur inscrit sur l'article.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, la réforme des collectivités territoriales dont nous débattons est un enjeu majeur pour l'avenir de notre pays. La création du conseiller territorial sera une avancée considérable dans l'évolution de notre organisation administrative territoriale, que je soutiens activement.
Il ne faut pas craindre, chers collègues, de réformer, de bousculer nos habitudes. Il ne s'agit pas, comme j'ai pu l'entendre, de complexifier, de supprimer, de faire disparaître les uns ou les autres, voire une assemblée. Il s'agit au contraire de faire évoluer notre système, de le rendre plus lisible, plus efficace et moins coûteux.
Une plus grande intégration des assemblées départementales et régionales, qui étaient devenues trop souvent concurrentes, va favoriser l'harmonisation des politiques mises en oeuvre et faire émerger une solidarité territoriale plus forte entre les départements et les régions.
La création du conseiller territorial va permettre de recentrer l'action des départements et des régions autour d'élus moins nombreux et qui seront plus identifiables par les électeurs car ils seront élus au scrutin uninominal à deux tours.
Comme vous avez pu vous en rendre compte, monsieur le rapporteur Dominique Perben, au cours de vos nombreux déplacements et lors de votre venue dans ma circonscription en Essonne en avril dernier, la très grande majorité des Français comme des élus locaux sont favorables à la création de ce nouvel élu qui devra être le représentant d'un territoire, l'interlocuteur unique qui fera avancer les dossiers au département et à la région et qui, par conséquent, permettra une plus grande efficacité à un moindre coût.
Certes, cela implique de réels renoncements et un certain courage politique, mais il s'agit de renforcer aussi la légitimité de nos élus et de leur redonner de la crédibilité vis-à-vis de nos concitoyens.
Enfin, la création de ces conseillers territoriaux, qui seront des élus titulaires d'un mandat mais rempliront deux missions, devra nous conduire, mes chers collègues, à mener une réflexion approfondie sur le statut de l'élu, sans omettre un statut d'élu de l'opposition. Cela sera, je pense, notre devoir à tous dans cet hémicycle.
Depuis 1982, la mise en oeuvre de la décentralisation a conduit, hélas ! à quelques excès et à un empilement des compétences devenu inextricable.
Oui, il faut simplifier, oui, il faut clarifier, mais il ne faut pas remettre en cause tout ce que la décentralisation a apporté de positif dans notre pays en matière d'initiative locale et de développement de nos territoires.
Messieurs les ministres, c'est parce que le projet de loi est attaché à cet équilibre, qui est la vraie richesse de la France, que je le voterai avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
…que nous considérons comme une erreur fondamentale, voire une faute majeure, pour les raisons que je vais maintenant détailler.
D'abord, la mise en place du conseiller territorial fera incontestablement reculer la parité et la diversité.
Je ne reviens pas sur ce que nous avons expliqué tout à l'heure avec Marietta Karamanli et beaucoup d'autres collègues. Le problème majeur, la faute même, de ce conseiller territorial, c'est d'être contraire à la Constitution car il fera reculer la parité et représentera un obstacle à la progression de la diversité.
Avec le conseiller territorial, vous allez affaiblir les régions en diluant l'esprit régional. Comment voulez-vous que ces conseillers, élus à l'échelle de grands cantons, se préoccupent d'aménagement du territoire, de recherche, de développement, de formation professionnelle ? Inévitablement, ils seront conduits à privilégier, comme c'est normal d'ailleurs, et il n'y aurait pas de raison de le leur reprocher, des préoccupations davantage liées à leur propre territoire qu'à l'intérêt régional. Alain Rousset a expliqué cela de façon lumineuse dans la discussion générale.
En plus d'affaiblir les régions, vous allez aussi affaiblir les départements. En éloignant, via le conseiller territorial, les représentants des départements de leur base, vous allez nuire à l'application des politiques de proximité. Par exemple, qu'y a-t-il de commun entre la gestion du RMI, du RSA ou de l'APA entre les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis ? Rien ! Ce ne sont ni les mêmes populations ni les mêmes critères. Cet éloignement du conseiller de sa base, différente selon les territoires, contribuera donc aussi à l'affaiblissement des départements.
En lui donnant ces deux mandats – car il s'agit bien de deux mandats différents –,…
…dont aucun ne sera rempli convenablement, vous allez obliger ce nouvel élu à se démultiplier et à devenir un vrai professionnel à plein-temps de la politique,...
…alors que la modernité nous oblige à concevoir les mandats électifs comme des compléments d'autres activités.
Ce super-élu, même s'il arrive à remplir ces deux fonctions, ne pourra pas se démultiplier dans les conseils d'administration qu'Alain Rousset avait énumérés : collèges, lycées, associations diverses. Vous le mettez dans une situation absolument impossible ! D'autant que, comme vous avez rejeté l'amendement de M. Grand tendant à considérer que cet élu détient deux mandats plutôt qu'un seul, il pourra de plus cumuler avec un mandat municipal, voire parlementaire. Nous sommes dans l'absurdité la plus totale.
En réalité, vous organisez la confusion des fonctions et vous institutionnalisez le cumul des mandats au moment où, pour retisser le lien avec les électeurs, la sagesse commanderait au contraire d'aller vers la limitation du cumul des mandats.
Cette création sera en outre très coûteuse. D'abord, ce super-élu qui exercera deux mandats différents, il faudra l'indemniser correctement puisqu'il n'aura plus le loisir de faire quoi que ce soit d'autre. De surcroît, il faudra reconstruire des hémicycles régionaux. Ainsi, en Auvergne, les conseillers territoriaux seront trois fois plus nombreux que les conseillers régionaux : de quarante-sept, les conseillers passeront à cent quarante-quatre.
En Champagne-Ardenne, ils seront multipliés par plus de deux et demi, et le phénomène sera identique en Midi-Pyrénées. En fait, très rares sont les régions où l'on n'aura pas à augmenter le nombre de sièges dans les hémicycles. En d'autres termes, il va falloir reconfigurer l'immobilier, voire construire de nouveaux hémicycles.
Expliquez-nous comment, avec tout cela, vous allez réaliser des économies.
Au total, c'est une erreur que cette création et même une faute parce que, contrairement à ce que vous avez prétendu, elle sera coûteuse au lieu de faire faire des économies, elle accroîtra la complexité au lieu de simplifier, et augmentera la confusion au lieu de clarifier. Elle montre l'absurdité de votre pseudo-réforme. C'est la raison pour laquelle je redis ici que, si nous gagnons en 2012, en revenant aux responsabilités, nous supprimerons les conseillers territoriaux, si toutefois le Conseil constitutionnel n'a pas annulé votre loi, avant même qu'ils n'entrent en fonction en 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous verrons cela le moment venu. Pour l'instant, nous sommes dans le débat. Du reste, il y a l'amendement n° 90 avant celui-là.
Nous sommes dans le débat, effectivement, sur les amendements que je viens d'appeler, qui sont identiques. Ma question n'était pas si stupide.
La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir l'amendement n° 119 .
Mme Guigou vient de développer suffisamment d'arguments pour que notre assemblée, en particulier nos collègues de la majorité, qui jusqu'à présent font une confiance aveugle au Gouvernement, soient convaincus de tous les inconvénients que présenterait la création du conseiller territorial.
Depuis que nous avons entamé cette partie du projet de loi, nous avons été plusieurs à demander au Gouvernement de nous apporter la démonstration de la possibilité d'exercer cette fonction nouvelle au regard de ce que la loi a prévu en termes de représentation des deux collectivités. Messieurs les ministres, puisque vous avez les moyens de l'État à votre disposition, vous pouvez certainement nous fournir une liste exhaustive de toutes ces fonctions représentatives. Ainsi, nous pourrions avoir une vision réelle des conséquences de ce conseiller unique sur la représentation de la région ou du département dans tous les organismes où la loi a prévu que ces deux collectivités sont représentées. Cela n'apparaît pas dans votre étude d'impact.
Or il y aura des conséquences réelles. Compte tenu de l'impossibilité physique pour un conseiller territorial de représenter à la fois le département et la région, comment le Gouvernement voit-il l'application de ces différentes lois qui prévoient la représentation des collectivités territoriales ?
M. Charasse et les auteurs du présent amendement rejettent le principe du conseiller territorial pour les raisons déjà expliquées, d'où la proposition de suppression de l'article 1er.
Avis défavorable également.
Je voudrais répondre au président Derosier. Je suis moi-même actuellement conseiller général et conseiller régional,…
Un conseiller territorial, en somme.
…peut-être futur conseiller territorial. Je cumule effectivement deux mandats, comme j'en ai le droit, et depuis récemment. Je rappelle que mon département, le Cantal, est arrivé le premier, à la majorité absolue. Charité bien ordonnée commence par soi-même. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Vous m'avez demandé la liste des fonctions de représentation des deux collectivités dans les différents organismes : à 90 %, ce sont les mêmes. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais si ! À part pour les collèges et les lycées, les conseillers régionaux et les conseillers généraux sont convoqués dans les mêmes organismes.
Dans votre région, monsieur Derosier, les collectivités sont voisines dans la capitale régionale. Tous les grands bâtiments officiels s'y touchent !
À pied, vous pouvez passer de la communauté urbaine pharaonique aux annexes de la mairie et au conseil général en cinq minutes.
Il va falloir reconstruire l'hôtel de région, avec l'inflation des effectifs !
Quant aux hémicycles, Mme Guigou m'a parlé de celui de l'Auvergne. C'est vrai qu'il va falloir l'agrandir, mais c'est déjà prévu. Avant même la réforme, M. Souchon a acheté un terrain de 5 millions d'euros depuis fort longtemps déjà – dommage, un peu amianté –, et il va construire un palais de la région pour 80 millions d'euros.
Ne prenez donc pas la réforme comme prétexte à ces dépenses déjà prévues. Je peux vous citer la liste de nombreuses autres régions où des palais de région pharaoniques étaient également prévus.
Il n'est jamais stupide de vouloir rendre nos institutions plus lisibles par les Français.
Je n'ai pas souvenir d'un de mes concitoyens venant me supplier d'avoir un conseiller régional et un conseiller général, dont d'ailleurs ils ne distinguent pas, la plupart du temps, les compétences.
Par contre, ils font la queue pour le conseiller territorial ! Moi, je reçois des charrettes de pétitions en sa faveur !
Aujourd'hui, l'effort de simplification et de lisibilité est absolument indispensable. Dès lors que certains élus sont à la fois conseiller général et conseiller régional,…
…il est important qu'il y ait un seul mandat. Vérité à un endroit peut être mensonge ailleurs. Et au nom de leur parti ou en leur nom propre, certains défendent sur les bancs départementaux une position qui peut être différente sur les bancs régionaux.
Cette réforme aura au moins le mérite de mettre en cohérence les propos et les réalités dans l'exercice de ces mandats, ce qui ne sera pas inutile.
On nous a dit que ce serait un hold-up sur la parité. Examinons la Constitution : l'expression des partis politiques doit concourir à la parité.
Que les partis politiques offrent cette possibilité ! Allons-y ! Faisons en sorte que cela marche.
De façon humoristique, je demanderai à tous les zélateurs de la parité qu'ils laissent leur mandat aux femmes la prochaine fois.
J'ai écouté notre collègue et éprouvé une certaine stupéfaction en l'entendant parler des souhaits des électeurs.
Peut-être suis-je dans un lieu unique, mais je vous assure que pour l'instant aucun électeur, lors de mes permanences, n'est venu me dire : « Vivement la création du conseiller territorial. Voilà une grande réforme ! »
Ils sont en revanche attentifs à la présence pendant les week-ends, lors de tous les événements locaux, du conseiller général. Le président du conseil général du Nord, qui est près de moi, est de ce point de vue exemplaire. Il sillonne tous les week-ends le département et montre son attachement à son territoire par sa présence.
Les Français ne connaissent ni leur conseiller général ni leur conseiller régional !
Nous avons eu cette semaine, une fois de plus, la démonstration de l'amateurisme du Gouvernement. Je le répète : amateur en termes d'emploi, de logement, de budget, puisque pour lui emploi égale en fait chômage, logement égale camping, budget égale déficit.
Vous allez attaquer une nouvelle fois la démocratie et la République avec ce texte. Des atteintes très fortes sont portées à la diversité et à la parité, qui sera mise à mal, étranglée, asphyxiée, poignardée !
Au-delà de mes convictions de gauche, il faut avoir en tête que nous sommes tous défenseurs de la République, et ce n'est pas ce texte qui améliorera les relations entre les Français et leurs élus.
M. Marleix nous a réservé des surprises. Je ne m'attendais pas à ce qu'il utilise la tribune de notre assemblée pour régler des comptes auvergnats avec M. Souchon.
Je pense en effet qu'il s'est laissé emporter, et je suis sûr qu'il le regrette.
Mais mon intervention portera sur un autre point. M. Marleix a par ailleurs fait preuve d'un grand humour en décrivant le paysage nordiste et la proximité entre le siège de la région et le siège du département – qui sont assez proches, c'est vrai.
Mon observation ne porte pas sur la présence de l'élu territorial, tel que vous l'imaginez, dans l'une ou l'autre de ces deux instances, mais concerne les fonctions représentatives obligatoires prévues par la loi dans les instances de la région et du département. Ce serait le même conseiller : région et département n'en désigneraient qu'un seul. Il y aurait donc disparition de l'une des deux collectivités territoriales. Si c'est cela que vous désirez, dites-le.
Mais depuis le début de nos échanges, vous dites vouloir maintenir ces deux collectivités. Selon votre schéma, elles doivent être représentées par un même conseiller territorial. Comment allez-vous faire ? Donnez-nous la liste des instances où les différentes lois votées par des majorités successives, depuis 1982, ont prévu que ces deux collectivités territoriales aient des représentants.
Nos collègues de l'opposition prétendent que la réforme supprimerait un élu, donc la représentation de ceci ou de cela.
Dans le cadre d'une manifestation sont présents le conseiller général du canton – c'est le local de l'étape – et parfois le conseiller régional. Avec la réforme, lors de l'élection d'un conseiller territorial, on aura un représentant local dans deux assemblées. Cela signifie très clairement que, comme il sera présent dans le cadre de son territoire, il représentera les deux assemblées.
Cela ne me choque pas du tout. Cette lisibilité est incontestable pour nos concitoyens. Ils sauront que Untel représente le département et la région, …
…et ils le connaîtront, puisqu'il aura été élu par les habitants de ce territoire.
Le but de l'opération est de faire en sorte que les compétences soient différenciées entre le conseil général et le conseil régional. Le conseiller territorial pourra présenter l'ensemble des compétences.
J'ai entendu une de nos collègues de l'opposition parler de travaux pharaoniques pour les assemblées territoriales.
…prenez l'engagement devant la représentation nationale de ne pas construire des palais pharaoniques, et l'ensemble des électeurs et des contribuables vous en seront reconnaissants.
Une fois encore, M. le secrétaire d'État n'a pas répondu à la question précise que posait Bernard Derosier.
Il ne s'agit pas de présence dans les fêtes et manifestations diverses, mais de la représentation du conseiller territorial dans les instances officielles, conformément aux dispositions législatives. Il y a une multitude d'instances et aucune proposition de suppression de ces fonctions représentatives n'a été faite. Aucune étude d'impact n'a été réalisée sur la capacité du conseiller territorial unique à assurer l'ensemble des représentations officielles de l'instance – conseil général ou conseil régional.
Je regrette, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne veniez pas plus souvent à Lille. Vous auriez pu constater que le siège de la communauté urbaine de Lille est très loin d'être pharaonique. Le bâtiment date de 1968 et il n'a pas fait l'objet, depuis, de rénovations. Nos collègues du conseil général et du conseil régional, il y a fort longtemps, ont jugé nécessaire de renforcer les bâtiments qu'ils occupent.
J'ai relevé un certain nombre de confusions dans l'intervention de M. le secrétaire d'État. Il transpose à l'échelon national des frustrations locales ou régionales qui ont été tranchées par les électeurs.
La construction de palais pharaoniques a fait l'objet, dans les rangs de la majorité, de longues discussions. Les électeurs ont tranché de manière assez cinglante. Il est normal qu'une collectivité territoriale puisse s'installer dans de bonnes conditions, avec le souci de la rationalité et des coûts.
Ce que ne sait pas faire l'État, un certain nombre de collectivités territoriales savent le faire.
Beaucoup de confusions ont été faites. Nous parlons de représentation, c'est-à-dire des endroits où l'on doit travailler les dossiers. Ce n'est pas forcément bien appréhendé par le grand public, mais c'est là où s'effectue un travail sérieux. Il ne s'agit pas des fêtes à Neu-Neu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Une confusion subsiste dans l'esprit de certains d'entre vous. Il faut faire un travail de présence sur le terrain, être vu, etc. Et les conseillers généraux sont sans doute bien plus performants que les conseillers régionaux, car ils ne sont pas soumis au même mode d'élection. Si votre travail d'élu local se résume à cela, il ne faut pas s'étonner que les collectivités n'aillent pas très bien.
Pour ce qui concerne les représentations, si le travail de clarification des compétences a été fait, on ne devrait pas retrouver dans la même instance le représentant du département et le représentant de la région ; sinon, le travail de clarification n'existe pas.
Si le travail de clarification n'a pas été fait, comme la même personne siègera dans la même instance, il y aura une confusion des genres et des budgets. Je prendrai un exemple précis : le financement des routes et des infrastructures routières relève non du conseil régional mais des départements. Nous sommes amenés à débattre de ces sujets régulièrement. Il est clair que l'État, n'ayant plus les moyens, se tourne vers les collectivités territoriales de manière extrêmement abusive. Lorsque nous étions dans une période où les budgets étaient assez larges, les collectivités territoriales pouvaient tout se permettre. Aujourd'hui, les budgets sont contraints et chacun se replie sur ses compétences.
Nous imaginons l'impossibilité dans laquelle se trouveront les conseillers territoriaux d'avoir à accepter telle ou telle mesure, en tant que représentants du département, et de la refuser en tant que représentants de la région. Il y aura une totale confusion. Ce statut hybride, qui permet de rassembler sur un même individu des représentations qui ne relèvent pas des mêmes logiques, entraînera une hibernation – j'ai employé hier ce terme, qui n'est pas exagéré. Nous serons devant une confusion totale pendant des années. Loin de répondre à certains enjeux du futur, vous allez paralyser la France, puisque l'essentiel des investissements publics de ce pays se fait par l'intermédiaire des collectivités territoriales.
Le grand bazar que vous allez organiser se traduira par la panne de notre système.
À ce moment de notre débat sur les conseillers territoriaux, il faut que les choses soient clarifiées.
Je ne reviens pas sur ce qui a été dit à propos de ce texte : le recul de la démocratie, les inconvénients. Je voudrais aborder le sujet de la parité, disposition essentielle dans notre Constitution. Le Gouvernement nous dit que ce n'est pas grave. Un certain nombre de députés jugent que c'est essentiel. Certains collègues absents aujourd'hui, mais qui se sont exprimés à la tribune, partagent mon point de vue.
On ne peut pas demander aux parlementaires de consacrer des dizaines d'heures à débattre sereinement de la principale disposition du texte avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, sans savoir si c'est ou non constitutionnel. Il y va de l'honneur de l'Assemblée, du respect de notre travail, du respect que nous accordons à notre travail.
Le Premier ministre est habilité à venir nous dire ce qu'il pense. Lorsque l'Assemblée, par le vote de quelques députés présents, viole la Constitution de la République, des questions doivent être posées au Premier ministre. Je souhaite qu'il nous apporte les garanties du Gouvernement. À ce moment-là, nous verrons.
Je suggère donc d'attendre la venue du Premier ministre, car c'est là un problème constitutionnel très grave.
(Les amendements identiques nos 90 , 119 et 240 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 236 et 121 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Didier Gonzales, pour défendre l'amendement n° 236 .
La loi du 22 décembre 1789 a créé le département sous l'autorité d'un conseil de département. Celui-ci a été supprimé en 1793, puis rétabli en 1800 sous l'appellation de conseil général.
Il s'agissait à l'époque de la plus haute assemblée locale, d'où le terme « général ». Nous savons que ce n'est plus le cas aujourd'hui. Entre le conseil général et le conseil régional, il convient d'éviter la confusion. Cette confusion dans la dénomination participe de la méconnaissance du rôle de chaque collectivité et peut expliquer en partie la forte abstention.
Nous proposons par cet amendement de renommer le conseil général « conseil départemental ». Cela irait dans le sens d'une clarification des attributions de chaque collectivité territoriale.
La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir l'amendement n° 121 rectifié .
Les mots ont un sens, chers collègues. À l'instant, notre collègue vient de faire référence à l'histoire. Il aurait pu rappeler que la mission de cette assemblée était de traiter les affaires générales du département, d'où le nom de conseil général.
Sous le régime de Vichy, période triste de notre histoire,…
…le gouvernement de l'époque avait appelé cette instance « conseil départemental ». C'est pour ces raisons historiques et personnelles partagées par beaucoup d'hommes et de femmes de sa génération que le ministre de l'intérieur et de la décentralisation Gaston Defferre n'avait pas souhaité, en 1981, en modifier le nom et revenir à cette appellation.
M. le ministre de l'espace rural, président de conseil général, sait bien que l'association des présidents des conseils généraux, hier, et l'assemblée des départements de France, aujourd'hui, réclament, depuis des années, ce changement d'appellation. Dans une loi de 2002, nous avions évoqué la possibilité de le faire. À l'époque, les sénateurs avaient, dans leur sagesse, considéré qu'il ne fallait pas trop changer pour ne pas traumatiser les conseils généraux.
Aujourd'hui, le moment est sans doute venu de profiter de la réforme des collectivités territoriales pour franchir ce qui était jusqu'à présent un cap infranchissable et donner l'appellation qui convient à cette assemblée. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
La commission a rejeté ces amendements. Je souhaite appeler l'attention de nos collègues sur le montant de la dépense qu'un tel changement entraînerait. Franchement, ne va-t-on pas faire rire dans la France entière (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en engageant des dépenses considérables simplement pour changer le nom d'une assemblée ?
Il n'y a pas que le coût du papier à lettres, vous le savez très bien.
Pour le reste, la modification que vous proposez ne change pas fondamentalement les choses. En revanche, elle représente une dépense dont on peut se dispenser.
Erreur ! Signet non défini.. C'est un peu court comme argument.
La question est récurrente. Il est vrai que nous ne sommes jamais allés jusqu'au conseil départemental pour les raisons financières que vient de rappeler M. Perben – et qui ne sont pas négligeables – de même que pour des raisons historiques. Il y a en effet déjà eu un « conseil départemental » sous le régime de Vichy.
C'est pour cela que nous n'avons rien modifié jusqu'à présent et que nous avons conservé l'appellation « conseil général », qui veut bien dire ce qu'elle veut dire, à savoir une compétence générale ou des initiatives dans des domaines généraux.
Le Gouvernement n'est pas favorable à un changement malgré les fortes demandes en ce sens. J'ai bien conscience que cela permettrait de mieux identifier l'assemblée départementale, mais il n'en demeure pas moins que les deux motifs que j'ai invoqués, et dont l'un peut paraître dépassé aujourd'hui mais était très présent en 1981, nous ont toujours amenés à nous retenir avant de changer le nom de cette assemblée.
Le rappel historique est intéressant et fort juste, mais vous en prévaloir pour justifier votre opposition à l'amendement n'est pas digne. Cela voudrait dire que l'Association des présidents de conseils généraux et l'Assemblée des départements de France seraient les zélateurs d'une instance dont nous conservons un triste souvenir. Du temps a passé. Je tiens à dire qu'il n'y a aucune volonté de la part de ceux qui font cette proposition aujourd'hui de se référer à cette période de notre histoire.
Je n'ai jamais dit cela.
Dans ces conditions, vous ne pouvez pas simplement écarter cette proposition au nom de l'histoire, je souhaite le dire clairement.
Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Quant à l'argument du rapporteur, il portait sur le coût de la proposition. Franchement, alors que nous venons d'avoir un débat sur les indemnités, la construction de nouveaux hémicycles, l'argument financier est risible par rapport aux dépenses induites par votre projet !
L'adoption de cet amendement présenterait un avantage : les élus sauraient qu'en 2012, en cas de changement de majorité, il y aurait à nouveau des conseillers départementaux, et ils seraient mieux identifiés par la population avec un nouveau mode d'élection. Ce serait un signal fort que nous lancerions aujourd'hui.
Les deux arguments invoqués pour vous opposer à l'amendement ne tiennent pas la route. L'argument historique me paraît tout à fait déplacé aujourd'hui, Bruno Le Roux vient de le dire. L'argument financier est plus crédible.
Monsieur le ministre, si j'insiste tant, c'est parce que je suis très attaché à la République. Qui dit République dit électeurs. Il est indispensable que les électeurs comprennent pour quoi ils votent. Avec l'élection présidentielle, on comprend qu'on vote pour le Président de la République. Aux élections régionales, on comprend que c'est pour la région. En revanche, pour ce qui est des élections cantonales, c'est moins évident pour les électeurs. Ils doivent élire un conseiller général qui s'occupera du département. La confusion des termes ne favorise pas l'expression citoyenne du vote.
C'est la raison pour laquelle je milite depuis très longtemps en faveur d'une clarification du vocabulaire : c'est important pour la République.
La notoriété du conseiller général urbain n'est pas la même que celle du conseiller général rural. Autant, dans les zones rurales, le conseiller général est connu, autant, dans les zones urbaines, il ne l'est guère.
Le conseiller départemental ferait pendant au conseiller régional. Mettre en adéquation les termes serait pertinent et moderne. Puisque vous prétendez engager une réforme des collectivités territoriales, donnez-vous en les moyens.
Quant à l'argument financier invoqué par M. Perben, c'est une belle plaisanterie au regard des coûts que va engendrer votre réforme !
Je souhaite conforter les avis du ministre et du rapporteur. Par-delà l'argument historique et celui tenant au coût, chaque parlementaire de bon sens sait que nous sommes dans une démarche transitoire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) J'en suis convaincu, chers collègues.
Je parle en mon nom personnel.
Il serait dommage, je le répète, de s'attarder à changer le nom des conseils généraux, sachant qu'avec l'instauration d'un élu doté de nouvelles compétences il nous faut réfléchir à la carte des intercommunalités, à l'organisation et aux missions des métropoles.
Cela penche en faveur du maintien de l'appellation « conseil général ».
« Il faut savoir ce que les mots veulent dire », argumentez-vous. J'estime pour ma part que l'appellation « conseil général » est explicite pour la plupart de nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je veux bien que vous soyez des inconnus dans vos départements, mais je n'en suis pas certain. Si les élus de l'opposition passent pour des inconnus, tel n'est pas le cas des élus de la majorité ! Selon moi, l'appellation « conseil général » n'est donc pas dépourvue de signification.
Quant au second argument, il me semble que, dans le contexte actuel, on peut difficilement rester insensible au coût de la mise en oeuvre du changement d'appellation,…
Il faudra prévoir un siège pour deux élus dans les hémicycles pour faire des économies !
…outre les complications administratives de tous ordres.
Rappelons que la question a été tranchée au Sénat, inutile donc d'alourdir la discussion aujourd'hui alors qu'il reste bien d'autres sujets à traiter, d'autant que ce changement d'appellation risque de nous compliquer la vie.
Je suggère donc à nos collègues de retirer leur amendement. Ce serait une mesure de sagesse.
J'espère que vous avez pris votre oreiller pour vous coucher ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est le débat ! Acceptez-le !
(L'amendement n° 236 est retiré.)
(L'amendement n° 121 rectifié est repoussé.)
Le présent amendement que je présente au nom de mon collègue Giraud vise à garantir le lien entre chaque élu siégeant dans les assemblées départementales et régionales avec une portion identifiable du territoire départemental et par conséquent régional qu'est le canton, assurant ainsi que toute la diversité géophysique et socioculturelle des territoires soit représentée et en mesure d'exprimer ses spécificités.
L'amendement a été rejeté par la commission. En réalité, il est satisfait par la combinaison du choix du mode de scrutin uninominal à deux tours, d'une part,…
…et, d'autre part, par le fait que l'Assemblée va être amenée à approuver le tableau qui lui est proposé prévoyant la répartition des sièges entre départements.
Même avis défavorable.
(L'amendement n° 84 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 128 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Notre amendement vise à surmonter l'inconstitutionnalité du texte que vous présentez. Je résume la situation. Nous aurions une assemblée de trente-huit élus, conseillers territoriaux, avec deux présidents d'assemblée – un président de conseil général et un président de conseil régional – dans une région monodépartementale.
Or le dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution dispose que, pour créer une assemblée unique – qui résulterait en l'espèce de votre projet de loi et du rapport Balladur, et aurait deux présidents –, il faut consulter au préalable la population. Votre texte enfreint donc et l'esprit et la lettre de la Constitution.
Deuxièmement, un processus politique est en cours chez moi, en Guadeloupe – et j'imagine qu'il en va de même à la Réunion. Le Président de la République a agréé cet accord et décidé un moratoire de dix-huit mois, qui, je le rappelle, prendra fin le 26 janvier 2011, après quoi la population sera consultée. Et je puis vous dire, puisque je suis au coeur de ces discussions, que, au moment où je vous parle, on s'achemine vers une assemblée unique, un peu à l'image du conseil de Paris. Le cadre départemental et le cadre régional seront donc maintenus.
Par conséquent, vous ne pouvez ramener le nombre d'élus à trente-huit, puisque nous avons quarante et un conseillers généraux et quarante conseillers régionaux : il faudrait sous-amender le tableau annexe, si du moins on laisse le texte en l'état. Pour ma part, je vous demande de corriger votre texte.
Si notre amendement ne vous convient pas, sous-amendez-le ; mais, en tout état de cause, vous ne pouvez maintenir la rédaction actuelle du texte. Car, outre tous les arguments déjà avancés, vous risquez la censure du Conseil constitutionnel.
Monsieur le secrétaire d'État, en nous répondant, vous avez formulé des propositions d'ouverture. J'attends maintenant des propositions concrètes et positives.
La commission a repoussé cet amendement.
Cela étant, nous savons tous que la question posée par M. Lurel est pertinente et que le Gouvernement doit trouver une solution à ce problème dans le cadre du présent débat.
Monsieur Lurel, vous soulevez en effet un véritable problème.
Dès hier, dans sa réponse aux orateurs, Alain Marleix a ouvert le débat sur ce point. Nous vous avons bien entendu hier soir et ce matin, et vous savez, puisque nous en avons parlé ensemble, que nous sommes en train de rédiger un amendement qui sera déposé avant la fin de la discussion et qui garantira l'application de l'accord conclu sous la haute autorité du Président de la République.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, puisque nous parviendrons avant la fin de la discussion à une rédaction qui vous donnera satisfaction.
J'ai entendu votre proposition, monsieur le ministre. Mais je souhaite, par anticipation, m'assurer que votre amendement ne reprendra pas l'article 40 supprimé par la commission des lois du Sénat, et qui habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
En effet, nous tous qui siégeons ici, jusque sur les bancs de la majorité, n'aimons pas être dessaisis, non plus que nos collègues du Sénat.
C'est vrai !
Les parlementaires n'aiment pas voir confier aux bureaux et aux officines – pardonnez-moi ce terme –,…
…quelle qu'en soit l'expertise, ce qui appartient en propre à la souveraineté nationale.
Je ne doute pas qu'une autre rédaction, qui pourra faire l'objet d'arbitrages, vous permettra de résoudre le problème posé.
Je rappelle à M. Perben, qui a été ministre des départements et territoires d'outre-mer, que, lors du débat du 17 novembre 2002 sur la révision constitutionnelle, il avait tenu les mêmes propos que moi aujourd'hui. Je vous fais grâce de la citation.
J'espère donc, je le répète, que vous trouverez une rédaction qui n'en revienne pas à l'habilitation à légiférer par ordonnance. Mais je ne peux, en l'état actuel des choses, retirer mon amendement.
Nous comprenons l'embarras du Gouvernement : sans parole du chef, le ministre n'ose plus avancer.
Néanmoins, monsieur le ministre, vous pouvez manifester votre bonne volonté en demandant la réserve sur le vote de cet amendement.
Ce que vous nous demandez n'est pas envisageable : nous avons déposé cet amendement parce que nous sommes convaincus du bien-fondé des arguments défendus par Victorin Lurel. Voilà pourquoi je me permets cette suggestion.
Quelle hypocrisie ! Faux-cul ! Le Gouvernement n'a même pas saisi la perche !
Je pourrais vous dire la même chose !
C'est trop aimable à vous !
Je suis saisi d'un amendement n° 124 .
La parole est à M. Bernard Derosier.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises, il nous semble indispensable que les deux collectivités soient bien identifiées – même si notre collègue a tout à l'heure esquissé une hypothèse en réponse à laquelle le Gouvernement est resté prudemment silencieux, les ministres regardant leurs chaussures, si bien que l'on ne savait pas bien s'il se faisait le porte-parole de la majorité ou s'il présentait une idée personnelle.
Pour notre part, nous sommes attachés à l'existence des deux collectivités que sont le département et la région.
Nous souhaitons donc modifier le mode de désignation de vos conseillers territoriaux tel qu'il figure à l'alinéa 5 de l'article premier, selon lequel « [l'assemblée régionale] est composé[e] des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région », en remplaçant « siègent » par « ne siègent pas », afin qu'ils constituent un corps spécifique de conseillers régionaux.
En outre, nous vous aiderions ainsi à ne pas être en contradiction avec la loi française, qui limite à deux le cumul des mandats. À défaut, mes chers collègues de la majorité, je ne doute pas que, lorsque le Conseil constitutionnel aura tranché, nombre d'élus locaux, voire de parlementaires, ne pourront plus être conseillers territoriaux. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La commission a repoussé cet amendement, car il signifie le contraire de l'article en discussion. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Même avis, puisque l'amendement s'oppose à la création du conseiller territorial.
Je suis saisi d'un amendement n° 406 .
La parole est à M. Christophe Caresche.
On a souvent parlé ce matin du conseil de Paris. L'amendement concerne le nombre et la répartition des conseillers à Paris.
En effet, vous allez fixer le nombre de conseillers territoriaux par région et par département et découper les circonscriptions qui leur seront attribuées ; il semblerait logique d'en profiter pour adapter le nombre de conseillers de Paris à Paris. Ce nombre a été fixé par un tableau adopté en 1983 et jamais modifié depuis, malgré des changements démographiques sensibles selon les arrondissements, ce qui entraîne aujourd'hui des inégalités de représentation entre ces derniers.
Je citerai trois exemples. Selon le dernier recensement, le septième arrondissement compte cinq conseillers pour un peu plus de 56 000 habitants, alors que le neuvième, un peu plus peuplé – 58 000 habitants –, n'en compte que quatre. Les seizième et dix-septième arrondissements, pourtant beaucoup moins peuplés que le dix-neuvième, comptent un conseiller de plus. Enfin, le dix-huitième arrondissement est représenté par quatorze conseillers, alors qu'il est moins peuplé que le vingtième, qui en compte treize.
Cette adaptation serait assez marginale : il s'agirait de supprimer trois conseillers dans trois arrondissements pour les attribuer à trois autres. J'ai en effet fondé sur le dernier recensement la répartition que je propose, et qui conduirait à supprimer un siège dans les septième, seizième et dix-septième arrondissements…
… et à en ajouter un dans les dixième, dix-neuvième et vingtième arrondissements.
Un peu moins de trente ans après la première répartition, le moment semble venu de procéder à cette adaptation en fonction de la démographie.
La commission a repoussé cet amendement – sans se prononcer quant au fond –, car tel n'est pas l'objet de la loi : il s'agit d'un autre problème, qui, du reste, ne concerne pas seulement Paris, mais aussi Lyon et Marseille.
Comme l'ont dit le rapporteur et le secrétaire d'État, cet amendement est hors sujet.
Du reste, il y aura bien à Paris un découpage,…
Honnêtement, c'est bien meilleur ! (Sourires.)
Avec le charcutier en chef Alain Marleix ! Les ciseaux d'or ! Le festival international du charcutage !
…un découpage sui generis, disais-je, des circonscriptions prévues pour l'élection du conseiller territorial, qui, lui, sera nécessairement équitable d'un point de vue démographique, puisqu'il y aura à ma connaissance trois conseillers par circonscription législative.
Je rappelle que les circonscriptions législatives ont été redécoupées et que Paris en a perdu trois – dont deux de droite, d'ailleurs. M. Caresche et ses amis auraient pu formuler la même proposition en 2001, mais ils ne l'ont pas fait.
Cela étant, M. Caresche pose une bonne question, celle des disparités démographiques et des inégalités de représentation qui existent à Paris – comme, sans doute, à Lyon et à Marseille. Mais il apporte une mauvaise réponse – assez marginale, il l'a dit lui-même. En effet, ce n'est pas en ajoutant ou en supprimant trois conseillers de Paris que l'on parviendra à une représentation qui soit équitable et, surtout, qui permette une meilleure administration.
En revanche, il faudra entreprendre dès que possible – mais pas aujourd'hui – de résoudre le véritable problème, bien plus vaste, qui se pose à Paris : le redécoupage des arrondissements. Si M. Caresche veut aller au bout de son raisonnement, il faut en effet modifier les limites des arrondissements afin d'assurer une juste représentation de la population et surtout une bonne administration locale, ce qui est peut-être encore plus important. Car, du fait du découpage actuel, certains arrondissements – assez rares –sont sur-administrés tandis que d'autres, que M. Caresche a cités, sont sous-administrés.
Le découpage actuel trouve son origine dans la loi de 1859 – le quinzième arrondissement, comme les autres arrondissements périphériques, fête ainsi cette année son cent cinquantième anniversaire. À l'époque, la situation démographique n'était évidemment pas comparable à celle d'aujourd'hui.
Maire du XVe arrondissement, je sais ainsi que Vaugirard la rurale comptait en 1860 à peine quelques dizaines de milliers d'habitants, contre plus de 230 000 aujourd'hui. Au contraire, les Halles, le centre de Paris, en comptaient plusieurs centaines de milliers, alors que le premier arrondissement n'en a plus que 18 000 aujourd'hui, et le deuxième 21 000, comme le montre le tableau produit par M. Caresche. Ce découpage est donc obsolète.
Enfin, sans vouloir accuser M. Caresche de faire de la politique politicienne, je soulignerai que les trois sièges supprimés dans la répartition qu'il propose le sont dans des arrondissements de droite au profit d'arrondissements de gauche. Il est vrai que les nouveaux élus ne seront pas forcément de son bord, les électeurs en décideront. Par ailleurs, alors qu'il souhaite voir le nombre de conseillers augmenter dans les arrondissements les plus peuplés, il ne cite pas, et je le regrette, le XVe arrondissement, qui est pourtant le plus peuplé de Paris avec 235 000 habitants.
Toujours est-il que sa proposition relative aux conseillers de Paris, à la fois conseillers municipaux et conseillers généraux, n'a rien à voir avec le texte que nous étudions aujourd'hui.
J'entends bien l'argumentation de M. Perben mais je ne la comprends pas tout à fait. Le problème de l'application des dispositions relatives au conseiller territorial à Paris mérite d'être éclairci. Même si l'on ne touche pas au statut de Paris, on peut bien considérer que le conseiller de Paris, qui exerce les fonctions de conseiller municipal et de conseiller général, assumera une partie des fonctions liées au mandat de conseiller territorial. Dès lors, il n'est pas illogique de poser la question de la répartition des conseillers à Paris où, à la différence de Lyon et Marseille, il y a fusion entre commune et département. À cet égard, mon amendement a toute sa pertinence dans la discussion de ce projet de loi.
Par ailleurs, monsieur Goujon, je n'ai pas proposé de modification du cadre. J'ai simplement pris des chiffres pour les moduler en fonction d'une règle mathématique et aboutir à la répartition que je vous ai indiquée. Il s'agit simplement dans mon esprit de procéder à une adaptation en fonction de critères démographiques, et de rien d'autre.
(L'amendement n° 406 n'est pas adopté.)
Cet amendement, dicté par une position de sagesse et une volonté de simplification, entend mettre fin à des pratiques discutables.
À la suite de l'instauration d'un plafonnement global des indemnités perçues par les élus, notamment ceux qui cumulent plusieurs mandats, il a été admis que la partie dépassant ce plafonnement faisait l'objet d'un écrêtement pouvant être reversé à d'autres élus, après décision prise par la collectivité de référence.
Les critères sont cependant particulièrement fluctuants ; c'est pourquoi nous proposons dans notre amendement, pour chaque niveau de collectivité, que « la partie de l'indemnité de fonction dépassant le plafond légal ne [puisse] être reversée à quiconque », les sommes écrêtées demeurant dans les comptes de la collectivité.
Cet amendement, inspiré par la Cour des comptes, va dans le sens des économies que préconisait tout à l'heure M. le ministre.
Avis défavorable également. Nous pourrons traiter de cette question lors de la discussion du projet de loi sur le statut des élus déjà présenté au Sénat.
J'aimerais répondre au Gouvernement, en regrettant que ce ne soit pas M. Mercier qui ait répondu, pour une raison bien simple : la disposition que nous proposons de supprimer est issue d'un amendement que j'avais déposé sur un texte dont M. Mercier était rapporteur au Sénat. Il concernait la dotation globale de fonctionnement et les indemnités des présidents des SDIS.
Bien que l'écrêtement soit soumis à une délibération de la collectivité, le choix du bénéficiaire des sommes reversées est laissé à la discrétion de l'élu, ce qui aboutit à des situations parfois bien curieuses voire peu convenables, du fait notamment de l'existence de liens familiaux entre l'élu concerné et le bénéficiaire.
Le Gouvernement et la commission devraient donc accepter cet amendement de moralisation.
(L'amendement n° 210 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 254 .
La parole est à M. Dominique Perben.
Cet amendement vise à limiter à 30 % de l'effectif du conseil régional la composition de la commission permanente. Je rappelle que la commission permanente peut bénéficier de larges délégations de l'assemblée plénière, de manière assez libre, je le précise, la jurisprudence étant très ouverte sur ce point.
Cela permettrait aux assemblées régionales aux larges effectifs d'avoir une commission permanente composée au maximum d'un tiers des membres de l'assemblée générale tout en bénéficiant de larges délégations, dont chaque région pourra définir le niveau.
C'est un dispositif qui allie bonne gestion et efficacité.
Voici un gouvernement, une majorité et un rapporteur qui, soudainement, se drapent dans une volonté de moralisation et de limitation des dépenses en contraignant, d'une certaine façon, l'organisation des assemblées territoriales.
J'ai bien compris, monsieur le rapporteur.
Mais il faut avoir à l'esprit l'amendement du Gouvernement que nous allons bientôt examiner. Certaines régions, de petite taille à l'échelon européen, ne seront plus dotées d'assemblées locales mais de véritables parlements dont les effectifs seront plus importants que ceux de certains parlements nationaux d'États membres. Il y a là un paradoxe qui m'empêche de comprendre véritablement la position du rapporteur qui, d'un côté, prétend agir au nom de la bonne gestion et qui, de l'autre, s'apprête à accepter l'amendement du Gouvernement et la mise en place d'assemblées régionales pléthoriques qui rendront quasiment impossible le bon fonctionnement des institutions.
Voilà qui montre toute l'ambiguïté de la position du Gouvernement et de sa majorité.
(L'amendement n° 254 est adopté.)
Cet amendement, s'il était adopté, aurait une valeur exemplaire car il a pour objet de mettre fin à une anomalie de notre République, qui apparaît d'autant plus choquante à l'heure où le Gouvernement impose aux Français une politique de rigueur.
Il est proposé de supprimer le cumul des indemnités pour les ministres. Il faut en effet savoir que les ministres, lorsqu'ils exercent des mandats locaux – ce qu'ils sont nombreux à faire –, ont la possibilité de cumuler leurs indemnités dans la limite d'une fois et demi leur traitement ministériel.
Jusqu'en 2002, ce coefficient avait un impact plutôt limité puisqu'à l'époque les traitements des ministres, du moins pour leur partie officielle, étaient relativement modestes. En 2002, ces traitements ont bénéficié d'une augmentation afin qu'ils atteignent un niveau plus convenable – environ 14 000 euros bruts pour un ministre et 13 000 euros bruts pour un secrétaire d'État –, disposition tout à fait souhaitable que j'ai approuvée. De manière automatique, l'application du coefficient de 1,5 a ainsi permis à certains ministres d'atteindre une rémunération allant jusqu'à 21 000 euros. On est devant ce paradoxe qu'un ministre à temps partiel – car un ministre ayant un mandant local ne peut consacrer tout son temps à son ministère – gagne davantage qu'un ministre à temps plein, ce qui me paraît tout à fait immoral.
Dans certains pays ayant mis en place des plans de rigueur, les gouvernements veulent montrer l'exemple en diminuant la rémunération des ministres. Je ne suis pas certain que le meilleur exemple à donner soit de réduire systématiquement les rémunérations des responsables publics dans la mesure où celles-ci ne me paraissent pas excessives. Il ne faut pas stigmatiser les dirigeants.
En revanche, lorsque ces rémunérations relèvent de l'abus, on se grandit à mettre fin à ces pratiques, car cumuler des rémunérations lorsque l'on est ministre, c'est plus qu'une anomalie, c'est un abus.
Dans les difficultés qui sont les nôtres aujourd'hui, il serait bon que la représentation nationale incite les ministres à renoncer à ce cumul. Le traitement dont ils disposent me paraît correct, les avantages en nature dont ils bénéficient sont importants – il appellerait d'ailleurs un peu plus de clarté –, il ne leur est donc pas nécessaire de percevoir en plus les indemnités liées à leur mandat local.
Défavorable.
J'estime que ces explications sont un peu courtes ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) J'ai indiqué pourquoi il me paraissait nécessaire de mettre fin à cet abus. La commission et le Gouvernement se grandiraient en expliquant les raisons de leur opposition à cet amendement. Je comprends qu'ils soient contre, surtout le Gouvernement, mais il serait bon qu'ils se justifient. L'opinion pourra ainsi juger.
(L'amendement n° 194 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma