La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Madame la ministre de la culture et de la communication, nous voici aujourd'hui appelés à conclure cette année de bataille audiovisuelle par un projet de loi organique qui matérialise la mainmise de « l'omniprésident » sur les sociétés nationales de programmes : la nomination des patrons de France Télévisions, de Radio France et du holding audiovisuel extérieur de la France.
Faisons un peu d'histoire. La nomination en conseil des ministres n'est pas une invention récente : elle a été pratiquée jusqu'en 1982, avec un permanent insuccès et, selon le mot d'Hervé Bourges, elle faisait de la télévision française un objet d'interrogation – ou plus exactement de stupeur – partout dans le monde.
L'histoire de l'audiovisuel en France ne manque pas d'exemples que la mémoire défaillante de l'actuel exécutif ne peut parvenir à faire oublier. Si ce mode de nomination a été refusé partout en Europe, peut-être y a-t-il une raison ? Comme le dit Michèle Cotta, peut-être y a-t-il dans la panoplie des différents systèmes de nos voisins quelques exemples dont il eût été opportun de s'inspirer ? Tous les pays occidentaux développés reconnaissent l'importance de l'indépendance éditoriale et managériale de leurs chaînes publiques. Même un récent rapport commandé par la Banque mondiale sur les bonnes pratiques à suivre dans les pays en voie de développement souligne l'importance de cette séparation ! J'ai bien peur que la France ne fasse exception.
Qu'à l'occasion de toutes les nominations, le CSA ou la Haute autorité – oublions la CNCL qui a privatisé TF1 au nom du mieux-disant culturel – n'aient pas délibérément choisi de défier le pouvoir, cela est une évidence. Cependant, très souvent, elles furent un contre-pouvoir non négligeable. Sous prétexte que la formule actuelle était largement perfectible, fallait-il choisir le pire ?
Le nouveau mode de nomination du président de l'audiovisuel public, ce sera donc un décret présidentiel qui fera et défera le patron de la télévision publique, comme cela se pratique pour la SNCF ou EDF. Oui, mais voilà…
Le service public transmet des idées, et non pas des marchandises. Même le président Kert sait que ce n'est pas pareil ; j'en suis heureux mais j'aimerais bien qu'il aille jusqu'au bout de sa logique.
Le service public doit informer les citoyens sur les enjeux politiques. Ses journalistes doivent demander des comptes et poser des questions difficiles – souvent dérangeantes – aux hommes politiques de tous bords. Cela deviendra presque impossible quand le chef ultime sera nommé par l'exécutif.
À propos du risque de révocation, vous me direz peut-être que la procédure ne sera jamais utilisée. Cependant, il faut avoir conscience que cette épée de Damoclès va modifier profondément les comportements. Cette seule éventualité aura un effet paralysant sur les décisions éditoriales et journalistiques.
Plutôt que de chercher à politiser la nomination du PDG, le pouvoir aurait été plus inspiré de sécuriser le financement à long terme de l'audiovisuel public, et de lui accorder une large autonomie opérationnelle. Certes, on aurait pu sans doute imaginer de perfectionner le mode de nomination existant des membres du CSA, afin d'équilibrer le nombre de représentants de la majorité et de l'opposition. On aurait pu réfléchir à un conseil d'administration de France Télévisions composé de personnes indépendantes et qualifiées. On aurait pu, mais voilà :…
…il fallait faire vite, puisque le Président de la République en faisait une affaire personnelle. Il fallait faire vite, puisque son amour-propre était en jeu. Bouygues, Bolloré, Dassault, Arnault, Lagardère – les dignes représentants de l'intérêt national, comme chacun sait – ne lui suffisaient plus ! Il fallait davantage.
En quelques semaines, Nicolas Sarkozy a transformé cette réforme en un acte idéologique, possessif et puéril, faisant passer au second plan les intérêts des producteurs, des professionnels, des journalistes, des salariés et même des téléspectateurs. Tel un petit garçon, selon l'expression de Patrick Poivre d'Arvor, le Président de la République a décidé de faire de la télévision son joujou personnel, en s'octroyant le soin de nommer, de révoquer lui-même le patron de France Télévisions. Sur le service public, la publicité sera remplacée par la propagande.
Ainsi, on sacrifie le droit des Français à des médias indépendants pour permettre à un Président incontrôlable de contrôler les médias du service public. Qui aura le courage d'expliquer au Président de la République que la France n'est pas une entreprise privée au service d'un homme ou d'un parti ? Que les médias publics doivent rester indépendants au service de tous les Français pour garantir le pluralisme des idées ?
La majorité s'est époumonée à nous expliquer que tout cela était plus clair, et mettait fin à une hypocrisie sur les nominations. Depuis quand la politique doit-elle entériner le pire et non le meilleur ? Notre rôle n'était-il pas de trouver le moyen de mettre en place une instance totalement libre de toutes pressions comme ont su le faire d'autres pays ? Certains gogos estiment que le nouveau mode de nomination a le mérite de la simplicité ; cette réponse de gribouille est applaudie à la fois par les naïfs et les cyniques. On utilise le sophisme comme méthode de gouvernement !
C'est effectivement plus simple, mais peut-on dire que c'est mieux ? Est-ce mieux un président de France Télévisions entièrement redevable au Président de la République ? Est-ce mieux le caractère ubuesque de cette nomination ? Est-ce mieux le retour à la télévision de l'État de M. Peyrefitte ? Est-ce mieux de mettre le service public dans la main des pouvoirs politiques pour le choix de ses dirigeants, pour ses ressources, pour son budget ? Est-ce mieux le contrôle de la ligne éditoriale ? Est-ce mieux une télévision qui, au lieu de s'affranchir du pouvoir politique, lui est totalement inféodée ? Est-ce mieux la régression démocratique et la reprise en main d'une nomination qui avait été confiée à une instance de régulation ? Est-ce mieux une télévision qui, au lieu d'être celle de tous les Français, appartient à un clan ? Est-ce mieux une télévision qui ne fédère pas, mais qui divise ? Est-ce mieux le fait du Prince ? Est-ce mieux la monarchie audiovisuelle ?
Avant-hier, le CSA fêtait ses vingt ans. Triste anniversaire ! Sur son site web, nous pouvons encore lire : « Le CSA nomme les présidents des télévisions et des radios publiques. » Dans huit jours, nous lirons sans doute : « Le CSA donne son avis conforme sur la nomination des présidents des sociétés nationales de programme. » Chers collègues, ne sentez-vous pas la régression démocratique ?
La Constitution, dans son nouvel article 34, stipule que « la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ».
Dans son article XI, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen indique que « la libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux ». Cela suppose le pluralisme des médias, madame la ministre ! Le Conseil constitutionnel a très justement précisé les exigences qui en découlent : les téléspectateurs et les auditeurs doivent être à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché. Le public doit pouvoir disposer de « programmes qui garantissent l'expression des tendances de caractère différent dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information. »
Le droit des citoyens à une communication libre et pluraliste est affecté gravement par cette réforme. Le Conseil constitutionnel tranchera.
Dans nos circonscriptions, nous l'avons tous observé – y compris sans doute nos collègues de droite qui font semblant de l'oublier – : nos concitoyens sont outrés. Ce projet de loi est la goutte qui a fait déborder le vase des revendications déjà nombreuses : en plus, il va nommer les présidents de la télévision publique ! Arrêtez-le ! Ne le laissez pas faire !
Nous sommes restés des jours et des nuits dans cet hémicycle. Vous avez raillé nos amendements, mais nous avons utilisé les seuls moyens à notre disposition dans ce Parlement de moins en moins lieu d'échange et de liberté. Vous n'avez accepté aucun de nos amendements. Vous avez fait preuve d'un mépris total pour la discussion, comme si, en pilotage automatique, vous n'aviez qu'un but : obéir à « l'omniprésident », et surtout ne pas fléchir et ne pas réfléchir.
Comment faire croire que l'on a une vision de l'avenir et un dessin pour la France quand on fait passer en urgence un projet de loi que personne ne demandait et qui aboutit à un renforcement des prérogatives présidentielles, à un moment où la crise est au centre de toutes les préoccupations ?
Chers collègues, vous allez droit dans le mur, et, en plus, vous klaxonnez. Il y a un an, nous aurions pu rêver d'inventer ensemble de nouveaux espaces de liberté, à travers un projet ambitieux de réflexion sur la télévision publique. Un an plus tard, nous nous trouvons avec un projet de loi qui maintiendra la télévision sous la coupe du Président de la République, avec l'épée de Damoclès que représente la révocation.
Le cynisme est tel au sommet de l'État que l'on ne se cache même plus pour céder au mélange des genres. Un Président de la République au-dessus de la mêlée ? Vous n'y pensez pas ! Il veut tout contrôler, tous les nommer, tous les voir trembler, tout en continuant à jouer le rôle du chef de parti…
…en galvanisant les troupes lors du conseil national de l'UMP ! Promis, il n'établira pas les grilles de programmes. Quoique… Il ne commentera pas les recrutements d'animateurs. À voir. Il ne soufflera pas de sujets d'enquêtes. À vérifier. Il ne sera pas l'hyper rédacteur en chef. Ne rêvons pas !
Mon cher collègue, ce n'est pas tout à fait une obsession puisque, ce soir, vous allez assister à une coproduction de l'Élysée et de la télévision.
Ce soir, pour l'émission que « l'omniprésident » va réaliser sur la crise, il a choisi son réalisateur attitré : le réalisateur appointé pour les meetings du candidat Sarkozy pendant la campagne présidentielle. Ce soir, il a trié sur le volet tous ses interviewers.
Apathie ? Il a peut-être des choses à dire, ce garçon. Revenons à Duhamel, comme au bon vieux temps. Poivre d'Arvor ? Terminé ! Ferrari. Quant aux autres, vous avez bien compris de quoi il s'agit.
Encore des attaques personnelles, contre des journalistes cette fois ! En plus, en se targuant, la main sur le coeur, de défendre les libertés !
Libre à vous de penser que M. Duhamel, par ailleurs excellent journaliste, représente la modernité et que l'on ne peut envisager des journalistes un peu plus agressifs dans leurs questions !
Pour vous, s'ils ne sont pas de gauche, ce ne sont pas des journalistes !
Dispensateur suprême des aides et des subventions et sujet quasi unique des critiques ou des louanges de ceux-là mêmes dont il remplit la tirelire : voilà ce qu'est le Président de la République.
Il faudrait, en effet, être particulièrement vertueux pour résister. Alors que l'on parle de supprimer le ministère de la culture, le triste bilan de cette année écoulée montre que, malheureusement, tous les projets sortent de l'Élysée : celui relatif à l'audiovisuel en a été le phare.
« Il est grand temps de rallumer les étoiles », disait Apollinaire. Contentez-vous, madame la ministre, de rallumer toutes les lumières de la création et de la diversité, et d'éteindre le culte exclusif de l'audimat. Quand on impose à une société de vivre bas, cela ne peut pas l'inciter à penser haut. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – M. Braouezec applaudit également.)
Merci, monsieur Françaix, d'avoir respecté votre temps de parole.
La parole est à M. Patrick Braouezec.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de la discussion de ce projet de loi et des différents débats qui ont animé notre assemblée ces derniers temps, il ressort, n'en déplaise à certains, un climat ombrageux et inquiétant.
Notre travail d'opposition ne saurait être taxé d'obstruction – nous n'en avons d'ailleurs pas les moyens – ; nos seules motivations étaient de vous faire sortir de ce mutisme incompréhensible, et nos questions, très claires, ne visaient qu'à une chose : comprendre vos intentions et les moyens que vous étiez réellement capables de mettre en oeuvre pour réformer l'audiovisuel public sans le faire mourir.
Nous avons aussi, quelques semaines plus tard, assisté à une dérive partisane de la présidence de notre assemblée, alors que nous tentions de défendre notre indispensable droit parlementaire d'amender, de rester des députés de la République, et de ne pas devenir les députés techniciens que dessinent la réforme constitutionnelle et la future réforme de notre règlement.
Ces deux épisodes marquent un tournant dans le traitement des oppositions et des parlementaires de l'Assemblée ; pourtant, nous traitions du seul et unique outil qu'il nous reste, en tant que députés, pour faire valoir nos positions au sein du débat en séance publique. C'est grave pour la démocratie et très inquiétant pour la liberté d'expression dans notre pays.
Cette logique de mainmise de l'État sur tout ce qui ne rentre pas dans le rang de la majorité ne se limite malheureusement pas au seul travail parlementaire. Bien au contraire, M. Sarkozy et son gouvernement abattent ou sapent systématiquement tout ce qui pourrait s'apparenter, de près ou de loin, à un contrepouvoir. Or il me semble – et ceci est valable pour les collègues de gauche comme de droite – que le premier devoir d'une démocratie est de veiller à ce que les contrepouvoirs existent et fonctionnent, tant au niveau local que régional ou national. Sans eux, j'ai le regret de vous le dire, la démocratie est en danger.
Vous me permettrez une comparaison avec la physique de Newton, lequel a découvert beaucoup de principes qui gouvernent la nature, et notamment la loi dite d'action-réaction : plus on pousse un mur avec la main, plus ce mur résiste à la pression exercée sur lui. En d'autres termes, la réaction est proportionnelle à l'action ; c'est le principe d'équilibre entre les forces. La réaction des contrepouvoirs à l'égard du pouvoir procède du même principe. Jusqu'à présent, me direz-vous, la réaction des Français n'a pas été proportionnelle aux actions, aux atteintes aux libertés publiques les plus fondamentales portées par Nicolas Sarkozy – quoique la mobilisation du 29 janvier devrait vous offrir un avant-goût de sa puissance potentielle.
Or, dernièrement, la cadence gouvernementale s'est déchaînée. Déculpabilisé, pour reprendre un terme qui lui est cher, M. Sarkozy outrepasse ses fonctions pour punir des préfets ou des directeurs départementaux de la sécurité intérieure, lesquels ne contiennent pas assez à son goût les foules mécontentes des politiques menées par le Gouvernement. Depuis quand le droit de manifester est-il interdit ?
Même si cela vous déplaît, monsieur le rapporteur, j'établis des liens : c'est notre démocratie qui est en jeu.
Les attaques frontales de M. Darcos envers le monde enseignant et l'enseignement même, dans ses fondements comme dans son organisation, méritent que l'on s'y intéresse de près. Et où peut-on être plus près de l'omni-Président que lors de l'un de ses nombreux déplacements, lequel était précisément consacré aux voeux à la communauté enseignante ? Sans parler de ce directeur d'école primaire dans l'Isère, qui, ayant refusé d'enregistrer des informations dans la banque de données dite « Base élèves » – fichier plus que contestable à bien des égards –, a été démis mardi 3 février par l'inspection académique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Notons au passage que la multiplication de ces fichiers – STIC, Edvige ou Base élèves – prépare une société de fichage généralisée dangereusement liberticide. Comme l'observait hier fort justement le sociologue Laurent Bonelli dans un grand quotidien du soir, « nous sommes dans une logique d'extension du contrôle. […] La majorité des mesures sont prises dans l'urgence, quand ce n'est pas dans le secret, comme le fichier Edvige […] ».
Cette pratique se situe d'ailleurs dans la droite ligne des arrestations sans fondement de pseudo-terroristes censés représenter cette nouvelle « ultra-gauche », concept inventé par le ministère de l'intérieur pour faire peur. Le traitement de jeunes gens comme Julien Coupat révèle d'ailleurs le peu de cas réservé à ce pilier de notre justice qu'est la présomption d'innocence. Sous couvert de lutte antiterroriste, certains Français qui ont choisi un autre modèle de vie ou de société se voient assimilés à des terroristes et emprisonnés. N'oublions pas que cela fait trois mois que Julien Coupat est incarcéré sans motif et sans preuves.
En effet, d'une certaine manière : j'entends bien utiliser les dix minutes qui me sont imparties pour dénoncer toutes les atteintes aux libertés. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
Pour parfaire, disais-je, cette démocratie idyllique, respectueuse de l'ensemble des citoyens, est ensuite venue l'annonce tonitruante, le 7 janvier dernier, de la suppression des juges d'instruction. Autant dire tout de suite que la réforme ne manquera pas de s'accompagner de la fin des affaires politico-financières, du moins lorsque ces dossiers toucheront des personnalités issues de la majorité.
Même les services publics qui, sur certains territoires plus que sur d'autres, sont assurés par des collectivités territoriales actives – lesquelles font en quelque sorte office de contrepouvoirs – sont incessamment attaqués, exclus de l'intérêt général, alors qu'ils devraient être au coeur de la solidarité nationale.
Que dire du ministère de l'intérieur qui, pour la deuxième fois, se pourvoit en cassation contre le groupe de rap « La Rumeur » – il ne s'agit pas de savoir si celui-ci a tort ou non –, que la cour d'appel de Versailles avait pourtant relaxé au terme d'une longue procédure ? Bien que ses propos, comme le rappelle son avocat, traduisent des réalités attestées par des historiens et même des gardiens de la paix venus témoigner au procès, le chanteur Hamé est poursuivi par le ministère de l'intérieur depuis bientôt six ans ! Le réquisitoire du président de la cour d'appel de Versailles est pourtant très explicite et n'appelle pas de recours. Qu'à cela ne tienne, l'État revient à la charge une troisième fois ! Pourquoi un tel acharnement, sinon pour mettre à bas la liberté d'expression ?
Que dire, encore, de ces citoyens « lambdas » qui se voient poursuivis par les avocats du Président de la République pour avoir porté atteinte à son image !
C'est du jamais vu ! La tradition élyséenne voulait qu'on laisse passer ; notre intouchable chef de l'État n'est pas de cet avis.
Quant à la presse et aux médias, ils sont aujourd'hui sous contrôle :…
…suppression des moyens financiers qui permettraient une télévision publique de qualité ; refonte de l'audiovisuel extérieur ; concentration des médias ; réforme des droits d'auteur ; états généraux de la presse lancés du perron de l'Élysée ; multiplication des procédures d'outrage engagées par le pouvoir en place ; libertés publiques bafouées… On ne compte plus les atteintes portées à la liberté d'expression, laquelle, consciemment ou inconsciemment, volontairement ou involontairement, à l'initiative des intéressés ou pour répondre à des pressions politiques ou économiques – voire les deux en même temps –, est mise à mal. S'il est un domaine que le Président de la République met sous pression autant qu'il le peut, c'est celui de l'indépendance des esprits. Les exemples sont nombreux ; ils alimentent quotidiennement les petites colonnes de nos journaux, et de plus en plus leurs unes ; ils circulent sur l'Internet et sur les messageries.
Évidemment, ce pouvoir de nomination présidentiel des présidents des entreprises de l'audiovisuel public achève cette liste à la Prévert comme on achève bien les chevaux. Il tue dans l'oeuf toute volonté des futurs PDG de se démarquer de l'exécutif. La décision de M. de Carolis d'accéder à la demande présidentielle en supprimant lui-même la publicité en est la preuve manifeste.
Atteintes aux droits de grève et de manifestation, à la liberté d'expression ; fichage généralisé de la société française ; libertés civiles et politiques bafouées, et maintenant nomination présidentielle des PDG de l'audiovisuel public : tout cela participe évidemment de la même logique.
Que voulez-vous exactement ? Contrôler pour mieux régner ? Bâillonner le peuple français ? C'est impossible, et vous le savez. À moins de préparer autre chose.
Je n'aime pas les formules toutes faites, mais franchement, mes chers collègues, à quoi assistons-nous, sinon à une dérive autoritaire du chef de l'exécutif ? Comment vous est-il possible de participer, par votre silence, par votre mutisme, à un tel retour en arrière et à de telles dispositions rétrogrades ?
Je termine, madame la présidente.
Le texte sur lequel nous planchons aujourd'hui n'a pas évolué depuis sa première présentation par le Gouvernement. Le travail parlementaire auquel nous nous sommes activement associés n'a servi à rien, et nous serons minoritaires pour le regretter. J'espère franchement me tromper, madame la ministre, mais je suis convaincu que nous risquons d'être très nombreux, au-delà de nos clivages partisans, à le regretter demain.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la longue discussion, qui nous occupe depuis le mois de novembre, sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Tout au long de ces débats, le Nouveau Centre a choisi de concentrer ses analyses et ses critiques, souvent vives, sur le financement des sociétés de l'audiovisuel public. Nous avons considéré que le véritable enjeu n'était pas de pointer la supposée dépendance politique des sociétés concernées, mais bien d'assurer à France Télévisions un financement pérenne et légitime ; sur ce point, on peut dire que le texte d'aujourd'hui conserve les équilibres initiaux, même si, entre le Sénat et la CMP, la banquise a commencé à craquer, la question de la redevance ayant été débattue plus librement.
Peut-être, mais nous restons optimistes et nous croyons aux petits pas.
Mais revenons au sujet du jour : la procédure de nomination des présidents de l'audiovisuel public. Rappelons que cette nomination est désormais inscrite dans la loi, puisque le texte a été adopté par le Sénat hier. Mon propos sera plus recentré que celui de M. Braouezec.
Nous aussi, monsieur Braouezec ; mais aujourd'hui, je serai plus précis.
Nous sommes donc réunis pour soumettre la procédure de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, selon lequel « le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ».
Pour l'essentiel, le choix qui est fait dans ces deux lois est d'aligner la procédure de nomination sur celle des présidents des grandes sociétés publiques telles que la SNCF et EDF.
Nous avons entendu les critiques et les acceptons, pourvu qu'elles ne soient pas excessives. Il est vrai que France Télévisions, Radio France et les sociétés de l'audiovisuel exercent des métiers spéciaux. Lors de la révision constitutionnelle, nous avons choisi de mieux encadrer les procédures de nomination en précisant qu'elles s'appliquent aux emplois ou fonctions qui se distinguent « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation ». Or, les emplois des présidents des grandes sociétés de l'audiovisuel public français répondent pleinement à ces deux critères.
Nous aurions pu modifier les règles de nomination et permettre une véritable avancée démocratique. Nous, centristes, aurions préféré que l'on écoute les conclusions de la commission Copé,…
… laquelle prévoyait par exemple que les présidents soient élus par leurs conseils d'administration.
Nous aurions pu réformer le CSA afin d'en faire une réelle autorité indépendante.
Qui peut prétendre les yeux dans les yeux que, depuis que le Président de la République est élu au suffrage universel, les nominations des présidents de l'audiovisuel public – qu'elles émanent de la gauche ou de la droite – n'ont pas toujours été décidées par le pouvoir ?
Soyons francs : le pouvoir exécutif a toujours décidé seul de ces nominations, qu'il s'agisse de M. Mitterrand ou des autres présidents.
Le système qui nous est aujourd'hui soumis n'est pas parfait, et n'est pas une avancée – ce que nous aurions pu souhaiter.
Néanmoins, ce système constitue une amélioration au regard de l'hypocrisie du mode de désignation actuel.
Sur le fond, nous ne jugeons pas scandaleuse la désignation par l'État des responsables des sociétés de l'audiovisuel public, dont il est l'actionnaire unique.
On comprend que nos collègues de l'opposition aient choisi cette disposition comme angle d'attaque, à condition qu'ils n'en fassent pas des tonnes en prétendant qu'elle met la République en péril.
Cet article 8 a fait l'objet de critiques excessives. Rassurez-vous, chers collègues : l'alternance existe !
Nous verrons alors ce que vous ferez de ces procédures.
En attendant, plusieurs verrous permettront d'assurer la transparence de la décision de nomination.
De véritables ceintures de chasteté, dont seul le Président de la République aurait la clef !
Certes, l'initiative revient au Président de la République, mais elle est ensuite soumise à plusieurs contrôles. Le texte initial a été modifié : le CSA ne se contentera plus de donner un avis conforme, mais se prononcera à la majorité de ses membres – c'est un premier verrou.
Ensuite, la personne désignée par le chef de l'État sera auditionnée par les parlementaires.
Je vous en prie : je vous ai accompagné sur un certain nombre de points, notamment la redevance. S'agissant de la consultation des parlementaires, vous nous avez fait la démonstration mathématique suivante : depuis l'élection du Président de la République, il n'y a jamais eu trois cinquièmes des parlementaires pour s'opposer à lui. Reconnaissez que, pour peu que les parlementaires aient une colonne vertébrale, il s'agit pourtant bien d'un deuxième verrou ! Si la personnalité choisie est contestable, j'espère que trois cinquièmes au moins des parlementaires sauront s'y opposer, avec leurs tripes républicaines !
Enfin, les commissions compétentes du Parlement disposent d'un droit de veto aux trois cinquièmes de leurs membres. Qu'il puisse être difficile de réunir une majorité, c'est une chose ; mais ne dites pas qu'il sera impossible de s'opposer à une nomination contestable – je ne suis pas d'accord !
Il a raison : en cas de nomination problématique, une majorité saura s'y opposer.
Je tenais à apporter cette précision pour rétablir un peu de mesure dans le débat, car il est permis d'être optimiste.
Nous maintenons que le principal enjeu de ce texte est la pérennité du financement des sociétés de l'audiovisuel public – nous l'avons déjà dit avec force. Notre groupe approuvera majoritairement ce texte ; pour ma part, afin de rester cohérent avec le vote que j'ai émis sur le texte, je m'abstiendrai.
Mardi dernier, nous avons examiné le texte sur l'audiovisuel public, et nous sommes aujourd'hui réunis pour débattre en deuxième lecture du projet de loi organique.
Ces textes sont complémentaires, car si l'indépendance de la télévision publique se mesure à l'aune de son indépendance vis-à-vis des contraintes commerciales, elle se mesure aussi à l'aune de sa capacité à être libre de toute influence politique. (Murmures sur les bancs du groupe GDR.)
L'opposition a essayé de créer une polémique sur ce sujet, pour mieux marquer son embarras vis-à-vis de l'ensemble de la réforme.
… et novatrice. Elle comprend notamment la suppression de la publicité dès vingt heures, et le changement de rythme des soirées des téléspectateurs.
L'opinion ne plébiscite pas la nomination des présidents de l'audiovisuel public par le Président de la République !
N'est-il pas étrange de constater qu'une fois de plus, la gauche entend avoir raison contre le peuple ?
S'agissant de la nomination des dirigeants des chaînes publiques, Mme la ministre nous rappelait, lors des précédents débats, que Mme Tasca, ancienne ministre socialiste de la communication,…
… avait elle-même évoqué dans une tribune qu'étant donné la place du secteur privé, « l'État actionnaire pourrait tout à fait légitimement, en France comme partout ailleurs, revendiquer d'être responsable non seulement de la définition des moyens, mais également du choix des dirigeants ».
L'État, ce n'est pas le Président de la République ! Il n'est pas Louis XIV !
En effet, la nomination des présidents des sociétés nationales de programme est un choix politique, au sens le plus noble et le plus élevé du terme. Leur régime de désignation doit donc répondre à deux exigences : garantir leur indépendance, d'une part, et, de l'autre, permettre l'expression d'un véritable choix et du projet qui l'accompagne.
Or, force est de constater que le régime actuel, s'il répond à la première des deux exigences, ne satisfait pas pleinement la seconde.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel, en couvrant l'essentiel de la procédure de nomination d'une obligation de secret, n'a pas permis la formulation claire du projet de chaque nouveau président. En l'état actuel du droit, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'est donc pas en mesure d'exprimer les raisons précises qui guident ses choix. Cela tient à sa nature d'autorité administrative indépendante, qui ne peut réellement assumer le choix politique d'un projet pour le service public audiovisuel.
A contrario, une telle autorité est en pleine mesure de s'opposer non au choix d'un projet – sauf si celui-ci est aberrant – mais au choix d'une personnalité qui ne présenterait pas les garanties de compétence et d'indépendance…
… attendues d'un dirigeant de chaîne publique.
La procédure de nomination retenue n'est certes pas celle qu'a envisagée la commission pour la nouvelle télévision publique. Cela étant, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a été adoptée depuis. Dans son article 13, elle a prévu de subordonner, dans certaines hypothèses, l'exercice du pouvoir de nomination du Président de la République à l'avis des commissions permanentes compétentes du Parlement. Je considère que cette intervention du Parlement constitue un progrès.
À cet égard, la gauche nous donne des leçons alors même qu'elle a rejeté la réforme constitutionnelle qui renforce les pouvoirs du Parlement !
Nous estimons que la nomination des présidents des sociétés nationales de programme par le Président de la République, dès lors qu'elle est accompagnée d'un double contrôle du CSA et du Parlement, sera tout autant le choix d'un projet que celui d'une personnalité pour le mettre en oeuvre.
Cette nouvelle procédure conduira en effet le pouvoir exécutif à formuler un choix clair pour le service public et à attribuer explicitement la responsabilité du choix à une autorité politique, qui devra assumer cette décision devant l'opinion publique. Le Président de la République se verra ainsi reconnaître le pouvoir de proposer un projet et une personnalité pour le mettre en oeuvre.
Toutefois, il ne s'agira là que d'une proposition…
La nomination, disais-je, sera soumise à deux conditions. D'une part, le Conseil supérieur de l'audiovisuel devra confirmer la proposition du Président de la République. Ensuite, les commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat pourront s'opposer à la nomination à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Un double contrôle s'exercera donc sur la personne et le projet proposés, qui permettra de conjuguer deux regards : celui d'une autorité administrative indépendante, le CSA, à même d'assurer que la personnalité proposée présente toutes les garanties d'indépendance et de compétence et que le projet qu'elle formule pour la télévision publique est solide et abouti ; et celui du Parlement, qui pourra à cette occasion apprécier et délibérer publiquement.
Ainsi, à l'avenir, la nomination du président des sociétés nationales de programme impliquera le triangle institutionnel suivant. Dans un premier temps, le Président de la République – dont je rappelle qu'il est élu par le peuple au suffrage universel – choisira une personnalité disposant non seulement des compétences et de l'indépendance voulues, mais qui aura également formulé un projet clair et ambitieux pour le service public. Ensuite, le CSA disposera d'un véritable pouvoir de codécision, puisqu'il pourra refuser la proposition du Président de la République.
Si la personnalité pressentie ne lui paraît pas présenter les compétences ou les garanties d'indépendance nécessaires ou si son projet ne lui paraît pas suffisamment solide, le CSA pourra bloquer définitivement la nomination.
Quelle impudence il y aurait à contester la nomination d'une personnalité choisie pour ses compétences par le Président de la République !
Troisièmement, le Parlement, par le biais des commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat, disposera enfin d'un véritable pouvoir d'opposition, qui pourra être exercé à la majorité des trois cinquièmes après audition publique.
Aux yeux du groupe UMP, l'indépendance du président des sociétés nationales de programme sera ainsi pleinement garantie : l'intervention du pouvoir législatif et celle d'une autorité administrative indépendante garantiront tout à la fois la formulation d'un choix politique clair et responsable, comme le fera l'intervention d'une autorité administrative indépendante, garante des droits et libertés.
Mes chers collègues, la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public est un sujet trop sérieux…
…pour se prêter à la caricature qu'en a faite la gauche ! Vos litanies sur le « coup d'État permanent » ou la mise en cause des libertés publiques ne convainquent personne !
Elles ne vous convainquent même plus vous-mêmes ! À défaut d'arguments persuasifs, vous en êtes rendus à des invectives contre le CSA et à des attaques ad hominem contre son président.
C'est vrai !
Vous en êtes même rendus à négliger l'intervention du Parlement dans la nomination des présidents de chaînes – mais il est vrai que vous avez refusé de voter la réforme constitutionnelle qui renforce les pouvoirs du Parlement.
Qui peut imaginer que ces nominations pourraient satisfaire à une convenance ou au fait du prince, alors qu'elles concernent la télévision des Français ? À l'évidence, les verrous mis en place susciteront le débat public. C'est donc sous les yeux des Français qu'auront lieu ces nominations, en toute transparence et en toute démocratie.
C'est pourquoi le groupe UMP votera le projet de loi organique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Madame la présidente, madame la ministre, nous venons d'écouter Michel Herbillon : s'il avait été une femme, on aurait cru entendre la comtesse de Ségur, dans la Bibliothèque rose !
N'oubliez pas, monsieur Herbillon, que si la réforme constitutionnelle a été votée, vous le devez à une trahison, puisqu'il s'en est fallu d'une voix, et c'est cette voix que l'histoire retiendra : celle d'un joueur qui a marqué contre son camp !
Je soutiens la dernière motion de procédure de ce débat, qui vous offre la possibilité d'un dernier sursaut pour renvoyer ce texte en commission.
Je ne doute pas, chers collègues, que l'électro-encéphalogramme qui témoigne de la vitalité de votre esprit critique se réveillera !
La loi organique relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société chargée de l'audiovisuel extérieur de la France, combinée avec la loi relative à l'audiovisuel public, est une étape de plus dans la construction d'un État de plus en plus autoritaire et autocratique, à laquelle le Président de la République s'applique méthodiquement et sans relâche depuis le premier jour de son mandat présidentiel. Ce n'est pas Frédéric Lefebvre qui me démentira…On demande aux parlementaires de renforcer le pouvoir présidentiel, de consentir à l'abaissement de la qualité et à l'appauvrissement du débat démocratique. Ce n'est pas encore le retour de la fleur de lys et de l'aigle impérial sur nos bannières nationales, mais peut-être y verra-t-on un jour, pour marquer la présidence, figurer une montre Rolex !
Pour ce qui me concerne, j'ai toujours la même montre ! Mais si vous voulez parler de montres, parlons-en ! Vous êtes toujours en retard sur votre temps : la preuve en est que vous répétez les excès d'autoritarisme que notre État a parfois connus au cours de son histoire. Alors, monsieur Herbillon, allez vous acheter une montre, mais pas nécessairement une Rolex, qui ne fait que traduire la prétention des petits bourgeois qui ont besoin d'exhiber leur aisance toute neuve !
Face à la crise économique que le Président de la République n'a pas vu venir, alors qu'elle avait commencé, de l'avis des économistes, pour les phénomènes les plus saillants, dès l'été 2007, et dans la crainte de la montée du mouvement social, laquelle s'est déjà concrétisée le 29 janvier dernier, avec une grève largement suivie, tant dans le secteur privé, que dans le public, et des manifestations de masse, comme on n'en avait pas vu depuis des décennies, face à ce mouvement de notre peuple, Nicolas Sarkozy veut accélérer le renforcement du caractère autoritaire et antidémocratique du régime.
Depuis le début de son mandat, il s'arroge des pouvoirs qui appartiennent au Gouvernement et au Premier ministre. Il viole constamment l'article 5 de la Constitution, qui le définit uniquement comme un arbitre. Chers collègues, le texte de la Constitution figure dans le petit volume qui nous est remis au début de la législature, mais je doute que vous l'ayez jamais lue !
Monsieur Herbillon, vous seriez plus crédible si, non content de l'avoir lue, vous la mettiez en pratique ! On ne juge de la sincérité que par la pratique qui accompagne l'exhibition des convictions !
Et même si je n'ai jamais été d'accord avec la Constitution de la Ve République, elle est notre loi commune.
Vous n'êtes pas des républicains dans la mesure où vous admettez que le Président de la République viole chaque jour l'article 5 de la Constitution, qui définit le Président comme un arbitre, alors que celui-ci se substitue aux compétences du Gouvernement définies à l'article 20 et consistant à déterminer et à conduire la politique de la nation. Dans notre Constitution, celui qui dirige l'action du Gouvernement, c'est le Premier ministre, et personne d'autre ! Or le Président de la République a relégué la fonction de Premier ministre au rang de grand vizir !
La dérive présidentialiste a commencé dès le début du quinquennat – et, madame Albanel, vous avez été l'une des victimes de cette pratique – avec l'envoi de lettres de mission, cosignées du Président de la République et du Premier ministre, le premier étant clairement incompétent pour donner des consignes aux ministres. Madame Albanel, vous auriez été bien inspirée de renvoyer la lettre à l'expéditeur, puisqu'il n'avait pas compétence…
Absolument ! Envoyer une copie à un membre de l'opposition est un signe de foi démocratique !
Le Président de la République nomme les ministres, et il les charge d'une mission !
Le Président de la République a pour déplorable habitude d'annoncer ses décisions lors d'allocutions publiques, souvent sans avoir consulté ni informé le ou les ministres concernés du contenu de sa décision. Ainsi le Président rétablit-il la pratique des ukases des tsars d'autrefois ou des bulles papales !
Madame la ministre, vous savez de quoi je veux parler puisque, parmi les mets qui ont votre préférence, il n'y a pas seulement le foie gras, il y a aussi les couleuvres ! Vous appréciez en connaisseuse, je le vois, et vous en avez déjà avalé pas mal depuis votre arrivée au ministère…
Du fait de cette pratique du Président de la République, nous avons des lois d'affichage bâclées, de mauvaise qualité, essentiellement faites pour endormir l'opinion, et dont les décrets d'application sont très longs à venir, voire ne viennent jamais.
Une nouvelle étape, dans ce que j'avais appelé, monsieur Herbillon, avant même Arnaud Montebourg, la « poutinisation » rampante du régime, est la restriction du droit d'expression des parlementaires, que vous êtes en train de mettre en oeuvre, en corsetant globalement le temps de parole des débats parlementaires. C'est l'instauration du « temps guillotine » qui va stériliser les discussions parlementaires, et donc, renvoyer davantage la protestation dans la rue.
Outre cette dérive dans le fonctionnement des institutions, plusieurs dispositions législatives, réglementaires, et une série d'événements récents doivent nous alerter sur la dérive autoritaire et policière de notre pays. Je ne les détaillerai pas, Patrick Braouezec l'ayant déjà fait.
Dans ce contexte délétère où le Président de la République s'attribue en permanence des pouvoirs qui appartiennent au Gouvernement, où le Parlement va être muselé par la réduction du temps de parole, et donc, du droit d'amendement de l'opposition, et où les magistrats sont mis au pas, il aurait été incohérent et même incompréhensible, dans votre logique, que les médias publics ne soient pas, eux aussi, réformés et encadrés pour servir les volontés ou les caprices présidentiels. Pour les médias privés, copinages et coquineries sont déjà la règle. Le pouvoir du clan présidentiel doit être sans cesse renforcé pour mieux asseoir sa domination, à la veille d'élections européennes qui s'annoncent très délicates pour la majorité, et dans la perspective de l'élection présidentielle de 2012, à un moment où les dogmes libéraux sont battus en brèche par les effets de la crise et où notre peuple s'indigne, à juste titre, de la domination de la société par les puissances d'argent.
Aujourd'hui, il est d'autant plus nécessaire et urgent pour le pouvoir exécutif de contrôler les médias que le discours présidentiel est de plus en plus fortement dévalorisé aux yeux des Français. Car, après les promesses démagogiques de la campagne présidentielle, telles que « Je serai le Président du pouvoir d'achat », ou encore « Travailler plus pour gagner plus », voire « Je veux une France de propriétaires », ce sont les rodomontades égrenées au fil des très nombreux discours présidentiels…
Qui valent mieux que ceux de M. Brard, qui parle beaucoup pour ne rien dire !
…qui font, elles aussi, naufrage. Monsieur Lefebvre, vous qui êtes un idolâtre parmi les idolâtres, je vous propose de vous inspirer de la pratique nord-coréenne…
…de graver dans le marbre les saintes paroles de votre idole et de remplacer les bornes kilométriques par les déclarations de votre saint homme !
Enfin, cette phrase restera dans l'histoire : « Désormais, quand il y a une grève, plus personne ne s'en aperçoit ! » Le Président aurait mieux fait de se mordre la langue plutôt que de prononcer, le 5 juillet 2008, lors du Conseil national de l'UMP, cette phrase qui avait, d'après la presse, déclenché l'hilarité et les applaudissements des quelque 2 000 cadres et conseillers nationaux du parti, autant dire la crème des courtisans ! Plus encore que par son caractère provocateur, elle est remarquable par sa déconnexion d'avec la réalité du pays, qu'elle trahit crûment. Les faits n'auront donc pas été bien longs à démentir les illusions présidentielles !
Il y a eu aussi le discours de Toulon, en décalage total avec les multiples discours délibérément anesthésiants de Mme Lagarde. Après avoir fustigé et pourfendu un supposé capitalisme financier, qu'il faudrait opposer à un capitalisme entrepreneurial paré de toutes les vertus, le Président de la République a multiplié les annonces ronflantes. Il a ainsi déclaré : « Je n'hésite d'ailleurs pas à dire que les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs doivent être désormais encadrés. Il y a eu trop d'abus, il y a eu trop de scandales. Les responsabilités doivent être recherchées et les responsables de ce naufrage doivent être sanctionnés, au moins financièrement. » Où sont les sanctions concernant M. Milhaud, M. Bouton et quelques autres appartenant au même « syndicat », comme on le disait autrefois à Chicago ?
Il va falloir s'attaquer au problème de la complexité des produits d'épargne, disait-il, de l'opacité des transactions. Mais, depuis ces discours, rien n'a été fait ! C'étaient seulement de magnifiques envolées. Hormis un code de bonne conduite, laborieusement élaboré par Mme Parisot, dont le seul objectif était d'endormir l'opinion, rien n'a été fait ! Il faut dire que le MEDEF n'en était pas à sa première tentative, puisqu'en 2002 il y avait eu le rapport Bouton et en 2003 – écoutez bien ! – un « rapport du comité d'éthique du MEDEF » ! Comme si, au MEDEF, on savait ce que c'est que l'éthique ! Rappelez-vous, mes chers collègues, l'UIMM ! Pourquoi ne dites-vous rien ? Pourquoi regardez-vous la pointe de vos chaussures ? Eh oui, c'est de vos amis que je parle ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Kert, tout est dans tout et réciproquement ! Et vous devriez savoir que, pour vendre votre salade, vous avez besoin de deux piliers : bâillonner le Parlement, au moyen de la réforme constitutionnelle, et bâillonner la libre parole, par le biais des dispositions que nous évoquons en partie aujourd'hui.
Mais nous n'avions pas encore entendu le pire ! Lundi dernier, Nicolas Sarkozy a installé – et cela vous concerne, madame la ministre – le nouveau conseil pour la création artistique, qu'il va présider lui-même, en lui fixant pour mission d'impulser un « changement de culture » et pour ambition de faire de la culture « la réponse de la France à la crise économique ».
Madame Albanel, je n'aurai pas la cruauté de vous demander ce que vous pensez en ce moment in petto, parce que je suis sûr que vous pensez la même chose que moi !
Nicolas Sarkozy s'autoproclame président du nouveau Conseil pour la création artistique ! Autant aller chercher un charcutier pour opérer une affection profonde ! Depuis quand Nicolas Sarkozy a-t-il des compétences culturelles ? Depuis le temps qu'il est entré en politique, cela se serait remarqué. Jamais nous n'avons entendu sa voix ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La culture n'est pas partout ! Elle a du mal à pénétrer chez les ignorants, monsieur Kert ! On ne peut pas vous faire ce grief, pas plus qu'à M. Martin-Lalande et à quelques autres ici.
Monsieur Kert, il ne faut pas confondre l'habileté avec la culture, avec le partage de notre héritage culturel et intellectuel ! On ne peut pas avoir comme idoles Doc Gynéco et Johnny Hallyday et promouvoir en même temps Marguerite Yourcenar !
Le Président a encore déclaré, dans un discours prononcé à l'Élysée devant plus de 300 représentants du monde de la culture – et je vous demande de m'écouter parce que c'est très important d'un point de vue idéologique – : « Je crois fondamentalement à la capacité de l'État à impulser un changement de culture, pour apprendre à mieux soutenir le processus de création. »
Le Conseil pour la création artistique a pour délégué général M. Marin Karmitz.
Si vous voulez, cher collègue, mais cela ne change rien au fait qu'il est le roi du pop-corn dans les salles de cinéma et que c'est à partir de cela qu'il réalise ses marges !
Il faut – sans doute le savez-vous – faire une place aux femmes. Or le Conseil pour la création artistique ne compte qu'une seule femme : Dominique Hervieu, directrice du Théâtre national de Chaillot, qui doit se sentir un peu seule et penser qu'elle sert d'alibi.
Voilà donc qu'arrive en France la conception de triste mémoire de la culture impulsée, inspirée et encadrée par l'État, conception qui était déjà en germe dans la lettre de mission que vous reçûtes, madame Albanel. L'État établit les critères permettant de distinguer la bonne culture et celle qui ne mérite pas le soutien des pouvoirs publics, comme, dans les textes sacrés, on distinguait le bon grain de l'ivraie ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je n'ai jamais été idolâtre, mes chers collègues, ni de Brejnev, ni de Soljenitsyne ! Je suis un esprit libre ! Nous, parlementaires, qui n'avons pas de mandat impératif, avons le devoir de prétendre à l'indocilité pour bien représenter nos concitoyens, et non les intérêts privés et égoïstes du grand capital qu'incarnent les banquiers !
Plusieurs députés du groupe UMP. Il l'a dit !
Je l'ai dit et vous l'attendiez ! En effet, vous êtes fondamentalement là pour cela !
Cela éclaire évidemment les objectifs réels des textes relatifs à l'audiovisuel public, ainsi que les discours creux et trompeurs sur la recherche de la qualité du service public. La cohérence et les poisons du dispositif présidentiel apparaissent clairement, ainsi que l'urgence d'y faire échec.
C'est pour empêcher que le peuple français réagisse à tout cela, qui constitue autant de remises en cause de ce qu'est la France, c'est pour empêcher l'opinion publique de s'emparer de toutes les raisons qu'elle a de se révolter qu'avec la nomination, et pis encore, la révocation des présidents des sociétés de l'audiovisuel public, vous substituez à celui-ci l'audiovisuel d'État. Louis XIV disait : « L'État, c'est moi. » Nicolas Sarkozy peut, quant à lui, dire : « Moi, c'est l'État. » Nous ne voulons pas de cet État, et nous continuerons de le combattre !
Mes chers collègues, ressaisissez-vous avant d'avoir des comptes à rendre devant notre histoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Patrick Bloche.
Je suis particulièrement heureux d'expliquer le vote de mon groupe sur la motion de renvoi en commission que notre collègue Jean-Pierre Brard vient de défendre avec son brio habituel !
Vous avez eu tort, chers collègues de la majorité, de railler Jean-Pierre Brard dans sa démonstration si pertinente. Au-delà du talent oratoire qu'on lui connaît et de cette qualité rare qu'est la repartie, il a développé, comme Michel Françaix dans cet hémicycle en ce début d'après-midi, des arguments ô combien pertinents. Alors que nous terminons l'examen du texte bien mal intitulé « Réforme de l'audiovisuel public », car il s'agit plutôt de la régression de l'audiovisuel public, avouons qu'il serait temps, comme vous y appelait Jean-Pierre Brard, de vous ressaisir.
Michel Françaix et moi-même connaissons bien de nombreux collègues ici présents. Nous avons travaillé ensemble sur de nombreux textes, notamment sur la grande loi de l'audiovisuel de 2000 présentée par la gauche. Nous avons également participé à la commission Copé. Celle-ci comptait quatre ateliers, dont un sur la gouvernance. Je m'étais d'ailleurs permis dans cet hémicycle de lire très précisément les conclusions du rapport de la commission Copé sur la nomination du président de France Télévisions, du président de Radio France et du président de l'audiovisuel extérieur de la France. Nous avions dit à l'unanimité – parlementaires de la majorité comme de l'opposition et professionnels composant cette commission – qu'il ne fallait toucher à rien ! Depuis bientôt vingt-huit ans, depuis l'élection de François Mitterrand, depuis que nous sommes passés de l'ombre à la lumière s'agissant de l'indépendance des médias et le pluralisme de l'information (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)… Oui, chers collègues de la majorité, nous sommes passés en ce domaine, que vous le vouliez ou non, de l'ombre à lumière ! En effet, c'est en libérant les ondes, en créant une Haute Autorité, que le pouvoir politique d'alors – celui de la gauche –, sous l'autorité du Président Mitterrand, a enfin permis d'établir les premières bases de l'indépendance des médias et du pluralisme de l'information !
Il convenait tout simplement, en ce domaine, de prendre en compte un principe républicain au coeur de notre Constitution, au coeur du fonctionnement de nos institutions : celui de la séparation des pouvoirs. Qui pourrait aujourd'hui nier que le pouvoir des médias est un quatrième pouvoir, qui, comme le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif, doit bénéficier des garanties de la loi pour assurer son indépendance à l'égard du pouvoir politique, qui est avant tout le pouvoir exécutif ?
La jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante depuis vingt-cinq ans. Ses décisions – qu'il ait été saisi par vous, quand vous étiez dans l'opposition, ou par nous aujourd'hui – ont toujours été en faveur de l'indépendance des médias à l'égard du pouvoir politique.
L'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen a été rappelé à de nombreuses reprises et à juste raison.
Il y a quelque paradoxe, chers collègues de la majorité, à ce que vous citiez constamment la récente révision constitutionnelle – que nous n'avons pas votée, ce que nous ne regrettons pas à l'heure qu'il est, croyez-le bien. Vous nous dites, en effet, que les commissions des affaires culturelles des deux assemblées constitueront un verrou, puisque la nomination décidée par le Président de la République pourra être refusée lorsque les votes négatifs dans chaque commission représenteront au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés. Si le sujet n'était pas grave, cela prêterait à sourire !
Je vous rappelle que nous avons modifié l'article 34 de la Constitution, qui comporte désormais une disposition concernant les médias ainsi rédigée : « La loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordés aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias. » Cela amènera donc notre groupe à saisir, mais ce n'est guère une surprise, le juge constitutionnel sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi définitivement adopté hier par le Sénat a institué une dépendance budgétaire. Ce projet de loi organique en met en place une nouvelle : la dépendance politique.
Certains collègues de la majorité, avec le talent d'acteur qu'on leur connaît,…
…se sont offusqués des propos que nous avons tenus sur M. Boyon, président du CSA. Ce n'est, en l'occurrence, pas l'institution que nous attaquons, c'est tout simplement le fait que le président Boyon n'assume pas, de notre point de vue, les responsabilités qui sont celles d'un président d'une haute autorité indépendante.
Je lisais une récente interview de M. Boyon qui déclarait que l'indépendance n'était pas la condamnation au silence. À chaque fois que M. Boyon a été amené à s'exprimer dans la dernière période, cela a été pour voler au secours du Gouvernement ! Ce n'est pas l'homme qui est en cause ! Je garde même personnellement un bon souvenir du maître de conférences en droit public qu'il était à Sciences Po.
Mais il a été, ne l'oublions pas, le directeur de cabinet de M. Raffarin, alors Premier ministre ! C'est un homme politiquement engagé qui, en l'occurrence, a oublié qu'il était président d'une haute autorité indépendante et a volé au secours du Président de la République et du Premier ministre en défendant ce mauvais projet de loi que nous combattons depuis déjà maintenant plusieurs semaines.
Il a été interpellé, dans cette même interview, sur sa volonté d'appliquer aux radios comme aux télévisions la répartition des trois tiers du temps de parole. Comment ne pas être surpris qu'il se soit également condamné au silence sur ce qui est un autre déni de démocratie, à savoir que le temps de parole du Président de la République, aussi prolixe aujourd'hui, ne soit pas comptabilisé avec celui de la majorité ?
En un mot – et je vous remercie, madame la préside, de me laisser conclure – nous pensons que la grave erreur que vous commettez avec ce projet de loi organique, madame la ministre, chers collègues de la majorité, est de sous-estimer fortement, pis d'ignorer délibérément, l'attachement des Français, exprimé à plusieurs reprises, à l'indépendance et l'impartialité du secteur public de la radio et de la télévision.
Il est parfois bon de rappeler – ce que je me permets de faire en conclusion – cette évidence qui se trouve dans cette formule connue de tous et que nous devons à l'auteur de De l'esprit des lois : « Pour qu'on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Ce n'est malheureusement pas le cas avec ce projet de loi organique et c'est la raison pour laquelle notre groupe votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est un des meilleurs orateurs de notre assemblée. Il y a dans ses propos de la culture et de l'humour. Bref, c'est un plaisir !
Toutefois, lorsqu'on va au fond du discours…
… – on le fait à la loyale –, on constate qu'il est un nostalgique du centralisme démocratique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le coeur de sa pensée est de soupçonner le Président de la République de vouloir influencer et manipuler l'opinion publique française en pilotant directement l'audiovisuel public.
Cette analyse sent bon la France de 1960 ! La société est, en effet, devenue autrement plus complexe que cela. Si vous pensez que notre jeunesse, notamment la génération Internet, celle de « Facebook », celle des réseaux sociaux, va se laisser manipuler parce que le Président de la République aura nommé directementles présidents des sociétés de l'audiovisuel public, cela sent bon, je le répète, la France de 1960 !
La société est devenue beaucoup plus complexe, beaucoup plus libre. Le débat a eu lieu et nous avons dit ce que nous avions à dire, notamment, avec force, sur le financement. Sur ce point, on aurait pu faire différemment, mais, je vous en supplie, ne restez pas dans des schémas qui, encore une fois, sentent bon la France de 1960.
Nous sommes beaucoup plus girondins, beaucoup plus décentralisés, et si important que soit l'audiovisuel public, ce n'est qu'un élément dans tout ce qui peut peser dans la constitution de l'opinion publique, notamment de la jeunesse.
Le débat a eu lieu, chacun a dit ce qu'il avait à dire. Ce n'est vraiment pas le moment de recommencer en retournant en commission. Mesdames, messieurs de gauche, laissez vivre le système et, méfiez-vous, vous serez peut-être surpris par le Président de la République. Et s'il nommait comme président de société de l'audiovisuel public quelqu'un de votre famille politique (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
…seriez-vous prêts à ce séisme ?
En attendant, le match a été joué. Le groupe Nouveau Centre ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue, madame Boutin. Vous allez entendre les derniers arguments que nous allons développer pour essayer de convaincre nos collègues et de les ramener non pas à la raison, parce que c'est difficile, mais au moins à la conscience qu'en votant cette loi organique, ils vont prendre une mauvaise décision. Vous avez prouvé au cours de la dernière période votre autonomie et votre liberté de parole par rapport à l'UMP omniprésente. J'espère que vous serez sensible à nos arguments.
C'est dommage !
M. Brard a eu raison de développer des arguments en les rapprochant, comme je l'avais fait, d'autres faits qui marquent l'omniprésence voire l'omnipotence de notre Président de la République. Je suis persuadé qu'un grand nombre de Français ne savent pas quel est le rôle réel du Président de la République dans la Constitution française.
Patrice Martin-Lalande nous faisait remarquer tout à l'heure que le Président de la République nommait les ministres, mais il les nomme sur proposition du Premier ministre. Dans notre constitution, il y a deux titres différents, le titre II, qui concerne le Président de la République, et le titre III, qui concerne le Gouvernement. C'est le Gouvernement qui détermine sa politique et qui la conduit. Or, aujourd'hui, c'est le Président de la République qui détermine la politique du Gouvernement et qui la conduit. On ne respecte plus la Constitution de 1958. Ce n'était pourtant pas un modèle à nos yeux, vous le savez,…
…mais elle avait au moins le mérite de faire la part des choses entre le Président de la République, qui, normalement, devrait être le garant d'une certaine indépendance et représenter l'ensemble des Français, et un Gouvernement, qui a des options politiques et les met en oeuvre.
C'est cette constitution qui est bafouée. M. Brard, comme je l'avais fait, a montré toutes les dérives du régime. Il y a aujourd'hui, que vous le vouliez ou non, une dérive autoritaire du régime présidentiel. Que nous y soyons confrontés au sujet du pouvoir médiatique pose problème.
Il y a quatre pouvoirs dans ce pays, qui, de plus en plus, sont déterminés par l'action du Président de la République : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire, avec la remise en cause d'un certain nombre de choses, notamment des juges d'instruction, et le pouvoir médiatique, avec cette nomination.
Bien sûr, il y a Internet, et vous avez raison de faire confiance aux jeunes. Moi aussi, je leur fais confiance. Il n'empêche que la volonté de ce Président de la République, c'est d'essayer de museler l'opinion et la liberté d'esprit – et il faut le dire haut et fort.
Nous, nous prenons date. Je disais tout à l'heure que nous serions sans doute les seuls à regretter le choix qui est fait aujourd'hui. J'espère franchement que, demain, nous ne serons pas plus nombreux à le regretter, sur tous les bancs de cette assemblée. Avec ce texte de loi, nous mettons le doigt dans un engrenage qui pourra être utilisé par n'importe qui et pas simplement par des démocrates. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Nous arrivons au terme de ce débat. Il a été long, c'est le moins que l'on puisse dire, et nourri, durant de très nombreuses soirées au cours desquelles de nombreux arguments ont été échangés. Ce sur quoi nous devons nous prononcer maintenant, c'est sur un renvoi en commission. Nos collègues de gauche nous donnent des leçons de démocratie, mais ce à quoi nous devons répondre, c'est s'il y a lieu de renvoyer le texte en commission. Il n'y a pas lieu de faire les discours qu'on a entendus sur des sujets qui n'avaient strictement rien à voir avec la motion.
J'ai pensé que nos collègues de l'opposition faisaient un rêve, avaient subitement le sentiment d'être majoritaires et faisaient un discours de politique générale en demandant à l'Assemblée de leur voter la confiance. Réveillez-vous, ressaisissez-vous, comme dirait Jean-Pierre Brard, ce n'est pas l'objet du débat. Nous n'assistons pas au discours de politique générale du parti communiste, nous devons expliquer notre position sur un éventuel renvoi en commission du texte dont nous débattons depuis plus d'un mois et sur lequel nous travaillons depuis un an.
Mais il est ce que les géographes appellent la butte-témoin, il est comme une butte-témoin d'un monde révolu.
Il nous fait, comme ses collègues, la séquence vintage, la séquence rétro, et il faut vraiment se pincer quand on les écoute. Ils ont été les plus grands pourfendeurs de la Constitution de 1958.
Quand ils étaient membres et militants du parti communiste, ils votaient non à la Constitution et ils nous donnent maintenant des leçons extraordinaires sur la Constitution de la Ve République et la manière de l'appliquer. On se pince pour savoir si l'on n'est pas en train de rêver.
Quant à vous, mes chers collègues du groupe socialiste, je suis surpris que, pour la nomination des présidents de l'audiovisuel public, vous fassiez si peu confiance à l'autorité indépendante qu'est le CSA et au Parlement, dont nous sommes membres les uns et les autres, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons, et dont les commissions chargées de ces questions, les commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat, auront à intervenir. Faut-il que vous ayez peur de vos propres arguments pour vous méfier à ce point du pouvoir de contrôle et d'opposition du Parlement sur ces nominations, comme de celui du CSA !
Je vous donne rendez-vous. Vous serez sans doute surpris par le débat public qui sera organisé nécessairement lorsqu'il s'agira de la nomination des présidents de l'audiovisuel public. À l'évidence, au lieu d'avoir les nominations de convenance que vous évoquez pour faire peur aux Français alors qu'il faudrait faire de la pédagogie, nous aurons un débat public, en pleine transparence, en pleine démocratie.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP ne votera pas ce renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, l'article unique du projet de loi sur lequel les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, inscrit sur l'article.
Non, parce que la lutte va continuer, rassurez-vous.
Monsieur Herbillon, vous nous avez beaucoup impressionnés, avec vos trémolos dans la voix, comme les marchands qui vendent des cravates dans des parapluies retournés sur les marchés.
Vous voulez même nous écrire notre texte. Vous critiquez ce que nous disons parce que ce n'est pas conforme à la pensée unique que vous développez. Chers collègues de la majorité, vous me faites penser à l'armée enterrée de Xi'an. Vous présentez bien, mais vous êtes immobiles dans votre pensée et vous ne pouvez pas bouger.
Vous allez même, monsieur Herbillon, jusqu'à critiquer le fait que nous ayons combattu la Constitution de 1958. Nous ne sommes pas des girouettes. Nous avons toujours fondamentalement la même opinion sur la Constitution de 1958, c'est-à-dire qu'elle ne donne pas assez de possibilités au peuple français de s'exprimer ni au Parlement d'exercer ses prérogatives, mais nous sommes des Républicains conséquents. La Constitution de 1958, aussi fortement l'ayons-nous combattue, c'est notre loi commune.
Ce que nous critiquons aujourd'hui, c'est que le Président de la République la viole tous les jours, alors qu'il devrait la protéger. Que nous la défendions, je comprends que cela vous dérange. Il s'agit de veiller à la légalité de nos institutions, et cela passe par le respect de notre loi fondamentale. Ce que critiquaient nos prédécesseurs en 1958, c'est la dérive autoritaire. Ce que nous critiquons aujourd'hui, c'est que vous l'aggravez considérablement.
Montesquieu a été évoqué à plusieurs reprises. Si l'on reprend l'enseignement de celui qui devrait être notre maître à tous…
Monsieur Soisson, ce n'est pas l'heure d'évoquer ces sujets.
Il y a trois pouvoirs d'après Montesquieu, les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif, qui sont sur le même plan.
Nicolas Sarkozy a inventé quelque chose de nouveau : la « démocratie matriochkas » – vous savez : ce sont les poupées russes. La plus petite, c'est le pouvoir législatif. L'enveloppant, parce que vous lui coupez les ailes, il y a le pouvoir judiciaire. Puis il y a le pouvoir médiatique, qui n'avait pas été imaginé par Montesquieu mais qui est normalement le domaine de la libre confrontation et de la libre parole ; avec votre loi, vous le muselez. Enfin, enveloppant tout cela, il y a le pouvoir exécutif, entre les mains d'un seul homme, tenant dans sa main droite, non pas le globe, mais la France, captive de ses fantasmes. Cela, nous ne pouvons l'accepter.
Ce quatrième pouvoir, dont a parlé Patrick Bloche, existe. Vous refusez de le reconnaître pour ce qu'il est, et c'est pourquoi vous ne voulez pas nous entendre.
Si vous aviez voulu faire une avancée, vous auriez au moins retenu les propositions de nos collègues sénateurs. Notre collègue Dionis du Séjour est dans la contradiction et le déchirement perpétuels : il affiche des convictions, mais à peine les a-t-il énoncées qu'effrayé de sa propre audace, il se masque le visage pour ne pas voir qu'il est tout rougissant !
Nous devons absolument vous empêcher de commettre ce forfait.
M. Herbillon a parlé de la jeunesse, et cela m'amène à la conclusion de mon propos.
Précisément, vous ne supportez pas la jeunesse ! Rappelez-vous : sur le CPE, elle vous a botté les fesses ! Le 29 janvier, les jeunes étaient également dehors, mais la journée était en réalité intergénérationnelle car tout le monde était dehors !
Nous refusons le bâillon que vous voulez nous imposer. Le fait majoritaire fait que vous allez imposer votre texte, mais la bataille continue. Notre peuple, le peuple des jacqueries depuis le Moyen Âge, ne se laisse jamais bâillonner durablement. En cela, nous serons fidèles à l'héritage de la Révolution, de la Commune de Paris, du Front populaire et de la Résistance, dans laquelle s'illustra un homme que vous reniez aujourd'hui : le général de Gaulle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Patrick Bloche a évoqué le souvenir de François Mitterrand. Je m'honore d'avoir été cinq ans le ministre de ce président.
De grâce ! François Mitterrand n'a jamais pratiqué la séparation des pouvoirs, s'agissant des médias, et je ne crois pas que l'on ait jamais pu s'opposer à une nomination décidée par lui,…
…qu'il savait imposer par tel ou tel moyen.
En ce qui concerne les pouvoirs du Président de la République et du Premier ministre, je rappellerai ce qu'étaient les conseils des ministres de François Mitterrand : quand le Premier ministre ne lui plaisait pas, il n'ouvrait même pas le dossier du conseil !
De même, j'ai commencé ma carrière comme conseiller technique auprès d'Yvon Bourges, qui était alors secrétaire d'État dans le gouvernement de Georges Pompidou. Mes chers collègues, de Pompidou à Nicolas Sarkozy, rien n'a changé : le Président de la République est le monarque républicain, il fait ce que bon lui semble, et, dans la majorité, nous soutenons le président que nous avons élu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Sur l'article unique, je suis saisie d'un amendement n° 1.
La parole est à M. Michel Françaix.
Ce qu'a dit M. Soisson est intéressant. Il se trouve que j'ai été chargé de mission du Président de la République entre 1982 et 1988, et je ne me reconnais pas dans un certain nombre de ses propos.
François Mitterrand n'a-t-il pas ouvert de nouveaux espaces de liberté ? N'a-t-il pas fait en sorte qu'il y ait une instance de régulation ? Ne disait-il pas, parce qu'il n'est pas meilleur que les autres : « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, et c'est pourquoi il faut mettre en place des contre-pouvoirs » ? C'était vrai avec François Mitterrand, c'est vrai aujourd'hui avec Nicolas Sarkozy, et cela sera encore vrai dans les trente années à venir. Même si l'on essayait d'imposer des choses à ce qui s'appelait alors la Haute Autorité, il était nécessaire qu'elle fût créée. Vous vous rappelez comment Michèle Cotta, qui en était la présidente, a résisté au Président de la République, qui ne voulait plus de Jean Drucker sur la 3.
Une instance de régulation a un sens. J'aimerais que nous en ayons une qui corresponde à la réalité, j'aimerais que son président soit un peu plus vif que celui que nous avons actuellement, qui a tendance à confondre indépendance et obéissance.
Nous nous éloignons de l'amendement ! Nous ne sommes plus dans le débat !
Puisque nous sommes en train de légiférer pour les trente années à venir, même si vous pensez que le Président Sarkozy n'abusera jamais de ses pouvoirs, vous ne pouvez être sûrs que, dans les trente prochaines années, un président, un jour, ne voudra pas en abuser. Personne parmi nous ne peut penser un seul instant que supprimer une instance de régulation et de contrôle soit un progrès.
Le Président Sarkozy est quelqu'un qui joue toujours avec un ou deux ans d'avance, y compris sur son gouvernement et son Premier ministre. Au passage, si François Mitterrand faisait peut-être taire tel ou tel Premier ministre, l'actuel titulaire du poste ne pense même pas qu'il peut ouvrir la bouche lors d'un conseil des ministres. Le Président Sarkozy s'est donc dit : « La première année, il suffira de dire que c'est la faute de nos prédécesseurs. » Je ne sais pas s'il faisait allusion à Jacques Chirac ou à Lionel Jospin, car il y a tout de même un petit moment que nous avons passé la main.
Ensuite, il s'est dit : « Nous allons pouvoir dire, pendant un certain temps, que si nous ne réussissons pas, c'est la faute de la crise. » Et il essaie de nous faire croire que la crise internationale et la crise française sont la même chose, alors qu'il y a deux crises qui s'additionnent.
En même temps, il anticipe, et il sait que ces deux éléments ne seront pas toujours suffisants. Il a donc mis la main, dans un premier temps, sur le pouvoir exécutif. Je déplore, madame la ministre, que le cabinet de l'Élysée parle parfois à votre place ; nous voyons bien, par exemple, qui a la parole aux états généraux de la presse. Je pense que vous avez sans doute plus de choses à dire que ceux qui parlent.
Il a aussi essayé de tuer le législatif. Comment allons-nous survivre, avec le « temps guillotine » ? Et on nous fera demain quelques petits découpages de circonscriptions, pour améliorer les choses !
À présent, il s'agit de s'attaquer aux médias, à ce que nous pouvons considérer comme le quatrième pouvoir ou comme le contre-pouvoir des trois premiers. Le Président Sarkozy considère que Bouygues, Bolloré, Dassault, Arnault, Lagardère ne lui suffisent pas ; il veut aussi avoir le service public sous sa domination.
Vous me direz : « Mais vous ne faites pas confiance aux journalistes, vous ne faites pas confiance au président du service public qui sera nommé ! » Quelles que soient les qualités de ce dernier, il sera contraint, ne serait-ce que pour ne pas avoir à revenir en arrière à chaque instant, de renoncer à sa propre logique.
Voilà pourquoi la suppression de cet article me paraît indispensable et nécessaire. Il est encore temps, chers collègues de la majorité, de comprendre que ces arguments, comme ceux qui ont été développés par nos collègues, sont suffisamment forts pour entraîner votre adhésion. Ce texte est un retour en arrière, une régression démocratique qui n'a d'exemple dans aucun autre pays occidental. Ne serait-ce que pour cette raison, je pense que vous allez peut-être vous ressaisir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Personne ne s'étonnera que l'avis de la commission soit tout à fait défavorable à cet amendement…
…qui voudrait revenir sur l'ensemble de ce texte et sur l'esprit qui l'inspire, que nous défendons depuis tant et tant d'heures ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Défavorable.
C'est un peu bref ! Vous êtes pourtant ministre de la culture, vous devriez avoir du vocabulaire.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
Nous en venons aux explications de vote sur l'article unique du projet de loi.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe SRC.
Nous en arrivons au terme de cette discussion, et il me revient donc, au nom du groupe SRC, de tirer le bilan de ce que nous avons vécu dans cet hémicycle ces dernières semaines, et que l'on pourrait résumer par une formule simple : le pouvoir actuel a souhaité mettre l'audiovisuel public sous une double dépendance budgétaire et politique.
La dépendance budgétaire a malheureusement été entérinée par le vote du Sénat hier. Nous avons essayé, tout au long de cette journée, de convaincre la majorité de cette assemblée qu'il fallait à tout prix éviter ce fantastique retour en arrière, cette régression inacceptable, et préserver l'audiovisuel public de la dépendance politique dont il sera inévitablement menacé si ce mauvais projet de loi organique est adopté.
Comment nier, en effet, que ce pouvoir de vie et de mort – de nomination et, ce qui est pire encore, de révocation – sur les présidents des sociétés de l'audiovisuel public se traduira par une pression continuelle, qui se diffusera jusque dans les rédactions, menaçant le pluralisme de l'information ?
C'est la question essentielle de l'indépendance des médias publics par rapport au pouvoir politique qui est posée, et je souhaiterais revenir à ce sujet sur ce qu'ont dit plusieurs de nos collègues, notamment Patrick Braouezec. Chers collègues de la majorité, en défendant ce texte, vous avez essayé de démontrer que nos craintes étaient caricaturales, que jamais, ô grand jamais, un président de la République n'abuserait du pouvoir que lui confère cette loi, et qu'il serait absurde d'envisager une telle chose.
Mes chers collègues, vous avez été un jour dans l'opposition : pouvons-nous, en tant que parlementaires, nous satisfaire de cela ? Pouvons-nous voter un texte qui ne garantit pas pleinement que l'audiovisuel public ne sera pas aux mains du pouvoir politique ? Pouvons-nous voter une loi en nous disant qu'un risque peut être pris ? Assurément, nous ne le pouvons pas, car faire des lois, ce n'est pas laisser le dernier mot à l'aléa, ce n'est pas laisser aux personnalités la possibilité de les interpréter comme bon leur semble, en fonction du moment et des circonstances.
Faire la loi – et c'est ce qui rend notre tâche parfois si difficile, si lourde d'implications –, c'est essayer de tout prévoir. La mission première qui nous a été confiée par le peuple est celle de faire des lois utiles qui puissent s'inscrire dans le temps.
Quelle serait notre conception du travail législatif si la loi qui sortait de cette assemblée s'accompagnait d'un flou pour ce qui est de sa mise en oeuvre ? Faire la loi, c'est également se prémunir contre soi-même ; Michel Françaix le rappelait à l'instant…
…en évoquant le positionnement de François Mitterrand lui-même à l'égard des médias. Faire la loi, c'est envisager ses faiblesses futures pour mieux se les interdire. Restons lucides : oui, le pouvoir politique, comme tout pouvoir, porte en lui le risque de l'abus. Comment ne pas croire qu'il préférera toujours à la rudesse des critiques, la douceur des louanges. Mais c'est de cette faiblesse que le pouvoir politique doit se prémunir en instituant une séparation vraiment nette garantissant le pluralisme de l'information et l'indépendance des rédactions. Tel n'est pas le cas avec ce projet de loi organique. Ce texte n'interdit rien, et nous savons, ici plus qu'ailleurs, que ce que la loi n'interdit pas, elle le permet.
C'est pourquoi nous nous sommes opposés avec conviction – du moins l'espérons-nous, car nous n'avons malheureusement pas convaincu la majorité de l'Assemblée – à ce texte qui, pour nous, marque une régression fondamentale.
Nos collègues de la majorité vont nous dire : « Nos concitoyens ont bien d'autres soucis en ce moment, avec la crise économique et sociale, avec la récession ! Qu'ont-ils à faire de la manière dont sont nommés les présidents de France Télévisions, de Radio France et de l'audiovisuel extérieur de la France ? » Mais justement, mes chers collègues, prenez garde à ce que pensent fondamentalement les Français. On sait leur attachement aux libertés publiques, attachement viscéral parce que séculaire. Les Français, c'est le peuple de la grande Révolution française. À ce titre, ils font preuve d'un attachement historique aux libertés publiques, à l'indépendance des médias et au pluralisme de l'information. Leur attachement est encore plus vif lorsqu'un projet de loi, par la mise sous la double tutelle budgétaire et politique de l'audiovisuel public, ne vise en fait qu'à bâillonner toute opposition, toute manifestation de mécontentement. Mais quand on bâillonne ceux qui protestent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ceux qui ne sont pas d'accord, on prend les plus grands risques qui soient. Chers collègues, dans ce contexte de crise qui va s'approfondir, dans ce contexte de récession, si vous ne permettez pas à ceux qui souffrent de s'exprimer parce que l'audiovisuel aura été bâillonné par le pouvoir politique, vous prenez un risque insensé. Vous prenez le risque que l'expression des protestations de refus se fasse ailleurs que dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
C'est ce que vous essayez de faire, vous et vos collègues, monsieur Bloche !
Madame la présidente, mesdames les ministres – puisque vous représentez aussi le Gouvernement et que vous êtes présente, madame Boutin, même si vous suivez ce texte de loin …
Ces propos n'engagent que M. Brard, madame la ministre du logement. (Sourires.)
Je voudrais d'abord revenir sur les propos de M. Herbillon. Il nous a dit que cela fait maintenant un an que l'on discute du texte. Mais c'est faux : cela ne fait que trois mois.
Monsieur Herbillon, vous le savez très bien, la commission Copé avait formulé des propositions qui ne sont pas retenues dans ce texte de loi. Loin de là !
C'est faux ! Sur beaucoup de points ce sont les mêmes, y compris sur la nomination des présidents !
Je pense notamment à la question qui nous intéresse aujourd'hui. Un grand nombre des députés qui travaillaient dans cette commission avaient formulé d'autres propositions, tout à fait conformes à l'état d'esprit d'une démocratie…
…qui souhaite que les présidents des grands médias puissent échapper à l'autorité du Président de la République. Ne dites pas ce qui n'est pas vrai, monsieur Herbillon. Ce projet de loi ne date que de trois mois, et il n'est pas du tout le fruit de la concertation préalable qui avait été souhaitée lorsque, le 8 janvier 2008, le Président de la République avait pris tout le monde de court, vous y compris, en proposant la suppression de la publicité sur les chaînes publiques.
Par ailleurs, je suis toujours très content de voir Jean-François Copé dans les couloirs de l'Assemblée – je l'ai croisé tout à l'heure encore – parce que j'ai eu très peur qu'il ne meure. En effet, il a dit ici même : « Moi vivant, il n'y aura pas d'augmentation de la redevance. » (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Il a dit qu'il n'y aurait pas d'augmentation de la redevance au-delà de l'indexation !
La redevance a augmenté et, heureusement, M. Copé est toujours vivant. Et j'espère qu'il le restera longtemps.
Vous me permettrez, madame la ministre de la culture, de vous adresser un reproche : je n'ai toujours pas reçu de réponse à une question très précise. Les présidents de France Télévisions, de RFI et de l'AEF vont être nommés par le Président de la République,…
…mais ils sont aussi présidents d'un conseil d'administration : quel sera alors le pouvoir du conseil d'administration face à un président qu'il n'aura pas choisi ni même validé ? J'ai posé cette question à plusieurs reprises. Nous sommes dans une situation complètement inédite : il n'existe pas aujourd'hui un seul conseil d'administration qui n'ait pas élu son président, ou qui n'ait pas au moins validé sa nomination.
Or, dans ce texte de loi, le conseil d'administration n'existe pas. Il n'a plus aucun rôle. À quoi bon avoir un conseil d'administration à France Télévisions puisque son président dépendra directement, pour sa nomination comme pour sa révocation, du Président de la République ?
Cette question, madame la ministre, je vous l'ai posée à trois ou quatre reprises, sans jamais obtenir de réponse.
Enfin, avec cette décision, vous prenez une responsabilité majeure dans l'évolution de la liberté des médias vis-à-vis de tout pouvoir politique. Peu m'importent les critiques de M. Soisson à propos de M. Mitterrand, car, qu'il soit de gauche ou de droite, je ne suis pas rassuré qu'un président puisse avoir de tels pouvoirs. Rien ne me rassure dans ce domaine. Mais vous, vous aurez une responsabilité dans ce dispositif qui engage l'avenir de la démocratie et de la liberté des médias dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre de la culture, nous arrivons au terme de ce débat. Je ne tomberai pas dans le travers de mes collègues de l'opposition,…
…qui consiste, pour la énième fois, à répéter des arguments dont nous avons eu l'occasion de largement débattre au cours des semaines passées. Nous n'avons rien entendu de nouveau de leur part depuis le début de cet après-midi.
Nous avons donc déjà largement débattu de tout cela, et tout le monde sait les raisons pour lesquelles le groupe UMP votera cette réforme audacieuse et novatrice de l'audiovisuel public.
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Article unique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques nos 171 rectifié et 327 rectifié portant article additionnel après l'article 15.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 171 rectifié , 327 rectifié , 444 rectifié et 443 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Michel Piron, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour défendre l'amendement n° 171 rectifié .
Il s'agit de permettre à l'avantage fiscal de continuer après l'échéance de la convention signée avec l'Agence nationale de l'habitat, et ce au plus tard jusqu'à la date prévue pour le renouvellement du bail.
Aujourd'hui, le calendrier qui découle de la signature du bail peut ne pas coïncider avec celui de l'avantage fiscal. Il nous semble normal d'harmoniser les deux durées.
La parole est à M. François Scellier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour soutenir l'amendement n° 327 rectifié .
, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Il est quasiment identique au précédent. Défendu.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir les amendements nos 444 rectifié et 443 .
L'amendement n° 444 rectifié a le même objet que les précédents : la différence est infime. Il est défendu.
Quant à l'amendement n° 443 , il est partiellement satisfait par l'amendement de la commission n° 171 rectifié.
La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.
Le Gouvernement est favorable aux trois premiers amendements, nos 171 rectifié , 327 rectifié et 444 rectifié . Quant au n° 443, je suggère à M. Le Bouillonnec de le retirer, sinon j'émettrai un avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.
Je retire l'amendement n° 443 .
(L'amendement n° 443 est retiré.)
(L'amendement n° 171 rectifié est adopté.)
En conséquence, les amendements nos 327 rectifié et 444 rectifié tombent.
Je suis saisie de cinq amendements, nos 328 , 222 rectifié , 517 , deuxième rectification, 1002 et 1006, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour soutenir l'amendement n° 328 .
Le dispositif « Borloo ancien », on le sait, manque d'attractivité. Dès lors, l'amendement propose de porter à 70 % la déduction pour le calcul du revenu foncier imposable, dans le cas des propriétaires qui louent leur logement à un organisme en vue d'une sous-location à des personnes défavorisées.
Cela concerne les personnes prioritaires au titre du droit au logement opposable, et il faut naturellement que les loyers soient compatibles avec ceux du logement social.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 222 rectifié .
La rédaction de l'amendement n° 222 rectifié nous semble plus complète que celle de l'amendement n° 328 . C'est pourquoi nous l'avons retenue, et nous souhaiterions que M. Scellier accepte de s'y rallier.
L'amendement n° 222 rectifié fait l'objet d'un sous-amendement n° 1069 .
Il vient juste d'être déposé. Je vais suspendre la séance une minute pour vous laisser le temps d'en prendre connaissance.
Après l'article 15
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures seize, est reprise à dix-sept heures dix-sept.)
La séance est reprise.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 1069 .
Le Gouvernement est, lui aussi, bien évidemment favorable à la mise en oeuvre de dispositifs visant à encourager les propriétaires à louer leur logement à un organisme en vue de leur sous-location à des personnes défavorisées ou afin de les héberger.
Toutefois, s'il est nécessaire de proposer une mesure incitative, il faut éviter tout effet d'aubaine. C'est pourquoi il vous est proposé de ne pas prévoir d'entrée en vigueur anticipée de cette mesure au 1er octobre 2008.
Il est également nécessaire de favoriser l'émergence de ce type de dispositif dans les zones où les besoins en solutions de logement pour les personnes défavorisées sont importants. C'est pourquoi l'avantage fiscal est limité aux zones où il existe un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements, ce que l'on appelle les zones tendues.
Il est enfin proposé, afin d'inciter les propriétaires à privilégier le recours à l'intermédiation locative à destination des populations les plus modestes, de réserver l'avantage fiscal prévu par l'amendement n° 222 rectifié aux logements conventionnés ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement.
Sous réserve de la prise en compte de ce sous-amendement, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 222 rectifié de M. Le Bouillonnec.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 517 , deuxième rectification.
Cet amendement est quasiment le même que l'amendement n° 222 rectifié qui a été repris par la commission.
Mme la ministre veut restreindre leur portée aux zones tendues. Je ne suis pas certain qu'il faille renoncer à appliquer ce dispositif dans certaines zones alors que le besoin se ferait malgré tout sentir. Sans doute, la raison de cette proposition de Mme la ministre est-elle financière et comptable. En tout état de cause, nous sommes favorables à ce dispositif.
La parole est à M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour soutenir l'amendement n° 1002 .
L'amendement n° 1002 est très important parce qu'il permet d'élargir pour les bailleurs privés la possibilité de louer à des personnes très pauvres, qu'il s'agisse de sans-abri, de sans domicile fixe, de personnes sortant des centres d'hébergement et de réinsertion sociale ou éligibles à la loi DALO.
Je me permets de vous rappeler que la loi portant engagement national pour le logement et la loi DALO ont permis la relance de la production d'une offre locative à loyers maîtrisés dans le secteur locatif privé et le développement d'une offre de logements à trois niveaux de loyer : le loyer intermédiaire, le loyer social et le loyer très social.
L'amendement n° 1002 prévoit de renforcer l'attractivité du conventionnement très social pour accroître la part de ces logements dans l'ensemble des logements à loyers maîtrisés. Il instaure une déduction forfaitaire au taux de 100 % pour les propriétaires bailleurs qui acceptent de donner en location des logements conventionnés à loyer très social à des personnes sans abri, à des personnes sans domicile fixe ou à des personnes sortant de centres d'hébergement et de réinsertion sociale ou désignées comme prioritaires par les commissions DALO. Ce dispositif est bien entendu réservé aux zones très tendues, l'Île-de-France, la région PACA, la région Rhône-Alpes et le Nord.
Il permet d'accroître les disponibilités du contingent préfectoral mobilisable pour l'application du droit au logement opposable. Nous nous sommes tous rendu compte, je crois, que, faute de logements suffisants, les préfets ont beaucoup de difficultés à l'heure actuelle à offrir un logement aux personnes que la commission de médiation a désignées comme prioritaires. L'amendement que je vous propose devrait multiplier les possibilités et permettre aux préfets d'appliquer plus facilement la loi DALO.
Dans le même esprit que l'amendement présenté à l'instant par M. Pinte, l'amendement n° 1006 vise à améliorer les conditions dans lesquelles le parc privé peut être mobilisé pour la location à des demandeurs prioritaires au sens du DALO. Simplement, nous proposons, en outre, que le taux de la déduction forfaitaire soit majoré quand les logements sont loués à des associations, de 30 % à 50 % pour les logements à loyers intermédiaires et de 45 % à 75 % pour les logements à loyers sociaux.
J'ai déjà pris position sur les premiers amendements.
Je suis très favorable au principe défendu par M. Pinte dans son amendement n° 1002 , mais je maintiens que je préfère la rédaction de l'amendement n° 222 rectifié de M. Le Bouillonnec, repris par la commission, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 1069 . Je souhaiterais donc que M. Pinte accepte de retirer son amendement au profit de l'amendement n° 222 rectifié .
De la même façon, je préfère l'amendement n° 222 rectifié sous-amendé à l'amendement n° 1006 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Je ne sais pas si les bailleurs vont trouver le dispositif très clair, mais, moi, je n'y comprends plus rien. L'amendement n° 328 me paraissait simple. Il avait pour objectif de porter, dans le « Borloo ancien », la déduction à 70 % – j'observe d'ailleurs que tout le monde semble à peu près d'accord sur ce pourcentage puisque pratiquement tous les amendements le reprennent – pour le calcul du revenu foncier imposable pour les propriétaires qui louent leurs logements à un organisme en vue de leur sous-location à des personnes défavorisées. Cela visait l'ensemble des publics et m'apparaissait beaucoup plus clair. Mais, s'il faut retirer mon amendement, je le retirerai.
(L'amendement n° 328 est retiré.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Madame la ministre, vous ne m'avez pas expliqué les raisons pour lesquelles vous préférez l'amendement n° 222 rectifié à l'amendement n° 1002 . J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne.
Le Gouvernement est favorable à votre proposition, monsieur Pinte, qui est très proche de celles retenues par les autres amendements, mais il préfère la rédaction de l'amendement n° 222 rectifié qui a été repris par la commission, sous réserve de l'adoption du sous-amendement qui vise à réserver l'avantage fiscal aux populations les plus modestes et à le cibler sur les zones où le marché locatif est tendu.
Nous sommes d'accord avec les objectifs poursuivis par tous ces amendements, mais nous voudrions que l'effort financier qui est consenti pour élargir les capacités ou les potentialités de logement social soit différencié. Ces exonérations avec un but social évident représentent un effort, elles doivent obéir à certaines priorités.
Je prends l'exemple de la région Île-de-France parce que c'est celle que je connais le mieux. Si la notion de zones tendues s'applique à toute l'Île-de-France, nous savons très bien que plus nous nous rapprochons de Paris, plus cette notion est pertinente. Les disparités sont énormes. Il existe, au sein même de l'Île-de-France, des secteurs où le logement social est représenté de manière extrêmement importante, et, juste à côté, des zones où il est très minoritaire, voire quasiment inexistant. Il ne faudrait pas que les dispositions que nous examinons avec cette série d'amendements, et sur lesquelles nous sommes d'accord, oublient de prendre en compte, outre la notion de zone tendue, celle de forte proportion de population extrêmement paupérisée. Il ne faudrait pas que ces dispositions concernant le parc privé renforcent, de manière non maîtrisée, les difficultés existantes.
On pourrait prévoir une priorité qui garantirait l'application de ces avantages fiscaux d'abord dans les zones où il y a moins de 20 % – ou 30 %, je ne sais pas – de logements sociaux. À l'inverse, si nous mettons en place ce type d'incitation financière pour le parc privé dans les zones où il y a déjà 70 % de logements sociaux, plus du logement social de fait, de l'habitat dégradé ou de l'habitat insalubre, nous risquons d'avoir des problèmes que nous aurons bien du mal à maîtriser. Je pense qu'il est nécessaire de prévoir un élément de maîtrise du curseur pour ne pas connaître des situations loufoques.
Vous l'avez compris, mes chers collègues, nous ne sommes pas si éloignés que cela les uns des autres. La commission n'a pas retenu l'amendement de M. Pinte, parce qu'il proposait 100 % de déduction, au lieu de 70 %. Elle a en revanche donné un avis favorable à l'amendement n° 222 rectifié . Quant au sous-amendement du Gouvernement, j'y suis, à titre personnel – parce qu'il n'a pas été examiné par la commission – favorable.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Compte tenu des explications de Mme la ministre et de M. le rapporteur, je retire l'amendement n° 1002 et me rallie à l'amendement n° 222 rectifié , adopté par la commission à l'initiative de M. Le Bouillonnec, modifié par le sous-amendement n° 1069 du Gouvernement.
(L'amendement n° 1002 est retiré.)
Je confirme mon soutien à l'amendement n° 222 rectifié sous-amendé par le Gouvernement.
Madame la ministre, nous voterons cet amendement, mais j'aimerais avoir une réponse à la question que je soulève, car ce n'est pas une vue de l'esprit, mais c'est un risque potentiel. S'exonèrera-t-on de considérer qu'il puisse y avoir encore des problèmes là où c'est déjà extrêmement difficile ?
Monsieur Muzeau, votre question est parfaitement légitime, mais le sous-amendement du Gouvernement répond justement à votre préoccupation.
(Le sous-amendement n° 1069 est adopté.)
(L'amendement n° 222 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
Cet amendement a pour objet de doubler le plafond du déficit foncier imputable au titre de l'amortissement Robien. Cela dit, j'attends d'avoir le point de vue de Mme la ministre sur ce sujet, car le Robien s'éteindra fin 2009 et nous avons maintenant un dispositif de réduction d'impôt que M. Scellier pourrait nous rappeler.
Je ne reviendrai pas sur la discussion que nous avons eue hier sur le Robien. C'est un processus qui est en voie d'extinction, puisque 2009 est sa dernière année d'application, et je ne crois pas qu'il soit bon d'encourager le recours à ce produit. Je ne sais pas si vous pouvez retirer cet amendement, monsieur le rapporteur, mais, si tel n'est pas le cas, je souhaite son rejet.
Dans la mesure où c'est un amendement de la commission, je ne me sens pas le droit de le retirer, mais j'invite mes collègues à tenir compte du point de vue du Gouvernement.
Je suis saisie d'un amendement n° 998 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Nous entrons là dans le système de l'usufruit et de la nue-propriété en matière de relations entre le secteur privé, le secteur associatif, et les locataires ou sous-locataires très modestes. Je rappelle que la loi de finances rectificative pour 2008 a prévu de compléter le plan de relance par une mesure exceptionnelle en faveur de l'investissement locatif sous forme de réduction d'impôt. Cette loi prévoit, par ailleurs, un recentrage géographique pour prévenir la construction de logements neufs là où il n'y en a pas besoin.
Dans le même esprit d'adaptation, le présent amendement vise à élargir l'offre locative éligible afin de répondre au plus juste à la diversité de la demande locative exprimée par les collectivités territoriales à travers leur plan local de l'habitat ou la convention de délégation d'aide à la pierre qu'elles ont signée avec l'État.
L'usufruit locatif social, précisé par les articles L. 253-1 et suivants du code de la construction, est une forme de partenariat public-privé très innovante adaptée aux zones tendues. Il a pour intérêt de créer un parc privé de logements à travers l'investissement en nue-propriété tout en créant, pour quinze ans au minimum, une offre locative institutionnelle non subventionnée couvrant toute la gamme de loyers, de l'intermédiaire jusqu'au plus social. Cet amendement vise à encourager le développement d'un investissement socialement responsable dans le strict cadre des enveloppes financières déjà adoptées.
C'est une formule assez nouvelle puisqu'elle remonte à deux ou trois ans. Je l'ai moi-même expérimentée dans ma ville, mais dans certains cas, en particulier lorsque le foncier bâti ou non bâti est très onéreux, les bailleurs sociaux ne peuvent pas nécessairement toujours s'engager dans cette voie. C'est la raison pour laquelle ces opérations mixtes public-privé, si je puis dire, permettent, en tout cas pendant quinze ans, d'avoir une partie du logement social appartenant à des propriétaires privés et une autre partie relevant des bailleurs sociaux qui perdure dans le temps. Ce sont des formules très intéressantes qui permettent, lorsque le foncier est très cher, de faire des opérations jumelées et de mettre sur le marché des logements sociaux appartenant momentanément à des propriétaires privés et durablement à des bailleurs sociaux.
La commission s'est montrée tout à fait favorable à cette solution encore innovante et sans doute trop méconnue.
Je reconnais bien là votre engagement envers les plus fragiles, monsieur Pinte. Votre proposition est en parfaite cohérence avec l'esprit de votre rapport.
Je ne peux qu'être favorable au montage de l'usufruit et de la réduction d'impôt qui vient d'être adopté par le Parlement, mais cette disposition est trop récente pour être modifiée immédiatement. Elle a été dimensionnée pour accompagner non seulement l'investissement, mais aussi les charges de gestion du propriétaire pendant toute la durée de détention du bien, charges qui n'existent plus en cas d'usufruit. Je vous demande donc, monsieur Pinte, de bien vouloir retirer votre amendement, sachant que je suis prête à étendre, par décret, aux logements financés en PLAI et PLUS, la possibilité d'utiliser ce mécanisme qui est actuellement réservé aux logements financés en PLS.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Toutes les difficultés à appliquer le Robien trouvent là leur solution. En effet, non seulement on est dans le logement social sous toutes ses formes, mais un tel dispositif s'applique en accord avec les collectivités territoriales. J'irai même jusqu'à dire que, au-delà des deux ans d'application du nouveau système mis en place par la loi, il pourrait peut-être, à terme, remplacer le dispositif actuel. Il serait donc intéressant de l'utiliser, et pas seulement à titre expérimental. Cela dit, si Mme la ministre nous dit que cela peut être fait par voie réglementaire, pourquoi pas. Je souligne que c'est un système intéressant pour deux raisons : d'une part, il permet d'agir sur tout le champ du logement social ; d'autre part, il règle le problème de la territorialisation.
Je voulais simplement préciser que la proposition faite ici correspond à une attente de l'association Habitat et humanisme, que vous connaissez tous et qui fait un excellent travail dans ce domaine. Je vous confirme donc que l'extension doit se faire par décret, et non par voie législative.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Curieusement, j'avais déposé un amendement pour l'extension du système aux PLUS et aux PLAI après l'article 9, et il avait été déclaré irrecevable. Il est paradoxal que celui-ci, qui relève du même esprit, ait été déclaré recevable. Cela étant, je suis prêt à le retirer, madame la ministre, si vous me confirmez que les opérations public-privé seront non plus réservées aux PLS, mais étendues aux PLUS et aux PLAI. Il faut en effet que toute la gamme du logement social puisse bénéficier de ces dispositions.
Ma réponse est oui, monsieur le député !
Je suis saisie d'un amendement n° 446 rectifié .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Nous abordons l'examen d'une série d'amendements qui visent à modifier le PTZ en accentuant le caractère d'accession sociale.
Ces dernières années, l'accession sociale à la propriété a été développée, mais elle est de moins en moins sociale. Cela résulte des chiffres figurant dans les lois de finances, qui sont d'ailleurs connus des spécialistes – je pense à M. Mouillard qui a souvent argumenté sur ce constat. Les populations concernées ne sont en effet pas les plus modestes ; elles sont même de moins en moins modestes. Le dispositif s'est ainsi déplacé vers les classes intermédiaires. Nous ne contestons pas cette démarche, mais nous posons le problème de l'accessibilité sociale. À quel niveau peut-on entrer dans ce dispositif ?
Nous avons déjà déposé ce type d'amendement à deux ou trois reprises dans le dispositif législatif dont nous avons eu à connaître auparavant et dans la loi de finances. Nous proposons de modifier le dispositif du PTZ afin d'en abaisser encore l'accessibilité pour des gens plus modestes en élargissant du même coup l'aide apportée à ceux-ci puisqu'ils sont censés avoir moins de disponibilités que les autres. L'amendement n° 446 rectifié vise ainsi à recentrer les conditions d'accès au PTZ sur les ménages qui en ont le plus besoin.
Je souhaiterais par ailleurs, madame la ministre, que vous nous donniez des précisions sur la publication du décret d'application de l'éco-PTZ adopté en loi de finances. Ce décret est en effet attendu, mais n'a pas encore été publié alors qu'il avait été dit qu'il le serait le plus vite possible.
M. Le Bouillonnec soulève un sujet sur lequel nous avons déjà échangé à de multiples reprises. Je veux simplement rappeler quelques données générales.
La difficulté que rencontre un nombre croissant de ménages pour accéder à la propriété, en termes d'accession sociale, tient au niveau trop élevé des prix – il faut souhaiter qu'ils baissent – et à la nette augmentation des taux d'intérêt. Je citerai, moi aussi, M. Mouillard. Selon lui, 50 euros de plus par mois, cela représente 2,5 millions d'accédants potentiels qui n'entrent plus dans les grilles classiques de prêt. Il faut le rappeler, car je ne suis pas sûr que tout le monde le sache. Le niveau des taux d'intérêt est donc un problème, mais je ne crois pas pour autant à la solution que vous préconisez, monsieur Le Bouillonnec. En fait, vous proposez d'élargir l'accès au prêt tout en divisant presque par deux le seuil d'éligibilité.
En réalité, si l'on élargit la possibilité de prêt, tout en réduisant le nombre de personnes susceptibles d'en bénéficier, on rendra le dispositif actuel de moins en moins opérant. Tel n'est pas notre but.
Je note enfin que tous ceux qui accédent à la propriété, par ce moyen ou par un autre, n'exercent plus de pression sur le logement locatif, et libèrent de ce fait des possibilités d'offres locatives supplémentaires.
C'est donc pour des raisons d'équilibre général que la commission a émis un avis défavorable.
Monsieur Le Bouillonnec, les décrets relatifs à l'éco-PTZ sont en cours de rédaction et devraient paraître rapidement.
L'amendement n° 446 rectifié , qui propose d'augmenter le PTZ pour les ménages à revenus modestes, est satisfait depuis la fin de l'année dernière. En outre, il tend indirectement à exclure du dispositif une partie de ceux qui en bénéficient actuellement, ce à quoi le Gouvernement ne peut être favorable. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
(L'amendement n° 446 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 449 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Il est défendu.
(L'amendement n° 449 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement est sensiblement différent de tous ceux que nous avons examinés depuis le début du débat, puisqu'il concerne non les quartiers ou les villes, mais les zones de revitalisation rurale. Celles-ci connaissent en effet une situation paradoxale : les logements de loisir y sont très souvent vides, alors même que des demandes de logement permanent ne sont pas satisfaites.
L'amendement propose donc de permettre aux propriétaires de gîtes loués en meublé, engagés contractuellement dans une opération de réhabilitation de l'immobilier de loisir, de louer leur bien dans les conditions prévues à l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation, sans toutefois que le bail puisse être renouvelé plus d'une fois. Je rappelle que les propriétaires de ces logements ont souvent du mal à les louer. Tandis que le seuil de rentabilité se situe entre seize et dix-huit semaines par an, ils parviennent difficilement à trouver des hôtes pendant la totalité des deux mois d'été.
En louant leur gîte à l'année, ils résoudraient certains besoins d'habitat permanent qui ne sont pas satisfaits actuellement, les bailleurs sociaux renonçant généralement à créer des logements dans de petites communes rurales. À mon sens, il serait judicieux de profiter de ce texte pour améliorer la situation des zones de revitalisation rurale, qui sont particulièrement fragiles. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Même si les zones de revitalisation rurale méritent un traitement particulier, les propriétaires d'un gîte rural bénéficient déjà d'un régime fiscal favorable, au titre de la loi Demessine. S'ils se transforment demain en bailleurs ordinaires, il n'y aura plus lieu de maintenir le statut avantageux dont ils profitent actuellement.
Je comprends que l'on s'irrite, quand on cherche à se loger, de ce que certaines habitations qui pourraient être occupées restent vides durant l'année. Mais il faut choisir entre deux statuts. On ne peut pas avoir à la fois le beurre, l'argent du beurre et la fermière.
Avis défavorable.
Le Gouvernement n'est pas opposé à l'idée d'autoriser, dans les zones de revitalisation rurale, l'affectation provisoire à l'habitat principal de certains locaux ayant fait l'objet d'une réhabilitation au titre de l'immobilier de loisir. Mais votre proposition, monsieur Folliot, me semble beaucoup trop générale pour que nous l'acceptions.
De très nombreux locaux concernés par des opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir ne respectent pas, vous le savez, les normes d'habitabilité et de confort fixées pour les résidences principales. Leur situation ne se justifie que parce qu'il s'agit de logements touristiques, que des familles n'occupent que pendant quelques jours, voire quelques semaines de vacances. Elle ne se prêterait pas à une occupation permanente, notamment pour une durée d'un an renouvelable, comme le propose votre amendement.
J'émets donc un avis défavorable, mais je suis prête à engager une réflexion sur les conditions minimales que devraient respecter ces structures d'hébergement et de loisir, au-delà de la réglementation existante, afin qu'elles puissent constituer des logements à part entière.
Je vous suggère par conséquent de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Au-delà de la notion de structures d'hébergement, je pensais surtout à la situation des particuliers qui ne possèdent qu'un seul logement. J'ai entendu votre proposition, madame la ministre. Je suis prêt à poursuivre la réflexion avec vous. En attendant, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 880 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 447 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Il est défendu.
(L'amendement n° 447 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Les travaux que nous avons menés, M. Le Bouillonnec et moi-même, nous ont révélé que nous manquions d'informations sur le Robien. C'est pourquoi nous demandons, par cet amendement, qui a été adopté par la commission des finances, à disposer d'une plus grande information sur la répartition géographique des logements concernés et sur la manière dont ils sont suivis par les services de l'État.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 442 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 1004 .
L'amendement propose que l'État engage une étude qui nous paraît capitale. Comme les députés Verts l'avaient fait au cours de la mandature précédente, les députés du groupe GDR dénoncent, depuis le début de celle-ci, le coût pour l'État et la faible efficacité du Robien, en termes d'offre de logements accessibles à des personnes ayant des petits revenus. Il serait bon de savoir où nous en sommes aujourd'hui : à quel endroit trouve-t-on des logements vides ? quelle est la situation de ceux qui ont accepté d'acheter les fameux packages ? On sait en effet que la situation des petits propriétaires s'est souvent aggravée à la suite de leur acquisition.
Avis favorable. Un accord général se dessine en faveur de ces amendements. Cependant, pour des raisons de forme, la commission a tendance à préférer l'amendement n° 330 , deuxième rectification. Mais la différence entre « carte » et « cartographie » n'est pas de nature à nourrir un débat de sémantique majeur.
Le Gouvernement émet un avis défavorable à ces amendements identiques venus de bancs divers. Je rappelle que le dispositif prend fin cette année. L'étude demandée ne me semble pas relever d'une urgence pressante. En outre, il est difficile d'établir un bilan sur des contrôles qui seront opérés au titre du nouveau recentrage que nous avons mis en place, surtout dans un délai aussi bref. La proposition des auteurs de ces amendements me semble par conséquent prématurée.
Avis défavorable aux amendements nos 330 , deuxième rectification, 442 et 1004.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Les arguments de Mme la ministre sont recevables. Mais nous avons entendu tant de propos erronés sur ce dispositif ! Certains ont surévalué le nombre de logements non vendus. D'autres ont majoré leur coût pour l'État. Mais n'oublions pas que, si l'amortissement entraîne pour lui une baisse de recettes brute, il faut également tenir compte de la TVA ou de la création d'emplois générées par le dispositif.
D'autres arguments peuvent être ajoutés à ceux de M. le rapporteur pour avis. On ignore quels sont, pour l'État, les enjeux véritables de la construction de logements. Ainsi, même pour la construction d'une unité de PLAI, il semblerait – c'est à vérifier – qu'il reçoit finalement plus qu'il ne dépense.
Sans porter de jugement de valeur sur le Robien, nous avons constaté, M. Scellier et moi, que nous manquions d'information à son sujet. Faute de données, nous ne pouvons appréhender sa pertinence.
La Direction générale des impôts est elle-même incapable de nous fournir beaucoup d'indications à son sujet : la déclaration des particuliers n'intervenant qu'au bout de deux ans, l'administration n'est pas en mesure d'évaluer le coût de l'allègement fiscal. C'est pourquoi certains dégrèvements pris en compte en loi de finances ont pu s'avérer inférieurs à la somme évaluée et donner lieu à régularisation.
Les amendements en discussion ne visent qu'à nous donner davantage d'informations. Je suis d'ailleurs convaincu que le dispositif sera repensé après la disparition du Robien et que le crédit d'impôt sera redéployé de manière plus juste. D'où la nécessité d'une analyse précise : on s'apercevra que la situation n'est pas partout la même. Passez-moi cette grossièreté fiscale et financière : M. Scellier et moi avons constaté que, si, au lieu d'être généraux, les dispositifs fiscaux en matière de construction et d'habitat étaient validés au niveau des territoires, nul n'aurait été construire du Robien là où l'on n'avait aucunement besoin de logement.
J'en reviens donc à la question que nous avons posée dans le rapport : des dispositifs d'incitation fiscale peuvent-ils tenir compte des besoins des territoires ? On me reprochera peut-être de rompre l'égalité des citoyens devant l'impôt, problème certes complexe. Mais le fait est là : les effets du Robien ne sont pas partout les mêmes.
Dans les zones tendues comme la région parisienne, on n'a pas pu lui imputer de responsabilité sur la hausse des loyers, alors qu'il a contribué à les augmenter dans certaines communes moyennes de province. Mais ce n'est pas parce qu'on ne peut pas prouver son effet haussier que celui-ci n'a pas eu lieu. Cela prouve seulement que nous manquons d'instruments pour évaluer la situation.
Madame la ministre, vous êtes la cinquième ministre du logement à qui je le répète : l'action publique relative au logement et à la construction ne peut s'appuyer sur des données statistiques fiables. Nous travaillons sur une compilation de données fournies par votre ministère, par les services fiscaux, et par d'autres acteurs comme la fondation Abbé Pierre et des experts que nous consultons.
Si nous disposions d'un instrumentum de ce type, nous pourrions débattre sans contester les chiffres que nous utilisons les uns et les autres. Quand nous disposerons d'une analyse de l'habitat dans toutes ses dimensions, nous comprendrons bien mieux les problèmes et trouverons plus facilement leurs solutions.
J'insiste à mon tour : faire un bilan permettra de ne pas réitérer certaines erreurs. Si le dispositif Robien a été abandonné, du moins sous sa forme initiale, c'est bien que nous avons considéré unanimement qu'il ne répondait pas aux besoins face à la crise du logement. On pourra aussi en tirer les conséquences pour mettre en place un autre dispositif ou pour améliorer un dispositif existant.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Je suis d'accord avec le propos de M. Le Bouillonnec, qui reflète les constatations que nous avons faites en commun. Simplement, je défendrai la Direction générale des impôts.
Si elle n'a pas pu nous donner des chiffres plus précis, c'est que ce dispositif est assorti d'un mécanisme d'amortissement, dont il est plus difficile de faire le bilan que pour une déduction fiscale.
Par ailleurs, madame la ministre, on va rectifier les zonages. Je ne vois vraiment pas comment on le fera sans un bilan préalable qui fournira une cartographie de l'utilisation du dispositif Robien.
Ce n'est pas par hasard si nous sommes si nombreux à vouloir y voir plus clair même si, effectivement, c'est difficile. Le Parlement est bien dans son rôle lorsqu'il demande des éclaircissements sur un sujet qui donne lieu à un diagnostic incertain. Je n'irai pas jusqu'à supposer, comme semble le faire M. le Bouillonnec, que si les effets ne sont pas visibles, c'est qu'on ne connaît pas les causes. Ce peut être tout simplement que le dispositif est inefficace. Je ne veux préjuger ni des conséquences négatives ni des conséquences positives du dispositif Robien. Mais, à l'heure où l'on parle tant d'évaluation et de contrôle du Parlement, la demande est tout à fait compréhensible, et je maintiens mon avis favorable.
Messieurs les députés, votre talent est grand : votre démonstration m'a convaincue.
Le Gouvernement poursuit le même objectif que vous. Cette étude sur le dispositif Robien permettra, j'en suis absolument convaincue, de dissiper un certain nombre d'idées fausses. Je souhaite qu'elle porte également sur le coût de ce dispositif pour l'État, car je suis persuadée que, lorsqu'on mettra en regard les recettes et le coût des incitations fiscales, le résultat ne sera pas exactement conforme à ce que certains affirment.
Seulement, monsieur Scellier, compte tenu de l'importance du travail demandé, en attendre le résultat pour procéder au recentrage renverrait ce dernier aux calendes grecques. Je ne dis pas que nous allons l'imposer, mais je ne lie pas la décision à ce rapport. Sous cette réserve, je suis favorable aux amendements.
(L'amendement n° 330 , deuxième rectification, est adopté.)
Je vous remercie, madame la présidente. Il est vrai que nous souffrons un peu depuis quelque temps, et je salue la constance de nos collègues, sur tous les bancs, dans leur participation à ce débat malgré un ordre du jour un peu tronçonné. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cela nous permet de ne pas perdre le fil conducteur.
La commission présente une série d'amendements permettant d'étendre le dispositif prévu à cet article pour le logement collectif au logement individuel. La loi de finances rectificative pour 2007 ouvre droit au taux de TVA à 5,5 % pour les opérations d'accession sociale à la propriété réalisées au moyen du Pass-foncier pour les maisons individuelles ou groupées jusqu'au 31 décembre 2009. L'article 16 étend ce bénéfice aux opérations de logement collectif réalisées dans les mêmes conditions. Cette mesure était très demandée, en particulier pour les zones où la situation du logement est très tendue.
Actuellement, ces procédures qui coexistent se déroulent de la façon suivante.
Pour le logement individuel, le comité interprofessionnel du logement acquiert le terrain et signe avec le primoaccédant un bail à construction d'une durée minimale de dix-huit ans. Après avoir remboursé le prêt principal pour la maison, le ménage peut acquérir le terrain ou demander la prolongation du bail pour quinze ans au plus.
Pour le logement collectif, l'organisme gestionnaire du 1 % logement acquiert la nue-propriété du lot en copropriété. L'accédant acquiert l'usufruit et a la possibilité d'acheter la nue-propriété à tout moment.
La commission se félicite de la simplification introduite par l'article 16. Bien des associations, comme l'ANIL, considèrent le Pass-foncier comme une usine à gaz, ce qui explique qu'il trouve difficilement preneur. La simplification consiste à proposer à l'acquéreur d'acheter son logement en deux temps, mais avec un seul interlocuteur.
Les amendements nos 173 , 775 et 174 à 179 tendent à étendre cette procédure aux bénéficiaires d'un Pass-foncier individuel. Pour l'instant, ceux-ci doivent avancer la TVA à 19,6 %, puis monter un nouveau dossier pour acquérir, à certaines conditions, le remboursement de la différence avec la TVA à 5,5 %, et cela avec des interlocuteurs différents.
Nous espérons que ces mesures rendront l'outil mis en place bien plus efficace que ce n'a été le cas jusqu'à présent.
Nous souhaiterions connaître la position de Mme la ministre sur l'amendement n° 174 avant le vote de l'amendement n° 173 .
Dans cette série, l'amendement n° 174 a ma préférence.
Le prêt à remboursement différé permet à l'acquéreur de rembourser d'abord le prêt principal contracté pour l'acquisition du logement avant de rembourser le coût du terrain. Cette formule est plus simple que le bail à construction. Vous proposez de l'étendre aux acquéreurs individuels et de les faire bénéficier directement du taux de TVA à 5,5 %. C'est effectivement un avantage pour leur trésorerie. Cependant, l'application de la TVA à taux réduit pose des problèmes de doctrine fiscale. Dans ces conditions, je m'en remets à la sagesse du Parlement sur l'amendement n° 174 .
Je demande le retrait des amendements nos 173 et 775 . J'émets un avis favorable sur l'amendement n° 175 ainsi que sur les amendements nos 176 et 177 . Je demande le retrait de l'amendement n° 178 et j'émets un avis favorable sur les amendements n° 179 .
Au Sénat, lors de la discussion de ce projet de loi, le Gouvernement a accepté qu'une décote de 25 à 35 % soit appliquée sur le prix de vente des terrains de l'État, lorsqu'ils sont destinés à des opérations de Pass-foncier.
Afin de favoriser l'accession sociale à la propriété, le présent amendement propose, dans le même esprit, d'étendre cette possibilité aux terrains de l'État destinés à des opérations de location-accession agrées.
Pour des motifs d'ordre rédactionnel, la commission des affaires économiques a préféré retenir l'amendement n° 180 qui a le même objet.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour présenter l'amendement n° 451 .
Il a le même objet que les amendements précédents, et ne diffère de l'amendement n° 331 que par sa rédaction.
Le Gouvernement est favorable aux trois amendements, et je lève le gage.
Madame la ministre, nous devons retenir soit la version de l'amendement n° 331 , soit celle des deux autres amendements : pourriez-vous nous indiquer la préférence du Gouvernement ?
La parole est à M. Pierre Gosnat.
C'est trop ou pas assez ! Pour favoriser vraiment l'accession sociale à la propriété, la décote devrait être plus importante. Elle devrait aussi s'appliquer pour le logement social…
…et, au-delà des terrains qui appartiennent directement à l'État, à ceux que cèdent la SNCF ou l'Assistance publique.
Pour la clarté de nos débats, je demande à M. Scellier et à M. Le Bouillonnec s'ils accepteraient de retirer leurs amendements au profit de l'amendement n° 180 .
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 16.
La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour soutenir l'amendement n° 547 .
Aux Antilles, et singulièrement à la Martinique, les problèmes découlant des situations liées aux biens indivis se posent avec beaucoup d'acuité. Ils rendent très difficiles les opérations de rénovation ou de réhabilitation des quartiers. En conséquence, notre amendement a pour objet de compléter l'avant-dernier alinéa de l'article 815-3 du code civil par les mots : « à l'exception des biens indivis situés dans les périmètres des quartiers anciens dégradés des départements-régions d'outre-mer ».
L'article 4 de la proposition de loi de M. Warsmann prévoit, d'ores et déjà, d'insérer dans le code civil un article 815-5-1 afin de réduire aux deux tiers la majorité requise pour la vente des biens indivis. Il me semble, monsieur Manscour, que cela répond à votre préoccupation, et puisque votre amendement est satisfait, la commission émet un avis défavorable.
Je reviens un instant sur l'article 16 du projet de loi, au sujet duquel nous avons eu une discussion technique. Il s'agit d'un article très important qui ouvre le Pass-foncier aux collectifs – mesure très attendue par les parlementaires et par tous les élus – et le généralise à la maison individuelle avec une TVA directe. L'effort ainsi consenti pour dynamiser la construction en France est considérable.
Pour revenir à l'amendement n° 547 déposé, entre autres députés, par M. Letchimy et M. Manscour, je souligne que le Gouvernement ne méconnaît pas les difficultés rencontrées en outre-mer pour ce qui concerne les biens immobiliers indivis – elles présentent d'ailleurs des similitudes avec celles rencontrées en Corse. Pour y répondre, le Gouvernement a pris l'initiative d'inscrire dans le projet de loi sur l'outre-mer, déposé au Sénat, la création d'un groupement d'intérêt public dans les DOM. Il permettra de reconstituer des titres de copropriété et de mettre fin aux situations d'indivision prolongées.
Par ailleurs, M. Warsmann, président de la commission des lois, a déposé une proposition de loi de simplification et de clarification du droit qui a été adoptée par votre assemblée le 14 octobre 2008. Or l'amendement n° 547 est satisfait grâce à l'article 4 de cette proposition de loi, qui simplifie la vente des biens immobiliers indivis en permettant qu'elle ait lieu à la demande des deux tiers des indivisaires, et non plus après accord unanime de ces derniers.
Monsieur Manscour, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. Dans le cas contraire, le Gouvernement devra émettre un avis défavorable.
Monsieur Manscour, votre amendement est donc retiré.
(L'amendement n° 547 est retiré.)
Monsieur Manscour, je suppose que les amendements suivants, nos 546 et 554, partageront le sort de l'amendement n° 547 .
Je suis saisie d'un amendement n° 574 .
La parole est à M. Daniel Goldberg.
Cet amendement a pour but de protéger les ménages qui accèdent à la propriété.
Il permet aux emprunteurs qui connaissent « un accident de la vie » de reporter, pendant six mois, le paiement de leurs mensualités. Ce dispositif attendu fera bénéficier les ménages d'une certaine souplesse, mais demeure limité dans le temps. Certains organismes bancaires en faisant déjà usage, nous proposons de l'introduire dans la loi.
Avis défavorable. Les effets pervers pourraient être importants et participer à la spirale du surendettement.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le rapporteur parle d'effets pervers, mais la mesure ne porte que sur une durée de six mois.
Certains organismes bancaires organisent déjà le gel des mensualités afin de permettre aux emprunteurs de retrouver une stabilité financière. Les risques d'impayés ne sont pas aussi forts que ce que vous dites.
(L'amendement n° 574 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement, adopté par la commission des finances, n° 333.
La parole est à M. Jean-Pierre Gorges.
Cet amendement propose de compléter le cinquième alinéa de l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation, et de permettre ainsi aux bailleurs sociaux de se porter caution, sur une durée de cinq ans, pour les acquéreurs personne physique.
La loi ENL a voulu favoriser l'acquisition de leur logement par les locataires des organismes HLM. Elle prévoit les conditions dans lesquelles cette vente peut avoir lieu, ainsi que celles d'une éventuelle revente. Aujourd'hui, le monde bancaire est un peu frileux, et notre amendement propose une solution sans risque pour faciliter l'accession sociale à la propriété
La commission a rejeté cet amendement. Le « sans risque » du locataire pourrait se transformer en « gros risque » du côté du bailleur.
La possibilité de se porter caution peut avoir des effets pervers. Les banques pourraient en faire une condition sine qua non : nous ne sécuriserions alors plus l'acquéreur, mais l'établissement bancaire – or la rémunération de la banque se justifie par le risque qu'elle assume. Par ailleurs, si votre solution est bien « sans risque », elle pourrait inciter les banques à prêter en étant moins exigeantes sur la solvabilité et le taux d'effort du ménage.
Je rappelle aussi qu'il existe déjà un dispositif de sécurisation des accédants, et je me demande s'il appartient bien aux organismes bailleurs de se porter caution. Enfin, si ces derniers assumaient un tel rôle, nous retrouverions le coût de cet engagement dans les charges. Finalement, je ne crois pas que le mélange des genres puisse être satisfaisant : il aurait probablement plus d'effets négatifs que de conséquences positives.
Monsieur Scellier, monsieur Gorges, je comprends la préoccupation exprimée par votre amendement. Toutefois, et pour les mêmes raisons que celles que vient de présenter le rapporteur, je n'y suis pas favorable.
Le fait qu'il soit, aujourd'hui, malheureusement difficile d'obtenir un prêt ne peut pas justifier que les bailleurs sociaux se substituent aux banques. L'activité bancaire et la gestion des HLM constituent deux métiers totalement différents.
Par ailleurs, ce dispositif ferait courir un grand risque financier aux organismes HLM qui auraient beaucoup de difficultés à se retourner contre leurs débiteurs, à moins de prendre une hypothèque sur le bien – hypothèse peu vraisemblable en raison de son coût.
Enfin, je rappelle que, dans le cadre des ventes que nous voulons favoriser, une possibilité de cette nature est déjà offerte aux organismes HLM.
Voilà un amendement carrément immoral !
On contraint déjà les organismes HLM à vendre leur patrimoine. On contraint les locataires à devenir propriétaires – si cela avait été leur souhait initial, ils ne seraient pas devenus locataires, ou ils chercheraient à devenir propriétaires ailleurs. Je précise que, en tant que communistes, nous ne sommes pas contre l'accession à la propriété, mais nous pensons qu'il ne faut pas dilapider le patrimoine social pour construire une France de propriétaires.
Cet amendement dépasse l'entendement. En effet, vous demandez aux organismes non seulement de vendre leur patrimoine, comme je le disais à l'instant, mais aussi de se porter garants de personnes dont on pense a priori qu'elles n'auront pas les moyens de s'acquitter de leur dette. C'est ridicule et dangereux. C'est la raison pour laquelle les députés communistes sont résolument contre une telle proposition.
Nous exprimons les mêmes réserves que M. Gosnat et nous voterons contre cet amendement s'il est maintenu. Il présente en effet un double risque.
Tout d'abord, il pourrait inciter les banques à subordonner systématiquement l'acceptation de la demande de prêt à la caution de l'organisme et produire ainsi des effets contraires aux objectifs du Gouvernement. La vente des logements HLM ne nous enthousiasme pas particulièrement, mais si elle doit se faire, autant que ce soit dans des conditions raisonnables.
Ensuite, une telle disposition poserait d'énormes difficultés aux organismes d'HLM. En tout cas, en tant que maire, j'interdirais à mon office public de se porter caution. Les problèmes auxquels ils sont confrontés sont déjà suffisamment complexes. Je rappelle, en outre, qu'ils font également fonction de syndic et que des précautions doivent être prises pour régler les problèmes.
Encore une fois, la caution de l'organisme risque, selon nous, d'être systématiquement demandée par les banques, car elle garantirait davantage ces dernières que le locataire candidat à l'achat – qu'il faut protéger en premier lieu, notamment en l'engageant à n'entreprendre cette démarche que s'il a les capacités de le faire – et l'organisme vendeur.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Je précise que la commission des finances n'a évidemment pas adopté cet amendement sans en avoir évalué au préalable les avantages et les inconvénients. En tout cas, elle n'a pas eu le sentiment de soutenir une procédure immorale ou stupide. Nous avons considéré que la mise en oeuvre d'un cautionnement allait de pair avec l'obligation faite aux organismes de HLM de racheter le logement en cas de défaillance de l'accédant.
J'ai bien compris que certains ne souhaitent pas qu'une bonne partie des Français deviennent propriétaires, mais, au-delà de l'idéologie, il me semble que lorsque l'on affiche politiquement la volonté de faciliter l'accession à la propriété, il faut aller jusqu'au bout.
La procédure de vente actuelle sécurise d'ores et déjà les banquiers, puisqu'il est prévu que l'office rachète le bien en cas de défaillance dans les cinq ans. Le dispositif proposé a donc uniquement pour objet de débloquer la situation actuelle, dans laquelle se font face, d'un côté, des locataires qui voudraient devenir propriétaires et, de l'autre, des banquiers frileux. Nous voulons accompagner une procédure déjà sécurisée.
Au reste, on m'a dit que cet amendement n'était même pas nécessaire : les statuts des offices leur permettent déjà de se porter caution. Mais je souhaite que l'on envoie un signal politique fort qui démontre notre volonté d'aider les Français à devenir propriétaires, en mettant en place tous les outils susceptibles de leur faciliter cette entreprise.
La question qui se pose est en partie celle du mélange des genres. Ce n'est pas forcément aux bailleurs sociaux de rassurer les banquiers : il s'agit de deux responsabilités différentes. La tentation pourrait être forte de se préoccuper beaucoup moins de la solvabilité des emprunteurs, dès lors qu'ils bénéficieraient de la caution d'organismes collectifs tels que les bailleurs sociaux, qui plus est garantis par la CGLLS. Ces derniers n'ont pas forcément vocation à jouer un rôle de « caisse de réassurance ». Il y a là un mélange des genres qui n'est pas souhaitable. Laissons les banques faire leur travail.
J'ajoute que je ne suis pas de ceux qui ont déploré l'attitude raisonnable des banques dans un passé récent, car si elles n'avaient pas été raisonnables, la situation de l'immobilier serait sans doute beaucoup plus grave. Encore une fois, à chacun son métier. Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable à l'amendement.
Très bien !
(L'amendement n° 333 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à abroger l'article 232 du code général des impôts. En effet, la taxe sur les logements vacants instituée par la loi SRU pour inciter les propriétaires à mettre en location leurs biens immobiliers n'est pas parvenue à faire baisser le nombre de ces logements. Nous souhaitons donc remplacer cette taxe par une mesure incitative, qui consisterait à exonérer de façon modulée de la taxe foncière sur le bâti les propriétaires qui remettent leurs biens en location.
Je suis désolé d'indiquer que la commission a rejeté cet amendement, pour deux raisons. Notre collègue évoque la nécessité de prendre des mesures incitatives. Je lui rappelle qu'il existe déjà un mécanisme incitatif mis en oeuvre par la loi ENL, qui n'est peut-être pas parfait, mais qui a quelques mérites. En effet, les propriétaires de logements vacants depuis plus de deux ans qui remettent leurs biens sur le marché bénéficient d'une déduction forfaitaire de 30 % sur leurs revenus fonciers, ce qui n'est pas négligeable. J'ajoute que la taxe sur les logements vacants est une importante source de recettes pour l'ANAH, et nous en aurons bien besoin à l'avenir. Je souhaiterais donc que M. Cosyns accepte de retirer son amendement.
J'aurais souhaité répondre positivement à M. Cosyns, mais le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, la taxe sur les logements vacants a prouvé son efficacité puisque, depuis sa création, en 1999, le nombre de logements assujettis a diminué de moitié. En outre, d'abord cantonnée aux agglomérations à marché tendu, il a paru nécessaire de l'étendre aux autres communes qui le souhaitent. Enfin, cette taxe permet de financer l'ANAH à hauteur de plus de vingt millions d'euros par an. Dès lors, sa suppression sans contrepartie aurait des effets désastreux non seulement sur le marché de la location, mais également sur les ressources de l'ANAH.
Je vais retirer cet amendement. Je vous remercie, madame la ministre, pour les informations que vous venez de nous donner, et que j'ignorais, sur la diminution du nombre de logements vacants et sur le produit de la taxe.
(L'amendement n° 16 est retiré.)
Cet amendement porte sur le même sujet que le précédent, mais il a pour objet de doubler la taxe annuelle sur les logements vacants. En effet, si cette taxe a permis de remettre quelques logements vides sur le marché, on ne peut pas dire qu'elle ait été très efficace dans la région parisienne. En outre, ce doublement permettra d'augmenter les recettes de l'ANAH, ce qui n'est pas une mauvaise chose par les temps qui courent, puisque les opérations d'amélioration de l'habitat permettraient de relancer l'emploi dans le secteur du bâtiment. Notre proposition est donc bénéfique à plus d'un titre.
Il aurait été intéressant que l'on connaisse les raisons pour lesquelles un grand nombre de logements ne sont pas loués. En tout état de cause, il n'est pas pensable de laisser des logements vacants au moment où le marché se tend, d'autant que la non-location de ces logements participe de la spéculation immobilière. Il est particulièrement évident dans les régions où le marché est très tendu que ce phénomène contribue à une augmentation sensible des loyers.
Pour une fois que Mme la ministre nous donne un bilan, je note que cette taxe a permis de remettre sur le marché environ la moitié des logements vacants et que son produit a abondé le budget de l'ANAH pour vingt millions d'euros. La taxation n'est donc pas contre-productive, bien au contraire. Nous souhaitons donc poursuivre dans cette voie et renforcer l'effet dissuasif de la taxe instituée par la loi SRU, en en doublant les taux.
D'un côté, M. Cosyns plaide pour l'incitation ; de l'autre, Mme Billard et M. Gosnat sont partisans de la punition. Mais in medio stat virtus.
Je rappelle que la taxe sur les logements vacants, qui s'applique à Paris, Lille, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Montpellier, Cannes, Grasse, Antibes et Nice, est complétée par une autre mesure, puisque, dans les communes qui ne sont pas soumises à cette taxe, les logements vacants depuis plus de cinq ans sont soumis à la taxe d'habitation. Les taxes existantes mêlent ainsi incitation et contrainte. La commission a donc opté pour le juste milieu, en repoussant vos amendements.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, même si le débat est intéressant. Monsieur Gosnat, les logements vacants sont moins nombreux grâce à cette taxe, mais ceux qui restent vacants ne sont pas forcément disponibles, soit parce qu'ils sont en travaux, soit parce qu'ils sont en indivision, par exemple. D'autres ne sont pas mis sur le marché parce que les propriétaires craignent les impayés de loyer ; on ne peut pas nier cette réalité. Mais la garantie du risque locatif, dont j'ai la joie de vous annoncer la mise en oeuvre imminente, devrait apaiser ces inquiétudes. De toute façon, les logements qui restent vacants ne se comptent pas en millions.
Je ne suis pas certaine qu'ils soient si nombreux. J'ajoute que nous préférons l'incitation à la répression. Tel est en tout cas l'esprit du projet de loi.
Enfin, la taxe annuelle sur les logements vacants s'applique dans les agglomérations de Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nice, Cannes, Grasse et Antibes. Son taux augmente avec la durée de la vacance, afin d'inciter les propriétaires à ne pas conserver inutilement les logements vacants dans des zones où la demande est la plus forte. Cette taxe a eu des effets positifs et le niveau de vacance est aujourd'hui globalement bas. Il ne paraît donc pas opportun d'augmenter exagérément cette taxe, au risque de la rendre confiscatoire, donc susceptible d'être censurée par le Conseil constitutionnel.
La mairie de Paris a mis en place un dispositif à l'intention des propriétaires craignant de subir des impayés de loyer. Elle a pour cela créé une société d'économie mixte ayant vocation à inciter les propriétaires à mettre leur bien en location par l'intermédiaire de la ville, qu'elle représente ; si besoin est, les travaux de remise en état du logement sont pris en charge par la SEM.
Bien que les dispositifs d'incitation à la mise en location de ce type soient très intéressants pour les propriétaires, il y a encore un grand nombre de logements, notamment à Paris, qui restent vides parce que leurs propriétaires refusent de les louer. Dans le contexte de crise du logement que nous connaissons, l'augmentation de la taxe sur les logements vacants constituerait une mesure d'équité.
(Les amendements identiques nos 602 et 970 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement de la commission, n° 181.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement étant satisfait par la loi de finances, je propose de le retirer.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 182 , 332 rectifié , 458 rectifié et 928 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 182 , 332 rectifié et 458 rectifié sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 182 .
Si vous le voulez bien, madame la présidente, M. Scellier va présenter l'amendement n° 332 rectifié . L'amendement n° 182 de la commission sera ainsi défendu.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
L'amendement n° 332 rectifié a pour objet de permettre une taxation basée sur les revenus des bénéficiaires estimés au moment du contrat préliminaire, comme c'est le cas pour les opérations de location-accession agréées ou les opérations réalisées dans le cadre d'un pass-foncier – et non au moment de la vente, comme c'est le cas du dispositif de taux réduit de TVA s'appliquant aux opérations d'accession sociale réalisées dans les zones ANRU.
Cette proposition présente un double intérêt. D'une part, elle répond à notre souci de faire en sorte que la législation soit aussi claire que possible, puisqu'elle vise à ce que des dispositifs distincts soient néanmoins fondés sur le même mode d'appréciation des revenus. D'autre part, elle doit sécuriser les opérations en permettant aux futurs acquéreurs d'évaluer le prix total de l'opération dès la signature du contrat préliminaire, donc de s'engager en toute connaissance de cause.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 458 rectifié .
Je considère que notre amendement identique a été défendu par les arguments que vient d'exposer M. Scellier.
Cette proposition me paraît risquer de créer un effet d'aubaine. En effet, dans le pire des cas, si un avant-contrat est signé, par exemple, à la fin de 2009, et le contrat définitif en 2010, on retiendra les revenus de l'année 2008 – déjà bien connus de l'accédant au moment de la conclusion de l'avant-contrat. Il ne me semble donc pas nécessaire de modifier les conditions d'appréciation des revenus. En le faisant, on risquerait de favoriser l'octroi de la TVA réduite à des ménages dont les revenus pris en compte sont nettement inférieurs aux revenus perçus au moment de la cession. J'invite par conséquent les auteurs de ces amendements à les retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Les explications qu'a données M. Scellier me conviennent parfaitement. Il y a, me semble-t-il, une vraie inégalité entre citoyens se trouvant pourtant dans une situation tout à fait identique. En cas d'achat d'un bien en état futur d'achèvement, les travaux de construction n'ont pas encore commencé lors de la signature du contrat : il n'existe alors rien de plus qu'un plan.
La TVA à taux réduit peut alors s'appliquer, sous conditions de ressources.
Pour ce qui est de la livraison à soi-même, j'ai eu, dans ma circonscription, l'exemple d'un jeune couple qui, à la lecture des dispositions de la loi ENL, publiée en 2006, a estimé qu'il disposait des ressources suffisantes pour s'engager dans la construction d'une maison. Ces personnes ont donc acheté un terrain et signé un contrat avec un constructeur avant de prendre connaissance en décembre 2007, soit dix-huit mois plus tard, d'une instruction du ministère des finances précisant les modalités d'application de l'article de loi sur la base duquel ils s'étaient engagés. Ce document instaurant une distinction entre la VEFA et la livraison à soi-même, ce couple se trouve placé dans une situation extrêmement difficile puisqu'il a souscrit un emprunt sur vingt ans en pensant bénéficier d'un taux de TVA à 5,5 %, alors que son niveau de revenus l'exclut en réalité du dispositif. C'est l'illustration parfaite de l'inégalité de traitement entre la VEFA et la livraison à soi-même, évoquée par M. Scellier il y a quelques instants. Cette inégalité risque de nuire à l'objectif de mixité sociale que nous poursuivons, et ce n'est sans doute pas un hasard si le même amendement, rédigé sous des formes légèrement différentes, a été proposé par des députés siégeant des deux côtés de notre hémicycle. Nous considérons donc qu'il est essentiel, dans un souci de justice, de voter pour l'un ou l'autre de ces amendements.
Vous voyez que nous ne sommes pas contre l'accession privée à la propriété !
La commission a repoussé ce dernier amendement, accordant sa préférence à la rédaction des amendements identiques nos 182 , 332 rectifié et 428 rectifié . Je maintiens, pour ma part, l'amendement n° 182 de la commission.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 928 .
(Les amendements identiques nos 182 , 332 rectifié et 458 rectifié sont adoptés.)
L'article du code général des impôts relatif au taux réduit de TVA pour les opérations d'accession en zone ANRU pose un problème en ce qui concerne les plafonds de ressources, puisqu'il fait référence aux plafonds du prêt locatif PLUS augmentés de 30 %. Il convient donc, pour maintenir les plafonds de ressources des bénéficiaires de la TVA à taux réduit en zone ANRU, de remplacer la référence de 30 % par une référence à 45 %, ce qui permet de tenir compte de la baisse des plafonds de ressources du locatif.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l'amendement n° 879 .
Nous sommes sensibles à l'importance de l'accession très sociale à la propriété, en particulier dans les zones ANRU, et craignons que l'adoption de l'article 21 du projet de loi n'ait des conséquences très dommageables en ce domaine. L'amendement que nous proposons visant à compenser ces conséquences négatives, nous espérons que notre assemblée aura la sagesse de l'adopter.
La commission a repoussé cet amendement. Si, en ce qui concerne les opérations d'accession sociale dans le parc HLM, la commission a adopté l'amendement n° 194 , qui vise à neutraliser la baisse des plafonds en la compensant d'autant, elle n'a pas souhaité modifier les plafonds visés par les amendements qui nous sont ici proposés, dans la mesure où il ne s'agit pas du même public.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements qui proposent de neutraliser la baisse de 10,3 % des plafonds de ressources pour l'accès au logement locatif social au motif que celle-ci compromettrait l'accession sociale à la propriété. Soit dit en passant, je me félicite de constater que nous sommes de plus en plus nombreux à soutenir l'accession sociale à la propriété ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pas du tout ! Quoi qu'il en soit, je ne veux pas différencier les conditions d'accès au secteur locatif social et au secteur de l'accession sociale à la propriété, qui relèvent tous deux de la même volonté d'aider les ménages modestes à se loger. Comme je l'ai déjà dit, traiter différemment les propriétaires et les locataires est une vision dépassée.
Madame la ministre, je comprends mal votre argumentation. Vous avez décidé, de manière unilatérale, d'abaisser les plafonds de ressources déterminant l'accès au logement locatif social : les plafonds de ressources PLUS ayant baissé de 10,3 %, les plafonds de ressources relatifs au logement intermédiaire et au logement PLS ont également diminué de 10,3 %, par un effet mécanique.
Or, vous avez également pris une disposition permettant d'appliquer la TVA à taux réduit dans les zones ANRU afin de favoriser l'accession sociale à la propriété. L'amendement que nous proposons ne fait que tirer les conséquences de votre décision d'abaisser les plafonds de ressources (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR) afin que l'accession sociale à la propriété – que vous prétendez par ailleurs défendre – ne se trouve pas pénalisée.
Je n'ai pas été convaincu par l'argumentation de M. le rapporteur portant sur l'amendement n° 194 . Quoi qu'il en soit, il me paraît essentiel de rappeler l'objectif de mixité sociale que nous poursuivons. La mise en oeuvre d'une rénovation doit permettre, d'une part, de réunir des populations de niveaux de revenus différents, d'autre part, de mêler propriétaires et locataires. Cet amendement permet de rendre attractifs certains quartiers, afin d'éviter que ceux qui les occupent en tant que locataires ne les quittent lorsqu'ils envisagent de devenir propriétaires.
Les amendements identiques nos 452 , deuxième rectification, et 879 ayant recueilli des voix pour et contre en nombre égal, ces amendements sont déclarés rejetés.
La loi portant engagement national pour le logement a prévu de faire bénéficier d'un taux de TVA réduit certaines opérations d'accession sociale à la propriété, mesure qui a en effet permis de développer l'accession sociale. Mais la portée du dispositif est limitée aux seules opérations situées dans des quartiers faisant l'objet d'un projet de rénovation urbaine ou à cinq cents mètres de ces quartiers.
Nous proposons donc d'étendre la mesure à l'ensemble des opérations d'accession sociale à la propriété, quelle que soit leur localisation, mais en limitant toutefois le bénéfice de ce taux aux seules opérations assorties de garanties – de rachat ou de relogement – au profit de l'accédant.
Vous êtes majoritaires sur les bancs de la majorité à regretter que les Français soient peu endettés en comparaison de leurs voisins espagnols ou anglais, et à rêver d'une France de propriétaires – chacun se souvient des positions défendues par le candidat Sarkozy pendant la campagne présidentielle.
Cependant aucune leçon n'est tirée de la crise de subprimes et des crédits hypothécaires, salués, je vous le rappelle, par le candidat Sarkozy comme un instrument intelligent permettant de « booster » l'économie et dont il fallait s'inspirer. Heureusement qu'il semble avoir pris depuis le temps de la réflexion…
Tout est fait pour masquer ce que la fondation Abbé-Pierre nomme « l'erreur de casting » dans le choix des produits privilégiés, produits pour investisseurs comme le Robien, trop chers pour les classes moyennes et inaccessibles au plus grand nombre, sauf à s'éloigner des centres-villes, des transports, et à consentir des sacrifices énormes.
Aucune attention n'est apportée à la souffrance des ménages surendettés, pas plus qu'au gâchis que représente chaque année le retour vers le logement locatif social du millier de ménages qui étaient en accession à la propriété.
D'aucuns vont même jusqu'à prétendre que l'accession à la propriété est une garantie contre les aléas de la vie : c'est vous, madame Boutin, qui avez prononcé cette phrase.
Tous les moyens sont bons pour contrecarrer la construction de logements sociaux économiquement accessibles, alors même que 70 % des ménages français sont éligibles à ce type de logements.
M. Ollier propose la généralisation de la TVA à 5,5 % pour les ventes de logements neufs à usage de résidence principale, dont le prix d'acquisition n'excéderait pas 300 000 euros et lorsque les ressources de l'acquéreur ne dépassent pas de plus de 30 % les plafonds de ressources pour l'accès au logement social. Son amendement est présenté comme la contrepartie exigée par le Gouvernement après qu'il a renoncé à assouplir les quotas de logements sociaux exigés par la loi SRU.
Que cette extension de la TVA à 5,5 % à toute l'accession sociale à la propriété – sans distinction quant au public et pour des biens dont la valeur peut atteindre 300 000 euros – soit limitée dans le temps n'enlève rien au fait qu'elle représente un véritable assouplissement, pour ne pas dire un beau cadeau aux promoteurs.
Si nous avons à coeur de satisfaire l'aspiration légitime de chacun à accéder à la propriété, nous sommes aussi très attachés au développement équilibré de nos territoires. C'est la raison pour laquelle le seul aménagement du dispositif de la loi ENL que nous envisageons consiste à ne plus réserver le bénéfice de cette TVA réduite aux seules opérations situées en zones de rénovation urbaine, mais à l'appliquer à l'ensemble de la commune.
La définition stricte des périmètres ANRU, même élargis de la bande des cinq cents mètres, ne permet pas toujours de réaliser la mixité souhaitée. Dans une ville comme Gennevilliers, nous devons avoir les moyens de mêler locatif social et accession sociale à la propriété par-delà les quartiers, sur l'ensemble du territoire de la commune, là où nous avons de la place pour le faire, là où il nous est encore possible de mêler habitat et activités.
C'est le sens de notre amendement, qui demande la TVA à 5,5 %, non pas pour toutes les villes, mais pour l'ensemble du territoire de celles qui ont un quartier classé en ZUS.
La commission a repoussé l'amendement n° 650 , considérant que l'élargissement qu'il propose était excessif : qui trop embrasse mal étreint !
S'agissant de l'amendement défendu par M. Muzeau et qui concerne des communes ayant une ou plusieurs ZUS, nous sommes tous d'accord que la mixité suppose notamment de combiner accession à la propriété et locatif. Cela étant, à vous suivre, il suffirait qu'une commune ait une seule ZUS pour que l'ensemble de son territoire soit concerné par l'abaissement de la TVA, ce qui, dans un assez grand nombre de villes, ne se justifie pas, en particulier quand elles sont peuplées par une majorité de ménages aisés.
L'idée de zonage, avec des ajustements possibles, nous paraît préférable, voire mieux adaptée à vos souhaits. La commission est donc également défavorable à cet amendement.
Concernant l'amendement n° 650 , je partage, monsieur Le Bouillonnec, votre souci de favoriser l'accession populaire à la propriété dans des conditions sécurisées pour les accédants.
Des dispositifs qui prévoient une obligation d'accorder des garanties aux accédants, le Pass-foncier et le prêt social de location accession bénéficient déjà d'une TVA réduite.
Il me paraît utile de maintenir une certaine cohérence, en réservant les aides financières comme la TVA réduite aux dispositifs existants et bien encadrés, plutôt que de les disperser en posant pour condition essentielle l'existence d'une garantie.
De plus, compte tenu de l'effort financier déjà consenti en faveur de l'accession sociale, on ne peut aller jusqu'à accorder la TVA réduite à tous ces logements. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Concernant l'amendement n° 927 , l'effort de l'État pour favoriser la mixité sociale et la mixité d'habitat dans les périmètres d'intervention de l'ANRU est incontestable. Sous conditions de ressources, les accédants à la propriété peuvent déjà bénéficier d'un montant de prêt à taux zéro plus important que sur le reste du territoire, d'une prime de l'ANRU et d'un taux réduit de TVA.
Je rappelle que ce dernier avantage est consenti jusqu'à cinq cents mètres autour des zones ANRU. C'est déjà un effort très important et je ne crois pas qu'il soit essentiel de l'étendre à la totalité de la commune, puisqu'une même commune peut présenter des quartiers à la composition sociale très diversifiée. L'avis du Gouvernement est donc également défavorable.
Votre réponse me pose problème, madame la ministre, car je préfère la Christine Boutin qui s'exprimait le 17 novembre 2008. Voilà en effet ce que vous déclariez il y a quelques semaines : « Je suis pour une extension à 80 % des ménages de la TVA à 5,5 % dans les logements neufs. » « À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle, disiez-vous. Je suis personnellement favorable à l'application, pour une période de dix-huit à vingt-quatre mois, d'un taux de TVA réduit à 5,5 %, au lieu de 19,6 %, pour tous les achats de logements neufs par les ménages respectant le plafond de ressources du prêt à taux zéro, soit 80 % des ménages français et 60 % des acheteurs actuels. Aujourd'hui, cette TVA à 5,5 % ne s'applique que dans certains dispositifs d'accession sociale à la propriété, en particulier dans les zones de rénovation urbaine. Nous pourrions envisager de la généraliser. Cette mesure aurait bien sûr un coût, que j'estime de l'ordre de 250 millions d'euros. Mais sa durée limitée, au maximum deux ans, donnerait un coup de fouet au marché immobilier qui risque aujourd'hui le blocage. Cela ne signifierait donc pas forcément moins de rentrées fiscales pour les caisses de l'État. »
À lire cet entretien que vous avez accordé aux Échos, je pensais que vous alliez nous faire de bonnes propositions et suivre certaines de nos suggestions. Mais que s'est-il passé depuis ? Ce n'est pas la crise, puisque nous avons un ministre de la relance qui plaide pour aller de l'avant et un Président de la République qui va défendre ce soir la relance de l'activité dans les travaux publics, le bâtiment et l'automobile. Alors, pourquoi avez-vous changé d'avis, madame la ministre ?
Vous ne pouvez pas critiquer nos propositions, quand vous défendiez des positions qui s'en rapprochent il y a seulement quelques semaines !
Monsieur Muzeau, vous savez tous que je suis favorable à l'accession sociale à la propriété. Vous savez également, parce que je l'ai dit publiquement et que je ne renie pas mes propos, que je suis favorable, sur le principe, à la généralisation de la TVA à 5,5 %.
Ceci étant dit, depuis que j'ai tenu ces propos, nous avons eu le plan de relance – vous avez eu l'honnêteté de le mentionner –, dans le cadre duquel des mesures ont été prises, comme le doublement du prêt à taux zéro et le Pass-foncier.
Je ne soutiens pas aujourd'hui l'extension au plan national de la TVA à 5,5, mais avec le doublement du prêt à taux zéro et le Pass-foncier…
Mais si, ça marche très bien, et avec toutes les mesures que comporte la loi, nous allons y arriver, car j'ai la capacité de financer en 2009 deux cent mille logements bénéficiant de la TVA à 5,5 %.
Mesdames et messieurs les députés, je vous demande donc de saisir cette chance de construire ces logements, d'autant que vous venez d'étendre le Pass au logement collectif. Atteignons déjà cet objectif de 200 000 logements à TVA réduite. Pour le reste, nous verrons plus tard.
(L'amendement n° 650 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 927 n'est pas adopté.)
Comme vous, madame la ministre, je crois à l'accession sociale à la propriété que je me suis efforcé de développer. D'ailleurs, c'est un amendement que j'ai déposé et fait adopter en 2006, dans le cadre de la loi dite ENL, qui a créé le dispositif de TVA à taux réduit dont bénéficient les zones ANRU et leurs alentours dans un rayon de 500 mètres. C'est dire le travail effectué dans notre commission, afin de favoriser l'accession sociale à la propriété.
Aujourd'hui, je vous propose un amendement qui étend l'application de la TVA à 5,5 %, mais dans des conditions très particulières, car je comprends le refus de généraliser la mesure – c'est pourquoi j'ai retiré mon amendement n° 184 qui pouvait paraître excessif.
Cet amendement n° 796 propose d'appliquer le taux de TVA à 5,5 % dans le cadre du plan de relance et pour une période limitée à deux ans, à des biens dont le prix d'acquisition est inférieur ou égal à 300 000 euros, et à condition que cette réduction de TVA profite à l'acquéreur et non pas au promoteur par une sorte d'effet d'aubaine. Ce dispositif satisfait donc aux différentes exigences qui ont été formulées.
Depuis 2004, le nombre de logements en accession sociale à la propriété oscille entre 75 000 et 78 000 par an. J'ai le sentiment que ce phénomène mérite d'être « boosté », encouragé, car les systèmes existants ne fonctionnent pas suffisamment. Tel est l'objet de cet amendement qui, pendant une période de deux ans, devrait permettre de stimuler, de dynamiser l'accession sociale à la propriété, en garantissant que le gain de TVA accordé profitera à l'acquéreur.
La commission n'a pas adopté mon amendement ? Mais c'est scandaleux ! (Sourires.)
La commission est favorable à cet amendement, mais nous attendons beaucoup de la réponse de Mme la ministre.
Monsieur le président Ollier, je connais l'intérêt que vous portez au sujet de l'accession à la propriété de nos concitoyens, et je vous en remercie.
Vous souhaitez que les ménages à revenus modestes puissent devenir propriétaires de leur logement, tout autant que les personnes plus aisées. L'accession est non seulement un facteur de cohésion sociale, mais elle permet aussi la constitution d'un patrimoine bienvenu au moment de la retraite et qui peut être légué aux enfants.
Dès la fin de 2007, le Parlement a adopté deux mesures importantes : le crédit d'impôt et la création du Pass-foncier avec la TVA au taux réduit à 5,5 %. Dans son discours de Douai, le Président de la République a répondu à votre attente en incluant deux dispositions puissantes dans le plan de relance : le doublement du prêt à taux zéro, et le développement du Pass-foncier. L'objectif est de faire passer la production de 20 000 à 30 000, avec une contribution financière des collectivités locales réduite, grâce aux cinquante millions d'euros que vous avez votés, mesdames et messieurs, dans la loi de finances pour 2009.
Vous venez d'adopter l'extension du Pass-foncier, je vous en félicite car tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'un excellent dispositif.
Avec le prêt à taux zéro et le prêt social location-accession, c'est le dispositif sur lequel nous devons porter tous nos efforts. Sa compatibilité avec la réglementation européenne est assurée par les dispositions de vérification des critères sociaux qu'il comporte.
Le Gouvernement, monsieur le président Ollier, est disposé à aller encore plus loin afin de favoriser le développement de ce produit – y compris en zone tendue, monsieur Muzeau !
Nous vous proposons de relever sensiblement le plafond de ressources en zone A. En outre, le cumul du prêt à taux zéro et du prêt social location-accession sera désormais possible.
Monsieur le président, nous avons les mêmes objectifs, mais le Gouvernement privilégie les dispositifs existants, que les professionnels ont soutenus depuis un an. Je vous le répète : il va être possible de cumuler le prêt à taux zéro et le prêt social location-accession.
Dorénavant, les deux seront cumulables, et nous proposons de favoriser le développement de ces produits en zone tendue, par le biais d'une augmentation sensible du plafond de ressources en zone A.
Sensiblement, monsieur le président. C'est pour ces raisons que je vous demande de retirer votre amendement.
Je comprends vos arguments, madame la ministre, surtout quand vous évoquez l'Europe.
Il ne s'agit pas de faire de la surenchère ou d'engager une compétition entre le Gouvernement et la commission, mais je souhaite seulement qu'on aille plus loin, qu'on fasse avancer l'accession sociale à la propriété. Vous annoncez une augmentation « sensible » du plafond, mais j'ai besoin d'engagement précis et chiffré.
Si je suis certain que le relèvement du plafond permettra à bon nombre de familles qui en sont exclues de bénéficier de l'accession sociale à la propriété, alors je veux bien revoir ma position.
Rendre possible le cumul du PSLA et du PTZ est une bonne initiative qui peut être prise sur le plan réglementaire, sans obligatoirement recourir à la loi. Ces mesures feraient-elles alors l'objet d'un décret ? Sous quelle forme comptez-vous les concrétiser ? Donnez des précisions sur les efforts importants que vous déclarez vouloir faire, et je pourrai vous répondre sur l'éventuel retrait de mon amendement.
Monsieur le président, je vous remercie d'avoir compris et souligné que le cumul du PTZ et du PSLA est quelque chose d'important.
Il s'agit d'une avancée dont vous pourrez tous vous réjouir, sur tous les bancs. Quant au plafond de ressources du PSLA en zone A, il sera porté au niveau de celui du PTZ. De plus, ces mesures importantes peuvent être adoptées dans le cadre d'un décret que je m'engage à prendre très rapidement. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Monsieur Ollier, êtes-vous satisfait de la réponse de Mme la ministre ?
Il va se faire rouler ! (Rires sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.)
Chers collègues, je ne suis pas ici pour entrer en compétition avec le Gouvernement, mais pour faire avancer la cause que nous défendons tous. Dès lors qu'un progrès se dessine, je suis prêt à l'accepter. Monsieur Muzeau, je conçois que vous trouviez ce progrès insuffisant mais, pour ma part, je considère que l'annonce du cumul PTZ-PSLA est une bonne nouvelle, et j'en remercie la ministre.
Justement, grâce au cumul, cela marchera ! Plusieurs dizaines de milliers de familles pourront bénéficier de l'accession sociale à la propriété, dans les zones tendues notamment, grâce à cette mesure.
Avec le doublement du PTZ et le relèvement important du plafond du PSLA – au niveau de celui de l'accès au PTZ –, je trouve sincèrement que nous avançons, chers collègues. Je suis prêt à retirer mon amendement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
Madame la ministre, je vous remercie de faire progresser l'accession sociale à la propriété. C'est du bon travail, chers collègues, et je m'en réjouis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La commission va bien entendu se ranger à cet avis plein de sagesse.
Madame la ministre, je voudrais aussi saluer le souci d'équilibre qui se manifeste dans ces propositions. En cette période, on ne peut pas ouvrir les vannes de manière inconsidérée, ce qui pourrait induire un autre effet pervers : le danger serait de continuer à maintenir des prix dont tout le monde a déploré, depuis des années, qu'ils aient flambé et qu'ils soient trop élevés. Comme il n'est pas question d'alimenter encore l'excès des prix, il faut trouver le bon dosage : continuer à aider – et même un peu plus fortement – ceux qui veulent accéder à la propriété dans un marché qui reste tendu, sans accentuer la tension de ce marché avec des aides excessives qui soutiendraient l'inflation.
Je salue donc le caractère équilibré de la mesure, et l'efficacité – du moins, je l'espère – du cumul PTZ-PSLA.
Nous en revenons à l'amendement n° 445 , précédemment réservé.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Cet amendement vise à changer le régime de TVA applicable aux prestations de travaux, dès lors qu'il s'agit de ménages qui ont recours au prêt à taux zéro. Nous proposons de favoriser l'accession des ménages désirant devenir propriétaires, en soumettant leur acquisition au taux réduit de 5,5 %. Cet amendement accentue l'effet du recours au prêt à taux zéro pour les ménages primo-accédants.
Avis défavorable, la TVA réduite ne s'appliquant qu'au neuf et visant à accroître l'offre.
Avis défavorable pour les raisons évoquées tout à l'heure et pour celles avancées à l'instant par le rapporteur.
Monsieur le rapporteur, nous avons bien compris le régime actuel de la TVA, mais nous voulons le changer, c'est notre raison d'être de législateurs ! (Sourires.) Changer, c'est permettre l'application du taux réduit de TVA à l'ancien. Nous voulons corriger une inégalité de traitement, et faire en sorte que la TVA à 5,5 % s'applique au neuf comme à l'ancien, dans le dispositif du PTZ.
(L'amendement n° 445 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 185 de la commission et 487 rectifié.
Ces amendements proposent une adaptation du code de l'urbanisme, afin d'appliquer à l'accession sociale une règle qui existe en matière de logement social en général : une place de stationnement par logement – cette obligation s'imposant quels que soient les plans locaux d'urbanisme votés par les villes.
Le Gouvernement a bien sûr le souci d'éviter des charges trop lourdes pour les logements en accession sociale à la propriété ; mais comment savoir à l'avance que des logements seront en accession sociale ? La règle proposée, difficilement contrôlable, exposerait à des fraudes systématiques. Je vous invite donc à retirer l'amendement ; faute de quoi l'avis serait défavorable.
M. le rapporteur et le Gouvernement ont coutume de dire que les communes doivent rester libres. En l'occurrence, il serait fâcheux d'imposer une place de stationnement pour chaque logement dans les centres-villes les plus denses. De plus en plus de maires, pas seulement Verts, aménagent des « éco-quartiers » dans lesquels une telle obligation n'existe pas. Celle-ci figurait peut-être dans la loi il y a quelques décennies, mais aujourd'hui, les communes ont davantage de liberté : restons-en là.
Nous comprenons le sens d'un tel amendement, mais celui-ci nous pose problème.
Le parking, rappelons-le, est obligatoire pour les logements locatifs sociaux, même si, aux termes d'une loi de 1989, le locataire n'est pas obligé de le louer avec le logement. Par ailleurs, comment pourrait-on empêcher le propriétaire d'un appartement de vendre son parking s'il le souhaite ? La même question s'est posée hier soir au sujet des copropriétés ; nous ne disposons pas d'instruments juridiques adéquats pour imposer une telle obligation.
Je ne partage pas votre sentiment, monsieur Le Bouillonnec. Vous êtes maire comme moi, et vous connaissez les grandes difficultés que nous éprouvons pour créer des places de parking dans nos communes.
La loi impose une place de parking pour chaque logement locatif social ; fort bien, mais cette obligation n'est pas applicable à l'accession sociale à la propriété, d'où l'amendement de M. Carré.
Je m'étonne que Mme Billard ne soit pas d'accord, car une telle mesure me semble intéressante en termes de développement durable. Cela dit, monsieur Le Bouillonnec, votre argument n'est pas mauvais : si, les propriétés étant dissociées, le parking est vendu, cela pose en effet un problème par rapport au logement. Néanmoins, la place de parking sera bien occupée par une voiture, laquelle y stationnera plutôt que sur un trottoir. Ce qui m'importe en tant que maire, ce n'est pas de savoir si la place de parking est vendue ou non, mais qu'elle soit occupée par une voiture. Je soutiens donc ces deux amendements identiques.
Nous avons les mêmes objectifs que vous, monsieur le président de la commission, et je comprends vos arguments. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, non parce qu'il nie la nécessité des places de parking, mais pour des raisons très concrètes.
Si l'obligation s'impose au locatif social, c'est que la destination des logements y est connue dès le départ, ce qui n'est pas le cas pour les programmes d'accession sociale à la propriété : certains logements peuvent être destinés à cette fin et d'autres non.
La parole est à Mme Martine Billard, pour une brève intervention : il nous reste 446 amendements à examiner.
Je suis quelque peu étonnée par les arguments avancés.
Un PLU peut très bien imposer l'obligation dont nous parlons : pourquoi l'inscrire dans la loi, c'est-à-dire l'imposer uniformément à toutes les communes françaises ? Ce serait vraiment abusif.
En outre, comme l'observait justement M. Pinte en aparté, cela poserait un problème aux villes ayant mis en oeuvre des programmes pour les vélos, souvent interdits de stationnement dans les cours d'immeubles, notamment en copropriété. À tout prendre, mieux vaudrait obliger à construire des locaux à vélos, même si je continue de penser que cela relève plutôt des PLU : au moins encouragerait-on ainsi la circulation douce, la voiture n'étant utilisée qu'en cas de nécessité. Je le dis d'autant plus volontiers que je suis députée parisienne : en utilisant leur voiture le moins souvent possible, les Parisiens permettront à nos compatriotes des zones rurales, qui n'ont souvent pas d'autre choix, de le faire, tout en contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l'échelle du pays. Il doit y avoir une solidarité entre les habitants des centres-villes, qui peuvent se passer de voiture, et ceux des zones où c'est plus difficile.
Inscrire dans la loi que tout logement en accession sociale à la propriété doit avoir une place de stationnement serait donc complètement rétrograde.
Juste un mot pour appuyer les arguments de Martine Billard.
Je m'étonne de la position du président Ollier, qui sait très bien que de telles décisions peuvent être prises dans les PLU, lesquels font l'objet d'une vigilance toute particulière de la part des communes et sont longuement débattus dans les conseils municipaux. Pourquoi vouloir tout uniformiser en légiférant ? Sur d'autres sujets, pour refuser certains de nos amendements, vous nous avez volontiers objecté la disparité des situations régionales, voire départementales ou communales, en matière de logement. Je vous retourne l'argument. Inscrire l'obligation proposée dans la loi serait très risqué : laissons les communes décider librement du nombre de places de parking dont elles ont besoin.
Cela m'arrive, surtout dans un aussi bon climat que cet après-midi !
Je pensais qu'en rendant les choses indiscutables, la loi pouvait utilement répondre au douloureux problème du stationnement dans nos communes : les PLU, en effet, donnent souvent lieu à des débats longs et difficiles. Or tous les maires n'ont pas forcément votre pugnacité ni celle de M. Le Bouillonnec.
Je reconnais que les amendements engendreraient beaucoup de complexité : ne nous battons pas pendant des heures pour une place de parking ; je retire donc mes arguments, et si M. Carré fait de même avec son amendement, le débat sera clos.
Oui, madame la présidente, mais je veux auparavant apporter deux précisions.
La première est que cette norme relative à la place de parking existe, dans la loi, pour le logement en HLM.
L'idée de l'amendement était d'établir un parallélisme des formes avec l'accession sociale à la propriété.
Toutefois, comme l'a indiqué Mme la ministre, il est difficile de définir par avance la destination des logements inscrits dans un programme d'accession sociale à la propriété, ou de ceux qui sont directement achetés. La loi, dans ce cas, serait en effet d'une application difficile.
Sur le fond, je partage l'essentiel des arguments de Mme Billard et de Mme Lepetit : adjoint à l'urbanisme dans une grande ville, je constate tous les jours que c'est aux communes qu'il revient de prendre de telles décisions, même si la loi peut parfois clarifier les situations.
L'amendement n° 487 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Je voudrais éclaircir un point.
Tout logement locatif social doit disposer d'une place de stationnement. Le jour où ce logement est vendu dans le cadre de l'accession sociale à la propriété, quid de ladite place de stationnement ?
Puis-je considérer que l'amendement n° 185 est également retiré, monsieur le rapporteur ?
Je suis saisie d'un amendement n° 858 rectifié .
La parole est à M. Philippe Folliot.
Cet amendement, suggéré par Francis Vercamer, est susceptible de répondre aux préoccupations exprimées par notre assemblée en matière de stationnement.
En matière de logement locatif social, le code de l'urbanisme permet au plan local d'urbanisme d'imposer la réalisation d'une place de stationnement par logement construit. La location du garage apparaît alors distinctement de la location de l'habitation pour figurer dans les charges dont le locataire doit s'acquitter. Souvent, celui-ci préfère donc ne pas louer cette place de stationnement, ce qui provoque un stationnement anarchique en marge des logements collectifs concernés. L'objectif du présent amendement est de préciser qu'en ces circonstances, la location de l'aire de stationnement ne peut être distincte de la location du logement, quitte à ce que soit ouverte aux locataires qui n'en ont pas l'usage la possibilité de sous-louer cette aire, sous l'égide du bailleur social.
Défavorable également ; mais afin de n'être pas désagréable à M. Folliot, je lui donnerai quelques explications.
La question du stationnement est décidément importante. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)
Elle intéresse, au-delà des places de parking elles-mêmes, le modèle de société que nous voulons. Je vous remercie donc d'avoir pris le temps d'exposer ce problème essentiel pour nos villes et nos conditions de vie.
Je comprends, monsieur Folliot, la préoccupation que vous et M. Vercamer exprimez avec votre amendement. Néanmoins, une telle mesure se heurterait à plusieurs difficultés. La première est qu'elle imposerait une charge au locataire, même s'il ne dispose pas de véhicule personnel, ce qui arrive.
D'autre part, dans l'intérêt des villes, il est préférable qu'un tel emplacement, s'il n'est pas utilisé par le locataire, puisse l'être par des voisins, lesquels s'adresseront directement au propriétaire pour savoir s'il souhaite le louer.
Enfin, ce qui est peut-être l'argument déterminant, l'obligation de louer un parking avec le logement pourrait être considérée comme de la location forcée.
Pour ces trois raisons, je préférerais donc que vous retiriez votre amendement. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, madame la présidente.
(L'amendement n° 858 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 545 .
La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention toute la discussion sur l'accession sociale, qu'il faut en effet favoriser. C'est l'objet de cet amendement, qui vise à éviter tout risque d'exclusion des ménages modestes dans le cadre d'opérations de construction de logements en accession sociale, auxquelles nous proposons pour ce faire d'appliquer un taux réduit de TVA. Cette mesure favorisera le maintien sur place des ménages à faibles revenus, surtout dans les quartiers de requalification urbaine tels que définis par la loi.
Nous proposons de compenser la perte de recettes qui en résulterait pour l'État par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle.
Avis défavorable, bien que cet amendement soit assez logique – dans un premier temps au moins. En effet, l'extension de la procédure ANRU aux quartiers dégradés peut être tentante.
Néanmoins, une telle extension à la construction pourrait entraîner un effet pervers. Les opérations concernant les quartiers dégradés ont pour objet principal la réhabilitation et la requalification, et non la construction. Les travaux eux-mêmes sont déjà soumis au taux de 5,5 % ; dès lors, votre intention est satisfaite pour la grande majorité des opérations. Or, l'extension à la construction pourrait inciter, en jouant sur la différence de TVA, à reconstruire plutôt qu'à réhabiliter. Je rappelle que l'ANAH n'a pas tout à fait les mêmes objectifs, ni les mêmes fonctions que l'ANRU.
Votre proposition, monsieur Manscour, consiste à étendre la mesure actuellement applicable dans les zones ANRU aux périmètres de requalification des îlots anciens dégradés. Il va de soi que la mixité sociale et l'habitat sont une nécessité dans ces quartiers. Cependant, la priorité du programme national demeure le traitement des logements du secteur locatif privé, pour lesquels on privilégiera la réhabilitation plutôt que la démolition et la construction de logements neufs – seuls soumis à la TVA. Pour cette raison, et compte tenu de l'effort financier consenti en faveur de l'accession, je demande le retrait de l'amendement – à défaut de quoi je donnerai un avis défavorable.
Je ne partage pas du tout votre opinion, madame la ministre. Il est bien difficile de faire comprendre combien la réalité est différente outre-mer. De nombreux quartiers y sont dégradés, et les familles qui y vivent sont de condition très modeste. Contrairement à ce qu'a indiqué M. le rapporteur, j'estime que l'extension de ce taux réduit permettrait le maintien de ces familles dans leurs quartiers.
(L'amendement n° 545 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 827 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
L'un des freins au développement d'une offre nouvelle de logements réside dans la difficulté de mobiliser des terrains pour lesquels les propriétaires recherchent légitimement une juste valorisation.
Cependant, le droit français offre d'ores et déjà d'autres possibilités en permettant de construire sur des terrains publics, grâce notamment au bail emphytéotique et au bail à construction.
L'amendement n° 827 , présenté par M. Lagarde, a pour objet d'ouvrir à l'État et à ses établissements publics la possibilité d'utiliser la procédure de bail emphytéotique, aujourd'hui offerte aux seules collectivités locales ou définie par le code rural, en faveur de la construction de logements sociaux. Cette disposition est annoncée dans une circulaire du Premier ministre en date du 17 octobre 2008.
Il vise également à préciser que la construction de logements relève des critères exigés pour la mise en oeuvre des baux emphytéotiques administratifs : « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation », dit la loi du 31 mai 1990.
Enfin, cet amendement établit clairement que l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation est applicable aux collectivités locales et aux EPCI.
Avis défavorable, car cet amendement est satisfait par l'adoption au Sénat de l'article 2 ter C de la loi pour l'accélération des programmes de construction.
(L'amendement n° 827 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma