La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 721 portant article additionnel avant l'article 38.
Nous abordons donc les dispositions du chapitre V du titre III du projet de loi.
La parole est à M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour défendre l'amendement n° 721 .
Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 237 rectifié , que nous examinerons à l'article 38.
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 721 .
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 38.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Madame la présidente, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, madame la ministre du logement et de la ville, mes chers collègues, cet article crée une Haute Autorité de la statistique publique, dont le but est de garantir la fiabilité des statistiques publiques. En effet, celles-ci sont régulièrement mises en doute par ceux qui y ont intérêt, par ceux-là mêmes qui redoutent qu'une autorité indépendante garantisse cette fiabilité car ils ne pourraient plus se livrer à leur désinformation habituelle. Le dispositif proposé répond, entre autres, à une demande émanant de l'Union européenne, à laquelle il nous faut nous soumettre. Là encore, certains, dans cet hémicycle, ne semblent pas voir la nécessité de nous mettre en conformité avec les directives européennes, proposant de ne surtout rien faire et de ne rien changer, n'est-ce pas, monsieur Chassaigne ?
De toute façon, il va intervenir pour dire qu'il est contre ! (Sourires.)
Je partage l'objectif de cet article, mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec les moyens choisis. Qu'il soit du ressort de la loi de créer une autorité que l'on veut indépendante – car c'est une autorité administrative indépendante que nous voulons créer –, j'en suis d'accord, mais ce qui me gêne, c'est qu'on laisse subsister à ses côtés un autre organisme, le Conseil national de l'information statistique.
La demande de suppression de ce conseil n'est en rien un désaveu de son travail ni de la qualité de ses membres : elle répond à un souci de rationalisation. Trop souvent, en effet, on crée des organismes nouveaux en laissant subsister les anciennes structures, et toutes s'empilent comme un millefeuille au point que plus personne ne sait qui fait quoi. Et l'on peut s'estimer heureux si ces différents organismes, qui agissent sur un même secteur, ne passent pas leur temps à s'entre-déchirer.
Il faudrait une véritable réforme de la décentralisation ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai noté avec une grande satisfaction le dépôt d'un amendement, n° 237 rectifié , du rapporteur pour avis de la commission des finances, qui vise à réorganiser l'ensemble du secteur de la statistique publique en tenant compte à la fois des objectifs poursuivis par le Gouvernement et du souci de rationalisation qui est le mien. C'est pourquoi j'annonce que je retirerai mon amendement n° 1210 au profit de l'amendement n° 237 rectifié .
Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, c'est un sujet important que l'indépendance de notre institution statistique. Nous avons en France une situation très particulière : dans la plupart des pays, l'institut de la statistique est indépendante, alors qu'en France, si elle l'est dans les faits – tous les audits soulignent que l'indépendance professionnelle est un des éléments forts de la culture de l'INSEE –, en droit, c'est une direction du ministère des finances. Il est donc important que la loi consacre clairement l'indépendance de l'INSEE.
Madame la ministre de l'économie, l'Assemblée a décidé, il y a quatre mois, de créer une mission d'information commune à trois commissions – la commission des finances, celle des affaires économiques et celle des affaires sociales – pour examiner les grandes données économiques, mais aussi pour donner un avis sur la gouvernance de l'INSEE. Cette mission d'information, que j'ai portée avec plusieurs collègues, notamment avec son rapporteur, Hervé Mariton, est arrivée très rapidement à deux conclusions. La première, c'est qu'il ne fallait pas bouleverser le statut de l'INSEE, qui doit rester une direction du ministère des finances et continuer à coordonner l'ensemble des services statistiques. Dans notre droit, les services statistiques et l'INSEE doivent donc explicitement constituer l'ensemble du système statistique. La seconde, c'est qu'il fallait conforter l'INSEE en créant une institution, qui existe dans la plupart des instituts de statistiques – elle peut porter des noms différents –, à savoir un conseil scientifique qui lui permette d'assumer complètement son indépendance et qui puisse l'aider dans des situations délicates comme, par exemple, en cas de divergences considérables entre plusieurs statistiques sur le chômage.
Hervé Mariton,Pierre Morel-A-L'Huissier, d'autres collègues et moi-même, en commençant les travaux de la mission d'information, avions envisagé de préconiser la création d'une autorité statistique indépendante. Nous nous sommes vite aperçus au cours de nos auditions qu'un consensus se dégageait pour que cette haute autorité soit placée au sein du CNIS, et qu'il fallait conforter celui-ci. En effet, il joue un rôle tout à fait important dans le dialogue entre les pouvoirs publics et les utilisateurs de la statistique. En conséquence, nous avons préconisé que son président soit nommé en Conseil des ministres pour une période déterminée – cinq ans –, et que, au sein du CNIS, un conseil des sages, constitué de neuf membres, ait pour mission d'assurer et de conforter l'indépendance de l'INSEE. Cette proposition sera reprise dans un amendement. Par ailleurs, Hervé Mariton et moi-même proposons d'appeler dorénavant le CNIS « Conseil supérieur de la statistique ».
Madame la ministre, c'est un sujet sur lequel notre assemblée a beaucoup travaillé, et ce dans un consensus complet : le rapport de M. Mariton a été voté à l'unanimité des trois commissions concernées. C'est un travail important puisqu'il s'agit d'une sorte de LOLF de la statistique.
Je rappelle les deux conclusions fortes du rapport de notre mission : d'une part, inscrire clairement dans la loi l'indépendance de l'INSEE, et, d'autre part, conforter le CNIS en créant en son sein une autorité indépendante. Je pense que, si notre position, unanimement approuvée au sein de la mission, était suivie, cela permettrait d'améliorer le texte présenté par le Gouvernement. J'espère donc que vous saurez suivre la sagesse de notre assemblée.
L'article 38 prétend assurer l'indépendance de la statistique publique dans notre pays en créant une Haute Autorité de la statistique veillant au respect du code de bonnes pratiques de la statistique européenne.
L'intention est louable car le rôle de la statistique, notamment de l'INSEE, est essentiel. Les résultats de ses études donnent en effet à la population et aux pouvoirs publics des informations qui constituent la base des grandes décisions prises par nos assemblées.
Mais, n'en déplaise à notre collègue Lionel Tardy, je vais évoquer le sujet qui fâche.
Dans les faits, qu'en est-il aujourd'hui de l'indépendance professionnelle consacrée dans le premier principe de ce code ? Où est l'indépendance quand le directeur général de l'INSEE est brutalement débarqué parce qu'il proposait des réformes déplaisant au pouvoir ?
Il est vrai qu'il souhaitait définir un indice du coût de la vie approprié, qui intégrerait les prix, mais aussi les loyers et les factures d'énergie. Intégrer les factures d'énergie, vous rendez-vous compte ? Or le rapport d'information de M. Hervé Mariton, rendu public en avril, prévoit précisément de maintenir le statu quo dans la définition d'un indice des prix pourtant contesté par les statisticiens. Après le débarquement du directeur, avec ce rapport, la boucle est bouclée.
De même, où est l'indépendance professionnelle quand l'INSEE doit annoncer en catimini qu'il renonce à publier son enquête annuelle sur le chômage, à quelques mois de l'élection présidentielle ? Or le même M. Mariton juge regrettable que le débat porte plus souvent sur le taux de chômage que sur les données relatives à l'emploi. Il est vrai qu'il est plus valorisant d'annoncer les nouveaux emplois créés que d'analyser l'effet sur le taux de chômage des vagues de licenciements que connaît notre pays. La boucle est re-bouclée !
C'est dans ce cadre que le présent article crée une Haute Autorité de la statistique afin de veiller, prétend le Gouvernement, « au respect du principe d'indépendance professionnelle dans la conception, la production et la diffusion de statistiques publiques […] ». Mais cette Haute Autorité apportera-t-elle une telle garantie ?
En effet, rien n'est moins sûr, mon cher collègue.
En théorie, cet organisme veille au respect du principe d'indépendance. Mais, dans la pratique, ses attributions ne sont absolument pas définies. Et pour cause : va-t-on créer un corps d'inspection de la statistique publique qui enquêtera sur les réseaux d'influence de tel ou tel ? C'est un décret qui en décidera et l'on peut s'attendre à des compétences des plus floues. Je n'irai pas jusqu'à poser la question : qui va enquêter sur l'indépendance de l'organisme chargé de veiller à l'indépendance de la statistique ? Sans doute un organisme chargé de veiller à l'indépendance de l'organisme chargé de veiller à l'indépendance de la statistique ! On ne s'en sort pas !
La création de cette Autorité n'aurait que peu de conséquences si les attributions du Conseil national de l'information statistique étaient maintenues. Or le CNIS est lui-même menacé.
Auparavant, il coordonnait les enquêtes statistiques et établissait ouvertement un programme d'ensemble. Désormais, il sera un lieu de négociation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique, et, dans un tel contexte, l'on peut s'attendre à tous les arrangements. Les pratiques que j'ai dénoncées dans la première partie de mon propos seront-elles ainsi quasi-officialisées ?
Mes chers collègues, la meilleure garantie de l'indépendance n'est pas de créer un organisme Théodule nouveau qui aurait l'attribution explicite d'y veiller. D'ailleurs, je note que le code des bonnes pratiques de la statistique européenne ne recommande à aucun moment la création d'un tel organisme indépendant. Il préconise que ce soit le chef de l'autorité diffusant la statistique qui veille aussi à son indépendance. Mais la meilleure garantie de cette indépendance est au contraire de fixer de manière claire, sous le regard des citoyens, des orientations conformes aux priorités nationales. L'indépendance de la statistique passe avant tout par un contrôle démocratique sur ses orientations. À défaut, l'influence du pouvoir est toujours possible. Même imparfait, le Conseil national de l'information statistique constituait un tel instrument d'orientation. Or l'on vise, par ce projet de loi, à lui retirer ce rôle.
J'espère vous avoir convaincu – j'y suis bien parvenu sur un autre texte dans cet hémicycle – : au total, la statistique publique sortira de ce texte de loi considérablement affaiblie.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l'article 38 en votant l'amendement qui va suivre.
Je voudrais simplement faire part de mes interrogations, n'ayant pas la prétention d'avoir des réponses, et, par conséquent, encore moins d'en apporter.
Tout d'abord, s'agissant de l'adjectif utilisé, je suis très frappé du fait que l'on ait une propension à qualifier désormais les autorité de « hautes ». Ce besoin d'altitude me conduit à m'interroger sur leur contenu.
Ma seconde question porte sur l'indépendance : qu'est-ce qui garantit l'indépendance de l'institution statistique ?
On le sait bien, le mode de désignation a son importance, ainsi que le mode de financement, mais la pluralité des approches, sinon des sources, est probablement la meilleure garantie d'une certaine proximité avec les critères de vérité que nous recherchons tous.
Je me pose une question simple à laquelle je n'ai pas encore trouvé de réponse : quelles sont les limites du contrôle du contrôle du contrôle des contrôleurs ?
Nous devons essayer de satisfaire aux directives européennes – sur le plan formel ou formaliste – tout en répondant à ces questions de fond. De ce point de vue, madame la ministre, j'attends votre réponse avec beaucoup d'intérêt. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, évidemment d'aucuns peuvent s'interroger sur la fiabilité des chiffres et sur l'indépendance des organismes – cela fait des décennies qu'on le fait. En ce qui me concerne, je m'interroge sur la création d'une nouvelle structure de « Haute Autorité », donc une autorité indépendante. Elle s'ajouterait à la foison des organismes rattachés au Premier ministre ou à tel ou tel ministre, dont le « jaune budgétaire » – produit en complément du budget et en application de la LOLF – établit le recensement.
Pourquoi transformer le Conseil national de l'information statistique ? Par curiosité, j'ai consulté le bilan d'activité du CNIS, censé être renseigné dans le cadre de l'information au Parlement. Le coût de fonctionnement annuel et le nombre de réunions tenues au cours des exercices 2004, 2005 et 2006 n'y figurent pas, et il n'y a aucune observation. En l'état actuel des choses, la loi organique sur les lois de finances reconnaît un droit à l'information des parlementaires, mais le document communiqué par le CNIS n'est pas rempli.
Poussé par la curiosité encore, j'ai regardé s'il existait d'autres organismes du même type dans le « jaune budgétaire ». Un peu plus loin, on trouve un Comité du secret statistique. N'y aurait-il pas une possibilité de regroupement ? Peut-être pourrez-vous nous apporter la réponse ? Ensuite, il existe des organismes plus éloignés, mais dont certains traitent de sujets en liaison avec les compétences statistiques.
Pour ma part, j'aimerais savoir deux choses : que fait l'organisme actuel, par rapport à l'INSEE ? En quoi la nouvelle structure sera-t-elle plus performante et plus transparente à l'égard des parlementaires ?
Pour ces raisons, j'ai voté sans états d'âme l'amendement que Nicolas Forissier aura l'occasion de présenter tout à l'heure au nom de la commission des finances. Cet amendement propose de transformer la structure actuelle, plutôt que d'en créer une nouvelle dont les buts ne me paraissent pas totalement clairs. En tout état de cause, la manière dont les choses ont été gérées jusqu'à ce jour ne me pousse pas à accepter une évolution vers l'inconnu.
Notre débat revêt une certaine importance. Au fond, nous pouvons être en désaccord sur des choix de politique publique, mais il est important de fonder les débats sur une bonne compréhension des phénomènes, sur une juste mesure des choses. Bref : débattons autant qu'on le veut et divergeons autant qu'il est nécessaire sur les politiques à conduire, mais au moins fondons nos débats sur des éléments quantifiés partagés.
C'est le sujet de l'indépendance de notre outil statistique. Sans la remettre en cause sur le fond, les institutions européennes exigent que cette indépendance soit plus explicite. Au vu des débats qui se sont multipliés dans notre pays au cours des derniers mois ou des dernières années, il est aussi utile d'apporter à nos concitoyens des garanties supplémentaires.
Ces réflexions ont inspiré la mission sur la mesure des grandes données économiques et sociales, présidée par Pierre-Alain Muet et dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. Au sein de la mission, nous avons débattu et nous nous sommes parfois opposés sur certains sujets de fond, mais en gardant la volonté de dégager le meilleur consensus sur les conditions de mesure et sur les garanties à apporter à nos concitoyens.
À l'heure d'inscrire l'organisation et l'indépendance statistique dans la loi, il me semble tout à fait important que nous soyons dans cette recherche de consensus. Dans le projet de loi de modernisation de l'économie, sur certains articles, les membres de la majorité peuvent partager certaines options auxquelles les membres de l'opposition n'adhèrent pas. Mais, sur cet article, je crois qu'il est tout à fait essentiel de rechercher l'accord le plus large sur les bancs de notre assemblée, car il s'agit bien d'affirmer et d'organiser l'indépendance de notre outil statistique dans des conditions plus explicites – l'indépendance est établie dans les faits, je le rappelle. Ensuite, sur la base des chiffres qui nous sont livrés et que l'on analyse, mois après mois ou trimestre après trimestre, nous débattrons, nous critiquerons et nous proposerons librement.
La mission a établi un rapport adopté à l'unanimité de ses membres, issus des commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales. Ses travaux ont été présentés aux trois commissions réunies. Dans ce cadre a été élaboré un amendement, qui sera présenté tout à l'heure.
Dans ce débat, la proposition du Gouvernement possède le mérite évident de fournir une réponse à la demande européenne : expliciter et clarifier les conditions d'indépendance de la statistique publique en France. Le Gouvernement propose d'inscrire cette disposition dans la loi, ce qui correspond à l'analyse initiale de la mission.
Cependant, le projet du Gouvernement soulève certaines difficultés déjà évoquées précédemment par quelques collègues, car il prévoit la création d'une autorité administrative indépendante nouvelle. Dans notre assemblée, nous ne sommes pas extrêmement favorables à la multiplication de ces structures nouvelles. (M. Michel Bouvard applaudit.) Ces structures ont leur vie propre. Elles mènent en général assez bien leur mission, mais elles manifestent une fâcheuse tendance à manquer de transparence à l'égard du pouvoir législatif, et font preuve de lourdeur dans certains cas. En outre, l'articulation avec les systèmes préexistants n'est pas toujours claire.
Pour ces raisons, la mission a proposé un dispositif qui nous paraît plus simple. Le Conseil national de l'information statistique serait rénové et rebaptisé Conseil supérieur de la statistique, dont le président serait nommé par le pouvoir exécutif. Un collège d'experts indépendants, intégré à ce conseil, serait chargé de veiller à l'indépendance du travail statistique et de répondre ainsi aux exigences communautaires qui nous sont adressées. Cet organisme unique, le Conseil supérieur de la statistique, cumulerait le travail du CNIS actuel et l'indispensable fonction d'indépendance.
La mission ne prétend pas avoir atteint une vérité définitive, mais la méthode est intéressante. Nous proposons un schéma qui nous paraît opérationnel, simple, qui évite de créer des organismes nouveaux, et qui recueille un consensus élargi aux différents bancs – ce qui me paraît important dans ce débat. La mission comprenait des membres des différents groupes ; ses travaux ont été présentés aux commissions ; et un consensus s'est dégagé sur notre proposition. Fonder cette étape sur un consensus « transpartisan » me paraît important.
Demain, il faudra débattre librement de chiffres en lesquels nos concitoyens ont une complète confiance.
Cette prolifération de hautes autorités de toutes sortes m'interpelle. J'avais cru comprendre qu'il existait une véritable Haute Autorité indépendante dans ce pays, chargée d'une mission de contrôle : l'Assemblée nationale. Or, aujourd'hui, de hautes autorités prétendues indépendantes en hautes autorités indépendantes, nous sommes en train de dessaisir la représentation nationale de ses prérogatives. En démocratie, ce n'est pas tout à fait souhaitable.
Pour ma part, je crois que ces hautes autorités sont parfois nettement superflues et que, en l'occurrence, celle-ci ne s'impose pas forcément. Et permettez-moi une question d'Auvergnat : combien cela coûtera-t-il au contribuable ? (Sourires.)
On nous annonce que cet organisme aura un président ; je ne doute pas qu'il aura des vice-présidents accompagnés de secrétaires, etc. Au moment où nous constatons avec une inquiétude qui croît tous les jours que nos concitoyens n'en peuvent plus de payer des impôts, parce que leur pouvoir d'achat est en chute libre – personne ne peut le contester… (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je comprends que cela ne vous fasse pas plaisir mais, sur certains de ces bancs, d'aucuns commencent à réfléchir, car il faudra rendre des comptes, un jour ou l'autre. Le peuple – encore souverain – s'exprime dans certaines occasions avec une netteté et une brutalité qui peuvent parfois surprendre ! (Mêmes mouvements.)
Je souhaite que l'on simplifie les choses. Par conséquent, je ne voterai pas la création de cette nouvelle haute autorité : elle ne se justifie pas, et elle remettrait en cause l'une des missions essentielles de l'Assemblée nationale et des parlementaires de ce pays, ce qui serait un véritable déni de démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous allons passer à l'examen des amendements.
Je suis saisie d'un amendement n° 937 , tendant à supprimer l'article 38.
Nous pouvons considérer qu'il a été très largement défendu, monsieur Chassaigne. (M. André Chassaigne fait un signe d'assentiment.)
La parole est à M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement.
Pour que le peuple soit souverain, il faut qu'il puisse s'appuyer sur des éléments totalement impartiaux. (« Comme les chiffres du chômage ! » sur un banc du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est pourquoi toutes les démocraties ont eu l'intelligence de créer des autorités indépendantes. Le problème en France est de savoir si elles le sont totalement. Ce n'est pas parce qu'elles sont indépendantes qu'elles ne doivent pas rendre des comptes aux parlementaires, comme l'a souligné M. Piron. La commission est donc défavorable à cet amendement.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
Madame la présidente, permettez-moi de répondre à certaines interventions.
Avec l'article 38, nous inscrivons dans la loi le principe de l'indépendance de l'institut national de la statistique, et nous créons une Haute Autorité. Le terme « haute » convient dans la mesure où cette autorité est destinée…
Vous feriez mieux de ne pas supprimer des postes d'enseignants, plutôt que de créer de nouveaux organismes !
Laissez-moi parler un peu de l'INSEE et de la mesure nécessaire de l'ensemble de nos données, comme le soulignait très justement M. Mariton.
L'adjectif « haute » est considéré comme tout à fait légitime pour signifier le caractère déontologique de l'autorité en question, et l'avis du Conseil d'État a été requis sur ce point.
« Combien qu'ça coûte ? », comme on dirait dans mon pays. Composée de neuf membres, la Haute Autorité se réunira trois fois par an. Elle ne disposera, je m'y engage, d'aucune ligne budgétaire et n'entraînera la création d'aucun équivalent temps plein. Il ne s'agira donc pas d'une énième haute autorité dotée d'un budget de fonctionnement avec équivalents temps plein divers et variés ou encore voitures de fonction, mais d'un comité de neuf sages, qui garantira l'indépendance de l'INSEE.
Comme vous l'avez justement souligné, monsieur le rapporteur, la France est aujourd'hui le seul pays européen à ne pas avoir inscrit l'indépendance de son autorité statistique dans le droit. Le texte vise tout simplement à combler cette lacune. Cela nous a été rappelé par Eurostat et par nos pairs au sein de l'Union européenne : nous devons consacrer l'indépendance de l'organisation afin de garantir l'authenticité et la vérité des chiffres et des instruments de mesure que nous utilisons.
Grâce au présent article, la France se dotera d'un organisme chargé de préparer le programme de travail de la statistique publique : le fameux CNIS, que M. Bouvard évoquait. Il ne rend pas particulièrement compte, dans le rapport adressé au Parlement, de l'ensemble des activités de ses multiples comités. Le CNIS se réunit sous ma responsabilité ; il est composé d'environ cent vingt membres, qui appartiennent tous à différents comités, lesquels représentent à la fois les utilisateurs et les producteurs de la statistique, ainsi que l'ensemble des syndicats et des associations de consommateurs. Divisés en plusieurs autres groupements, ces membres se réunissent régulièrement – pas plus souvent que trois fois par an – pour donner des indications sur les programmes de travail suivis par l'INSEE.
Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée d'intégrer au sein du CNIS cette instance très légère qu'est la Haute Autorité – neuf membres seulement –, dont l'indépendance, qu'elle est chargée de garantir, est par définition le sacro-saint principe. Les missions du CNIS et de la Haute Autorité sont différentes : le premier formule des prescriptions ; la seconde veillera à l'intégrité du système et à son indépendance. Bref, une telle intégration serait matière à conflits d'intérêts. Je ne suis donc pas sûre que l'amendement n° 237 rectifié , que vous avez cosigné, monsieur Mariton, soit approprié. En revanche, votre amendement n° 864 me semble exactement répondre à la problématique que nous avons posée.
Je veux également saluer la qualité des travaux des salariés de l'INSEE, qui se donnent beaucoup de mal pour mesurer des choses très différentes, et sur des échantillons dont la définition est souvent fort compliquée. Lorsque je me suis installée dans mes fonctions, certains chiffres faisaient néanmoins l'objet de contestations. Mais, grâce au travail effectué au sein de l'INSEE sur la base des recommandations du rapport commandé par l'IGF, l'Inspection générale des finances, et l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, les chiffres du chômage, désormais publiés de façon trimestrielle, ne sont plus contestés.
Autre source de contestations : l'indice des prix à la consommation. J'ai demandé la désignation d'une commission pour améliorer le travail qui permet de le définir, avec l'idée d'en extraire les dépenses contraintes.
Ces deux exemples d'amélioration des travaux mis en oeuvre par l'INSEE me paraissent d'ores et déjà témoigner d'un certain degré d'indépendance. L'article 38 vise à consacrer cette indépendance en dotant l'organisme de cette Haute, et néanmoins très légère, Autorité de la statistique : le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 937 , qui vise à supprimer l'article 38.
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Je ne suis pas non plus favorable, madame la ministre, à la suppression de l'article 38.
Vous avez soulevé des questions très importantes. Il est essentiel que l'organisme chargé de la statistique puisse travailler dans des conditions d'indépendance qui ne soient contestées ni par les majorités ni par les oppositions successives.
Une mission d'information, commune à trois commissions de notre assemblée, a été mise en place. Les sensibilités politiques de la majorité comme de l'opposition y étaient représentées. Elle a formulé une proposition consensuelle, approuvée par les trois commissions, par la majorité et par l'opposition. Quelle chance formidable pour le Gouvernement ! J'ai donc un peu de mal à comprendre pourquoi il ne soutient pas cette proposition, si tant est que le travail parlementaire ait un sens et qu'on le juge sérieux.
La définition des outils dépasse les clivages partisans. On peut en effet être en désaccord sur les questions politiques, mais on doit se retrouver sur les outils qui nous permettent d'apprécier correctement une situation…
…et qui devraient nous éviter ces mises en cause permanentes dès qu'une statistique est publiée par un organisme jugé proche de l'exécutif.
C'est pourquoi je trouve formidable le travail réalisé par la mission d'information. Pourquoi donc hésiter à adopter cet amendement de la commission des finances, de M. Mariton et de M. Muet, qui ont travaillé dans un esprit consensuel ? Non seulement leur proposition dépasse les clivages politiques, mais elle rassemble les communautés d'experts de toutes sensibilités. Il y a eu un vrai travail parlementaire, qui a abouti à une proposition consensuelle. Et malgré cela, le Gouvernement estimerait avoir raison contre tout le monde ? J'ai un peu de mal à comprendre, madame la ministre.
Je pense donc que, sur l'amendement n° 237 rectifié , il serait bon de vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Je veux rendre hommage au travail effectué par cette mission « transpartisane », comme certains l'ont appelée. (« Sortez les violons ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Certaines des recommandations de la mission sont reprises : je pense notamment à ce qui concerne le chômage.
Les réflexions de la mission ne portaient pas seulement sur le point dont nous discutons ! Nous sommes d'accord sur le fond. Mais s'agissant de la Haute Autorité, il me semble, je le répète, qu'il y aurait matière à conflits d'intérêts si l'on fusionnait une instance chargée de formuler des prescriptions avec une autre, dont la mission est de veiller à l'indépendance. Il me semble plus judicieux de placer la Haute Autorité, structure légère composée de neuf personnes, totalement indépendante et sans budget, hors de toute structure. Placer l'autorité chargée de veiller à l'indépendance au sein du CNIS, c'est la placer dans un organisme pléthorique, dont la mission première n'est pas de garantir l'indépendance. Ce serait mélanger les genres.
Notre désaccord n'a rien de dramatique : nous sommes d'accord sur l'objectif, sur la nécessité de l'indépendance et sur la création d'un outil qui ne laisse aucun doute quant à la véracité de ses conclusions.
La fonction essentielle du CNIS, madame la ministre, est de donner son avis en cas de doute des statisticiens ou de désaccords des citoyens avec les mesures de certains instituts de statistique. Son rôle est donc bien de conforter l'indépendance d'un institut de statistique.
Nous proposons d'intégrer au CNIS une instance composée de neuf sages, dont deux sont désignés par le Parlement, instance propre à conforter davantage l'indépendance de l'INSEE. L'idée de deux structures séparées est absurde : quand l'INSEE aura deux mesures différentes du chômage, comme cela s'est produit, vers qui se tournera-t-il en cas de doute ? La logique est de créer, au sein du CNIS, une structure de synthèse dont la fonction serait précisément de garantir l'indépendance de l'INSEE. L'indépendance s'exprime au quotidien, madame la ministre. Quant nos concitoyens ne croient pas à la mesure de l'inflation d'un institut, ils doivent pouvoir dialoguer avec les utilisateurs, et cela se fait au sein du CNIS ; il est donc logique que l'autorité chargée de veiller à l'indépendance y soit intégrée.
Je reviens à ce que disait M. le président de la commission des finances. Lorsque nous avons commencé à travailler dans la mission, M. Mariton et moi-même souhaitions d'abord proposer la création d'une haute autorité indépendante. Cependant, l'ensemble des experts que nous avons auditionnés nous ont convaincus de l'intégrer au CNIS, garant de l'indépendance de l'INSEE. Un consensus de l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée, des trois commissions concernées et de toutes les personnes que nous avons consultées s'est ainsi dégagé. Je vous invite, madame la ministre, à consulter à votre tour tous les experts, tous les syndicats, tous les spécialistes de la consommation que nous avons entendus pendant quatre mois : ils vous diront tous de conforter le CNIS et son président, et d'y intégrer l'autorité chargée du respect de l'indépendance. C'est précisément ce que nous proposons.
Comme le disait M. le président de la commission des finances, vous avez la chance d'avoir une recommandation unanime de l'Assemblée. Je ne comprendrais pas que le Gouvernement passe outre.
Je donne acte au Gouvernement de sa volonté d'avancer et de répondre, pour la première fois, à l'exigence d'indépendance de l'outil statistique : c'est une excellente initiative.
Pour autant, madame la ministre, notre proposition me semble meilleure, car elle crée un lien entre les membres du CNIS et ceux du collège d'indépendance. Sur le fond, c'est un enrichissement intéressant. Il est cependant clair dans notre esprit que les questions relatives à l'indépendance seront tranchées par les neuf membres du comité scientifique, et par eux seuls. Loger ce dernier à l'intérieur du CNIS nous éviterait de créer une structure supplémentaire, et permettrait au passage de rénover le CNIS.
L'ensemble des parlementaires, toutes tendances confondues, se félicitent de la création d'une haute autorité indépendante. Comme l'a dit M. le président de la commission des finances, nous en avons besoin pour garantir, sur la méthode comme sur les chiffres, des données totalement impartiales. Le seul problème est de savoir si cette autorité doit se situer en dehors ou au sein du CNIS.
Tous les parlementaires qui ont bien voulu consacrer du temps à la recherche de la meilleure solution, et qui, en toute impartialité, ont auditionné techniciens, experts et personnes concernées, ont compris, alors qu'ils penchaient au départ pour une structure extérieure au CNIS, qu'au nom de l'indépendance et de la lisibilité de cette structure, il était préférable de la placer au sein du CNIS.
Madame la ministre, le rapporteur que je suis se félicite de cette unanimité, non pas de celle qui s'est exprimée contre vous, mais de celle qui a rassemblé trois commissions, composées de parlementaires de tous bords, sur cette notion d'impartialité, tant il est vrai que la subjectivité prend parfois le pas sur ce qui est écrit. Au nom du président de la commission des affaires économiques, qui a approuvé l'ensemble de ces conclusions, je répète que je suis favorable à l'amendement n° 237 rectifié .
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Après le rapporteur et le président de la commission des finances, qui ont développé les arguments techniques, et le rapporteur de notre commission, je voudrais à mon tour saluer cette unanimité. La mission d'information commune, dont vient de parler M. Migaud, est formée de trois commissions : M. Carré et M. Gagnaire représentaient la commission des affaires économiques, et ils ont travaillé ensemble, l'un représentant la majorité, l'autre l'opposition, et ils ont rédigé un rapport, que la commission a approuvé. Il s'agit donc d'une oeuvre commune. Nous retrouvons cette belle unanimité ce soir. La commission des affaires culturelles, présidée par Pierre Méhaignerie, représentée par M. Delatte et M. Rogemont, y est également associée. Chacune des trois commissions qui formait la mission d'information a approuvé le rapport. Il me semblait important, à ce stade du débat, de le rappeler.
Je suis saisie de deux amendements, nos 237 rectifié et 864 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Bien que ces amendements aient été largement défendus, je vais donner la parole à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour soutenir l'amendement n° 237 rectifié .
Notre débat ayant été long et très complet, je ne m'étendrai pas. La commission des finances maintient cet amendement, qui reprend les travaux de la mission d'information commune sur les données économiques et sociales.
Madame la ministre, j'ai bien entendu vos réticences, mais nous souhaitons que cet amendement soit adopté.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 237 rectifié et 864 ?
L'adoption de l'amendement n° 237 rectifié ferait tomber l'amendement n° 864 .
Si nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'indépendance de l'Institut national de la statistique, c'est le Gouvernement qui, pour la première fois, l'a proposé dans le texte initial. Je suis heureuse que tout le monde s'accorde sur ce point.
Le Gouvernement propose aujourd'hui de créer une Haute Autorité de la statistique, monsieur Piron, qui aura pour mission de s'assurer de cette indépendance. C'est sur le positionnement de cet organisme que nous ne sommes pas tout à fait d'accord, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. (« Très bien ! » sur divers bancs.) J'ajoute que j'ai beaucoup d'admiration pour le travail collectif effectué par les commissions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je croyais que tout avait été dit, mais Mme la ministre revient à la charge. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je note que la question de la composition et des attributions, qui ne sont pas évoquées dans le texte initial, le sont dans l'amendement n° 237 rectifié . L'amendement est donc beaucoup plus abouti. Naturellement, si Mme la ministre s'en remet à la sagesse de l'Assemblée, passons rapidement au vote !
Je mets aux voix l'amendement n° 237 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 1220 , qui porte sur la publication d'un rapport annuel de la Haute Autorité, tombe également ?
J'aimerais que vous nous donniez lecture de l'article après l'adoption de l'amendement n° 237 rectifié .
C'est précisément le texte de cet amendement qui devient l'article 38 !
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 38.
Je suis saisie d'un amendement n° 1112 .
La parole est à Mme Frédérique Massat, pour le soutenir.
Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai ensemble cet amendement et les deux suivants, nos 1113 et 1107, dont je suis signataire, avec les membres du groupe socialiste, car ils vont dans le même sens.
Par ces amendements, nous souhaitons attirer l'attention de l'Assemblée sur l'intérêt du télétravail. Nous sommes surpris de constater que ce projet de loi de modernisation de l'économie ne comporte aucun article, ni le moindre paragraphe sur le télétravail, que nous considérons comme l'un des enjeux de la modernisation de notre économie. Où a-t-il sa place si ce n'est dans ce texte ?
Le télétravail présente un certain nombre d'avantages : il réconcilie l'urbain et le rural, la croissance et le développement durable, et cela, bien sûr, dans le respect des engagements du Grenelle de l'environnement.
À l'heure où le prix du baril flambe, il est plus que temps de faire entrer notre pays dans la sphère du télétravail.
Le télétravail répond à des évolutions lourdes, tant sociales qu'économiques, qui se développent massivement et ont pour dénominateur commun la mobilité : physique, des mentalités, mais surtout professionnelle puisque, à une carrière qui se déroule dans une structure stable et protectrice, a succédé une vie professionnelle rythmée par des ruptures géographiques et professionnelles.
Répondre à ces évolutions est devenu une nécessité. C'est un enjeu de développement, car les pays qui sauront intégrer ces contraintes s'adapteront plus facilement à un environnement qui ne cesse d'évoluer, et ceux qui auront opté pour de nouvelles formes d'organisation du travail seront les gagnants de la compétition mondiale.
Voilà qui pourrait être une chance pour notre pays, en particulier pour nos zones rurales. J'ai présenté tout à l'heure des amendements sur le périmètre d'aménagement rural incitatif, et ceux que je défends maintenant vont dans le même sens.
Le télétravail a fait couler beaucoup d'encre et suscité de nombreux rapports, mais à ce jour aucune législation n'a contribué à l'amélioration et au développement du télétravail sur nos territoires. Pourtant, la France est très en retard dans ce domaine, puisque 7 % seulement de travailleurs dans notre pays sont concernés par le télétravail.
Celui-ci a pourtant un certain nombre d'avantages pour une entreprise : productivité accrue, frais de fonctionnement réduits, baisse de l'absentéisme, augmentation du temps réel de travail, amélioration de la motivation, réduction des coûts immobiliers et gain de place dans les locaux de l'entreprise.
Le télétravail contribue à une dynamique de développement favorable au rééquilibrage socio-économique de nombreux territoires, conformément à la politique d'aménagement du territoire. Il peut constituer un élément structurel contribuant à la décongestion des centres urbains et à la revitalisation des zones rurales.
Il permet également de développer l'usage du réseau haut débit, favorise l'accueil de nouveaux actifs et l'accroissement de la population, la diminution des déplacements des salariés, l'embauche de personnes en situation de handicap, le développement de formations spécifiques et de l'emploi pour les femmes en améliorant la flexibilité.
Enfin, le télétravail est en conformité avec le Grenelle de l'environnement puisqu'il réduit les émissions de gaz à effets de serre : en effet, le travail à domicile supprime le temps de transport et l'usage d'un véhicule motorisé pour se rendre au travail.
Ces amendements ont donc pour objet de proposer des dispositifs d'incitation fiscale en faveur du télétravail dans les zones rurales et les territoires qui, du fait de leur enclavement géographique, connaissent une situation économique difficile, comme les zones de montagne.
Le télétravail répond à un objectif « éco-gagnant » pour l'entreprise, les salariés, et notre planète.
Je voudrais dire pour conclure que le département de l'Ariège, département de montagne, s'est beaucoup investi dans ce domaine. Il a notamment mis en place, avec le concours de ses services, des dispositifs propres, et il a mis à la disposition des personnes et des entreprises un réseau haut débit qui assurera bientôt la couverture de tout le département.
Il n'est d'ailleurs pas normal qu'un département pauvre doive seul pourvoir à ces équipements. La solidarité et la péréquation doivent être une fonction première de l'État : il est plus que temps de nous doter de dispositifs capables de les assurer sur tout le territoire, pour que le télétravail puisse se développer dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame Massat, vous avez apporté une réponse en citant l'exemple du département de l'Ariège, qui a effectivement participé au développement du télétravail en développant son réseau haut débit. Car, sans haut débit, le télétravail que vous appelez de vos voeux ne pourra se développer. Mais vous avez omis de souligner que le titre III du projet de loi contribuera au développement du haut débit et du très haut débit.
Si, monsieur Brottes, en milieu urbain comme en milieu rural ! Ce sera plus difficile, mais il y a bien d'autres systèmes que la fibre optique pour développer le télétravail.
C'est vrai, le télétravail a fait l'objet de nombreux rapports, qui ont montré qu'il n'a pas que des aspects positifs d'un point de vue humain. Mais vous ne pouvez pas nier que, depuis un certain nombre d'années, le télétravail se soit considérablement développé en France.
Faut-il pour autant prévoir une incitation au télétravail dans une loi qui, encore une fois, ne manquera pas de favoriser son développement puisqu'elle contient des mesures en faveur du très haut débit ?
La commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'ensemble de vos amendements, d'abord parce qu'une incitation fiscale devrait figurer dans la loi de finances, ensuite parce que ce n'est pas nécessaire pour un dispositif qui servira de toute façon l'intérêt des entreprises, et parfois – j'attire votre attention sur ce point – celui des salariés.
Avis défavorable, pour les raisons que vient d'évoquer M. le rapporteur.
Je rappelle à Mme Massat que nous avons adopté hier un amendement majeur pour nos territoires ruraux : il s'agit du déploiement d'un réseau rural 3G et 3G plus, qui assurera un débit de trois mégabits, très favorable au télétravail.
Je mets aux voix l'amendement n° 1112 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 1113 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 720 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour le soutenir.
Avis favorable.
J'ai bien entendu Laure de La Raudière évoquer le problème du réseau haut débit, mais les amendements que j'ai défendus concernaient surtout la faculté que pourraient avoir les entreprises à développer le télétravail. Il y a, certes, la question de l'irrigation du réseau haut débit sur tout le territoire, mais il me semble que, pour nos territoires ruraux, dont la capacité de développement est faible, le télétravail peut constituer un axe de développement économique particulièrement approprié.
Le département de l'Ariège a fait un travail considérable en la matière, et il l'a fait seul. Aujourd'hui, le télétravail peut être un vecteur de développement, notamment pour nos territoires ruraux.
Nous abordons maintenant les dispositions du titre IV du projet de loi.
Cet amendement a été adopté par la commission des finances, à la suite d'une proposition de M. Baert, qui a lui-même déposé un amendement identique. Il vise à obliger les établissements de crédit à rendre public, chaque année, un rapport sur les crédits octroyés aux PME.
À titre personnel, je ferai deux remarques. Cet amendement a été adopté au début de notre discussion en commission des finances, et il a été ensuite satisfait par d'autres amendements. Je rappelle notamment que nous proposons – mais j'y reviendrai – un amendement permettant de disposer d'un rapport précis sur l'utilisation des fonds non centralisés par les banques en fonction des obligations que nous indiquons.
Par ailleurs, le Gouvernement m'a fait savoir que l'objectif, proposé dans notre amendement initial, était satisfait. J'attends la réponse de Mme la ministre, mais je tenais à apporter ces précisions, qui relativisent la portée de l'amendement.
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour soutenir l'amendement n° 801 .
Comme l'a dit le rapporteur pour avis, notre amendement a été déposé à l'initiative de M. Baert.
Les articles 39 et 40, que nous allons examiner bientôt, contiennent des dispositions relatives au livret A. Il n'en demeure pas moins que nous ne connaissons toujours pas le montant exact des crédits octroyés aux PME. Nous en reparlerons tout à l'heure, mais, lorsque j'ai défendu, au nom de mon groupe, la question préalable, je vous ai demandé, madame la ministre, de nous communiquer le montant des crédits octroyés aux PME au titre du Codevi, désormais connu sous l'appellation de « livret de développement durable ». Or nous ne connaissons toujours pas ces sommes. Je rappelle que 9 % seulement de ces crédits sont aujourd'hui centralisés et 91% décentralisés. Nous aimerions savoir quelle somme est réellement consacrée au financement des PME. Je vous rappelle que, lorsque nous avons voté la loi, le Codevi, devenu livret de développement durable, devait d'abord servir à financer les PME-PMI.
L'amendement de notre collègue, adopté en commission, permettait de remédier à ce manque d'information. Je ne suis pas opposé à certaines avancées en la matière, mais il faut tout de même que l'on sache de quoi l'on parle !
Je voudrais apporter quelques précisions à M. le rapporteur pour avis et à M. Balligand.
