La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La crise que nous traversons actuellement a été un formidable révélateur de comportements inacceptables, inadmissibles, voire choquants de la part d'un certain nombre de dirigeants de sociétés cotées. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Face à ce constat, il était urgent de réagir et de moraliser certaines attitudes.
Réagir, c'est ce que le Gouvernement n'a pas manqué de faire, dès ce matin, en publiant un décret qui encadre la rémunération d'un certain nombre de dirigeants.
Bien évidemment, ce décret n'est qu'un premier pas ; il démontre en tout cas la volonté du Gouvernement et du Président de la République de ne pas laisser se propager un certain nombre de comportements inacceptables aux yeux de nos concitoyens…
..qui considèrent que nul ne peut s'exonérer d'avoir à faire les efforts nécessaires pour assurer la stabilité de notre contrat social.
Il conviendra d'ailleurs sans nul doute de le compléter par de nouvelles dispositions, notamment sur le partage du profit dans les entreprises,…
…mais également par un certain nombre d'accords internationaux qui, sur proposition française ne manqueront pas d'intervenir, je l'espère, jeudi prochain, à l'occasion du G20. Il suffira également de demander que certains dirigeants d'entreprise et certaines entreprises s'engagent sur un certain nombre de contrats d'éthique.
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous simplement nous préciser les principes que contient ce décret ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !
Je tiens également à insister sur l'impérieuse nécessité de faire la différence entre le comportement de ces dirigeants et celui, exemplaire, des milliers de chefs de petites entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député, le Gouvernement ne laissera pas jeter l'opprobre sur des milliers de chefs d'entreprise qui constituent l'armature de notre économie et une des conditions de notre succès (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur quelques bancs du groupe NC) à cause du comportement amoral et inacceptable d'une toute petite minorité d'entre eux. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avons donc décidé, sans tarder, de publier un décret qui s'applique aujourd'hui et qui permet d'interdire la distribution des stock-options et des bonus dans les entreprises qui sont aidées de manière exceptionnelle par l'État en raison de la crise que nous rencontrons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous y avons également précisé les conditions dans lesquelles les rémunérations des dirigeants doivent être fixées dans les entreprises publiques et dans les entreprises dont le capital est majoritairement détenu par l'État.
Enfin, nous avons formulé une exigence de voir mis en place un comité d'éthique composé de personnalités incontestables pour assurer la régulation nécessaire sur ces questions de rémunération dans les entreprises privées.
Mesdames, messieurs les députés, avec ces dispositions, la France est de très loin en avance sur l'ensemble des pays européens ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Elle l'est même, d'une certaine façon, contrairement à ce que j'entends dire toute la journée, sur les États-Unis, puisque la décision spectaculaire du président Obama de fixer le niveau des rémunérations dans un certain nombre d'entreprises ne s'applique, en réalité, qu'à quelques entreprises en faillite sauvées par l'État. (Exclamations sur les sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Elles sont aujourd'hui au nombre de cinq ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Quant à la taxation à 90 % des stock-options décidée par la Chambre des représentants, le président de la commission des finances de la Chambre des représentants m'avouait lui-même, la semaine dernière, qu'elle ne serait jamais appliquée puisqu'elle n'est pas constitutionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Si j'évoque les autres pays, mesdames, messieurs les députés, c'est parce que nous sommes en compétition avec d'autres centres industriels, avec d'autres économies ; avant de faire oeuvre de démagogie sur ce sujet, attachons-nous plutôt à harmoniser les positions des principaux pays développés. C'est ce que nous demanderons lors de la réunion du G20 à Londres cette semaine. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Stock-options
La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, vous avez signé hier, lundi 30 mars, un décret tendant à limiter temporairement, jusqu'à la fin de 2010, certaines rémunérations exceptionnelles des dirigeants des entreprises ayant bénéficié d'une aide de l'État ou du Fonds stratégique d'investissement.
Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, il s'agit là d'une mesure d'affichage qui ne convainc personne.
D'abord, seuls les stock-options et les bonus sont concernés par cette limitation. Nous demandons, nous, les députés socialistes, que toutes les rémunérations soient concernées (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR), et pas seulement celles des entreprises ayant bénéficié d'une aide de l'État. De plus, pourquoi une limitation à deux ans ? Cette pratique serait-elle acceptable hors période de crise ? Nous demandons que la durée soit étendue.
Un autre point, et non des moindres, concerne le recours au décret. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, le décret n'a pas la même portée symbolique que la loi.
Voulez-vous empêcher la représentation nationale de débattre d'un tel sujet ? Tout porte à croire que vous souhaitez, une nouvelle fois, ne pas contrarier vos amis grands patrons, déjà bénéficiaires du bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
N'est-ce pas l'occasion de réfléchir à un autre modèle où, comme l'énonce l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « les distinctions sociales ne sont fondées que sur l'utilité commune » ?
Je vous demande solennellement, monsieur le Premier ministre, de faire un geste fort pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il y a quelques mois, madame la députée, l'opposition réclamait la quasi-nationalisation du secteur bancaire. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd'hui, elle réclame une loi encadrant les hauts revenus. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Il y a quelques mois, lors de la campagne présidentielle, l'ancien premier secrétaire du parti socialiste avait fixé à 4 000 euros le niveau des hauts revenus. Veut-on une loi qui régisse l'ensemble des revenus dans notre pays ? Pourquoi, d'ailleurs, seulement ceux des chefs d'entreprise ? Pourquoi pas ceux des autres professions ?
La vérité, mesdames, messieurs de l'opposition, c'est que vous êtes extrêmement bavards sur le sujet mais que vous n'avez jamais rien fait en matière de régulation salariale, au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est dans les années 1980 que la Bourse a explosé dans notre pays. C'est en 2000 que le gouvernement soutenu par le parti socialiste a assoupli la fiscalité des stock-options, ramenant la durée de détention de cinq à quatre ans et le taux d'imposition de 30 à 18 %. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Voilà la réalité de l'action qui a été la vôtre quand vous étiez au pouvoir.
Non, il n'est pas question d'imposer une réglementation bureaucratique des salaires dans notre pays. Nous croyons à la liberté d'entreprendre et nous la défendrons. Pour le reste, nous avons agi, et sans attendre. Les mesures que nous avons prises ne sont pas symboliques, elles s'appliquent aujourd'hui aux dirigeants d'entreprise. Les Français jugeront entre votre bilan et le nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur.
Madame la ministre, la politique menée en matière de sécurité routière, associant prévention et répression, a permis de sauver de très nombreuses vies, et nos routes et autoroutes sont beaucoup plus sûres que par le passé. Nous ne pouvons évidemment que nous en réjouir. Les radars automatiques, figures emblématiques de cette politique, ont joué un rôle essentiel en incitant les automobilistes à modérer leur vitesse.
Toutefois, il semble que le contrôle automatisé de la vitesse des automobilistes par les radars ne soit pas totalement fiable, ni totalement transparent.
Sur chaque avis de contravention, figure un encadré spécifiant le lieu de l'infraction, l'identité exacte de la machine et le nom de l'organisme chargé de sa vérification annuelle. Or, pour la majorité des radars installés, la société vérificatrice est également celle qui fabrique et commercialise les appareils, ce qui constituerait une violation de l'arrêté du 31 décembre 2001, selon lequel l'organisme en charge de la vérification périodique doit garantir les conditions d'impartialité.
Je veux par ailleurs signaler une certaine confusion. On peut lire, dans un document que m'a transmis François Rochebloine et que je vous remettrai dans un instant, que l'information a été « vérifiée le 30 avril 2009 », c'est-à-dire le mois prochain ! Il y a un problème !
Certaines associations d'automobilistes ont ainsi saisi la justice pour contester plusieurs cas de contravention pour excès de vitesse.
Face au risque juridique que représente cette situation, je vous demande de préciser les mesures concrètes qu'entend prendre le Gouvernement pour assurer la fiabilité et l'impartialité des procédures automatisées de contrôle de vitesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ainsi que vous le rappelez, monsieur le député, l'action volontariste menée par le Gouvernement a contribué à faire baisser très fortement la mortalité sur les routes. En 2008, pour la septième année consécutive, le nombre de personnes victimes d'accidents de la route a diminué. La baisse a ainsi été de 7,5 % entre 2007 et 2008, avec 4 274 victimes en 2008.
Les dispositifs de contrôle de la vitesse ont été un facteur déterminant dans la lutte contre les comportements à risques. Selon une étude de 2006 de l'Observatoire national interministériel de sécurité routière, la mise en place du contrôle-sanction automatisé en octobre 2003 a contribué pour environ 75 % à la baisse du nombre d'accidents et de victimes de la route.
S'agissant de la fiabilité et de l'impartialité des procédures de contrôle de la vitesse, je tiens à vous apporter les précisions suivantes.
D'abord, les dispositifs de contrôle sont des appareils homologués par les services de l'État.
Ensuite, en application du décret du 3 mai 2001, le fabricant et installateur, en l'occurrence la société SAGEM, dispose d'un système d'assurance qualité approuvé par le Laboratoire national d'essais, ce qui l'habilite à procéder à la vérification des appareils neufs ou réparés au moment de leur mise en service.
Enfin, les services de la DRIRE procèdent à une vérification annuelle des appareils.
Il n'y a donc pas lieu de contester la fiabilité et la régularité du système, dont le Gouvernement entend d'ailleurs poursuivre le déploiement avec une installation d'environ 500 radars chaque année.
Si la tendance…
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, ma question concerne le décret que vous venez de promulguer visant à limiter les abus de certains patrons, décret dont la quasi-totalité des commentateurs souligne les limites, y compris dans ses intentions.
Ce décret ne saurait suffire, dans la mesure où il ne concerne que quelques dirigeants d'entreprises aidées par l'État – et encore seulement pendant quelques mois.
Les Français ne peuvent se contenter de ces mesures cosmétiques et médiatiques, alors que pas un seul jour ne passe sans qu'une usine ne ferme et que les chiffres du chômage n'augmentent.
Contrairement à ce qu'a dit M. Estrosi à l'instant et à ce que vous avez vous-même affirmé, monsieur le Premier ministre, il ne s'agit pas seulement de quelques excès ou de comportements immoraux. Là où il faudrait inventer de nouvelles réponses, vous colmatez un système essoufflé. Là où il faudrait innover, vous perpétuez une logique qui socialise les pertes pour mieux privatiser les profits.
Compte tenu de la gravité de la situation et de l'indécence de trop nombreux salaires, stock-options, bonus, parachutes et autres retraites dorées, nous considérons qu'un débat devant la représentation nationale est indispensable, et qu'une loi l'est tout autant. C'est pourquoi nous défendrons une proposition de loi visant à supprimer les stock-options et à imposer les avantages divers que savent s'inventer les grands patrons.
Gardons en mémoire que cette soif d'accumulation sans frein, sans souci des autres, restera malheureusement une question d'actualité, même après votre décret.
Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous réellement et durablement faire pour répondre aux attentes des Français dans le domaine de la nécessaire transparence financière, pilier de la démocratie, et contre l'opacité des paradis fiscaux et autres secrets bancaires qui la gangrènent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Monsieur le député Patrick Braouezec, face à cette crise sans précédent, le devoir des responsables publics et des dirigeants d'entreprise est un devoir d'exemplarité et de responsabilité. Il est vrai que les Français ont pu être choqués par quelques excès divulgués ces derniers jours…
…et qui ont sans doute tout autant choqué les millions d'entrepreneurs de notre pays.
Le Gouvernement a décidé d'agir, comme il le fait depuis 2007, sur les rémunérations.
Je rappelle qu'à l'été 2007, nous avons amélioré les choses en indexant les rémunérations des dividendes sur les performances de l'entreprise. De même, en décembre 2008, le Parlement a adopté une loi disposant que les stock-options ne seraient désormais plus réservées aux dirigeants mais devaient être attribuées à l'ensemble des salariés. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Enfin, à la demande du Gouvernement, un code d'éthique et de bonnes pratiques a été mis en oeuvre dans 94 % des entreprises cotées.
Aujourd'hui, comme vient de le rappeler le Premier ministre, le Gouvernement va plus loin, avec un décret qui permet de prendre des garanties vis-à-vis des entreprises ayant reçu une aide de l'État.
Monsieur Braouezec, nous pouvons donc nous retrouver sur la dénonciation de quelques abus, mais nous ne retrouverons pas dans l'amalgame et la caricature que vous en faites. Nous ne laisserons pas le comportement de quelques dirigeants…
…jeter le discrédit sur l'action des entrepreneurs de notre pays, qui se retroussent les manches pour sortir de la crise ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bernard Carayon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, nous sommes à la veille du sommet du G20, qui présente au moins deux enjeux.
Le premier enjeu est d'apporter des solutions garantes de l'intérêt général à une crise tout à la fois financière, économique et morale,…
…d'une exceptionnelle gravité.
Le second enjeu est de faire fonctionner une nouvelle gouvernance adossée à vingt pays représentant 85 % de la population et de la richesse mondiales.
Face à la crise, venue des États-Unis, causée par des acteurs cupides, affranchis de tout contrôle et de toute éthique, la réponse a d'abord été européenne, sous l'impulsion du Président français, Nicolas Sarkozy.
La réponse, c'est la primauté du politique sur les lois du marché. À plus forte raison lorsque le marché entretient des hors-la-loi dans l'opacité des paradis fiscaux et crée des risques financiers démesurés dans l'opacité des fonds spéculatifs.
La primauté du politique, c'est bien le retour à la régulation, qui ne doit souffrir aucune exception : les règles doivent être universelles pour être efficaces et justes. Elles doivent s'appliquer à tous les acteurs économiques : établissements de crédit, fonds spéculatifs, fonds souverains, agences de notation. La transparence et la réciprocité doivent prévaloir partout et pour tous ; c'est la condition de la réconciliation du marché et de la morale, sans laquelle il ne peut y avoir de cohésion sociale.
Madame la secrétaire d'État, la France se battra-t-elle au G20 pour que la liste complète des paradis fiscaux soit rendue publique et leur éradication décidée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Monsieur le député Carayon, nous ne pouvons nous permettre un échec à ce sommet du G20 ; nous devons obtenir des résultats concrets et ambitieux. La France souhaite donc que ce sommet soit à la fois celui de la relance et, comme vous l'indiquez, de la régulation. Il faut mettre en oeuvre vigoureusement et sans délai les plans de relance décidés par les différents pays du G20, mais, en même temps, de nouvelle règles doivent effectivement être définies.
À défaut de plus de justice et de responsabilité, nous ne ramènerons pas la confiance, ni sur les marchés ni auprès des citoyens.
C'est pourquoi la France, en lien avec l'Allemagne, fait des propositions concrètes, fondées sur des principes de responsabilité et de transparence : l'enregistrement et la surveillance des agences de notation ; la régulation des hedge funds ; l'adoption, comme vous le souhaitez particulièrement, d'une vraie liste de centres non coopératifs – les zones de non-droit que vous avez évoquées –, avec une boîte à outils de sanctions à leur encontre ; enfin, le renforcement des moyens des institutions financières internationales, en premier lieu du FMI, pour qu'elles puissent apporter un soutien aux pays émergents et aux pays en développement. J'étais hier à l'assemblée générale de la Banque interaméricaine de développement, et je peux témoigner de l'énorme attente de ces pays à cet égard. L'Europe a proposé d'apporter 75 milliards d'euros ; nous espérons que nos partenaires se mobiliseront.
Enfin, la France défendra la nécessité de nouvelles règles pour les rémunérations des dirigeants et des opérateurs de marché du système financier, dans l'esprit de ce que nous faisons en France, de manière à lutter contre les comportements irresponsables.
Certes, le sommet de Londres ne résoudra pas tous les problèmes, mais il peut être un premier jalon vers une nouvelle régulation du système financier international. Vous connaissez la détermination du Président de la République à obtenir des résultats concrets, ambitieux qui nous permettent de recréer la confiance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gilbert Mathon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Le groupe Valeo vient d'annoncer, le 2 mars, une nouvelle vague de licenciements dans ses unités françaises de production, particulièrement sur le site d'Abbeville, avec 104 suppressions d'emplois, qui s'ajoutent aux 97 de Nevers, aux 31 de Dijon, aux 28 de Créteil, aux 116 de Mondeville, aux 92 de Laval, aux 178 de Châtellerault. Et ce ne sont que les premières des 1 600 suppressions annoncées par le groupe, 1 600 postes d'intérimaires ayant déjà été supprimés.
Pour faire face à cette nouvelle avalanche de suppressions massives d'emplois et arrêter les délocalisations, l'État, via le Fonds stratégique d'investissement, a investi 18 millions d'euros dans Valeo et y détient désormais, avec la Caisse des dépôts et consignations, plus de 8 % du capital et plus de 10 % des droits de vote.
Pourtant, le PDG de Valeo reconnaissait que, contrairement à certains de ses concurrents, le groupe emporte d'importants marchés et possède une structure financière apte à passer la crise. Plus cynique encore, la direction a annoncé, lors du comité d'entreprise européen du 8 janvier dernier, vouloir, selon ses propres termes, « poursuivre sa stratégie d'acquisition de sites en difficulté situés hors du territoire national et poursuivre sa stratégie de délocalisation ».
Cette première opération du Fonds stratégique d'investissement démontre donc toute son inefficacité et souligne cruellement l'échec et l'impuissance du plan gouvernemental face à la crise.
Aussi ma question sera-t-elle triple : que comptent faire le Gouvernement et ses représentants au sein du conseil d'administration ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Que compte faire le Gouvernement pour assurer la pérennité des sites ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Que compte faire le Gouvernement pour que Thierry Morin, ex-PDG de Valeo, ne bénéficie pas d'une prime de départ de 3 millions d'euros ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, l'objectif du Gouvernement, dans cette crise économique extrêmement violente, c'est d'abord de préserver notre outil industriel tout en sauvegardant le capital humain de l'ensemble de nos entreprises.
Valeo est un bon exemple de l'action que nous menons. C'est une belle entreprise française, qui est parvenue à se hisser parmi les quatre grands équipementiers mondiaux. Elle a réussi à s'internationaliser puisqu'elle ne réalise que 10 % de son chiffre d'affaires en France, mais que 30 % de ses effectifs et 45 % de ses dépenses de recherche et développement se situent dans notre pays. C'est donc un bon exemple d'adaptation au marché mondial, grâce à l'innovation ainsi qu'à la compétence des salariés du groupe, auxquels je me dois de rendre hommage.
Cela dit, le groupe traverse une crise économique, liée en particulier à la crise du marché automobile, marquée par un ralentissement de la demande et par des difficultés dans son actionnariat, qui a été fragilisé.
Valeo avait annoncé, il y a quelques mois déjà, un plan de restructuration. C'est parce que nous voulons sauver cette belle entreprise, l'aider à traverser la crise, que nous avons décidé d'accompagner Valeo en entrant dans son capital, via le Fonds stratégique d'investissement.
On ne peut pas à la fois critiquer l'industrie française en disant qu'elle est sous-capitalisée, qu'elle manque de fonds propres, notamment par rapport à l'industrie allemande, et refuser de valider la stratégie du Gouvernement…
…consistant à créer un Fonds stratégique d'investissement qui a vocation à accompagner sur le long terme notre outil industriel. C'est ce que nous faisons avec Valeo, et nous procéderons de même avec d'autres entreprises parce que nous croyons, malgré la crise, à l'avenir de l'industrie française dans les années qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé.
De plus en plus d'études font état d'un réel danger pour la santé du fait de l'utilisation du bisphénol A dans les récipients alimentaires. Le bisphénol A, également appelé BPA, est l'un des composés chimiques les plus utilisés par l'industrie ; il est notamment employé dans la fabrication des biberons, des récipients pour micro-ondes et des revêtements de boîtes de conserve. Lorsqu'on utilise ce type de récipients alimentaires pour réchauffer de la nourriture, des traces de BPA sont retrouvées dans les aliments. Chauffés ou en contact avec des liquides chauds, ces plastiques libéreraient cinquante-cinq fois plus de BPA qu'à des températures normales. Aux États-Unis, une étude récente a montré que 93 % de la population américaine est imprégnée par le BPA ; les enfants et les nourrissons étant évidemment les plus touchés. La publication de plusieurs études, notamment américaines et canadiennes, révèle que même de faibles quantités de BPA sont néfastes au système neurologique, au système immunitaire et à la fécondité. Ce produit chimique est impliqué dans des maladies aussi variées que l'infertilité, l'obésité, les cancers du sein et de la prostate, le diabète, ou encore les dysfonctionnements thyroïdiens.
De ce fait, les six plus gros fabricants américains de biberons ont décidé de cesser de vendre les produits contenant du BPA. De même, au nom du principe de précaution, le Canada a interdit, en octobre dernier, l'utilisation du BPA dans les plastiques alimentaires. En France, les associations de protection des consommateurs réclament son interdiction.
Devant tous ces éléments, le moins que l'on puisse dire, madame la ministre, c'est que le doute est très sérieux sur le danger que représenterait le bisphénol A pour la santé publique.
Aussi, en écho à cette inquiétude justifiée, me semble-t-il urgent d'appliquer le principe de précaution en interdisant la présence de BPA, notamment dans la fabrication des biberons et dans les plastiques alimentaires. Le Canada l'a fait. Des fabricants en ont pris eux-mêmes l'initiative.
Ma question est simple, madame la ministre : allez-vous, dans l'attente d'études plus poussées, appliquer le principe de prudence en interdisant le bisphénol A dans les plastiques alimentaires, et engager une campagne de sensibilisation des Français au danger potentiel de ces récipients, non comme mode de conservation, mais comme support de réchauffement ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le député, le bisphénol A est un produit qui sert à fabriquer des matières plastiques extrêmement résistantes aux chocs thermiques et aux chocs mécaniques, et qui sont utilisées, vous l'avez rappelé, pour de la vaisselle en plastique, des biberons ou des contenants alimentaires. Les autorités canadiennes ont décidé son interdiction sous la pression de l'opinion publique, sans que cette décision repose toutefois sur aucune étude scientifique sérieuse. J'ai demandé à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments de procéder à des études extrêmement approfondies, dont les résultats, qui m'ont été communiqués le 24 octobre dernier, concluent à l'innocuité du bisphénol A. Même en cas de choc thermique violent, les quantités résiduelles sont très inférieures aux maxima fixés par les autorités sanitaires.
Ces études sont confirmées par l'ensemble des grandes agences sanitaires, qu'il s'agisse de l'Agence européenne de sécurité alimentaire, de la Food and Drug Administration ou encore de l'agence de sécurité alimentaire allemande, dont toutes les études convergent.
Je rappelle que le principe de précaution ne s'applique qu'en l'absence d'étude fiable. En l'occurrence, les études fiables existent ; elles concluent, en l'état actuel des connaissances scientifiques, à l'innocuité des biberons en bisphénol A. Bien entendu, le ministère de la santé suit cette affaire avec beaucoup d'intérêt et beaucoup d'attention. Mais le principe de précaution est un principe de raison ; il n'est en aucun cas un principe d'émotion. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Le nombre des chômeurs s'envole depuis dix mois : 80 000 demandeurs d'emploi de plus ont été enregistrés en février. Particulièrement fragilisés dans cette situation de malaise économique, les jeunes vivent dans la hantise de la précarité. Les chiffres témoignent en effet d'une nouvelle percée du chômage chez les moins de vingt-cinq ans : il a progressé de 5 % en février, de plus de 32 % en un an, voire de 54 % dans certains quartiers !
Pourtant pleins de motivation, les jeunes sont les principales victimes de la crise parce qu'ils occupent les emplois les plus précaires tels que les contrats à durée déterminée, les missions d'intérim et les temps partiels qui sont les plus touchés par la crise.
L'absence totale de politique en direction des jeunes produit des conséquences catastrophiques sur toute une génération. Le chômage des jeunes est terrible ; il touche aussi les parents, les grands-parents. Votre gouvernement fait semblant de découvrir le problème en promettant trop tardivement un plan d'urgence en faveur de l'emploi des jeunes. Vos annonces de la semaine dernière – 1,5 milliard d'euros d'aide de l'État aux entreprises pour 100 000 contrats d'apprentissage et de professionnalisation – n'ont d'ailleurs pas l'air de convaincre toute votre majorité. Vous semblez découvrir les contrats d'apprentissage et de professionnalisation, qui ne concernent finalement que des jeunes déjà en poste.
Ces annonces montrent que vous n'avez manifestement toujours pas pris la mesure de la crise. Dans ce contexte de crise majeure, la défiscalisation des heures supplémentaires que vous avez adoptée constitue une réelle incitation à détruire des emplois ; elle représente aussi et surtout un frein à l'embauche des jeunes.
Alors, monsieur le ministre, comptez vous supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, et prendre des mesures d'urgence à la hauteur de la crise, comme les emplois jeunes qui ont fait leur preuve ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous en prie !
Madame la députée Marquet, votre description de la situation préoccupante du chômage des jeunes est réelle. Les chiffres que vous indiquez sont malheureusement exacts puisque les demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans ont progressé de plus 30 % – vous avancez à juste titre le pourcentage de 32 %.
Nous ne sommes pas restés inertes face à cela. Comme vous le savez certainement, à compter du 1er avril, nous allons appliquer la nouvelle convention d'assurance chômage. Cette dernière permettra une ouverture des droits à indemnisation après quatre mois de cotisation, au lieu de six auparavant.
Ceux qui auront cotisé entre deux et quatre mois percevront une prime de 500 euros, financée par l'État.
Voilà des réponses concrètes, madame la députée, à cette angoissante situation du chômage des jeunes (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Elles s'ajoutent aux autres mesures prises afin de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes, aux contrats d'autonomie dans les quartiers. Et vous avez fait référence un sujet à ne pas balayer d'un revers de main : dans quelques semaines, MM. Laurent Wauquiez et Martin Hirsch annonceront des mesures fortes portant sur l'apprentissage, sur les contrats de professionnalisation. (Mêmes mouvements.)
Vous devez patienter encore quelques jours, mais nous ne restons pas inertes. Loin des incantations, madame la députée, nous continuerons à mener une politique obstinée contre le chômage des jeunes (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Marin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la garde des sceaux, je souhaiterais attirer votre attention sur les inquiétudes causées par l'annonce gouvernementale de la suppression de la profession d'avoué près les cours d'appel. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Les 444 professionnels et les 1 862 collaborateurs et salariés qu'ils emploient voient leur avenir menacé. Cette réforme, annoncée sans qu'aient été précisées sa date d'examen par le Parlement ni celle de son entrée en vigueur, les inquiète. Cette incertitude est une réelle source d'angoisse, car il a été question du 1er janvier 2010, date désormais très proche. Est-ce toujours à cette échéance que le Gouvernement entend appliquer cette réforme ?
Les magistrats des cours d'appel ont eux aussi fait connaître leur réelle inquiétude à l'annonce de la disparition de ceux qui permettent un traitement efficace des dossiers d'appel.
Plusieurs cours ont développé des échanges dématérialisés avec les avoués, qu'il serait grave de remettre en cause.
Si cette réforme paraît inéluctable, elle ne peut pas être brutale. Celles et ceux qui la subissent n'ont pas démérité.
Madame la garde des sceaux,…
…quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre (« Aucune ! » sur les bancs du groupe SRC), afin que ces auxiliaires de justice, dont la qualité du travail est unanimement reconnue, ne soient pas spoliés du fait de la perte de leur outil de travail, et afin que leurs salariés, dont beaucoup craignent un licenciement, ne subissent pas l'effet de la réforme sans un accompagnement substantiel de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Le retour !
Madame la députée, je vous remercie de votre question qui porte sur les inquiétudes des avoués, de leurs collaborateurs et de leurs salariés, que je comprends.
Cette réforme est nécessaire.
Elle a été initiée en 1971, date à laquelle les avoués ont cessé d'intervenir dans les tribunaux de grande instance. Cette réforme est nécessaire pour trois raisons. Il s'agit d'abord de faciliter et de simplifier l'accès à la justice pour nos concitoyens faisant appel de leur jugement (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il s'agit ensuite de moderniser la justice. (Mêmes mouvements.) La fusion des professions d'avoué et d'avocat, que vous avez évoquée, permettra un accès plus rapide à la justice, par voie électronique. Enfin, cette réforme est nécessaire car la directive européenne sur les services, qui s'impose désormais à nous, doit entrer en vigueur avant le 1er janvier 2010. Il importe donc que cette réforme soit aussi adoptée avant la fin de l'année 2009.
Néanmoins, nous tenons compte de toutes les conséquences humaines liées à ce projet de suppression de la profession d'avoué. D'abord, en facilitant l'accès aux autres professions judiciaires. Ensuite, en prévoyant des mesures de compensation financière pour tous les avoués qui auront perdu leur charge. Enfin, en fixant un délai de six mois entre l'adoption de la loi et la date de son entrée en vigueur, afin que les avoués puissent adapter leurs structures à la nouvelle donne.
Les réunions régulières qui se tiennent à la chancellerie prennent en compte les préoccupations des avoués ; le projet de texte en cours d'élaboration sera soumis à une vaste concertation au cours des jours à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christiane Taubira, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de la défense, vous avez fait la semaine dernière une communication relative à l'indemnisation des personnels civils et militaires et des populations exposés aux rayonnements ionisants lors des essais nucléaires dans le Sahara et le Pacifique de 1960 à 1996. Il s'agit de la cinquième version, au bas mot, d'un projet de loi auquel vous vous étiez engagé devant la représentation nationale le 27 novembre dernier lors du débat public organisé à l'initiative du groupe SRC. Ce débat avait permis de prendre en considération les propositions de loi de nombreux sénateurs ou députés, toutes sensibilités confondues, propositions qui relayaient les initiatives d'associations de vétérans en France, en Polynésie et en Algérie, sur fond de procédures judiciaires pénibles, aléatoires et, osons le dire, honteuses. Le prochain jugement en appel, pour douze vétérans, sera prononcé le 22 mai prochain.
Le 24 mars dernier vous avez réitéré, monsieur le ministre, des déclarations de principe que le projet de loi ne satisfait pas totalement. Vous avez fort heureusement renoncé à la fixation d'un seuil d'irradiation, ce qui eût été une régression par rapport à la législation sociale, laquelle, depuis 1919, prévoit un tel seuil pour les politiques préventives, mais non pour l'estimation des préjudices. Vous avez accepté une liste unique de maladies pour toutes les victimes, mettant ainsi un terme à la disparité des régimes ; il faudra néanmoins élargir cette liste.
Cependant, vous ne reconnaissez ni le droit des représentants des victimes à siéger au comité d'indemnisation, alors que cet usage a fait ses preuves, ni le droit à la retraite anticipée, bien qu'il soit établi que les maladies « radio-induites » peuvent survenir plusieurs dizaines d'années après l'exposition aux radiations. Vous ne reconnaissez pas non plus la nécessité d'un fonds spécifique d'indemnisation, et ne répondez pas aux contestations relatives aux zones géographiques.
Je vous demande de tenir compte des propositions du Médiateur de la République, et de nous dire si vous restez ouvert à la discussion sur ces points litigieux. Quel est par ailleurs le calendrier prévu pour les consultations institutionnelles et le débat parlementaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le débat qui s'est tenu à l'Assemblée nationale au mois de novembre dernier a été particulièrement fructueux et consensuel. Je m'étais alors engagé à présenter au Parlement un projet de loi avant l'été, ce qui sera chose faite, puisque le Premier ministre vient de soumettre au Conseil d'État un texte qui sera également transmis dans les prochains jours à l'assemblée de la Polynésie française.
Ce projet de loi permettra à la France d'être en conscience avec elle-même. Il repose sur deux principes simples : la justice et la rigueur. La justice consiste à traiter de la même façon les personnels militaires et civils, ainsi que les populations locales, et à dresser une liste des maladies qui soit celle reconnue par les Nations unies et non celle de la sécurité sociale. La rigueur, elle, consiste à faire examiner les dossiers par un comité médical présidé par un magistrat, afin d'établir, pour chaque personne, un lien de causalité entre la présence sur les lieux des essais et la maladie, à charge pour l'État de contester éventuellement ce lien. La rigueur suppose également la transparence, d'où l'étude épidémiologique en cours sur 30 000 vétérans, et celle que nous menons avec deux grands experts pour analyser chaque essai et en déterminer les éléments dosimétriques, de façon que chaque décision soit fondée.
Vous devriez vous féliciter de ce texte, madame Taubira. Toutes les majorités et deux Républiques ont participé à cet immense effort scientifique et technologique qu'ont été les essais nucléaires.
La France a décidé, en s'inspirant de ce qui existe déjà aux États-Unis et au Royaume-Uni, d'être en conscience avec elle-même. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle j'associe Alain Gest, la délégation aux droits des femmes et, s'ils le veulent bien, les membres de la mission d'évaluation sur les violences faites aux femmes – dont je salue le travail –, s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.
L'opinion publique est pour le moins choquée par certains propos d'un prétendu artiste, un rappeur dont je ne veux pas faire la publicité en citant son nom. Bien que j'aie le texte entre les mains, je n'en citerai aucun extrait car il ne le mérite pas. Il incite tout bonnement à la haine, à la vengeance et même au meurtre à l'endroit des femmes, et ce alors que notre société s'interroge sur ses principes fondamentaux, au premier rangs desquels l'égalité et le respect. Ce texte est un affront à la République, un danger pour la jeunesse et une incitation à la haine que nous ne pouvons pas accepter.
Le Gouvernement a déjà réagi par la voix de Mme la ministre de la culture et par la vôtre, madame la secrétaire d'État ; je souhaite donc que, devant la représentation nationale et les Français qui nous regardent, vous nous indiquiez la position du Gouvernement sur cet affront fait aux générations et aux femmes. Quelles décisions entendez-vous prendre suite à cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Une chanson d'une rare violence envers les femmes circule en effet librement, monsieur le député, sur l'Internet. Les paroles en sont inadmissibles et constituent une véritable incitation à la haine, voire au meurtre, à l'endroit des femmes. J'hésite à vous en citer des extraits tant elles sont effrayantes (« Non ! » sur de nombreux bancs), et je ne le ferai pas.
Je soutiens évidemment les associations qui ont réagi, comme je l'ai moi-même fait. Plusieurs personnalités politiques se sont également émues de ce que ce rappeur puisse se produire prochainement dans un festival.
À ce stade, il m'a semblé que l'urgence était de retirer cette chanson de l'Internet. Dès vendredi, les sites Youtube et Dailymotion ont été contactés, et l'accès à la vidéo a été restreint pour les mineurs. Mais ce n'est pas suffisant : nous souhaitons que la vidéo soit totalement retirée de la toile. À cette fin nous avons contacté les hébergeurs, lesquels hésitent sur le caractère illicite du contenu incriminé.
C'est bien dommage, car rien n'empêche un comportement citoyen.
Je passe donc à l'étape suivante en demandant à la justice d'instruire cette affaire pour envisager d'éventuelles poursuites. L'objectif est de réunir tous les éléments afin de saisir le procureur de Paris dans les plus brefs délais, et de le faire avec succès. (Applaudissements sur tous les bancs.) L'Internet est un espace de liberté formidable ; cependant il n'est pas une zone de non-droit ; c'est le message que le Gouvernement veut faire passer aujourd'hui. Il y va des frontières entre la liberté d'expression, la liberté de création artistique et le respect de nos lois républicaines. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Une prime d'une nouvelle espèce est née : croisement entre le bonus horribilis et la gratification sans scrupule, il s'agit de la prima desastrorum, la prime à l'échec. Le brevet en a été déposé il y a quelques jours par la banque Natixis, qui a distribué 90 millions d'euros de bonus à 3 000 traders alors qu'elle affiche des pertes de 2,8 milliards d'euros, qu'elle prévoit la suppression de plus de 1 400 emplois et, surtout, qu'elle a bénéficié du plan de soutien de l'État à hauteur de 1,9 milliard d'euros.
Ma collègue Colette Langlade vous a fait part de nos doutes les plus sérieux sur la portée du décret présenté. Je voudrais, pour ma part, insister sur les obligations que les banques qui ont bénéficié de l'aide de l'État devraient avoir vis-à-vis des collectivités locales. Celles-ci, insuffisamment informées, ont engagé de l'argent public dans des emprunts que l'on peut qualifier, au choix, d'exotiques, de toxiques ou de vénéneux. Ces produits se sont révélés explosifs. Les propositions de sortie faites par ces banques sont inacceptables pour les collectivités, qui ne veulent pas reporter les conséquences financières de ces produits spéculatifs sur les impôts locaux.
Madame la ministre, il ne peut y avoir, d'un côté, une prime à l'échec pour certains et, de l'autre, pour les assujettis, une double contribution, nationale et locale.
Quand et comment allez-vous fermement inviter les organismes bancaires à proposer des solutions financièrement saines aux collectivités qu'ils ont entraînées sur des pentes vertigineuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés…
Peut-être ce sujet n'intéresse-t-il pas certains d'entre vous, il intéresse pourtant beaucoup les collectivités territoriales. En effet, au début de la crise, bon nombre d'entre elles se sont inquiétées des conséquences que pouvaient avoir des emprunts qu'elles avaient librement conclus avec des entreprises et qui se révélaient toxiques. Comme il n'était bien entendu pas question d'abandonner les collectivités locales, avec Christine Lagarde, non seulement nous avons pris, avec une grande réactivité, des mesures immédiates, mais nous avons aussi voulu régler le problème sur le long terme.
Dès le mois de novembre, nous avons réuni les associations de collectivités et les réseaux bancaires concernés. Nous avons obtenu que ceux-ci réexaminent les cas qui paraissaient les plus critiques pour proposer des solutions adaptées.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Hop ! Hop !
Il semble que certains ici aient des problèmes en ce début d'après-midi… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons donc obtenu de ces banques qu'elles fassent différentes propositions. La quasi-totalité des cas sont aujourd'hui réglés. Il en reste quelques-uns, très peu nombreux, pour lesquels des solutions sont en cours de discussion.
Il convenait cependant de faire en sorte qu'une telle situation ne puisse se reproduire. Nous avons donc mandaté une mission pour définir une sorte de charte de bonne conduite qui permette à la fois aux collectivités d'être parfaitement informées lorsqu'elles prennent librement la décision d'emprunter, et au réseau d'agir de façon loyale. Le rapport doit nous être remis dans les prochains jours. Je souhaite que, après la nécessaire concertation, la charte de bonne conduite puisse être signée très rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Geneviève Colot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Madame la secrétaire d'État, la semaine dernière, vous avez accompagné le Président de la République au Congo, en République démocratique du Congo et au Niger. Vous connaissez bien cette région d'Afrique où vous vous rendez régulièrement. Elle cherche le chemin de la paix, de la démocratie et des droits de l'homme.
Ces pays souverains s'efforcent de vivre en paix avec leurs voisins. Cette paix y est la condition du développement. Une bonne coopération régionale est indispensable. Tous les peuples de la région espèrent pouvoir vivre sans peur pour leur vie, en exploitant les ressources locales.
Devant la pauvreté qui demeure, devant l'exclusion de certaines populations, pouvez-vous, madame la ministre, nous faire part du message que le Président de la République a porté et nous indiquer la politique que la France entend défendre dans cette région qui attend beaucoup de nous ?
La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Colot, en se rendant une nouvelle fois en Afrique, au Niger et dans les deux Congo, le Président de la République est venu avec l'ambition de redéfinir avec les Africains une relation privilégiée, débarrassée des pesanteurs du passé et tournée vers l'avenir.
J'ai constaté moi-même que cette ambition était particulièrement bien reçue par nos interlocuteurs, aussi bien par les acteurs politiques que par les représentants des sociétés civiles.
En République démocratique du Congo, le Président a soutenu les autorités démocratiquement élues…
…dans leur choix courageux pour le rétablissement de la paix dans l'est du pays, où, je vous le rappelle, plus de 200 000 femmes ont été violées depuis 2003, dans l'indifférence coupable du reste du monde.
Au Congo-Brazzaville, il a également appelé au renforcement des droits de l'homme et de la démocratie.
Il y a rencontré les partis d'opposition et a appelé à l'organisation d'élections sereines et transparentes.
La France veut forger de véritables partenariats stratégiques avec les pays africains, tel le Niger, et, en matière économique, dans la gestion des ressources du continent, comme pour la question des accords de défense, la transparence est désormais la règle.
Enfin, à la veille du G20, le Président souhaite que l'on donne la parole au continent africain. Il y plaidera donc la cause de l'Afrique. Avec son incroyable énergie, l'Afrique va se relever. Elle peut compter sur le soutien déterminé de la France et de l'Europe. Cette nouvelle fraternité, je la partage entièrement. Je me suis rendue plus de dix fois en Afrique et je voudrais vous faire partager ma conviction : ce sont les femmes d'Afrique, qui sont souvent les principales victimes des conflits sur le continent, qui seront aussi les premières actrices de la reconstruction. Le nouveau partenariat que la France propose à l'Afrique doit aussi passer par elles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Vous venez d'établir, madame la ministre, un record peu glorieux, celui du ministre qui aura provoqué le conflit le plus long dans l'université depuis quarante ans ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plus de cinquante établissements sont encore aujourd'hui mobilisés contre vos réformes et le mouvement, malheureusement, ne semble pas faiblir, alors même que la question des examens se pose avec acuité.
Les réponses que vous nous avez faites la semaine dernière, lors de la séance de questions, sur la situation dans l'enseignement supérieur n'ont fait que confirmer la ligne qui est la vôtre : passer en force en rejetant les torts sur le monde universitaire qui n'aurait pas compris le sens de vos réformes.
Cette crise et ses prolongements, dont vous aurez à assumer l'entière responsabilité, résultent bien de votre obstination à conduire sans concertation une réforme inadaptée de la gouvernance des universités, à organiser une concurrence malsaine entre les établissements et entre les territoires dans le cadre d'une autonomie sous contrôle.
Madame la ministre, votre ambition de faire de l'université l'acteur central d'une politique de recherche et de formation avec des établissements responsables et libres est noble, généreuse et louable. Votre méthode et les réformes engagées le sont moins. Les moyens qui y sont consacrés sont loin d'être à la hauteur de cette ambition, quand ils ne la contredisent pas.
Sur la question des moyens, comment ferez-vous croire aujourd'hui que vous ne supprimez pas de postes dans l'université ? Comment pouvez-vous affirmer que la réforme du statut des universitaires que vous voulez imposer n'est pas porteuse d'inégalités en termes de rémunérations et d'obligations de service ? Comment pouvez-vous affirmer, avec M. Darcos, que, demain, les enseignants seront mieux préparés à enseigner, alors même que vous supprimez une année de formation professionnelle dans les IUFM. Jusqu'à quand allez-vous refuser le dialogue que réclame le monde universitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, vous me parlez de mouvements inédits dans l'université, mais la réforme est, elle aussi, inédite dans l'université ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela fait vingt ans que l'on parlait de cette réforme de l'autonomie. Nous l'avons faite. Il y a aujourd'hui vingt universités autonomes en France et nous allons continuer. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous me parlez d'université, monsieur Deguilhem ; pour ma part, je vais vous parler du silence assourdissant de la gauche ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Aujourd'hui, il y a, à l'université, des violences condamnables. Des présidents d'université se sont fait agresser à Brest, à Toulouse et à Perpignan. Or il y a un silence assourdissant de ce côté de l'hémicycle ! (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je souhaite que tous ceux qui sont attachés à l'université française et à son rayonnement, qui veulent, comme moi, et vous l'avez dit, mettre l'université au coeur de notre système d'enseignement et de recherche et veulent en faire un véritable acteur de formation, que tous ceux, enfin, qui aiment l'université condamnent ces violences. C'est parce qu'elles sont contraires aux valeurs de l'université et à l'intérêt de nos étudiants que je vous invite à les condamner. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Répondez à la question !
Les moyens dédiés à l'université dont vous avez parlé, monsieur Deguilhem, sont inédits. Nous allons consacrer 1,8 milliard supplémentaire à l'université et à la recherche, 730 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche est le deuxième ministère bénéficiaire du plan de relance. Si, en 2007, nous dépensions 7 500 euros pour un étudiant, nous en dépenserons 8 500 en 2009.
Les moyens sont là et ils se verront très vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des PME.
La crise financière et économique venue des États-Unis touche fortement nos entreprises et affecte des centaines de milliers de nos compatriotes. Des milliers de chefs d'entreprises, d'artisans, de commerçants, de libéraux ou d'indépendants luttent de toutes leurs forces pour éviter à leurs salariés l'impact social tant redouté.
Je voudrais ici témoigner en faveur de ces centaines de milliers de petits patrons qui n'ont pas grand-chose de commun avec les quelques exceptions médiatiques et critiquables qui font aujourd'hui la une des médias.
Oui, monsieur le secrétaire d'État, le capitalisme familial doit être défendu ! C'est tout le sens de l'action que notre majorité mène à vos côtés pour défendre l'entreprenariat en cette période difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pour soutenir ces entreprises qui luttent pour leur survie ou aider celles qui se développent, vous avez mis en place le médiateur du crédit. Mais, aujourd'hui, un phénomène inquiète de nombreuses entreprises de nos circonscriptions.
Hier avait lieu, à Roanne, l'assemblée générale de notre chambre de commerce et d'industrie. Nous avons évoqué les craintes liées à l'assurance-crédit et aux difficultés générées par les décotes, appliquées souvent injustement et parfois sans raison, par les deux sociétés d'assurance-crédit que sont le SFAC et la COFACE.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur le bilan du médiateur du crédit et vous demander si le Gouvernement ne pourrait pas mettre en place, sur ce même modèle qui fonctionne bien, un médiateur de l'assurance-crédit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Votre question, monsieur Nicolin, montre votre parfaite implication locale dans les difficultés des petites et moyennes entreprises. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Je vais vous faire un très rapide bilan de la médiation du crédit mise en place dès le mois de novembre dernier, à l'initiative du Président de la République, et dont le médiateur lui-même, M. René Ricol, rend compte toutes les deux semaines.
Depuis le lancement du dispositif en novembre 2008, ce sont près de 8 000 entreprises qui sont passées par la médiation du crédit. S'agissant des dossiers clos, il y a eu près de 65 % de réussite et 65 000 emplois préservés. Vous avez donc raison, monsieur le député, d'insister sur l'utilité de ce dispositif.
Aujourd'hui, dans chaque département de France, il y a un médiateur délégué. En outre, près de 700 tiers de confiance accompagnent, en France, les entrepreneurs. Ces tiers de confiance sont issus des réseaux consulaires ou des réseaux d'experts comptables.
Je vais vous donner quelques chiffres, monsieur le député : 771 entreprises de la région Rhône-Alpes ont saisi le médiateur et 413 dossiers sont clos. Il y a, là aussi, 65 % de réussite et 5 250 emplois préservés.
S'agissant de l'assurance-crédit, Christine Lagarde a mis en place en janvier dernier le mécanisme CAP –complément d'assurance-crédit public. Ce dispositif, quoique important, ne règle toutefois pas tous les problèmes – notamment celui dont vous avez parlé : le retrait des assureurs publics. C'est pourquoi le Premier ministre vient d'annoncer la mise en place du dispositif CAP Plus, complément d'assurance-crédit public qui viendra pallier le retrait total d'un certain nombre d'assureurs publics. Voilà l'annonce que je voulais vous faire, en vous félicitant encore, monsieur le député, de la question que vous m'avez posée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Assurance-crédit
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application de la nouvelle rédaction de l'article 48 de la Constitution, il appartient désormais à l'Assemblée de fixer, sur proposition de la conférence des présidents, l'ordre du jour qui ne relève pas du Gouvernement.
La conférence des présidents propose que l'ordre du jour des deux semaines du 27 avril et du 4 mai soit ainsi fixé :
Le mardi 28 avril, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et à vingt et une heures trente : proposition de loi sur la prévention et la lutte contre l'inceste sur les mineurs ; deuxième lecture de la proposition de loi de simplification et de clarification du droit ;
Le mercredi 29 avril, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et à vingt et une heures trente : éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ; proposition de loi sur l'exercice par les Français établis hors de France du droit de vote aux élections européennes ; proposition de loi tendant à modifier l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
Le jeudi 30 avril 2009, jour de séance réservé à un ordre du jour proposé par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, à neuf heures trente, quinze heures et vingt et une heures trente : proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité ; proposition de loi pour l'augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs ; proposition de loi visant à supprimer le délit de solidarité.
Le mardi 5 mai, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et à vingt et une heures trente : questions à un ministre ; proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale ;
Le mercredi 6 mai à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et à vingt et une heures trente : débat d'initiative parlementaire ; suite de l'ordre du jour de la veille ;
Le jeudi 7 mai, à quinze heures, et à vingt et une heures trente : suite de l'ordre du jour de la veille.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Hier, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 351 à l'article 2.
Monsieur le président, je souhaite m'exprimer, en application de l'article 58 de notre règlement, sur les conditions dans lesquelles se déroule le débat que nous avons repris hier en fin d'après-midi et qui s'est poursuivi hier soir.
Amendement après amendement, l'opposition à laquelle se joignent d'ailleurs plusieurs députés de la majorité, essaie de démontrer combien ce projet de loi est inutile et inefficace. Nous souhaitons surtout montrer que les dispositions que le Gouvernement veut mettre en place seront facilement contournées et qu'elles donneront lieu à un très important contentieux. Avec l'anonymisation des adresses, le cryptage des contenus, et l'utilisation de certains logiciels qui existent déjà, il ne faudra pas être un hacker chevronné pour éviter les conséquences des dispositions que vous voulez nous faire voter.
Le caractère inapplicable de ce projet de loi est désormais prouvé. Nous avons exposé nos arguments à plusieurs reprises, mais nous avons été surpris que, la plupart du temps, ni les rapporteurs – notamment le rapporteur de la commission des lois – ni la ministre n'aient trouvé utile de nous répondre. Certes, les éléments que nous avons présentés étaient parfois ambitieux et techniques, mais il me semble que nous nous devons de maîtriser totalement ces questions – sans quoi nous légiférerions sans mesurer les effets des dispositions que nous votons.
Vous remarquerez que l'opposition n'a quasiment pas demandé de suspensions de séance ; elle n'a pas déposé d'amendements répétitifs. Nous cherchons tout simplement par notre travail à obtenir un certain nombre de garanties juridiques qui n'existent pas dans ce projet de loi, alors même qu'elles sont la traduction de principes fondamentaux du droit. Nous pensons, en effet, à nos concitoyens internautes qui doivent, selon nous, bénéficier des mêmes droits que tous les autres : droit à une procédure contradictoire, droit à la présomption d'innocence, garantie des droits de la défense… En conséquence, nous avons souhaité à plusieurs reprises – mais hélas ! vainement – que l'autorité judiciaire puisse intervenir dans la procédure.
L'actualité européenne pèse aussi terriblement sur nos débats, et nous avons été étonnés que M. Riester et Mme Albanel balaient les éléments que nous avons cités d'un revers de main en arguant qu'ils n'avaient aucune valeur juridique. Certes un rapport n'a pas de valeur juridique en soi, mais, en l'espèce, il traduit bien la réflexion du Parlement européen sur la question. Il montre aussi que la législation communautaire évolue à l'opposé des mesures que vous nous proposez, et il confirme ce que nous savions déjà : l'accès à Internet est un droit fondamental. L'interruption de cet accès remet donc ce droit en cause et, en conséquence, elle ne peut se faire que sous le contrôle du juge.
Sur le même sujet, alors que le nouveau paquet Télécom est en deuxième lecture au Parlement européen, nous regrettons que la France ait fait pression pour reporter le vote de ce texte au 21 avril, c'est-à-dire après la fin de la discussion parlementaire du projet de loi HADOPI. En effet, l'amendement 46 au nouveau paquet Télécom reprend l'amendement 138 de nos collègues Guy Bono et Daniel Cohn-Bendit. Le Gouvernement utilise un faux-fuyant alors que, plus que jamais, le débat nécessite de la clarté.
La parole est à M. Christian Paul, pour une brève intervention, car nous nous sommes déjà éloignés de la procédure.
Je serai bref monsieur le président. Mon rappel au règlement concerne très directement l'organisation de nos débats, puisqu'il s'agit de l'accès au site assemblee-nationale.fr, par la magie duquel plusieurs milliers d'internautes peuvent suivre nos travaux en direct et en continu. Cet après-midi, j'ai transmis au président de l'Assemblée nationale, au nom du groupe socialiste, une lettre dans laquelle je déplore que le site de notre assemblée n'ait pas survécu, hier soir, à des milliers de connexions simultanées. C'est dire l'intérêt des internautes pour notre débat, auquel ils contribuent, du reste, en adressant en temps réel aux députés un certain nombre d'observations, souvent de bon sens et respectueuses des lois, pour témoigner de l'attention qu'ils portent à la manière dont nous allons faire évoluer le droit.
Je souhaiterais donc, monsieur le président, que vous me confirmiez que le président de l'Assemblée nationale a bien donné des instructions pour que le site de l'Assemblée soit en mesure de supporter des milliers de connexions simultanées, lesquelles contribuent à la vie de notre démocratie en portant à la connaissance du public les excellentes argumentations développées sur tous ces bancs. Tel est, monsieur le président, l'objet de mon rappel au règlement, qui, vous pouvez le constater, n'est pas redondant avec celui, par ailleurs tout à fait nécessaire, de Patrick Bloche.
Pour répondre précisément à votre question, mon cher collègue, je vous indique que le président de l'Assemblée a bien pris connaissance de votre courrier et qu'une enquête est en cours afin de connaître les raisons de ce problème.
Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 351 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Avant de présenter mon amendement, je veux souligner combien il est important que nos concitoyens s'intéressent à un débat parlementaire. Nous nous plaignons souvent que nos discussions rencontrent peu d'écho dans le pays. Or, ainsi que vient de le rappeler Christian Paul, l'examen de ce texte est suivi très attentivement par un certain nombre de nos concitoyens, qui nous font connaître leurs arguments, pour ou contre le texte – arguments qui sont d'ailleurs très élaborés –, et nous transmettent des informations techniques que nous ne maîtrisons pas forcément.
L'alinéa 56 de l'article 2 concerne les missions de la commission de protection des droits, qui sera l'une des instances de la HADOPI. Ainsi, si une adresse IP est soupçonnée d'avoir servi à un téléchargement abusif, il est prévu que les opérateurs transmettent à la commission les données personnelles de l'internaute auquel est supposée correspondre cette adresse – laquelle, je n'y reviens pas, n'est pas un élément si sûr que cela.
Parmi ces données figurent, aux termes de l'alinéa 56, « les coordonnées téléphoniques de l'abonné », que je propose de remplacer par « les coordonnées téléphoniques de la connexion Internet ». Un abonné peut, en effet, disposer de plusieurs lignes téléphoniques, fixes ou mobiles, et il serait abusif que soient transmises à la commission des données personnelles qui n'ont rien à voir avec l'acte commis, d'autant que, selon de nombreux rapports, un tiers des mises en cause ne correspondent pas à des faits réels. Il s'agirait donc d'un abus au regard de la protection des données privées – et il serait d'ailleurs intéressant de connaître l'avis de la CNIL sur ce sujet.
J'espère, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que vous accepterez cet amendement de bon sens.
La parole est àM. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame Billard, il est important que la HADOPI dispose de tous les éléments nécessaires pour pouvoir entrer en communication avec le titulaire de l'accès Internet. C'est la raison pour laquelle la commission de protection des droits peut – ce n'est pas une obligation – demander au fournisseur d'accès à Internet l'adresse postale de l'abonné, pour lui envoyer une lettre recommandée si c'est nécessaire, ainsi que ses coordonnées téléphoniques, pour entrer en contact avec lui et évoquer ce téléchargement illégal.
Cette mesure vise donc à favoriser les contacts avec le titulaire de l'abonnement et à prendre en compte ses problématiques. Or il se peut que le numéro de téléphone auquel celui-ci est joignable ne soit pas celui de l'accès Internet. Encore une fois, il s'agit de favoriser les relations avec l'abonné. J'ajoute que toutes ces données seront gérées et surveillées dans le cadre de protocoles validés et contrôlés par la CNIL, afin que soit protégée la vie privée des abonnés.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Même avis que la commission. Cette disposition est très utile : il faut qu'un dialogue soit possible. On a dit et répété que la Haute autorité aurait un rôle pédagogique et qu'une concertation devait avoir lieu. Cette phase sera d'ailleurs très importante en cas de persistance du téléchargement. Dès lors, il importe que la commission ait connaissance des coordonnées téléphoniques de l'abonné.
Cette mesure participe d'une volonté de dialogue et de pédagogie.
Je suis sidérée. En effet, cette disposition permettra à la commission de recueillir, au début d'un processus de sanction – que vous avez nommé la riposte graduée – des données personnelles, qui seront stockées dans un fichier. Comment pouvez-vous nous dire, madame la ministre, qu'il s'agit de faciliter des échanges fructueux avec l'internaute ? Nous sommes loin desBisounours, tout de même ! Encore une fois, il s'agit de ficher des personnes dont on suppose qu'elles ont commis un acte délictueux – que certaines d'entre elles n'auront d'ailleurs pas commis, puisqu'on a montré que les adresses IP pouvaient être piratées et ne pas correspondre à l'ordinateur de l'abonné.
Madame la ministre, lorsque j'ai expliqué, hier, qu'un internaute pouvait utiliser une adresse mail qui ne correspond pas à sa connexion Internet, vous m'avez répondu que ce n'était pas un problème, puisqu'il recevra une lettre recommandée. Aujourd'hui, je propose de préciser que les coordonnées téléphoniques transmises à la commission seront celles qui correspondent à l'accès Internet et vous me dites qu'il faut pouvoir joindre l'abonné !
Il en va tout de même du respect de la protection des données personnelles et de la vie privée.
Il y a la CNIL.
Faut-il rappeler qu'il s'agit simplement d'avertir un internaute qu'il a peut-être réalisé un téléchargement illégal ? Nous ne sommes pas encore dans la phase judiciaire, dans l'antiterrorisme ! Que vous refusiez cet amendement de bon sens me paraît très significatif.
Je souhaite apporter mon soutien à Mme Billard. Il s'agit, en effet, d'un amendement de bons sens. Notre collègue a d'ailleurs indiqué, dans l'exposé sommaire, qu'il s'agit d'un amendement de précision. On pouvait donc penser qu'il passerait, si j'ose dire, comme une lettre – recommandée – à la poste. Or il n'en est rien.
On peut s'en étonner. En effet, cet amendement vise à protéger les données personnelles des internautes, dans une phase du processus qui nous préoccupe beaucoup, puisque la HADOPI ne sera pas encore saisie. Quelles seront ces entreprises privées qui iront traquer les internautes et récupérer leurs adresses IP ainsi que d'autres données personnelles, dont les coordonnées téléphoniques ?
Par ailleurs, vous nous dites, madame la ministre, que le téléphone est convivial et qu'il s'agit de discuter avec l'internaute. Mais quand les mails d'avertissement sont envoyés, aucune procédure contradictoire n'est prévue : ce n'est guère convivial ! À ce propos, je rappelle que le groupe SRC avait déposé un amendement, hélas rejeté au titre de l'article 40, qui visait à créer un service téléphonique gratuit – c'est bien le moins que l'on puisse faire – permettant aux internautes ayant reçu un mail d'avertissement de s'informer de ce qu'on leur reproche.
Le projet de loi ne contient aucune disposition qui faciliterait cette convivialité que vous appelez de vos voeux, madame la ministre. Nulle mesure ne prévoit un tel dialogue téléphonique avec les internautes, à moins que le Gouvernement ne décide finalement de créer un service téléphonique analogue à celui que nous avons proposé.
Surtout, aucune procédure contradictoire ne garantit à l'internaute la possibilité de se défendre. Or cette possibilité est d'autant plus importante que les risques de méprise et de fausse incrimination sont grands.
Madame la ministre, le début de cette séance nous plonge d'emblée dans l'ambiance répressive de votre texte. Tout comme M. Bloche, j'ai pensé, en lisant l'amendement de précision de Mme Billard, que le rapporteur le jugerait judicieux et qu'il proposerait que nous l'adoptions à l'unanimité. Hélas ! on sent bien que votre volonté est de sanctionner et de réprimer, sans établir aucun dialogue, puisque l'internaute soupçonné ne pourra même pas se défendre ni, comme nous l'avions proposé, appeler un numéro gratuit pour savoir ce qui lui est reproché.
Cette atmosphère est tout à fait inquiétante. Elle correspond d'ailleurs à l'état général du pays, où les libertés sont de plus en plus menacées (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je le dis comme je le pense ; c'est la vérité.
Nous continuerons à nous battre pied à pied pour protéger cette nouvelle liberté qu'est Internet et pour éviter que vous n'envoyiez la police aux trousses de tous les Français que vous jugeriez fautifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Sur le vote de l'amendement n° 351 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Je rappelle que la riposte graduée comporte trois étapes, dont deux sont censées être préventives. Celles-ci consistent dans l'envoi d'un premier mail d'avertissement, optionnel – la commission n'est pas obligée de l'envoyer –, et d'un second mail, obligatoire celui-là, qui peut être accompagné d'un courrier recommandé avec accusé de réception. La troisième étape correspond au prononcé de la sanction par la commission de la protection des droits.
Or j'estime – et nous en avons parlé hier à propos des spams – que le dispositif d'avertissement par mail ne fonctionnera pas : on passera directement à la lettre recommandée, qui sera la seule manière de s'assurer que la personne a reçu le courrier – sous réserve qu'elle aille chercher le recommandé. En effet, le risque est grand que les utilisateurs ne reçoivent pas les mails de l'HADOPI.
Tout d'abord, le fameux protocole SMTP, qui a été conçu à la fin des années 1970, est totalement dépassé.
Il est, par exemple, impossible de garantir l'identité de l'expéditeur. Je peux ainsi, madame la ministre, envoyer, si je le souhaite, un mail depuis l'adressechristine.albanel@culture.gouv.fr. Il est même possible de créer, dans son garage, une adresse IP pour faire croire que ce mail provient de votre cabinet. Je peux vous en faire la démonstration.
Vous avez indiqué, hier soir, que vous ne voyiez pas quel éditeur de logiciels anti-spam créerait un logiciel pour faire obstacle aux messages de la HADOPI.
Quel intérêt ?
C'est impressionnant. Le problème n'est pas là. En effet, très rapidement, les spammeurs imiteront les mails de la HADOPI – sujet, contenu, expéditeur, en-tête, adresse IP de convenance –, afin de leurrer les logiciels anti-spams.
Dès lors, comment arrêtera-t-on les spams qui imitent à la quasi perfection les mails de la HADOPI sans bloquer également les véritables courriers de la Haute autorité ? C'est une vraie question, à laquelle j'attends une réponse.
Les éditeurs de logiciels antispam étrangers auront-ils beaucoup de temps à consacrer à la lutte contre un spam franco-français ? Même s'ils jouent le jeu dans un premier temps, il est à craindre qu'ils abandonnent rapidement un combat chronophage qui nécessitera des effectifs supplémentaires et ne pourra donc qu'entraîner une augmentation du prix de leurs produits. Leur défection consistera à offrir, parmi les réglages disponibles pour l'utilisateur français, la possibilité de cocher une case « laisser passer les mails de la HADOPI » – le choix de cette option entraînant la réception des mails de la HADOPI, mais également de toutes leurs imitations. Le filtrage antispam en prendra un coup, mais au point où nous en sommes, notamment en matière d'atteintes aux libertés, ce n'est pas le plus grave !
Un autre danger est que certaines personnes émettent de faux e-mails dans le but de provoquer l'échec du dispositif éducatif. Comment un utilisateur pourra-t-il alors reconnaître un e-mail provenant réellement de la HADOPI d'une imitation ? Or, le principe même de la riposte graduée repose sur la réception de ces e-mails !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non, ça ne marche pas !
La distinction entre les vrais et les faux e-mails ne pourra se faire qu'à l'aide d'un expert. Tout cela ne pourra engendrer que de la panique et du mécontentement : comment pourrait-on sérieusement reprocher à un internaute de ne pas avoir pris au sérieux un mail de la HADOPI, s'il en a déjà reçu 150 autres auparavant ? Il est évident que dans ces conditions, une suspension de la connexion Internet serait perçue comme une véritable injustice. On peut, certes, faire porter le chapeau aux individus comme on le ferait pour la fausse monnaie, mais il est beaucoup plus facile de fabriquer un faux mail HADOPI que de la fausse monnaie !
Dans la pratique, de nombreuses personnes ne recevront pas les mails prévus par le dispositif. Comme l'a souligné à très juste titre Mme Billard hier soir, la plupart des utilisateurs récupèrent leurs e-mails au moyen d'un logiciel de messagerie de type Outlook, Thunderbird, GMail, Yahoo, Caramail ou Hotmail – il en existe chaque jour de nouveaux…
Je vais conclure, monsieur le président, mais nous évoquons là un point important.
Pour ces liaisons, il n'existe aucune solution permettant de filtrer les mails pour ne laisser passer que ceux provenant réellement de la HADOPI. En l'état actuel des choses, l'État français n'aurait aucun moyen de contrôler les choses sans labelliser et figer pour les citoyens l'offre de client de messagerie. Cette labellisation des services et logiciels de mails constituerait, non pas une simple atteinte au principe d'Internet, mais la destruction pure et simple du principe de courrier par Internet. Cela signifie que l'on ne pourrait compter que sur la lettre recommandée, les autres éléments censés constituer la riposte graduée n'étant pas suffisamment fiables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 351 . (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La ministre ne répond même pas ?
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 22
Contre 38
(L'amendement n° 351 n'est pas adopté.)
Monsieur le président, vous n'avez pas souhaité me donner la parole tout à l'heure alors que je l'avais demandée, mais je ne peux croire qu'il s'agit là d'une discrimination à l'égard du groupe GDR.
Toutefois, si cela devait se reproduire, il faudrait tout de même se rendre à l'évidence.
Il a été question, tout à l'heure, de la qualité de notre dialogue. Il est très important, lorsque l'on dialogue, que l'on se tienne face à face. Comme souvent dans notre pays, dès lors qu'il est question de protection des libertés, nous ne sommes pas divisés par le traditionnel clivage gauche-droite, mais séparés entre ceux qui partagent certaines valeurs – celles qu'a exprimées Lionel Tardy, et auxquelles j'adhère – et les autres.
Pour ce qui est du déroulement de nos travaux, je vous avoue être très perturbé, madame la ministre, de voir l'un de vos collaborateurs vous parler sans cesse à l'oreille. Même s'il s'agit, ce dont je ne doute pas, d'un fonctionnaire d'une grande qualité, il est assez gênant de constater que, depuis le début de notre débat…
…vous montrez une nette préférence pour ce mode de communication consistant en une espèce de dialogue à trois, alors que vous devriez privilégier le dialogue direct avec les parlementaires. Je ne vous cache pas qu'à force, cela me gêne et me stresse.
Comme nombre de mes collègues, j'ai été intéressé et impressionné par la démonstration que vient de faire M. Tardy, qui a le mérite de donner un aspect très concret à notre débat. Comme il l'a dit, il y aura des mails fictifs de mise en garde et, dès lors, des infractions fictives. De la même façon que M. Tardy propose d'envoyer à Mme Albanel un mail estampillé « HADOPI », je pourrais proposer, si je ne craignais de le désigner à la vindicte populaire, que l'adresse IP de Frédéric Lefebvre soit mobilisée pour des téléchargements fictifs. Tout cela va se produire, madame la ministre : de nombreux groupes sont tellement ulcérés par le caractère injuste de cette loi qu'ils sont déjà en train de préparer des offensives de ce type. La saturation de votre usine HADOPI va déclencher un feu d'artifice de contentieux, et je suis très étonné que personne – ni vous-même, madame la ministre, ni le rapporteur – ne prenne au moins la peine d'essayer de rassurer l'Assemblée nationale et les internautes qui assistent à nos débats et ont besoin de comprendre comment votre machine va bien pouvoir fonctionner. J'aimerais beaucoup vous entendre sur ce point, madame la ministre.
Pour ma part, je trouve pour le moins étonnant que dans ce débat, certains se placent systématiquement du côté des cyberdélinquants (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Pourquoi ne se demande-t-on jamais, lorsqu'il est question, par exemple, des mises en demeure que les voyageurs contrevenants peuvent recevoir de la SNCF, si certains procédés ne permettraient pas d'empêcher le facteur de procéder à la remise des courriers de mise en demeure ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
À en entendre certains, on pourrait croire que les internautes français s'adonnent tous au téléchargement illégal du matin à soir et cherchent sans cesse de nouveaux moyens de s'opposer à la Haute autorité et de faire exploser le système ! Le système d'avertissements fonctionne pourtant très bien dans les pays où il est mis en oeuvre – au moyen d'un lien direct entre les fournisseurs d'accès à Internet et les ayants droit – et se traduit par une diminution massive du téléchargement illégal.
Je ne vois vraiment pas pourquoi…
…le pays tout entier se mobiliserait tout à coup en faveur de la cyberdélinquance. Certains confondent leurs fantasmes avec la réalité !
Je veux rappeler que les mails n'ont pas d'autre raison d'être que de prévenir les internautes concernés qu'ils risquent d'entrer dans l'illégalité, qu'il n'y a aucune raison pour que ces mails ne parviennent pas à leurs destinataires, et que le but du système proposé est de défendre les droits des artistes et des auteurs – qui nous soutiennent massivement, comme ils l'ont souvent prouvé – en développant l'offre légale sur Internet.
Mes chers collègues, nous n'avons examiné qu'un seul amendement depuis le début de cette séance. Dans la mesure où il en reste 344 autres, je vous invite à ne pas profiter de prétendus rappels au règlement pour débattre sur le fond, mais à limiter vos interventions au seul cadre de l'examen des articles et des amendements.
Je suis saisi d'un amendement n° 428 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le défendre.
Madame la ministre, notre rôle, en tant que législateur, est d'éviter de faire des lois qui ne servent à rien. Je rappelle que la loi DADVSI, votée par la majorité et promulguée en août 2006, c'est-à-dire il y a deux ans et demi, n'a pu être intégralement mise en oeuvre, certaines de ses dispositions s'étant révélées inapplicables (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe SRC.) Procéder de la sorte ne peut aboutir qu'à déconsidérer le Parlement et chacun s'accorde, de part et d'autre de cet hémicycle, pour considérer que si les dispositions proposées en matière culturelle et de droit d'auteur ne sont pas efficaces, il vaut mieux en chercher d'autres ! Dans le cas contraire, nous risquons de donner l'illusion aux auteurs que leurs droits vont être défendus, alors que ce ne sera pas le cas.
Quant aux systèmes que vous dites efficaces dans d'autres pays, nous vous avons déjà expliqué, madame la ministre, que bon nombre de pays sont déjà revenus en arrière du fait des dysfonctionnements de ces systèmes.
Quand une loi provoque un tiers d'erreurs judiciaires – façon de parler, puisque les décisions sont rendues par une autorité administrative –, c'est bien qu'il y a un problème !
Un tiers d'erreurs, c'est tout de même beaucoup.
Avec l'amendement n° 428 , le groupe GDR propose que la Haute autorité, dans le cas où elle aurait connaissance d'un délit, transmette au procureur de la République toutes les informations relatives à ce délit – conformément à l'article 40 du code de procédure pénale. Alors que, depuis le début, vous refusez l'intervention de l'autorité judiciaire, nous considérons pour notre part que la mise en cause de données privées rend nécessaire cette intervention, a fortiori dans une situation où l'absence de procédure contradictoire induit beaucoup d'incertitude.
Par ailleurs, à juste titre, les ayants droit ne seront pas informés de l'identité des personnes mises en cause. Toutefois, la loi DADVSI ayant été maintenue en l'état, les ayants droit et les représentants des auteurs qui considéreront que les droits de ceux-ci ont été bafoués pourront toujours introduire, parallèlement, une action judiciaire. De ce fait, une même personne pourra être poursuivie à la fois dans le cadre de la HADOPI et dans le cadre d'une procédure judiciaire. C'est là une raison supplémentaire justifiant que la justice soit informée par la HADOPI des procédures en cours.
Madame Billard, votre amendement est satisfait par l'article 40 du code de procédure pénale, que vous avez vous-même évoqué. Il est donc inutile de faire figurer dans le projet de loi que nous examinons une disposition qui existe déjà.
Par ailleurs, pour répondre à ce qu'a dit tout à l'heure M. Tardy, je veux souligner, comme l'a fait Mme la ministre, que le fait qu'il puisse exister des moyens de détourner la loi ne doit pas empêcher le législateur de s'efforcer de la faire respecter, y compris sur Internet. Ce n'est pas parce que certains circulent à 200 kilomètres à l'heure sur des portions de route où la vitesse est limitée à 50 ou 90 kilomètres à l'heure, que les pouvoirs publics ne doivent pas tout mettre en oeuvre pour que la grande majorité des usagers respecte le code de la route. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Tout à fait !
Tâchons de prendre des mesures qui s'adressent à la majorité des internautes. Mme la ministre n'a jamais prétendu éradiquer le téléchargement illégal. Il s'agit en fait d'adresser un message fort aux Français, consistant à leur rappeler qu'ils doivent télécharger légalement et qu'il existe des offres pour le faire. En téléchargeant légalement, on finance la culture, le cinéma, la musique, l'audiovisuel, des filières qui constituent notre exception culturelle et auxquelles les Français sont attachés.
Il me semble, madame Billard, qu'au-delà des clivages politiques, il est possible de se retrouver autour d'un projet de loi visant à faire de la pédagogie, à expliquer aux Français que la loi doit être respectée, y compris sur Internet. Le Sénat l'a d'ailleurs montré de très belle façon, les sénateurs socialistes ayant voté ce texte à l'unanimité, à l'instar de leurs collègues de l'UMP et du Nouveau Centre.
Défavorable pour les mêmes raisons, monsieur le président.
Madame la ministre, j'ai été particulièrement choqué par vos propos. Vous laissez entendre que ceux d'entre nous qui s'efforcent de faire valoir leur point de vue sereinement seraient des défenseurs des délinquants du Net, ce qui n'est pas acceptable.
Je tiens à l'affirmer de la façon la plus vigoureuse qui soit : il n'y a pas, dans cet hémicycle, d'un côté ceux qui défendraient les artistes, de l'autre ceux qui défendraient les délinquants du Net.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !
C'est vrai ! Nous défendons les artistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Bien sûr qu'on aime les artistes, et notamment les artistes débutants qui ont besoin du Net pour se faire connaître et vendre leurs disques !
Certains de nos collègues n'ont toujours pas compris comment les choses se passent dans notre pays. Nous tentons de l'expliquer depuis le début de ce débat : le présent texte sera inapplicable et servira au final à prendre les petits poissons tout en laissant passer les vrais délinquants.
Les vrais délinquants du Net échapperont en effet à tous les contrôles que vous évoquez car ils trouveront des parades.
Quand avez-vous ouvert un e-mail pour la dernière fois, ma chère collègue ?
Non, on ne défend pas les délinquants du Net. Nous sommes simplement quelques-uns, ici, à bien connaître le dossier.
Nous tentons donc de vous alerter sur certains points. Il ne s'agit pas d'un clivage droite-gauche. Dans cette affaire, il y a ceux qui sont dans le coup et ceux qui sont has been ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Non, je ne fatigue pas. Je dis ce que je pense et nous sommes précisément là pour dire ce que nous pensons ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ce texte me préoccupe moi aussi et je n'ai rien contre les auteurs ni contre les ayants droit.
L'objectif d'une loi est d'être applicable. Or à nos objections tendant à montrer que celle-ci ne le sera pas, on oppose un discours politique. Tout à l'heure encore, on a répondu à côté de ma question. Nous allons donc, cet après-midi, développer un discours technique. Pour être applicable, une loi doit s'appliquer à tous et doit pouvoir être techniquement mise en oeuvre : nous ne disons rien d'autre !
S'agissant de la prévention – c'est le maître mot de cette loi –, j'ai démontré que le dispositif ne fonctionnait pas pour les mails. Contrairement à ce qu'a dit le rapporteur, en effet, si une personne reçoit régulièrement des spams, lorsqu'elle recevra pour la cent cinquantième fois un e-mail d'avertissement de la HADOPI, elle pensera qu'il s'agit d'un spam de plus et n'en tiendra pas compte. Elle sera donc directement sanctionnée. Nous sommes ici pour soulever ce genre de problèmes et tenter de les résoudre.
Je voudrais d'abord que Mme Greff nous fasse des excuses puisqu'elle a traité les députés de l'opposition de délinquants. À moins que nous ayons mal entendu…
Monsieur Mathus, vous avez demandé la parole pour vous exprimer sur l'amendement.
Sur l'amendement, nous avons entendu les propos de la ministre. Et nous avons finalement une forme de compassion pour elle. Elle est en effet chargée de défendre un projet qui prend l'eau de toute part : tel le Radeau de la Méduse, il est chaque jour un peu moins en état de flotter. Depuis le début de cette discussion, elle énonce des contrevérités avec beaucoup de détermination, peut-être glissées, comme le craignait Jean-Pierre Brard, par le souffleur officiel.
En tout état de cause, madame la ministre, vous ne pouvez pas vous prévaloir des exemples étrangers. Tous les pays qui avaient envisagé un dispositif similaire y ont en effet renoncé les uns après les autres. La Nouvelle-Zélande l'a annoncé officiellement la semaine dernière. Il en est de même de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne. Le système ne fonctionne que sur une relation contractuelle entre les ayants droit et les prestataires de services. Le ministre de l'intérieur anglais a fermement écarté l'idée que l'État puisse se prêter à des opérations consistant à aller pourchasser les adolescents dans leur chambre, pour reprendre ses termes. Aux Etats-Unis, cela ne fonctionne également que sur des relations privées, contractuelles avec les opérateurs de services compte tenu de ce qu'est l'autorité de régulation.
Il ne faut donc pas dire de contrevérités : tous les pays abandonnent, les uns après les autres, ce système. Seule la France persiste, comme on l'avait déjà vu avec la loi DADVSI, il y a trois ans. C'est peut-être parce que nous avons un Président de la République qui aime les artistes. Mais quels artistes ? Ceux du Fouquet's ?
Ne soyez donc pas insultant ! Qu'est-ce que vous avez contre le Fouquet's ?
Il veut imposer une loi, non pas de création sur Internet, mais de protection de monopoles à bout de souffle. Voilà la réalité !
Je déplore qu'on oppose sans cesse les Français entre eux : les riches aux pauvres (Rires sur les bancs du groupe GDR), les travailleurs aux chômeurs, etc. Nous sommes toujours dans ce type de confrontations. Nous sortons des clivages politiques mais nous restons sur des oppositions frontales.
Il y a ceux qui sont au pain sec et ceux qui peuvent mettre du beurre sur leur tartine !
C'est vraiment dommage et cela ne grandit personne, ni vous ni nous.
À entendre un de nos collègues de l'opposition, les députés de la majorité ne seraient que des has been. Je vais vous donner un exemple précis et récent. Conseillère générale dans un département très rural, j'ai eu le plaisir, en qualité de présidente de la commission culture, de lancer, jeudi dernier, un site Internet financé par le Département qui s'adresse exclusivement aux compositeurs de musique, notamment actuelle. Cela concerne les groupes amateurs, semi-professionnels ou presque professionnels. Ce site a pour nom : mytrempl1 made in Jura.com. Je n'ai donc vraiment pas le sentiment d'être déconnectée. Quant aux jeunes, amateurs pour la plupart d'entre eux, ils se sont tous réjouis du dispositif que nous sommes en train de mettre en oeuvre.
Ils savent qu'il faut penser à garantir la sécurité de leurs créations.
Madame la ministre, je tenais à citer cet exemple devant vous pour montrer qu'il y a aussi une attente chez les créateurs. Il faut arrêter de penser que la vérité et le bon sens ne sont que dans l'opposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 428 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 50 deuxième rectification, qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tire les conséquences du changement apporté par le Sénat dans l'énumération des missions de la HADOPI. Il a voulu lui donner une mission de labellisation des offres légales. L'idée est de valoriser ces dernières. L'un des grands objectifs de ce texte est de mettre en avant les offres légales auprès des internautes. Il faut pour cela que la HADOPI puisse donner une labellisation.
Je m'empresse de préciser qu'il n'est absolument pas question de surveiller tous les sites existant sur le Net. Il s'agit simplement de prévoir qu'un site souhaitant avoir une sorte de label légal pourra s'adresser à la HADOPI. Celle-ci verra avec le site quels services et produits sont mis à la disposition des internautes, et donnera une labellisation. Bien sûr, les offres légales non labellisées auront légitimement leur place sur le Net. Mais les internautes pourront mieux s'y retrouver entre offre légale et offre non légale.
J'insiste sur le fait que c'est aux sites qu'il appartiendra de soumettre volontairement leurs services ou leurs produits à la HADOPI. Il ne s'agira en aucun cas d'une surveillance généralisée de tous les sites de l'Internet.
Ce sous-amendement vise à supprimer l'alinéa 5 de l'amendement n° 50 deuxième rectification que vient de nous présenter benoîtement le rapporteur. Cet amendement est situé très haut sur l'échelle de Riester, que nous devons, rappelons-le, à Christian Paul.
Soyons sérieux, mes chers collègues !
La HADOPI, censée, à entendre ceux qui la défendent encore, limiter le téléchargement qualifié d'illégal, se trouve à présent chargée d'une mission de labellisation des offres sur Internet. Le rapporteur introduit dans le texte, avec une grande légèreté, la notion d'offre légale alors que la neutralité des réseaux fait que, par définition, toutes les offres sont libres. Nous nous battrons donc pour supprimer les funestes dispositions de cet amendement. Nous le répétons avec force, seule une autorité judiciaire peut décider ou non de leur légalité.
C'est un principe fondamental du droit. C'est un élément majeur de ce qui fonde notre démocratie : l'autorité judiciaire est seule habilitée à déclarer qu'une offre est légale ou non. Donner ce rôle, comme le prévoit le funeste amendement du rapporteur, à une Haute autorité indépendante est une dérive inacceptable d'autant que le texte ne définit pas ce qu'est une offre ni à qui le label va être attribué. À la société qui propose des offres ou au service de communication au public en ligne ? Si plusieurs offres sont proposées sur un même site ou par différentes sociétés sur un même site, à qui ou à quoi va être apposé ce label ? Aucun critère n'est proposé par l'amendement.
De même, certains ayants droit exploitent des services de communication au public en ligne. On va donc créer un conflit d'intérêt. Un tel dispositif serait également discriminant pour les sites étrangers accessibles aux internautes français mais dont les offres ne seraient pas soumises aux éventuels « critères » de labellisation.
Je souhaite donc qu'il n'y ait pas de faux-fuyants sur cet amendement extrêmement important pour la suite de nos débats. J'attends en conséquence qu'on réponde précisément à nos questions. Je les rappelle pour conclure.
Comment peut-on donner à une Haute autorité le rôle de labellisation, de légalisation d'une offre sur Internet, qui par nature est libre ?
Comment peut-on accepter une procédure qui sera discriminante puisque c'est l'État, via la HADOPI, qui va favoriser en fait une offre par rapport à une autre ?
Comment va se faire concrètement cette labellisation ? Sur quels critères ? S'agira-t-il d'une labellisation de sites ou de produits ? Que se passera-t-il pour les sites contenant à la fois des offres légales et non légales ? Labellisera-t-on à moitié ou pas du tout ?
Comment se fera la mise à jour ? Cette question est loin d'être secondaire.
Comme il existe des millions de sites et de blogs, comment se fera le choix ? Enfin, dans quelles conditions se fera la définition de l'offre légale ?
La parole est à Mme Martine Billard, pour présenter le sous-amendement n° 504 .
L'amendement de notre rapporteur, c'est un peu « souriez, vous êtes listé ! » Monsieur Riester, vous avez beaucoup de talent pour enrober les amendements que vous proposez. En l'occurrence, je ne relèverai que la fin de l'alinéa 5 : « ainsi qu'à l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques. » Or cela revient à dire que les moteurs de recherche devront référencer parmi les premières les offres que la HADOPI aura labellisées.
Voilà ce que prévoit cet amendement ! C'est pour le moins étonnant de la part de défenseurs de la concurrence libre et non faussée. Celle-ci suppose en effet qu'il n'y ait pas d'autorité administrative, quasiment d'État, pour imposer aux moteurs de recherche les sites qui doivent apparaître en premier dans les listes recherchées par les internautes. Il y a là une atteinte au principe fondamental de neutralité de l'Internet. C'est une atteinte d'ailleurs à toutes les dispositions qui peuvent être prises au niveau européen.
Les consommateurs ont protesté, par l'intermédiaire de l'UFC-Que Choisir comme ont protesté des associations liées à Internet, telles que le Groupement des éditeurs de services en ligne, l'Association des services Internet communautaires ou l'Association de l'économie numérique, présidée par M. Pierre Kosciusko-Morizet, qui n'a rien d'un dangereux gauchiste. Le fait que ces associations considèrent que l'amendement du rapporteur constitue une atteinte à la neutralité d'Internet devraient faire réfléchir nos collègues de l'UMP à la manière dont ils vont voter, à moins que le Gouvernement ne rejette cet amendement ou que notre rapporteur le retire, tant qu'il est encore temps.
Je vous rappelle que ce principe de labellisation a été voté à l'unanimité par le Sénat. (« Et alors ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il s'agit de ne pas travestir la vérité ! Il est faux de dire, comme vient de le faire M. Bloche, que j'introduis dans le texte la notion de labellisation, puisque c'est le Sénat qui l'a introduite.
Je me suis contenté de mettre l'accent sur le principe du développement de l'offre légale en le déplaçant de la sous-section 3 vers la sous-section 2.
C'est une offre qui permet aux ayants droit et aux créateurs d'être rémunérés.
La HADOPI, en fonction de critères qui seront déterminés par un décret en Conseil d'État.
Je propose donc simplement d'insister sur la dimension pédagogique de la loi en privilégiant le principe du développement de l'offre légale plutôt que celui de la sanction, et j'aimerai qu'à l'avenir, monsieur Bloche, pour ne pas perturber le déroulement de nos débats, vous soyez plus précis sur la part de nos travaux qui revient au Sénat et celle qui revient à l'Assemblée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les sous-amendements ?
Je suis défavorable aux sous-amendements et favorable à l'amendement de la commission. En effet il va dans le sens du développement de l'offre légale en permettant aux sites qui en feront la demande d'être labellisés, dès lors qu'il existe un accord entre ces sites et les ayants droit. C'est un peu comme les plages qui demandent un label en fonction de la pureté de leur eau. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Est-il possible de détecter un contenu illicite sur Internet ? Oui : il suffit pour cela d'analyser les empreintes des fichiers contenus dans les paquets qui transitent et de les comparer avec des empreintes légales. Est-il possible de contourner cette détection ? Tout autant, en cryptant les paquets, qui deviennent illisibles, ou en utilisant des proxys intermédiaires, qui permettent d'effacer l'adresse IP de départ. Nos collègues socialistes ont donc raison de dire que la HADOPI serait bien inspirée de s'organiser pour gérer les contestations, car elle seront nombreuses.
Cela étant, souhaitons-nous introduire un volet répressif dans la lutte contre le téléchargement illégal ? Le Nouveau Centre considère pour sa part que c'est utile, même si la solution retenue par la loi n'est pas parfaite ; c'est en tout cas la moins mauvaise et la plus proportionnée. Lorsque nous aurons à débattre de cette sanction, nous aurons d'ailleurs une solution alternative à soumettre à l'Assemblée. En attendant, si le parti socialiste ne veut pas de sanction, qu'il le dise clairement. Sinon, qu'il s'exprime sur les options qu'il défend en la matière.
Pour ce qui concerne l'amendement de notre rapporteur, je serai, moi aussi, prudent. Il faut d'abord oublier le système de référencement. Je vous souhaite en effet bonne chance pour rentrer dans les algorithmes de Google ! Aucune requête ne peut fonctionner sur l'opposition entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas.
Reste la question de l'offre légale. Labelliser une offre légale signifie que l'on vérifie que les droits d'exploitation de l'auteur ou des ayant droits sont bien respectés par les diffuseurs que sont les sites. C'est certes possible, mais cela implique de s'intéresser aux relations contractuelles entre le diffuseur et l'auteur ou les ayants droit.
Or, dans l'idée de lutter contre le niveau très élevé des prix, nous avions présenté, au début de notre discussion, des amendements qui allaient précisément dans ce sens et donnaient à la HADOPI le pouvoir d'examiner les relations contractuelles entre les ayants droit et les diffuseurs. Mais vous avez rejeté ces amendements. En proposant maintenant de labelliser les contenus légaux, vous êtes donc en pleine contradiction !
Nous avions également proposé que la HADOPI puisse saisir l'autorité de la concurrence, car nos collègues socialistes ont raison : ce n'est pas la HADOPI qui pourra déterminer le caractère concurrentiel ou non d'une offre, mais le juge ou l'autorité de la concurrence.
Cet amendement est donc imprudent, et nous serions bien inspirés de ne pas le voter.
Nous nous étonnons que le rapporteur persiste dans cette idée absurde de labellisation des sites Internet, en particulier de ceux dédiés à la musique. L'interruption de nos débats pendant quinze jours aurait dû lui permettre de prendre conseil, y compris auprès de certains de ses collègues de l'UMP, qui ont sur la question beaucoup de connaissances et de sagesse. Je m'étonne d'ailleurs du mépris dans lequel sont tenus, au sein de l'UMP, ces voix qui s'expriment avec technicité et précision.
Monsieur Lefebvre, ce n'est pas à vous que je pensais. Votre spécialité, bien réelle, est d'une tout autre nature.
À cette cathédrale de l'informatique bureaucratique qu'est la loi HADOPI, vous rajoutez en permanence des clochetons supplémentaires.
C'est d'abord la labellisation, proposée par le Sénat, labellisation que vous étendez à présent aux sites non commerciaux, soit des centaines de milliers de sites qu'il faudra surveiller, contrôler et éventuellement labelliser, sans qu'on ait encore très bien compris comment vous comptez vous y prendre.
Si on est optimiste sur la labellisation de l'offre légale par la HADOPI, on parlera de société d'encouragement ; si on est plus inquiet, ce qui est notre cas, on parlera d'officine de propagande et de censure, qui échappe à tout contrôle, car la HADOPI va se voir confier en la matière un pouvoir exorbitant. M. Riester nous dit que seuls les sites volontaires seront labellisés. Peut-être suis-je épuisé par ce débat absurde, mais j'ai relu trois fois son amendement sans y trouver d'explication sur ce volontariat. Si le rapporteur l'a sous-amendé oralement, qu'il nous apporte donc quelques précisions.
Enfin, on nous a dit tout à l'heure qu'un site légal était un site qui rémunérait bien les artistes. Mais nous connaissons tous des sites, de grands sites originaires d'outre-Atlantique, qui rémunèrent fort mal les artistes, quand ils les rémunèrent, et je ne parle même pas des interprètes, encore plus mal lotis. Certains sites se comportent comme de véritables pompes à finances, y compris des sites « universels ».
Les artistes et les auteurs y retrouvent fort peu leur compte, monsieur Lefebvre, ce qui nous incite à penser que ce n'est pas eux que vous défendez réellement.
Voilà pourquoi cette labellisation, outre qu'elle est inapplicable, nous inquiète. Nous condamnons l'esprit dans laquelle elle est imaginée, et l'amendement de M. Riester nous paraît ajouter de la confusion là où ce texte aurait besoin d'être simplifié. Qui sait : à force de le simplifier, peut-être pourrions-nous le voir disparaître…
En langage clair, cet amendement signifie que, si l'on entre « Télécharger MP3 ou DivX » dans un moteur de recherche, les résultats privilégient les offres de Virgin, Fnac, iTunes ou de plateformes VOD déterminées plutôt que les sites de liens « torrent » ou ceux d'artistes diffusant leurs contenus sous licence libre, les logiciels libres étant d'ailleurs les grands absents de ce débat.
S'agissant de la labellisation des offres légales, l'UFC-Que Choisir dénonce une mesure à l'évidence inapplicable. En effet, les sites légaux englobent des sites marchands mais aussi les milliers de sites non commerciaux des artistes qui mettent leurs oeuvres gratuitement à la disposition du public. L'ensemble évolue en permanence. Il faudrait labelliser ou délabelliser des centaines de sites par jour. Or la HADOPI se composera de sept salariés seulement, qui n'auront pas trop de leurs quatorze mains pour envoyer des messages de coupure aux supposés pirates. L'application de cette mesure pose donc un vrai problème.
Avec cette tentative de labellisation officielle des sites « autorisés », nous frôlons le grotesque. Après le GOSPLAN et la police privée qui va chasser les délinquants sur Internet, voici réinventé le ministère de la propagande, qui va délivrer sa vérité officielle et apposer son tampon sur les sites autorisés ! Que nos collègues de la majorité y réfléchissent à deux fois : le tampon officiel de la HADOPI sera le plus efficace des répulsifs pour la jeunesse. Il suffira qu'un site soit labellisé HADOPI pour qu'elle considère qu'il délivre la vérité officielle et n'est donc pas fréquentable.
Ce dispositif est totalement voué à l'échec – cela ne peut échapper à quiconque réfléchit deux secondes. Labelliser les bons sites est techniquement impossible ; cela nécessiterait plusieurs dizaines d'inspecteurs chargés de distinguer chaque jour – car Internet évolue quotidiennement – les contenus légaux des contenus illégaux.
Il y a des milliers de sites d'interprètes, d'auteurs, de créateurs, qui donnent accès à des contenus. Imaginons le spectacle de centaines de contrôleurs, en uniforme je suppose, en train de vérifier ce qui se passe sur le Net ! C'est aussi grotesque qu'irréalisable.
Réfléchissez : à l'ère où Internet a dynamité la hiérarchisation des informations et permis une véritable libération, comment imaginer une vérité officielle, une autorité d'État qui impose son tampon sur les sites autorisés ? Ce n'est pas raisonnable !
Ce débat est irréel. Il suffit d'écouter avec attention les uns et les autres pour comprendre que ce système est impraticable. Mais, plus choquant encore, on institue une sorte d'art officiel, en donnant une sorte d'imprimatur.
Eh oui ! Nous sommes quelques-uns à avoir suffisamment combattu ce qui se passait ailleurs pour ne pas l'introduire chez nous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vois M. Lefebvre sourire…
Monsieur Lefebvre, je vous croyais le fils spirituel de Nicolas Sarkozy ; en réalité, vous êtes le fils spirituel – et probablement illégitime – de Leonid Brejnev. Voilà la réalité ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Grâce à l'inventivité de M. Riester, vous voulez enrégimenter…
Prêtez attention à la petite voix que vous entendez : c'est celle de Staline !
Vous souriez, mais on tire les leçons de l'histoire ou on ne les tire pas ; et quelqu'un disait que lorsqu'elle se répète, c'est en farce. Mais cette répétition peut aussi être tragique.
Vous devriez vraiment, je crois, écouter vos propres collègues de la majorité. On ne peut pas les soupçonner de parti pris idéologique ; ils partent de la réalité. Mais je sais bien qu'à toujours citer MM. Dionis du Séjour et Tardy, nous risquons de leur nuire.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 167 .
La parole est à M. Lionel Tardy.
L'amendement n° 50 propose la mise en place d'une labellisation de l'offre légale. Pourquoi pas ?
Mais il propose aussi que ces sites labellisés soient mis en valeur, et, comme je l'ai déjà dit, je suis beaucoup moins d'accord. Le rôle d'une autorité publique n'est pas de faire la promotion des sites commerciaux : s'ils veulent être visibles sur internet, qu'ils s'organisent entre eux, comme cela se fait aujourd'hui. On risque, d'autre part, d'introduire des distorsions de concurrence entre ceux qui auront le label et ceux qui ne l'auront pas : cela pose problème, car ce label n'est qu'une mention valorisante comme il en existe tant. Ce n'est pas le label qui fait le caractère légal d'une offre : il n'est que le signe que la HADOPI a reconnu que le site qui l'a demandé satisfaisait un cahier des charges.
Nous risquons donc de nous placer en porte-à-faux avec la réglementation européenne sur la libre concurrence.
J'entends vos propos, monsieur le rapporteur. Il n'empêche que les termes de cet amendement laissent la porte ouverte à ces distorsions de concurrence : « elle veille à la mise en place […] d'un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques. »
De quoi s'agit-il, sinon des moteurs de recherche ?
À quoi, d'ailleurs, servirait ce système de référencement, si ce n'est à offrir une visibilité sur les moteurs de recherche, dont à créer un surréférencement d'office ?
Un bon référencement permet d'être bien placé dans les résultats de Google – c'est même tout un art. Mais chacun pour soi et Dieu pour tous : il serait absolument anormal qu'une autorité publique intervienne pour truquer les algorithmes des moteurs de recherche.
Qu'il y ait labellisation, oui ; qu'elle offre une survalorisation dans les moteurs de recherche, non. Supprimons donc la fin de cet alinéa.
Avis défavorable. Je vous rassure : seuls seront qui auront souhaité être labellisés le seront. Et si un site respecte les critères nécessaires, il obtiendra le label.
Il n'y a donc pas de distorsion de concurrence.
Même avis.
À défaut de suppression de l'amendement tout entier, on peut effectivement se replier sur ce sous-amendement.
À trop vouloir mettre en avant une culture officielle, vous allez engendrer une contre-offensive des acteurs du Net.
Je vais vous raconter une histoire – brièvement.
Il se trouve que j'ai, il y a quelques mois de cela, remis un prix à une jeune Danoise qui a conçu un système qui permet de contourner la censure de Google en Chine. Vous n'ignorez pas que Google a eu quelques ennuis.
Dans un souci de liberté d'expression, cette jeune informaticienne a souhaité mettre au point ce dispositif qui ajoute des fautes d'orthographe de manière automatique, afin de contourner la censure.
C'est dans le cadre d'une biennale du design que je lui ai remis ce prix, et c'était avec beaucoup de plaisir : j'ai eu le sentiment de remercier à ma manière une jeune personne qui contribuait à développer les libertés publiques sur l'ensemble de la planète.
Autant dire que si nous nous lançons dans l'aventure que vous proposez, des systèmes naîtront qui permettront soit de saturer les sites officiels, soit au contraire de faire émerger mille autres sites. Vous ne mettez en place qu'une illusion.
La distorsion de concurrence sera, de plus, réelle : certains, les plus forts, les plus actifs, auront le label officiel. Les jeunes artistes qui ont produit un seul disque et qui lui donnent le statut de logiciel libre ont tout à fait autre chose à faire…
C'est vous qui le dites !
Cela ne les concerne pas ! Ce n'est pas comme cela qu'ils souhaitent exister.
Soyons raisonnables : puisque les sous-amendements de suppression ont été rejetés, acceptons celui-ci.
Je suis tout à fait d'accord : accepter ce sous-amendement, c'est le minimum !
Internet dans un seul pays, monsieur le rapporteur, cela n'existe pas. Internet est mondial, et vous nous proposez une distorsion de concurrence qui n'est pas même acceptable au niveau européen ! Bruxelles pourra rappeler la France à l'ordre au motif que le référencement des sites par une autorité publique pose problème.
Vous nous racontez de belles histoires, monsieur le rapporteur, mais votre amendement dit : « la Haute Autorité attribue […] un label […]. » Regardez, c'est écrit !
« Elle veille à la mise en place ainsi qu'à l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres. » La HADOPI va-t-elle veiller à ce que Google et Yahoo – et j'en passe – actualisent leur système de référencement de manière à ce que les sites labellisés par la HADOPI soient mieux référencés par ces moteurs de recherche ? Franchement, dans quel monde est-on ?
Nous ne sommes pas loin, effectivement, des pays qui cherchent à contrôler Internet.
Monsieur le rapporteur, acceptez au moins cet amendement : vous êtes en train de vous ridiculiser !
Ce Gouvernement fait assez d'entorses aux libertés publiques. Il serait bon qu'il épargne Internet !
(Le sous-amendement n° 167 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 309 .
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
Si label il doit y avoir, au moins faut-il en rechercher tous les effets positifs.
Ce sous-amendement vise donc, dans le cadre de l'exception culturelle française, à sécuriser le développement des sites labellisés « culture » en garantissant aux initiatives en ce domaine qu'elles ne seront demain ni censurées, ni concurrencées de manière déloyale par les solutions de recherche sur Internet.
En effet, en 2007, les acteurs de la recherche sur Internet ont fait évoluer leurs solutions de recherche traditionnelles en solutions de recherche dites « universelles », c'est-à-dire intégrant aux résultats fournis leurs propres services intégrés, et non les seuls sites internet référencés. C'est en contradiction avec la notion de neutralité du Net.
C'est pourquoi nous vous proposons de renforcer l'amendement n° 50 en ajoutant aux prérogatives de la HADOPI la vérification du référencement « complet », par les solutions de recherche, des sites labellisés. On sait en effet qu'une des techniques les plus courantes pour inscrire un site sur une liste noire est d'oublier de référencer un certain nombre de pages.
Il y aurait aussi une obligation d'actualisation. En effet, les solutions de recherche travaillent sur quatre bases temporelles : la journée, la semaine, le mois et l'année. Il est important que les sites labellisés soient au moins vus toutes les semaines.
(Le sous-amendement n° 309 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 216 .
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Il s'agit d'un amendement voté par la commission des affaires culturelles, devenu sous-amendement du fait de la nouvelle rédaction de l'amendement de M. le rapporteur.
Nous voulons simplement préciser que la labellisation délivrée par la HADOPI est revue périodiquement : il s'agit de rassurer les sites d'offre légale, mais aussi les internautes : si des sites légaux deviennent illégaux, ils doivent perdre leur label.
Avis favorable.
Je voudrais aussi prendre mes distances avec cette idée de référencement.
On pourrait, à la limite, comprendre le souci du rapporteur de faire établir un annuaire de l'offre légale. Cela nécessite déjà un gros travail d'analyse de contrats : je ne suis pas sûr que les services auront la capacité de le faire. Mais cela peut éventuellement fonctionner.
Mais l'actualisation d'un système de référencement, dans le cadre d'Internet, c'est tout simplement une idée fausse. Aucun moteur de recherche n'acceptera de modifier ses algorithmes de recherche !
Comme l'a souligné Lionel Tardy, vous pourriez, grâce à des mots-clés sur des pages en cache, faire remonter les sites labellisés. Mais nous sommes ici au bord du ridicule ! Oublions cette idée de référencement.
À la limite, un annuaire pourrait avoir du sens. Mais ce que vous proposez là, franchement, c'est une grosse erreur. Je ne voudrais pas que l'Assemblée se ridiculise à ce point.
Monsieur Dionis du Séjour, je suis à 100 % d'accord avec ce que vous venez de dire.
Les choses sont claires : ce que nous proposons, c'est une labellisation sur un site.
Nous n'allons pas entrer dans les logiciels et les algorithmes de Google.
Je le répète, je suis d'accord à 100 % avec ce que vous venez de dire, monsieur Dionis du Séjour.
C'est le comble : le rapporteur se déclare d'accord à 100 % avec notre collègue Dionis du Séjour alors que celui-ci vient de dire le contraire de ce qu'a dit Mme Marland-Militello !
On voit bien votre gêne.
Madame Marland-Militello, vous avez dit quelque chose de très important tout à l'heure, vous avez dit que cela permettrait de retirer le label à ceux qui ne respecteraient pas les règles.
Mais, madame Marland-Militello, les choses changent tous les jours. Qu'entendez-vous par « périodiquement » ? La labellisation devra être revue de façon quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, toutes les heures ? On est en plein Kafka !
Au Vatican, les oeuvres que l'on veut soustraire sont inscrites à l'Index – je ne parle pas de l'index du Pape où on met le préservatif, je parle de la liste noire des oeuvres qui ouvrent les portes de l'enfer. Voilà ce que vous proposez, parce que vous avez peur des libertés.
Vous voulez tout enrégimenter.
Vous parliez d'idées fausses tout à l'heure. Vos idées à vous sont des idées liberticides.
Comme je le faisais remarquer en aparté à ma collègue Martine Billard, certains parmi vous sont libéraux et conséquents, mais la plupart d'entre vous n'êtes même pas des libéraux.
C'est aimable !
Vous agissez comme les fées de la nuit dans La flûte enchantée venues cadenasser la bouche de Papageno.
À chaque nouveau sous-amendement, nous nous enfonçons un peu plus, mais, plutôt que de liste noire évoquée par notre collègue Brard, je parlerai de liste blanche. D'ailleurs, la seule vraie question qui vaille est la suivante : pourquoi cette labellisation ? Quel est l'objectif ? J'observe que ni la ministre ni le rapporteur n'ont réellement répondu à cette question.
Le vote du Sénat a été invoqué. Mais si le Sénat a voté la labellisation des offres commerciales, c'est vous, monsieur le rapporteur, qui avez ouvert la boite de Pandore en supprimant la référence aux seules offres commerciales et en étendant la labellisation à toutes les offres présentes sur Internet.
Comme vient de le dire avec juste raison notre collègue Jean-Pierre Brard, si les libéraux s'opposent à cette logique de labellisation, c'est parce qu'ils croient à la neutralité des réseaux.
C'est parce que nous croyons à l'économie de marché que nous ne voulons pas inscrire dans la loi des règles qui visent à fausser la concurrence, à provoquer une rupture d'égalité et qui, à ce titre, sont anticonstitutionnelles.
En l'occurrence, vous proposez une labellisation étatique d'offres dont la légalité ne relève que de l'autorité judiciaire.
La révision proposée par Mme Marland-Militello selon une périodicité indéterminée – il y a vraiment de quoi s'inquiéter quant à l'écriture de la loi…
…ferait que les offres soient, à un moment, légales, puis, un autre moment, illégales, labellisés puis délabellisées, présentes dans les sites de référencement puis retirées.
Sincèrement, cette volonté de labellisation étatique ne s'explique, fondamentalement, que par la méfiance chronique, congénitale, que vous avez à l'égard d'Internet. Vous voulez contrôler Internet parce que vous vous en méfiez et vous vous en méfiez parce que s'expriment sur Internet des contrepouvoirs qui vous gênent et qui gênent tout particulièrement la personne qui se trouve à la tête de l'État.
Jean Dionis du Séjour a lancé un excellent débat. Le rapporteur nous dit que la labellisation sera optionnelle. On croit rêver ! J'ai relevé, sur le site www.pcinpact.com, un petit article qui traite de ce qu'il appelle les effets de bords de la labellisation. Il s'agit, est-il écrit, d'un « engrenage » qui aura « des effets quasi incestueux quand on connaît l'enjeu des référencements sur les moteurs ».
Je partage tout à fait cet avis. « Une plate-forme fera tout pour avoir ce label et dédoublera de docilité pour le conserver. » Aujourd'hui, des gens paient des millions pour être en tête de liste sur les moteurs de recherche. Alors quid de la neutralité Internet ?
Mais si ! L'article poursuit : poussons jusqu'à l'absurde : pourquoi ne pas généraliser ces labels à tous les contenus, presse, jeux vidéos, films, etc. et transformer les moteurs de recherche en portails estampillés ministère de la culture ?
Plutôt que de traficoter dans le cambouis des moteurs, pourquoi ne préconiserait-on pas un site gouvernemental qui recenserait tous les sites commerciaux licites ?
Le site gouvernemental recenserait toutes les offres, le problème serait réglé et la neutralité d'Internet serait sauvegardée.
Un site rue du Faubourg Saint-Honoré, avec une filiale place Tien'anmen !
C'est un point important du débat, qui mérite qu'on prenne un peu de distance.
Madame la ministre, il faut que vous écartiez toute idée de bricolage et de traficotage du référencement sur Internet par les moteurs de recherche. Si vous voulez aider l'offre légale – c'est en effet une des faiblesses de ce projet de loi – alors, faites-le, prenez vos responsabilités et publiez un annuaire des sites d'offres légales en musique et en cinéma. Cela serait lourd et cher, mais cela aurait du sens. Mais prenez vos distances par rapport à tout ce qui pourrait constituer un bricolage du référencement sur Internet.
J'entends des propos très excessifs. L'idée est simplement de donner plus de visibilité aux sites qui le demandent et qui sont dans une logique de respect des droits des auteurs. C'est tout.
L'idée est de donner une approbation à ceux qui le recherchent avant de les renvoyer à un portail qui pourrait, par exemple pour la vidéo, être celui du CNC.
Qu'est-ce que cela a d'extraordinaire ?
Nous ne proposons rien d'autre. Il n'y a pas tout d'un coup un label de légalité ou d'illégalité, il y a simplement un encouragement de fait de l'offre légale que nous souhaitons tous, tout simplement.
Cela s'inscrit dans une logique positive.
Cela pourra déboucher sur un renvoi à un portail, et celui du CNC constitue un bon exemple.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 217 .
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Un des volets importants de ce projet de loi est la volonté de développer l'offre légale. Parmi tous les moyens pour y parvenir, la commission a pensé qu'il serait bon de permettre à la HADOPI de faire régulièrement une publicité qui inciterait les opérateurs à développer cette offre légale. Nous proposons que la HADOPI rende compte, dans un rapport annuel, du développement de l'offre légale. Cette publicité est très importante.
À propos du sous-amendement précédent, je voudrais préciser que la périodicité de la révision permettra à la HADOPI de contrôler – plutôt que de surveiller comme vous dites…
…que le label qu'elle a donné est toujours conforme à la légalité. Un décret fixera cette périodicité.
En tout état de cause, nous ne sommes pas là pour sanctionner les gens, nous sommes là pour rassurer les honnêtes gens, vous oubliez cet aspect. Avec ce label, ils se diront qu'ils peuvent faire confiance, c'est tout.
Favorable.
Je suis, comme mon collègue Jean Dionis du Séjour, assez obstinée. Franchement, je suis catastrophée de voir notre assemblée s'enfoncer dans l'absurdité.
Monsieur le rapporteur, vous oubliez le texte de votre amendement, que nous avons pourtant été nombreux à relire – M. Tardy, M. Dionis du Séjour, moi-même. Vous y parlez bien de « système de référencement par les logiciels » donc par les moteurs de recherche.
C'est ce qui écrit. Si ce n'est pas ce que vous voulez dire, suspendons la séance pour vous laisser le temps de modifier la rédaction.
Si l'idée est qu'il y ait un site qui référence les offres, écrivez-le ainsi – même si, personnellement, je pense que cela fait un peu culture officielle.
En tous les cas, c'est moins ridicule que de dire que les moteurs de recherche vont référencer les offres qui auront obtenu le label de la HADOPI.
Au moins, ce serait plus cohérent que la proposition absurde que vous nous proposez.
Pouvez-vous revenir sur le sous-amendement, s'il vous plaît, madame Billard ?
Je parle du contexte. Je suis en désaccord mais j'essaie, en tant que législatrice, d'éviter les désastres. Or, non seulement on est en train de voter un texte qui n'a pas de sens, mais en plus on se ridiculise. C'est gênant.
La parole est à M. Patrick Bloche, sur le sous-amendement n° 217 , nous sommes bien d'accord ?
Oui, mais pour bien comprendre ce que recherche Mme Marland-Militello par son sous-amendement n° 217 , je voudrais relire l'amendement de M. Riester : « la Haute autorité attribue aux offres proposées par des personnes dont l'activité est d'offrir un service de communication au public en ligne un label permettant aux usagers de ce service d'identifier clairement le caractère légal de ces offres et elle veille à la mise en place ainsi qu'à l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques ».
Votre démarche de labellisation de référencement et de légalisation – qui n'est pas l'affaire d'une haute autorité administrative indépendante – ne peut pas être plus claire. Au prétexte d'aider l'offre légale, c'est-à-dire l'offre commerciale, vous construisez une usine à gaz qui aura pour conséquence de remettre en cause la neutralité des réseaux et d'établir une labellisation d'État qui, espérons-le, comme l'évoquait Didier Mathus, fera fuir sans doute beaucoup de nos concitoyens internautes. La logique lourde qui vous anime traduit la réalité du rapport de méfiance que vous entretenez avec Internet.
Le sous-amendement de Mme Marland-Militello conduit à nous poser une nouvelle fois la même question.
Dans votre rapport, madame Marland-Militello, vous citez vous-même les chiffres concernant les moyens humains de l'HADOPI. Les « petites mains » évoquées hier par Mme la ministre seront peu nombreuses. Elles seront déjà chargées de prononcer une suspension toutes les vingt-trois secondes, et l'on voudrait leur imposer, en plus, de rédiger chaque année un rapport sur le développement de l'offre légale ? De qui se moque-t-on ?
(Le sous-amendement n° 217 est adopté.)
L'alinéa 6 de l'amendement prévoit que l'HADOPI supervise l'évaluation du suivi des expérimentations. Or il existe une autre autorité chargée de la même mission : l'ARCEP. Pour éviter une redondance ou une contradiction entre ces deux instances, il paraît logique de prévoir qu'elles travailleront conjointement. On le comprend, ce sous-amendement constitue pour nous une proposition de repli, puisque nous sommes en total désaccord avec l'amendement lui-même.
Par ailleurs, je veux revenir sur la question de la légalité. Mme Greff a accusé tout à l'heure les députés de l'opposition d'être de quasi-délinquants ; mais, même quand on dit défendre le droit d'auteur, des dérapages peuvent se produire. C'est arrivé à certains membres de l'UMP. La chanson Kids du groupe MGMT a été utilisée au cours d'un meeting de l'UMP et diffusée sur Internet, ce qui témoigne d'un manque de respect du droit moral et du droit patrimonial. À la suite d'une erreur de manipulation, Mme la rapporteure pour avis a reproduit des logos sur son site sans l'autorisation de ceux qui détenaient la licence. Certes, l'utilisation d'une licence Creative Commons permettait de les utiliser sans verser de droits, mais qu'en est-il des droits moraux ? Dans le cadre d'un festival de l'affiche, M. Luc Chatel, maire de Chaumont et secrétaire d'État à la consommation, a exigé des auteurs un abandon total de leurs droits au profit de sa ville : les affiches auraient pu être présentées partout, reproduites sous n'importe quelle forme et mises en vente sans aucune contrepartie. Contraint de reculer face à la mobilisation des auteurs dénonçant ce contrat léonin, M. Chatel a dû ouvrir des négociations. Vous le voyez : il est facile de traiter les autres de délinquants, mais je vous engage à plus d'humilité. À quoi bon inventer un label officiel du ministère de la culture pour défendre le droit d'auteur, quand se montre, dans les faits, si peu capable ou si peu désireux de le respecter ?
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n° 482 .
J'ai déjà souligné le problème que pose à mes yeux l'éclatement de la régulation de l'Internet entre plusieurs autorités indépendantes. La solution idéale serait de regrouper cette mission au sein d'une seule structure. À défaut, je souhaiterais au moins que toutes les autorités de régulation travaillent ensemble.
La reconnaissance des contenus et le filtrage intéressent, outre l'HADOPI, l'ARCEP et l'ARMT. C'est pourquoi je propose que ces trois instances réfléchissent de concert sur le sujet.
Défavorable. L'ARCEP est chargée de réguler les activités des opérateurs sur les réseaux de communication électronique, alors que la mission de l'HADOPI concerne les utilisateurs et les ayants droit. Leurs rôles sont donc différents.
Il va de soi que l'HADOPI pourra consulter l'ARCEP sur certains sujets. Mais, en mêlant ces deux instances et en les contraignant à travailler constamment ensemble, on alourdirait considérablement leur tâche.
Défavorable. Je partage l'analyse du rapporteur. Il va de soi que ces deux autorités ont vocation à être fréquemment en contact, mais, loin d'être indispensable, une cotutelle serait pénalisante.
Les réponses de M. le rapporteur et de Mme la ministre sont déconcertantes. À les entendre, il va de soi que l'ARCEP aura des contacts fréquents et réguliers avec l'HADOPI, mais il faut se garder d'introduire dans le texte la moindre référence à l'ARCEP ! Les sous-amendements s'inscrivent pourtant dans une logique de régulation, déjà évoquée à l'automne, qui devrait amener à fusionner la régulation des contenus et des tuyaux. Sans prétendre rouvrir ce débat, je rappelle qu'il est important.
Oon comprend pourquoi l'ARCEP gêne le Gouvernement. Il suffit de consulter le rapport qu'elle a rendu sur le projet de loi : ses réserves sur les obstacles techniques à la mise en oeuvre du texte sont significatives et pertinentes. Elle pointe par exemple le fait que celui-ci aggravera les inégalités territoriales entre zones dégroupées et non-dégroupées. Elle signale en outre que, s'il est voté, il ne sera pas mis en oeuvre avant plusieurs mois, tant les obstacles à lever sont nombreux, ce qu'ont également relevé les fournisseurs d'accès.
Le moment venu, il faudra encore évoquer le coût des propositions gouvernementales. Le CGTI, qui dépend de Bercy, a avancé le chiffre de 70 millions d'euros, au minimum. Autant de bombes à retardement qui lestent le projet de loi et confirment la nécessité d'y mentionner l'ARCEP.
(Le sous-amendement n° 476 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n° 482 .)
Ces réponses sont en effet déconcertantes. Il en faut beaucoup pour nous déconcerter, mais Mme la ministre atteint des sommets. Voilà qui augure bien de la suite ! Elle nous assure que l'ARCEP et l'HADOPI se parleront, et cela paraît si évident qu'il n'est pas utile d'articuler leur travail. C'est invraisemblable : pourquoi refuser d'introduire dans la loi ce qui semble aller de soi ? Les traits tourmentés du rapporteur trahissent bien sa gêne. (Sourires.)
En l'espèce, nous voulons prévenir tout risque de porter atteinte à la neutralité des réseaux. Les expérimentations dont il a été question présentent un intérêt général : elles portent sur le degré d'innovation de ces réseaux, sur leur viabilité économique, sur leur impact sur le développement de la production française et européenne des services de télécommunication et de communication au public, et sur leur impact potentiel sur l'organisation sociale et le mode de vie. L'association de l'ARCEP serait une garantie supplémentaire contre le risque d'atteinte à la neutralité des réseaux qu'introduit le texte.
Madame la ministre, vous ne vous en sortirez pas par des circonlocutions ou des réponses laconiques. Argumentez ! Essayez de nous convaincre ! Si votre point de vue est solide, nous vous écouterons et nous réagirons. J'ajoute que l'ARCEP pourrait opportunément jouer un rôle de veille en matière de diversité culturelle en ligne : elle pourrait prévenir le favoritisme de tel fournisseur d'accès envers un partenaire commercial, comme l'a suggéré M. Tardy.
Vous avez refusé que des membres de la CNIL siègent au sein du collège et de la commission. Vous avez fait voter un amendement visant à ce que le président de l'HADOPI soit, dans les faits, désigné par sa majesté impériale. Le refus des sous-amendements en discussion ne ferait que confirmer votre volonté délibérée d'organiser, sous couvert de protection de la création, ce qu'il faut bien appeler d'un mot trivial le flicage des réseaux. Voulez-vous servir des intérêts mercantiles et obsolètes ? Contrôler toutes les communications électroniques des internautes ? Quelle raison vous pousse à vous arc-bouter ainsi sur vos positions ?
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n° 481 .
Le sujet est extrêmement sensible : il s'agit du filtrage. Certes, l'amendement ne mentionne qu'une expérimentation et une évaluation, qui n'engagent à rien. Mais je saisis l'occasion de lancer le débat sur le sujet, afin de rappeler quelques grands principes et d'expliciter le cadre et les limites que nous entendons fixer à ces expérimentations.
Il est évident qu'elles doivent être très encadrées, et ne pas viser à favoriser certains contenus au détriment des autres. Elles ne doivent pas non plus porter atteinte à la neutralité du web en donnant aux fournisseurs d'accès un droit de regard sur les contenus qui transitent par les réseaux. Enfin, elles ne doivent pas aboutir à la mise en place d'un filtrage qui s'effectuerait au détriment des utilisateurs. Si tel était le cas, les équilibres actuels prévus par la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 seraient remis en cause.
Le risque est réel, car le projet de loi est un épisode de la lutte que se livrent les industries des réseaux, les fournisseurs d'accès et les industries de contenus, notamment les majors de la musique et du cinéma. Parce que les expérimentations ne doivent pas devenir des armes au service des uns ou des autres, il importe de rappeler certains principes de base, de façon à éviter tout malentendu sur des sujets aussi sensibles.
Chaque fois que M. Brard présente un amendement ou un sous-amendement, son argumentation n'a rien à voir avec le sujet.
Vous pouvez parler ! Jamais vous ne mentionnez les majors, alors que vous les défendez continuellement !
Ces sous-amendements visent à réduire la portée de l'amendement n° 50 deuxième rectification. Mais si l'on veut pouvoir, à terme, filtrer un certain nombre de contenus, il faut que l'expérimentation ait lieu. Prévue par un engagement des accords de l'Élysée, elle doit être effectuée, sans qu'on y apporte des contraintes qui risqueraient d'en limiter la qualité.
Défavorable. Comme l'a indiqué le rapporteur, l'autorité administrative n'a pas vocation à interdire les expérimentations que les acteurs auront décidé de mener en matière de marquage et de reconnaissance des contenus culturels. La piste issue des accords de l'Élysée est intéressante. Ces questions relèvent des stratégies commerciales et de la défense des droits des différents acteurs. Puisque la demande émane d'eux, on ne doit pas la contrarier en limitant l'évaluation à laquelle doit procéder – très justement, à mon sens – la Haute autorité.
Au fil des sous-amendements nous mesurons à quel point cet amendement de la commission est dangereux. Il part de l'illusion que le Net serait national et qu'il s'arrêterait aux frontières – comme si, lorsque l'on ouvre son ordinateur et que l'on se branche sur le web, on ne consultait pas de sites émanant d'autres pays !
C'est surtout une absurdité qui, bien sûr, n'a techniquement aucune chance de prospérer !
Nous avons eu l'épisode « labellisation » : un tampon sera mis sur les sites autorisés, selon un cahier des charges que l'on ignore. Faudra-t-il une proportion minimale de chansons de M. Barbelivien ou de quelque autre artiste pour obtenir l'autorisation ? On voit bien le côté ridicule de cette tentative, mais aussi ce que la démarche a de pernicieux, car attentatoire au principe de liberté du Net. Nous avons maintenant le deuxième épisode, encore plus inquiétant : c'est l'expérimentation du filtrage. On a parlé de la Chine tout à l'heure ; je ne vois pas où est la différence, puisqu'il s'agit avant tout de stopper un certain nombre de contenus. On peut d'ores et déjà deviner le résultat de cette mission, si elle était confiée à l'HADOPI, qui dépendra de l'industrie du disque et du cinéma, tant la puissance financière d'Universal et de quelques autres est sans commune mesure avec celle des acteurs modestes qui sont aujourd'hui le sel et la substance d'Internet, qui offrent la possibilité de découvrir des oeuvres non standardisées, non formatées par l'industrie culturelle.
Vous allez tuer tout cela avec votre système de filtrage sous label officiel, et vous voudriez, de plus, écarter l'ARCEP de toute capacité de contrôle sur ce sujet. C'est le monde à l'envers ! Les fournisseurs d'accès ont pu se développer depuis dix ans en appâtant les clients, en leur donnant accès à la culture et aux échanges. Au moment où l'on inverse la dynamique, et alors que le Gouvernement français a cette idée curieuse de vouloir labelliser, filtrer et, au bout du compte, interdire et sanctionner, il serait paradoxal de ne pas associer l'ARCEP, qui offrirait au moins quelques garanties quant à ces expérimentations de filtrage ont pour nous une résonance assez sinistre.
Certains contenus qui circulent sur Internet posent effectivement problème : ceux, par exemple, des sites néo-nazis et des sites pédophiles. Or, jusqu'ici, aucun gouvernement n'a tenté de confier à une haute autorité la mission de labelliser des logiciels qui filtreraient les contenus pédophiles ou néo-nazis. Pourquoi, alors que les services de police, les autorités judiciaires, en France comme dans de nombreux pays, notamment européens, essaient pourtant depuis des années de lutter contre la circulation des informations véhiculées par ces sites qui portent atteinte, entre autres, à l'intégrité physique des mineurs ? Si aucune loi n'a été votée pour instaurer des dispositifs de filtrage contre ces deux types de sites que tous, ici, nous voulons combattre, il y a bien une raison à cela. La raison, c'est que la lutte à mener est une lutte au quotidien, une lutte de tous les instants, et que ce n'est pas en consacrant des millions d'euros à la recherche d'un illusoire procédé miracle que l'on trouvera des solutions !
Nous vous reprochons, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, de vouloir faire croire que vous allez défendre les droits des auteurs et améliorer leur rémunération grâce à des procédés qui n'existent pas et ne peuvent pas exister. Vous nous faites légiférer pour rien et vous allez dépenser de l'argent pour rien.
Il est préférable de mener de grandes campagnes pour promouvoir les téléchargements respectueux du droit d'auteur. Il faut aussi convaincre tous ceux qui diffusent sur Internet de la musique ou des films payants de baisser leurs tarifs. En effet, les coûts de diffusion sur Internet ne sont pas les mêmes que ceux des supports physiques, et la différence ne va pas, pour l'heure, dans la poche des auteurs, mais dans celle des intermédiaires. Nous devons, là-dessus aussi, nous battre.
Vous disiez, madame la ministre, qu'il se passe la même chose dans les autres pays. Or, en Angleterre, 700 musiciens ont demandé que cesse la criminalisation des consommateurs qui téléchargent, et se sont prononcés en faveur d'une démarche positive pour les convaincre d'arrêter de télécharger sans que les auteurs soient respectés. Ces 700 artistes ne sont pas n'importe qui : on peut citer, entre autres, Mick Jones des Clash, Nick Mason et David Gilmour des Pink Floyd…
Ce que vous essayez de faire ressemble au nuage de Tchernobyl qui s'était prétendument arrêté aux frontières de la France. C'est absurde ! Nous ne sommes plus à l'époque des diligences et des charrettes à chevaux !
Nous sommes à l'ère d'Internet !
Il est encore temps d'arrêter les absurdités de votre texte de loi ou, tout au moins, de les limiter ! Monsieur le rapporteur, retirez cet amendement totalement absurde et essayons d'améliorer les offres légales, qui respectent l'ensemble des acteurs. Ce sera bien plus intéressant que de se battre contre des moulins à vent !
Je suis saisi d'un amendement n° 218 rectifié .
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Ce sous-amendement, qui reprend un amendement voté par la commission, prévoit que l'HADOPI identifie et étudie les pratiques de piratage et qu'elle propose, le cas échéant, des solutions visant à remédier à ces pratiques. Les progrès constants de la technologie et les difficultés que ces progrès posent au regard de la mise en oeuvre effective de la riposte graduée imposent de renforcer la mission d'observation du piratage de la Haute autorité.
La loi ne doit pas courir après la technologie, mais s'inscrire dans la durée. Nous sommes bien conscients, à la commission des affaires culturelles, que les choses peuvent, en matière de délinquance astucieuse, évoluer très vite à la suite de ruptures technologiques.
C'est pourquoi j'ai souhaité, avec la commission, affirmer clairement que le législateur n'attend pas de l'HADOPI une observation purement statique du piratage, par exemple via les réseaux de pair à pair. Nous voulons, par ce sous-amendement, renforcer la solidité de la loi face aux évolutions techniques en couplant la neutralité technologique, qui inspire ce texte, à une fonction de veille technologique permettant à l'HADOPI d'agir efficacement et durablement pour protéger les droits de la propriété intellectuelle sur Internet. On peut protéger les droits tout en respectant la liberté. Il n'y a pas de liberté sans droits, je le répète. Vous parlez en permanence de liberté d'échange ; je vous réponds, quant à moi, qu'il n'y a pas de liberté sans droits !
Favorable.
Je suis très étonnée, depuis le début de ces débats, de constater que vous cherchez systématiquement à évincer l'économie du numérique et l'ensemble des acteurs du numérique. Je ne comprends pas pourquoi, notamment quand vous parlez de filtrage, de veille technologique, vous n'acceptez pas de travailler plus étroitement avec l'ARCEP et de profiter de son regard attentif. C'est incompréhensible !
Par ailleurs, nous ne pouvons que déplorer l'absence de Mme la secrétaire d'État à l'économie numérique. J'aimerais savoir ce qu'elle pense de ces sujets.
Nous le disons depuis longtemps, nous sommes pour la régulation. Il existe une autorité de régulation en France – l'ARCEP – et vous faites comme si elle n'existait pas, alors que, sur de tels sujets, son rôle serait essentiel. Je ne comprends pas, madame la ministre, pourquoi vous balayez cette autorité d'un revers de main. J'aimerai avoir une réponse.
Vous ne pouvez pas continuer ainsi et faire comme si ce texte n'avait qu'une dimension culturelle, alors qu'il touche à l'économie numérique en général. L'autorité de régulation devrait y avoir toute sa place.
(Le sous-amendement n° 218 rectifié est adopté.)
(L'amendement n° 50 deuxième rectification, sous-amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 429 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Cet amendement, proposé par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, précise que la commission de protection des droits, constituée au sein de l'HADOPI, agit sur la base d'informations qui lui sont transmises par le procureur de la République.
C'est cohérent avec ce que nous défendons depuis le début : la procédure doit passer par la voie juridictionnelle. Nous considérons en effet que, compte tenu de l'incertitude des preuves et de l'importance des sanctions prévues, il faut que la procédure soit contradictoire, c'est-à-dire judiciaire.
Par ailleurs, à l'heure actuelle, quand les sociétés d'auteurs relèvent des présomptions de téléchargements illégaux portant atteinte au droit des auteurs, elles transmettent à la justice les éléments en leur possession tendant à prouver l'existence du délit. La justice se saisit alors de cette demande et enquête pour vérifier que celui-ci est bien constitué ; cela lui permet d'obtenir les données personnelles du ou des internautes concernés et de décider, le cas échéant, de poursuites.
Il est clair que la commission de protection des droits pourra travailler à partir d'informations transmises par le parquet, ainsi qu'il est prévu dans le code de la propriété intellectuelle, mais ce ne doit pas être un filtre incontournable, sans quoi le dispositif serait totalement bloqué.
L'arsenal légal en vigueur aujourd'hui ne permet pas de lutter efficacement contre le téléchargement illégal. Le projet de loi vise à lutter contre le téléchargement illégal d'une façon pédagogique et réactive. Toutes les garanties en matière de respect de la procédure contradictoire y figurent. Si l'internaute juge la sanction inadaptée, injustifiée ou excessive, il pourra former un recours, suspensif, devant le juge judiciaire.
Avis défavorable, donc.
Même avis.
Le but est de mettre en place un système pédagogique, réactif et suffisamment fluide, sans introduire de dispositifs de contrôle judiciaire a priori qui bloqueraient l'ensemble de la machine. Nous essayons justement de sortir d'une logique strictement judiciaire, strictement pénale, dont on peut constater les effets en Allemagne, pays qui, en l'absence de loi comme la nôtre, connaît actuellement une explosion du nombre de contentieux en matière de piratage de droits d'auteur.
Je suis donc défavorable à cet amendement, pour les raisons qu'a exposées le rapporteur, d'autant plus que, comme ce dernier l'a très justement rappelé, le recours au juge judiciaire est naturellement possible dès l'instant où, le stade des simples avertissements étant dépassé, on est dans la logique de la sanction.
Après l'adoption de l'amendement n° 50 deuxième rectification, l'HADOPI sera à la fois juge et partie puisqu'elle labellisera les offres légales mais aura également un pouvoir de sanction. Nous en faisons de ce fait une institution très schizophrène, ce qui est particulièrement dangereux.
Sur l'amendement présenté par nos collègues du groupe GDR, nous avons un regard positif dans la mesure où nous n'avons toujours pas eu de réponse à une question que nous avons pourtant posée avec insistance : qui l'article L.331-22 vise-t-il ? Cet article prévoit en effet que la commission de protection des droits agit sur saisine d'agents assermentés et agréés dans les conditions définies à l'article L. 331-2, et désignés par les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, les sociétés de perception et de répartition des droits et le centre national de la cinématographie, mais il ne dit pas dans quelles conditions se fait cette saisine.
Or, on parle beaucoup de ce qui se passe lorsque l'HADOPI est saisie, mais nous n'avons pas eu les réponses que nous attendions sur les conditions dans lesquelles elle est saisie. C'est pourquoi nous sommes particulièrement sensibles à l'amendement du groupe GDR, qui propose que la commission de protection des droits ne puisse agir que sur la base d'informations transmises par le procureur de la République.
S'il vous plaît, madame la ministre, évitez de citer systématiquement l'Allemagne comme étant l'exemple à ne pas suivre. Vous savez que la ministre allemande de la justice a eu des propos extrêmement sévères sur votre dispositif de riposte graduée, annonçant même qu'il allait provoquer de tels ravages qu'on en aurait l'écho jusqu'à Berlin ! Un ministre anglais a également porté un jugement défavorable. Les pays les plus proches du nôtre ne nous suivent pas, montrant une nouvelle fois, comme nous ne cessons de vous le dire, combien la France est isolée sur ce dossier.
(L'amendement n° 429 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 430 .
La parole est à Mme Martine Billard.
L'alinéa 67 de l'article 2 prévoit que la commission de protection des droits ne peut être saisie de faits remontant à plus de six mois. Nous proposons de réduire ce délai à un mois.
Si l'objectif de la loi est de faire cesser le plus vite possible les téléchargements abusifs, pourquoi attendre six mois ? C'est d'autant plus surprenant que, comme Mme la ministre me l'a répondu hier, c'est la commission de protection des droits qui sera chargée de l'envoi des mails d'avertissement aux internautes concernés.
Je comprends bien que, dans un premier temps, ce sera un peu difficile car les outils techniques manqueront, mais vous avez déjà lancé l'avis d'appel à candidatures pour la réalisation, l'hébergement et la maintenance du prototype du système d'information gérant le mécanisme de riposte graduée. Avis de publication des candidatures : 27 février. Remise des candidatures : 30 mars. Je suppose qu'elles ont été remises. L'ouverture des plis, et donc l'attribution du marché, devraient avoir lieu autour du 13 mai. Alors que nous n'avons même pas fini d'examiner la loi, l'appel d'offres pour sa mise en oeuvre est déjà lancé. Cela arrive souvent, me répondrez-vous. Cela pose tout de même un problème de respect des prérogatives du Parlement.
Cela dit, puisque vous avez pris de l'avance, je pense que vous pouvez réduire le délai de saisine et faire en sorte que, s'il y a téléchargement abusif, il y soit mis fin le plus rapidement possible. Si vous attendez près de six mois, l'internaute dont l'adresse IP aura été usurpée aura du mal à rassembler les preuves de sa bonne foi. Et, s'il est responsable, il aura le temps d'effacer les indices : vous savez bien que ce n'est pas en apportant son ordinateur qu'on peut prouver qu'on a ou non téléchargé.
L'équilibre du texte me paraît bon. Il est nécessaire de conserver l'historique pendant six mois au moins, car l'internaute pourrait, au bout d'un mois, attendre que son dossier soit sorti de l'HADOPI et télécharger à nouveau. Six mois, c'est raisonnable pour le premier avertissement, et suffisamment long pour que de « petits malins » ne contournent pas la loi.
Défavorable. Six mois, c'est un délai de prescription très court : pour une contravention, c'est trois ans ! Il n'est donc pas souhaitable de passer à un mois. Cela dit, six mois sont un maximum, car nous souhaitons que la réponse soit rapide.
J'avais compris, monsieur le rapporteur, que la riposte graduée commençait par un mail d'avertissement lorsqu'on se rendait compte qu'un internaute avait téléchargé abusivement, et qu'on ne conservait ses données qu'à compter de ce moment-là.
Or, vous nous expliquez que le délai de six mois permettra de vérifier si l'internaute a récidivé et téléchargé plusieurs fois au cours des six mois. Cela veut donc dire que l'on aura conservé ses données depuis la première vérification, mais sans l'en avertir. Cela pose un problème de droit. Si l'on constate qu'il a procédé à un téléchargement illégal, il faut immédiatement l'avertir, sans attendre.
Il n'y a aucun problème, aucune ambiguïté. Six mois, c'est le délai de prescription prévu dans la loi. Si les faits remontent à plus de six mois, ce n'est plus valable. Un délai d'un mois serait évidemment trop court pour que le dispositif fonctionne correctement.
(L'amendement n° 430 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 250 et 432 rectifié .
La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre l'amendement n° 250 .
Mme la ministre nous répète à satiété que la riposte graduée aura vocation à se substituer aux poursuites pénales actuellement prévues par la loi DADVSI.
Nous avions présenté un amendement visant tout simplement à abroger la loi DADVSI, loi promulguée en août 2006 qui n'a pas encore été appliquée, et qui ne le sera évidemment jamais puisqu'elle est tout aussi inapplicable que celle dont nous débattons aujourd'hui. Cet amendement ayant été rejeté, les sanctions pénales ne sont donc pas supprimées.
C'est la raison pour laquelle nous avons employé le terme de double peine, c'est-à-dire la possibilité de cumuler une sanction administrative et une sanction pénale. Nous avons même parlé de triple peine puisque s'ajoutera une sanction financière : un internaute dont l'abonnement aura été suspendu devra néanmoins continuer à payer cet abonnement sans avoir de prestation en contrepartie.
Outre l'accumulation disproportionnée des sanctions, la CNIL a relevé le pouvoir exorbitant donné aux ayants droit, qui auront la capacité de qualifier juridiquement les faits. En effet, des faits identiques pourront être qualifiés soit de manquement, associé à une sanction administrative, soit de délit de contrefaçon, associé à une sanction pénale, avec éventuellement une peine de privation de liberté.
La CNIL a déclaré qu'elle n'était pas en mesure de s'assurer de la proportionnalité d'un tel dispositif, dans la mesure où celui-ci laissera aux sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et aux organismes de défense professionnelle le choix de la politique répressive à appliquer, sur la base d'un fondement juridique aux contours mal définis.
La Commission européenne, dans le cadre de la procédure de notification, a soulevé le risque que deux actions, l'une administrative et l'autre pénale, soient introduites en parallèle, le cumul de moyens de mise en oeuvre pouvant donner lieu à plusieurs décisions différentes pour un même fait.
Nous voulons donc exclure explicitement la possibilité de cumuler sanction administrative et sanction pénale. Notre amendement propose que la commission de protection des droits ne puisse connaître des faits pour lesquels la juridiction judiciaire a été antérieurement saisie sur le fondement de l'article L.335-3. Il sera complété, après l'article 2, par un autre amendement visant à préciser que la juridiction judiciaire ne peut être saisie pour des faits traités devant la commission de protection des droits.
S'il s'agit vraiment de dissuasion et de pédagogie comme le répète à l'envi la ministre, les internautes ne doivent pas être sous la menace d'une double peine.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 432 rectifié .
À l'heure actuelle, rien n'est prévu pour que l'HADOPI soit informée d'une saisine de la juridiction judiciaire et, inversement, l'autorité judiciaire n'a aucun moyen de savoir si une sanction administrative a été prononcée par l'HADOPI, dans la mesure où les ayants droit n'ont pas communication des données personnelles de l'internaute poursuivi, dont seule l'adresse IP est relevée.
C'est à raison que les ayants droit ne sont pas informés, mais il faut prévoir des garanties permettant de prévenir des poursuites cumulatives, à défaut de quoi nous serions confrontés à des situations abracadabrantes. Nous ne saurions pas quelle poursuite doit prendre le pas sur l'autre. Je crois d'ailleurs que le dispositif pose de graves problèmes au regard au droit communautaire.
Un mécanisme dans lequel les parquets devraient envoyer à l'HADOPI toutes les procédures en cours en matière de contrefaçon serait inapplicable. Ce serait une véritable usine à gaz. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bloche a fait allusion à une hypothétique double peine. Les poursuites pénales sont évidemment maintenues,…
…car nous avons besoin d'un dispositif qui réponde au téléchargement illégal massif de ceux qui en font un commerce. Il est logique qu'une réponse pénale soit maintenue pour des faits de cette nature, avec des peines d'amende et des peines de prison.
En revanche, pour le téléchargement illégal « ordinaire », la loi crée une procédure administrative qui ne repose pas sur le même fondement juridique. La procédure pénale repose sur le délit de contrefaçon, tandis que la procédure administrative repose sur le manquement de l'internaute à l'obligation de surveillance de son accès Internet.
En outre, si une personne faisait l'objet de poursuites dans les deux ordres de juridiction, en dépit du fait que les ayants droit se sont engagés à ne pas conduire deux procédures concomitantes,…
…le procureur de la République aurait toute latitude de classer l'affaire pénale s'il jugeait que le dossier relève de la procédure administrative. Il n'y a donc pas de risque de double peine.
Je partage l'analyse que vient de développer le rapporteur. Nous souhaitons maintenir les deux procédures car elles ne répondent pas aux mêmes fautes et ne se déclenchent pas sur le même fondement. Personne ne souhaite qu'une personne soit sanctionnée deux fois pour les mêmes faits – il faudrait pour cela, du reste, un hasard vraiment extraordinaire – ; en tout état de cause, une telle double sanction ne serait pas compatible avec le souci de prévention et de pédagogie qui nous anime.
Qu'un même fait puisse donner lieu à des sanctions administratives et à des sanctions pénales n'est pas incompatible avec le droit européen. Un automobiliste en infraction peut se voir retirer des points sur son permis de conduire au terme d'une procédure administrative et en même temps être condamné à une peine de prison.
De même, les infractions bancaires ou boursières sont sanctionnées non seulement par le juge pénal mais aussi par l'autorité administrative.
La prévention des sanctions cumulatives ne peut passer par les amendements proposés. Tout d'abord, ceux-ci se heurtent à un obstacle juridique : notre Constitution ainsi que la Convention européenne des droits de l'homme garantissent un droit au juge pour la victime d'une infraction.
Nous ne pouvons donc pas fermer l'accès des tribunaux aux victimes d'un délit de contrefaçon.
Ensuite, comme l'a très justement relevé le rapporteur, l'adoption de ces amendements impliquerait que la Haute autorité soit informée en permanence par l'autorité judiciaire de toutes les poursuites engagées pour contrefaçon, ce qui ne serait pas possible, ni même souhaitable, pour des raisons qui tiennent, entre autres, au respect de la vie privée.
En outre, à supposer que cet échange d'informations soit mis en place, ce n'est pas parce que le juge judiciaire serait saisi que la procédure déboucherait sur une sanction. Rien ne justifie donc que la saisine du juge entraîne le dessaisissement de la Haute autorité.
La prévention d'un éventuel cumul passe plutôt par des solutions pratiques. Tout d'abord, le parquet conserve la possibilité de classer les poursuites, et le fait qu'une procédure soit en cours devant la Haute autorité sera pris en considération. Si besoin est, le Gouvernement pourra rédiger une circulaire de politique pénale pour définir la marche à suivre.
Ensuite, la procédure administrative s'imposera naturellement, car elle est rapide et peu coûteuse. Quel intérêt y aurait-il à saisir le juge pour des cas de petit piratage ?
De même, les ayants droit qui saisiront l'autorité administrative à partir de l'identité d'un ordinateur ne connaîtront jamais, comme Mme Billard l'a rappelé, l'identité de l'abonné mis en cause. La loi prévoit en effet qu'il n'y a aucun retour d'information en direction des auteurs de la saisine de la part de la Haute autorité. Celle-ci demeurera pour les ayants droit une chambre noire, un écran qui s'interposera entre eux et l'abonné.
Enfin, à l'occasion de la demande d'autorisation des traitements automatisés dans le cadre de la récolte des adresses IP que les ayants droit formuleront auprès de la CNIL, ceux-ci s'engageront à n'utiliser les constats d'infraction que dans le cadre de l'une ou l'autre voie.
Toutes les garanties sont donc assurées pour qu'il n'y ait jamais de cumul de sanctions.
Les explications de la ministre et du rapporteur sont absolument confondantes. Par ces amendements, nous essayons d'éviter la double peine, le cumul de sanctions judiciaires et administratives, c'est-à-dire que nous essayons de protéger un tant soit peu nos concitoyens.
Le rapporteur, d'une façon involontairement comique, nous a expliqué, alors qu'il défend un système qui engendrera 10 000 mails et 3 000 lettres recommandées par jour, qu'il était impossible que les parquets transmettent à l'HADOPI les poursuites judiciaires engagées. Un minimum de sérieux, monsieur le rapporteur : ne prenez pas cette assemblée pour ce qu'elle n'est pas ! Et soyez un peu conséquent : dans le système excessivement compliqué, bureaucratique et liberticide que vous vous apprêtez à mettre en place, cela poserait relativement peu de problèmes de faire en sorte que quelques dizaines de procédures en cours soient transmises à l'HADOPI. L'argument n'a guère de poids.
Ces amendements ont le mérite de soulever un problème. Comme vous l'avez reconnu vous-même, le dispositif HADOPI ne remplace pas la DADVSI. C'est fromage et dessert : HADOPI plus DADVSI !
Je vous remercie d'avoir enfin dit que le dispositif que vous créez aujourd'hui ne va pas se substituer à l'ineffable loi DADVSI, qui s'est pourtant largement montrée inapplicable, mais va s'ajouter aux poursuites judiciaires que celle-ci avait prévues. Vous aggravez donc la situation.
En outre, avec la commission de protection des droits. c'est la première fois que le législateur va déléguer à une police privée, qui représente des intérêts privés, la capacité de poursuivre des gens et de les sanctionner administrativement. La commission de protection des droits représente l'ensemble de l'industrie musicale et cinématographique. C'est confier à un groupe d'intérêts la capacité de faire lui-même sa propre police. Il y a là quelque chose de très choquant ; c'était déjà envisagé dans la loi DADVSI, mais cela devient aujourd'hui extrêmement préoccupant. Cela n'a toutefois rien d'étonnant quand on sait que c'est le plus gros marchand de disques de France, M. Olivennes, qui a écrit la loi.
Il n'en reste pas moins surprenant que la ministre de la culture, qui devrait défendre la liberté de création, l'inventivité, l'imagination, en soit réduite à jouer les supplétifs de police.
Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !
Vous nous dites que les deux procédures doivent coexister parce qu'elles ne répondent pas aux mêmes faits. Dans le cadre de la loi DADVSI, il s'agirait de lutter contre la contrefaçon. Nous pouvons nous retrouver sur le fait que les personnes trafiquant de téléchargements illégaux doivent être poursuivies dans ce cadre. Mais il aurait pour cela fallu que vous proposiez une modification de la loi DADVSI limitant cette dernière à ce seul aspect.
Nous vous aurions suivie. Mais vous ne l'avez pas fait, et la loi DADVSI reste en l'état. Il sera donc possible de choisir soit la procédure de la commission de protection des droits, soit la procédure judiciaire. Or, comme les ayants droit ne savent pas, et c'est heureux, qui est la personne mise en cause devant la commission de protection des droits, ils pourront utiliser les deux procédures.
Madame la ministre, un automobiliste n'est poursuivi en justice que s'il provoque un accident. S'il a simplement commis une infraction par excès de vitesse, des points lui sont retirés sur son permis de conduire mais il n'est pas poursuivi au pénal. L'internaute, lui, pourra à la fois voir sa connexion à Internet suspendue pendant un an et être poursuivi au titre du délit de contrefaçon. Il y a donc bien double peine.
Il est vrai que cet article pose problème ; et à cet égard, l'alinéa 67 n'éclaire pas le débat. Nous créons une nouvelle prescription en droit français, puisque la prescription de la contravention est actuellement d'un an, que celle du délit est de trois ans, la prescription pour les peines délictuelles passibles de 300 000 euros d'amendes et de trois ans d'emprisonnement prévues par la loi DADVSI relevant elles-mêmes du droit commun de la prescription, soit trois ans.
En limitant la prescription à six mois pour la contrefaçon, on accorde, par cette novation, une prime au contrefacteur, qui ne pourra pas être poursuivi au-delà de ce délai. Vous reconnaissez vous-même, madame la ministre, que la loi DADVSI est cumulative avec le dispositif HADOPI. Les moyens de preuve réunis par les ayants droit privés, ou plutôt par leurs agents, lesquels n'offrent aucune garantie quant à la preuve elle-même, pourront aussi bien servir dans un procès pénal en contrefaçon que dans la procédure administrative que vous créez.
Ma question est donc la suivante : ce délai est-il une novation dans la prescription ? Considère-t-on que le délit de contrefaçon est prescrit au bout de six mois ?
La loi crée un nouveau délit, le manquement à l'obligation de surveillance, assorti d'un délai de prescription de six mois. Ce n'est pas la même chose que le délit de contrefaçon, qui correspond à des faits différents et est régi par la loi DADVSI.
Les deux lois sont complémentaires : la présente loi ne se substitue pas à la loi DADVSI, mais la complète pour les faits de piratage ordinaire, avec une portée dissuasive et pédagogique.
Le rapporteur, avec une voix qui se voulait pleine de bonne foi, quand bien même il a eu du mal à jouer la comédie, nous a expliqué qu'il ne pouvait accepter des amendements qui monteraient une usine à gaz et rendraient la loi inapplicable.
Depuis le début de nos débats, on voit bien, argument après argument, amendement après amendement, explication après explication de ceux qui connaissent Internet, que ce projet de loi est par essence tout à fait inapplicable. Tout au plus s'agit-il d'un gadget pour faire plaisir à quelques-uns. Je viens même d'apprendre que ce texte aurait été écrit par des industriels fort riches du monde de la musique.
Je ne peux à ce propos que déplorer l'absence de deux ministres du Gouvernement : nous aurions aimé entendre, évidemment, Mme le garde des sceaux, puisque nous touchons au domaine de la justice, et la nouvelle secrétaire d'État chargée du développement de l'économie numérique, étrangement absence de ces débats qui pourtant la concernent au premier chef.
Notre amendement no 250 tend à éviter d'infliger une triple peine. Il est vrai que vous aimez les sanctions, madame la ministre, surtout à l'encontre des plus faibles… Quand il s'agit de patrons véreux, vous êtes autrement plus souple et moins regardante ! Patrick Bloche l'a bien montré, encore qu'il n'ait pas voulu en remettre une couche : en fait, il ne s'agit pas d'une double peine, mais bien d'une triple peine dans la mesure où il y aura une sanction administrative, une sanction financière et une sanction pénale.
Pour terminer, j'indique que, pour une fois, j'ai un désaccord avec mon collègueDidier Mathus : le maintien des deux lois, ce ne sera pas « fromage et dessert ». Je n'ai rien contre l'idée de réunir fromage et dessert : appréciant l'un et l'autre, j'applaudirais des deux mains. Malheureusement, mais ce sera plutôt soupe à la grimace et gâteaux secs – mais vraiment secs !
Restons-en à l'intérêt pédagogique de ce débat. Il est tentant pour certains d'évoquer la double peine : cela renvoie à un aspect liberticide…
Et pourquoi pas quadruple peine, monsieur Roy ? On connaît votre sens de la modération… À moins de jouer les autistes – encore que M. Brard ayant dit que vous n'étiez qu'à demi autistes, il ne faut pas désespérer –, chacun a bien compris, pour peu qu'il soit logique et de bonne foi, qu'il y a une proportionnalité et une graduation dans le dispositif. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
L'infraction légère – le défaut de surveillance – sera traitée par la voie administrative, avec tous les recours possibles, y compris les recours judiciaires : il s'agit des cas de téléchargements pour soi. Et pour les cas prévus par la loi DADVSI, autrement dit pour les contrefaçons, les sanctions seront beaucoup plus lourdes. C'est très clair.
Le reste n'est qu'argutie. Vous ne voulez pas en convenir, mais le coeur du débat, c'est bien la proportionnalité et la graduation du dispositif.
(Les amendements identiques nos 250 et 432 rectifié ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 494 .
La parole est à M. Alain Suguenot.
Le projet de loi crée une prescription d'une durée nouvelle – six mois –, dérogatoire au droit pénal où les prescriptions minimales sont de un an ou trois ans. Or je ne vois pas comment on pourra faire la différence entre les faits constitutifs de la contrefaçon et ceux qui seront à l'origine du téléchargement illégal. Les faits seront les mêmes ; seule leur interprétation qui fera la différence, ce qui déjà relève d'un procès d'intention.
Qui plus est, la prescription de six mois aura des effets pervers : non seulement elle pourrait rendre prescriptibles des faits très graves si les personnes incriminées invoquent la nouvelle loi devant le juge judiciaire, mais elle risque d'inciter des ayants droit à poursuivre pour contrefaçon afin de passer outre la prescription de six mois et de revenir à la prescription de trois ans. En l'état, le projet créerait donc une insécurité juridique grave.
Mais revenons sur la loi DADVSI. Vous nous avez dit, madame la ministre, que les deux textes seront cumulatifs. Mais n'oubliez pas que l'article 24 de la loi DADVSI a été censuré par le Conseil constitutionnel, ce qui n'a maintenu que les sanctions pour le délit de contrefaçon – trois ans de prison et 300 000 euros d'amende. La moindre des choses, du fait de cette nouvelle prescription de six mois, serait d'amnistier les petits délinquants, qui, sinon, seront encore poursuivis en vertu de la loi DADVSI, dans le cadre de la prescription triennale. Mon amendement n° 494 vise donc, par cohérence, à amnistier les internautes poursuivis dans le cadre de la loi DADVSI en leur appliquant la prescription de six mois. Il a pour objectif d'apporter une cohérence entre la loi de 2006, la prescription nouvelle introduite à l'alinéa 67 et le souci de graduation que vous affichez. Je ne vois pas pourquoi le délinquant d'hier ne pourrait pas bénéficier de la réponse graduée à partir du moment où il n'a pas été jugé et condamné.
Il ne faut pas mélanger les deux procédures. Mme la ministre l'a bien expliqué et je le réaffirme : on ne peut pas lier la procédure administrative que nous mettons en place, et la procédure pénale qui préexiste et qui va perdurer.
Dès lors que des délits de contrefaçon ont été identifiés et sanctionnés, je ne vois pas sous quel prétexte on les amnistierait, qui plus est à un moment où nous voulons renforcer le respect de la loi et où nous mettons en place un dispositif administratif pour répondre au téléchargement « ordinaire » qui, pour l'heure, n'est aucunement touché par la loi DADVSI – et c'est heureux : les peines de prison et d'amende ne sont pas adaptées au téléchargement ordinaire. Ne mélangeons donc pas les deux procédures, ne confondons pas le pénal et l'administratif.
Même avis que la commission. Le projet de loi n'entend pas revenir sur la dimension pénale des sanctions existantes ; elle se borne à offrir une alternative. J'observe que, dans le passé, les acteurs de la Toile ont recouru aux tribunaux avec beaucoup de modération. Il n'y a eu qu'un millier de procès et tout le travail de préparation de ce nouveau texte, empreint d'un esprit pédagogique, a beaucoup contribué à cette modération. Rien ne justifie donc de priver, par une amnistie, les créateurs de la protection que leur accorde le droit pénal. Cette protection est la seule contre la contrefaçon. En outre, j'ai déjà expliqué que ce serait inconstitutionnel.
Je redis que le nouveau dispositif vise l'abonné, qui n'est pas nécessairement l'auteur de l'acte de contrefaçon.
Il n'y a donc aucune raison de mettre fin aux actions engagées au pénal à l'encontre des pirates. Jusqu'ici, les actions ont surtout été engagées contre ceux qui mettaient les sites à disposition, plutôt que contre les internautes qui venaient y télécharger, au motif que les gestionnaires de sites de téléchargement ont une responsabilité plus importante. Il s'agit de créer une nouvelle voie de droit. Certes, vous avez raison, madame Billard, monsieur Gagnaire : l'abonné n'est pas forcément l'auteur de l'acte. Reste que l'abonnement entraîne une certaine responsabilité – je pense notamment au cas où celui-ci est un des parents.
Il suffit d'installer des pare-feux. C'est le cas dans toutes les entreprises, monsieur Gagnaire,…
Cela peut aussi concerner le ministre vis-à-vis de ses fonctionnaires ! (Sourires.)
…et dans mon ministère. (Sourires.)
Le législateur est rusé… Il est impossible de savoir avec certitude qui effectue un acte de téléchargement ou de visionnage portant atteinte au droit d'auteur. On a au mieux une adresse IP, mais celle-ci n'indique que l'identité du fournisseur d'accès Internet, le fameux FAI. Lui sait à quel abonné a été attribuée l'adresse IP, au jour et à l'heure près, mais cela n'indique que l'identité du titulaire de l'abonnement, et non la personne qui a commis l'acte illégal. Le contrefacteur peut être le fils de l'abonné, son voisin qui profite d'un réseau Wi-Fi non protégé, ou un ami de passage. Et si l'adresse IP correspond à une entreprise, une université ou un cybercafé, on imagine le casse-tête. Dans ce projet de loi, il n'est question que des particuliers ou des rapports parents-enfants alors qu'il y a aussi des entreprises, des universités et des collectivités qui vont être concernées.
Mais le législateur est rusé, disais-je : comme il n'aime pas se casser la tête, il a décidé que le titulaire de l'abonnement sera le responsable. À cette fin, la loi insérera dans le code de la propriété intellectuelle un nouvel article L. 336-3, ainsi rédigé : « La personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elle est requise. » Le simple constat qu'une atteinte à une oeuvre protégée a eu lieu depuis son abonnement démontre que le titulaire n'a pas respecté cette obligation, ce qui constitue la faute. CQFD. Peu importe que le titulaire ne soit pas le contrefacteur puisqu'il n'est pas accusé de contrefaçon, mais juste fautif de non-surveillance de son accès à Internet. C'est lamentable : où sont la présomption d'innocence et la prohibition de la responsabilité pénale du fait d'autrui ? Il est vrai que les sanctions étant exclusivement civiles, les règles de droit pénal ne s'appliqueront pas.
Autre point intéressant, dont personne n'a parlé : comment peut-on échapper à ses responsabilités ? Le projet de loi prévoit trois cas où la responsabilité du titulaire de l'abonnement ne peut être retenue : s'il a mis en oeuvre un des moyens de sécurisation agréés par la HADOPI, selon une procédure que fixera un décret – vaste débats, nous en reparlerons ; s'il y a eu utilisation frauduleuse de l'accès au service de communication au public en ligne par une personne qui n'est pas placée sous l'autorité ou la surveillance du titulaire d'accès – bonne chance pour le prouver ! Enfin le cas, splendide, de la force majeure. Mention superfétatoire, puisque la force majeure exonère de toute responsabilité… Rappelons que la force majeure s'entend d'une force extérieure à la personne dont on recherche la responsabilité éventuelle, et qui est irrésistible et imprévisible. J'avoue avoir du mal à imaginer dans quelles circonstances on téléchargerait illégalement un film par force majeure !
Dans les faits, comment cela se passera-t-il ? La commission de protection des droits pourra envoyer à l'abonné incriminé un courriel dans lequel figurera une recommandation devant contenir des informations sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites de fichiers au regard de la création artistique. Mais cette recommandation ne divulguera pas les contenus des éléments téléchargés ou mis à disposition… On va donc recevoir ensuite un recommandé qui indiquera en substance : « je sais que vous avez téléchargé, mais je ne vous dirai pas quoi ». Reconnaissez qu'en termes de respect du droit de la défense, c'est tout de même problématique !
J'appuie ce que vient de dire Lionel Tardy. Le problème est bien celui de la consolidation des liens entre DADVSI et HADOPI, et vous ne pouvez pas le nier, madame la ministre. J'ai le code de la propriété intellectuelle sous les yeux : la question du téléchargement illégal et des petits contrevenants a déjà été traitée au moment de l'élaboration de la DADVSI. Or il y a bien une divergence entre la DADVSI et la HADOPI : c'est le téléchargement illégal. Vous avez l'obligation de clarifier ce point. Vous pourriez dire, comme Martine Billard vous l'a suggéré, que pour tout ce qui se rapporte au uploading, à la mise à disposition commerciale, y compris aux éditions de logiciels favorisant le peer-to-peer, la DADVSI s'appliquera. Il n'en reste pas moins que, pour le téléchargement illégal, il y aura deux lois, et vous ne vous en sortirez pas en expliquant que vous avez créé un délit non de téléchargement illégal, mais d'absence de sécurisation de l'ordinateur… Cela ne tient pas : bien évidemment, la faute qui sera condamnée, c'est le téléchargement illégal. À défaut de pouvoir l'établir que vous avez constitué un nouveau délit. Mais les tribunaux ne s'y tromperont pas : ils ne sanctionneront pas le défaut de ceinture de sécurité, mais bien l'acte de téléchargement. Dès lors, quelle loi s'appliquera ? Vous devez absolument consolider les deux dispositifs sur ce point, madame la ministre. C'est pourquoi je voterai l'amendement défendu par M. Suguenot.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous êtes vraiment au pied du mur. Si vous aviez voulu être sincères dans votre démarche, encore eût-il fallu au préalable évaluer la loi DADVSI – comme cela du reste était prévu : cela devait être réalisé dans les dix-huit mois suivant sa promulgation, c'est-à-dire avant la fin 2007. Cela n'a pas été fait ! À partir du moment où vous nous vendez une démarche qui se veut dissuasive et pédagogique, le préalable aurait dû être d'abroger les dispositions de la loi DADVSI.
Au final, nous nous retrouvons dans une totale confusion. Sous la pression de qui nous savons, il y a le beurre et l'argent du beurre, fromage et dessert : on garde DADVSI au chaud, et on aura HADOPI en plus. Non seulement cela ne marche pas, mais toute votre démarche est désormais marquée par l'insincérité. Le cumul HADOPI-DADVSI qui revient à additionner sanctions pénales et administratives fait s'effondrer tout votre argumentaire sur la volonté d'adopter une approche pédagogique axée sur la dissuasion.
À cet égard, madame la ministre, je reviens sur une question majeure : le juge et la HADOPI ne s'autosaisissent pas, mais sont saisis par les ayants droit, c'est-à-dire par les organismes de défense professionnels ou les sociétés de perception et de répartition de droits d'auteur – les SPRD –, qui vont ainsi se retrouver avec la capacité exorbitante, notée par la CNIL, de qualifier eux-mêmes les faits. Selon leur bon vouloir, un peu à la tête du client, ou bien ils décideront qu'il s'agit d'un manquement à l'obligation de surveillance et transmettront le dossier à la HADOPI, ou bien ils considéreront qu'il s'agit de contrefaçon et ils saisiront le juge. Il faut lever l'ambiguïté !
On ne peut pas donner cette capacité exorbitante aux ayants droit ! Cela créerait une rupture d'égalité entre les internautes, inévitablement sanctionnée par juge constitutionnel que nous ne manquerions pas de saisir.
Madame la ministre, cette interpellation de la CNIL que nous faisons nôtre sur le pouvoir exorbitant des ayants droits de qualifier les faits et d'orienter le dossier vers HADOPI ou vers le juge, selon le client, n'aurait plus de raison d'être si vous aviez préalablement abrogé la loi DADVSI. Vous ne l'avez pas fait. C'est donc maintenant que vous devez répondre à cette interpellation de la CNIL que nous relayons.
Madame la ministre, vous reconnaissez vous-même la création d'un nouveau délit : manquement à la protection de la connexion Internet. C'est déjà un peu osé : même les experts les plus confirmés sont incapables de garantir la protection de quelque connexion Internet que ce soit... Mais l'article L. 336-3 qui créé le nouveau délit n'évoque pas de manière générale le manquement à la protection de l'accès à Internet. Il précise : « La personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin ». Nous sommes bien dans le cadre du téléchargement visé par la loi DADVSI.
Nous avons donc bien deux textes prévoyant deux façons de poursuivre un internaute qui télécharge abusivement. De ce point de vue, l'amendement de notre collègue Suguenot a tout à fait sa place. Quand je vous entends, monsieur le rapporteur et madame la ministre, excusez-moi, mais je me demande si vous lisez les amendements !
Notre collègue a bien précisé que l'amendement visait les actes commis avant l'entrée en vigueur de la présente loi ; il ne s'agit donc pas de supprimer la DADVSI – malheureusement pour nous, d'ailleurs !
Dans sa dernière phrase, il précise en outre que l'amnistie « ne s'applique pas non plus à ceux qui se livrent à un usage commercial. » Autrement dit, les personnes poursuivies dans le cadre des mesures sur la contrefaçon de la loi DADVSI, parce qu'elles ont fait un usage commercial des oeuvres protégées par des droits d'auteur après les avoir téléchargées, ne seraient pas concernées par cette amnistie.
Monsieur le rapporteur et madame la ministre, vous avez carrément évacué ce qu'ont écrit nos collègues Suguenot, Le Fur et Lezeau. Même si de petits points de rédaction auraient pu être discutés, je crois que leur amendement est bon, en ce sens qu'il essaie de purger une situation rendue absurde par l'entrée en vigueur de la nouvelle loi…
…en distinguant ceux qui seront poursuivis au titre de cette nouvelle loi et ceux qui le seront dans le cadre de la contrefaçon, pour avoir fait un usage commercial d'un téléchargement illégal.
Pour le groupe GDR, je voterai donc cet amendement.
Je ne comprends pas l'opposition de Mme la ministre à cet amendement, alors qu'il créé une véritable cohérence entrer les deux textes. En tant que rapporteur de la loi DADVSI, je vous rappelle qu'avant l'intervention du Conseil constitutionnel, il était aussi prévu une réponse graduée.
Elle a disparu après la décision du Conseil constitutionnel, ce qui a conduit à l'utilisation générale du délit de contrefaçon. Au fond, l'amendement n° 494 ne fait que reprendre l'esprit de la loi et permet de faire la jonction entre les deux textes. Ainsi, le troisième alinéa ne concerne que le téléchargement, c'est-à-dire ce qui, dans la première loi, correspondait à l'infraction la plus faible.
De cette manière, on fait en sorte que ces faibles infractions soient amnistiées, ce qui est le but affiché de votre loi : qu'elles ne soient pas trop punies. Soyez un peu cohérents, s'il vous plaît !
Que signifient ces pressions ?
(L'amendement n° 494 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC, UMP et SRC.)
Cet amendement propose de favoriser l'offre légale en prévoyant qu'en cas de rétention par les auteurs et donc de l'inexistence d'une offre légale d'une oeuvre, les téléchargements ne seront pas sanctionnés s'ils sont utilisés dans un cadre privé et non pas commercial.
Cette absence d'offre légale peut concerner des oeuvres anciennes ou des oeuvres étrangères qui ont existé sur microsillon, qui n'ont pas été reproduites mais qui peuvent parfois se trouver sur Internet. Dans ce cas, elles ne sont pas mises à la disposition des internautes par les ayants droits mais par des personnes qui ont pu organiser la reproduction dans un but culturel plutôt que commercial.
Mon amendement, pratiquement identique à celui qui vient d'être présenté, propose une mesure de bon sens : si une oeuvre protégée par le droit d'auteur ou un droit voisin n'est pas disponible à l'achat, l'internaute qui la télécharge ne peut être sanctionné. Pour nous, c'est une évidence. L'internaute ne commet pas d'acte illégal – une qualification que vous utilisez si régulièrement – puisque l'oeuvre n'est pas disponible et qu'il ne lèse aucun intérêt commercial de l'auteur ou des titulaires des droits voisins.
Si votre objectif est bien de contribuer au développement de l'offre légale, comme vous le répétez si souvent, prouvez-le en donnant un avis favorable à cet amendement. Si nous le votons, il créera une incitation à proposer une offre légale plus abondante, avec des catalogues enfin libérés et un nombre de titres beaucoup plus important.
Cet amendement vise une certaine cohérence – on ne peut sanctionner un internaute qui télécharge une oeuvre non disponible à l'achat –, et pousse les titulaires de droit à rendre l'offre légale plus attractive.
Mon amendement n° 312 est ainsi rédigé : « Aucune sanction ne peut être prise en l'absence d'une offre légale de l'oeuvre phonographique, protégée par un droit d'auteur ou un droit voisin, téléchargée. » Je l'ai repris dans un amendement n° 498 qui précise : « et alors même que l'auteur ou ses ayants droits y auraient consenti. »
La pire des choses serait de pouvoir télécharger d'une manière « légale » tout simplement dès lors que l'auteur n'aurait pas précisé s'il était consentant ou pas. Le problème, c'est qu'un auteur qui n'aurait pas souhaité mettre ses oeuvres sur Internet pourrait être piraté. C'est la raison pour laquelle j'ai modifié l'amendement n° 312 et proposé l'amendement n° 498 .
Mme la ministre sera d'accord sur ce point : l'offre légale doit s'étendre le plus possible si l'on veut que les internautes et les créateurs puissent avoir les mêmes intérêts. L'oeuvre des Beatles, par exemple, n'est pas téléchargeable sur un iPod pour des raisons d'interopérabilité. La moindre des choses est d'avoir un accès plus large, quel que soit le support, mais à condition que l'auteur ait consenti à la mise en ligne de son oeuvre.
Dans la même veine, l'amendement n° 51 propose une mesure propice au développement de l'offre légale. Au terme du processus, lorsqu'on arrive au moment de la sanction, dans ses éléments d'appréciation, la Haute autorité doit se demander : existe-t-il une offre légale en ligne ?
Nous avons la même réflexion que les collègues qui ont défendu les amendements précédents, mais il nous a semblé plus solide juridiquement de prendre cet élément en compte au moment de la sanction. En fait, cet amendement vise à imposer l'existence d'une offre légale comme critère de décision, lorsque la Haute autorité s'apprête à sanctionner le téléchargement d'une oeuvre.
Il nous a semblé que cette approche était plus solide sur le plan juridique et plus pratique sur le plan matériel. J'invite mes collègues à se rallier à l'amendement de la commission des lois.
Ce thème et ces amendements ont effectivement nourri plusieurs discussions au sein de la commission des lois. D'une part, il est important de bien préciser qu'un droit fondamental est en jeu : le droit exclusif des créateurs à mettre ou non leur oeuvre à disposition du public.
D'autre part, ces amendements risquent de porter un coup fatal à l'un des dispositifs majeurs de l'environnement cinématographique dans notre pays : la « chronologie des médias », autrement dit la succession de fenêtres exclusives qui permettent à un film de trouver un public à un moment donné de sa vie. En votant ces amendements, nous légaliserions le téléchargement illégal à des moments où il est vraiment essentiel de préserver l'exclusivité des films en salle, ou leur visionnage sur des télévisions payantes, par exemple. Nous sommes là au coeur du système de financement du cinéma dans notre pays.
C'est pourquoi, pour prendre en compte un aspect auquel nous sommes attachés – faire en sorte que les créateurs et les ayants droit soient incités à mettre leur oeuvre sur Internet –, nous avons trouvé un accord en commission des lois…
…qui se traduit dans un amendement présenté par le président Jean-Luc Warsmann, que nous examinerons un peu plus tard.
La commission a donc rejeté les amendements nos 433 et 252 ; elle n'a pas examiné l'amendement n° 312 , auquel je suis personnellement défavorable ; quant à l'amendement n° 51 , elle a émis un avis favorable, mais nous avons par la suite travaillé à un nouvel amendement visant à préserver la chronologie des médias, dont nous débattrons ultérieurement.
Je fais miens les arguments de Franck Riester, et suis très défavorable à ces amendements qui contreviennent violemment au principe même de chronologie des médias. En vertu de ce principe salutaire pour nos salles de cinéma, un réalisateur ne pourrait proposer son film en offre légale, quand bien même il le souhaiterait.
Dans le domaine musical, les nouveautés enregistrées mais non encore publiées pourraient être impunément piratées, au grand préjudice des artistes concernés. Les inédits et les chutes de studio, dont la publication est devenue importante pour les maisons d'édition, pourraient être utilisés tout aussi librement : autre préjudice.
Enfin, comme l'a noté le rapporteur, il appartient au créateur d'autoriser ou d'interdire la diffusion de son oeuvre ; il est essentiel de respecter ce droit.
Avec l'amendement n° 433 , le groupe GDR, non plus que le groupe SRC, je suppose, n'entendait remettre en cause la chronologie des médias.
Il y a peut-être à cet égard un petit problème de rédaction.
L'amendement n° 433 propose d'insérer, après l'alinéa 68, l'alinéa suivant : « Aucune sanction ne peut être prise en l'absence de l'existence d'une offre légale des oeuvres ou objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin. La Haute Autorité apprécie l'existence, l'accessibilité et le contenu de cette offre », de sorte qu'il appartient à la Haute autorité de juger du respect de la chronologie des médias – dans le cas d'une oeuvre cinématographique – et de sanctionner les téléchargement qui y contreviendraient ou qui auraient lieu, dans le cas d'une oeuvre musicale, avant que l'artiste ait eu le temps de diffuser son oeuvre en ligne. Si l'oeuvre est dans le domaine public depuis très longtemps, en revanche, le téléchargement ne sera pas sanctionné. Tel est le sens de notre amendement, qui, en laissant la Haute autorité apprécier en dernier ressort, prend en compte les remarques de Mme la ministre ; il ne porte donc pas atteinte aux droits des auteurs.
Je renonce à l'amendement n° n° 312 au profit de mon amendement n° 498 , dont nous discuterons plus tard. Ce dernier répond aux préoccupations du rapporteur, puisqu'il vise les seules oeuvres phonographiques, non la chronologie applicable au cinéma, et sous la réserve expresse du consentement de l'auteur ou de ses ayants droit.
(L'amendement n° 312 est retiré.)
Je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance. Il ne s'agit pas de retarder les débats – c'est la première suspension que je demande cet après-midi –, mais l'amendement n° 498 , au profit duquel M. Suguenot a retiré son amendement n° 312 , présente des similitudes avec les amendements en discussion ; je m'étonne d'ailleurs qu'il ne soit pas discuté en même temps qu'eux.
Nous avons besoin de cinq ou dix minutes pour nous mettre au clair sur cette affaire et aboutir à une rédaction commune, étant entendu que l'amendement n° 498 semble présenter bien des avantages.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
La séance est reprise.
Mes chers collègues, compte tenu des remarques qui ont été formulées, le plus simple, pour nos travaux, est d'intégrer à la présente discussion commune l'amendement n° 498 de M. Suguenot. En ce cas, les amendements nos 433 et 252 de Mme Billard et de M. Bloche, à qui je donnerai bien sûr la parole, seraient retirés. Ne resteraient ainsi en discussion commune que les amendements nos 51 et 498 .
Maintenez-vous l'amendement n° 51 , monsieur Dionis du Séjour ? Pour la clarté de nos débats, il serait plus simple de le retirer.
Nous sommes vraiment confondus. Compte tenu des arguments pertinents qui ont été avancés, nous avons fait un geste en retirant notre amendement n° 252 . C'est précisément parce que nous aimons les artistes et que nous sommes profondément attachés au droit d'auteur, que nous voulons l'adapter réellement à l'ère du numérique.
Nous l'avons répété à mille reprises, le droit d'auteur est tout à la fois un droit patrimonial à rémunération – et c'est pourquoi nous avons proposé la contribution créative – et un droit moral. L'auteur dispose en effet d'un droit inaliénable pour autoriser la diffusion de ses oeuvres. Parallèlement, nous n'avons pas perdu de vue la chronologie des médias, qui, dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel, crée un cadre contraint, avec un calendrier de diffusion progressive des oeuvres selon les supports.
Nous avons donc considéré que l'amendement n° 498 de notre collègue Suguenot présentait un double avantage : d'une part, il ne remet pas en cause la chronologie des médias, puisqu'il ne vise que les oeuvres phonographiques ; d'autre part, il indique que l'auteur et les ayants droit doivent, pour atteindre l'objectif fixé par cet amendement, consentir à ce que l'internaute puisse télécharger cette oeuvre si elle n'est pas disponible sur une offre commerciale. Aussi avons-nous retiré notre amendement au profit de l'amendement n° 498 , dont je suis stupéfait d'entendre Mme la ministre dire qu'il ferait exploser le système. Ne respecte-t-il pas à la fois le droit moral des auteurs et la chronologie des médias ?
Nous sommes là au coeur du débat. Je ne vois pas en quoi mon amendement ferait exploser le système. Non seulement ce n'est pas son but, mais il vise au contraire – tel est en effet notre souci commun – à permettre une offre légale aussi large que possible. Le droit d'auteur est sacré, on l'a dit. Si l'auteur consent à ce qu'on télécharge ses oeuvres, la moindre des choses est que l'on respecte sa décision. Si l'on commence à considérer que l'auteur n'a pas son mot à dire, c'est le principe même de la loi qui est mis en cause. Cela signifierait qu'elle n'est pas là pour protéger la création ou les auteurs, mais pour une autre raison que je préfère ne pas imaginer.
J'ai reconnu tout à l'heure que notre amendement n° 433 posait un problème de rédaction, puisqu'il faisait l'impasse sur la chronologie des médias. C'était, bien sûr, involontaire, et cela s'expliquait sans doute par le fait qu'il visait davantage la musique que le cinéma. Je retire donc l'amendement n° 433 , pour éviter les erreurs et les faux débats.
Quant à l'amendement de M. Suguenot, je serais tentée de la sous-amender. Il dispose en effet qu'« aucune sanction ne peut être prise en l'absence d'une offre légale ». Ne faut-il pas préciser « une offre légale en ligne » ? Je ne pense pas qu'il y ait, sur ce point, de désaccord entre nous.
Je suis également très surprise par la réaction de Mme la ministre. L'amendement ne respecte-t-il pas le droit moral des auteurs ou des ayants droit ? Si ceux-ci consentent, cela signifie qu'ils ne demandent pas de rémunération spécifique. Dans l'idée de Mme la ministre, n'a-t-on le droit de donner accès légalement à des oeuvres en ligne que si l'on passe par des intermédiaires tels que des plateformes qui, au passage, prennent une rémunération ? Il semble, madame la ministre, que votre action tende bien à cela : des auteurs n'auraient pas le droit d'accepter que leur oeuvre soit mise en ligne si cela ne se fait pas par le biais d'un intermédiaire rémunéré. J'espère que vous allez donner une autre explication au rejet de l'amendement de notre collègue, qui paraît excellent.
Pour apporter un peu de clarté dans le débat, je vais retirer l'amendement n° 51 et soutenir l'amendement n° 498 . Au moins ne concerne-t-il que la musique : la question de la chronologie des médias ne se pose donc pas. Nous aurons ainsi fait un pas en stimulant l'offre légale de musique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le rapporteur, comme il s'agit d'un amendement de la commission, il ne peut être retiré sans votre accord.
Je précise que la commission est défavorable à l'amendement n° 498 . Un amendement présenté par le président de la commission des lois qui sera examiné un peu plus loin… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est scandaleux ! Vous êtes en train de faire pression sur les députés !
Non, monsieur Bloche, je me contente de rappeler une réalité. Cet amendement a été rédigé après un long travail de discussion. Les remarques de chacun ont été prises en compte.
Notre rédaction est fidèle à l'esprit de loi. Pour déterminer la sanction, il est nécessaire que la HADOPI évalue la présence ou non sur internet des oeuvres qui auraient été téléchargées illégalement. En même temps, Mme la ministre l'a dit, nous ne pouvons mettre en place un dispositif qui alourdirait inutilement le fonctionnement de la HADOPI. Ce serait contre-productif.
Puis-je m'exprimer, monsieur Bloche ? Nous avons fait un effort en commission des lois, nous avons travaillé avec la plus grande rigueur. Le président de la commission des lois lui-même a rédigé un amendement.
Ce n'est pas de la confusion, c'est de la précision.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mais la commission n'a pas été saisie ! Elle ne peut pas être défavorable !
(L'amendement n° 51 est retiré.)
Madame Billard, nous n'allons pas débattre du sous-amendement que vous proposez. Nous considérons que votre précision va de soi. D'ailleurs, nos travaux ont valeur interprétative.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.
Je suis confondu par les explications que nous venons d'entendre. Si nous ne votons pas cet amendement, le téléchargement d'oeuvres libres de droits ne sera plus possible. Ces oeuvres sont nombreuses : dans le domaine de la musique, ce qui est téléchargeable en payant représente une infime partie de l'ensemble de ce qui est téléchargeable ; nous sommes dans un rapport de 1 à 10 000. Cela mettra les étudiants en musicologie, par exemple, dans de grandes difficultés. L'éducation nationale elle-même préconise le téléchargement d'oeuvres libres de droits pour certaines études. Faites très attention à ce que vous allez voter, mes chers collègues, ne cédez pas aux pressions exercées par le rapporteur. Nous risquons de bloquer le système. Le bon sens exige que l'amendement n° 498 soit adopté.
La loi que nous proposons vise à lutter contre le téléchargement illégal des oeuvres et le piratage. Aujourd'hui, les offres légales sont de plus en plus nombreuses et intéressantes…
…pour qu'on puisse ne pas pirater les oeuvres. Quant aux oeuvres libres de droits, il n'y a pas de problème, on pourra les télécharger.
Je réitère l'avis très défavorable du Gouvernement à l'amendement n° 498 . Je maintiens que, s'il est voté, il peut faire exploser le système.
Monsieur Bloche, je vous en prie, laissez-moi m'exprimer !
Avant d'agir, la HADOPI n'est en aucune façon obligée…
Je vous en prie, monsieur Bloche ! Tous les artistes sont avec nous. Ils savent bien qui sont leurs amis.
Avant d'agir, la Haute Autorité devrait en effet chaque fois vérifier s'il y a ou non une offre légale et si tous les ayants droit ont consenti au téléchargement. Vous vous en rendez bien compte, cela bloquerait complètement le système. Peut-être établissez-vous une différence entre le cinéma et la musique, mais il n'empêche qu'il faudrait multiplier les vérifications. Pour un morceau de musique, il peut y avoir de multiples ayants droit, entre l'auteur et tous les musiciens. Vous imaginez le casse-tête ! Si on veut faire exploser la loi et la Haute Autorité, il faut en effet voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 498 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 29
Contre 67
(L'amendement n° 498 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 251 .
La parole est à M. Christian Paul.
Je regrette que nos collègues de l'UMP, tels un banc de poissons, quittent l'hémicycle au moment où nous abordons une question très sérieuse et très grave.
Dans ce cas, ma chère collègue, nous allons demander une suspension de séance !
Je sais bien que vous nous écoutez, monsieur le président, et je connais l'intérêt que vous portez à ce débat ; mais, comme nombre de ceux qui nous regardent, je regrette que, par un effet d'accordéon, l'hémicycle se remplisse quand il s'agit de voter et se vide sitôt qu'on en vient aux questions de fond.
L'amendement n° 251 est très important, car, sans cautionner un instant l'économie générale de cette loi répressive, nous nous efforçons d'apporter des garanties aux internautes et aux personnes qui pourraient faire l'objet des sanctions de la Haute Autorité.
Quand il s'agit de procéder à la coupure de la connexion internet, les faits qui sont sollicités doivent être graves, précis et concordants, et démontrer l'intention fautive de l'abonné ou de la personne concernée par la recommandation, voire par la sanction.
Dans la mesure où il faut identifier une infraction, au moins faut-il qu'il y ait une intention fautive. Votre système, madame et messieurs les rapporteurs, va placer dans l'insécurité juridique des centaines de milliers d'internautes, pour toutes les raisons que nous avons expliquées cet après-midi, sans qu'il soit demandé à la Haute Autorité de rechercher une intention. C'est l'intentionnalité qu'il faut prendre en compte.
Mes collègues Patrick Bloche et Martine Billard ont déjà exposé les arguments qui concernent la caractérisation du délit, mais vous n'avez pas répondu sur ce point, madame la ministre. Sur quels éléments se fondera réellement la HADOPI ? Vous parlez d'un délit distinct du délit de contrefaçon : la non-sécurisation de la connexion internet. Au fond, ce que nous voulons vous amener à inscrire dans la loi – si, par malheur elle est votée –, c'est que l'intention de télécharger illégalement doit être caractérisée. Sur quel élément de preuve allez-vous fonder les décisions ? Ce sont probablement des traces de téléchargement, mais nous avons démontré à plusieurs reprises que ces éléments ne permettent pas de supposer que la connexion de l'abonné n'est pas sécurisée. Nous voulons donc vous amener à donner une définition précise, dans laquelle soit mentionnée l'intentionnalité de laisser la connexion non sécurisée. Ainsi, nous remettrons un peu d'état de droit, de garantie et de protections pour les futures victimes. Monsieur le rapporteur, tout à l'heure, vous sembliez choqué par cet amendement. Mais cette loi mal ficelée va faire des centaines de milliers de victimes.
Cela n'a jamais été sérieusement démontré. Si nous voulions prendre un peu de temps pour avoir une discussion sérieuse, madame la ministre, nous pourrions démontrer que 80 ou 90 % des faits qui sont aujourd'hui reprochés à ce que vous appelez indûment le piratage…
…ce sont des réseaux tout à fait extérieurs à l'activité de téléchargement à des fins non lucratives ; comme de nombreuses études le prouvent, mille autres raisons entrent en ligne de compte.
On sent aujourd'hui une véritable coalition contre cette loi qui n'impose même pas de démontrer l'intention fautive de ceux qui pratiquent le téléchargement. C'est pour toutes ces raisons que des artistes se mobilisent aujourd'hui. Contrairement à ce que vous prétendez, madame Albanel, tous les artistes ne sont pas dans votre camp !
Peut-être M. Johnny Hallyday, contribuable bien connu qui sera payé un million d'euros pour chanter le 14 juillet, est-il favorable à cette loi …(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si cela n'enlève rien à ses qualités artistiques, cela n'ajoute rien à ses qualités civiques !
Je vous en prie, mes chers collègues !
Veuillez conclure, monsieur Paul ! Vous avez dépassé votre temps de parole !
Bon nombre d'artistes sont contre cette loi. Il y en a en Grande-Bretagne et, ils se sont manifestés par centaines ces derniers jours, il y en a aujourd'hui en France. Hier, c'était Kali, cet après-midi, c'était l'un des membre du groupe Daft Punk. Il y a aujourd'hui des artistes qui commencent à avoir le courage de s'exprimer contre cette loi, pour les raisons que nous venons d'exposer.
Défavorable. La rédaction de cet amendement est inappropriée : en l'état, elle priverait de toute portée effective le mécanisme de sanction. Vous prévoyez tellement de conditions de recevabilité, quasi impossibles à réunir, que l'ensemble du dispositif ne pourrait pas fonctionner.
Défavorable. Cet amendement procède d'un contresens sur le dispositif prévu par le texte, puisqu'il ne repose pas sur le délit de contrefaçon, mais bien sur l'obligation de surveillance de l'accès à Internet. Or le défaut de surveillance n'est pas nécessairement intentionnel : il peut résulter d'une négligence. Il n'est pas donc pas compatible avec la logique d'un dispositif visant à rechercher une intention fautive chez l'abonné. Il n'y a aucune contradiction de notre part.
Par ailleurs, monsieur Paul, je vous assure que les artistes et créateurs qui soutiennent la loi sont bien plus faciles à trouver que ceux qui la combattent ! Des personnalités comme Juliette, Bertrand Tavernier, Costa-Gavras, Françoise Hardy, Thomas Dutronc, Sanseverino, Calogero la soutiennent… Ils sont des milliers à se manifester sans cesse ! Nous sommes puissamment soutenus par le milieu de la création, ainsi que par Jack Lang, qui en est très proche.
Il y en a aussi qui ont voté la réforme de la Constitution et qui s'en repentent aujourd'hui !
(L'amendement n° 251 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma