Notre débat revêt une certaine importance. Au fond, nous pouvons être en désaccord sur des choix de politique publique, mais il est important de fonder les débats sur une bonne compréhension des phénomènes, sur une juste mesure des choses. Bref : débattons autant qu'on le veut et divergeons autant qu'il est nécessaire sur les politiques à conduire, mais au moins fondons nos débats sur des éléments quantifiés partagés.
C'est le sujet de l'indépendance de notre outil statistique. Sans la remettre en cause sur le fond, les institutions européennes exigent que cette indépendance soit plus explicite. Au vu des débats qui se sont multipliés dans notre pays au cours des derniers mois ou des dernières années, il est aussi utile d'apporter à nos concitoyens des garanties supplémentaires.
Ces réflexions ont inspiré la mission sur la mesure des grandes données économiques et sociales, présidée par Pierre-Alain Muet et dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. Au sein de la mission, nous avons débattu et nous nous sommes parfois opposés sur certains sujets de fond, mais en gardant la volonté de dégager le meilleur consensus sur les conditions de mesure et sur les garanties à apporter à nos concitoyens.
À l'heure d'inscrire l'organisation et l'indépendance statistique dans la loi, il me semble tout à fait important que nous soyons dans cette recherche de consensus. Dans le projet de loi de modernisation de l'économie, sur certains articles, les membres de la majorité peuvent partager certaines options auxquelles les membres de l'opposition n'adhèrent pas. Mais, sur cet article, je crois qu'il est tout à fait essentiel de rechercher l'accord le plus large sur les bancs de notre assemblée, car il s'agit bien d'affirmer et d'organiser l'indépendance de notre outil statistique dans des conditions plus explicites – l'indépendance est établie dans les faits, je le rappelle. Ensuite, sur la base des chiffres qui nous sont livrés et que l'on analyse, mois après mois ou trimestre après trimestre, nous débattrons, nous critiquerons et nous proposerons librement.
La mission a établi un rapport adopté à l'unanimité de ses membres, issus des commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales. Ses travaux ont été présentés aux trois commissions réunies. Dans ce cadre a été élaboré un amendement, qui sera présenté tout à l'heure.
Dans ce débat, la proposition du Gouvernement possède le mérite évident de fournir une réponse à la demande européenne : expliciter et clarifier les conditions d'indépendance de la statistique publique en France. Le Gouvernement propose d'inscrire cette disposition dans la loi, ce qui correspond à l'analyse initiale de la mission.
Cependant, le projet du Gouvernement soulève certaines difficultés déjà évoquées précédemment par quelques collègues, car il prévoit la création d'une autorité administrative indépendante nouvelle. Dans notre assemblée, nous ne sommes pas extrêmement favorables à la multiplication de ces structures nouvelles. (M. Michel Bouvard applaudit.) Ces structures ont leur vie propre. Elles mènent en général assez bien leur mission, mais elles manifestent une fâcheuse tendance à manquer de transparence à l'égard du pouvoir législatif, et font preuve de lourdeur dans certains cas. En outre, l'articulation avec les systèmes préexistants n'est pas toujours claire.
Pour ces raisons, la mission a proposé un dispositif qui nous paraît plus simple. Le Conseil national de l'information statistique serait rénové et rebaptisé Conseil supérieur de la statistique, dont le président serait nommé par le pouvoir exécutif. Un collège d'experts indépendants, intégré à ce conseil, serait chargé de veiller à l'indépendance du travail statistique et de répondre ainsi aux exigences communautaires qui nous sont adressées. Cet organisme unique, le Conseil supérieur de la statistique, cumulerait le travail du CNIS actuel et l'indispensable fonction d'indépendance.
La mission ne prétend pas avoir atteint une vérité définitive, mais la méthode est intéressante. Nous proposons un schéma qui nous paraît opérationnel, simple, qui évite de créer des organismes nouveaux, et qui recueille un consensus élargi aux différents bancs – ce qui me paraît important dans ce débat. La mission comprenait des membres des différents groupes ; ses travaux ont été présentés aux commissions ; et un consensus s'est dégagé sur notre proposition. Fonder cette étape sur un consensus « transpartisan » me paraît important.