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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 10 juin 2008 à 21h45
Modernisation de l'économie — Article 39

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Mes chers collègues, tout d'abord, il me semble que nous sommes unis sur deux points. Premièrement, le livret A comme le LDD doivent contribuer au financement du logement social et de la politique de la ville. Deuxièmement, il faut faire en sorte que tous nos concitoyens bénéficient d'une accessibilité bancaire. Voilà les deux objectifs.

Ensuite, la décision de la Commission dit précisément trois choses.

Premier point incontestable : elle dit que le monopole actuel du livret A, avec les éléments liés dont peu de monde parle – c'est-à-dire le taux de rémunération, l'exonération fiscale et le plafond –, ne permettent pas aux différents collecteurs de l'épargne liquide française d'être dans des conditions de concurrence normale les uns avec les autres. On peut être pour ou contre, mais c'est incontestable.

Deuxième point : la Commission dit que l'accessibilité bancaire, comme le financement du logement social et de la politique de la ville, est bien un service d'intérêt général.

Troisième point : la Commission dit que le monopole dont bénéficient certains sur le livret A n'est pas consubstantiel au financement du logement social et à l'accessibilité bancaire – ce qui paraît plein de bon sens !

Mes chers collègues, dire, comme vous le faites, que les positions de la Commission n'engagent qu'elle revient à dire : « Ne faisons rien, attendons la décision de la Cour européenne qui interviendra au milieu de l'année prochaine. » Ce serait prendre un grave risque ! Honnêtement, prendriez-vous le risque de ne rien faire en attendant la décision ? Ce n'est pas raisonnable !

Venons-en maintenant aux questions de fond. Que craignez-vous ?

Vous craignez que la centralisation désamorce le système de financement du logement social et de la politique de la ville. Mais mes chers collègues, lisez le texte ! Le Gouvernement nous a dit que, de toute façon, dans un premier temps, il fixerait le taux à 70 %, soit la moyenne pondérée entre les 9 % du LDD et le 100 % du livret A. À quoi s'ajoutera un coefficient de 1,25 pour assurer la liquidité du financement du logement social. De ce point de vue, on pourrait jouer sur une palette de critères si l'on avait des conditions économiques permettant – comme cela est arrivé plusieurs fois dans l'histoire du livret A – une décollecte. Or la décollecte s'est produite plusieurs fois. Alors, sur quoi peut-on jouer ?

On peut augmenter le taux de centralisation.

On peut jouer sur le taux de rémunération relatif, puisque c'est un problème de substitution. Si vous augmentez le taux de rémunération, alors que les taux de rémunération sont en train de baisser sur les comptes d'épargne de droit commun, vous pouvez rapatrier une part supplémentaire de l'épargne liquide vers les livrets A.

Il y a le problème, dont personne n'a parlé, du régime fiscal des livrets A. En effet, jusqu'à présent, même si cela peut poser quelques problèmes, ils sont totalement exonérés, y compris sur les 167 milliards de dépôt de livret A, dont plus de la moitié sont sur des comptes qui sont au plafond. Nous avons eu un débat en commission des finances sur le fait de savoir s'il ne faudrait pas fiscaliser les intérêts au-delà, puisque, comme vous le savez, on peut percer les plafonds par l'accumulation des intérêts.

Cette palette de solutions permet de sécuriser le dispositif et, en cas de problème de décollecte, de pouvoir remonter le taux de collecte, ce qui a été fait à plusieurs reprises lors des dernières décennies.

Vous avez une autre inquiétude liée au risque de substitution : que les banques fassent des produits joints – livret d'épargne A avec d'autres produits – et que le livret A soit vidé vers ces autres produits. Mais ce ne sont pas les banques qui en décident, c'est l'épargnant ! Et pourquoi voulez-vous que l'épargnant vide son compte livret A au profit d'un autre placement si le livret A est plus intéressant ? Et si l'on avait ce phénomène de décollecte – qui existe déjà, on a connu une décollecte du livret A pendant plusieurs années parce que les banques mettaient sur le marché des produits plus rémunérateurs nets d'impôt ! –, on pourrait réajuster la fiscalité et, surtout, les taux d'intérêt.

On peut jouer sur une troisième variable : le montant plafond du livret A peut être remonté. On n'est pas obligé de le laisser éternellement au même niveau.

Le risque de substitution s'est déjà produit dans l'organisation actuelle, et n'est donc pas lié à la réforme. Simplement, avec la réforme, il peut s'accentuer, mais c'est au pouvoir politique de jouer sur les quatre outils dont il dispose pour éviter, en fonction des besoins, la décollecte.

Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre est pour cette réforme. Mais nous l'avons dit au Gouvernement : nous pensons qu'en termes d'accessibilité bancaire, il faut aller vers un service bancaire universel, c'est-à-dire de l'ensemble du réseau bancaire, et pas seulement de la banque postale – nous avons d'ailleurs déposé un amendement ce sens. C'est comme pour les handicapés : leur intégration ne doit pas être faite par une minorité d'entreprises, mais par l'ensemble des entreprises, y compris le secteur public, qui s'en était exonéré pendant de nombreuses années ! En matière d'accessibilité, il faut imposer un service bancaire universel à toutes les banques. Et la banalisation du livret A pourra avoir un effet d'augmentation de la ressource si elle est bien gérée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Bien sûr que si, il suffit de jouer sur les quatre manettes que je viens d'indiquer !

Vos critiques sont donc techniquement infondées, messieurs de la gauche, puisqu'il existe des réponses techniques à chacune d'entre elles. Et il ne faut pas dire que tout est blanc dans la situation actuelle et que tout sera noir après la réforme car ce n'est pas vrai ! Davantage d'outils existeront pour gérer le problème.

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