Je crois percevoir l'insatisfaction de nos collègues, mais je ne comprends pas pourquoi l'on ne pourrait pas débattre !
Madame la ministre de l'économie, je vais vous dire pourquoi vous avez pris la décision de ne pas attendre le recours. Nous le savons tous : le problème de fond, c'est que vous faites sortir la collecte des ressources finançant le logement social du cadre des services d'intérêt économique général, qui est un critère européen. S'il ne s'était agi que de généraliser la distribution du livret A tout en encadrant la rémunération des banques collectrices, nous y aurions consenti, mais le problème tient à ce que les banques ne sont pas capables de tenir une comptabilité séparée, et vous le savez. De ce fait, La Banque Postale sera la seule qui conservera les contrats des services d'intérêt économique général au sens de la réglementation européenne, ce que les représentants de la Commission n'ont pas manqué de rappeler avec insistance lors de leurs auditions. Autant dire que cette réforme va vous créer des problèmes et que ce sont les banques qui l'ont voulue. Alors qu'en formant leur recours, elles avaient expliqué à la Commission européenne qu'elles ne porteraient pas atteinte au principe de la centralisation, qu'elles s'y soumettraient, elles sont revenues sur cette décision. La réforme voulue par votre majorité aboutira, bien sûr, et c'est respectable, mais il faut savoir ce que nous laissons derrière nous : le financement du logement social sera sorti des services d'intérêt économique général. Je ne vous le reproche pas, madame Boutin ; je ne le reproche même pas à Mme Lagarde. C'est la stratégie consistant à placer les banques dans cette circonstance qui aura cet effet juridique, et nous le paierons cher.
Quant au financement du logement social, vous savez, madame Boutin, qu'il est assuré par deux instruments de nature différente : les subventions de l'État ou des collectivités territoriales et locales, et le livret A. Actuellement, l'engagement de l'État est spécifié, dans des conditions très réduites, au PLAI. C'est là qu'il met le plus d'argent. Il aide par ailleurs le PLS, mais il y consacre moins d'argent. Je ne le lui reproche pas ; je le constate : il suffit de regarder les comptes.
On n'a jamais constaté d'insuffisance de fonds sur les livrets A. Jamais la construction de logements sociaux n'a été entravée ni par un défaut de financement lié au livret A ni d'ailleurs par la volonté du Gouvernement. Du temps de M. Jospin, les crédits n'étaient pas utilisés ! Je me souviens fort bien de nos débats à cette époque. En revanche, il faut des tours de tables pour qu'on parvienne à rendre accessibles des loyers déterminés, ce qui ne peut se faire que s'il y a des subventions.
C'est pourquoi, à l'occasion de ce débat, nous voulons reposer le problème du financement, ou plus précisément de l'engagement de l'État en matière de subventions. Celui-ci apporte certes un financement de 900 millions d'euros. Mais je reviendrai sur ce chiffre et sur la rémunération que l'État perçoit au titre de la rémunération de la garantie qu'il apporte à la Caisse des dépôts sur les placements de la Caisse d'épargne. On verra qu'il fait du gras, puisque ces sommes sont supérieures à son engagement financier, sous forme de subventions, en faveur du logement social. Oui, nous en reparlerons : là est le vrai débat que nous voulons ouvrir.
Si la question de la généralisation se pose effectivement sur le plan juridique, on pouvait la résoudre différemment. Il suffisait d'accepter que l'on définisse comme un véritable enjeu le maintien du financement du logement social, dans le cadre d'un service d'intérêt économique général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)