Vos amendements prévoient d'obliger les établissements de crédit à rendre public annuellement un rapport détaillant les prêts qu'ils octroient aux petites et moyennes entreprises. Nous avons le même souci. Le Premier ministre a réuni, en octobre 2007, l'ensemble des établissements bancaires à la suite de la crise des subprimes de l'été dernier, pour leur demander d'être particulièrement attentifs aux crédits accordés aux petites et moyennes entreprises. Nous leur avions demandé à l'époque de nous tenir informés chaque mois de l'état des encours auprès des PME.
Si vous consultez mon site Internet, dont je fais la mise à jour tous les mois au fur et à mesure de celles faites par les banques, vous y trouverez les encours exacts de chacune des grandes banques françaises auprès des petites et moyennes entreprises. Cela nous a permis de constater, contrairement à ce que l'on entend dire, qu'ils avaient tendance à augmenter. Je vous remets, monsieur le rapporteur pour avis, une version papier des informations que vous pouvez trouver sur mon site.
Monsieur Balligand, vous m'avez interrogée sur le montant des prêts octroyés aux petites et moyennes entreprises au titre du Codevi. Aux termes du décret applicable en la matière, 70 % des sommes collectées par le Codevi devraient être consacrées au financement des PME. Selon un rapport de l'IGF – l'inspection générale des finances – de fin 2007, seulement 55 % des sommes collectées sont consacrées aux petites et moyennes entreprises. J'ai donc écrit aux banques, en leur rappelant l'obligation de leur consacrer 70 % de ces sommes. À l'occasion de la réforme que nous mettons actuellement en place, il faudra réécrire le décret afin de renforcer les obligations des banques pour financer les petites et moyennes entreprises. C'est un vrai sujet, qui mérite une mise à jour.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
La réponse de Mme la ministre étant tout à fait complète, je retire l'amendement n° 238 .
De nombreux orateurs sont inscrits sur l'article 39. Je demande donc aux intervenants de respecter leur temps de parole.
La parole est à M. Damien Meslot.
L'article 39, que nous examinons à présent, propose d'étendre le livret A à tout établissement de crédit habilité et non plus seulement à la Banque Postale, aux caisses d'épargne et au Crédit mutuel, comme c'est le cas actuellement. Le livret A est une institution et c'est le produit d'épargne préféré des Français : ils sont 47 millions à en posséder un, rémunéré à 3,50 %. En votant cet article, nous permettrons de doubler le nombre d'agences bancaires pouvant proposer un livret A à leurs clients, passant ainsi de 22 000 à 44 000 établissements à partir du 1er janvier 2009.
Vos vociférations n'y changeront rien ! Les chiffres sont têtus, mes chers collègues !
Je me réjouis de cette extension, qui permettra de corriger une inégalité de l'offre auprès des consommateurs. Il n'était pas normal que seules trois banques bénéficient d'un monopole d'un autre âge dans la distribution de ce produit.
Je me félicite aussi que les conditions de détention d'un livret A ne changent pas pour les épargnants. Son obtention restera gratuite, les sommes placées disponibles à tout instant et il restera totalement défiscalisé.
Par ailleurs, cette réforme permettra de renforcer le financement du logement social.
Les sommes collectées sur le livret A par l'ensemble des établissements bancaires seront toujours centralisées auprès des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations pour financer les prêts au logement social. Il est notamment prévu à l'article 39 que le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable soit fixé de façon que les ressources centralisées dans les fonds d'épargne soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social par la Caisse des dépôts et consignations.
Enfin, un observatoire de l'épargne réglementée est créé et chargé de suivre la mise en oeuvre de la généralisation et de la distribution du livret A, notamment son impact sur l'épargne des ménages, sur le financement du logement social et sur le développement de l'accessibilité bancaire.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je voterai cet article, qui restaure l'égalité bancaire sur ce produit et permet au consommateur de trouver là un dispositif d'épargne souple et accessible à tous.
Madame la présidente, vous avez à juste titre souligné l'importance de l'article 39 et nous vous serions reconnaissants de nous accorder le temps nécessaire pour aller au fond de ce débat, qui va nous permettre de discuter du livret A. Celui-ci a, depuis presque deux siècles, joué un grand rôle pour nos concitoyens et pour la République. Quelles que soient les modifications que l'on souhaite y apporter, le livret A doit, selon nous, perdurer.
Le livret A, c'est l'épargne populaire ; c'est l'accessibilité bancaire ; c'est le financement du logement social. Son histoire est ancienne et elle a marqué autant nos concitoyens que nos grandes institutions : La Poste, la Caisse d'épargne, le Crédit mutuel. Elle a aussi accompagné l'ensemble des opérateurs du logement social. Madame la ministre du logement, il est heureux que vous soyez parmi nous ce soir. Le débat sur le livret A donnera lieu à des interrogations, car le doute nous habite quant aux capacités que l'État veut préserver pour financer le logement social. Il aura été inutile d'avoir voté une loi au cours de la précédente législature et d'en prévoir d'autres si nous ne parvenons pas à admettre que le logement social est d'abord une question de moyens et que, au coeur de cette stratégie d'État, il est impossible qu'il n'y ait plus le financement particulier qu'offrait le livret A.
Le dispositif, assez simpliste, mis en place dès 1816 – et en 1837 pour ce qui est de la centralisation –, proposait quelque chose d'incroyable : accessibilité sur tout le territoire grâce à la poste, ouverture d'une épargne populaire sans limite de dépôt préalable, centralisation auprès de la Caisse des dépôts, garantie de l'État pour préserver à tout moment la disponibilité des dépôts – et quelle importance pour nos concitoyens que cette disponibilité ! –, engagement d'une grande partie de ces fonds dans la construction et la réhabilitation de logements sociaux, dans la politique de la ville, le renouvellement urbain et, je tiens à le rappeler parce qu'on a tendance à l'oublier, dans l'ingénierie sur les stratégies de quartiers, garantie de l'usage de ces fonds par la CGLLS – la caisse de garantie du logement locatif social – en ce qui concerne le logement social. Cette simplicité, que nous devons tenter de préserver tant elle est extraordinaire au regard de la complexité de nos lois actuelles, a eu pour corollaire une remarquable efficacité.
Aujourd'hui, on nous demande de revisiter cette architecture, au nom de principes émanant de directives de l'Union européenne, pour nous conformer aux exigences de la Commission, s'agissant du monopole de la distribution. Le Gouvernement de la République a formulé un recours, sur les notifications qui lui ont été faites.
Quand on saisit une juridiction, pourquoi ne pas attendre qu'elle rende sa décision ? C'est ma première question. Pourquoi n'avons-nous pas attendu de connaître le sort fait au recours que la République française et son Gouvernement avaient formulé en toute pertinence ?
Car d'autres ont formé le même recours. Non seulement celui-ci ne sera pas interrompu par l'adoption du projet de loi, mais vous donnerez à la juridiction saisie l'occasion de vérifier si la législation française ainsi modifiée correspond aux prescriptions de la Commission, ce qui sera intéressant. Nous verrons, alors, si le Gouvernement a opté pour la bonne stratégie en faisant preuve d'une telle précipitation. Car déjà s'expriment des doutes sur la conformité de votre réforme avec la législation européenne sur la concurrence.
La Commission européenne ne vous a rien demandé d'autre que de mettre fin au monopole de la distribution. Jamais elle n'a évoqué le problème de la centralisation des fonds collectés, ni celui de la rémunération des opérateurs bancaires. Elle reproche même au Gouvernement de ne pas l'avoir associée à sa démarche et de passer par pertes et profits les services d'intérêt économique général auxquels concourt le livret A dans sa conception actuelle.
Pas du tout !
Je reviendrai sur tous ces points lors de l'examen des amendements. Mais je tenais à planter le décor, et à montrer que la précipitation du Gouvernement dissimule d'autres stratégies que la seule réorganisation du livret A. Il faudra bien, mesdames les ministres, que vous les mettiez sur la table si vous souhaitez que nous accompagnions la réforme entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La Commission européenne avait en effet demandé en 2007 qu'il soit mis fin aux droits spéciaux dont bénéficient la Banque Postale, les Caisses d'épargne et le Crédit mutuel pour la distribution du livret A et du livret Bleu. Mais – et notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec l'a rappelé à juste titre –, en aucun cas elle n'a demandé que soit remise en cause la centralisation des ressources aux fonds d'épargne de la Caisse des dépôts. Le Gouvernement va donc très au-delà de ce qui lui a été demandé.
La réforme modifie ainsi les conditions de mise en oeuvre de deux services d'intérêt général dont la Commission elle-même reconnaît l'intérêt, l'accessibilité bancaire et le financement du logement social. Le système en vigueur, que vous voulez largement remettre en cause, s'est pourtant révélé aussi sûr qu'efficace. Cela est dû, bien sûr, à la popularité du livret A, l'association de l'épargne des plus modestes à celle des ménages aisés garantissant la stabilité de la collecte, mais aussi à l'indépendance de la Caisse des dépôts et au système de garantie propre au logement social, assuré par la CGLLS. La déconnexion des marchés financiers internationaux protège également le réseau de leur volatilité et lui permet des investissements de très long terme.
Certes, dans un premier temps, on peut escompter un maintien, voire une augmentation des sommes collectées, mais la réforme met la ressource en danger en laissant une part variable des fonds à la disposition du secteur bancaire, mettant ainsi en concurrence les besoins en liquidités des banques et ceux du logement social. Le plancher fixé par le projet de loi ne devrait pas suffire à éviter une baisse importante des sommes centralisées.
Par ailleurs, en confiant à la seule Banque Postale le soin d'assurer le service d'accessibilité bancaire, la réforme risque d'entraîner une spécialisation des réseaux par type de clientèle, mettant ainsi à mal l'unicité du produit et son caractère à la fois populaire et stable. Dans un entretien publié dans la presse, M. Peyrelevade, ancien directeur du Crédit lyonnais – et qui avait pourtant plaidé à ce titre en faveur d'une distribution plus large du livret A –, critique le système proposé, notant qu'il représenterait chaque année pour les banques un gain de 1 à 2 milliards d'euros de résultat supplémentaire. En effet, avec un taux de centralisation de 70 %, le montant des fonds non centralisés se situerait entre 60 et 70 milliards d'euros. La réforme que vous proposez – et que M. Peyrelevade a pu qualifier d'« illisible » – est donc susceptible de servir un certain nombre d'intérêts, mais sûrement pas celui du logement social.
Nous avons du mal à comprendre la logique poursuivie par cette réforme.
Comme Jean-Pierre Balligand l'a démontré en défendant la question préalable, cette réforme n'est pas imposée par l'Europe. (« Mais si ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'ailleurs, tous les Européens convaincus qui siègent sur ces bancs – soit au moins l'ensemble des députés du groupe SRC – regrettent que l'Europe serve si souvent de prétexte pour imposer une politique.
Si rien n'oblige le Gouvernement à agir comme il le fait, quels sont donc ses objectifs réels ? Que reproche-t-on au dispositif actuel ? Notre collègue de l'UMP a parlé d'un monopole sur la distribution détenu par quelques organismes bancaires, mais ce monopole concerne tout de même près de 50 millions de citoyens de notre pays…
…et je n'ai pas le sentiment qu'ils s'en plaignent. Alors que le dispositif actuel est transparent et efficace, celui que vous proposez est, lui, flou et compliqué. Ainsi, pour ce qui concerne le livret de développement durable, le taux de centralisation passerait de 9 % à 70 %, tandis qu'il serait ramené de 100 % à 70 % pour le livret A. Et ces chiffres ne sont pas définitifs.
C'est un véritable cadeau qui est fait aux organismes bancaires, un produit d'appel qui leur permettra de proposer d'autres formes d'épargne, au risque de siphonner, au détriment du logement social, l'argent collecté à travers le livret A. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le texte ne prévoit pratiquement aucun garde-fou. Or si, à court terme, on peut s'attendre à ce que le système ne subisse pas de modifications profondes, personne n'est en mesure de prévoir ce qui se passera au-delà, qu'il s'agisse de la centralisation ou de l'accessibilité bancaire.
Rien, au fond, ne justifie donc cette réforme, qui aurait d'ailleurs trouvé une meilleure place dans le projet de loi que Mme Boutin devrait nous proposer un jour ou l'autre. Le système actuel assure une collecte centralisée, abondante et stable, susceptible de financer le logement social au meilleur taux, sans discrimination, en tout point du territoire. Mais la réforme engagée ne garantit en rien la pérennité de ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cela fait maintenant un an que votre gouvernement utilise sans modération le terme un peu flou de « modernisation » pour faire passer ses réformes, …
…en laissant penser aux Français qu'elles seront sans conséquences, notamment pour les plus modestes. En réalité, derrière ce mot se cache le plus souvent des objectifs inavoués (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), comme celui de mettre à mal des acquis et des particularismes de notre société.
Le livret A, symbole de l'épargne populaire depuis 1818, en fait partie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous répondez si rapidement aux injonctions de Bruxelles que l'on en vient à se demander si elles ne tombaient pas à point nommé, vous permettant ainsi d'offrir aux banques, qui connaissent actuellement une grave crise de liquidités, un véritable cadeau.
Non, ce n'est pas hors sujet ! Le livret A est plus qu'un produit d'épargne populaire. Il constitue un outil permettant la mise en oeuvre d'un véritable service public. Or la banalisation de sa collecte et de sa distribution, telle que vous la concevez, fait peser trois menaces.
C'est d'abord une menace pour l'accès bancaire des plus modestes.
Rappelons que cinq millions de nos compatriotes sont concernés par l'exclusion bancaire et que deux allocataires de minima sociaux sur dix ne possèdent ni chéquier, ni carte de paiement. La Banque Postale compte ainsi 1,2 million de clients particulièrement vulnérables. La moitié des livrets qu'elle gère présentent d'ailleurs un solde inférieur à 150 euros. En revêtant les caractéristiques d'un compte courant, le livret A demeure le dernier outil de lutte contre l'exclusion sociale disponible pour ces foyers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Demain, avec votre réforme, le livret A sera un produit d'appel pour les autres banques.
Elles capteront les clients les plus aisés pour les orienter vers d'autres placements, plus rémunérateurs. Les Caisses d'épargne et la Banque Postale, qui, elles, ne pratiquent pas l'exclusion, auront-elles longtemps la capacité de n'accueillir que les plus modestes ?
La banalisation du livret A constitue également une menace pour les territoires. Présente partout en France, y compris dans les zones rurales ou les quartiers sensibles, la Banque Postale assure une véritable mission de service public. Si, demain, elle devait voir diminuer le volume global des fonds inscrits sur les livrets qu'elle gère et rester cantonnée à l'accueil des clients les plus fragiles, qu'adviendrait-il de son réseau ? Qu'adviendrait-il des foyers en difficulté économique ? La Caisse d'épargne évoque, quant à elle, la suppression à terme de 1 000 agences – soit de cinquante à soixante agences par région –, ce qui fait que 4 000 postes pourraient être menacés.
Arrêtez de dire n'importe quoi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Enfin, votre réforme menace le financement du logement social.
Dans un contexte de crise sans précédent du logement, et alors que chacun s'accorde à dire que le système de financement actuel, considéré comme l'un des meilleurs en Europe, doit être pérennisé et renforcé, votre projet peut en compromettre l'équilibre général. Il va même très certainement aggraver la crise. Demain, les volumes financiers disponibles seront-ils toujours suffisamment importants pour permettre des prêts à très long terme et financer la construction de logements sociaux ?
Seront-ils exclusivement réservés à cet emploi ? On peut légitimement en douter, comme en doutent également certains acteurs du logement social, et plus particulièrement l'Union Sociale pour l'habitat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La captation d'une partie de l'épargne populaire – notamment celle des livrets A les mieux dotés –, détournée vers d'autres produits plus rémunérateurs, conduira de facto à réduire les volumes financiers disponibles.
Enfin, concernant l'emploi des fonds d'épargne, votre projet de loi prévoit, à l'heure où plus d'un million de Français sont en attente d'un logement social, que seulement 70 % de ces fonds seront centralisés et affectés à ce secteur.
Mesdames les ministres, il semble qu'il soit plus facile pour vous de décréter un droit opposable au logement que de préserver et de renforcer les moyens d'en construire !
Pour toutes ces raisons, je refuserai de voter cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Après avoir « modernisé » les relations entre les auto-entrepreneurs et l'administration et avant de « moderniser » les règles d'implantation des grandes surfaces et les conditions générales de vente, le temps est venu pour nous de débattre de la modernisation du livret A !
Mme Dumont avait raison et c'est la raison pour laquelle vous avez tant crié. Vous frôlez l'overdose de modernisation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le fait d'utiliser ce terme à hue et à dia vous fait tourner la tête. Nous admirons tous, madame la ministre – et nous l'envions même –, votre maîtrise de l'anglais.
Cela n'excuse en rien les libertés que vous vous prenez avec la langue française. Mais, je vous rassure, ce mal touche apparemment tous les membres de la majorité !
Quel exemple plus significatif y a-t-il que la réforme du livret A ? Ainsi, vous parlez de sa généralisation et, bien sûr, de sa modernisation. Or nous constatons tout simplement sa casse et la décentralisation de sa collecte. Vous parlez d'une « réforme au service de l'économie ». Nous constatons tout simplement une réforme au service des banques privées. À moins que, pour vous, économie et banques ne signifient la même chose ! Vous ne cessez de jouer avec les mots, madame la ministre. Ne serait-ce pas pour masquer tout simplement vos réelles intentions ?
En réalité, vous vous soumettez au diktat de Bruxelles, qui, en réponse à une plainte déposée par quatre banques françaises, a, dans sa décision du 10 mai 2007, ordonné la fin du monopole de la Banque Postale, du Crédit Mutuel et de la Caisse d'épargne sur la distribution du livret A. Quelles sont les motivations de la décision de la Commission européenne ? En premier lieu, elle « considère que les droits spéciaux sur la diffusion du livret A ont un effet restrictif sur le déroulement de la concurrence dans le secteur bancaire ». Autrement dit, Bruxelles demande à la France de démanteler son système d'épargne populaire, dont les origines remontent à 1818, avec la création de la Caisse d'épargne de Paris, au nom du respect de la concurrence. Nous sommes en plein dogmatisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cet article 39 tend à transformer un système apprécié (Mêmes mouvements)… Je vais répéter, car je pense que vous n'avez pas entendu, parce que vous criez comme des gorets ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Poursuivez, mon cher collègue ! Ne vous laissez pas impressionner ! Cela ne vous ressemble pas ! (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La bonne foi de la majorité nous impressionne tous énormément ! (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cet article tend à transformer un système apprécié dont l'efficacité dans le financement du logement social n'est pas contestée. Comme l'a rappelé notre éminent collègue Jean-Pierre Balligand en défendant sa motion de procédure, les prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignations constituent près des trois quarts du financement du logement social. Au nom de la concurrence, vous êtes prêts, non pas à construire, mais à tout démolir, alors même que le Conseil de l'Europe « épingle » la France pour l'«insuffisance manifeste» de l'offre en logements sociaux accessibles, ce qui constitue une violation de la Charte des droits sociaux !
En outre, madame la ministre, vous dépassez les attentes de Bruxelles. En programmant la décentralisation des sommes collectées via le livret A, soit près de 130 milliards d'euros, vous offrez aux banques des milliards en liquidités, cadeaux plus que bienvenus en ces temps de crise financière mondiale et vous privez les Français détenteurs d'un livret A de la garantie de l'État sur 30 % des sommes déposées !
Est-ce cela votre conception de l'égalité, madame Lagarde ? Est-ce cela votre conception, chers collègues ?
Cette réforme est d'autant plus injuste qu'elle représente une menace réelle pour le logement social en France.
Le scénario est déjà tout tracé, comme pour le livret de développement durable – l'ancien Codevi – : les banques vont progressivement détourner l'argent des livrets A, soit en revendiquant leur droit à gérer elles-mêmes les sommes qu'elles collectent, soit encore en réorientant les livrets A les plus fournis vers des placements spéculatifs plus rentables. Vous ne réagissez pas parce que vous êtes convaincus de ce que je dis ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il faut conclure, mon cher collègue ! Vous avez largement dépassé votre temps de parole !
Enfin, la réforme du livret A aurait a elle seule mérité un débat et la présence de Mme Boutin ne légitime en rien votre action. Vous faites le choix de démanteler le livret A et de ne plus garantir qu'à 70 % les sommes collectées, vous créez une banque pour pauvres, quitte à stigmatiser des millions de Français et à mettre en danger le financement du logement social.
Au final, cette réforme est l'illustration parfaite de la dynamique de l'action gouvernementale : des milliards pour les riches ou les banques, et des clopinettes pour des millions de Français !
L'équation est simple ! Mais vous vous en doutez, elle ne saurait bénéficier du soutien des députés communistes et républicains, qui voteront bien entendu contre cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Deux expressions résument le contenu de cet article : banalisation de la distribution du livret A et remise en cause de la centralisation des fonds. Derrière ces termes techniques se cachent des enjeux politiques extrêmement importants. En effet, vous vous attaquez ici au pilier de l'épargne populaire, qui est utile pour les épargnants et pour le financement du logement social, en tant que mission sociale centrale de l'État.
Vous vous référez aux injonctions communautaires pour justifier cette réforme et, pourtant, vous les outrepassez largement. En fait, vous profitez des décisions européennes pour mieux démanteler notre système économique. Ainsi, alors que la décision de la Commission européenne concerne la généralisation du livret A à toutes les banques, vous en décentralisez également la collecte. Ce faisant, vous offrez dans ce texte un cadeau phénoménal aux banques privées, soit 30 % des sommes collectées ! Même Neelie Kroes n'est pas dupe, puisqu'elle a dénoncé une instrumentalisation de l'Union européenne !
Pourquoi avoir mis à mal la centralisation de la collecte, pourtant non exigée par les institutions européennes ? Serait-ce que le logement social n'a plus besoin d'un soutien fort ? Se porterait-il si bien dans notre pays pour que l'on puisse faire le choix de détourner une partie des fonds qui lui sont destinés ? Une pétition a été lancée par le mouvement HLM pour protester contre cette décision concoctée avec le seul secteur bancaire. L'adoption de la loi sur le droit au logement opposable a bien montré que les besoins étaient croissants et, pour une large part, insatisfaits ! D'ailleurs, pas une seule réunion n'a été organisée avec les associations de consommateurs et avec les représentants des organismes HLM. La voix de ces institutions, pourtant plus proches de la France qui se lève tôt que des banquiers, n'intéresserait-elle donc plus le Gouvernement ?
Cet article 39 favorise, en fait, vos amis banquiers, qui disposeront d'un supplément certain de liquidités dans un contexte bancaire déstabilisé.
Vous engagez là votre responsabilité sur un sujet sensible. Cette réforme serait en effet catastrophique pour le financement du logement social qui repose sur la centralisation des fonds par la Caisse des dépôts et consignations, chargée d'accorder aux organismes construisant ces logements des prêts de longue durée, à des taux compatibles avec des loyers modérés. Avec l'article 39, son avenir n'est plus assuré.
En outre, un autre point nous inquiète. Qu'en sera-t-il, avec le nouveau système ainsi créé, de la garantie de sécurisation de l'épargne populaire ? En effet, seuls les 70 % transférés à la CDC assureront aux épargnants une réelle garantie de sécurité. Ainsi, 30 % des sommes ne remonteront plus à la CDC, de sorte que la garantie de l'État pourrait ne plus jouer. Les crises bancaires récentes ont pourtant montré la volatilité de certains fonds bancaires et les conséquences néfastes pour les petits épargnants !
Quelles garanties avons-nous, enfin, sur la qualité des prestations bancaires dont bénéficient actuellement les quarante-six millions de détenteurs d'un livret A ? Ce livret contribue à l'accessibilité bancaire de nombreux ménages qui n'ont pas la possibilité d'ouvrir un compte courant.
Vous mettez en avant la charte de bonne conduite qui suivra l'adoption de cette loi, mais elle n'aura aucune valeur contraignante pour les banquiers ! Les chartes sociales ou environnementales signées par de nombreuses entreprises donnent une idée de l'effet réel qu'elles peuvent avoir sur les pratiques des entreprises. Si leur signature suffisait à assurer le respect du droit du travail et de l'environnement par les grandes entreprises, les maux qui touchent aujourd'hui le monde du travail seraient sans doute résolus !
Le collectif « Pas touche à mon livret A » rappelle fort justement que la décision de la Commission relative à ce livret n'est pas assortie d'une injonction-sanction. Le Gouvernement dispose donc du temps nécessaire pour organiser, avec l'ensemble des experts du secteur, une large concertation afin d'améliorer le financement du logement social et les conditions de l'accessibilité bancaire.
Renoncez, mesdames les ministres, à cette réforme hâtive et dangereuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il y a quelques minutes, vous étiez, mesdames les ministres, assises sur le même banc. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Mme la ministre du logement rejoint le banc de Mme la ministre de l'économie.) Il est trop tard, madame Boutin ! (Rires.) Nous avons alors pensé que vous aviez peut-être des intérêts communs. Puis, madame Boutin, vous avez changé de banc et je me suis alors dit que des intérêts divergents commençaient à apparaître !
Madame la ministre du logement, vous avez été, voici peu de temps, rapporteure du projet de loi sur le droit au logement opposable. Nous avons alors connu de belles batailles pour offrir un logement à toute personne qui en a besoin, quel que soit son niveau économique, social ou culturel, et qui en fait la demande. On pouvait alors affirmer que la République se donnait enfin les moyens de répondre à une vraie solidarité ! Vous avez aujourd'hui des responsabilités ministérielles. Vous pouvez donc mesurer les besoins en matière de financement de logements classiques, de PLAI et de dispositifs spécifiques en faveur des populations fragilisées. Or vous savez mieux que personne aujourd'hui qu'on a asphyxié certains financements. Le 1 % a été « siphonné » au bénéfice de l'ANRU, cette rénovation urbaine dont nous avons pu encore mesurer, ce matin, les retards, les coûts, et la diminution des enveloppes destinées à des projets essentiels.
Ce 1 % abondait des plans de financement pour mieux répondre aux besoins et, surtout, faire en sorte que le loyer de sortie corresponde à la capacité économique et financière de celui qui souhaitait un toit.
Madame la ministre, le livret A répondait depuis si longtemps à ces besoins ! On a souvent critiqué la Caisse des dépôts et consignations. Les gouvernements successifs considéraient que le taux d'intermédiation supérieur à 1,4 % était trop élevé. Aujourd'hui, le taux de commissionnement – inscrit dans la loi – sera de 0,6 %, et il pourra même atteindre 0,4 % ! Lorsqu'il était, à l'époque à 1,4 %, on considérait cela comme impossible, car on risquait de perdre de l'argent, et il devient aujourd'hui une « excellente affaire » à 0,6 % ! Cherchez l'erreur !
Madame la ministre Boutin, si les amendements proposés sur tous les bancs de cette assemblée et tendant à rectifier les erreurs contenues dans cet article ne sont pas adoptés, vous serez, dans quelques semaines ou dans quelques mois, la victime de votre voisine, qui n'est simplement aujourd'hui que la voix de Bercy : l'État ne financera plus le logement.
Si vous avez besoin d'un logement, tournez-vous vers la région, l'EPCI, voire le département ! Il est vrai que, à une époque, on ne s'adressait pas à la Caisse des dépôts : le marché financier était tel qu'il permettait de consentir des prêts. Cela n'a été qu'une parenthèse. Mais à l'heure où l'ingénierie financière devient de plus en plus complexe, où le compactage des prêts et la renégociation de la dette exigent des interventions financières fortes, on assèche l'épargne populaire, laquelle deviendra un simple produit d'appel.
Dans combien de guichets bancaires proposait-on d'autres produits défiscalisés qui allaient rapporter de l'argent !
Cette banalisation, qui va au-delà des exigences de la Commission, a un seul objectif. Ce matin, dans une grande institution, était présenté le tableau des banques ayant perdu quelques milliards de dollars avec les subprimes. Comme par hasard, on y trouve des banques qui ont dénoncé à Bruxelles un monopole exorbitant et attendent avec impatience ce cadeau royal de 30 %.
Si vous étiez moderne, madame la ministre de l'économie, si vous étiez libérale, vous auriez utilisé la technique de l'adjudication. À une certaine époque, on adjugeait les prêts à taux bonifié pour les jeunes agriculteurs. On trouvait cela moderne et efficace et l'État y gagnait même un petit peu. Aujourd'hui, pas d'adjudication, pas de quantum ! Vous proposez simplement une banalisation, avec comme seul objectif de servir les banques, au détriment du logement social, au détriment des politiques qui permettront demain à des gens de trouver un logement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il faut conclure, mon cher collègue. Vous aurez l'occasion de vous exprimer de nouveau très largement.
Madame la présidente, vous ne m'auriez pas interrompu, j'en aurais déjà terminé. (Rires.)
Je vous ai laissé vous exprimer. Vous avez dépassé votre temps de parole de plus d'une minute trente et je suis sûre que la discussion de cet article sera très longue.
La parole est à M. Marc Dolez.
Mesdames les ministres, la gravité du sujet que nous évoquons maintenant exigerait que vous répondiez de manière très précise aux interpellations nombreuses que nous vous adressons avec beaucoup de force et, veuillez le croire, beaucoup de conviction.
L'article 39 est censé répondre à une décision, à un ultimatum, dirai-je, de la Commission européenne.
Contre cette décision, le Gouvernement de la République a déposé le 23 juillet dernier un recours devant le tribunal de première instance de Luxembourg.
Nous ne comprenons pas que vous n'attendiez pas la décision du tribunal, que vous ne défendiez même pas ce recours. Si vous l'avez déposé au mois de juillet dernier, faisant peut-être écho à certains propos du Président de la République pendant la campagne de l'élection présidentielle, il faut aller jusqu'au bout de la démarche.
Or, non seulement vous n'attendez pas la décision, mais vous allez au-delà des recommandations de la Commission de Bruxelles.
Cet article 39, qui organise la banalisation du livret A, pose de graves questions sur l'accessibilité bancaire, mais aussi sur le financement du logement social.
Sur l'accessibilité, personne ne doit se faire vraiment d'illusions. Chacun sait bien que les banques ne voudront pas de ce que j'appellerai volontiers les « petits » livrets A,…
…considérés comme non rentables, appartenant à des personnes ayant peu de ressources et qui s'en servent d'ailleurs la plupart du temps comme un compte bancaire, compte que les banques, aujourd'hui, leur refusent. Les banques capteront les livrets considérés comme stables, les plus importants, et laisseront à la Banque Postale les livrets les moins alimentés.
Mes collègues viennent d'exposer avec beaucoup de précision, et je n'y reviendrai donc pas, toutes les menaces qui pèsent sur le financement du logement social, si important dans ce pays, pour lequel les besoins sont considérables.
Ce soir, il faut nous expliquer pourquoi vous maintenez ce que j'appelle une contre-réforme : ce n'est pas la modernisation du livret A, c'est assurément sa dénaturation. La logique, le bon sens, serait de retirer votre projet et d'attendre la décision du tribunal de Luxembourg. Sinon, votre gouvernement portera la responsabilité d'être le fossoyeur du livret A, auquel les Français sont si attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
D'abord, il me paraît malvenu de faire à l'Europe, à propos de ce texte, le procès que l'on entend ce soir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La Commission a rappelé les règles de concurrence et souligné qu'il était difficile d'accepter un monopole de distribution, mais elle n'a fait que reprendre une position qui avait déjà été exprimée à deux reprises par notre conseil national de la concurrence, et la plupart des experts en France qui se sont penchés sur le dossier considèrent que la position de la Commission est fondée. Fallait-il alors vraiment persister inutilement ?
Elle n'a pas remis en question le principe de la centralisation des ressources. L'Union européenne ferait d'ailleurs bien de se préoccuper elle-même un jour de la canalisation de ressources à l'échelle de l'Union européenne vers des investissements à long terme qui seront de plus en plus nécessaires à l'Europe dans le futur.
Ce projet de loi ne fait en réalité que s'inscrire dans le cadre défini par l'Europe.
D'abord, il élargit la possibilité de collecte à l'ensemble des établissements bancaires. Il est faux de dire que c'est un cadeau fait aux banques,…
…puisque la partie qui ne sera pas centralisée sera soumise aux mêmes règles d'utilisation que les ressources collectées dans le cadre du livret de développement durable. Nous aurons de plus l'occasion au cours du débat d'examiner un amendement permettant la recentralisation des ressources qui ne seraient pas utilisées conformément à ces règles.
Le projet maintient la centralisation puisqu'il établit un rapport entre les ressources centralisées et le montant des prêts en direction du logement social. Compte tenu des objectifs en termes de construction, de renouvellement urbain et de développement durable, ce taux, fixé à 1,25, doit permettre de garantir une centralisation forte, à un moment où la collecte du livret A n'a jamais été aussi forte.
D'autres instruments de collecte sont centralisés, en particulier le livret d'épargne populaire, centralisé à 85 % et dont la collecte, qui représente plus de 50 milliards d'euros, vient conforter les fonds d'épargne, même si ces ressources sont d'abord utilisées vers des placements financiers.
Au-delà de ce qu'exige l'Europe, le projet de loi propose deux autres mesures importantes.
La première, c'est la limitation du coût de la ressource, puisque le taux de commissionnement sera diminué, tout de suite pour les banques et progressivement pour les caisses d'épargne, la Banque Postale et le Crédit mutuel. Si l'on veut avoir un impact positif sur les prêts aux organismes de logement social, il paraît souhaitable également de limiter la rémunération complémentaire à la seule Banque Postale.
L'autre mesure extrêmement importante concerne l'accessibilité bancaire, qui, à l'évidence, est parfaitement satisfaite par la seule Banque Postale compte tenu de son implantation sur l'ensemble du territoire.
Cette réforme ne remet donc en cause ni le livret A, ni la centralisation. Elle modernise des instruments qui ont été mis en place pour une large part au XIXe siècle et qui ont besoin d'être adaptés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le sujet est à l'évidence important.
Nous avons tous des logements sociaux dans nos circonscriptions,…
…des gens qui demandent un logement et viennent nous voir, et des files d'attente dans les organismes que l'on connaît, dont nous sommes parfois nous-mêmes administrateurs.
La principale source de financement du logement social est le livret A, qui transforme une épargne disponible immédiatement en prêts à long terme.
L'Union européenne a pris une décision. Nous avions la possibilité de la contester, et nous l'avons fait. Le chef de l'État a ensuite considéré qu'un tel combat ne faisait peut-être que reporter le problème, parce que personne ne savait ce que déciderait la Cour de justice européenne et que, même si la décision pouvait nous être favorable, personne ne savait si un nouveau recours ne serait pas déposé par les établissements bancaires pour obtenir une nouvelle directive.
Dans ces conditions, je me suis demandé si, finalement, le système auquel nous sommes les uns et les autres attachés était si parfait qu'il méritait qu'on n'y touche pas.
Le premier problème du logement social, et c'est l'un de ceux qu'a posés le Chef de l'État à Vandoeuvre-lès-Nancy, c'est le coût de la ressource. Nous savons tous, et Jean-Pierre Balligand l'a rappelé en défendant la question préalable, que ce coût est trop élevé. Parce qu'il est trop élevé et que les prêts ne couvrent pas la totalité des opérations, les collectivités territoriales sont amenées à financer à hauteur de 10 % en moyenne les opérations, ainsi que les organismes eux-mêmes, sur leurs fonds propres.
La seconde question qu'il faut se poser est de savoir si, dans le système actuel, cette ressource est définitivement sécurisée. Nous savons bien que les dépôts sur le livret A ont toujours été sujets à des fluctuations significatives – et ce qui se passe en ce moment en est l'illustration, alors même que la réforme n'est pas encore votée. Certes, il n'y a pas eu de décalage entre la collecte et les besoins de financement du logement social, mais la collecte est d'ores et déjà fluctuante.
Le risque de siphonnage n'existe-t-il pas déjà ? Peut-on réellement considérer que les Caisses d'épargne, qui font malheureusement partie des établissements financiers qui, comme l'a rappelé Jean-Louis Dumont, ont beaucoup perdu sur d'autres marchés, se comportent aujourd'hui comme la Caisse d'épargne de Paris en 1818 ? Non, car elles possèdent d'autres produits financiers qu'elles peuvent distribuer en marge du livret A et elles proposent aussi des comptes bancaires.
Le Crédit mutuel qui, pour le coup, est une banque ordinaire, même si elle est mutualiste, n'a-t-il pas déjà la possibilité de siphonner une partie des ressources du livret Bleu au bénéfice d'autres produits bancaires ? La Banque Postale, au fur et à mesure qu'elle se transforme en banque ordinaire, n'a-t-elle pas également cette possibilité pour les plus gros livrets qu'elle détient ?
En définitive, l'ouverture de la distribution ajoute-t-elle au risque ou ne fait-elle que nous confronter à un risque déjà existant, fruit d'une évolution de la ressource que nous n'aurions pas la possibilité de maîtriser en totalité ?
Dans les fonctions que je partage avec Jean-Pierre Balligand et Daniel Garrigue à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, je considère qu'il est de notre responsabilité, au nom de la représentation nationale, de faire en sorte que cette ressource demeure importante, qu'elle puisse être meilleur marché pour les organismes qui en ont besoin et qu'enfin l'accessibilité bancaire ne soit pas menacée – mais cela est du domaine du législateur.
Je partage les interrogations de presque tous ici sur la manière dont le système va évoluer dans un contexte d'ouverture de la distribution, dès lors que l'ensemble des banques pourront distribuer des livret A, qu'il va vraisemblablement y avoir des migrations de livret de La Poste et des Caisses d'épargne vers les banques ordinaires, mais aussi que certains de nos concitoyens, qui n'en possédaient pas, vont ouvrir des livrets A dans leurs banques.
Mais, dès lors que le Chef de l'État a arrêté la position de notre pays, notre responsabilité est de nous doter d'outils de pilotage, à moins, bien sûr, que cet article ne soit rejeté. Les discussions préalables qui ont eu lieu avec les ministres, que je veux remercier pour la qualité du dialogue que nous avons eu au sein des commissions de l'Assemblée, et nos débats d'aujourd'hui doivent nous permettre de les élaborer. Certains sont déjà acquis, qui ne seront finalement pas remis en cause. Les fonds d'épargne restent à l'intérieur de la Caisse des dépôts, sous l'autorité du Parlement et de la commission de surveillance, dont nous discuterons tout à l'heure des aménagements à lui apporter et de la composition.
J'en termine, madame la présidente.
La Caisse reste l'organisme central de distribution. Il n'y aura pas de distribution de prêts en dehors de la Caisse de dépôts dès lors qu'il n'y a pas de déliaison, et je remercie Christine Lagarde qui a fait cette annonce devant la commission des finances.
Puisqu'il n'y a pas de déliaison, la neutralité dans les prêts et le conseil aux organismes continueront d'exister.
Quel est dès lors la question pendante ? C'est celle de notre capacité de mieux piloter le dispositif, de faire en sorte que les prêts que vont pouvoir consentir les banques avec la part de ressources qu'elles pourront garder et qui, à proportion de ce qu'elles retirent aujourd'hui du LDD, sera moindre mais compensée par une part plus importante de ressources tirées du livret A, demeurent au même niveau qu'aujourd'hui, tant que la ressource ne sera pas plus importante.
Les produits seront différents : les banques avaient beaucoup de LDD et pas de livrets A ; elles auront désormais un peu de livrets A et moins de LDD mais, ce qui importe, c'est la manière dont elles les affecteront. Car aujourd'hui, madame la ministre, on ne sait pas ce que font les établissements bancaires avec les produits de l'ex-Codevi devenu LDD. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement permettant, d'une part, de connaître les usages faits par les banques de la collecte et autorisant, d'autre part, une recentalisation à la Caisse des dépôts dans le cas où ces usages ne seraient pas respectés.
Nous avons également souhaité – et c'est l'objet d'un autre amendement – pouvoir nous prononcer sur le taux de commissionnement. Nous défendons enfin la création d'un observatoire de l'épargne réglementée. Puisqu'il s'agit d'un épargne défiscalisée, et donc d'une dépense fiscale, la commission des finances et les rapporteurs spéciaux sont concernés. C'est un droit comme un devoir pour nous que de contrôler quel usage est fait de cette épargne défiscalisée, qu'il s'agisse du livret A, du livret de développement durable ou du livret d'épargne populaire.
André Chassaigne notait tout à l'heure que les deux ministres s'étaient éloignées l'une de l'autre. Je ne suis pas très attentif aux mouvements qui se produisent sur les bancs de l'hémicycle, mais j'ai été en revanche très attentif ce matin à la tribune cosignée par la ministre de l'économie et la ministre du logement, annonçant une baisse des taux sur les produits mis à disposition des organismes HLM. Cela signifie que le Gouvernement a la volonté d'aller jusqu'au bout de la logique de la réforme. Car, si l'on baisse les commissionnements de 1,12 % à 0,60 %, ce n'est pas pour que le Gouvernement empoche la différence, mais pour qu'elle soit répercutée sur les organismes concernés. Il faudra s'y engager dans la durée, madame la ministre. De même, il faudra que vous puissiez nous indiquer, au-delà du débat sur le taux plancher, que l'objectif de 70 % de centralisation à la Caisse est bien confirmé dans la durée. Cela constitue un autre outil de pilotage.
Vous avez accepté de faire remonter du domaine réglementaire au domaine de la loi certains de ces outils de pilotage. Je souhaite donc que la discussion des amendements nous permette de parfaire ce dispositif, car il est indispensable et nécessaire au financement du logement social dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mesdames les ministres, vous savez comme nous tous que le livret A n'est pas un produit bancaire quelconque. C'est un produit que les Français se sont appropriés : il fait en quelque sorte partie du patrimoine national, puisque chaque citoyen en comprend l'intérêt et que nombre de Français y ont accès aujourd'hui.
Dans ces conditions, je ne comprends pas, non plus que nombre de mes collègues siégeant plutôt dans la partie gauche de cet hémicycle, le besoin qu'a le Gouvernement de mener cette réforme de façon si hâtive et si cavalière, surtout quand ce bouleversement va bien au-delà des demandes de la Commission européenne.
J'ai du mal à comprendre que la France, ayant déposé un recours, n'en attende même pas le résultat avant d'entreprendre des démarches nationales. Votre empressement à agir laisse penser au contraire que, ainsi que l'a supposé M. Dolez, vous ne voulez pas qu'il aboutisse.
C'est curieux, c'est inquiétant et l'on peut s'interroger sur les raisons qui vous poussent à agir de la sorte. L'explication d'André Chassaigne me semble la bonne : cela traduit votre envie de faire un cadeau aux banques, puisqu'on sait très bien que le livret A ne sera qu'un produit d'appel pour les banques privées.
Or les intérêts du livret A sont multiples, mais son but premier est le financement du logement social. Et ce soir, la présence, agréable, de Mme la ministre du logement, qui s'éloigne ou se rapproche de son ministre de l'économie au gré de la discussion, montre bien que le logement social est concerné au premier chef et que cela doit être une priorité. Devant le nombre de logements surpeuplés ou insalubres et les problèmes de santé qui en découlent, il est plus que temps d'apporter de vraies réponses ; c'est ce que je ne peux faire pour l'instant concernant les milliers de personnes qui viennent, dans ma circonscription, me demander un logement décent.
L'article 39 réforme, bouleverse, révolutionne le livret A. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il entend détourner une partie importante du financement du logement social, ce qui est inquiétant et inacceptable. C'est pourquoi j'espère que la sagesse l'emportera et que les amendements de suppression de cet article seront adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Si tant de collègues sont intervenus ce soir sur cet article, c'est qu'il traite d'une question d'importance. La commission des finances a déjà procédé à de multiples auditions, dont celle de plusieurs ministres, qui se sont exprimés sur les articles 39 et 40.
M. Bouvard a essayé de défendre, avec l'indépendance d'esprit et l'objectivité que nous lui connaissons, les garde-fous et les mesures de régulation qui pourraient être mis en place. Il n'empêche, cette réforme est aventureuse et en contradiction avec le recours déposé par le Gouvernement devant la Cour européenne de justice contre la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007, qui enjoignait à la France de mettre fin aux droits spéciaux de distribution accordés à la Banque Postale, à la Caisse d'épargne et au Crédit mutuel. La Commission ne s'était pas autosaisie, mais répondait à la démarche de quatre banques.
La France fonde pour sa part son recours sur le risque de décollecte qui découlerait de la volonté de Bruxelles de banaliser les livrets. C'est en totale contradiction avec les trois articles figurant dans le projet de loi et, s'il y a danger de décollecte, attendons donc la décision de la Cour européenne de justice, qui pourrait annuler l'injonction de la Commission européenne !
Ester devant la Cour européenne de justice en prétendant qu'il y a danger de décollecte est parfaitement hypocrite puisque vous nous expliquez ici même que le dispositif que vous mettez en place, complété par les amendements adoptés, nous garantit contre ce danger. À croire que vous sciez délibérément la branche depuis laquelle vous vous adressez à la Cour européenne de justice !
Votre démarche est en réalité de circonstance. C'est une posture à laquelle vous ne croyez pas, comme l'a dit à l'instant M. Garrigue.
Si nous sommes si nombreux à intervenir, c'est parce que ce projet heurte au plus profond les consciences républicaines et civiques et touche à une institution qui, elle-même, est consubstantielle de la cohésion sociale et du droit au logement, notamment pour les familles les plus modestes dans notre pays.
Nous pensons, madame la ministre, que le problème juridique se double d'une grande incertitude, que M. Bouvard vient lui-même de reconnaître à l'instant. Comment, a-t-il demandé, va évoluer le système ? L'engagement des ministres pour ce soir vaut-il pour demain ? Quelle régulation ?
Bien sûr, monsieur Bouvard, on peut aujourd'hui essayer de mettre en place des instruments de régulation et de transparence. Mais quelle est la transparence concernant le système bancaire ? Quelle est la transparence dont ont fait preuve les banques concernant l'utilisation des produits du CODEVI, aujourd'hui livret de développement durable ? Quelle est la transparence du système bancaire en général, alors même que, après chaque crise, tous les plus grands experts internationaux disent : « Il faut mettre de la transparence dans le système bancaire » !
À chaque éclatement d'une bulle, à chacun des errements de gestion d'une banque par l'intermédiaire d'un trader qui ne fait qu'intégrer les méthodes de ce système bancaire – et maintenant avec la crise des subprimes –, quelle est la transparence ?
Courir après une transparence et une régulation de manière extrêmement aléatoire aujourd'hui, monsieur Bouvard, revient à faire oeuvre d'apprenti sorcier. Vous l'avez admis vous-même en parlant d'incertitude,
Elles existent déjà, mais pas avec l'argent centralisé en épargne liquide et transformé en prêt à long terme pour le logement social par la Caisse des dépôts.
Et l'argument du doublement du nombre des agences concernées par la délivrance d'un livret A est un bien mauvais argument. C'est faire preuve de mauvaise foi que d'avancer cet argument, si l'on considère que, depuis des dizaines d'années, les plus modestes et donc a priori souvent les moins bien informés, savent bien où est leur agence de La Poste, où est leur agence du Crédit mutuel, où est leur agence de la Caisse d'épargne pour aller parfois retirer 10 ou 15 euros ! Parce qu'il s'agit là de la seule porte d'accessibilité bancaire pour ceux qui n'ont pas de moyens !
Voilà pourquoi, madame la ministre, nous espérons que la sagesse vous amènera à retirer ces articles. Si vous ne les retirez pas, essayons de faire en sorte, monsieur Bouvard, que le maximum de garde-fous soient instaurés afin qu'au moins, ce soir, le caractère aventureux et, demain, éventuellement réparable de notre système de financement du logement social ne soit pas définitivement obéré. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes chers collègues, tout d'abord, il me semble que nous sommes unis sur deux points. Premièrement, le livret A comme le LDD doivent contribuer au financement du logement social et de la politique de la ville. Deuxièmement, il faut faire en sorte que tous nos concitoyens bénéficient d'une accessibilité bancaire. Voilà les deux objectifs.
Ensuite, la décision de la Commission dit précisément trois choses.
Premier point incontestable : elle dit que le monopole actuel du livret A, avec les éléments liés dont peu de monde parle – c'est-à-dire le taux de rémunération, l'exonération fiscale et le plafond –, ne permettent pas aux différents collecteurs de l'épargne liquide française d'être dans des conditions de concurrence normale les uns avec les autres. On peut être pour ou contre, mais c'est incontestable.
Deuxième point : la Commission dit que l'accessibilité bancaire, comme le financement du logement social et de la politique de la ville, est bien un service d'intérêt général.
Troisième point : la Commission dit que le monopole dont bénéficient certains sur le livret A n'est pas consubstantiel au financement du logement social et à l'accessibilité bancaire – ce qui paraît plein de bon sens !
Mes chers collègues, dire, comme vous le faites, que les positions de la Commission n'engagent qu'elle revient à dire : « Ne faisons rien, attendons la décision de la Cour européenne qui interviendra au milieu de l'année prochaine. » Ce serait prendre un grave risque ! Honnêtement, prendriez-vous le risque de ne rien faire en attendant la décision ? Ce n'est pas raisonnable !
Venons-en maintenant aux questions de fond. Que craignez-vous ?
Vous craignez que la centralisation désamorce le système de financement du logement social et de la politique de la ville. Mais mes chers collègues, lisez le texte ! Le Gouvernement nous a dit que, de toute façon, dans un premier temps, il fixerait le taux à 70 %, soit la moyenne pondérée entre les 9 % du LDD et le 100 % du livret A. À quoi s'ajoutera un coefficient de 1,25 pour assurer la liquidité du financement du logement social. De ce point de vue, on pourrait jouer sur une palette de critères si l'on avait des conditions économiques permettant – comme cela est arrivé plusieurs fois dans l'histoire du livret A – une décollecte. Or la décollecte s'est produite plusieurs fois. Alors, sur quoi peut-on jouer ?
On peut augmenter le taux de centralisation.
On peut jouer sur le taux de rémunération relatif, puisque c'est un problème de substitution. Si vous augmentez le taux de rémunération, alors que les taux de rémunération sont en train de baisser sur les comptes d'épargne de droit commun, vous pouvez rapatrier une part supplémentaire de l'épargne liquide vers les livrets A.
Il y a le problème, dont personne n'a parlé, du régime fiscal des livrets A. En effet, jusqu'à présent, même si cela peut poser quelques problèmes, ils sont totalement exonérés, y compris sur les 167 milliards de dépôt de livret A, dont plus de la moitié sont sur des comptes qui sont au plafond. Nous avons eu un débat en commission des finances sur le fait de savoir s'il ne faudrait pas fiscaliser les intérêts au-delà, puisque, comme vous le savez, on peut percer les plafonds par l'accumulation des intérêts.
Cette palette de solutions permet de sécuriser le dispositif et, en cas de problème de décollecte, de pouvoir remonter le taux de collecte, ce qui a été fait à plusieurs reprises lors des dernières décennies.
Vous avez une autre inquiétude liée au risque de substitution : que les banques fassent des produits joints – livret d'épargne A avec d'autres produits – et que le livret A soit vidé vers ces autres produits. Mais ce ne sont pas les banques qui en décident, c'est l'épargnant ! Et pourquoi voulez-vous que l'épargnant vide son compte livret A au profit d'un autre placement si le livret A est plus intéressant ? Et si l'on avait ce phénomène de décollecte – qui existe déjà, on a connu une décollecte du livret A pendant plusieurs années parce que les banques mettaient sur le marché des produits plus rémunérateurs nets d'impôt ! –, on pourrait réajuster la fiscalité et, surtout, les taux d'intérêt.
On peut jouer sur une troisième variable : le montant plafond du livret A peut être remonté. On n'est pas obligé de le laisser éternellement au même niveau.
Le risque de substitution s'est déjà produit dans l'organisation actuelle, et n'est donc pas lié à la réforme. Simplement, avec la réforme, il peut s'accentuer, mais c'est au pouvoir politique de jouer sur les quatre outils dont il dispose pour éviter, en fonction des besoins, la décollecte.
Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre est pour cette réforme. Mais nous l'avons dit au Gouvernement : nous pensons qu'en termes d'accessibilité bancaire, il faut aller vers un service bancaire universel, c'est-à-dire de l'ensemble du réseau bancaire, et pas seulement de la banque postale – nous avons d'ailleurs déposé un amendement ce sens. C'est comme pour les handicapés : leur intégration ne doit pas être faite par une minorité d'entreprises, mais par l'ensemble des entreprises, y compris le secteur public, qui s'en était exonéré pendant de nombreuses années ! En matière d'accessibilité, il faut imposer un service bancaire universel à toutes les banques. Et la banalisation du livret A pourra avoir un effet d'augmentation de la ressource si elle est bien gérée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Bien sûr que si, il suffit de jouer sur les quatre manettes que je viens d'indiquer !
Vos critiques sont donc techniquement infondées, messieurs de la gauche, puisqu'il existe des réponses techniques à chacune d'entre elles. Et il ne faut pas dire que tout est blanc dans la situation actuelle et que tout sera noir après la réforme car ce n'est pas vrai ! Davantage d'outils existeront pour gérer le problème.
Voilà pourquoi, sous les réserves que j'ai indiquées, nous sommes en faveur de l'article 39. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Je serai bref car beaucoup de choses ont été dites.
Première remarque : je voudrais simplement dire à mes collègues qu'il faut quand même être un peu prudent lorsqu'on prédit un accroissement du fait de la banalisation de la collecte. Aujourd'hui, le nombre de livrets est arrivé à un niveau très élevé, presque 50 millions, et 80 % de la population en est titulaire. Franchement, je ne sais pas si l'on peut aller plus loin.
Deuxième remarque : la collecte s'est accrue, et je réponds là à Charles de Courson. Son raisonnement est valable. Sauf que, et je l'ai déjà dit à Mme la ministre lors de la question préalable, ce raisonnement est factuel. En ce moment, en effet, les marchés financiers étant ce qu'ils sont, le marché boursier étant ce qu'il est et la peur collective des gens étant ce qu'elle est, il y a un fort taux d'épargne : plus de 4 milliards d'euros de collecte sur le dernier trimestre.
Voilà pour le contexte.
Dans le cadre de la réforme qui nous est proposée à l'article 39, il ne faut pas raisonner sur le contexte particulier des marchés financiers actuels, parce que, dans deux ou trois ans, des possibilités existeront pour les banques – et on peut l'espérer pour la santé économique de notre pays – de démarcher les livrets non utilisés, c'est-à-dire pleins, à 15 300 euros, et ils sont nombreux, et de proposer des produits de substitution à une meilleure rémunération.
Les articles 39 et 40, je l'ai dit en présentant la question préalable, posent de vraies questions.
Quelle est la pérennité du dispositif du logement social dans le temps si l'on fait abstraction de la conjoncture actuelle des marchés financiers ? Telle est la question de fond.
Comment verrouiller au mieux ce texte, car – je le dis à titre personnel, c'est ma crainte, mais beaucoup de collègues l'ont également exprimée, y compris certains de l'UMP – il met le doigt dans un engrenage qui est très dangereux ?
Tout à l'heure, madame la ministre, vous avez eu l'amabilité de répondre, et je vous en remercie, à l'une des questions que j'avais posée sur le CODEVI lors de la question préalable. Vous avez répondu honnêtement en donnant le taux de 55 %. Nous en avons la preuve ! Vous n'empêcherez pas les banques – c'est aussi un milieu que je connais un peu – de mettre à leur bilan l'argent collecté. C'est comme ça ! C'est ce qui s'est fait sur le CODEVI. Et le fléchage de l'ancien CODEVI, devenu LDD, vers le financement des PME-PMI n'est effectivement que de 55 %.
Comment va-t-on faire sur le livret A ? C'est cette question qui se pose pour l'avenir. Je le dis à mes collègues : inutile de polémiquer ; moi, je ne suis pas inquiet pour 2008-2009 ni sur le logement social ni sur la politique de la ville. (Exclamations sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Le problème, mes chers collègues, ce sont les financements de long terme !
Or, avec ce texte, on est en train de démonter un dispositif qui avait comme grande vertu une centralisation à 100 % de l'argent collecté.
Quant à la crise de l'interbancaire, c'est bien une crise de liquidités ! Vous comprenez bien que 30 % de plus de 150 milliards d'argent collectés, ça commence à devenir intéressant ! Ce que je dis est trivial, mais c'est la réalité !
Ce que je dis est peut-être trivial, mais le problème se pose également dans ces termes.
D'autre part, avant de conclure, il faut que je dise un mot de l'accessibilité bancaire. Madame la ministre, on peut, comme Charles de Courson, rêver à un monde meilleur. (Exclamations sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais, entre nous, c'est un peu plus compliqué. Une fois de plus, je vais être trivial, mais, en matière de finances, il ne faut pas hésiter à l'être. Je reprends l'exemple du Crédit mutuel, pour ne pas parler que de La Banque postale. Le Crédit mutuel a 7 millions de déposants, dont 2,5 millions possèdent un livret Bleu – l'équivalent du livret A – avec un encours de moins de 150 euros. Étienne Pfimlin – banquier qui représente un certain courant social – ne peut pas rémunérer correctement ces 2,5 millions de livrets, même à 1,40 ou à 1,30 %, car leurs titulaires font plus de dix ou douze prélèvements par an.
Tous les mois, en effet, les prestations familiales sont versées sur ce livret – et Étienne Pfimlin s'est d'ailleurs battu auprès du ministère pour que cela perdure, car ce n'était pas acquis. Nous sommes là au coeur du sujet. Bien entendu, nombreux seront les banquiers intéressés par les livrets de 15 300 euros : même avec 0,6 % – tel est le chiffre que Mme la ministre inscrit à l'article 39 –, ils gagneront de l'argent, puisque les gens ne touchent pas à ces sommes. Mais, sans un système de péréquation entre ceux qui se servent du livret comme d'un vrai bas de laine et ceux qui font des retraits réguliers coûtant beaucoup plus chers en termes de traçabilité et de services, il faudra faire très attention. Si, d'un côté, nous avons les livrets qui sont pleins et qui ne coûtent rien, de l'autre, nous avons 5 millions de personnes qui ont besoin régulièrement de leur argent.
En attendant un monde meilleur et un vrai droit au compte, le livret A permet une véritable accessibilité bancaire. Elle n'est peut-être pas idéale, mais elle permet au moins d'éviter les découverts. Sans doute, il s'agit d'un sujet annexe, mais il est tout de même important.
Je ne souhaite pas polémiquer. Je me contente de répéter – et je le répéterai à propos des amendements – ce que nous, les socialistes, avons déjà dit à plusieurs reprises. Si des députés de l'UMP soutiennent des amendements qui tendent à introduire une garantie, nous les voterons. Quant à nous, nous en avons déposé qui vont dans ce sens. Notre but, c'est de sécuriser un dispositif qui va fragiliser le financement du logement social dans notre pays, ainsi que la politique de la ville et d'autres financements d'intérêt général. Nous avons adopté une démarche constructive, mais nous restons prudents. Ce soir, nous mettons le doigt dans le démantèlement du financement du logement social. L'article 39 n'est pas anodin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Nous venons d'entendre de nombreuses interventions, très argumentées, de grands spécialistes de ces questions. Je ne voudrais pas allonger les débats outre mesure et je ne reviendrai pas sur le fond. Je voudrais simplement vous faire part, mes chers collègues, de deux ou trois remarques, et vous dire dans quel esprit a travaillé la commission des finances.
C'est une question d'honnêteté intellectuelle : il faut reconnaître que nous sommes tous attachés au logement social. Dans ma ville, j'ai 38 % de logements sociaux…
de la commission des finances. …et je me suis toujours battu pour cela. Je n'ose pas imaginer une seule seconde que l'un d'entre vous puisse me suspecter d'embrasser une réforme qui mettrait en danger le financement du logement social. Madame la ministre, mon sentiment, ma conviction, c'est que, saisissant au bond l'obligation qui nous est faite par l'Union européenne, votre réforme permet de moderniser, d'aller de l'avant, même si, en tant que rapporteur, je suis bien conscient qu'il y a des garanties et des enrichissements à apporter au texte – Jean-Pierre Balligand l'a fort bien dit – pour faire en sorte que nous puissions être rassérénés, si tant est que nous soyons inquiets.
Je rappelle que c'est la première fois que le livret A a pour priorité de financer le logement social : cela n'avait pas été précisé avant, mes chers collègues.
de la commission des finances. Il y a tout de même des symboles, des mots forts.
Des mots, mais rien derrière ! Ce ne sont pas des mots qu'il faut, mais des actes !
de la commission des finances. L'objectif de ce texte, c'est d'abord cela – je le dis en tant que rapporteur, en tâchant d'être le plus honnête possible.
Je ne reviendrai pas en détail sur les autres aspects, qui sont aussi intéressants pour le consommateur, puisque, au fond, la banalisation permet à chacun d'avoir beaucoup plus accès à ce produit populaire, y compris au plus près de chez soi. En même temps, votre texte, madame la ministre, propose différentes mesures sur le renforcement de l'accessibilité bancaire.
Les éléments positifs ne manquent donc pas. Mais, sans vouloir répéter ce qu'ont très bien dit les uns et les autres – notamment Daniel Garrigue, Michel Bouvard ou, avec d'autres options, Jean-Pierre Balligand –, je souhaiterais rappeler ce qu'a fait la commission des finances. Nous avons travaillé dans un excellent climat, dans le prolongement des travaux dont vous avez pris l'initiative, monsieur le président de la commission, en organisant diverses auditions en préparation des articles dont nous parlons ce soir. Nous avons essayé de proposer des amendements qui ont été adoptés par la commission des finances et qui permettent d'apporter les garanties qui ont été réclamées, de répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées, et dont, pour ma part, je considère que certaines étaient légitimes.
En premier lieu, nous avons souhaité élargir l'assiette du calcul de la centralisation aux crédits de la politique de la ville. C'est assez normal, puisque les crédits de la politique de la ville et du logement social sont étroitement imbriqués, mais c'est surtout très intéressant, car cela permet de renforcer très sérieusement le financement du logement social – c'est en effet une base supplémentaire de 8 milliards d'euros qui servira d'assiette.
Nous avons d'autre part adopté un amendement très important, qui est le résultat d'un travail collectif de la commission et qu'a rapidement évoqué tout à l'heure Michel Bouvard. Il s'agit, au fond, d'une synthèse des souhaits des uns et des autres. C'est la première fois qu'un amendement crée, de façon aussi claire, large et précise, une obligation sur l'utilisation des fonds non centralisés. Ainsi, les 60 milliards qui vont rester dans les banques ne seront pas centralisés à la Caisse des dépôts et consignations pour servir au financement du logement social, mais serviront au financement de l'économie. Certes, c'est déjà le cas et il n'y a pas de grands changements dans les volumes financiers en cause : seuls les modes de calcul différent. Le thème qui a été retenu pour le LDD est, ici, élargi à l'ensemble de la ressource non centralisée. Notre amendement demande clairement aux banques de consacrer cette ressource non centralisée au financement des petites et moyennes entreprises, en soutenant notamment leur création et leur développement. Il s'agit d'agir sur l'amorçage, sur les premières années de l'entreprise, sur la création de l'activité et le développement de l'emploi, car nous savons qu'il y a là une grande faiblesse en termes de financement des PME. La commission des finances a essayé de suivre ce fil conducteur durant toute la discussion du texte, et les choses sont dorénavant beaucoup plus précises.
Cette mesure – qui vaut pour tous les fonds non centralisés et concerne les investissements permettant des économies d'énergie dans les bâtiments – est cependant assortie, comme l'a dit Michel Bouvard, d'une condition de recentralisation qui n'existait pas dans le texte. Il y a évidemment la carotte – de l'argent pour financer les entreprises, leur amorçage, les investissements dans les économies d'énergie –, mais, si les banques ne remplissent pas cette condition, ces fonds pourront être recentralisés vers la Caisse des dépôts et servir, le cas échéant, au logement social ou à d'autres financements. Je rappelle en effet que la Caisse des dépôts consacre beaucoup d'argent – quelque 10 milliards, de mémoire – à d'autres objectifs que le financement du logement social. Cela, qui méritait d'être dit à ce stade du débat, répond à plusieurs inquiétudes qui ont été exprimées tout à l'heure.
Enfin, un troisième amendement important, qui répond aussi à ces inquiétudes, renforce considérablement les dispositions du texte sur l'accessibilité bancaire. Dans le cadre de cette réforme, nous avons interrogé les associations d'insertion : ce n'est pas le livret A qu'elles demandent, mais le renforcement du droit au compte, qui est plus avantageux et plus intéressant en termes de moyens de paiement. Un de nos collègues a dit qu'il fallait répondre à un besoin de carte bancaire, mais ce n'est pas le livret A qui permet d'avoir une carte bancaire, c'est le droit au compte. Pour répondre aux inquiétudes et faire en sorte que notre réforme soit totalement équilibrée et garantie, il faut que nous inscrivions dans la loi, de façon extrêmement intangible, ce qui est aujourd'hui du domaine de l'engagement, au niveau de la Banque de France ou de l'Association des banques françaises.
Je conclurai en évoquant un quatrième élément qui a été évoqué, je crois, très clairement par Michel Bouvard, et qu'a rappelé Jean-Pierre Balligand. Tout cela – cette garantie, cet équilibre renforcé de la réforme – ne se fera que si nous avons une totale transparence. Au fond, madame la ministre, cela rejoindra votre propre démarche et celle de vos équipes. Vous trouverez dans l'avis de la commission des finances toutes les réponses techniques ou autres aux questions qui ont été posées tout à l'heure, mais ce n'est que le résultat d'un travail de transparence de votre part, madame la ministre, sur tous les sujets, tels que le commissionnement. C'est bien dans cet esprit de transparence totale que nous devons poursuivre nos travaux.
En adoptant ces amendements, nous répondrons à l'ensemble des interrogations qui ont été formulées, en tout cas aux plus importantes, et nous garantirons le bon équilibre de la réforme que vous nous proposez.
Mes chers collègues, la discussion qui vient de se dérouler a été passionnante et passionnée. Je vous propose maintenant, dans le respect du règlement de notre assemblée, d'examiner les amendements à l'article 39, en étant aussi concis que possible.
Je vous précise que, sur cet article, c'est le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, qui donnera l'avis de la commission.
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 612 , 925 et 938 , tendant à supprimer l'article 39.
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour soutenir l'amendement n° 612 .
Il ne faut pas stigmatiser l'Europe : encore une fois, ce n'est pas elle qui s'est autosaisie, ce sont quatre banquiers français et un banquier néerlandais qui ont introduit un recours devant la Commission. Je voudrais simplement lire trois brefs alinéas, qui donnent la position du gouvernement précédent sur le risque de décollecte :
« (112) Les autorités françaises insistent sur le caractère indispensable des droits spéciaux pour assurer un niveau suffisant et stable de collecte destinée au financement du logement social.
« (113) S'agissant du niveau de l'encours, les autorités françaises considèrent que la suppression des droits spéciaux risquerait de diminuer l'incitation des établissements de crédit à proposer les livrets A et bleu, dont l'encours est centralisé à la CDC, au profit de leurs propres produits d'épargne, ce qui conduirait à une baisse du montant de l'encours (décollecte nette). Ce risque de “cannibalisation” peut être, selon les autorités françaises, étayé par trois éléments principaux.
« (114) D'abord, elles considèrent qu'il n'y a pas de marge de progression de l'encours. Elles soulignent l'existence d'un phénomène de saturation, 80 % de la population détenant déjà un livret A ou bleu. Dès lors, on assisterait, en cas de suppression des droits spéciaux, à un transfert de livrets des réseaux distributeurs vers d'autres banques sans création de flux nouveaux de collecte.
« (115) Ensuite, elles estiment que le facteur principal de collecte repose sur la politique commerciale des banques et non sur le taux d'intérêt servi. Or les banques auraient intérêt à réorienter l'épargne vers d'autres supports plus rémunérateurs, soit qu'ils contribuent à leur propre financement, soient qu'ils leur assurent une meilleure commission de distribution. Les autorités françaises considèrent que ce risque peut être illustré par l'évolution des encours sur le LEP, le Codevi et le PEL. »
Je ne lis pas la suite, la démonstration est faite. Et elle est faite par vos services, madame la ministre, puisque ce texte est le recours que la France a déposé. Je trouve assez saugrenu que des argumentations totalement contraires soient avancées alors qu'il n'a pas encore été statué sur cette affaire. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 39. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir, rapidement, l'amendement n° 925 .
L'article 39, dont je demande la suppression, suscite, nous le voyons, un vif débat. Sans entrer dans des considérations techniques, on voit bien que les Français sont très attachés au livret A. De nombreux acteurs se sont exprimés avant le débat de ce soir, notamment des associations d'élus de tout bord, pour faire part de leurs inquiétudes.
Ces inquiétudes par rapport au livret A doivent être replacées dans le contexte : alors que la même majorité, sous un précédent gouvernement, avait changé le mode de calcul pour la fixation du taux du livret A, ce Gouvernement vient de refuser d'appliquer ce nouveau mode de calcul au prétexte que, cette année, il aurait impliqué, à ses yeux en tout cas, une trop forte hausse. Les inquiétudes sur le livret A sont donc fondées.
On nous dit que la généralisation dans toutes les banques devrait permettre d'en distribuer davantage. Or nous sommes déjà – M. Balligand a donné les chiffres – à un très haut niveau, ce qui prouve que le système actuel, avec La Banque Postale, le Crédit mutuel et la Caisse d'épargne, n'a absolument pas empêché la généralisation du livret auprès du public, et c'est ça le plus important.
L'argumentation européenne est bien gentille, sauf que le système français tel qu'il a été décrit tout à l'heure, avec ses qualités, un plafonnement et le financement du logement social, n'existe pas forcément dans les autres pays européens. Doit-on se plaindre que ce système existe en France ? Non, tout le monde l'a dit, et il est logique que sa modification suscite de l'inquiétude.
Il est vrai que nous nous situons à la fin d'un processus, qui a vu la fin du monopole de La Poste, que tout le monde souhaitait, même les banques. Mais quand il s'est agi de créer La Banque Postale, alors là les banques n'étaient plus d'accord et les banques privées classiques ont demandé à pouvoir distribuer le livret A comme La Banque Postale, la Caisse d'épargne ou le Crédit mutuel.
Pour organiser cette généralisation, il faudrait commencer par rassurer le grand public et les acteurs du logement social en définissant des critères clairs, notamment sur l'accès au service bancaire pour tous. En effet, s'il n'y a pas lieu d'être trop inquiet aujourd'hui, je crois qu'il y aura une prochaine étape et je crains – j'irai plus loin que Jean-Pierre Balligand dans sa réponse à notre collègue de Courson – que, demain, La Banque Postale, constatant qu'elle perd un certain nombre de livrets A, ne souhaite, du fait de la banalisation, augmenter ses frais bancaires, lesquels sont aujourd'hui généralement moins chers qu'ailleurs. Qu'on le veuille ou non, l'accessibilité aux comptes bancaires à des frais modérés sera ainsi réduite.
Cela risque de menacer un certain nombre de bureaux de poste, alors qu'ils sont un des éléments de l'accès au service bancaire, pour des raisons non pas sociales pour le coup mais géographiques d'aménagement du territoire. Beaucoup de personnes ont un compte à La Banque Postale pas forcément parce qu'elles sont dans une zone mal desservie mais parce qu'ainsi, elles bénéficient, pendant leurs congés, dans les zones de montagne par exemple, des services de La Poste. On ne peut pas nier le risque d'évolution négative.
Or la seule chose que vous opposez à tout cela, c'est une charte. Ce n'est pas sérieux ! Il faudrait imaginer un dispositif un peu plus fort qu'une simple charte pour contraindre les banques. Je trouve étonnant qu'on ait fixé tout un tas de contraintes à La Banque Postale et qu'on se contente d'une charte pour les banques.
S'agissant du financement du logement social – et je finirai sur ce point –, c'est pareil : il faut prendre en compte le contexte. L'inquiétude n'a jamais été aussi grande, parce que la demande de logement social n'a jamais été aussi forte. Vous dites, monsieur Forissier, que tout le monde est attaché au logement social. Je ne peux pas laisser dire cela, parce que ce n'est pas vrai. C'est peut-être vrai pour vous, personnellement, mais il suffit de regarder la carte de la répartition du logement social en France pour constater qu'elle est très directement corrélée à une carte politique. Arrêtons de dire que tout le monde est attaché au développement du logement social, il y a des gens qui sont pour, d'autres qui sont contre, parfois pour des raisons bassement électoralistes d'ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et les inquiétudes par rapport au logement social sont fondées. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Laissez votre collègue s'exprimer jusqu'à la fin, qui ne saurait tarder.
Écoutez, je ne vous ai pas interrompu et j'ai renoncé à mon temps de parole dans la discussion sur l'article pour n'intervenir que sur la suppression de l'article. Alors, laissez-moi parler.
Aujourd'hui, le livret A est attractif et draine de l'épargne parce que les placements boursiers ou autres sont beaucoup moins intéressants, mais, demain, quand les banques privées auront des clients qui viendront chez elles uniquement parce qu'elles distribuent le livret A, elles pourront très bien diriger ces clients, au prétexte que le taux du livret A ne sera plus aussi intéressant – vous vous êtes d'ailleurs arrangés pour qu'il soit déjà moins intéressant que ce qu'il aurait dû être –, vers d'autres placements.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien, madame la présidente !
L'exposé des motifs du projet de loi (« Brouhaha ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)… Je ne me laisserai pas interrompre !
Il le faudra pourtant, mon cher collègue, car vous avez dépassé votre temps de parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Non, vous n'étiez pas présent au moment où vous deviez prendre la parole.
Non. Merci d'avoir terminé votre démonstration. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le mot « démonstration » paraît un peu fort, « développement » tout au plus.
Je serai bref, puisque que nous avons déjà pu expliciter nos positions respectives sur cet article 39.
La banalisation du livret A a été voulue par les banques et, avec les articles 39 et 40 de ce projet, vous avez décidé de leur donner satisfaction, non sans avoir fait mine, pendant la campagne électorale présidentielle, de vous opposer à cette exigence des banques. Dans cette affaire, le moins que l'on puisse dire est que ces établissements financiers ne manquent pas d'aplomb.
Au moment où les errements de leur gestion apparaissent au grand jour – et sans doute ne sommes-nous pas au bout de nos surprises –, avec des pertes financières considérables dues à des placements aventureux minés par les crédits immobiliers spéculatifs comme ceux consentis aux États-Unis, quand ce n'est pas à la suite d'opérations spéculatives, à grande échelle et sans contrôle réel, des opérateurs des salles de marché, on voudrait nous faire avaliser le transfert d'une grande part des ressources issues du livret A, de l'épargne des Français, à ces brillants gestionnaires que sont certains dirigeants de banque ! Faut-il que le culte de la financiarisation de l'économie soit dominant dans votre idéologie pour que vous ayez l'audace de présenter une pareille proposition !
À moins que l'objectif ne soit, beaucoup plus trivialement, de permettre à ces établissements financiers de se refaire une santé après les épreuves qu'elles traversent ?
Nous pensons, au contraire, qu'il serait sage et de bonne gestion de laisser à la Caisse des dépôts la responsabilité de l'utilisation de la totalité des fonds collectés grâce au livret A, et cela sous le contrôle des représentants du Parlement, et donc de la nation. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 39.
Défavorable. Les argumentaires soulèvent tellement de questions que je pense qu'il faut en discuter.
Le Gouvernement a évidemment un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Je ne répondrai pas sur chacun des points soulevés par tous les orateurs, pour réserver le maximum de temps à ma collègue Christine Boutin, qui n'a pas encore eu l'occasion de s'exprimer sur la question du logement social, je voudrais simplement rappeler quelques dates.
1816, 1818, 1837, ces dates que vous avez mentionnées ont jalonné l'histoire du financement du logement social par la Caisse des dépôts et consignations. Vous avez lu, monsieur Balligand, des extraits de la décision de mai 2007 de la Commission européenne. Permettez-moi de vous lire l'article 1er de cette décision : « Les dispositions du Code Monétaire et Financier français qui réservent à trois établissements de crédit, La Banque Postale, les Caisses d'Épargne et de Prévoyance et le Crédit mutuel, la distribution des livrets A et bleu sont incompatibles avec l'article 86, paragraphe 1, du traité en liaison avec les articles 43 et 49 dudit traité. »
Cela se passe de commentaire. Et les paragraphes 114 et 115, qui exprimaient la position des autorités françaises, doivent évidemment s'interpréter dans le contexte d'une défense des autorités françaises à l'encontre d'une action engagée par la Commission européenne sur le fondement de l'article 86.
Il s'agissait bien d'un argument en défense. Nous sommes désormais en train de préparer l'avenir, sur la base de la décision rendue par la Commission européenne.
J'en profite pour indiquer que la France a, le 19 juin 2007, pour autant que je me souvienne, exercé un recours contre la décision de la Commission. Ce recours a évidemment un caractère conservatoire, et il n'est pas question de le lever tant que nous n'avons pas mis en place l'ensemble du dispositif qui va se substituer au dispositif incriminé par cette décision prise en vertu de l'article 1er de l'arrêté que je viens de lire, extrait du Journal des communautés européennes.
Je voudrais répondre de manière extrêmement brève parce que nous aurons l'occasion de revenir sur le plan technique sur un certain nombre des dispositions que vous avez évoquées, certains avec beaucoup de talent, et je voudrais rendre particulièrement hommage à MM. Garrigue, Bouvard, Forissier et Balligand, pour la qualité de leurs interventions sur ce que doit être, selon eux, le financement du logement social…
Tout le monde a participé avec passion et énergie, mais certaines interventions étaient particulièrement techniques et remarquables dans leur concision et leur pédagogie.
Je voudrais simplement vous rappeler quelle est l'ambition du Gouvernement avec cette réforme proposée par les articles 39 et 40.
Nous souhaitons donner un nouvel élan au livret A. Vous avez évoqué, monsieur Balligand, le chiffre de 50 millions de livrets.
Compte tenu du caractère d'attractivité de ce livret, il n'est pas exclu qu'on puisse aller au-delà.
Nous voulons développer une épargne populaire, la mettre au moins autant qu'aujourd'hui au service du logement social et, ce faisant, ne pas remettre en cause le principe de l'accessibilité bancaire. Au demeurant, je considère, comme le rapporteur de la commission de finances, que le droit au compte est un bien meilleur succédané que l'accessibilité bancaire pour permettre à chacun d'avoir accès au financement bancaire et, de manière plus, générale au réseau bancaire.
Donc, c'est à la lumière de ces trois objectifs que nous avons tenté de construire un équilibre permettant de financer le logement social comme il l'est actuellement et de faire même davantage. En effet, le coefficient multiplicateur de 1,25 devra garantir des prêts permettant de financer au moins les encours nécessaires pour le financement du logement social. Le taux de centralisation de la collecte à 70 %, calculé sur l'intégralité de la masse collectée actuellement au titre tant du livret A que du LDD, permettra de garantir au moins ce qui est actuellement assuré en termes de centralisation aux taux respectifs de 100 % et de 9 % sur les deux outils financiers que nous considérons.
De plus, le Gouvernement continuera de disposer des quatre outils de pilotage décrits par M. de Courson pour s'assurer que le logement social est bien la priorité de cette épargne populaire. Je souligne, enfin, que cette priorité est, pour la première fois, inscrite dans la loi. Nous aurons l'occasion d'y revenir, ainsi que sur certains points techniques que vous avez évoqués. Je voulais simplement rappeler le contexte juridique dans lequel s'inscrit cette réforme et les trois objectifs fondamentaux que nous poursuivons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.
Je suis très heureuse que cette discussion ait lieu, car chacun avec ses nuances peut y montrer son attachement au livret A dans le cadre de la réforme que nous proposons. Je pourrais presque me dispenser d'intervenir tant les démonstrations de MM. Garrigue, Bouvard et Forissier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) ont été précises.
L'intervention de M. Balligand était également de très bonne qualité, mais un peu plus nuancée ! (Sourires.) Je voudrais vous rassurer, monsieur Dumont. Vous me connaissez bien ; je n'ai pas changé : ma préoccupation concernant le logement social est aussi forte que lorsque j'étais rapporteure du texte instituant le droit au logement opposable et ma responsabilité ministérielle est de faire en sorte que chacun ait un toit, en particulier les plus fragiles.
Aujourd'hui, nous sommes devant une décision qui s'impose à nous et nous oblige à financer le logement social. Vous ne pouvez avoir le moindre doute sur le fait que c'est, pour nous, une préoccupation essentielle. Nous voulons, par ce texte, assurer le financement du logement social, en réduire le coût et garantir l'accessibilité bancaire à tous, en particulier aux plus démunis. Je suis convaincue que, si nous avions attendu la fin de la procédure, nous n'aurions réglé aucune des difficultés et nous aurions pris un risque énorme, démesuré par rapport à la nécessité d'assurer le financement du logement social.
La réforme du livret A s'inscrit dans le cadre du contentieux nous opposant à la Commission européenne qui a demandé à la France de mettre fin à l'oligopole réservant à quelques réseaux bancaires la distribution du livret A. Monsieur Chassaigne, même si le mot « modernisation » vous gêne,…
…il faut que vous soyez moderne ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Pour ce qui nous concerne, notre objectif est de moderniser les circuits de financement du logement social, comme l'a souhaité le Président de la République dans son discours de Vandoeuvre-lès-Nancy de décembre dernier consacré au logement. Cette réforme a également pour ambition, et j'y suis particulièrement attachée, d'étendre l'accessibilité bancaire.
Parvenir à un équilibre entre ces aspirations parfois contradictoires a demandé de longues négociations avec les partenaires concernés, à savoir non seulement les établissements bancaires, c'est exact, monsieur Paul, mais aussi avec toutes les associations oeuvrant pour les plus défavorisés, notamment en ce qui concerne le droit au compte. Pour le reste, nous avons formé un recours contre l'injonction de la Commission européenne, vous le savez, et, parallèlement, nous avons demandé à M. Camdessus d'élaborer des propositions sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour avancer. La préparation de cette réforme a également nécessité de nombreuses réunions de travail entre les services de Mme Christine Lagarde et les miens.
C'est exact, et assez rare pour être signalé ! Le texte est novateur dans le sens où il vise à inscrire dans la loi, pour la première fois, l'importance accordée au financement du logement social. L'article 39 vise en conséquence à assurer la pérennité du financement du logement social en garantissant un niveau de centralisation des fonds collectés par la Caisse des dépôts et consignations qui est indispensable au financement du logement social. Il s'agit de faciliter la diminution du coût du financement de ce logement et d'étendre les dispositions relatives à l'accessibilité bancaire.
S'agissant de la pérennisation du financement du logement social, le projet de loi prévoit un niveau plancher de centralisation des ressources collectées à la fois sur le livret A et le livret de développement durable. À ma demande, ce plancher a été fixé dans le texte à 1,25 fois le montant total des prêts, permettant ainsi de couvrir l'ensemble des besoins de financement. Si je n'étais pas convaincue de cela, mesdames, messieurs les députés, je ne le dirais pas avec autant de force ! Les organismes HLM auront ainsi la certitude de disposer des ressources nécessaires pour couvrir largement leurs besoins puisqu'ils disposeront d'un matelas de sécurité de 25 %, et ils le savent bien !
Par ailleurs, des dispositions réglementaires fixeront le pourcentage global de centralisation de la collecte réalisée sur le livret A et le livret de développement durable au minimum à 70 %.
Autre novation : il est inscrit dans le texte que l'épargne collectée sur le livret A sera affectée en priorité au financement du logement social.
Notre projet donne ainsi une valeur législative à la priorité absolue qui s'attache à consacrer les ressources de l'épargne réglementée à résorber la pénurie de logements.
Afin de faciliter la construction, notre volonté est ensuite de diminuer le coût du financement du logement social. La généralisation à l'ensemble des banques de la distribution du livret A s'accompagnera d'une baisse du taux de rémunération des banques collectrices, qui sera répercutée sur le coût des crédits octroyés aux bailleurs sociaux, ce qui leur permettra de réaliser des logements locatifs sociaux dans des conditions financières meilleures qu'aujourd'hui. Mme Lagarde vous l'a dit, mais je tiens à insister sur ce point. De plus, je précise que le taux des prêts PLUS baissera, à compter du 1er août, de vingt points de base, pour atteindre 4,10 % au lieu de 4,30 % actuellement. Le taux des prêts très sociaux, les PLAI, baissera de cinquante points de base, et j'en remercie Mme Lagarde, pour atteindre 2,80 % au lieu de 3,30 %.
Cette mesure indispensable contribuera à financer le logement social. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je rappelle que, pour lutter contre la pénurie de logements due à l'insuffisance de l'effort de construction pendant de nombreuses années, le Gouvernement s'est fixé comme objectif la construction de 500 000 logements par an, dont 120 000 logements sociaux. Vous le savez, plus de 430 000 logements ont été mis en chantier en 2007, dont près de 108 000 logements sociaux financés, ce qui n'était pas arrivé depuis vingt ans. A cet égard, la référence que vous avez citée fait allusion à la situation du logement social en France en 2006,…
…avant la mise en place du droit au logement opposable. Vous verrez ce que dira, dans un mois, le Conseil des ministres européens chargés du logement !
Cette baisse des taux se cumulera prochainement avec d'autres mesures en préparation dans le projet de loi de mobilisation pour le logement et participera au soutien de l'effort de construction des bailleurs sociaux.
J'ai aussi souhaité étendre l'accessibilité bancaire aux plus démunis. Je voulais permettre aux plus démunis d'entre nous d'accéder à la banque. Ce projet de loi va donc renforcer l'accessibilité bancaire en conservant à La Banque Postale le rôle qu'elle joue aujourd'hui en la matière. Cela n'était pas acquis, vous le savez, et je remercie l'ensemble du Gouvernement d'avoir pris cette décision. Le projet de loi va également consolider l'effectivité du droit au compte. A cet effet, il est prévu que les banques devront adopter une charte définissant les modalités précises de mise en oeuvre de ce droit.
La ministre du logement que je suis est très préoccupée par le logement social. Je suis, ce soir, aux côtés de Mme Lagarde, car je suis convaincue que son financement est acquis. Nous devons avancer, nous moderniser. Puisque notre préoccupation est la même, je vous demande à tous d'outrepasser idéologies et clivages partisans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et de voter cet article, dans l'intérêt des plus fragiles de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour une brève intervention. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais qu'a-t-il encore à dire ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je crois percevoir l'insatisfaction de nos collègues, mais je ne comprends pas pourquoi l'on ne pourrait pas débattre !
Madame la ministre de l'économie, je vais vous dire pourquoi vous avez pris la décision de ne pas attendre le recours. Nous le savons tous : le problème de fond, c'est que vous faites sortir la collecte des ressources finançant le logement social du cadre des services d'intérêt économique général, qui est un critère européen. S'il ne s'était agi que de généraliser la distribution du livret A tout en encadrant la rémunération des banques collectrices, nous y aurions consenti, mais le problème tient à ce que les banques ne sont pas capables de tenir une comptabilité séparée, et vous le savez. De ce fait, La Banque Postale sera la seule qui conservera les contrats des services d'intérêt économique général au sens de la réglementation européenne, ce que les représentants de la Commission n'ont pas manqué de rappeler avec insistance lors de leurs auditions. Autant dire que cette réforme va vous créer des problèmes et que ce sont les banques qui l'ont voulue. Alors qu'en formant leur recours, elles avaient expliqué à la Commission européenne qu'elles ne porteraient pas atteinte au principe de la centralisation, qu'elles s'y soumettraient, elles sont revenues sur cette décision. La réforme voulue par votre majorité aboutira, bien sûr, et c'est respectable, mais il faut savoir ce que nous laissons derrière nous : le financement du logement social sera sorti des services d'intérêt économique général. Je ne vous le reproche pas, madame Boutin ; je ne le reproche même pas à Mme Lagarde. C'est la stratégie consistant à placer les banques dans cette circonstance qui aura cet effet juridique, et nous le paierons cher.
Quant au financement du logement social, vous savez, madame Boutin, qu'il est assuré par deux instruments de nature différente : les subventions de l'État ou des collectivités territoriales et locales, et le livret A. Actuellement, l'engagement de l'État est spécifié, dans des conditions très réduites, au PLAI. C'est là qu'il met le plus d'argent. Il aide par ailleurs le PLS, mais il y consacre moins d'argent. Je ne le lui reproche pas ; je le constate : il suffit de regarder les comptes.
On n'a jamais constaté d'insuffisance de fonds sur les livrets A. Jamais la construction de logements sociaux n'a été entravée ni par un défaut de financement lié au livret A ni d'ailleurs par la volonté du Gouvernement. Du temps de M. Jospin, les crédits n'étaient pas utilisés ! Je me souviens fort bien de nos débats à cette époque. En revanche, il faut des tours de tables pour qu'on parvienne à rendre accessibles des loyers déterminés, ce qui ne peut se faire que s'il y a des subventions.
C'est pourquoi, à l'occasion de ce débat, nous voulons reposer le problème du financement, ou plus précisément de l'engagement de l'État en matière de subventions. Celui-ci apporte certes un financement de 900 millions d'euros. Mais je reviendrai sur ce chiffre et sur la rémunération que l'État perçoit au titre de la rémunération de la garantie qu'il apporte à la Caisse des dépôts sur les placements de la Caisse d'épargne. On verra qu'il fait du gras, puisque ces sommes sont supérieures à son engagement financier, sous forme de subventions, en faveur du logement social. Oui, nous en reparlerons : là est le vrai débat que nous voulons ouvrir.
Si la question de la généralisation se pose effectivement sur le plan juridique, on pouvait la résoudre différemment. Il suffisait d'accepter que l'on définisse comme un véritable enjeu le maintien du financement du logement social, dans le cadre d'un service d'intérêt économique général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ces amendements portent sur la convention conclue entre l'État et les banques qui entreront dans le dispositif destiné à distribuer le livret A.
L'amendement n° 617 propose qu'elle soit conclue pour trois ans et qu'elle fixe les engagements de chaque établissement en matière de collecte. Nous voulons en effet que la convention intègre certains objectifs à cet égard, pour que les contrôles et les évaluations soient conduits de manière raisonnable.
L'amendement n° 614 vise à la soumettre à l'avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Parlement conservera ainsi la primauté du contrôle de l'ensemble du dispositif, qu'il exerçait dans le cadre du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
L'amendement n° 615 tend à la soumettre à l'avis de l'Observatoire de l'épargne réglementée, visé à l'article L. 221-9 du code monétaire et financier. Le contrôle sera exercé par un organisme destiné à assurer la transparence des placements de l'épargne populaire.
L'amendement n° 616 propose enfin de soumettre la convention à l'avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, dans laquelle l'Assemblée nationale est représentée. Ce serait un moyen pour nous de garantir le respect de la transparence et la possibilité de vérifier, à tout moment, que les banques tiennent leurs engagements à l'égard de l'État, une fois que la convention aura été signée.
Avis défavorable sur les quatre amendements.
À plusieurs reprises, au cours de la discussion, nous rencontrerons des amendements proposant le même type de dispositif, qui consiste à prévoir le contrôle de tel ou tel organisme. Nous y reviendrons.
L'amendement n° 617 propose que la convention soit conclue pour trois ans. Cette durée nous paraît trop limitée. En outre, le dispositif proposé ne paraît pas adapté. Est-il réaliste de fixer des obligations en matière de collecte, alors qu'on ne connaît pas le comportement des épargnants, qui ne se décrète pas ? Il est probable que le dispositif proposé ne fonctionnerait pas. C'est du moins ce qui nous a conduits à émettre un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 614 , je pense que ce n'est pas le rôle des commissions des finances des deux assemblées que de donner leur avis sur la convention signée avec l'État. Nous y reviendrons quand nous débattrons de la CDC. De toute façon, aux termes de la rédaction actuelle, des représentants de l'Assemblée nationale et un représentant du Sénat siègent à la commission de surveillance, dont le président est lui-même un député issu de la commission des finances. Autant dire que l'amendement est satisfait.
L'amendement n° 615 prévoit que la convention sera soumise à l'observatoire d'épargne réglementée. C'est, là encore, un sujet sur lequel nous reviendrons, à la faveur d'autres amendements. L'observatoire créé par le projet est précisément chargé d'assurer le suivi de la réforme et de l'apprécier exactement, ce qui est un facteur essentiel de transparence, comme l'ont souligné plusieurs orateurs. Mais il n'est pas chargé de la mettre en oeuvre, ce qui ne pourrait qu'introduire une confusion des genres, qui nuirait à son utilité.
Enfin, l'amendement n° 616 propose que la convention soit soumise à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. Mais ce ne serait pas conforme au rôle de celle-ci : si elle donne son avis sur le taux de centralisation, lequel affecte directement son activité, on ne peut lui demander de se prononcer sur des décrets qui touchent à son organisation interne. Ce principe s'applique d'ailleurs à tous les établissements publics.
Pour toutes ces raisons, je répète que la commission émet un avis défavorable à ces quatre amendements.
Même avis que la commission pour les quatre amendements.
Les amendements nos 239 , 940 et 618 proposent que tout établissement de crédit soit tenu d'ouvrir un livret A à toute personne qui en effectue la demande. L'amendement n° 1046 , de même qu'un amendement n° 206 , vise à ouvrir à toutes les banques la faculté de s'engager dans l'obligation d'ouvrir un livret A.
La commission des affaires économiques a adopté l'amendement n° 239 de la commission des finances et repoussé les autres amendements. Mais, à titre personnel, je suis défavorable à tous. L'idée peut paraître séduisante, mais elle revient à confier à ces établissements une mission d'accessibilité bancaire via le livret A, ce qui ne peut que fragiliser l'équilibre général de la réforme proposée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Or j'ai souligné qu'il fallait essayer au contraire de le respecter et de le garantir.
Le Gouvernement propose pour sa part de confier à la seule banque postale la mission d'accessibilité bancaire via le livret A. L'Union européenne a d'ailleurs reconnu, sinon recommandé, la spécificité du service de la banque postale. L'idée semble pertinente, compte tenu de la taille du réseau. La banque postale revendique elle-même cette mission. M. Bailly m'a lui-même écrit à ce sujet.
Il y a environ un million de personnes qui vont à La Poste et qui n'iront pas ailleurs, pour des tas de raisons.
Certaines personnes en situation d'exclusion ne franchiront pas le sas d'une agence bancaire et n'iront pas voir un banquier. Il est donc naturel que la mission d'accessibilité bancaire via le livret A, qui est déjà en cours, soit assumée par la banque postale. Il me semble important de le souligner. Je rappelle en outre que la Caisse d'épargne et de prévoyance, ainsi que le Crédit mutuel n'ont pas a contrario l'obligation d'ouvrir, l'une, un livret A, l'autre, un livret bleu.
Imposer aux banques l'obligation de faire droit à toute demande d'ouverture du livret A fragiliserait le système proposé par le Gouvernement. De plus, cela l'obligerait à accorder aux banques une contrepartie, qui aurait pour effet pervers de renchérir le coût du logement social.
Pour toutes ces raisons, même si l'on peut comprendre l'intention qui préside à ces amendements, j'émets un avis défavorable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le rapporteur n'a pas à donner son avis personnel, mais à se faire l'écho de celui de la commission !
J'ai donné la parole à M. Paul. Vous interviendrez ensuite, monsieur Balligand.
Je vais prendre l'exact contre-pied de M. le rapporteur pour avis. Il a probablement lu un document, que j'ai sous les yeux et dont j'ai pris connaissance avec une certaine surprise. Il s'agit d'une réponse de La Poste adressée aux parlementaires qui s'étonnent que la banque postale se voie confier le rôle de banque des pauvres.
En voici les termes : « L'accessibilité bancaire exercée à travers le livret A concerne en particulier les personnes les plus démunies, qui sont, à la banque postale, de l'ordre d'un million. La mission d'accessibilité de la banque postale représente un coût net annuel de l'ordre de 500 millions d'euros – 428 millions selon la Commission européenne. Ces personnes qui ont un rapport à l'argent complexe et difficile sont clientes de la banque postale et continueront à l'être quoi que l'on fasse. En effet, il s'agit de personnes qui n'oseront jamais passer le seuil d'une agence bancaire, lieu intimidant pour elles, où l'on ne rencontre que des gents normaux,… »
«…où l'on ne fait que du commerce d'argent, et dont l'accès suppose de franchir des barrières physiques et psychologiques. » J'insiste sur cette phrase : « une agence bancaire, lieu intimidant pour elles, où l'on ne rencontre que des gents normaux… »
Je le suppose, en effet ! Je reviendrai sur ce point lorsque, comme beaucoup d'entre nous, je rencontrerai M. Bailly, dans quelques jours. La situation décrite ici est celle de bien des points du réseau de la banque postale, mais on pouvait probablement le faire en des termes différents, s'agissant d'un service et d'une entreprise publics.
La Poste est un établissement public, cher collègue ! Mais peut-être avez-vous à cet égard des intentions que nous ne connaissons pas encore. Ce n'est pas impossible, après tout…
Je n'insiste pas davantage. Nous ne suivrons pas M. le rapporteur de la commission des finances dans ses propositions. Nous défendons au contraire l'amendement n° 940 , qui propose que toutes les banques soient soumises à l'obligation d'ouverture universelle d'un livret A. Quant aux propos de M. Bailly, ne sont-ils pas édifiants ?
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour soutenir l'amendement n° 618 .
J'aimerais également revenir sur l'amendement n° 239 . Celui-ci a été adopté par la commission des finances. Le rapporteur pour avis n'avait donc pas à développer son point de vue personnel. Si un de ses collègues de l'UMP pouvait intervenir dans ce sens, il devait, lui, s'en tenir à l'avis de la commission.
L'amendement n° 618 a le même objet que l'amendement n° 239 .
Que la Banque postale permette à de nombreuses familles modestes d'accéder à des services bancaires : c'est une réalité. Qu'il y ait dans le projet de loi de modernisation de l'économie un montant compensant ce service : c'est logique. Mais tout cela ne doit pas nous faire oublier que, dans l'état actuel du texte que nous examinons, les banquiers ont le droit de refuser l'ouverture d'un compte.
Certes, à l'alinéa 30 de l'article 39 du projet de loi, il est prévu que les versements et retraits sur le livret A ne concernent pas tous les bureaux de poste, mais seulement les guichets « dûment organisés à cet effet ». Mais, pour ce qui concerne La Poste, je ne remets en question ni son rôle ni la compensation prévue.
En revanche, pour les banques, c'est tout de même un peu fort de café ! Vous avez vendu l'opération en cours comme une banalisation : le livret A sera distribué partout ! Or, pour les banquiers, seuls les clients qui ont des moyens sont intéressants. Il me semble donc assez logique d'obliger les banques à ne pas refuser les personnes très modestes qui pourraient entrer dans leurs établissements, par exemple au Crédit agricole, pour demander l'ouverture d'un livret A.
Et cet amendement n'a pas posé de problème aux membres de la commission des finances !
La parole est àM. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 1046 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Pour répondre aux propos selon lesquels je n'aurais pas le droit d'exprimer mon avis, je voudrais souligner que j'ai bien rappelé, en présentant l'amendement n° 239 , qu'il avait été adopté par la commission.
J'ai également précisé que je m'exprimais à titre individuel puisque, effectivement, lors de l'examen par la commission des finances de ce projet de loi, le rapporteur pour avis que je suis a été battu sur le vote de cet amendement.
Je voudrais toutefois souligner que le texte du Gouvernement ne fait que reprendre le droit existant. Je l'ai écrit dans le rapport de la commission des finances : les Caisses d'épargne et de prévoyance, et le Crédit mutuel peuvent actuellement refuser d'ouvrir un livret A pour les premières, et un livret bleu pour les secondes.
Les amendements nos 239 et 940 visent à étendre à toutes les banques l'obligation d'ouvrir un livret A.
Or, le texte du Gouvernement restreint cette obligation à la seule Banque postale, dans le cadre de la mission spécifique d'accessibilité bancaire qu'il est prévu de lui confier en matière de livret A. L'idée d'étendre à toutes les banques les obligations de la Banque postale, liées à l'accessibilité bancaire, est, a priori, tout à fait séduisante. Cependant, je crains qu'il ne s'agisse, en réalité, d'une fausse bonne idée.
Avant de vous expliquer pourquoi il n'est pas souhaitable d'imposer cette obligation aux banques, je souhaite vous présenter la politique du Gouvernement en matière d'accessibilité bancaire.
Sur cette question, monsieur Daniel Paul, je rejoins votre point de vue, car nous souhaitons effectivement que chacun puisse s'adresser à toute banque de son choix, quelle que soit la façon dont il conçoit un établissement bancaire, et quelle que soit la façon dont il est perçu par celui-ci. Or ce dont nous parlons alors, c'est du droit au compte, que nous voulons impérativement privilégier, et non de l'accessibilité bancaire. Aujourd'hui, je vous l'accorde, ce droit au compte n'est pas particulièrement bien respecté par les établissements bancaires, mais nous souhaitons nous attaquer à ce problème.
Pourquoi voulons-nous privilégier le droit au compte plutôt que l'accessibilité bancaire ? Parce que les services rendus aux bénéficiaires du droit au compte sont bien plus développés, M. le rapporteur de la commission des finances évoquait ce point tout à l'heure. À l'accès au compte-chèques, s'ajoute – ce qui n'est pas prévu dans le cadre de l'accessibilité bancaire – celui à une carte de paiement à autorisation systématique utilisable chez les commerçants et permettant de retirer des espèces dans les distributeurs automatiques.
Par ailleurs, le droit au compte n'est pas stigmatisant puisqu'il donne accès à tous aux mêmes services bancaires. En revanche, l'accessibilité bancaire est stigmatisante, et l'ensemble des associations qui défendent le droit au compte n'ont pas manqué de nous le faire remarquer.
Enfin, dernière vertu du droit au compte, pour ceux d'entre vous qui êtes sensibles au caractère financier de ses services : il est financé par les banques qui participent au système, à concurrence de leur part de marché.
Le Gouvernement propose donc de donner une priorité absolue au développement du droit au compte. Je vous ai concédé bien volontiers qu'à l'heure actuelle il n'était pas particulièrement bien observé : j'ai donc demandé qu'une charte d'accessibilité soit mise en place, pour renforcer le caractère effectif de ce droit. Comme nous le faisons déjà pour ce qui concerne les engagements que les banques prennent envers les PME en matière de financement, j'ai bien l'intention de vérifier régulièrement comment les établissements de crédits s'acquittent de leur obligation relative au droit au compte, car celui-ci doit bénéficier à tous nos concitoyens.
Au-delà de sa volonté de développer le droit au compte et d'en faire le pilier de l'accessibilité bancaire, le Gouvernement reconnaît le rôle aujourd'hui joué par le livret A dans ce domaine. Afin de prendre en compte les populations les plus fragiles pour lesquelles, même avec un droit au compte effectif, l'accès à une succursale bancaire est intimidant, le Gouvernement souhaite préserver le rôle de la Banque postale en matière d'accessibilité, que ce soit pour ses usagers actuels ou futurs.
Le Gouvernement propose donc de conserver le livret A, comme une sorte de soupape de l'accessibilité bancaire. Dans ce domaine, nous le savons très bien, il ne s'agit pas du meilleur outil, et le droit au compte est bien plus efficace. Toutefois, nous reconnaissons aussi qu'il faut privilégier l'accessibilité pour ceux qui en ont le plus besoin : le projet de loi ne modifie donc pas le statu quo en matière de livret A.
Aujourd'hui, seule la Banque postale est, selon la loi, dans l'obligation d'ouvrir un livret A à tout déposant qui en fait la demande. Comme le soulignait Nicolas Forissier, cette obligation ne s'impose ni à la caisse d'épargne ni au crédit mutuel et le projet de loi ne change rien en la matière.
J'attire par ailleurs votre attention sur le fait qu'imposer à toutes les banques d'ouvrir un livret A aurait évidement un coût.
Certes, mais elles demanderaient en contrepartie la rémunération du service d'accessibilité bancaire, dont je vous rappelle qu'il est sans commune mesure avec le simple fonctionnement d'un livret A.
Au lieu d'un taux à 0,6 % que nous avons pu négocier avec l'ensemble des banques – certes, vous pourrez toujours vous interroger sur la vertu de ce taux –, ces dernières appliqueraient, pour fournir ce service supplémentaire, un taux bien supérieur, probablement celui pratiqué aujourd'hui, par exemple, par le Crédit mutuel ou la Caisse d'épargne.
Nous pourrons évidemment tenter de négocier, mais le taux obtenu sera toujours bien plus élevé que le celui de 0,6% actuellement en vigueur. Il pèserait alors sur le mécanisme de financement du logement social puisqu'il serait prélevé sur l'épargne collectée.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées – et l'argument d'ordre financier que je viens de vous donner n'est pas mineur –, il ne me paraît pas du tout opportun d'étendre à l'ensemble des banques l'obligation relative à l'ouverture d'un livret A.
J'ajouterai un dernier élément sur cette question. En effet, la Banque postale est aujourd'hui bien plus à même de remplir l'obligation d'ouverture de livret A que les autres établissements de crédit.
Tout d'abord pour des raisons comportementales. Les personnes en difficulté d'insertion entrent plus facilement dans un bureau de poste que dans une banque. Même si je ne souscris pas aux propos tenus à ce sujet tout à l'heure, un vrai facteur comportemental doit toutefois être pris en compte.
Ensuite, pour des raisons territoriales : l'implantation géographique de la Banque postale lui assure une présence qui couvre une très grande partie du territoire. Évidemment, pour des raisons de sécurité, il n'est pas possible de mettre en place dans des bureaux de poste, réduits à leur plus simple expression et ne bénéficiant pas de systèmes de sécurité, des mécanismes de collecte qui exposeraient forcément les agents de La Poste à des risques.
Le projet de loi précise donc que les seuls bureaux de poste « dûment organisés à cet effet » acceptent les versements et retraits sur le livret A.
Enfin, pour une raison opérationnelle. En effet, aujourd'hui, la Banque postale est la seule banque à disposer d'une encaisse en pièces dans l'ensemble de ses guichets, et donc la seule à pouvoir assurer un service de retraits et de dépôts pour de très faibles montants.
Pour ces trois raisons, il me paraît éminemment souhaitable de ne pas voter en faveur des amendements nos 239 , 940 et 1046 . Le Gouvernement émet donc à leur sujet un avis très défavorable.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 618 de M. Balligand, qui consiste à rendre obligatoire l'ouverture d'un livret A dans les seuls établissements de crédit qui auront demandé à le distribuer, j'apprécie la subtilité du procédé, mais je ferai la même réponse que pour les amendements sur lesquels je viens de donner la position du Gouvernement. Je suis donc également défavorable à l'amendement n° 618 .
Je ne serai pas trop long, de nombreuses d'explications ont déjà été données.
Je fais partie des députés qui ont été initialement séduits par l'idée défendue par ces amendements. Mais, au-delà même des arguments donnés par Mme la ministre, le membre de la commission des finances que je suis ne peut s'empêcher d'être préoccupé par la santé financière de l'établissement public La Poste.
La Banque postale a commencé à se développer et son équilibre reste fragile. Elle demeure propriété de l'État, et le supplément de rémunération versé au-delà des 0,6 % est lié à cette spécificité, reconnue par la Commission européenne. Une obligation spécifique lui incombe déjà, comme l'ont rappelé le rapporteur de la commission des finances et Mme la ministre. La majoration de rémunération du livret A étant liée à la mission spécifique de La Poste, il y a fort à parier, si nous modifiions la règle actuelle, que les autres établissements bancaires demanderaient, dès lors qu'ils auraient la même charge, une répartition des sommes qui entraînerait un manque à gagner pour la Banque postale. Celle-ci devrait, de plus, continuer de financer les frais de structure liés à son réseau géographique très dense, et subirait toujours, de surcroît, les contraintes de la gestion de plus petits comptes qu'elle conserverait.
Dans ces conditions, au-delà de l'intention louable, je pense qu'il est préférable de s'en tenir au droit au compte et de renoncer à ces amendements.
Nous sommes au sommet de la gestion de la quadrature du cercle !
Malheureusement, cher collègue Michel Bouvard, ce que vous redoutez arrivera, même si ces amendements ne sont pas adoptés.
Je veux rappeler que nous avons voté en 2005 la loi de régulation postale – notre collègueJean Proriol, présent sur ces bancs, en était le rapporteur. J'avais, à l'époque, indiqué à la majorité que les conditions dans lesquelles elle créait la Banque postale, sachant que cette dernière ne serait pas publique à 100 %, puisque son capital devait être ouvert, et que La Poste ne serait par chargée de missions d'intérêt général – la majorité ne le souhaitait clairement pas –, allait automatiquement entraîner la banalisation du livret A.
Certains d'entre vous m'avaient alors reproché d'exagérer et de faire des procès d'intention. Quelques années plus tard, nous y sommes ! C'était fatal, puisque votre choix politique était de faire de la Banque Postale une banque pareille à toutes les autres. Ce ne sont pas les quelques bouées de sauvetage dont vous tentez de l'entourer qui vous permettront d'y changer quoi que ce soit.
Nous avions pourtant proposé toute une série d'amendements sur le droit au compte et au chéquier, mais le Gouvernement et le rapporteur les avaient balayés d'un revers de la main, en considérant qu'ils n'avaient aucun intérêt. Je me félicite que la majorité ait évolué au cours de ces trois dernières années, mais je regrette que nous ne soyons pas intervenus plus tôt.
En effet, nous courons deux risques. Le premier, parfaitement décrit par Michel Bouvard, est que la compensation dont doit bénéficier la Poste pourrait être remise en cause si celle-ci ne reste pas le guichet le plus accueillant pour les plus démunis.
Le second risque est celui du siphonnage du livret A par les autres banques. En effet, si ces dernières ne sont pas obligées d'accueillir l'ensemble de ceux qui peuvent demander l'ouverture d'un livret, elles privilégieront les gros livrets, et l'argent du livret A ira ailleurs. En l'absence de toute obligation de service public, la collecte en faveur du logement social sera mise à mal.
En réalité, vous vous prenez les pieds dans le tapis, car cette situation inextricable était en germe dans la manière dont, en 2005, vous avez transformé la Poste en Banque Postale.
Mes chers collègues, il nous reste à examiner une centaine d'amendements à l'article 39. La discussion ayant été très large, je vous propose d'avancer.
Je mets aux voix l'amendement n° 239 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 1046 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 939 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 941 rectifié .
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 941 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 619 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 620 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 621 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
La commission et le Gouvernement y sont défavorables.
Je mets aux voix l'amendement n° 621 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 134 .
La parole est à M. Jean Proriol, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 627 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
Cet amendement tend à fixer le montant minimal des opérations individuelles de retrait et de dépôt à un euro cinquante.
Avis défavorable. Une telle disposition relève du domaine réglementaire.
Défavorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 622 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisie d'un amendement no 21 .
La parole est àM. Jean Proriol, pour le soutenir.
Défavorable.
Je souhaiterais revenir sur l'amendement n° 21 de M. Scellier, qui a été brièvement défendu (Sourires), car il est intéressant et mérite d'être lu avec attention.
Il permet notamment de tenir compte de manière intelligente de l'hypothèse dans laquelle le montant global des dépôts centralisés par la Caisse des dépôts et consignations n'atteindrait pas 70 %, en prévoyant le prélèvement, l'année suivante, d'une quote-part supplémentaire sur les dépôts au titre du livret de développement durable.
Je partage le sentiment de notre collègue Balligand. Actuellement, le taux de centralisation est de 100 % pour le livret A et de 9 % pour le LDD. Certaines banques auront ainsi beaucoup de LDD et pas de livret A. Avec un taux de centralisation de 70 % en moyenne pondérée, va donc se poser pour ces banques un problème de transition. Lorsque nous avions posé la question en commission, on nous avait répondu que le Gouvernement envisageait de prendre des mesures provisoires progressives. L'amendement n° 21 présente l'avantage d'éviter ces mesures transitoires.
Le taux de 70 % ne figure pas dans le projet de loi, qui ne prévoit qu'un taux plancher, et nous avons souhaité que le Gouvernement précise son engagement sur ce point. Cet amendement est intéressant, car il permettrait d'assurer la gestion dans la durée du taux de centralisation, au-delà du problème du taux plancher – qui vise à sécuriser le dispositif –, notamment dans le cas où le taux de centralisation se situerait entre ce taux plancher et celui de 70 %.
Dans la mesure où le taux ne figure pas dans la loi, il ne me paraît pas forcément nécessaire de voter cet amendement, mais il serait intéressant de connaître la position du Gouvernement à ce sujet. Je souhaiterais également savoir comment l'Observatoire de l'épargne réglementée, le Parlement, le cas échéant, et la commission de surveillance de la Caisse des dépôts pourraient être associés à cette gestion dans la durée.
La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Dans son amendement, M. Scellier propose une règle de centralisation à la CDC différente de celle qu'envisage le Gouvernement. Le mécanisme proposé est intéressant, mais complexe.
La collecte du livret A serait centralisée à 100 %. Si ce montant correspond à une centralisation inférieure à 70 % de l'assiette livret A et LDD ou au plancher prévu par le Gouvernement, les ressources LDD nécessaires sont centralisées afin d'atteindre ces deux planchers. En cas d'augmentation de 15 % de la collecte sur douze mois, le ministre de l'économie peut, après avis de l'Observatoire de l'épargne réglementée et de la commission de surveillance de la CDC, restituer aux banques les excédents de liquidités centralisées à la Caisse des dépôts et consignations. Non seulement ce système me paraît complexe, mais il fait, en outre, intervenir la décision du ministre. Il est donc difficilement prévisible pour les banques, dans une matière qui impacte pourtant leur trésorerie.
Le dispositif que nous proposons, plus simple, plus lisible et certainement plus prévisible, s'inscrit dans une logique de « flexicurité ».
Il est flexible, car c'est un décret qui fixera le taux de centralisation. Ce taux sera initialement fixé à un niveau qui permette de garantir de manière inchangée les ressources centralisées à la CDC par l'agrégation des deux sommes, la péréquation et la détermination d'un pourcentage de 70 % de l'intégralité de la somme. Ce décret permettra une adaptation en fonction de l'évolution de la collecte. En effet, en cas de sur-collecte, rien ne sert de trop centraliser à la Caisse des dépôts et des consignations, car c'est autant de ressources qui n'iront pas financer les petites et moyennes entreprises ; en cas de sous-collecte, le taux pourra être augmenté en fonction des besoins du logement social.
Notre dispositif est également facteur de sécurité, car il offre au logement social des garanties législatives, en prévoyant un coefficient de 1,5 qui assure l'adéquation des ressources centralisées à la Caisse des dépôts et consignations avec les besoins du logement social et, au-delà, de la politique de la ville.
Sous le bénéfice de ces clarifications, je demande le retrait de cet amendement.
En conséquence, l'amendement n° 628 tombe.
L'adoption de l'amendement n° 21 fait également tomber les amendements nos 942 , 1257 , 629 , 702 , 943 , 1258 , 825 , 630 , 240 rectifié , 473 , 631 , 476 , 474 , 1484 , 867 , 868 , 869 , 475 , 632 , 800 , 623 , 633 , 241 et 477 .
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 242 et 479 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour soutenir l'amendement n° 242 .
Je veux tout d'abord souligner que je regrette le vote de l'amendement précédent, qui simplifie peut-être les choses, mais ne semble pas correspondre à l'esprit de la réforme.
L'amendement n° 242 a pour objet d'instaurer une obligation d'affectation des sommes collectées au titre du livret A et non centralisées à la Caisse des dépôts et consignations. Les dispositions proposées constituent une synthèse des travaux de la commission des finances visant à ce que l'épargne non centralisée – je rappelle qu'il s'agit d'une épargne réglementée, bénéficiant d'une double bonification – fasse l'objet d'une obligation d'emploi ciblée sur le financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur phase d'amorçage – un segment de la chaîne de financement de nos entreprises qui peine à trouver des ressources – ainsi qu'aux travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens.
Il est prévu que le non-respect de cette obligation d'emploi entraînera la recentralisation des dépôts concernés à la Caisse des dépôts et consignations.
Enfin, l'amendement n° 242 prévoit une obligation d'information sur l'emploi des ressources collectées.
L'amendement n° 479 est identique à celui que vient de défendre M. Forissier. Cet amendement a fait l'objet d'un consensus au sein de la commission des finances. L'usage fait par les établissements bancaires des fonds collectés au titre du livret de développement durable soulève quelques interrogations, cet usage ne faisant l'objet d'aucun contrôle réel et sérieux. Or, cette épargne défiscalisée, donc représentant une dépense fiscale de l'État, doit logiquement être affectée à des missions d'intérêt général. Nous proposons donc d'aligner le livret A sur le livret de développement durable, afin de gagner en transparence sur l'utilisation des sommes non affectées. Il va de soi que les crédits ne satisfaisant pas à l'obligation d'emploi devront être recentralisés à la Caisse des dépôts.
Il nous faut être très attentifs sur ce point, faute de quoi nous nous mettrons à la merci d'une remise en cause de l'épargne réglementée par la Commission européenne. La défiscalisation de l'épargne n'est en effet justifiée que par son utilisation pour des missions d'intérêt général.
L'objet de cet amendement est de préciser que la part non centralisée des encours sur les livrets A qui reste au bilan des banques doit être affectée, comme c'est déjà le cas pour les LDD, à des prêts aux petites et moyennes entreprises ou à des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens. L'amendement précise en outre que les sommes que les établissements bancaires n'affecteraient pas aux emplois prévus devraient être recentralisées à la Caisse des dépôts et consignations.
Dans le cadre de sa politique économique générale, le Gouvernement est très favorable à toute mesure permettant d'améliorer le financement des petites et moyennes entreprises, dont chacun sait qu'elles concourent à la création d'emplois et à l'effort en recherche et développement. Aujourd'hui, 91 % des ressources collectées sur le LDD restent au bilan des banques. La loi prévoit que ces ressources doivent être affectées au financement des PME et aux travaux d'économie d'énergie. Avec l'amendement proposé, qui étend cette obligation au livret A, la part décentralisée des encours atteint 55 milliards d'euros. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement qui aura pour effet de profiter au développement des petites et moyennes entreprises.
Je remercie Mme la ministre d'avoir donné un avis favorable à cet amendement. J'estime, comme M. Bouvard, que nous avons intérêt à être très vigilants sur le rapatriement vers la Caisse des dépôts et consignations des fonds décentralisés qui ne seraient affectés ni aux PME ni aux opérations d'économie d'énergie. À défaut, nous nous exposerions à tout moment aux attaques de la Commission européenne. En effet, la légitimité de la défiscalisation de ces sommes vient du fait qu'elles servent à des missions d'intérêt général.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisie d'un amendement n° 691 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 22 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le soutenir.
Défavorable.
Cet amendement propose que la Caisse des dépôts et consignations soit consultée sur le projet de décret fixant les modalités de calcul de la rémunération des banques. Si la Caisse des dépôts et consignations est placée sous la protection du Parlement, je me demande tout de même s'il est du ressort de celle-ci d'interférer dans la relation entre les banques et le Gouvernement. C'est pourquoi, si la commission des finances a adopté cet amendement, à titre personnel j'aimerais connaître l'avis de Mme la ministre sur ce point.
L'amendement n° 478 , identique, a été adopté à une quasi-unanimité par la commission des finances. Il est légitime de s'interroger : pourquoi la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations devrait-elle être consultée sur le taux de rémunération des établissements bancaires habilités à distribuer le livret A ? La réponse est double. D'une part, elle est capable d'apprécier la charge réelle que fait peser sur les banques la gestion du livret A et donc, le cas échéant, de suggérer de baisser le taux de rémunération en deçà du seuil de 0,6 %, facilitant ainsi la prise de décision du Gouvernement. D'autre part, bien que la volonté de transparence du Gouvernement en matière d'affectation des ressources au logement social ne fasse pas de doute, il ne faut pas perdre de vue que, si les ministres passent, la commission de surveillance, elle, demeure. Il n'est donc pas inutile qu'elle puisse vérifier régulièrement que les économies réalisées sont bien répercutées auprès des emprunteurs.
Oui, madame la présidente. Je souscris totalement à ce que vient de dire M. Bouvard.
Cet amendement m'embarrasse, car il me paraît mélanger les genres et créer un risque de conflit d'intérêts entre le rôle de l'État – qui est de fixer le cadre de l'activité des fonds d'épargne – et celui de la Caisse des dépôts – qui est de gérer ces fonds.
Je sais votre grand attachement à la bonne gouvernance, monsieur Bouvard, et il me semble que ce principe se verrait renforcé par une claire répartition des rôles de chacun. Vous avez raison de souligner que la Caisse des dépôts et consignations présente l'avantage, par rapport à un ministre qui n'exercera ses attributions que de manière éphémère, d'une plus grande stabilité dans le temps. Toutefois, le plus important me paraît être d'éviter le risque de conflit d'intérêts. Comme vous le savez, je me bats sur les plans national et international pour plus de transparence et une meilleure régulation dans le domaine des marchés financiers entre les opérateurs financiers au sein des agences de notation. Dans ces conditions, il me paraît difficile de donner un avis favorable à cet amendement ou même de m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée. Au risque d'être battue, j'émets donc un avis défavorable à cet amendement.
Je comprends votre argumentation, madame la ministre. Pour autant, la Caisse des dépôts a un mandat de gestion de l'épargne réglementée. En l'espèce, la section générale de la Caisse n'est pas concernée !
Le risque de conflit d'intérêts n'existe donc pas dans la pratique, puisque nous ne gérons pas pour notre propre compte, mais dans le cadre d'un mandat reçu de l'État. Il me semble qu'il est assez protecteur pour l'État de disposer de l'avis de son gestionnaire, puisque, je le rappelle, la totalité des résultats des fonds d'épargne va à l'État, la Caisse des dépôts n'en conservant pas le moindre centime.
Je voudrais quand même vous faire observer, madame la ministre, que le taux de commissionnement n'est quand même pas sans incidence sur l'équilibre des fonds d'épargne. Sa fixation relève donc bien de la gestion.
De plus, la commission de surveillance débat régulièrement de cette question du taux de commissionnement de la collecte. Lui donner la faculté d'émettre un avis simple ne serait donc, d'une certaine façon, que mettre le droit en conformité avec la réalité.
Votre thèse serait tout à fait défendable, madame la ministre, si la Caisse des dépôts était un banal établissement à but industriel et commercial ou une société anonyme : il serait alors effectivement choquant que le ministre doive la consulter. Mais son activité de gestion des fonds d'épargne est de par la loi un service public délégué par l'État.
De plus, madame la ministre, vous ne seriez pas tenue de suivre l'avis de la commission de surveillance. Cependant, si, pour prendre un exemple caricatural, elle vous demande d'« écraser les prix », ce serait quand même une erreur de ne pas la suivre ! Or, comme vient de le rappeler son président, cela fait des années qu'elle conseille de baisser ce taux de rémunération : c'est d'ailleurs ce que fait votre projet.
Il s'agirait donc plutôt d'une aide pour le ministre, et je ne crois pas qu'il y ait en l'espèce de conflit d'intérêt.
Je suis saisie d'un amendement n° 625 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
Défavorable. De même pour l'amendement n° 626 , qui va venir en discussion.
Je suis saisie d'un amendement n° 626 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
Je suis saisie d'un amendement n° 1047 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le soutenir.
Cet amendement veut assurer la pérennité du financement du logement social en introduisant une rémunération juste et équilibrée des réseaux collecteurs au titre de leur mission de centralisation, du rôle spécifique joué par le livret en matière d'accessibilité bancaire et de la prise en compte des coûts de gestion des petits livrets.
En effet, une rémunération financière trop faible des établissements collecteurs risquerait de provoquer à terme le « siphonnage » des livrets bien remplis au bénéfice de produits financiers plus rémunérateurs qui mettrait à mal la pérennité du financement du logement social. C'est pourquoi il convient de favoriser cette mission de préservation de la petite épargne des plus modestes. Je rappelle que le solde moyen des livrets A et bleu, de l'ordre de 3 000 euros, cache de fortes disparités puisque plus de la moitié de ces livrets présentent un solde inférieur à 500 euros.
C'est un avis défavorable. En effet, ce mécanisme, bien que fort élaboré, aurait pour inconvénient d'augmenter considérablement le coût de la rémunération, ce qui diminuerait d'autant les économies que la réforme de ce système nous permettra enfin de réaliser et qui devront bénéficier au financement du logement social.
Je vous invite donc très vivement à voter contre cet amendement, le Gouvernement émettant un avis défavorable pour des raisons d'efficacité financière au service du logement social.
L'amendement n° 1047 est retiré.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 11 juin, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de modernisation de l'économie.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 11 juin 2008, à deux heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma