Mais le législateur est rusé, disais-je : comme il n'aime pas se casser la tête, il a décidé que le titulaire de l'abonnement sera le responsable. À cette fin, la loi insérera dans le code de la propriété intellectuelle un nouvel article L. 336-3, ainsi rédigé : « La personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elle est requise. » Le simple constat qu'une atteinte à une oeuvre protégée a eu lieu depuis son abonnement démontre que le titulaire n'a pas respecté cette obligation, ce qui constitue la faute. CQFD. Peu importe que le titulaire ne soit pas le contrefacteur puisqu'il n'est pas accusé de contrefaçon, mais juste fautif de non-surveillance de son accès à Internet. C'est lamentable : où sont la présomption d'innocence et la prohibition de la responsabilité pénale du fait d'autrui ? Il est vrai que les sanctions étant exclusivement civiles, les règles de droit pénal ne s'appliqueront pas.
Autre point intéressant, dont personne n'a parlé : comment peut-on échapper à ses responsabilités ? Le projet de loi prévoit trois cas où la responsabilité du titulaire de l'abonnement ne peut être retenue : s'il a mis en oeuvre un des moyens de sécurisation agréés par la HADOPI, selon une procédure que fixera un décret – vaste débats, nous en reparlerons ; s'il y a eu utilisation frauduleuse de l'accès au service de communication au public en ligne par une personne qui n'est pas placée sous l'autorité ou la surveillance du titulaire d'accès – bonne chance pour le prouver ! Enfin le cas, splendide, de la force majeure. Mention superfétatoire, puisque la force majeure exonère de toute responsabilité… Rappelons que la force majeure s'entend d'une force extérieure à la personne dont on recherche la responsabilité éventuelle, et qui est irrésistible et imprévisible. J'avoue avoir du mal à imaginer dans quelles circonstances on téléchargerait illégalement un film par force majeure !
Dans les faits, comment cela se passera-t-il ? La commission de protection des droits pourra envoyer à l'abonné incriminé un courriel dans lequel figurera une recommandation devant contenir des informations sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites de fichiers au regard de la création artistique. Mais cette recommandation ne divulguera pas les contenus des éléments téléchargés ou mis à disposition… On va donc recevoir ensuite un recommandé qui indiquera en substance : « je sais que vous avez téléchargé, mais je ne vous dirai pas quoi ». Reconnaissez qu'en termes de respect du droit de la défense, c'est tout de même problématique !