SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE
SOMMAIRE1. Questions au Gouvernement
RSA - jeunes
M. Albert Facon
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale
Présidence française du G20
M. Jean-Marc Roubaud
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
Rapport du Comité européen des droits sociaux
M. Roland Muzeau
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé
Disparition de Laëtitia Perrais
M. Michel Hunault
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
Coopération policière avec la Tunisie
M. Gaëtan Gorce
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes
Lutte contre la délinquance
M. Jacques Myard
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration
Dysfonctionnements de la SNCF
M. Jean-Luc Préel
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports
Coopération policière avec la Tunisie
M. Bruno Le Roux
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes
Formation des professeurs
M. René Couanau
Prise en compte de la pénibilité dans la réforme des retraites
Mme Danièle Hoffman-Rispal
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé
Appel à projets pour les éoliennes
M. Daniel Fidelin
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement
Contrats aidés
M. Hervé Féron
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé
Navires Mistral
M. Michel Voisin
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants
Formation des professeurs
Mme Martine Faure
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative
Conseil des ministres européens de l'agriculture
M. Jacques Lamblin
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire
Fixation de l'ordre du jour
3. Garde à vue
Explications de vote
M. Michel Hunault,M. Sébastien Huyghe,M. Dominique Raimbourg,M. Michel VaxèsVote sur l'ensemble
Présidence de M. Marc Le Fur
4. Moyens du Parlement pour le contrôle de l'action du Gouvernement
M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement
M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Motion de renvoi en commission
M. René DosièreM. Patrick Ollier, ministre,M. Claude Goasguen, rapporteur, M. Daniel Paul,M. Guy Geoffroy,M. Jean Mallot,M. Michel HunaultDiscussion générale
M. Daniel Paul
M. Michel Hunault
M. Guy Geoffroy
M. Jean Mallot
M. Michel Hunault
Discussion générale
M. Daniel Paul
M. Michel Hunault
M. Guy Geoffroy
M. Jean Mallot
Discussion des articles
Article 1er
Amendements nos1,2
Article 3
Explications de vote
M. René Dosière,M. Daniel PaulVote sur l'ensemble
5. Ventes de meubles aux enchères publiques
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
M. Philippe Houillon, rapporteur
Motion de renvoi en commission
M. Jean-Michel ClémentM. Philippe Houillon, rapporteur,M. Jean-Jacques CandelierDiscussion générale
M. Yves Nicolin
Mme Monique Boulestin
M. Jean-Jacques Candelier
M. Pascal Brindeau
M. Michel Mercier, garde des sceaux
Discussion des articles
Articles 1er à 4
Article 5
Article 6
Amendement no16
M. Michel Mercier, garde des sceaux
M. Philippe Houillon, rapporteur
Articles 7 à 17
Article 18
Amendement no1
Article 19
Amendements nos22,21,26
Articles 20 et 21
Article 22
Amendements nos27,19,17,25,23,24
Article 23
Amendements nos18,28
Article 23 bis
Articles 24 et 25
Articles 25 bis à 30
Article 31
Article 32
Articles 33 et 34
Articles 34 bis, 35 et 36
Article 36 bis
Article 37 à 40
Articles 41à 44
Article 45
Amendements nos2,3,4,5,8,7,6
Article 46
Avant l'article 47
Amendements nos14,15,9 rectifié
Article 47
Article 47 bis
Articles 47 ter et 48 à 52
Vote sur l'ensemble
6. Ordre du jour de la prochaine séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Albert Facon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Présenté en septembre 2009 à grand renfort de publicité par le Président Sarkozy dans le cadre du plan Agir pour la jeunesse, le revenu de solidarité active jeunes peine à rencontrer son public. À l'époque, il devait toucher 160 000 jeunes : où en est-on ?
Aujourd'hui, 95 % des jeunes sont exclus de ce dispositif qui, au départ, était généreux et séduisant ; 23 % des jeunes de quinze à vingt-quatre ans sont sans emploi – soit trois points au-dessus de la moyenne européenne – et 20 % d'entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Les critères sont tels que l'on peut difficilement les remplir pour bénéficier de ce RSA. Comment voulez-vous que des jeunes au parcours heurté puissent cumuler deux années de travail sur trois ans, soit 3 214 heures ? Martin Hirsch lui-même reconnaît que les conditions d'attribution sont très contraignantes.
Nous avons tous connu les emplois-jeunes mis en place par le gouvernement Jospin. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Sans être parfait, ce dispositif a permis à 300 000 jeunes de se former et de trouver un emploi tout en bénéficiant d'une certaine autonomie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Dans les hôpitaux, les établissements scolaires et les collectivités locales, ils étaient utiles à notre société. En 1999, 73 % de ces jeunes avaient trouvé un emploi.
Si l'on est éligible au RSA, on touche 466 euros par mois. Madame la ministre, peut-on vivre avec 466 euros lorsqu'on a vingt-trois ou vingt-quatre ans ?
Il faut des mesures rapides, concrètes, permettant à tous les jeunes de retrouver l'espoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Monsieur le député, votre question me permet d'apporter un certain nombre de précisions.
Le revenu de solidarité pour les jeunes actifs n'est pas un traitement social du chômage, ni une allocation d'assistanat. Je remarque d'ailleurs que vous vous êtes toujours refusés – et vous aviez raison – à étendre le RMI aux moins de vingt-cinq ans. En effet, on ne peut offrir l'assistanat comme perspective aux jeunes de notre pays.
Le RSA-jeunes est un complément de ressources destiné aux jeunes déjà engagés dans la vie professionnelle, d'environ 130 euros par mois, c'est-à-dire 15 % du SMIC. Il n'a pas vocation à se substituer à des dispositifs comme les contrats aidés, les contrats d'insertion professionnelle ou les autres mécanismes de formation professionnelle.
Il s'agit d'un dispositif nouveau. À votre collègue Jean-Paul Bacquet qui m'avait interrogée il y a quinze jours à ce sujet, j'avais indiqué que l'on dénombrait 5 000 bénéficiaires de ce RSA. Nous disposons désormais des chiffres définitifs. Au bout de trois mois, nous en sommes à 6 280 et nous notons une très nette montée en charge du dispositif. Actuellement, 20 000 dossiers sont en traitement, avec environ 1 200 dossiers supplémentaires par semaine.
Dans quelques mois, nous ferons bien entendu le point. Nous verrons alors les changements qu'il convient d'apporter, mais d'ores et déjà, nous notons une très nette montée en charge du dispositif. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La France a pris la présidence du G20 en novembre dernier ; la présidence française s'achèvera lors du sommet de Cannes, en novembre prochain.
Hier, lors d'une conférence de presse au monde diplomatique et à la presse internationale et nationale, le Président de la République a défini le cadre des priorités – capitales en cette période de sortie de crise – qu'il se donne afin de réagir à une mondialisation débridée.
Nous devons être conscients du fait que le protectionnisme, le repli sur soi, la fermeture des frontières ou le retour au franc sont des réponses indignes, qui relèvent d'une pure posture politicienne.
Lors de cette conférence de presse, le Président de la République a annoncé que son agenda, comme les sujets auxquels il a donné la priorité en matière de transactions financières, de réforme du système monétaire, de prix des matières premières et de prix des denrées agricoles, avaient été acceptés par les membres du G20. C'est une très bonne nouvelle, car certains de ces sujets étaient tabous il y a seulement six mois.
Madame la ministre, avec vos homologues européens, vous contribuez à la réussite de cet agenda. Pouvez-vous nous dire comment les négociations progressent, et ce que l'on peut en attendre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – « Allô ! Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur Roubaud, vous connaissez bien les questions liées à la mondialisation, auxquelles vous avez consacré un excellent rapport. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis le mois de novembre, le Président de la République a pris la mesure de ces questions ; il a beaucoup écouté, beaucoup consulté, ce qui lui a permis d'identifier les têtes de chapitre du programme de la présidence française du G20 – lequel, vous le savez, rassemble les principaux États de l'économie mondiale.
Le Président de la République a présenté hier cet ordre du jour, identifiant plusieurs rubriques dont je vais vous donner la liste et l'état d'avancement.
Pour lutter contre le protectionnisme commercial et monétaire, le premier objectif est la coordination des politiques monétaires, afin d'éviter les déséquilibres macroéconomiques.
Deuxièmement, pour assurer la sécurité et la stabilité financières, il nous faut améliorer la régulation du système financier.
Troisièmement, nous devons évidemment lutter contre les variations de change, redoutables pour les pays comme pour les entreprises. Tel est le sens de la réforme du système monétaire international. Sachez que l'Allemagne a accepté d'être le chef de file de ces travaux.
Quatrièmement, il faut naturellement éviter les variations très brutales du cours des matières premières, notamment agricoles. Bruno Le Maire et moi-même y travaillons, et la Russie a accepté de présider le groupe de travail consacré à cette question.
Enfin, il nous faut impérativement travailler à la gouvernance mondiale, pour inclure plutôt qu'exclure, pour introduire du lien entre les institutions internationales là où il fait défaut, et pour procéder selon une logique de réciprocité mesurée, indispensable, en particulier, au respect des normes sociales. La Grande-Bretagne a accepté de présider le groupe qui y travaillera.
Je précise à la représentation nationale que je recevrai dans quinze jours les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales et que je la tiendrai informée des suites de cette rencontre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre du travail, plus de quatre millions de nos concitoyens sont aujourd'hui privés d'emploi, dont un million a basculé en fin de droits.
Pourtant, votre majorité continue de vouloir augmenter la durée du travail et ambitionne de réduire la durée et le montant des allocations de chômage. Les propositions se succèdent, rivalisant de cynisme.
Vous ne tirez aucune leçon de vos échecs et de votre incapacité à redresser la situation de l'emploi afin de permettre aux jeunes, aux seniors et aux femmes, premières victimes de votre politique de casse sociale, de vivre décemment.
Vous n'avez qu'une obsession : réduire toujours davantage le coût du travail, quitte à dégrader encore les conditions de vie des salariés et à mettre en péril leur santé et leur vie familiale.
En brandissant le hochet des 35 heures, vous détournez l'attention de l'opinion publique des vrais problèmes. Vous passez sous silence le fait que la France vient à nouveau d'être condamnée, après le Bureau international du travail, par le Comité européen des droits sociaux : selon son dernier rapport, notre pays viole la Charte sociale européenne en matière de droit du travail.
En cause, la loi de réforme du temps de travail d'août 2008, que vous avez fait voter, monsieur le ministre, et qui a aggravé le régime des forfaits jours et des forfaits heures. Ces dispositions, nous les avions dénoncées aux côtés des syndicats unanimes, car elles conduisent un nombre sans cesse croissant de salariés à travailler jusqu'à 78 heures par semaine, avec toutes les conséquences, parfois dramatiques, que cela peut entraîner.
Vous ignorez aussi la condamnation provoquée par l'assimilation des périodes d'astreinte à des périodes de repos.
Vous refusez avec opiniâtreté de transposer les rares dispositions des directives européennes favorables aux salariés, comme celle qui leur permet de bénéficier de leurs congés payés quel que soit leur état de santé.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre : quand vous déciderez-vous enfin à mettre notre législation du travail en conformité avec le minimum de droits reconnus par la Charte sociale européenne ? Quand abrogerez-vous les dispositions incriminées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, quand reconnaîtrez-vous que la France a mieux résisté que nombre de ses voisins européens à la crise qui nous a frappés ? (Protestations sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
En ce qui concerne la Charte sociale, il est vrai que le Comité des droits – qui n'est pas l'instance politique – a été sévère.Il a été particulièrement sévère sur les forfaits jours et sur les astreintes.
Mais s'il a été très sévère, c'est surtout en 2000 et en 2003, à propos de la mise en oeuvre des forfaits jours par les lois de Mme Aubry ! Cela aussi, vous devez le reconnaître.
Cette position n'est pas nouvelle. Ce n'est pas celle de l'instance politique, qui se prononcera pour sa part début février, et vous le savez très bien.
Quant à la qualité de vie au travail, à propos de laquelle le Président de la République s'est récemment exprimé devant le Conseil économique, social et environnemental, la seule limite que les textes de 2008, que nous avons fait voter, fixent à la quantité de travail, c'est la santé des salariés, la santé des travailleurs.
Et si la position française quant à la révision de la directive sur le temps de travail n'a pas varié, si nous refusons de suivre certains pays qui voudraient aller bien plus loin, c'est simplement, comme je l'ai défendu en mon temps, au nom de la santé et de la qualité de vie au travail.Vous ne nous prendrez en défaut sur aucun de ces sujets.
Quel dommage que vous ne vouliez pas reconnaître les avancées de la législation française !
Car une chose est certaine : nous devons permettre de travailler davantage, c'est vrai, mais de travailler mieux. Tel est l'objet de la politique du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Il n'est pas trop tard pour la soutenir, monsieur Muzeau ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le garde des sceaux, s'il faut nous garder de légiférer sous le coup de l'émotion, il reste qu'il y a des drames qui interpellent les Français et la représentation nationale. En Loire-Atlantique, la jeune Laëtitia a disparu mardi dernier.
Mes collègues parlementaires présents aux côtés du Président de la République en cette fin de matinée à Saint-Nazaire ont été sensibles au fait que le chef de l'État ait lui-même fait part de sa profonde émotion et témoigné son soutien à la famille.
L'arrestation et la mise en examen d'un multirécidiviste déjà condamné à des peines criminelles posent la question du suivi et de la prévention de la récidive.
Au groupe Nouveau Centre, nous faisons du combat pour l'effectivité de la peine mais aussi pour la remise en cause de l'automaticité des remises de peine et pour la nécessaire prise en compte de la dangerosité des détenus, un élément essentiel de la prévention.
Monsieur le garde des sceaux, au-delà de l'affirmation d'une volonté que je sais partagée sur tous les bancs de cet hémicycle, il nous faut aussi des moyens pour le suivi et le traitement, qui constituent la meilleure façon de prévenir la récidive.
Au nom du Gouvernement, pouvez-vous nous dire quels sont les moyens mis en oeuvre pour concrétiser une telle exigence ?
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur Hunault, je voudrais tout d'abord indiquer au nom du Premier ministre et des membres du Gouvernement que toutes nos pensées vont vers la famille de Laëtitia Perrais et ses proches. Nous voulons les assurer de notre soutien et de notre compassion, et leur dire que nous comprenons à la fois leur douleur et leur colère.
En tant que ministre de la justice, il ne m'appartient pas d'intervenir dans une enquête en cours. Je veux simplement vous apporter certaines précisions.
Une information judiciaire a été ouverte le 22 janvier pour enlèvement suivi de mort, mais aussi pour viol. Les charges étant insuffisantes à ce stade de la procédure, Tony Meilhon n'a pu être mis en examen pour viol.
Le même Tony Meilhon a, comme vous l'avez souligné, un casier judiciaire extrêmement lourd comportant quinze condamnations. Il a été condamné en 2001 à cinq ans de prison pour viol, violences et agressions sexuelles pour des faits commis en détention sur un codétenu. Il a purgé l'ensemble de cette peine et n'a pas été libéré par anticipation. Depuis sa sortie de prison en février 2010, il était soumis au régime de mise à l'épreuve pour d'autres faits, d'outrage à magistrat. À la suite de sa condamnation en 2001, il était inscrit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes et a fait l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées depuis le 4 janvier parce qu'il n'avait pas respecté son obligation de déclaration d'adresse.
Ce matin, le Président de la République a souligné lors de son déplacement à Saint-Nazaire la nécessité d'apporter une réponse rapide à des situations comme celle-ci. Il est indispensable que les récidivistes fassent l'objet d'un suivi spécifique et approprié, dès leur sortie de prison. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Lors de la discussion à venir du projet de loi sur les jurés populaires, actuellement en cours de préparation, nous aurons l'occasion de débattre largement de cette problématique et d'adapter notre législation en conséquence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Le Président de la République nous a dit hier qu'il n'avait pas pris la juste mesure de ce qui c'était passé en Tunisie (« Vous non plus ! » sur les bancs du groupe UMP), ce qui est très exactement ce que nous disions la semaine dernière dans cet hémicycle. Une fois n'est pas coutume, je veux remercier le Président de la République d'avoir ainsi rendu hommage au travail de l'opposition. (Rires sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Si vous n'avez pas pris la juste mesure des événements, vous n'avez pas non plus pris de mesures justes, c'est-à-dire appropriées à la situation. En effet, Mme Alliot-Marie ne s'est pas contentée de proposer une coopération policière qui devait s'adresser à un régime dont on a vu qu'il utilisait des moyens sanglants ; vous avez agi en ce sens. Nous avons appris la semaine dernière qu'un avion, chargé de sept tonnes de matériel de maintien de l'ordre, avait été affrété et s'apprêtait à partir, au moment même du départ de M. Ben Ali, et n'avait été arrêté que pour une raison tenant à la procédure du service des douanes. Cela veut donc dire que le ministère de l'intérieur, le ministère de la défense et le ministère des finances avaient donné leur accord à cette coopération policière avec le régime de M. Ben Ali.
Cela présente un mérite : rendre justice à Mme Alliot-Marie, comme vous souhaitiez le faire la semaine dernière : ce n'est pas seulement sa responsabilité qui est engagée désormais, c'est la responsabilité de tout le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.) C'est la politique que vous avez menée qui vous a conduits par votre aveuglement à aller jusqu'à proposer de tels moyens.
Ma question ira droit au but, monsieur le Premier ministre : si un avion a été préparé et a failli partir, combien d'autres ont été éventuellement envoyés ? Pouvez-vous nous garantir qu'aucun transfert de matériel de maintien de l'ordre n'a été assuré au bénéfice du régime de Ben Ali entre la mi-décembre et la mi-janvier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur Gorce, si vous posez des questions sur la position de la France à l'égard du régime tunisien, n'oubliez pas de poser ces mêmes questions à vos amis (Protestations sur les bancs du groupe SRC)…
Posez-les en particulier à M. Jospin, à M. Strauss-Kahn ou au maire de Paris, si laudateurs à l'égard de M. Ben Ali. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Posez-les aussi à l'Internationale socialiste, qui a attendu le lundi suivant le départ de M. Ben Ali pour exclure son parti. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous en prie, arrêtons les polémiques. Les enjeux sont bien trop importants. Je pourrais encore en dire beaucoup.
Pour répondre très précisément à votre question, je tiens à dire que notre coopération avec la Tunisie est essentiellement tournée vers l'aide aux populations, et depuis toujours,...
…vers l'aide au développement, l'aide à l'éducation et à la formation, l'aide à la santé publique et l'aide au développement durable.
En matière de police, les choses sont très claires. Nous entretenons avec la Tunisie une coopération extrêmement faible, essentiellement institutionnelle, qui se situe dans le cadre d'Interpol.
Nous n'avons rien à cacher en matière de coopération. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et si vous voulez davantage d'éléments, je les tiens à votre disposition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, la sécurité et la sûreté sont au coeur du pacte républicain et figurent parmi les premières libertés publiques de nos concitoyens. D'ailleurs, la sûreté est inscrite dès l'article 2 dans la Convention des droits de l'homme et du citoyen. Pour qu'elles soient assurées, il faut que tous les actes de délinquance soient sanctionnés. Mais il faut aussi que nos lois s'adaptent, car la délinquance évolue, ce qu'ignore totalement la gauche de cet hémicycle, toujours atteinte de naïveté jospinienne. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, il y a quelques jours, vous avez présenté les statistiques de l'Observatoire national de la délinquance, organisme indépendant. Pour la huitième année consécutive, la délinquance générale régresse de deux points, alors qu'elle avait augmenté de 17 % de 1997 à 2002, mesdames, messieurs de la gauche ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Certes, il y a encore beaucoup à faire. Les violences aux personnes, les trafics de drogues en tout genre, la délinquance de mineurs en bande sont effectivement des défis à relever. Ma question est simple, monsieur le ministre : quelle politique, quelle stratégie comptez-vous adopter pour faire régresser la délinquance dans tous les domaines et relever ces défis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, vous avez raison de le souligner, les résultats de la lutte contre la délinquance sont encourageants : très positifs sur de nombreux aspects, ils nous incitent, sur d'autres, à persévérer et à progresser. Ces résultats, vous l'avez dit, sont établis par un observatoire indépendant.
Celui-ci a souligné que la délinquance globale est en recul depuis huit années consécutives, et plus fortement encore cette année que l'an dernier. Cela signifie une baisse des atteintes aux biens, des escroqueries et infractions économiques et financières, du crime organisé et de la délinquance spécialisée. Ainsi, 60 tonnes de stupéfiants ont été saisies, ce qui représente 560 millions d'euros. Cela signifie aussi une baisse historique du nombre de meurtres, d'assassinats, d'homicides. Il n'y en a jamais eu moins dans notre pays et, dans plus de neuf cas sur dix, ils sont élucidés.
Les violences aux personnes restent, il est vrai, un défi – c'est le cas pour toutes les sociétés modernes. Elles ont augmenté de 2,5 % : c'est trop, même si c'est moins que l'année dernière et que dans les années 2000 où le rythme était de 10,5 %. Il a donc été divisé par cinq.
C'est le résultat de l'action de la police et de la gendarmerie, des choix d'organisation que nous avons faits, notamment le rapprochement entre la police et la gendarmerie, et le développement de la police d'agglomération, ainsi que des progrès de la police technique et scientifique.
Cela dit, chaque victime est une victime de trop, car une agression est un traumatisme. Nous devons poursuivre avec acharnement le combat contre la délinquance. Ce combat porte ses fruits puisque, cette année, la délinquance a reculé et la sécurité a augmenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports et concerne la SNCF. Le groupe Nouveau Centre a décidé à l'unanimité de la poser, car nous sommes tous confrontés dans nos circonscriptions à des problèmes quasi quotidiens. (Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La Société nationale était bien aimée des Français. Citée en exemple, elle était la fierté des cheminots qui pouvaient dire que nos trains arrivaient à l'heure. Aujourd'hui, hélas ! il n'en est plus de même.
Sans revenir sur les problèmes rencontrés à Noël et les retards caricaturaux et ubuesques, force est de constater que retards et incidents se multiplient sur les TGV et les TER, pénalisant les usagers, les clients, et surtout les abonnés qui utilisent chaque jour le train pour se rendre à leur travail.
Les raisons techniques sont liées à une saturation. Pourquoi n'ont-elles pas été anticipées ?
Le plus incompréhensible et inacceptable est le manque d'informations tant en cas d'incident que sur les horaires, les travaux prévus ou les retards envisagés. Pourquoi est-il impossible de connaître les changements d'horaires et de disposer de fiches plusieurs semaines à l'avance ? La semaine dernière, il était impossible de retenir un billet de TGV La Roche-sur-Yon-Paris pour février, le trajet ne figurant plus dans les programmes informatiques. Pourquoi ? Il existerait des problèmes de réservation de fuseaux avec RFF.
Monsieur le secrétaire d'État, comment rendre aux cheminots la fierté et la confiance en leur entreprise, améliorer l'information des usagers sur les horaires en cas d'incident, anticiper les problèmes et adapter le réseau et le matériel au trafic ?
Enfin, je vous remercie de bien vouloir demander au président de la SNCF d'être à l'écoute des parlementaires et de répondre à leurs questions légitimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, l'actualité récente nous a donné des exemples de situations inacceptables dans un pays moderne réputé pour ses infrastructures et ses services de transport.
Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons demandé à la SNCF de recevoir sans délai les usagers concernés pour leur apporter des réponses précises et rapides. Moi-même, je recevais, à treize heures, le responsable du collectif Paris-Tours. L'ensemble des associations d'usagers ont été reçues vendredi par la SNCF. Un geste commercial a fait suite à cette rencontre, avec le gel des abonnements pour les abonnés quotidiens ayant un forfait TGV.
J'ai également demandé à la SNCF de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux causes de ces dysfonctionnements – conjointement avec RFF pour ce qui est de l'organisation de travaux sur les infrastructures –, et de veiller à la disponibilité des matériels et des personnels, ainsi qu'à l'information des passagers qui s'est révélée bien trop souvent déficiente. Sur ce point, je suis d'accord avec vous à 100 %.
À notre demande, la SNCF a proposé un plan de renforcement de l'action sur douze lignes. Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avons demandé à nos services de suivre la mise en oeuvre, sur ces douze lignes en particulier, des mesures décidées par l'entreprise. Nous avons quelques mois pour redresser la situation. Parce que le service public doit être de qualité, nous devons aux usagers, aux abonnés de la SNCF un service régulier.
Soyez assuré, monsieur Préel, que nous serons attentifs à la restauration rapide de ce service. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite revenir à la question posée par mon collègue Gaëtan Gorce, à laquelle vous n'avez malheureusement pas répondu alors qu'elle appelle au contraire des explications honnêtes et précises. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous ne pouvez ignorer que c'est de l'image que vous avez donnée de notre République à ce moment de l'histoire de la Tunisie qu'il est question ici. (Mêmes mouvements.)
La question que vient de vous poser Gaëtan Gorce sur le transfert autorisé de 7 tonnes d'armes à feu montre une nouvelle fois que vous aviez la ferme intention de prêter main-forte pour enrayer la révolte citoyenne.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. N'importe quoi !
En proposant le savoir-faire de nos forces de sécurité alors que la police tirait sur les manifestants, vous n'étiez pas dans l'erreur d'appréciation mais dans une logique de soutien au régime, qui vous a empêchés ensuite de prendre la moindre initiative pour faire cesser la répression.
Depuis, c'est encore M. Guaino, conseiller spécial du Président de la République, qui affirme de façon méprisante que ce n'est pas la première fois dans un pays, même démocratique, qu'on tire à balles réelles sur les émeutiers, minimisant ainsi les dizaines de morts survenus lors de la révolte populaire, ou encore M. Copé qui agite l'épouvantail de l'islamisme et la peur d'une vague d'immigration.
Nous le disons de façon très solennelle, rien ne pourra se construire sans purger les questions suivantes : quelle a été la coopération de la France durant la répression des événements en Tunisie ? Avez-vous autorisé le transfert par avion de notre pays de 7 tonnes de matériels ? Y a-t-il eu d'autres transferts avant le 14 janvier dernier ?
Enfin, monsieur le Premier ministre, pensez-vous que la peur soit le seul message que la France ait à adresser à une révolution démocratique ? Où mettez-vous la ligne rouge que notre pays ne doit pas franchir dans ses relations avec des États autoritaires et dictatoriaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement a attendu le départ de M. Ben Ali pour s'élever contre les méthodes répressives employées.
Dès le 13 janvier – vous n'avez qu'à lire les dépêches AFP ou écouter les radios –, soit bien avant le départ de M. Ben Ali…
…le Premier ministre et moi-même nous sommes élevés contre les mesures répressives qui étaient employées par le régime contre les manifestants. Nous nous sommes élevés contre l'usage disproportionné de la force.
Vous le trouverez dans les déclarations du Premier ministre comme dans les miennes, que vous avez trop voulu ignorer au cours de ces derniers temps.
Quant à la coopération policière, je vous répète qu'elle s'est déroulée dans le cadre d'Interpol. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. René Couanau, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, je souhaite revenir sur la question fondamentale de la nouvelle formation des professeurs.
Dès son lancement, voici deux ans, j'avais exprimé ici même à votre prédécesseur ma crainte, partagée par beaucoup, de voir la formation pratique de ces nouveaux enseignants réduite, voire sacrifiée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) au profit d'une seule formation universitaire, certes élevée et indispensable, mais non suffisante.
Chacun sait que posséder un haut niveau de connaissances n'est pas une garantie de leur bonne transmission.
Il y faut un savoir-faire et un apprentissage prolongé qui me paraissent trop absents de la nouvelle formation…
…telle que l'on peut l'évaluer à la sortie des premières promotions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Or, plus que jamais, dans un environnement souvent difficile et en présence d'élèves très différents, il est nécessaire de maîtriser parfaitement la connaissance de l'enfant et de l'adolescent, celle des modes d'apprentissage et d'acquisition des connaissances (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), les méthodes qui les facilitent et les moyens qu'il faut mettre en oeuvre,…
…non pas seulement pour secourir les « décrocheurs », ce désolant barbarisme à la mode, inspiré du jargon cycliste, mais bien pour aider chacun à progresser selon son rythme et permettre à tous de réussir. Bref il y faut tous les ressorts de la pédagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Je crois que le Président de la République a eu récemment des mots compréhensifs à cet égard.
Monsieur le ministre, quelles seront vos orientations et vos propositions pour la remise en chantier de la formation pratique des professeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, nous avons eu raison d'allonger d'une année la formation initiale des enseignants, et je tiens à le répéter devant votre assemblée, parce que cette réforme tourne le dos à une formation en IUFM qui avait fini par nous faire oublier que la pédagogie seule éloigne de la transmission du savoir…
…et que le « pédagogisme » finit par nous faire oublier qu'enseigner c'est d'abord transmettre des savoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous avons voulu une réforme équilibrée. La mastérisation, c'est un recrutement à bac + 5 d'étudiants qui sont d'abord de bon disciplinaires, mais avec une formation pédagogique qui leur permet d'exercer leur métier dans la classe.
Voilà pourquoi nous avons mis en place des stages de deux fois 108 heures en première et deuxième année de master et un tutorat pour l'accueil des professeurs stagiaires dans la classe.
Depuis la rentrée, j'ai indiqué que nous étions prêts à améliorer cette situation liée à une année transitoire. Le Président de la République l'a évoqué cette semaine.
Nous irons plus loin. Nous travaillons sur des masters polyvalents pour le premier degré, de façon à améliorer la formation pédagogique. Nous travaillons également sur des masters en alternance, afin de permettre de mieux allier formation disciplinaire à l'université et pratique devant les élèves. Nous préparons aussi des modules spécifiques sur la tenue de classe, pour que les enseignants soient mieux préparés à ces situations.
Vous le voyez, monsieur le député, nous allons travailler à une amélioration de cette réforme qui était nécessaire à notre système éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, face à la mobilisation des Français opposés à votre réforme des retraites en 2010, le Gouvernement a fait le choix de l'inflexibilité, frisant comme souvent l'irresponsabilité.
Le Président de la République a prétendu concéder une modification importante : l'amélioration de la prise en compte de la pénibilité des carrières. Ainsi, au sortir du conseil des ministres du 8 septembre 2010, M. Sarkozy déclarait : « Je souhaite que toute personne présentant un taux d'incapacité de 10 % puisse faire valoir ses droits devant une commission pluridisciplinaire. »
La semaine dernière, les partenaires sociaux ont découvert avec stupeur (Murmures sur les bancs du groupe UMP) la manière dont vous souhaitez concrétiser cette promesse. En effet, vous réservez le dispositif prévu aux seuls salariés exposés pendant dix-sept ans à des facteurs de pénibilité.
On se demande d'ailleurs à quoi correspondent ces dix-sept années. Cette condition on ne peut plus restrictive ne figurait même pas dans le projet de loi.
Les députés socialistes avaient souligné très tôt les faiblesses du dispositif relatif à la pénibilité, du reste plus proche d'une reconnaissance de l'invalidité. Pire, vous demandez aux salariés de prouver eux-mêmes qu'ils peuvent bénéficier de ce dispositif, et de surcroît devant une commission où ils ne sont même pas représentés.
En définitive, seule une minorité de salariés pourra accéder à ce dispositif concernant la pénibilité, alors que le Gouvernement annonçait le chiffre de 30 000 bénéficiaires potentiels.
Monsieur le Premier ministre, ce retour en arrière est choquant. Il n'y avait aucune nécessité de rendre encore plus inique le dispositif initial, déjà suffisamment dur pour les salariés. Allez-vous prendre en compte les réactions des partenaires sociaux et supprimer cette barrière des dix-sept ans, barrière incohérente et injuste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Madame la députée, j'ignore si vous avez lu les projets de décrets et si les responsables du parti socialiste et du parti communiste eux-mêmes les ont lus. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR). On a en effet pu lire des communiqués tellement éloignés de la réalité qu'on est en droit de s'interroger sur la sincérité de ceux qui les ont rédigés.
Ces avant-projets de décrets prévoient très clairement que ceux qui souffrent d'une incapacité de travail supérieure à 20 % gardent automatiquement le droit de partir à la retraite à soixante ans. Ceux dont le taux d'incapacité se situe entre 10 et 20 % passeront devant une commission chargée de vérifier que l'incapacité, comme cela a été évoqué dans tous les débats parlementaires, est bien liée à la nature du travail, qu'il s'agisse du port de charges lourdes ou de l'exposition à un certain nombre de produits…
Vous nous demandez d'où vient le chiffre de dix-sept années. Vous savez bien que, dans la fonction publique, les agents en catégorie active ont le droit de partir à la retraite non plus après quinze ans mais, une fois la réforme appliquée, dix-sept ans. Cette durée n'est par conséquent en rien une découverte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si l'on souffre d'une incapacité à la suite d'un accident du travail, il ne s'agit pas de la même pénibilité.
Je vous confirme que 30 000 personnes seront concernées par le dispositif relatif à la pénibilité.
Vous n'avez pas beaucoup progressé : jamais, pour la pénibilité, vous n'avez été au rendez-vous ! Jamais ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La première fois que nous en avons discuté, en 2003, sous l'égide de François Fillon, c'est nous-mêmes qui avons soutenu un amendement en la matière. Vous êtes très forts pour évoquer la pénibilité mais jamais vous n'avez voté la moindre avancée en faveur des salariés !
En attendant de pouvoir définir des critères clairs, reconnus par tous, nous avons mis en place le système des carrières longues en faveur des salariés qui ont commencé à travailler très jeunes, dans des métiers souvent difficiles. C'est cette majorité qui l'a fait et non la gauche, voilà la réalité de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Daniel Fidelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, le paquet « Énergie-climat » a été adopté, sous la présidence française de l'Union européenne, par l'ensemble des 27 chefs d'État lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008 puis validé par le Parlement européen.
Nous nous réjouissons de ce plan qui vise, d'ici à 2020, à diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, à réduire de 20 % la consommation d'énergie et à augmenter de 20 % la part des énergies renouvelables.
Pour la France, la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie devra s'élever à 23 %. Cet objectif ambitieux, nous le savons, repose essentiellement sur le développement de l'éolien, pour 25 000 mégawatts, dont un engagement de 6 000 mégawatts pour l'éolien en mer – objectif proposé par la mission parlementaire et confirmé par le Grenelle 2 de l'environnement.
Depuis plusieurs mois, les industriels ont engagé des études et ont mené de vraies concertations avec les élus, les associations de protection de l'environnement et les pêcheurs. Des territoires entiers attendent avec grand intérêt les décisions du Gouvernement.
Madame la ministre, alors que le Président de la République a évoqué ce sujet ce matin à Nantes, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale quels sites ont été retenus pour accueillir les parcs éoliens offshore, ainsi que leur puissance ? En fait, pouvez-vous nous dévoiler la carte dite des zones propices ? Pouvez-vous également nous confirmer le lancement du premier appel à projets ?
Je souhaite vous rappeler, madame la ministre, que les villes du Havre et de Saint-Nazaire travaillent depuis plusieurs mois en synergie pour d'offrir aux industriels les meilleures conditions d'accueil.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet appel à projets, notamment sur sa puissance et son calendrier ? Enfin, dans quel délai pouvons-nous espérer voir les éoliennes tourner au large de nos côtes ?
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Monsieur Fidelin, ce matin, à Saint-Nazaire, devant les ouvriers des Chantiers de l'Atlantique, le Président de la République a annoncé le lancement de l'éolien en mer. Avec le Premier ministre, le chef de l'État a retenu la plus ambitieuse des options envisagées, pour une puissance de 3 000 mégawatts.
Cinq sites sont sélectionnés : Dieppe Le Tréport, Fécamp – dans votre circonscription –, Courseulles-sur-mer, dans le Calvados, Saint-Brieuc et Saint-Nazaire. Tout ira très vite : le Premier ministre a souhaité que le cahier des charges de ce premier appel à projets soit mis en consultation dans les quinze jours.
C'est d'abord une victoire pour l'environnement : l'électricité éolienne offshore est l'une des plus « décarbonnées » et elle offre un excellent rendement. C'est aussi une victoire pour l'emploi vert. Le Grenelle est source d'emplois industriels, d'emplois ouvriers en France. Le Président de la République évoquait ce matin le chiffre de 10 000 emplois directs.
Sous l'autorité du Premier ministre, nous resterons très vigilants pour que le cahier des charges de l'appel d'offres intègre de bons critères qui permettent de faire émerger une filière industrielle en France. La France dispose de tous les atouts pour devenir le leader mondial de l'énergie éolienne offshore.
Enfin, monsieur le député, c'est une victoire du Grenelle de l'environnement, une victoire sur les « climato-sceptiques » et sur les « Grenello-sceptiques », qui se rejoignent dans leur combat, une victoire sur tous ceux qui prétendent que le Grenelle ne sert à rien, soutiennent que, depuis la crise économique, sa mise en oeuvre coûte trop cher, sur ceux qui prédisent qu'il ne sera pas appliqué. Mesdames et messieurs les députés, le lancement de l'éolien en mer leur apporte le plus beau et le plus clair des démentis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hervé Féron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur de nouvelles dégradations dans le secteur de l'insertion et des contrats aidés.
Dès septembre 2010, il n'était plus possible de signer de nouveaux contrats d'accompagnement vers l'emploi.
Depuis le 1er janvier 2011, contrairement à toutes les promesses qui avaient été faites ici même, a été annoncé comme objectif une baisse considérable des contrats aidés, qui seront limités cette année à 360 000, soit une baisse de 40 000 contrats pour 2011.
Mais la régression, ce sont aussi des conventions qui ne peuvent plus être signées que pour vingt heures par semaine et six mois non renouvelables, alors que, précédemment, elles étaient de vingt-six heures par semaine pour un an renouvelable.
La régression, c'est encore une prise en charge de l'État qui passe de 90 % pour vingt-six heures à 70 % pour vingt heures seulement.
Dans le contexte d'une politique catastrophique pour l'emploi et pour l'insertion professionnelle, nous assistons à une mise à mal du secteur associatif non marchand, à savoir l'éducation, les actions culturelles, sportives et sociales, qui bénéficient pour près de 75 % de ces contrats aidés. C'est, là encore, un transfert de charges sur le dos des communes et des collectivités territoriales, qui devront s'efforcer de compenser cette baisse des moyens accordés au monde associatif.
Mais c'est surtout la mise en grande difficulté des populations les plus fragiles : les jeunes et les personnes sans formation ni diplôme. Le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans dans notre pays est le plus élevé d'Europe.
Monsieur le ministre, ne nous racontez plus d'histoires. Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir.
Il vous faut réagir et proposer une politique que les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, votre discours est en train de changer. En fin d'année, vous nous disiez qu'il n'y aurait plus aucun contrat aidé dans ce pays, que la majorité était en train de les supprimer. On s'aperçoit aujourd'hui que ce ne sont pas 360 000, comme vous l'avez dit, mais 390 000 contrats aidés qui seront signés en 2011 : 340 000 CAE et 50 000 contrats dans les entreprises privées.
Votre discours a changé tout simplement parce que ce que vous avez constaté dans certains départements, à la fin de l'année 2010, c'est une consommation plus importante, qui n'avait pas respecté le rythme mensuel. Dans certains départements, notamment dans une région que je connais bien, la Picardie, au 15 octobre, il a fallu ralentir le rythme. Cela ne s'est pas arrêté, il y a tout simplement eu un ralentissement.
Aujourd'hui, en 2011, parce que nous savons que nous avons aussi besoin des contrats aidés, il y aura davantage de contrats qu'il n'y en avait avant la crise. Nous serons même à un niveau comparable à 2009.
Alors, je vous en prie, n'assénez pas des contrevérités en disant que tout va s'arrêter, que les collectivités ne vont plus pouvoir signer de contrats aidés. Si nous, nous avons la responsabilité de financer des contrats aidés, notamment pour celles et ceux qui sont éloignés de l'emploi, et pour lesquels nous savons bien que c'est ce qui va leur permettre de revenir dans l'emploi, le premier jour où l'on recrute un salarié en contrat aidé, il faut l'amener vers une formation. Parce que l'on ne peut pas faire toute sa vie et toute sa carrière en contrat aidé. Les employeurs doivent obligatoirement prendre en compte le fait que l'on doit les former pour les ramener dans le marché de l'emploi.
Cette politique, c'est celle que nous menons. Cela ne sert à rien de la caricaturer, parce que les Français savent bien que ce n'est pas la vérité. Dites la vérité, vous serez plus crédibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Voisin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants.
Il y a quelques mois, certaines annonces avaient entraîné des railleries de la part de ceux qui siègent ici en face de moi. Ce matin, monsieur le ministre, vous accompagniez le Président de la République aux Chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire, où vous avez rencontré M. Igor Setchine, vice-Premier ministre de Russie.
À cette occasion, vous avez participé à la cérémonie de signature d'un accord entre la France et la Fédération de Russie pour la réalisation de bâtiments de projection et de commandement, BPC, de classe Mistral.
La signature de cet accord confirme l'excellence de l'industrie de défense française portée par DCNS et STX.
L'équipement de nos armées, notamment les BPC Mistral et Tonnerre, est l'occasion de valoriser ce savoir-faire national.
Alors que le sommet de Lisbonne a été l'occasion d'afficher la volonté de la Russie de se rapprocher de l'Alliance atlantique, cette décision s'inscrit dans le prolongement de ce partenariat.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les modalités de la signature de cet accord et sa portée pour le partenariat franco-russe ?
Et surtout, car c'est ce qui compte le plus, quel sera l'impact de ce projet pour l'industrie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants.
Monsieur le député, j'ai accueilli en effet, ce matin, à Saint-Nazaire, M. Igor Setchine, qui est le premier vice-Premier ministre russe. Cela m'a permis de lui exprimer la compassion et la solidarité du Gouvernement français – et au-delà, j'en suis sûr, du peuple français – devant l'acte barbare de terrorisme qui a été perpétré à Moscou. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Nous avons ensuite signé, en présence de M. le Président de la République, l'accord intergouvernemental qui prévoit la construction de quatre bâtiments de projection et de commandement, de classe Mistral, destinés à la marine russe. Les deux premiers de ces bâtiments seront construits en France, les deux suivants en Russie, sur la base d'un partage de la charge de travail équilibré, moitié-moitié.
Cet accord prévoit le transfert des technologies de la construction des coques. Ces bateaux seront livrés non armés. L'accord prévoit aussi le transfert de technologies dans le domaine de la gestion de l'information et des communications, à l'exclusion de celles qui relèvent de l'OTAN ou qui sont nécessaires à la sécurité de nos forces.
L'accord sera complété par un protocole d'accord signé entre les industriels, DCNS d'un côté, et son équivalent russe de l'autre.
Comme vous l'avez dit, cet accord, qui a été négocié dans un temps relativement court, de dix-huit mois, illustre l'excellence de la construction navale française, qui était confrontée à une concurrence internationale sévère.
Ses retombées sont considérables. Ce sont 6,2 millions d'heures de travail et 1 200 emplois garantis pendant quatre ans, pour STX et pour DCNS. Et je dois dire que les ouvriers des chantiers navals qui étaient là, devant nous et devant le Président de la République, étaient heureux de la confirmation de cette commande.
On évoque parfois quelques risques, notamment celui d'une concurrence russe à l'exportation. Nos industriels ont confiance en leur capacité à maintenir leur avance technologique.
Quant au risque politique, on ne peut pas à la fois dire aux Russes qu'ils sont nos partenaires et ne pas leur faire confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Faure, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je veux à mon tour interroger M. le ministre de l'éducation nationale sur l'indispensable formation des professeurs, car la réponse qu'il nous a donnée ne nous satisfait absolument pas. Auparavant, je voudrais vous faire part d'un témoignage, et vous rappeler les paroles du Président de la République évoquées par René Couanau.
Voici le témoignage : « En plus de mes seize heures de cours, je dois gérer l'aspect administratif de ma fonction de professeur principal, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) préparer l'orientation de mes élèves, qui devront faire des choix importants à la fin de leur année de seconde, et faire cours, parfois sans livre, puisque dans ma matière la mise en place de nouveaux programmes a été connue trop tard pour que les éditeurs puissent produire des manuels à temps ! »
Cette jeune enseignante stagiaire a été propulsée professeur principal de seconde dans un lycée en zone urbaine sensible.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et alors ?
Avant votre réforme, elle aurait bénéficié d'un aménagement annuel de son emploi du temps pour compléter son savoir disciplinaire par des modules de pédagogie, de didactique, d'études de cas concrets.
Les paroles du Président de la République étaient les suivantes : « Passer des IUFM à l'Université, passer d'un niveau licence à un niveau master, ne suffit pas. Il y a notamment toute la question de la formation pratique. Je pense qu'il ne faut pas avoir peur de reconnaître que l'on doit améliorer en permanence notre système. »
Monsieur le ministre, « enseigner s'apprend », nous ne cessons de vous le répéter depuis des mois. Ma question est donc simple : après cette désastreuse rentrée, et puisque le Président de la République lui-même vous y incite, quand allez-vous rétablir une véritable formation pour les enseignants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Madame la députée, vous êtes extraordinaire. À vous écouter, on a l'impression qu'il y a eu un âge d'or à l'éducation nationale : sans doute lorsque Lionel Jospin en était le ministre de tutelle ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !
Tout était rose, pas uniquement la chemise des ministres, mais les professeurs étaient bien formés,…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mieux !
…les professeurs étaient heureux, et les élèves obtenaient de meilleurs résultats.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !
Mais madame Faure, redescendez sur terre ! Ouvrez les yeux ! Où en sont les résultats et les performances de notre système éducatif avec cette politique ?
Nous avons tourné le dos à une politique qui a consisté à toujours créer des postes et ajouter des moyens aux moyens chaque fois qu'il y avait des problèmes dans l'éducation nationale, sans se soucier des résultats.
Madame la députée, nous avons décidé d'améliorer la formation de nos enseignants. Nous avons décidé de leur faire confiance. Nous avons décidé de leur financer une année supplémentaire de formation initiale, comme c'est le cas dans la plupart des grands pays développés. Depuis la rentrée scolaire, j'ai indiqué que nous étions prêts pour la rentrée 2011. J'ai accordé une entrevue à un quotidien à la fin du mois de septembre dans laquelle j'indiquais que nous étions prêts à discuter d'aménagements pour équilibrer formation disciplinaire et formation pédagogique.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous travaillons sur des mastères en alternance, des mastères polyvalents, et nous allons renforcer le tutorat pour que les professeurs stagiaires soient accueillis devant les élèves. Mais de grâce, madame Faure, cessez de nous faire croire qu'il y a eu un âge d'or de l'éducation nationale avec la politique que vous avez menée, laquelle a obtenu les résultats que nous savons au niveau international. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, les événements de ces derniers jours démontrent que la position française en matière agricole fait son chemin : dans sa conférence de presse, hier, le Président de la République a rappelé la nécessité d'organiser, au niveau du G20, la lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles.
Samedi, cinquante ministres de l'agriculture se sont réunis à Berlin pour soutenir la même idée.
Hier, vous étiez à Bruxelles au Conseil des ministres de l'agriculture. Le sujet y a également été évoqué.
On doit l'émergence progressive de cette idée à votre stratégie de mouvement, faite d'initiatives et de négociations.
Aujourd'hui, au niveau européen, en matière agricole, les choses sont claires : la nécessaire régulation des marchés agricoles n'est plus contestée par personne ; la sécurité alimentaire sur le plan qualitatif est devenue une priorité pour tous ; enfin, pour réussir, la PAC 2013 devra conserver tous ses moyens. Chacun l'admet, ou presque.
Ces avancées, obtenues en quelques mois à peine par la France, désormais en plein accord avec l'Allemagne, sont considérables. Il est bon de le rappeler.
En parallèle à la définition de cette politique de long terme, il faut gérer le quotidien : la crise du porc, la volatilité du prix des céréales ; les crises sanitaires telles que la pollution par la dioxine en Allemagne.
Monsieur le ministre, pourriez-vous informer la représentation nationale : sur les propositions faites hier à Bruxelles par l'ensemble de nos partenaires ; sur les positions françaises ; et sur les décisions prises par le Conseil des ministres de l'agriculture ?
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
La volatilité du prix des matières agricoles est le problème numéro un de tous les paysans en Europe et dans le monde.
Nous pouvons débattre de la spéculation sur les marchés agricoles mais, si vous me le permettez, cela revient un peu à débattre du sexe des anges. La réalité est qu'il existe une volatilité croissante des prix agricoles, et qu'elle est insupportable pour tous. La réalité est que le prix du blé est passé, en l'espace de quelques mois, de 115 euros à plus de 260 euros la tonne, mettant dans une situation intenable tous les éleveurs européens. La réalité est que cette volatilité des prix agricoles nous fait courir le risque d'avoir d'ici quelques mois à nouveau des émeutes de la faim dans des pays qui les ont déjà connues en 2008. Ce serait moralement et économiquement inacceptable.
C'est pour cela que le Président de la République a souhaité que la lutte contre la volatilité du prix des matières agricoles soit au coeur du G20. Nous allons procéder dans trois directions : meilleure coopération entre les États, meilleure transparence sur les stocks, et régulation des marchés financiers de matières premières agricoles.
Au-delà de ces objectifs que nous nous fixons pour 2011, il faut évidemment intervenir immédiatement sur les conséquences dramatiques de cette augmentation des prix des céréales pour les éleveurs bovins ou porcins. Je demande depuis plusieurs semaines à la Commission européenne d'intervenir sur les marchés pour faire remonter le prix du porc, et apporter un soutien concret à tous les producteurs de porc en France, dans votre circonscription comme ailleurs.
Hier, lors du Conseil des ministres de l'agriculture, la Commission a accédé à nos demandes. Elle interviendra sur les marchés, elle fera du stockage privé, et elle permettra la remontée du cours du porc en France comme dans les autres pays européens. C'est bien ce que nous voulons quand nous défendons un marché régulé. La régulation, c'est le soutien aux agriculteurs ; la régulation, c'est le filet de sécurité dont tous les producteurs ont besoin aujourd'hui comme demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Conseil des ministres européens de l'agriculture
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté pour les séances des mardi 15 et mercredi 16 février après-midi et soir les propositions d'ordre du jour suivantes :
Proposition de loi relative au prix du livre numérique ;
Proposition de loi relative aux maisons départementales des personnes handicapées et à la politique du handicap ;
Deuxième lecture des projets de loi organique et ordinaire sur le Défenseur des droits.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les députés du groupe du Nouveau Centre apporteront leur soutien au Gouvernement pour le vote du projet de loi de réforme de la garde à vue.
Il s'agit d'un texte important pour nos libertés. Le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour de cassation ont demandé au Gouvernement de réformer le régime de la garde à vue.
Tout au long de la discussion du projet, Hervé de Charette et moi-même avons souhaité aboutir à un texte d'équilibre, conciliant l'exigence de recherche de la vérité et de sérénité des enquêtes judiciaires et la préservation des libertés les plus essentielles, notamment la dignité de la personne humaine pendant la garde à vue. Au nom du groupe Nouveau Centre, nous vous avons proposé des amendements que vous avez acceptés, monsieur le garde des sceaux : je pense à ceux visant l'interdiction de la fouille au corps ou concernant le rôle effectif de l'avocat. Tout au long de la discussion, nous avons voulu travailler avec l'ensemble de nos collègues, de la majorité comme de l'opposition, à ce texte d'équilibre, soucieux de ne pas décourager les forces de police et de gendarmerie tout en redonnant à l'avocat son rôle essentiel. Nous sommes arrivés, je crois, à ce texte de compromis.
Je voudrais revenir sur un ou deux points essentiels : d'une part, les lieux de garde à vue situés dans les brigades de gendarmerie et les commissariats ; d'autre part, le rôle effectif de l'avocat.
J'ai noté que vous partagiez nos exigences, monsieur le garde des sceaux. Le texte que nous avons examiné en première lecture sera certainement enrichi par le Sénat, mais nous avons apprécié votre sens de l'écoute et le fait que vous ayez accepté que le projet de loi soit amendé pour respecter des principes essentiels pour nous.
Après avoir voté, au cours de cette législature, un texte sur la loi pénitentiaire, un autre sur le contrôle des lieux privatifs de liberté – avec la création du Contrôleur général des prisons –, un autre instituant la question prioritaire de constitutionnalité et, la semaine dernière, les projets de loi sur le Défenseur des droits, la majorité parcourt aujourd'hui, avec le Gouvernement, une nouvelle étape pour une meilleure défense des libertés individuelles. Les députés du groupe Nouveau Centre voteront ce texte de progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en lançant, à la fin de 2008, une large concertation sur une réforme globale de notre procédure pénale, le Président de la République avait indiqué qu'il souhaitait que nous passions d'un système qui privilégie l'aveu à un système privilégiant la preuve.
Cependant, le calendrier de la partie de la réforme de la procédure pénale qui concerne la garde à vue s'est trouvé précipité par la décision du Conseil Constitutionnel du 30 juillet 2010, qui nous laisse jusqu'au 1er juillet 2011 pour modifier notre législation. Cette décision s'inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation et de celle de la Cour européenne des droits de l'homme.
La réforme que nous allons voter devait trouver, à plus d'un titre, un étroit chemin entre divers intérêts souvent perçus comme contradictoires. Elle devait tout d'abord donner les moyens de mener l'enquête sans entraves afin de permettre la manifestation de la vérité. Elle devait ensuite admettre que le « mis en cause » puisse exercer ses droits légitimes à la défense. Elle devait enfin accorder à la victime les moyens d'être respectée et protégée, et veiller à ce que, dans les faits, celle-ci n'ait pas le sentiment que les rôles sont inversés, c'est-à-dire que la victime ne soit pas mise en accusation et que l'auteur n'apparaisse pas comme une victime du système qu'il faudrait protéger à tout prix.
Par ailleurs, notre marge de manoeuvre était très étroite entre deux risques politiques majeurs. Le premier était de mettre en oeuvre des règles de procédure de garde à vue si contraignantes qu'elles auraient pu être une véritable entrave à l'enquête et nuire à l'efficacité de la police et, par conséquent, de la justice. Mes chers collègues, nous ne pouvions pas prendre le risque de donner un coup de frein à la lutte contre la délinquance. Cela aurait été un mauvais signal pour les Français qui nous disent tous les jours leur besoin de sécurité. Cela aurait été un mauvais signal pour les délinquants, qui auraient pu croire que tout était permis en toute impunité. Cela aurait été un mauvais signal pour les forces de l'ordre qui, voyant leur efficacité mise à mal pour des questions procédurales, auraient nourri non seulement un sentiment de lassitude, mais, pis, auraient vécu une véritable démotivation dans leur lutte quotidienne contre la délinquance. Je veux ici rendre hommage au travail difficile réalisé au quotidien par nos policiers et nos gendarmes sur l'ensemble du territoire.
Nous devions également éviter un second écueil : une réforme de la garde à vue pour rien. Nous ne pouvions pas nous permettre de mettre en place un dispositif qui aurait pu encourir, dans les mois qui viennent, de nouvelles sanctions, soit de la Cour européenne des droits de l'homme, soit du Conseil constitutionnel, soit encore de nos plus hautes juridictions.
C'est parce que le texte issu de nos débats est équilibré, qu'il préserve les droits de la défense et permet à l'enquête de se dérouler dans de bonnes conditions, qu'il tend à faire passer la procédure pénale d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve, qu'il entend démontrer que l'avocat n'est pas l'ennemi de l'enquête et que le policier n'est pas l'ennemi de l'avocat, et c'est également parce que le Gouvernement a parfaitement respecté le Parlement, et l'a laissé pleinement jouer son rôle, notamment en prenant acte du refus, par notre Assemblée, du dispositif de l'audition libre, ainsi qu'en acceptant la mise en place d'un délai de carence avant le début des auditions, que le groupe UMP votera le projet de loi portant réforme de la garde à vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le scrutin public est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre procédure pénale est malade et, en faisant de la politique du chiffre quasiment une religion, le Président de la République, précédemment ministre de l'intérieur, a considérablement aggravé la maladie. C'est si vrai que, depuis que les gardes à vue ne sont plus l'indice de la qualité et de la quantité du travail policier, leur nombre aurait déjà baissé de 100 000, selon les dernières informations en notre possession.
Face à cette situation, nous légiférons dans l'urgence, mais nous légiférons tardivement. Pourtant, une proposition de loi du groupe SRC, due à notre collègue André Vallini, avait été inscrite à l'ordre du jour : elle visait à permettre que l'avocat puisse assister son client durant la garde à vue.
Nous légiférons tardivement, après trois condamnations, formulées d'abord par le Conseil constitutionnel, ensuite par la Cour de cassation et enfin, à plusieurs reprises, par la Cour européenne des droits de l'homme.
Nous légiférons dans l'urgence, sans perspective : la question du statut du parquet, qui se pose à l'évidence lorsque nous examinons la question de la garde à vue, n'est absolument pas abordée.
Nous légiférons principalement sur le papier, sans entreprendre de réflexion sur l'organisation de la police et de la justice, sur la question des gardes à vue durant la nuit, sur la question des gardes à vue d'attente – décidées parce que l'officier de police de permanence au quart n'a pas les moyens de traiter les dossiers qui rentrent et que le substitut du procureur de permanence travaille aussi la journée et doit nécessairement s'arrêter pour prendre quelques heures de sommeil. Nous n'avons pas davantage réfléchi à l'organisation des barreaux. Près de 22 000 des 55 000 avocats français sont parisiens : comment les 32 000 avocats provinciaux – métropolitains et hors métropole – pourront-ils répondre aux demandes d'assistance lors des gardes à vue ?
Il n'est pas prévu de moyens pour améliorer le travail de la police, pour que la police scientifique et technique, par exemple, puisse multiplier les investigations, alors que nous répétons tous à l'envi, et parfois même au-delà du raisonnable, qu'il faut substituer la culture de la preuve à celle de l'aveu.
La question de l'indemnisation des avocats de permanence n'est pas totalement résolue et celle du budget de l'aide juridictionnelle n'a pas été abordée.
Enfin, nous légiférons dans la frilosité, puisque le juge des libertés et de la détention ne se voit pas accorder toute la place qui devrait être la sienne : ce n'est pas à lui qu'est confiée la détermination du périmètre d'intervention de l'avocat, mais au procureur. Il est incontestable – même si Sébastien Huyghe en parle avec beaucoup plus d'optimisme que moi – que cette fragilité nous fait risquer une nouvelle censure.
Pour toutes ces raisons, et en dépit des avancées que marque ce texte en ce qui concerne la présence de l'avocat et les fouilles, le groupe SRC s'abstiendra, espérant que la discussion au Sénat et son examen en deuxième lecture par notre assemblée permettront de l'améliorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le garde des sceaux, le projet de loi que vous soumettez aujourd'hui à notre approbation intervient dans un contexte particulier. Notre pays est, en effet, dans une situation d'exception au regard des standards constitutionnels et européens. Ainsi, la garde à vue à la française a été déclarée contraire à la Constitution et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. C'est donc dans l'urgence, contraint et forcé, que vous vous êtes résolu à remédier à l'illégalité qui frappe aujourd'hui toutes les gardes à vue à la française.
Au lieu de saisir cette occasion pour introduire des avancées décisives et pérennes, vous avez opté pour une réforme minimaliste. Certes, des avancées indubitables, mais surtout inéluctables, ont été actées, s'agissant de la présence de l'avocat. Désormais, celui-ci sera présent tout au long de la garde à vue, il pourra assister aux auditions, confrontations et poser des questions à la fin des entretiens. Le texte prévoit toutefois de nombreuses exceptions. Ainsi l'arrivée de l'avocat pourra-t-elle être différée : de douze heures, en droit commun, si le procureur estime qu'il existe des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ; de vingt-quatre heures pour les délits punis d'une peine de cinq ans au moins ; et de soixante-douze heures pour des affaires de terrorisme. En définitive, cette réforme ne permet pas à l'avocat d'intervenir de manière contradictoire tout au long de la procédure.
Il a été décidé, en séance publique, que le contrôle de la garde à vue resterait entre les mains du procureur dont l'indépendance est pourtant régulièrement remise en cause du fait de sa soumission hiérarchique à l'exécutif. Il s'agit là, pour nous, d'un retour en arrière peu acceptable. D'autres modifications ont été adoptées, telle l'obligation de notifier le droit au silence dont chaque personne gardée à vue peut se prévaloir face à un policier ou à un gendarme. Autant de dispositions minimales qui montrent à quel point notre régime de garde à vue est actuellement scandaleux.
Enfin, en déposant un amendement qui tend à créer une garde à vue sans droits, originellement nommée « audition libre », le Gouvernement a prouvé qu'il rencontrait beaucoup de difficultés à résister à sa tentation initiale…
Non !
…de contourner les obligations qui pèsent sur la France. Cette disposition a été sortie par la porte de la commission pour, semble-t-il, revenir par la fenêtre gouvernementale, par le biais d'un amendement à l'article 11 bis. Il est en effet prévu qu'un placement en garde à vue n'est pas obligatoire, notamment, lors d'enquête de flagrance. Les policiers pourront donc entendre la personne suspectée sans qu'elle ait le moindre droit et sans limite de temps. Aucune disposition du projet, en son état actuel, ne mentionne que la personne devra être informée de son droit de quitter librement les locaux de police ou de gendarmerie, ce qui peut permettre toutes les pressions des enquêteurs. On ne voit pas comment ce dispositif – comme d'ailleurs celui de l'audition libre première version – pourra échapper à la censure du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation ou, surtout, de la Cour européenne des droits de l'homme, considérant qu'il constitue une violation du droit de toute personne accusée d'être assistée par un avocat dès le début des auditions. Par cet amendement – et le Syndicat des avocats de France partage notre analyse – vous avez réintroduit une procédure d'audition libre qui ne respecte pas les droits de la défense. La main sur le coeur, vous nous avez certifié le contraire, mais vous n'avez pas réussi à nous convaincre.
Nous aurions pu nous abstenir, comme vont le faire nos collègues écologistes du groupe GDR. Mais, puisque nous bénéficions – une fois n'est pas coutume – du luxe de délibérer hors de la procédure d'urgence, et puisque nous considérons que le garde des sceaux n'a pas été convaincant et que des ambiguïtés majeures subsistent, nous avons décidé de voter contre ce texte en première lecture. Nous espérons que, au cours de la navette, vous serez en mesure de nous garantir que les personnes interrogées dans ce nouveau cadre verront leur droit de se défendre respecté au même titre que les personnes gardées à vue. Nous pourrons alors nous prononcer comme nous envisagions de le faire après l'examen du texte par la commission, avant que ne soit discuté l'amendement déposé au titre de l'article 88. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 552
Nombre de suffrages exprimés 352
Majorité absolue 177
Pour l'adoption 320
Contre 32
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques (n°s 3065, 3106).
La parole est à M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, dans une démocratie moderne, le contrôle et l'évaluation des politiques publiques doivent être au coeur des fonctions du Parlement. Il en va de la vitalité de notre état de droit, que le Gouvernement et le Parlement se doivent d'entretenir en parfaite collaboration.
La proposition de loi du président Accoyer témoigne de cette responsabilité commune, de ce besoin d'initiative au service de nos institutions. C'est pourquoi, au nom du Gouvernement, et avec l'attachement à la fonction parlementaire qui est le mien, comme vous le savez, je me félicite de voir revenir aujourd'hui devant vous cette proposition de loi en espérant qu'elle puisse aboutir.
Le Gouvernement se réjouit en effet qu'un chemin commun ait été trouvé entre les deux chambres (Protestations sur les bancs du groupe SRC)…
…et soutiendra pleinement un vote sans modification du texte, comme le propose votre excellent rapporteur, Claude Goasguen.
Le rôle des assemblées s'ordonne traditionnellement autour de trois missions : voter le budget, voter la loi, mais aussi contrôler son application, contrôler l'action du Gouvernement et évaluer l'efficacité des politiques publiques.
Je ne peux pas voter contre, monsieur Paul, d'abord parce que je ne vote pas et, ensuite, parce qu'elle répond parfaitement aux exigences que je viens de rappeler. Si j'étais encore député, je voterais donc pour.
C'est la dernière mission qu'il s'agit de renforcer pour répondre aux exigences démocratiques d'aujourd'hui.
La réforme de la Constitution a contribué à renforcer le rôle et les pouvoirs du Parlement. On ne peut que s'en réjouir. À ce titre, l'article 24, modifié par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit désormais de manière expresse que le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques sont dévolus aux assemblées parlementaires. Vous vous êtes récemment dotés d'un comité d'évaluation et de contrôle dont l'objectif est de remplir et de conforter cette mission. Grâce à ce texte, il disposera des moyens lui permettant d'agir avec plus d'efficacité. Le Gouvernement ne peut qu'y être favorable.
Je tiens à remercier votre rapporteur, Claude Goasguen, pour la qualité des débats menés au sein de la commission des lois et pour l'esprit d'écoute et de compromis positif qui a présidé à l'examen du texte. J'en profite pour remercier le président Warsmann, qui a beaucoup contribué à ces travaux.
Sur chacun des deux points qui restent en discussion, votre commission des lois souhaite un vote conforme. Le texte a ainsi été construit pour prendre en compte les différences qui existent entre le fonctionnement de l'Assemblée nationale et celui du Sénat afin de privilégier la mise en oeuvre la plus rapide possible de leurs nouvelles prérogatives.
L'article 1er tend à étendre le champ des instances susceptibles de convoquer les personnes dont l'audition semble nécessaire et à élargir les pouvoirs des rapporteurs de ces instances en matière de contrôle sur pièces et sur place et de droit de communication de tout document. Vous savez combien j'étais attaché à ces dispositions.
Sur ce point, la nuance qui distingue le Sénat de l'Assemblée concerne uniquement la création du comité d'évaluation et de contrôle, organe que ne possède pas le Sénat. Cela relève de sa liberté de se doter ou pas d'un tel organe.
Cela ne relève pas de sa liberté de nous dire comment nous devons fonctionner !
Cette différence rend plus difficile l'harmonisation des procédures dans les deux chambres. Ce texte réussit à éviter les inconvénients et les difficultés qu'elle entraîne. Le Sénat a eu le souci, bien légitime, de ne pas réduire les pouvoirs des commissions permanentes, dont le statut est constitutionnel, par rapport à ceux des délégations, et vous avez accepté, monsieur le rapporteur, de prendre en considération les inquiétudes des sénateurs sur ce point. Vous avez bien fait. Je ne crois pas que cette rédaction soit de nature à limiter l'efficacité du comité d'évaluation et de contrôle, auquel de nouveaux pouvoirs de convocation et d'enquête seront dévolus.
À cet égard, je tiens à rappeler que seul le Gouvernement a la faculté de permettre aux responsables administratifs des services de l'État de se rendre devant un organe du Parlement.
Il faut en passer par lui pour qu'il puisse y souscrire, mais je sais par avance que vous en serez d'accord. Merci de le confirmer, monsieur Mallot !
La modification de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ne remet nullement en cause ce principe, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juin 2009. Cependant, le Gouvernement entend répondre à toutes les demandes d'information. L'ordonnance précitée lui fait déjà obligation de communiquer aux commissions et délégations parlementaires les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
Le second point demeurant en discussion concerne la mise en oeuvre du nouvel article 47-2 de la Constitution qui précise les modalités d'assistance de la Cour des comptes dans l'évaluation des politiques publiques.
L'article 3 de la proposition de loi prévoit que la Cour des comptes pourra être saisie par le président du Sénat ou de l'Assemblée nationale, de leur propre initiative ou sur proposition d'une commission permanente ou de toute instance permanente d'évaluation créée au sein de l'une des deux chambres.
Le Gouvernement n'a a priori pas d'appréciation à formuler sur les modalités de l'assistance que la Cour des comptes peut apporter au Parlement dans sa mission d'évaluation. Il peut néanmoins se référer aux avis rendus par les juridictions compétentes, notamment le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juin 2009. Celui-ci a confirmé que le législateur organique avait confié à la commission des finances et à la commission des affaires sociales le soin de suivre le contrôle et l'exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, et d'évaluer toute question relative à ces sujets.
À la lumière de cette décision qui s'impose à nos institutions, le Gouvernement n'a pas vu de difficulté à ce que le Sénat ait souhaité rappeler ce principe dans la loi. Son interprétation n'est cependant pas stricte et autorise les autres commissions permanentes à solliciter l'appui de la Cour des comptes dans leur mission de contrôle pour les questions qui les concernent.
Votre commission propose là encore de se rallier à la rédaction de vos collègues sénateurs. Le Gouvernement ne peut qu'y souscrire.
Mesdames et messieurs les députés, il est important de poursuivre la mise en oeuvre de l'élargissement des pouvoirs du Parlement qu'a souhaité le constituant. Il faut bâtir au quotidien, avec détermination et persévérance, un Parlement plus efficace. Par cette proposition de loi dont votre président a pris l'initiative, vous y contribuez largement, et l'on ne peut que vous en être reconnaissant.
C'est pour ces raisons que le Gouvernement soutient l'accord trouvé au cours de la navette et vous invite à suivre votre commission des lois dans le vote définitif du texte. Vous donnerez ainsi sens et force à la mission d'évaluation et de contrôle qui est la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a adopté en deuxième lecture, le 20 décembre 2010, la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques. Plus d'une année après son dépôt initial sur le bureau de l'Assemblée nationale par le président Bernard Accoyer, le 18 novembre 2009,…
…et alors que la proposition de loi a déjà fait l'objet de deux lectures dans chaque assemblée, il est grand temps, me semble-t-il, de parvenir à l'adoption d'un texte définitif qui offre effectivement aux organes parlementaires durant cette session de nouveaux moyens de contrôle et d'évaluation.
À ce stade, deux articles ont déjà été adoptés conformes, et deux restent en discussion.
L'article 1er a pour objet de conférer aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation des deux assemblées les pouvoirs de convocation en audition de contrôle sur pièces et sur place et de communication des documents conférés par l'ordonnance du 17 novembre 1958 aux commissions d'enquête.
La divergence entre l'Assemblée et le Sénat sur cet article tient aux modalités selon lesquelles les instances de contrôle et d'évaluation, notamment le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, pourront mettre en oeuvre ces prérogatives. Nous proposions que les rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation disposent des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place et de communication des documents de manière permanente. Le Sénat, pour sa part, souhaitait que de tels pouvoirs soient conférés au cas par cas, pour une durée limitée à six mois et une mission déterminée. C'est donc une vision beaucoup plus restrictive.
L'article 3 de la proposition de loi concerne pour sa part la faculté pour le président d'une des deux assemblées de demander l'assistance de la Cour des comptes, soit de sa propre initiative, soit à la demande d'une commission permanente dans son champ de compétence, soit à la demande d'une instance permanente d'évaluation des politiques publiques d'une assemblée en ce qui concerne les politiques publiques transversales, qui ne concernent d'ailleurs que l'Assemblée nationale.
Sur cette disposition, la divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat était double en première lecture. Le Sénat avait souhaité préciser que les enquêtes demandées à la Cour des comptes par l'intermédiaire des présidents des assemblées ne puissent porter sur le suivi ou le contrôle de l'exécution des lois de finances ou de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, ni sur l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale. Le Sénat avait également introduit une disposition prévoyant que la Cour des comptes assurerait en priorité le traitement des demandes d'enquête formulées par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales, ce qui était le corollaire de la première position.
La deuxième lecture de la proposition de loi au Sénat a permis d'apporter un infléchissement à la position de la Haute assemblée en première lecture, démontrant une volonté de parvenir à un accord avec notre assemblée. Le Sénat a en effet renoncé à adopter à nouveau la disposition qui instaurait une priorité des demandes d'assistance à la Cour des comptes formulées par les commissions des finances et des affaires sociales.
La disposition prévoyant que les demandes d'enquêtes transmises par les présidents des deux assemblées ne pourront porter sur l'exécution des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale ni sur l'évaluation a pour sa part été réintroduite. Toutefois, ce cher sénateur M. Patrice Gélard, connu pour ses talents de juriste et rapporteur de la commission des lois du Sénat, a assorti cette réintroduction d'explications qui permettent d'atténuer les problèmes qu'une lecture trop rigoureuse de la disposition pourrait susciter.
Cette disposition – je cite l'honorable sénateur – « n'interdit pas qu'une commission permanente, dans son champ de compétence, ou qu'une instance d'évaluation, sur un domaine transversal, demande l'assistance de la Cour des comptes pour évaluer une politique publique, en intégrant certains aspects financiers. » (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
La générosité du sénateur est vraiment remarquable !
Il ajoute : « Il importe en revanche que cette dimension financière demeure subsidiaire et ne constitue pas l'angle principal d'examen de la question. »
Ah, que les juristes du Sénat sont compétents, mes chers collègues !
Je partage pleinement cette analyse, qui est la seule susceptible de permettre aux commissions permanentes autres que celles des finances et des affaires sociales et aux instances d'évaluation d'obtenir une assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation d'une politique publique relevant de leur champ de compétence. Cela demandera évidemment une certaine gymnastique, mais l'Assemblée nationale possède de toute évidence une souplesse qui manque au Sénat.
Sous la réserve de cette interprétation de la restriction aux demandes d'assistance de la Cour des comptes, l'article 3 devrait ainsi permettre aux commissions permanentes et instances permanentes d'obtenir une assistance de la Cour des comptes. Je remercie M. Gélard de sa magnanimité.
Par ailleurs, en deuxième lecture, le Sénat a rétabli la rédaction qu'il avait adoptée en première lecture pour l'article 1er, en la justifiant par la volonté de ne pas créer un déséquilibre entre les pouvoirs des commissions permanentes et ceux des instances permanentes de contrôle et d'évaluation. Nous savons que le Sénat n'est pas doté de telles instances ; il est donc intéressant de constater qu'il pense tellement au travail parlementaire qu'il s'occupe non seulement de ses propres travaux mais aussi des nôtres.
L'article 1er conduira à ce que l'assemblée concernée autorise expressément et au cas par cas ses instances permanentes de contrôle à faire usage des prérogatives des commissions d'enquête, pour une durée de six mois et une mission déterminée. C'est un autre problème qu'il a fallu régler avec une certaine souplesse d'échine, pour accélérer les débats.
À l'Assemblée nationale, pourrait être utilisée une procédure jusqu'alors inusitée mais néanmoins prévue par les articles 145-1 à 145-3 du règlement intérieur : la présentation par ces instances d'une demande d'attribution des pouvoirs d'une commission d'enquête pour un objet et une durée limités, affichée et notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes et des commissions, est considérée comme adoptée si, avant la deuxième séance suivant cet affichage, le président de l'Assemblée n'a été saisi d'aucune opposition. Je félicite les fonctionnaires de notre commission des lois d'avoir eu l'astuce de dénicher cette disposition pour le moins inusitée afin de répondre à l'absence de souplesse d'échine des juristes du Sénat.
À ce stade de la discussion parlementaire, il est de l'intérêt de tous que les dispositions contenues dans la proposition de loi soient promulguées et utilisées le plus rapidement possible. C'est en réalité le vrai problème. Aussi, même si le texte résultant de la deuxième lecture au Sénat demeure sur plusieurs points en retrait par rapport à ce que nous aurions souhaité, il constitue néanmoins une position de compromis à laquelle la commission des lois vous propose que notre assemblée se rallie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous aurez compris, mes chers collègues, que je formule cette proposition sans enthousiasme excessif, mais dans un esprit pragmatique, afin que le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre assemblée puisse accomplir au mieux sa mission avant la fin de la session et mener à bien des travaux d'évaluation qui vont dans le sens de ce qui a été souhaité lors de la dernière révision constitutionnelle.
Je conclurai par deux remarques de bon sens. Tout d'abord, on se demande vraiment pourquoi les sénateurs se préoccupent tellement de la manière dont les travaux de notre assemblée sont gérés.
Dans la mesure où eux-mêmes manifestent à l'égard de leur assemblée leur propre disponibilité et leur propre fixité, qu'ils nous laissent évoluer comme nous le souhaitons : nos mandats ne sont pas les mêmes, nos impératifs non plus.
Cela dit, mes chers collègues, il est évident que, après toutes les difficultés que nous avons rencontrées, tant au Conseil constitutionnel qu'au Sénat, au cours de longues navettes, si nous ne procédons pas très rapidement au vote de cette loi, les travaux de contrôle et d'évaluation seront inexistants durant cette session. Ils vont déjà être terriblement réduits car les élections approchent…
…et il sera de plus en plus difficile de mener des travaux communs à l'opposition et à la majorité : une campagne électorale n'est pas le moment idoine pour rapprocher les points de vue ; elle a même tendance à les éloigner.
Je vous demande donc, sans enthousiasme mais avec détermination, de bien vouloir voter le texte de la commission des lois, par pragmatisme et parce qu'il est nécessaire que le contrôle et l'évaluation fonctionnent le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. René Dosière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais tenter de vous convaincre des raisons pour lesquelles il convient de renvoyer ce texte en commission, compte tenu des imperfections qu'il comporte et de la nécessité de clarifier nos procédures de contrôle.
La Constitution reconnaît désormais officiellement au Parlement la fonction de contrôle et d'évaluation. C'est une fonction importante, et qui, au fil du temps, deviendra d'ailleurs sûrement beaucoup plus importante que celle de législation, dans la mesure où, pour légiférer, l'exécutif est sans doute beaucoup mieux armé aujourd'hui que le Parlement. En revanche, nous avons, s'agissant du contrôle, une vocation affirmée.
Contrôler, ce n'est pas mettre en jeu la responsabilité politique du Gouvernement – le Gouvernement dispose d'une majorité, qui doit le soutenir –, mais c'est vérifier que les textes votés sont appliqués de manière satisfaisante, tant au regard de leur contenu que des dépenses publiques.
Dans cette optique, le contrôle implique un changement de comportement, tant dans la majorité que dans l'opposition : la majorité doit accepter de s'interroger sur la manière d'appliquer les textes et donc sur l'action administrative du Gouvernement, car, sans remettre en cause son soutien politique, elle peut tout de même trouver qu'il y a à redire dans la mise en oeuvre des politiques ; et, du côté de l'opposition, il faut ne pas se tromper de débat à l'occasion du contrôle, car contrôler l'action du Gouvernement, ce n'est pas mettre en cause sa légitimité politique, mais simplement vérifier que les choses se passent correctement.
Il faut donc que majorité et opposition apprennent à travailler ensemble, avec un double regard, mais à partir de propositions communes et en suivant le même objectif. C'est d'ailleurs ce que s'efforce de réaliser le comité d'évaluation et de contrôle. C'est aussi ce que nous nous sommes efforcés de faire tout récemment, Christian Vanneste et moi-même, dans notre évaluation des autorités administratives indépendantes.
Mais le contrôle n'a de crédibilité que s'il est suivi d'effet, si les observations sont mises en application. Or nous venons d'avoir une illustration de ce qu'il ne faut pas faire. En effet, après un an de travail, Christian Vanneste et moi-même avons eu la chance de pouvoir passer à la pratique : aussitôt notre rapport remis et porté aux nues, les textes sur le Défenseur des droits, qui regroupe plusieurs autorités administratives indépendantes, étaient inscrits à l'ordre du jour. Comme nous étions d'accord sur nos conclusions, nous avons cosigné – ce qui n'est pas fréquent quand un député appartient à la majorité et l'autre à l'opposition – des amendements qui les reprenaient. Or qu'avons-nous vu ? La majorité et le Gouvernement ont rejeté nos propositions, sauf une, à l'issue d'un scrutin public quelque peu surprenant. À quoi a donc servi notre rapport ? Nous avions l'occasion de montrer qu'un travail mené en commun par un membre de la majorité et un membre de l'opposition pouvait aboutir à un texte de loi – texte qui concernait les libertés publiques, domaine relevant de la compétence du Parlement. Il aurait pu recueillir une quasi-unanimité, car, si nos amendements avaient été adoptés, l'opposition aurait voté le projet de loi. Reconnaissez, monsieur le ministre, que la conclusion, au terme d'un processus d'une année, n'incite pas à prendre au sérieux les travaux du comité d'évaluation et de contrôle. En plus, d'après les confidences que m'a faites Christian Vanneste, ce que certains de ses collègues lui ont reproché, c'est d'avoir cosigné des amendements avec un élu de gauche.
Pour eux, c'est un crime ! De ce fait, ses amendements n'étaient pas recevables.
Je note que le seul amendement qu'il avait signé tout seul a d'ailleurs été voté par la majorité, ce qui conforte mon point de vue.
Impression ou pas, monsieur Tiberi, nous avons des progrès à faire pour mettre en application de façon très active le contrôle des politiques publiques.
J'ajoute que le contrôle est un exercice qui prend beaucoup de temps, ce qui exige des députés à temps complet. Je l'ai déjà dit : Cumulatio delenda est !
Mais je tiens à souligner un problème autrement plus grave : l'extrême difficulté dans laquelle se trouvent les parlementaires quand le Gouvernement lui-même se dérobe au contrôle. Les questions écrites constituent une forme de contrôle, et vous savez tous, mes chers collègues, que, depuis plusieurs années, je multiplie les questions écrites sur certains sujets, que je reviens à la charge, plusieurs fois s'il le faut, quand on ne me répond pas. Grâce à cette procédure, je suis ainsi parvenu à montrer comment fonctionnait le budget de la Présidence de la République,…
…le Président de la République lui-même décidant alors de le rendre plus transparent. Cette procédure est exigeante, elle prend du temps, mais elle a montré son efficacité en matière de contrôle – en tout cas quand le Gouvernement répond aux questions qu'on lui pose.
Je rappelle qu'il y a la procédure de droit commun : le député pose une question écrite, et le Gouvernement a un mois pour répondre. Il ne le fait pas toujours dans les délais, mais il faut reconnaître que les questions se sont multipliées et qu'elles n'ont pas toujours le même intérêt. Et puis, à l'initiative du président Séguin, une procédure nouvelle a été mise en place en 1994 : quand aucune réponse ne leur a été donnée après plusieurs mois, le président d'un groupe peut signaler certaines questions qui lui semblent particulièrement importantes, et le Gouvernement dispose alors de dix jours pour répondre. La procédure des questions signalées s'est révélée d'une redoutable efficacité…
…puisque, pendant quinze ans, alors même qu'elle n'était pas mentionnée dans notre règlement, qu'il s'agissait d'une simple coutume, les ministres n'y ont pas dérogé une seule fois. Il a toujours été répondu aux questions signalées dans le délai de dix jours. Dans mes travaux sur le fonctionnement de la Présidence de la République, cette procédure m'a beaucoup aidé pour obtenir des renseignements que les ministres tardaient à donner.
Or je constate que, depuis six mois environ, les ministres ne répondent plus à mes questions signalées. Monsieur le ministre, je vous interpelle sur ce point. Six questions signalées n'ont pas obtenu de réponse : l'une de mon collègueFrançois Loncle, déjà ancienne puisqu'elle date du mois de mai 2010, les cinq autres ayant été posées par moi. Ainsi, le ministère de l'intérieur devait me répondre au plus tard le 7 octobre 2010 : nous sommes le 25 janvier 2011 ; le ministère de la défense devait, lui aussi, me répondre au plus tard le 7 octobre 2010 ; le ministère de l'intérieur – encore lui – avait jusqu'au 21 octobre 2010 pour répondre à deux autres questions ; et le ministère de la culture devait répondre avant le 19 novembre 2010. L'article 135, alinéa 7, de notre règlement, qui concerne les questions signalées, dispose que « les ministres sont […] tenus de répondre dans un délai de dix jours ». or, depuis que nous avons inscrit cette disposition dans le règlement, de plus en plus souvent, ils n'y répondent plus. Certains me diront que mes questions sont gênantes, embêtantes, qu'il est difficile d'y apporter une réponse précise quand elles concernent des frais de restauration ou des déplacements en avion. Pour avoir une réponse du ministre, faut-il poser une question qui lui plaise ? Ce serait une manière un peu particulière de concevoir le contrôle.
Monsieur le ministre, je vous le dis avec gravité : il est inadmissible qu'un ministre se refuse à répondre aux questions des parlementaires. Certains de mes collègues peuvent penser : « Ce n'est pas grave si cela ne concerne que Dosière. » Je veux leur rappeler que ce qui arrive à un parlementaire peut également leur arriver, aujourd'hui ou demain. Pendant quatorze ans, alors même qu'il n'y avait dans les textes aucune obligation, le Gouvernement n'a jamais manqué de répondre aux questions signalées.
Il faut que le ministre chargé des relations avec le Parlement fasse quelque chose à ce sujet s'il veut marquer son passage !
La situation actuelle constitue une entrave à la fonction parlementaire. Monsieur le ministre, je souhaite que vous pesiez de toute votre autorité pour rappeler aux ministres concernés qu'ils ont l'obligation de répondre, et dans les délais : si l'on a recours à cette procédure, c'est bien parce que déjà, pendant plusieurs mois, ils n'ont pas répondu.
J'insiste auprès de la présidence de l'Assemblée pour qu'elle rappelle aux ministres, elle aussi, l'obligation qui est la leur de répondre aux questions signalées.
Une réponse est la moindre des choses. C'est le fonctionnement de la démocratie. Cette affaire est grave et je n'ai pas l'intention de la laisser en sommeil. Si le Gouvernement ne faisait rien, cela voudrait dire que l'on pourrait alors purement et simplement supprimer l'Assemblée nationale,…
…et laisser le Sénat travailler dans les conditions évoquées par notre collègue Goasguen. Il est urgent que le Gouvernement se ressaisisse. Il ne lui appartient pas d'apprécier la nature des questions qui lui sont posées : il doit seulement y répondre. Le reste dépend des parlementaires ; c'est à eux d'utiliser les réponses et de faire ce qu'il faut pour exercer leur rôle. Certains des ministres qui ne m'ont pas répondu n'ont jamais siégé au Parlement, et ils ne savent peut-être pas comment travaille un parlementaire, mais ce n'est tout de même pas une raison pour ne pas répondre. Ce n'est pas votre cas, monsieur le ministre : vous savez parfaitement comment fonctionne le Parlement, vous avez été un très bon député (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP),…
…vous avez même été président de l'Assemblée – trop brièvement –, et vous devez donc pouvoir rappeler à vos collègues, avec toute l'expérience et l'autorité qui sont les vôtres, qu'il convient de répondre aux questions des parlementaires. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'interpellation du Gouvernement par M. Dosière appelle une réponse de ma part, que je vais développer en trois temps.
En ce qui concerne la motion de renvoi en commission, je laisserai le rapporteur traiter de la question.
Pour ce qui est du rapport que vous avez réalisé avec M. Vanneste, monsieur Dosière, il ne peut constituer une injonction au Gouvernement, lequel est libre des moyens qu'il entend utiliser pour mettre en oeuvre sa politique. Votre rapport est un élément destiné à son information, et il prend ce qu'il souhaite y prendre. Même si les conclusions du rapport sont partagées par l'opposition et par la majorité, il n'est pas obligé de s'y conformer.
J'entends bien, mais je ne veux esquiver aucune des questions que vous avez soulevées.
En revanche, en ce qui concerne les questions signalées, mentionnées en effet à l'article 135, alinéa 7, du règlement, j'ai été parlementaire assez longtemps, éprouvant moi-même quelques difficultés à obtenir dans les temps des réponses à mes questions écrites – quels que soient les gouvernements –, que vos propos m'interpellent sérieusement. Dès la fin de la séance, je vais faire le point sur les questions signalées que vous avez indiquées. Si vous pouvez me les donner, cela facilitera mes recherches. Je vais faire en sorte qu'il y soit répondu le plus rapidement possible.
Je vais même aller plus loin, monsieur Dosière : c'est l'honneur du Parlement que de pouvoir interroger le Gouvernement sur quelque sujet que ce soit ; c'est aussi l'honneur du Gouvernement de répondre au Parlement dans des délais normaux.
Je ferai en sorte que la Gouvernement fasse des efforts et des progrès pour que ces réponses soient données le plus vite possible.
J'en profite pour vous informer que je suis en train de créer un dispositif, dont vous allez entendre parler tout prochainement, sur la publication des décrets d'application des lois, car, tout autant que vous, je suis soucieux de les voir paraître dans des délais normaux, y compris celui de six mois que nous avions fixé ensemble d'un commun accord.
Vous le voyez, le ministère des relations avec le Parlement va s'inscrire dans une logique très positive et très constructive, afin de faire en sorte que la démocratie fonctionne encore mieux…
…et vous apporte les réponses que vous êtes en droit d'attendre lorsque vous posez des questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Dosière, le ministre a fait un pas en faveur du travail général de contrôle parlementaire sur l'action du Gouvernement, et je m'en réjouis. En ce qui concerne les questions, je vous rassure, majorité et opposition sont traitées à peu près de la même manière (Sourires).
Ne vous inquiétez pas, il y a d'autres questions de la majorité qui sont systématiquement occultées ou oubliées.
Si, les questions signalées aussi, j'en ai quelques-unes, ne vous inquiétez pas !
En tout cas, la réponse du ministre me paraît très satisfaisante. Je pense que la majorité tout entière y est favorable, car c'est effectivement un élément essentiel du travail parlementaire.
Sur le renvoi en commission, je ne peux que me répéter en quelques mots : vous avez eu raison d'insister comme moi-même – peut-être avec moins de détermination, puisque la commission a tranché – sur le fait que, faute de temps, nous devons faire preuve de pragmatisme.
Nous sommes quasiment en février : combien de temps nous reste-t-il pour réaliser les contrôles et évaluations consensuels que nous souhaitons ? Sans doute, ce texte ne restera pas comme l'un des plus grands succès de l'Assemblée nationale – car nous aurions dû aller plus vite –, mais il marquera le début d'une évolution du parlementarisme.
Certes, ce début est bien timide et il va falloir le muscler. Mais nous nous sommes heurtés à tant de difficultés depuis quelques mandatures que nous ne pouvons pas laisser passer cette occasion d'inaugurer un véritable changement dans la pratique du pouvoir et des relations entre le Gouvernement et le Parlement.
C'est la raison pour laquelle, bien entendu, je demande à mes collègues de voter contre la motion de renvoi en commission.
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe GDR.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'évolution des droits du Parlement était présentée comme l'une des réformes emblématiques du quinquennat.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a loin de la coupe aux lèvres, du mythe à la réalité : la montagne a finalement accouché d'une souris, si j'ose dire.
Je comprends la détresse exprimée par M. le rapporteur…
…dans son propos liminaire, lorsqu'il affiche et regrette la nécessité de baisser pavillon devant le Sénat.
J'aurai l'occasion de revenir tout à l'heure sur les insuffisances de ce texte, sur les concessions inacceptables que vous acceptez finalement sans plus de protestation qu'un rappel quelque peu symbolique.
Les sénateurs ont pesé pour réduire les contrôles. Vous, membres de la majorité, vous auriez pu et même dû arguer que nous sommes ici les représentants directs du peuple, pour peser au lieu de plier.
En ce qui nous concerne, nous appuierons donc la demande de renvoi déposée par nos collègues du groupe SRC.
Je ne voudrais pas que cette explication de vote fasse double emploi avec mon intervention – qui sera d'ailleurs très brève – dans la discussion générale. Je veux simplement signaler à notre collègue René Dosière que nombre des explications formulées à l'appui de sa demande de renvoi en commission sont susceptibles – sinon dans la forme, du moins dans l'amorce du fond – de recueillir un assez large assentiment sur les bancs de notre assemblée.
Mais à quoi tend cette motion ? À retourner en commission. Et quel est l'objectif de notre séance ?
Nous estimons que le texte aurait été meilleur si nos collègues sénateurs avaient bien voulu nous écouter plus et mieux – nous reviendrons sur ce sujet –, mais l'objectif de notre séance est de parvenir à une conclusion et d'avancer – trop lentement, sans doute – vers le renforcement des droits du Parlement en matière de contrôle de l'activité des pouvoirs publics.
Un renvoi en commission n'apporterait pas d'éléments supplémentaires mais nous ferait perdre du temps, ce qui pénaliserait davantage encore un texte qui est déjà bien assez pénalisé par certaines évolutions survenues au Sénat. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP ne votera pas en faveur du renvoi en commission.
Dans sa brillante intervention, René Dosière a eu raison d'insister sur l'importance des activités de contrôle et d'évaluation dans une assemblée comme la nôtre.
Certes, ces activités ont existé de tout temps, mais elles prennent une importance plus grande de nos jours, car nous nous rendons compte que nous légiférons probablement plus vite et sans forcément avoir bien préparé les textes – les dernières années pourraient fournir de nombreux exemples.
Depuis septembre 2009, tout projet de loi qui nous est soumis doit être accompagné d'une étude d'impact visant à répondre à quelques questions simples, dont on se demande pourquoi elles n'étaient pas posées autrefois : Faut-il une loi ? Le projet est-il indispensable ? Quelles sont les conséquences escomptées sur les plans économique, financier et social ? Quel coût pour les finances publiques ? Ainsi, la réforme de la prestation d'accueil du jeune enfant, en 2004, a finalement coûté trois à quatre fois plus cher que prévu. Il faut se poser ces questions en amont, afin que les législateurs que nous sommes aient les éléments leur permettant de prendre les bonnes décisions.
Ensuite, lorsque nous procédons aux travaux d'évaluation et de contrôle, nous confrontons a posteriori les conséquences concrètes de la loi adoptée aux résultats escomptés dans l'étude d'impact, par exemple.
Ce travail conduit forcément à des observations, à des demandes de correction par rapport au dispositif adopté et en application. Ainsi, le système boucle sur lui-même et l'on peut enclencher une sorte de cercle vertueux du travail législatif, de sorte que les lois deviennent plus efficaces, plus adaptées aux problèmes qu'elles sont censées résoudre, et donc meilleures.
En outre, le texte dont nous discutons cet après-midi et en particulier son article 1er sont à l'origine d'un désaccord avec le Sénat. Nous souhaitons attribuer au comité d'évaluation et de contrôle – instance transversale – les prérogatives des commissions d'enquête. Le Sénat craint que, ces prérogatives étant supérieures à celles dont disposent naturellement les commissions permanentes, le comité d'évaluation et de contrôle se trouve en quelque sorte privilégié. Il craint aussi que l'extension de ces prérogatives accordée au comité d'évaluation et de contrôle ne le soit aussi à d'autres instances, notamment au Sénat, comme les missions d'information, les délégations ou les offices.
Le groupe SRC a déposé deux amendements qui répondent aux deux craintes du Sénat. Nous proposons, d'une part, d'aligner par le haut les commissions permanentes en leur donnant les compétences correspondantes, et, d'autre part, d'exclure a minima les missions, délégations et offices de ce dispositif.
Voilà pourquoi il faut retourner en commission : si ces amendements sont discutés et adoptés, nous pourrons reprendre la navette avec le Sénat. Sur cette base, les deux présidents d'une commission mixte paritaire pourront se mettre d'accord. Soit nous aboutirons à un consensus avec le Sénat, dont les questions auront trouvé réponse dans nos amendements ; soit, en cas de désaccord, l'Assemblée nationale pourra statuer définitivement, comme le veut la Constitution. Nous donnerions ainsi la parole à l'assemblée qui est directement concernée par le dispositif prévu par le texte.
Cette proposition aurait, en outre, le mérite de permettre au rapporteur de se réconcilier avec lui-même. Nous avons bien vu que, tout à l'heure, à la tribune, il peinait à prononcer son discours puisque, au fond, il est plutôt d'accord avec nous.
Il aimerait bien que l'on puisse reprendre la navette et faire prévaloir le point de vue de l'Assemblée nationale sur celui du Sénat qui, au fond, n'a pas vraiment de raison de s'opposer à ce que nous proposons.
Voilà pourquoi nous pensons que le rapporteur aura à coeur d'entraîner tout son groupe à voter le renvoi en commission proposé par René Dosière.
Je serai très bref, monsieur le président, car j'aurai l'occasion de m'exprimer dans quelques instants au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre sur ce projet de loi relatif aux moyens du Parlement pour le contrôle de l'action du Gouvernement.
La motion de renvoi en commission déposée et soutenue par M. Dosière, et que je vais rejeter, offre l'occasion de poser quelques questions qui ne sont pas illégitimes. Monsieur le ministre, j'ai apprécié les termes de votre intervention, et j'y reconnais la signature de l'ancien parlementaire particulièrement chevronné que vous êtes. Vous avez bien fait de répondre à M. Dosière à propos des questions écrites – leur suivi, les délais de réponse – et de l'importance que vous accordiez aux recommandations du comité d'évaluation et de contrôle.
Lors du récent débat sur le Défenseur des droits, nous avons constaté qu'il était parfois important de traduire les travaux de ce comité dans des amendements. Monsieur Dosière, ces amendements ont même été votés et acceptés…
…au-delà des bancs dont ils étaient issus. Mais la comparaison s'arrêtera là. Contrairement à vous, monsieur Dosière, je trouve que, depuis quelque temps, le Parlement a vu ses moyens accrus pour remplir sa mission d'évaluation et de contrôle.
Que l'on en juge : les commissions permanentes sont passées de six à huit, et l'on y examine les projets de loi en présence d'un membre du Gouvernement.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le Gouvernement est attaché à ce que les décrets d'application ne se fassent pas attendre trop longtemps. Permettez-moi, à ce propos, une suggestion : pourquoi ne pas annexer le texte du décret au projet de loi, lors de son dépôt ? En effet, vous savez comment ça se passe : lorsque la discussion parlementaire a permis de faire progresser un projet, l'administration essaie souvent de reprendre dans le décret ce qu'elle a perdu dans l'hémicycle.
Vous vous êtes engagé, il y a quelques instants, à faire en sorte que le décret paraisse peu de temps après le vote de la loi. Je vous ferai une contre-proposition : veillez à ce que le décret d'application ne dénature pas les acquis des travaux en commission et de la discussion dans l'hémicycle, même si cela reste un voeu pieux.
Enfin, monsieur le ministre, j'ai noté que vous allez veiller à ce que le Gouvernement réponde bien aux parlementaires dans le cadre de la procédure des questions signalées. Si l'on veut donner du sens au contrôle et à l'évaluation, il faut en effet répondre avec précision à ces interrogations légitimes. Les questions écrites font progresser l'élaboration et la compréhension de la loi, mais elles ont aussi cette mission de contrôle et d'évaluation du Gouvernement, qui est essentielle en démocratie.
Contrairement à M. Dosière, je crois que les différents textes, notamment la réforme constitutionnelle, ont permis de faire progresser cette mission. C'est pourquoi je voterai contre le renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre d'un texte qui n'aurait pas appelé d'objections particulières de notre part si sa rédaction initiale n'avait été amendée par la commission des lois et si le Sénat n'avait proposé d'en restreindre encore la portée.
Nous ne nous sommes jamais fait beaucoup d'illusions sur la volonté de la majorité de renforcer significativement les pouvoirs du Parlement. Nous en avons fait l'expérience avec la réforme du règlement, qui nous a été imposée sans recherche de consensus, dans le prolongement d'une réforme constitutionnelle qui, sous le couvert de revaloriser les droits du Parlement, accentuait déjà les déséquilibres de notre régime en faveur de l'exécutif.
Le texte initial de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui prévoyait essentiellement deux mesures, sur lesquelles nous ne voyions pas motif à contestation.
Il s'agissait en premier lieu de permettre aux organes compétents du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques de convoquer les personnes dont l'audition est jugée souhaitable, et d'obtenir communication des informations qui leur sont nécessaires, mesures dont nous ne pouvions qu'approuver le principe.
Il s'agissait, en second lieu, de permettre aux présidents des deux chambres ou au président de toute instance créée au sein du Parlement de demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques, afin de se mettre en conformité avec une décision du Conseil constitutionnel qui exige qu'une loi détermine les modalités d'assistance de la Cour des comptes.
Bien que d'une portée limitée, ce texte aurait pu recueillir l'approbation de l'ensemble des députés s'il n'avait été profondément modifié dans un sens qui dessert manifestement l'opposition.
Ainsi, la commission des lois a modifié le champ des instances bénéficiant du droit de convoquer des auditions, dans l'objectif d'exclure les missions d'information, qui ont pour principal défaut d'être souvent présidées par des membres de l'opposition.
Dans le même esprit, elle a adopté un amendement qui impose aux deux rapporteurs désignés pour une évaluation donnée de travailler conjointement. Comme chacun l'aura compris, il s'agit d'empêcher un rapporteur d'auditionner des personnes que l'autre rapporteur jugerait indélicat de convoquer.
Le Sénat en a, si je puis dire, « rajouté une couche », considérant qu'il ne convenait pas de confier aux instances d'évaluation et de contrôle des prérogatives reconnues aux commissions d'enquête.
Notre rapporteur a beau alléguer que cela ne réduira en rien les pouvoirs du CEC de contrôler sur pièces et sur place, d'obtenir la communication de tous documents et de convoquer en audition, il n'en reste pas moins que ces pouvoirs seront conférés au cas par cas pour des missions déterminées et d'une durée de six mois, sous réserve que nul – Gouvernement compris – n'exprime d'opposition.
Ces dispositions encadrent si étroitement l'activité des députés désignés par le CEC qu'on se demande à quoi leurs travaux pourront bien servir ! Le plus choquant en l'espèce est que nous acceptions collectivement que le Sénat, qui n'a pas créé en son sein de comité d'évaluation, dicte aux députés la manière dont leur comité d'évaluation doit fonctionner !
La faculté des instances parlementaires de demander l'assistance de la Cour des comptes a également été réduite, votre majorité s'étant, là encore, employée à vider le texte de sa substance.
Notre commission des lois a d'abord proposé que les présidents des deux assemblées exercent un filtre systématique des propositions de demandes d'assistance. Même si nous comprenons, sans les partager, les arguments invoqués – à savoir le risque d'engorgement de la Cour des comptes –, la volonté de la majorité des deux commissions de limiter au maximum l'initiative des membres de l'opposition est on ne peut plus claire pour nous.
Le Sénat s'est engagé dans la même voie et a proposé d'exclure du champ des demandes transmises par les présidents des deux assemblées les enquêtes relatives aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale.
Cette restriction pouvait à bon droit être interprétée comme une interdiction pour les instances autres que les commissions des finances et des affaires sociales de s'intéresser à l'aspect financier des politiques publiques. Le correctif introduit par la suite n'est pas satisfaisant : pour que ces autres instances puissent demander valablement l'assistance de la Cour des comptes, il faudra, en définitive, que la dimension financière des politiques publiques considérées « demeure subsidiaire et ne constitue pas l'angle principal d'examen de la question ». La restriction est tout de même de taille.
Lors de l'examen de la réforme du règlement, nous avions dénoncé la stratégie de la majorité qui consistait à n'envisager le renforcement des pouvoirs du Parlement qu'au profit du groupe majoritaire, au détriment du pluralisme et aux dépens de l'opposition et des groupes minoritaires, au sein de la majorité comme de l'opposition. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui confirme, si besoin en était, notre appréciation. Le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement n'est qu'amorcé. Tout reste encore à faire.
Dans ces circonstances, nous voterons contre la présente proposition de loi.
Je suis sensible à vos encouragements, monsieur le rapporteur, avant même que je ne m'exprime. Je dois admettre que vous-même et M. le ministre avez été particulièrement convaincants.
Si, en défendant la motion de renvoi en commission, notre collègue Dosière a exprimé des interrogations légitimes sur le fonctionnement de notre Parlement et sur l'exercice de la mission de contrôle et d'évaluation, essentielle dans un État démocratique, je considère, contrairement à lui, que les progrès n'ont pas manqué ces dernières années.
Avec l'examen en troisième lecture de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, nous abordons un sujet susceptible, me semble-t-il, de nous rassembler.
Le 21 juillet 2008 – date historique – le Congrès a adopté une révision constitutionnelle.
Pas moins de trente-huit articles de notre Constitution ont été modifiés, voire intégralement réécrits.
Je rappellerai à mes collègues de l'opposition que, si cette réforme a été adoptée, c'est parce qu'une majorité d'entre eux a joint leur voix à celles de la majorité au gouvernement, puisque les deux tiers des suffrages étaient requis.
Vous semblez regretter les votes d'hier. Vous avez tort !
Désormais, mes chers collègues, la Constitution ne se borne plus à dire que « la loi est votée par le Parlement » ; elle précise, dans son article 24, que « le Parlement vote la loi ». Au-delà de la seule grammaire juridique, c'est la fonction de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques du Parlement qui se trouve gravée dans le marbre constitutionnel.
Après que l'adoption, en 2001, de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances a ouvert la voie à une montée en puissance du Parlement dans ces fonctions de contrôle, en confiant notamment de nouvelles missions et de nouvelles prérogatives aux commissions des finances de chacune des assemblées parlementaires, cette consécration constitutionnelle a permis, il y a près de deux ans, de poser les bases d'un contrôle plus systématique et plus transversal des politiques publiques par les parlementaires.
Dans la droite ligne de cette révision constitutionnelle, la réforme de notre règlement – auquel vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur – a été, il y a quelques mois, l'occasion de repenser l'ensemble des dispositifs, instances et moyens précédemment consacrés par notre assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement pour aboutir à la création du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, comité pluraliste chargé de réaliser des travaux d'évaluation portant sur les politiques publiques qui dépassent le champ de compétence d'une seule commission permanente.
Je rappellerai que c'est à l'appui des travaux de ce comité que nous avons discuté et même adopté, lors du débat récent sur les projets de loi relatifs au Défenseur des droits, des amendements conjointement signés par des députés de la majorité et de l'opposition. C'est la preuve, s'il en était besoin, que ce comité fait un travail opportun.
Sur la base des recommandations de la mission d'information menée par notre excellent collègue Claude Goasguen et par Jean Mallot, cette proposition de loi visait ainsi, en premier lieu, à compléter, par une modification de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les attributions de ce comité en conférant aux rapporteurs de celui-ci les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place dont disposent déjà aujourd'hui les membres de la commission des finances en leur qualité de rapporteurs spéciaux sur des missions budgétaires.
Dans un second temps, cette proposition visait à fixer les modalités selon lesquelles la Cour des comptes apportera son assistance au Parlement dans l'évaluation des politiques publiques. Pour les députés du groupe Nouveau Centre, c'est à la fois un progrès et une exigence autour desquels nous devrions tous nous rassembler. Les présidents des assemblées pourront ainsi, de leur propre initiative ou sur proposition du président d'une commission permanente ou d'une instance parlementaire de contrôle et d'évaluation, demander à la Cour des comptes de procéder à l'évaluation d'une politique publique.
Cependant, je tiens à le souligner, les modifications apportées au texte, notamment le rôle de filtre des requêtes dévolu aux présidents des assemblées, permettront de prévenir un éventuel engorgement de la Cour des comptes et préserveront ainsi l'équilibre général de cette juridiction.
Après que les présidents des assemblées se sont vu ouvrir la possibilité de saisir le Conseil d'État sur des propositions législatives d'origine parlementaire, cette proposition de loi marquait donc une nouvelle étape dans l'accroissement des moyens accordés au Parlement pour exercer ses missions constitutionnelles. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre a apporté, en première comme en seconde lecture, son soutien à cette proposition de notre excellent président Accoyer.
À bien des égards cependant, on peut regretter que l'Assemblée nationale et le Sénat aient besoin de recourir à une troisième lecture pour définir un texte commun. Cependant, là où la première lecture avait été marquée par des divergences quelque peu surprenantes entre nos assemblées, la seconde lecture a été l'occasion d'un infléchissement de la position du Sénat. À ce titre et afin de permettre une entrée en vigueur rapide de ce texte, au terme d'une année de navette, le groupe Nouveau Centre soutiendra la position de notre commission et prônera comme elle l'adoption conforme de cette proposition de loi.
Je saisis l'occasion de votre présence au banc du Gouvernement, monsieur le ministre, pour dire que le Président de la République a fait le bon choix en vous nommant.
Vous avez siégé au Parlement pendant de nombreuses législatures. Vous connaissez bien cette maison.
Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous avons tous intérêt à défendre le Parlement, tant dans son rôle de vote de la loi que dans celui d'évaluation et de contrôle.
C'est à l'honneur de notre démocratie d'avoir un Parlement fort face à un exécutif qui l'est tout autant. La réforme constitutionnelle comme celle de notre règlement, avec les questionnements qu'elles ont posés…
…ont permis – je parle sous le contrôle du président de la commission des lois – de renforcer le rôle du Parlement. Les ministres sont présents à l'occasion de l'examen des textes d'initiative du Gouvernement. Il est possible, sur les questions d'actualité et sur celles d'intérêt national, de réunir des missions d'information, et même des commissions d'enquête.
Le parlementaire qui veut travailler a l'occasion de le faire et dispose des moyens de faire progresser ces missions de contrôle et d'évaluation.
Le groupe SRC a demandé le renvoi du texte en commission au motif qu'il comportait encore des imperfections. C'est oublier les progrès réalisés ces dernières années, qu'une comparaison avec les Parlements d'autres démocraties du monde met encore plus en relief : questions au Gouvernement du mardi et du mercredi, questions orales sans débat, travail amélioré en commission, questions écrites.
Je tiens à le dire au rapporteur et au président de la commission des lois, qui sont des parlementaires expérimentés et vigilants : avec le texte qui nous est proposé aujourd'hui, nous avons le sentiment de faire progresser la cause du Parlement, de faire franchir une nouvelle étape à la démocratie parlementaire. C'est une exigence que nous devons avoir en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans cette explication de vote, je ne veux pas faire doublon avec le propos – très bref d'ailleurs – que je tiendrai tout à l'heure dans la discussion générale, au nom du groupe UMP.
Cela étant, à notre collègue René Dosière, je voudrais signaler que nombre des explications formulées à l'appui de sa demande de renvoi en commission sont susceptibles, sinon dans la forme au moins dans l'amorce du fond, de recueillir un assez large assentiment sur les bancs de notre assemblée.
Mais quelle est la cible de la demande ? Retourner en commission. Quel est l'objectif de notre séance du jour ?
Même si nous estimons – et nous y reviendrons un peu plus en détail tout à l'heure – que le texte aurait pu être meilleur si nos collègues sénateurs avaient bien voulu nous écouter plus et mieux, l'objectif de notre séance d'aujourd'hui est de conclure pour nous efforcer d'avancer, peut-être trop lentement, vers le renforcement des droits du Parlement en matière de contrôle de l'activité des pouvoirs publics, ce que nous souhaitons vraiment.
Un renvoi en commission n'apporterait pas d'éléments supplémentaires si ce n'est une perte de temps qui pénaliserait encore plus un texte qui l'est déjà bien assez par certaines évolutions survenues au Sénat.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP ne votera pas en faveur de ce renvoi en commission.
Dans sa brillante intervention, René Dosière a eu raison d'insister sur l'importance des activités de contrôle et d'évaluation dans une assemblée comme la nôtre.
Certes ces activités ont existé de tout temps, mais elles prennent une importance plus grande de nos jours, car nous nous rendons compte que nous légiférons probablement plus vite et sans forcément avoir bien préparé les textes – les dernières années pourraient fournir de nombreux exemples.
Depuis septembre 2009, tout projet de loi qui nous est soumis doit être accompagné d'une étude d'impact, visant à répondre à quelques questions simples dont on se demande pourquoi elles n'étaient pas posées autrefois.
Faut-il une loi, le projet est-il indispensable ? Quelles en sont les conséquences escomptées sur les plans économique, financier et social ? Quel coût pour les finances publiques ? Ainsi la réforme de la prestation d'accueil du jeune enfant, en 2004, a finalement coûté trois à quatre fois plus cher que prévu.
Il faut se poser ces questions en amont, de manière à ce que les législateurs que nous sommes aient les éléments leur permettant de prendre la bonne décision.
Ensuite, lorsque nous procédons aux travaux d'évaluation et de contrôle, nous confrontons a posteriori les conséquences concrètes de la loi adoptée aux résultats escomptés dans l'étude d'impact par exemple.
Ce travail conduit forcément à des observations, à des demandes de correction par rapport au dispositif adopté et en application. Ainsi, le système boucle sur lui-même et l'on peut enclencher une sorte de cercle vertueux du travail législatif, de sorte que les lois deviennent plus efficaces, plus adaptées aux problèmes qu'elles sont censées résoudre et donc meilleures.
En outre, le texte dont nous discutons cet après-midi, l'article 1er en particulier, fait l'objet d'un désaccord avec le Sénat.
Nous souhaitons attribuer au comité d'évaluation et de contrôle – instance transversale – des prérogatives des commissions d'enquête. Le Sénat craint que ces prérogatives étant supérieures à celles dont disposent naturellement les commissions permanentes, le comité d'évaluation et de contrôle se trouve en quelque sorte privilégié.
Il craint aussi que l'extension de ces prérogatives accordée au comité d'évaluation et de contrôle ne le soit aussi à d'autres instances, notamment au Sénat, comme les missions d'information, les délégations ou les offices.
Le groupe socialiste a déposé deux amendements qui règlent ces deux craintes du Sénat. Il suffit de lire ces deux amendements dont nous discuterons tout à l'heure. Nous proposons, d'une part, d'aligner par le haut les commissions permanentes en leur donnant les compétences correspondantes, et, d'autre part, d'exclure a minima les missions, délégations et offices de ce dispositif.
Voilà pourquoi il faut retourner en commission : si ces amendements sont discutés et adoptés, nous pourrons alors reprendre la navette avec le Sénat. Sur cette base, les deux présidents d'une commission mixte paritaire pourront tomber d'accord. Soit nous aboutirons à un consensus avec le Sénat dont les questions auront trouvé réponse dans nos amendements. Soit, en cas de désaccord, l'Assemblée nationale pourra statuer définitivement, comme le veut la Constitution. Nous donnerions la parole à l'assemblée qui est directement concernée par le dispositif prévu par le texte.
Cette proposition que nous formulons aurait le mérite supplémentaire de permettre au rapporteur de se réconcilier avec lui-même. Tout à l'heure, lors de son intervention à la tribune, nous avons bien vu qu'il peinait à prononcer son discours puisque, au fond, il est plutôt d'accord avec nous.
Il aimerait bien que l'on puisse reprendre la navette et faire prévaloir le point de vue de l'Assemblée nationale sur celui du Sénat qui, au fond, n'a pas vraiment de raison de s'opposer à ce que nous proposons.
Voilà pourquoi nous pensons que le rapporteur aura à coeur d'entraîner tout son groupe à voter le renvoi en commission proposé par René Dosière.
Je serai très bref, monsieur le président, car j'aurai l'occasion de m'exprimer dans quelques instants au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre sur ce projet de loi relatif aux moyens du Parlement pour le contrôle de l'action du Gouvernement.
La motion de renvoi en commission déposée et soutenue par M. Dosière, que je vais rejeter…
… offre l'occasion de poser quelques questions qui ne sont pas illégitimes.
Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, j'ai apprécié les termes de votre intervention, mais j'y vois la marque de l'ancien parlementaire particulièrement chevronné que vous êtes.
Vous avez bien fait de répondre à M. Dosière à propos des questions écrites – leur suivi, les délais de réponse – et de l'importance que vous accordiez aux recommandations du comité d'évaluation et de contrôle.
Lors du récent débat sur le Défenseur des droits, nous avons constaté qu'il était parfois important de traduire les travaux de ce comité dans des amendements. Monsieur Dosière, ces amendements ont même été votés et acceptés…
… au-delà des bancs dont ils étaient issus.
Monsieur le ministre, la comparaison s'arrêtera là. Monsieur Dosière, contrairement à vous, je trouve que les moyens du Parlement ont été accrus depuis quelque temps dans cette mission d'évaluation et de contrôle.
Que l'on en juge. Les ministres sont présents dans les commissions permanentes qui sont passées de six à huit, dès lors que l'on étudie des projets de loi avec la présence effective du ministre.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le Gouvernement se soucie de publier les décrets d'application peu de temps après le vote de la loi.
Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, je suggère d'annexer le texte du décret lors du dépôt du projet de loi. En effet, vous savez ce qui se passe : lorsque la discussion parlementaire a permis de faire évoluer un projet, l'administration essaie souvent de reprendre dans le décret ce qu'elle a perdu dans l'hémicycle.
Vous vous êtes engagé, il y a quelques instants, à faire en sorte que le décret paraisse peu de temps après le vote de la loi. Je vous ferai une contre-proposition : veillez à ce que le décret d'application ne dénature pas les acquis des travaux en commission et de la discussion dans l'hémicycle, même si cela reste un voeu pieu.
Enfin, monsieur le ministre, j'ai noté que vous allez veiller à ce que, dans le cadre de la procédure des questions signalées, il y ait une volonté du Gouvernement de répondre aux différentes questions des parlementaires.
Si l'on veut donner du sens au contrôle et à l'évaluation, il faut répondre avec précision à ces questions légitimes. Les questions écrites font progresser l'élaboration et la compréhension de la loi, mais elles ont aussi cette mission de contrôle et d'évaluation du Gouvernement, qui est essentielle en démocratie.
Contrairement à M. Dosière, je crois que les différents textes, notamment la réforme constitutionnelle, ont permis de faire progresser cette mission. C'est pourquoi je voterai contre le renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Discussion générale
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre d'un texte qui n'aurait pas appelé d'objections particulières de notre part si sa rédaction initiale n'avait été amendée par la commission des lois et si le Sénat n'avait proposé d'en restreindre encore la portée.
Nous ne nous sommes jamais fait beaucoup d'illusions sur la volonté de la majorité de renforcer significativement les pouvoirs du Parlement. Nous en avons fait l'expérience avec la réforme du Règlement, qui nous a été imposée sans recherche de consensus, dans le prolongement d'une réforme constitutionnelle qui, sous couvert de revaloriser les droits du Parlement, accentuait déjà les déséquilibres de notre régime en faveur de l'exécutif
Le texte initial de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui prévoyait essentiellement deux mesures, sur lesquelles nous ne voyions pas motif à contestation.
Il s'agissait, en premier lieu, de permettre aux organes compétents du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques de convoquer les personnes dont l'audition est jugée souhaitable, et d'obtenir communication des informations qui leur sont nécessaires, mesures que nous ne pouvions qu'approuver dans le principe.
Il s'agissait, en second lieu, de permettre aux présidents des deux chambres ou au président de toute instance créée au sein du Parlement de demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques, afin de se mettre en conformité avec une décision du Conseil constitutionnel qui exige qu'une loi détermine les modalités d'assistance de la Cour des comptes.
Bien que d'une portée limitée, ce texte aurait pu recevoir l'approbation de l'ensemble des députés s'il n'avait été profondément modifié dans un sens qui dessert manifestement l'opposition.
Ainsi, la commission des lois a modifié le champ des instances bénéficiant du droit de convoquer des auditions, dans l'objectif d'exclure les missions d'information, qui ont pour principal défaut d'être souvent présidées par des membres de l'opposition.
Dans le même esprit, elle a adopté un amendement qui impose aux deux rapporteurs désignés pour une évaluation donnée de travailler conjointement. Comme chacun l'aura compris, il s'agit d'empêcher un rapporteur d'auditionner des personnes que l'autre rapporteur jugerait « indélicat » de convoquer.
Le Sénat en a, si je puis dire, « rajouté une couche », considérant qu'il ne convenait pas de confier aux instances d'évaluation et de contrôle des prérogatives reconnues aux commissions d'enquête.
Notre rapporteur a beau alléguer que cela ne réduira en rien les pouvoirs du CEC de contrôler sur pièces et sur place, d'obtenir la communication de tous documents et de convoquer en audition, il n'en reste pas moins que ces pouvoirs seront conférés au cas par cas pour des missions déterminées et d'une durée de six mois, sous réserve que nul – Gouvernement compris – n'exprime d'opposition.
Ces dispositions encadrent si étroitement l'activité des députés désignés par le CEC qu'on se demande à quoi leurs travaux pourront bien servir ! Le plus choquant en l'espèce est que nous acceptions collectivement que le Sénat, qui n'a pas créé en son sein de comité d'évaluation, dicte aux députés la manière dont leur comité d'évaluation doit fonctionner !
La faculté des instances parlementaires de demander l'assistance de la Cour des comptes a également été réduite, votre majorité s'étant, là encore, employée à vider le texte de sa substance.
Notre commission des lois a d'abord proposé que les présidents des deux assemblées exercent un filtre systématique des propositions de demandes d'assistance. Même si nous comprenons, sans les partager, les arguments invoqués – à savoir le risque d'engorgement de la Cour des comptes –, la volonté de la majorité des deux commissions de limiter au maximum l'initiative des membres de l'opposition est on ne peut plus claire pour nous.
Le Sénat s'est engagé dans la même voie et a proposé d'exclure du champ des demandes transmises par les présidents des deux assemblées les enquêtes relatives aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale.
Cette restriction pouvait à bon droit être interprétée comme une interdiction pour les instances autres que les commissions des finances et des affaires sociales de s'intéresser à l'aspect financier des politiques publiques. Le correctif introduit par la suite n'est pas satisfaisant : pour que ces autres instances puissent demander valablement l'assistance de la Cour des comptes, il faudra, en définitive, que la dimension financière des politiques publiques considérées « demeure subsidiaire et ne constitue pas l'angle principal d'examen de la question ».
La restriction est tout de même de taille !
Lors de l'examen de la réforme du règlement, nous avions dénoncé la stratégie de la majorité qui consistait à n'envisager le renforcement des pouvoirs du Parlement qu'au profit du groupe majoritaire, au détriment du pluralisme et aux dépens de l'opposition et des groupes minoritaires, au sein de la majorité comme de l'opposition. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui confirme, si besoin en était, notre appréciation. Le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement n'est qu'amorcé. Tout reste encore à faire.
Dans ces circonstances, nous voterons contre la présente proposition de loi.
Je suis sensible à vos encouragements, monsieur le rapporteur, avant même que je ne m'exprime. Je dois admettre que vous-même et M. le ministre avez été particulièrement convaincants.
Si notre collègue Dosière a exprimé, lorsqu'il a défendu sa motion de renvoi en commission, des interrogations légitimes en matière d'amélioration du fonctionnement de notre Parlement et surtout de l'exercice de la mission essentielle dans un État démocratique qu'est celle de contrôle et d'évaluation, contrairement à lui, je considère que des progrès ont été réalisés ces dernières années.
Avec l'examen en troisième lecture de cette proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, nous abordons un sujet susceptible, me semble-t-il, de nous rassembler.
Le 21 juillet 2008 – date historique, monsieur le ministre – le Congrès a adopté une révision constitutionnelle.
Pas moins de trente-huit articles de notre Constitution ont été modifiés, voire intégralement réécrits.
Je rappellerai à mes collègues de l'opposition que, si cette réforme a été adoptée, c'est parce qu'une majorité d'entre eux a joint leur voix à celles de la majorité au gouvernement, puisque les deux tiers des suffrages étaient requis.
Vous semblez regretter les votes d'hier. Vous avez tort !
Désormais, mes chers collègues, la Constitution ne se borne plus à reléguer le Parlement au rang de complément d'agent, en spécifiant que « la loi est votée par le Parlement » ; elle le hisse au statut de sujet en précisant, dans la nouvelle rédaction de son article 24, que « le Parlement vote la loi ». Au-delà de la seule grammaire juridique, c'est la fonction de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques du Parlement qui se trouve gravée dans le marbre constitutionnel.
Après que l'adoption en 2001 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances a ouvert la voie à une montée en puissance du Parlement dans ces fonctions de contrôle, en confiant notamment de nouvelles missions et de nouvelles prérogatives aux commissions des finances de chacune des assemblées parlementaires, cette consécration constitutionnelle a permis, voici près de deux ans, de poser les bases d'un contrôle plus systématique et plus transversal des politiques publiques par les parlementaires.
Dans la droite ligne de cette révision constitutionnelle, la réforme de notre règlement – auquel vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur – a été, voici quelques mois, l'occasion de repenser l'ensemble des dispositifs, instances et moyens précédemment consacrés par notre assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement pour aboutir à la création du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, comité pluraliste chargé de réaliser des travaux d'évaluation portant sur les politiques publiques dépassant le champ de compétence d'une seule commission permanente.
Je rappellerai que c'est à l'appui des travaux de ce comité que nous avons discuté et même adopté, lors du débat récent sur le projet de loi relatif au Défenseur des droits, des amendements conjointement signés par des députés de la majorité et de l'opposition. C'est la preuve, s'il en était besoin, que ce comité fait un travail opportun.
Sur la base des recommandations de la mission d'information menée par notre excellent collègue rapporteur Claude Goasguen et M. Jean Mallot, présent dans cet hémicycle, cette proposition de loi visait ainsi, en premier lieu, à compléter, par une modification de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les attributions de ce comité en conférant aux rapporteurs de celui-ci les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place dont disposent déjà aujourd'hui les membres de la commission des finances en leur qualité de rapporteurs spéciaux sur des missions budgétaires.
Dans un second temps, cette proposition visait à fixer les modalités selon lesquelles – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – la Cour des comptes apportera son assistance au Parlement dans l'évaluation des politiques publiques. Pour les députés du groupe Nouveau Centre, c'est à la fois un progrès et une exigence sur lesquels nous devrions tous nous rassembler. Les présidents des assemblées pourront ainsi, de leur propre initiative ou sur proposition du président d'une commission permanente ou d'une instance parlementaire de contrôle et d'évaluation, demander à la Cour des comptes de procéder à l'évaluation d'une politique publique.
Pour autant – et je tiens à le souligner –, les modifications apportées au texte, notamment le rôle de filtre des requêtes dévolu aux présidents des assemblées, permettront de prévenir un éventuel engorgement de la Cour des comptes et préserveront ainsi l'équilibre général de cette juridiction.
Après que les présidents des assemblées se sont vus ouvrir la possibilité de saisir le Conseil d'État sur des propositions législatives d'origine parlementaire, cette proposition de loi marquait donc une nouvelle étape dans l'accroissement des moyens accordés au Parlement pour exercer ses missions constitutionnelles, C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre a apporté, en première comme en seconde lecture, son soutien à cette proposition de notre excellent président Accoyer.
À bien des égards cependant, on peut regretter que l'Assemblée nationale et le Sénat aient besoin de recourir à une troisième lecture pour définir un texte commun. Cependant, là où la première lecture avait été marquée par des divergences quelque peu surprenantes entre nos assemblées, la seconde lecture a été l'occasion d'un infléchissement de la position du Sénat. À ce titre et afin de permettre une entrée en vigueur rapide de ce texte, au terme d'une année de navette, le groupe Nouveau Centre soutiendra la position de notre commission et prônera comme elle l'adoption conforme de cette proposition de loi.
Je saisis l'occasion de votre présence au banc du Gouvernement, monsieur le ministre, pour dire que le Président de la République a fait le bon choix en vous nommant.
Vous avez siégé au Parlement pendant de nombreuses législatures. Vous connaissez bien la maison.
Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous avons tous intérêt à défendre le Parlement, tant dans son rôle de vote de la loi que dans celui d'évaluation et de contrôle.
C'est à l'honneur de notre démocratie d'avoir un parlement fort face à un exécutif qui l'est tout autant. La réforme constitutionnelle comme celle de notre règlement, avec les questionnements qu'elles ont posés…
… ont permis – je parle sous le contrôle du président de la commission des lois – de renforcer le rôle du Parlement.
Les ministres sont présents à l'occasion de l'examen des textes d'initiative du Gouvernement. Il est possible, sur les questions d'actualité et sur celles d'intérêt national, de réunir des missions d'informations, et même des commissions d'enquête.
Je parle vraiment avec sincérité, monsieur le ministre. Le parlementaire qui veut travailler a l'occasion de le faire et dispose des moyens de faire progresser ces missions de contrôle et d'évaluation.
Le groupe socialiste a demandé le renvoi du texte en commission au motif qu'il comportait encore des imperfections. C'est oublier les progrès réalisés ces dernières années, qu'une comparaison avec les parlements d'autres démocraties du monde met encore plus en relief : questions au Gouvernement du mardi et du mercredi, questions ciblées du mardi matin, travail amélioré en commission.
Je tiens à le dire au rapporteur et au président de la commission des lois, qui sont des parlementaires expérimentés et vigilants : avec le texte qui nous est proposé aujourd'hui, nous avons le sentiment de faire progresser la cause du Parlement, de faire franchir une nouvelle étape à la démocratie parlementaire. Et c'est une exigence que nous devons avoir en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous voici réunis pour la troisième et – permettez-moi de l'espérer – la dernière lecture de notre assemblée sur cette importante proposition de loi.
Avant de rappeler les éléments structurants de ce texte tel qu'il nous revient du Sénat, et les raisons pour lesquelles notre groupe lui apportera son soutien tel que le rapporteur nous propose de l'adopter,…
…je voudrais formuler quelques observations.
J'évoquerai d'abord le comité d'évaluation et de contrôle. Il m'arrive assez fréquemment d'y siéger à la demande du président Jean-Luc Warsmann et, à chacune de ces occasions, j'ai le sentiment très fort d'un travail en profondeur, réalisé dans le meilleur des esprits. Tenant compte de toutes les sensibilités représentées au sein du comité, ce travail permet de rechercher puis de définir les sujets qu'il serait pertinent de proposer à l'examen du comité, d'en réaliser ensuite une analyse exhaustive, d'assurer enfin un rendu de conclusions qui a déjà fait la preuve de sa grande qualité.
Je prendrai un exemple parmi d'autres, qui ne résume pas l'ensemble de la question, mais qui est suffisamment éloquent pour témoigner de l'intérêt de la création d'un tel comité : je pense au récent rapport remis conjointement par François Goulard et François Pupponi sur l'évaluation des politiques de la ville. Ce travail, qui est à l'honneur du comité, fera référence. C'est pourquoi la proposition de loi de notre président visant à doter le CEC de moyens renforcés lui permettant de mieux accomplir sa mission est tout, sauf un texte anodin. La majorité, et en particulier le groupe UMP, souhaite qu'il soit adopté le plus rapidement possible.
Cette proposition de loi nous est soumise pour la troisième fois. Il y a eu deux navettes au cours desquelles, comme l'a rappelé Michel Hunault, les grands sujets de désaccord se sont atténués. Toutefois, certains points de divergence demeurent, et nous regrettons que nos collègues sénateurs n'aient pas accédé à ce qui, pour nous, aurait été légitime, c'est-à-dire à une plus grande ouverture à l'égard des outils dont s'est dotée l'Assemblée nationale, et notamment du comité d'évaluation et de contrôle.
Pour autant, l'adoption du texte ne saurait attendre une lecture supplémentaire, une énième lecture, ou même – pourquoi pas ? – une nouvelle série de navettes, avec un risque d'enlisement en fin de législature et une perte en ligne quasi définitive.
Il nous faut maintenant, même si ce texte est moins satisfaisant que nous ne l'aurions souhaité, permettre à notre assemblée d'exercer sa fonction élargie par la révision constitutionnelle de juillet 2008 en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.
Le Sénat a estimé, et c'est une divergence importante, que l'octroi inconditionnel de pouvoirs d'enquête sur pièces et sur place aux instances permanentes de contrôle - en l'occurrence, pour ce qui nous concerne, le comité d'évaluation et de contrôle - serait une source de déséquilibre dès lors que les commissions permanentes, qui sont chargées également pour leur propre compte et sur les sujets relevant de leurs compétences propres, d'effectuer ce contrôle, ne disposent pas de telles prérogatives. Il est vrai que les commissions d'enquête ne peuvent en bénéficier que sur autorisation de l'Assemblée dans un cadre précis, pour une durée précise et dans des conditions déterminées strictement.
Au stade de la troisième lecture, il ne convient pas d'entretenir ou de prolonger une querelle. Nous ne sommes pas en accord complet avec le Sénat, mais il vaut mieux – au nom du pragmatisme qu'appelait de ses voeux notre rapporteur – se résoudre à adopter le texte dans sa version actuelle, à savoir la version sénatoriale de l'article 1er, ce qui, il faut le dire, ne nous empêchera pas d'autoriser expressément et au cas par cas notre comité d'évaluation et de contrôle à faire usage des prérogatives des commissions d'enquête pour une durée de six mois et pour une mission déterminée, grâce notamment à l'application des articles 145-1 et 145-3 de notre règlement. Même si la rédaction du Sénat rend la chose plus longue et plus fastidieuse, nous en aurons la possibilité.
Par ailleurs, nous avons trouvé un accord sur l'article 3. Ce texte permettra, dès son entrée en vigueur, de solliciter la Cour des comptes pour des demandes d'évaluation de politiques publiques émanant tant des commissions permanentes que des instances permanentes d'évaluation.
Le Sénat a renoncé à ce que, d'une part, les demandes d'évaluation relatives aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale soient le monopole des commissions des finances et des affaires sociales et, d'autre part, la Cour des comptes traite en priorité les demandes adressées par ces mêmes commissions. Le groupe UMP s'en félicite, et cela justifie qu'en dépit des imperfections du texte, nous le votions, malgré tout, en l'état.
Enfin, au moment de voter définitivement ce texte, je voudrais formuler le souhait que nous mettions tout en oeuvre, dès sa promulgation, pour rattraper le retard que nous avons pris. Les navettes, sans doute nécessaires, mais pas aussi fructueuses que nous le souhaitions, ont été longues. Il nous faut rattraper ce retard que nous avons pris par rapport à nos homologues européens, qui ont fait du contrôle et de l'évaluation une pratique courante. Nous aurons désormais les moyens de nous demander si les politiques publiques permettent véritablement d'améliorer le quotidien des Français. Répondre à ces questions n'est pas anodin.
Même si, je le répète, nous regrettons que le texte ne soit pas revenu du Sénat plus conforme à nos souhaits,…
…le pragmatisme et la volonté d'efficacité doivent prévaloir. C'est la raison pour laquelle, suivant l'avis de la commission des lois, le groupe UMP votera le texte en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous examinons en troisième lecture la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques.
Ce texte fait la navette entre les deux assemblées depuis plus d'un an et nous regrettons que le choix ait été fait de ne pas au moins tenter de réunir la commission mixte paritaire. Je dis « au moins tenter » puisque la Constitution prévoit qu'il faudrait l'accord du président du Sénat pour ce faire. Cela étant, son objection n'aurait pas manqué d'intérêt… Mais je ne pense pas que cela lui ait été proposé et nous le regrettons.
La discussion de cette proposition de loi se situe dans le prolongement de la révision constitutionnelle de l'été 2008, la révision des annonces non suivies d'effets…
Eh oui, je suis de ceux qui ne l'ont pas votée, qui savent pourquoi et qui se félicitent chaque jour de ne pas l'avoir fait lorsqu'ils en voient le résultat !
D'abord, cette révision constitutionnelle et les textes subséquents étaient censés revaloriser le rôle du Parlement, notamment par rapport à l'exécutif. Au vu de la pratique, rien ne permet d'affirmer depuis lors que ce soit le cas. Il n'y a à l'évidence aucun rééquilibrage, bien au contraire, en faveur du pouvoir législatif.
Je prendrai un exemple assez récent. Le projet de loi portant réforme des retraites était, comme il se doit, accompagné d'une étude d'impact. La Constitution révisée permet à l'assemblée saisie, si elle considère que l'étude d'impact est insuffisante, de ne pas inscrire le texte à son ordre du jour. Elle a un délai très court pour ce faire, mais lorsqu'on lit l'étude d'impact que le Gouvernement a transmise à l'Assemblée nationale en annexe au projet de loi sur les retraites, il faut peu de temps pour constater que cette étude est totalement indigente. Elle ne traite aucunement de l'impact de la réforme sur les régimes complémentaires ou sur le chômage. Bref, rien de ce que doit contenir une étude d'impact n'y figure !
Pourtant, nous avons vu revenir les vieux réflexes en Conférence des présidents, laquelle, plus « godillote » que jamais, s'est aussitôt alignée sur ce que lui demandait le Gouvernement, en déclarant que cette étude d'impact convenait et que, par conséquent – circulez, il n'y a rien à voir –, le texte pouvait être examiné.
Par ailleurs, la révision constitutionnelle – à tout le moins celle de notre règlement – était censée renforcer le rôle et améliorer la position de l'Assemblée nationale dans le paysage institutionnel français. Or nous avons constaté depuis lors que le Sénat s'en tire beaucoup mieux que nous et que l'Assemblée se trouve sensiblement abaissée par rapport à lui.
Quelques exemples.
Le Sénat a fort habilement voté la loi organique autorisant l'application d'un temps législatif programmé, le « temps guillotine », mais plus malin que l'Assemblée, il ne l'applique pas, n'ayant donné aucune suite à cette disposition dans son règlement.
Je reviens au projet de loi sur les retraites : le temps plafonné nous a empêchés d'aller au bout de ce débat à l'Assemblée nationale, débat interrompu, de surcroît, par le président Accoyer, qui a refusé d'appliquer correctement l'article 49-13 de notre règlement !
Le Sénat, à l'inverse, a laissé le débat se dérouler comme il convient dans une assemblée parlementaire, de sorte qu'ensuite, dans la presse, le président Larcher a pu dire à propos de la loi sur les retraites : « Il y a eu un vrai débat au Sénat. Nous avons donné le temps au texte, deux fois plus qu'à l'Assemblée nationale. » En effet, les observateurs considèrent que le débat a été plus riche et plus nourri au Sénat qu'à l'Assemblée. C'est tout à fait regrettable.
Cela n'a rien changé, parce que vous votez au canon, vous ! Quoi qu'on dise, qu'il y ait une minute, deux heures ou deux jours de débat, vous votez tout ce que le Gouvernement vous met sous le nez ! C'est trop facile !
Autre exemple, et je parle sous le contrôle du président Warsmann : l'approbation des nominations envisagées par l'exécutif, en application de l'article 13 de la Constitution. Le Sénat voulait utiliser les délégations de vote dans les commissions saisies. De cette façon, nous aurions, nous, voté avec les seuls élus présents et le Sénat aurait pu remplir un peu mieux les urnes avec les délégations de vote. Pour corriger le tir, il a fallu tout de même aller jusqu'au vote ultime et, pour le coup, l'Assemblée a statué définitivement sur le projet de loi en question. En l'occurrence, le président Warsmann a très bien mené sa barque et je lui rends hommage. Mais nous constatons que le Sénat a, là aussi, tenté sa chance.
Nous parlons souvent du droit de tirage dont nous disposerions, mais qui, pour l'instant, n'a pas de réalité, s'agissant de la création des commissions d'enquête à l'Assemblée nationale. Au Sénat, il y a un vrai droit de tirage : l'article 6 bis du règlement sénatorial, s'applique automatiquement. Il suffit qu'un groupe demande la constitution d'une commission d'enquête – une fois par session, bien sûr, et dans le respect de certaines règles constitutionnelles. Au Sénat, il n'y a ni débat ni vote pour ce faire. Une simple demande débouche sur la création de droit d'une commission d'enquête.
Enfin, la révision constitutionnelle et les textes subséquents devaient revaloriser le rôle de l'opposition dans la vie parlementaire et lui donner plus de grain à moudre. J'ai déjà parlé du temps législatif programmé, qui va exactement à l'encontre de cette intention, et j'ai mentionné tout à l'heure l'application de l'article 49-13 du règlement par le président de l'Assemblée – qui s'en est ensuite mordu les doigts – lorsqu'il a refusé aux parlementaires de l'opposition et même de la majorité, ainsi qu'aux non-inscrits, le droit d'expliquer leur vote à la fin du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites.
Si ces réformes – loi constitutionnelle, loi organique, règlement de l'Assemblée nationale – avaient été réellement efficaces et avaient effectivement revalorisé le rôle du Parlement et de l'opposition, le président de l'Assemblée nationale aurait-il besoin de réunir périodiquement, à peu près tous les mois, un groupe de travail paritaire, qui est en train de se pencher sur la façon d'améliorer le nouveau règlement et de faire en sorte que ses objectifs soient atteints ? C'est bien la preuve qu'ils ne le sont pas : M. Geoffroy pourrait en témoigner, car nous participons l'un et l'autre à deux groupes de travail.
Il reste beaucoup de chemin à parcourir, notamment sur le droit de tirage pour les commissions d'enquête, le temps législatif programmé ou encore l'organisation des travaux de contrôle de l'Assemblée et le suivi des préconisations que nous formulons. Dans tous ces domaines, nous avons des propositions, ce qui prouve que la situation existante n'est pas satisfaisante. Je déplore que les préconisations de modifications et de réformes adoptées à l'unanimité ne soient suivies d'aucun effet lorsque nous les transformons en amendements ou en propositions de loi.
J'en viens à la présente proposition, sur laquelle nous nous penchons pour la troisième fois. Son cheminement est assez paradoxal. Il est assez rare de voir des parlementaires qui, d'étape en étape, lecture après lecture, renoncent progressivement, d'eux-mêmes, à se donner des pouvoirs qui sont à leur portée. L'occasion leur est donnée de se doter de pouvoirs supplémentaires, et pourtant ils y renoncent pour des motifs assez difficiles à justifier. Force est de constater que, dans cette discussion, nous sommes allés de recul en recul.
Aux termes de la proposition de loi originelle du président Accoyer, les prérogatives des commissions d'enquête devaient être attribuées à toutes les instances créées au sein du Parlement pour contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques, y compris aux missions d'information et autres délégations. Dès l'examen en commission des lois, nous nous sommes censurés. Nous avons resserré le dispositif sur les instances dites permanentes – c'est le cas du comité d'évaluation et de contrôle – dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente. C'était encore trop pour le Sénat. Nous avons vu comment – le rapporteur et plusieurs intervenants l'ont rappelé à cette tribune – la partie de ping-pong s'est nouée avec le Sénat, chaque assemblée rétablissant son texte à chaque lecture, de commission en commission, de séance plénière en séance plénière.
Finalement, le Sénat a amené le groupe majoritaire à se coucher et à accepter d'aligner a minima les prérogatives du comité d'évaluation et de contrôle sur celles des commissions permanentes.
J'ajoute que les amendements du groupe SRC présentés en première lecture ont tous été rejetés, notamment celui qui visait à favoriser le recours à la Cour des comptes pour évaluer les études d'impact, alors même que le Premier président de la Cour des comptes avait donné son accord. Malheureusement, l'UMP a rejeté cet amendement alors que les études d'impact figuraient en bonne place dans l'exposé des motifs de la version initiale de la proposition de loi. Il s'agissait en effet de permettre aux instances de contrôle et d'évaluation d'examiner valablement les études d'impact et d'obtenir rapidement les analyses en cours et les informations – car les délais d'examen sont très courts : une dizaine de jours –, a fortiori dans le cas où l'on cherche à mesurer l'impact d'un amendement, ce qui est désormais possible. Dans ces délais très brefs, le concours de la Cour des comptes aurait été fort utile, mais cela nous a été refusé.
Le comité d'évaluation et de contrôle est effectivement un outil novateur. Il a cependant ses limites et ses insuffisances.
Le côté novateur est évident car on s'intéresse au caractère transversal des sujets examinés, on sort du champ vertical d'une commission permanente, ce qui est une excellente chose. Les travaux sont co-rapportés, ce qui n'est pas dans nos traditions mais aboutit à un produit fini intéressant. Les préconisations sont plutôt consensuelles. Je regrette d'autant plus qu'elles ne soient pas suivies d'effet lorsqu'on les discute dans l'hémicycle. Cela étant, les travaux sur le principe de précaution, le rapport sur les autorités administratives indépendantes – mises à part les difficultés soulignées tout à l'heure – ou encore le rapport Pupponi-Goulard sur les quartiers défavorisés sont des documents extrêmement utiles et porteurs pour l'avenir.
Il n'en demeure pas moins que, sur deux points au moins, des progrès restent à accomplir : l'effectivité du droit de tirage – on a progressé, mais on sent bien que la majorité est toujours un peu réticente à accorder certains sujets à l'opposition – et la suite donnée aux préconisations. Nous avons beaucoup de chemin à faire. Je citerai l'exemple du rapport d'information de Catherine Lemorton sur le médicament, publié dans le cadre de la MECSS en 2008. Les propositions de réforme que le Gouvernement avance aujourd'hui en ce domaine figuraient toutes dans ce rapport. Elles ont toutes fait l'objet d'amendements présentés en séance publique et ont toutes été rejetées. Cela vaut pour les essais cliniques contre comparateurs avant l'autorisation de mise sur le marché, pour les règles sur les conflits d'intérêts ou pour la pharmacovigilance. Dix fois nos amendements ont été discutés, dix fois ils ont été rejetés alors que l'on sait aujourd'hui – et on le savait à l'époque, le rapport ayant été adopté à l'unanimité – que nous apportions les bonnes réponses à la situation du médicament en France.
Eh oui !
À l'article 3, le Sénat a voulu préciser que la demande d'assistance de la Cour des comptes ne pourrait porter ni sur une loi de finances, ni sur une loi de financement de la sécurité sociale, ni même sur des questions relatives aux finances publiques. En cela, il s'appuie sur la décision du Conseil constitutionnel relative au règlement de l'Assemblée nationale : les commissions des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ; les commissions des affaires sociales saisies des PLFSS suivent et contrôlent l'application des lois correspondantes et évaluent les questions relatives aux finances de la sécurité sociale. C'est la raison d'être de la MEC et de la MECSS. Certes, mais lorsque nous travaillons dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle, nous n'évaluons jamais une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, qui sont d'énormes lois. Nous évaluons une politique publique, une mesure particulière. Cette politique, cette mesure peuvent avoir une composante qui relève d'une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Il faut insister sur ce point. Nous n'aurons plus rien à demander à la Cour des comptes si nous nous en tenons à une application stricte des volontés sénatoriales.
Les objections du Sénat nous ont conduits là où nous en sommes aujourd'hui. Premièrement, le Sénat n'ayant pas de comité d'évaluation et de contrôle, il est contre ce que nous faisons.
Deuxièmement, le Sénat s'oppose à ce que l'on donne au comité d'évaluation et de contrôle des pouvoirs et des prérogatives supérieurs à ceux dont disposent les commissions permanentes. Eh bien, nous avons un amendement qui consiste à sortir de cette divergence par le haut : donnons aux commissions permanentes les mêmes prérogatives.
Troisièmement, selon le Sénat, ce que nous proposons s'appliquerait aussi aux autres instances, les missions, les offices, les délégations. Qu'à cela ne tienne, nous avons un amendement qui écarte les missions, offices et délégations.
Nos amendements répondant ainsi aux objections du Sénat, il nous faut aller au bout de la logique. Nous sommes dans le cadre d'une proposition de loi ordinaire et non d'une proposition de loi organique. Nous pouvons donc faire pleinement application de l'article 45 de la Constitution. Réunissons une commission mixte paritaire. Ou bien elle réussit et tout le monde est content. Ou bien elle échoue et le Gouvernement demande, le moment venu, à l'Assemblée de statuer définitivement.
J'en termine, monsieur le président.
Nous avons tous le plus grand respect pour le Sénat et pour les sénateurs. Cela étant, que le Sénat nous laisse travailler. Qu'il vive sa vie et nous laisse vivre la nôtre. Nous avons la volonté d'accroître nos moyens de contrôle et d'évaluation. Que le Sénat fasse de même et qu'il ne nous empêche pas de faire ce que nous souhaitons pour le bien du travail parlementaire et le renforcement du rôle de notre assemblée dans les institutions de la République. Il y va de notre cohérence et de notre volonté politique de progresser. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Je souhaite, monsieur le président, m'en tenir à l'amendement n° 1 , le suivant étant un amendement de repli qu'il reviendra à Jean Mallot de défendre.
L'amendement n° 1 a pour objet de répondre aux objections sénatoriales et de permettre à l'Assemblée nationale de voter un texte qui satisfasse le Sénat, mais sans diminuer ses propres pouvoirs. Autrement dit cet amendement permettrait au Sénat d'adopter conforme le texte voté par l'Assemblée, et à l'Assemblée d'avoir pleine satisfaction, ce qui serait la moindre des choses.
Il s'agit de conférer aux commissions permanentes les mêmes pouvoirs que ceux que nous voulons accorder au comité d'évaluation et de contrôle. Ainsi, l'objection du Sénat selon laquelle on ne peut pas donner au CEC plus de pouvoirs qu'aux commissions n'a plus lieu d'être.
En outre, le Sénat ne souhaite pas que les missions d'information, offices ou délégations ayant un rôle transversal puissent disposer de ces pouvoirs nouveaux. Le dernier alinéa de notre amendement prévoit donc que cette disposition ne s'applique pas à ces instances. Deux catégories d'instances seulement bénéficieraient de pouvoirs semblables à ceux des commissions d'enquête : les commissions permanentes et le comité d'évaluation et de contrôle.
Cet amendement nous permettrait, monsieur le rapporteur, d'appliquer fidèlement ce que nous voulions faire, de répondre aux objections du Sénat et de lui permettre de voter un texte conforme. De plus, cela ne retarderait pas les débats.
Même avis.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement de repli. Nous souhaitons – et je serais surpris que la majorité ne nous suive pas – revenir à la rédaction initiale de l'article 1er, telle que l'Assemblée l'a adoptée à deux reprises. Nous maintenons au CEC les prérogatives des commissions d'enquête sans les étendre aux commissions permanentes. Mais nous ajoutons une disposition qui devrait apaiser les craintes du Sénat : le présent article ne serait pas applicable aux offices, délégations parlementaires et missions d'information.
Cet amendement répond donc aux objections du Sénat tout en reprenant la rédaction que nous avons déjà adoptée à deux reprises. En toute logique, vous devriez le voter. Nous sortirions collectivement par le haut de ce débat.
Avis défavorable également.
Le souci du Sénat de ne pas attribuer aux instances de contrôle créées par les règlements des pouvoirs plus étendus que ceux des commissions permanentes, dont le statut est constitutionnel, est légitime.
J'entends bien.
J'ai, il y a quelques jours, assisté au débat qui s'est tenu au Sénat. Pour ma part, je ne souhaite pas que l'on oppose le Sénat à l'Assemblée.
Je souhaite qu'ensemble, nous trouvions un consensus permettant à la démocratie de fonctionner de manière sereine et apaisée selon des règles qui permettent à chacun de le faire à sa convenance. L'accord entre le Sénat et l'Assemblée auquel vous êtes parvenus au sein de votre commission des lois permettra à ces règles de fonctionner dans de bonnes conditions. N'ayant pas les mêmes modalités de fonctionnement que l'Assemblée, n'ayant pas créé le même organisme de contrôle, le Sénat ne peut pas « niveler » les responsabilités.
Je vous ai bien entendu, monsieur Dosière, mais on ne peut nier que les commissions permanentes sont d'origine constitutionnelle. Préserver, comme le souhaite le Sénat, ce caractère constitutionnel, par un équilibre que la commission des lois de l'Assemblée a accepté, est de bonne législation…
…et ne porte certainement pas atteinte au fonctionnement du comité d'évaluation et de contrôle, auquel le Gouvernement est du reste très attaché.
Voter conforme le texte venu du Sénat irait donc dans le sens d'un consensus entre les deux assemblées, sans nuire au fonctionnement de la vôtre.
Monsieur le ministre, je ne peux absolument pas être d'accord avec votre interprétation.
D'abord, il ne s'agit pas d'un accord entre le Sénat et l'Assemblée. Simplement, comme l'a suffisamment souligné le rapporteur, l'Assemblée, voulant en finir, accepte ce qu'a fait le Sénat.
Donc, c'est un accord !
Demandez-le donc au rapporteur !
Quant au fond, cet amendement de repli ne mentionne pas les commissions permanentes – à la différence du précédent, qui visait à ménager une sortie par le haut.
J'ai rencontré la semaine dernière le président de la commission des lois du Sénat, et je me suis étonné devant lui que la chambre haute veuille réglementer le CEC, dont elle ne possède aucun équivalent. « Ce n'est pas notre problème, m'a-t-il répondu. Ce que nous ne voulons pas, c'est que ce que l'on appelle les commissions transversales »,…
Les délégations !
…terme qui peut notamment recouvrir les délégations, « puissent avoir plus de pouvoirs que les commissions permanentes. »
C'est en tenant compte de ce qu'il m'a dit que nous avons rédigé cet amendement, qui étend les pouvoirs des instances permanentes – en clair, du CEC, que l'on ne peut pas nommer –, mais dont le dernier alinéa précise que « le présent article n'est pas applicable aux offices, délégations parlementaires et missions d'information ».
La majorité avait voté l'article 1er alors que ce dernier alinéa n'y figurait pas. Ayant compris que c'était l'absence de cette précision qui posait problème au Sénat, nous l'avons ajoutée. De sorte que, si vous votez notre amendement, le Sénat ne pourra pas dire que les délégations auraient plus de pouvoirs que les commissions permanentes. Puisque nous excluons en effet les offices, les délégations et les missions d'information, il ne reste que le CEC et, éventuellement, le comité équivalent dont le Sénat pourrait se doter. Nous répondons donc parfaitement à cette objection.
Il est vrai qu'il existe des nuances entre la position du représentant du Gouvernement et la mienne ; mais je crains, monsieur Dosière, que vous ne vous soyez laissé abuser par les déclarations du président de la commission des lois du Sénat.
En réalité, le Sénat est assez défavorable au contrôle transversal et veut conserver une structure interne classique, fondée sur des commissions permanentes. C'est là son droit le plus absolu ; ce qui est plus gênant, c'est qu'il ait voulu nous imposer la même méthode.
Je crois donc que l'opposition du Sénat est beaucoup plus forte que vous ne le supposez.
Pour cette raison, et parce que je voudrais que nous posions au cours de cette législature les jalons d'un processus qui pourra se développer ultérieurement, je souhaite que nous fassions le plus vite possible, car nous sommes contraints par l'ordre du jour…
Je crains fort, en effet, que M. Hyest n'ait pas été totalement sincère avec vous : l'opposition est formelle.
Je souhaite donc naturellement que l'on vote ce texte le plus vite possible, même si c'est, je le reconnais, par pragmatisme, et même si j'aurais aimé qu'il aille beaucoup plus loin.
Je tiens à remercier le rapporteur de la sincérité avec laquelle il a conclu son intervention. Pour autant, je ne suis pas satisfait.
Voilà en effet un texte qui était considéré, à la suite de la réunion du Parlement en Congrès, comme une initiative emblématique, et qui s'est aujourd'hui réduit comme peau de chagrin.
Je vous entends, monsieur le rapporteur : le texte entrouvre la porte, et il appartiendra aux majorités futures de la pousser. Mais que de temps perdu sur une question qui devrait aller de soi, et qui va manifestement de soi dans les parlements de plusieurs pays d'Europe et du monde !
Je l'ai dit lors de la discussion générale, nous voterons contre la proposition de loi – à regret, comme je l'ai également indiqué. À nos yeux, en effet, ce texte aurait pu représenter une avancée beaucoup plus significative. Mais vous avez accepté trop facilement la position, la décision, l'oukase du Sénat, et vous ne voulez plus en démordre. Ce n'est pas acceptable.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la France a longtemps régné sur le marché de l'art : Paris en fut la capitale jusqu'au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
Aujourd'hui, la France occupe le quatrième rang mondial, après les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine. Deux sociétés de ventes d'origine anglaise, bien connues, se placent aujourd'hui en tête pour ce qui est du montant des ventes volontaires, tous objets confondus. Le Conseil économique, social et environnemental a souligné que la place de Paris ne représentait plus que 6,5 % du marché de l'art mondial, situation déjà qualifiée d'« alarmante » il y a plus de deux ans.
La place de Paris connaît donc un déclin incontestable, qui entraîne des conséquences sur son économie, sur le monde de l'art et sur le rayonnement de la France. Nous n'avons pas à nous y résigner.
C'est dans ce contexte économique, et pour honorer nos engagements communautaires, que nous débattons de la proposition de loi déposée par les sénateurs Philippe Marini et Yann Gaillard.
Ce texte, largement amendé par le Sénat, a été considérablement enrichi par votre commission des lois lors de sa réunion du 8 décembre dernier. Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du travail de la commission et à remercier son rapporteur, M. Houillon, et son président, M. Warsmann.
En effet, le texte issu de votre commission met à profit la nécessité de mettre notre réglementation en conformité avec la directive « services » pour rénover le secteur des ventes volontaires. Il libéralise l'activité de ventes volontaires de meubles – c'est-à-dire de biens transportables, mais aussi d'animaux – qu'ils soient vendus en gros ou au détail, neufs ou d'occasion. Il en unifie également les conditions d'accès et d'exercice.
L'agrément préalable du Conseil des ventes volontaires, qu'il fallait obtenir pour se livrer à cette activité, est remplacé par une simple déclaration. Cet allégement du formalisme favorisera le développement de ce secteur.
Par ailleurs, les opérateurs de ventes volontaires se voient reconnaître à certaines conditions la possibilité d'effectuer, à côté des ventes aux enchères publiques, des ventes de gré à gré, ce qui contribue à l'attractivité de la profession.
Autre mesure de simplification : la suppression du dispositif d'agrément facultatif des experts, qui ne paraît plus adapté au marché actuel.
S'il prévoit ainsi des assouplissements, le texte voté par votre commission assure également une plus grande sécurité aux consommateurs. Le mandat de vente devra être établi par écrit afin de renforcer les garanties offertes aux clients des maisons de vente. L'interdiction de revente à perte est étendue au cadre des enchères publiques. L'achat pour revente reste interdit, les opérateurs ne pouvant acheter pour leur propre compte des biens meubles aux enchères. Toutefois, votre commission a, à juste titre, prévu une dérogation dans certains cas très limités, ainsi pour mettre un terme à un litige entre l'acquéreur et le vendeur.
Je me réjouis, monsieur le rapporteur, que vous ayez enrichi la proposition de loi afin de moraliser le marché des ventes volontaires. Vous avez ainsi introduit plusieurs avancées notables qui permettent de remédier aux insuffisances et à certains dysfonctionnements du système actuel.
Jusqu'à présent, les professionnels de la vente volontaire ne disposaient d'aucun code de déontologie. À l'heure où nous libéralisons le secteur, l'élaboration d'un tel code devenait indispensable. Le Conseil des ventes volontaires est chargé, en lien avec les professionnels, de préparer ce code, qui devra être soumis à mon approbation. Je ne peux que me féliciter que le Conseil ait commencé d'y travailler avant même le vote définitif de cette loi.
Vous avez ensuite prévu la dématérialisation du registre de police des objets détenus en vue de la vente ; elle assurera la traçabilité des biens, réduisant ainsi les risques de fraude.
Enfin, vous avez mieux encadré le recours à des prestataires extérieurs par l'opérateur de ventes volontaires. Celui-ci devra désormais prendre toutes les dispositions propres à assurer à ses clients la sécurité juridique et matérielle des ventes qu'ils organisent.
Votre texte accroîtra également la confiance des opérateurs et des clients en clarifiant le rôle du Conseil des ventes volontaires. Reconnu comme établissement d'utilité publique, doté de la personnalité morale, le Conseil est conforté dans son rôle de régulateur et d'autorité de discipline.
En deuxième lieu, le texte parvient à maintenir les équilibres essentiels entre les différents acteurs de ce secteur.
Je ne peux que me satisfaire du maintien par le Sénat de la profession de commissaire-priseur judiciaire, dont la suppression était prévue dans le texte initial. En leur qualité d'officiers publics et ministériels, les commissaires-priseurs judiciaires participent au maillage du territoire et sont indispensables à la bonne administration de la justice. Ils offrent en effet aux justiciables un niveau élevé de compétence et de sécurité en matière de ventes judiciaires et présentent d'importantes garanties déontologiques et financières.
La proposition de loi conforte par ailleurs les opérateurs de ventes volontaires dans leur rôle d'animation du marché. Conformément à la directive « services », la forme juridique de l'exercice de l'activité sera librement choisie par l'opérateur, de même que l'implantation du siège de la société sur le territoire de l'Union européenne.
Quant aux courtiers de marchandises assermentés, le texte rénove leur statut tout en préservant leur spécificité : ils demeurent notamment compétents pour délivrer des certificats de cours de marchandises et procéder à des ventes judiciaires en gros.
Je remercie la commission d'avoir maintenu la possibilité pour les notaires et les huissiers de justice de réaliser des ventes volontaires à titre accessoire sans qu'il soit nécessaire d'encadrer plus strictement cette notion d'« accessoire ». Il appartient aux parquets généraux et aux chambres professionnelles, à l'occasion des contrôles annuels des offices d'huissiers de justice ou de notaires, de vérifier le volume de l'activité de ces professionnels en matière de ventes volontaires et de prendre les mesures appropriées pour sanctionner d'éventuelles dérives.
Enfin, dans ce nouveau cadre juridique, d'autres professions telles que les antiquaires et galeristes ont pu exprimer des inquiétudes. La proposition de loi leur permettra de participer financièrement aux activités des maisons de ventes et de recourir désormais aux ventes aux enchères publiques dans le cadre de leur activité professionnelle.
Mesdames et messieurs les députés, grâce aux apports respectifs des deux assemblées, nous voici parvenus à un point d'équilibre. Votre texte modernise et assouplit les cadres de l'activité de ventes volontaires tout en préservant les garanties de sécurité juridique et la régulation du secteur. Ce texte permettra donc de dynamiser le marché français et de mieux faire face à la concurrence internationale.
Je vous proposerai néanmoins quelques amendements pour modifier à la marge l'organisation du Conseil des ventes volontaires et pour préciser les modalités d'enregistrement des sociétés de .ventes volontaires afin d'être pleinement en adéquation avec la directive « services ». J'espère – et je l'en remercie d'ores et déjà – que M. le rapporteur accueillera favorablement ces toutes petites modifications. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Houillon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, derrière un aspect technique, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui traite d'un enjeu important pour la France. En effet, les ventes aux enchères publiques ne sont pas qu'une technique de cession de biens ou d'objets mobiliers, elles représentent également tout un secteur d'activité, articulé autour de 385 sociétés de ventes volontaires employant directement quelque 2 000 personnes et réalisant un montant global d'adjudications de 2,2 milliards d'euros.
Cette activité dépasse aujourd'hui les transactions de biens ou d'objets prestigieux. De telles ventes, si elles concernent majoritairement les oeuvres d'art, portent aussi sur des chevaux de course, des véhicules d'occasion, des vins ou alcools renommés et toutes sortes de biens d'équipement ou de consommation courante.
Depuis 2002, le montant des ventes aux enchères publiques en France a augmenté de 29,5 %. Après un retournement de tendance de 8,2 % en 2008, le marché a retrouvé un niveau de chiffre d'affaires équivalent à ce qu'il était avant la crise.
Il convient toutefois de souligner que la bonne tenue de l'activité française en 2009 résulte pour beaucoup de la vente de la collection Bergé-Saint-Laurent, pour un montant d'adjudication de 298 millions d'euros. Si un tel événement n'avait pas eu lieu, le volume global des adjudications réalisées dans notre pays en 2009 aurait atteint seulement 1,94 milliard d'euros, accusant ainsi une diminution de 5,1 %.
Le fait est que le cadre juridique dans lequel s'exercent les ventes volontaires aux enchères publiques n'est pas adapté à un environnement de plus en plus concurrentiel et exigeant. La loi du 10 juillet 2000, adoptée à la suite d'une action contre la France intentée par Sotheby's devant la Commission européenne pour contester le monopole des commissaires-priseurs, ambitionnait de créer les conditions d'une transition maîtrisée vers davantage de concurrence entre opérateurs. Force est de constater, dix après, que ce texte n'a pas atteint ses objectifs.
L'éparpillement des opérateurs demeure important : on compte 385 sociétés de ventes en 2009 contre 340 en 2002. La taille de ces mêmes opérateurs demeure souvent modeste, avec un effectif moyen de sept salariés et, dans 80 % des cas, un statut de SARL ou d'EURL.
Par ailleurs, les acteurs français restent peu présents à l'international, alors que Christie's et Sotheby's sont devenues les sociétés de ventes volontaires qui réalisent les montants d'adjudication les plus élevés sur le territoire national.
Dans ce contexte, il est utile que le Sénat ait adopté en première lecture, le 28 octobre 2009, la proposition de loi dont nous sommes appelés à débattre aujourd'hui.
Ce texte poursuit deux buts. Le premier consiste à transposer au secteur des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques les dispositions de la directive relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive services ». À cette fin, la proposition de loi supprime l'agrément préalable du Conseil des ventes volontaires pour lui substituer un contrôle a posteriori et lève les actuelles restrictions portant sur la forme d'exercice de l'activité de ventes aux enchères.
Le second but du texte consiste à offrir aux opérateurs capables de rivaliser avec les grandes sociétés de vente internationales les moyens juridiques de les concurrencer réellement. À cet effet, la proposition de loi élargit notamment la possibilité de procéder aux ventes de gré à gré, autorise l'acquisition des biens par les opérateurs au prix minimum garanti par ceux-ci en l'absence d'enchères et assouplit le mécanisme de la vente après folle enchère.
Ces grandes orientations méritent indéniablement de se voir confortées.
Cependant, plus d'un an après le vote du Sénat, la commission des lois a souhaité en faire évoluer la teneur car d'importants événements sont intervenus dans l'intervalle : je veux notamment parler des graves dysfonctionnements mis au jour au sujet de l'hôtel des ventes de Drouot à la suite à l'ouverture, en 2009, d'une information judiciaire pour vol et recel de vol en bande organisée et association de malfaiteurs.
Dans un climat consensuel dont je ne peux que me féliciter, la commission des lois a apporté des modifications poursuivant quatre grands objectifs.
En premier lieu, la commission a cherché à renforcer l'efficacité et la cohérence du nouveau régime des ventes volontaires aux enchères publiques. À cet effet, le plafond de chiffre d'affaires introduit par le Sénat pour objectiver le caractère accessoire de l'activité de ventes aux enchères autorisée pour les notaires et les huissiers de justice a été supprimé. De même, il a été décidé que les nouvelles exigences de formation posées à l'égard de ces officiers publics ne devaient s'appliquer qu'aux nouveaux intervenants.
En contrepartie, il a toutefois été prévu que le Conseil des ventes volontaires puisse demander à la Chambre nationale des huissiers de justice et au Conseil supérieur du notariat la communication du chiffre d'affaires annuel réalisé par les notaires et huissiers de justice dans leur activité de vente aux enchères.
Sans remettre en cause l'assouplissement du régime des ventes de gré à gré, il a également été prévu que les vendeurs soient systématiquement informés par les opérateurs de l'alternative s'offrant à eux entre le recours à de telles transactions ou à des ventes volontaires aux enchères publiques.
La commission des lois a aussi laissé au vendeur et au commissaire-priseur la possibilité de fixer contractuellement le prix des objets vendus dans le cadre de ventes de gré à gré après la vente publique. Enfin, s'inspirant des facilités offertes aux opérateurs à l'étranger pour la résolution de litiges ponctuels à l'égard de certaines ventes, elle a autorisé l'achat pour revente à titre exceptionnel et transactionnel, sous réserve d'un accord écrit des vendeurs et acheteur.
En deuxième lieu, ainsi que je l'ai déjà indiqué, la commission a cherché à tirer les enseignements de l'affaire Drouot, en concrétisant certaines propositions du rapport demandé par votre prédécesseur, monsieur le ministre.
C'est ainsi, notamment, qu'il a été prescrit que les opérateurs communiquent au Conseil des ventes volontaires, à sa demande, toutes les précisions utiles à leur organisation ainsi qu'à leurs moyens. A également été posé le principe selon lequel ces mêmes opérateurs devront prendre toutes les dispositions nécessaires à la sécurité des ventes faisant intervenir, pour leur compte, des prestataires de services, ceux-ci ne pouvant ni acheter, ni vendre pour leur compte les biens proposés.
Corrélativement, la commission des lois a souhaité préciser l'articulation des régimes de l'action disciplinaire et de l'action pénale, en reportant le point de départ du délai de prescription de l'action disciplinaire à l'issue de l'action pénale avec, en contrepartie, une réduction de ce délai de trois à deux ans.
Enfin, dans un souci de meilleure traçabilité des objets mis en vente, la commission a décidé de rendre obligatoire, deux ans après la publication de la loi, la tenue sous forme électronique du livre de police désigné à l'article 321-7 du code pénal.
En troisième lieu, la commission s'est évertuée à adapter la composition et le fonctionnement du Conseil des ventes volontaires à son rôle de régulateur.
Pour ce faire, il a été conféré à cet organisme le statut d'établissement d'utilité publique, doté de la personnalité morale, ainsi que la mission d'élaborer un cadre déontologique pour l'activité des opérateurs de ventes aux enchères, sur le respect duquel le conseil pourra émettre des avis. S'agissant de la composition du Conseil des ventes, il a été convenu de rétablir le caractère renouvelable du mandat de ses membres, tout en raccourcissant sa durée à quatre ans, de manière à permettre une certaine continuité lors des renouvellements.
En outre, il a également été prévu que le Gouvernement puisse désigner au sein de cette institution des professionnels toujours en activité – nous en débattrons tout à l'heure, monsieur le ministre. Ce choix est apparu tout à fait compatible avec les exigences communautaires, sous réserve, naturellement, de l'exclusion de la participation de ces mêmes professionnels aux formations disciplinaires et aux décisions individuelles concernant d'éventuels opérateurs concurrents.
En dernier lieu, la commission des lois a procédé à certains ajustements dans le nouveau statut des courtiers de marchandises assermentés. S'il a été convenu de l'utilité de supprimer leur qualité d'officier public, il a en revanche été décidé de revenir sur des restrictions apparemment inutiles apportées par le Sénat à leur cadre d'exercice. Il est notamment apparu nécessaire de restaurer une certaine liberté de désignation des courtiers par le juge en dehors de leur spécialité.
Au titre des mesures transitoires, nous avons également considéré qu'il n'était pas justifié de restreindre à la seule direction des ventes aux enchères publiques en gros la présomption de qualification des courtiers de marchandises assermentés inscrits sur les listes de cour d'appel avant l'adoption de la loi.
Pour conclure, au regard de tous ces apports, j'ai la faiblesse de croire que le texte adopté par la commission des lois est équilibré et concilie tout à la fois les exigences de transposition de la directive « services » avec les besoins liés à la modernisation du secteur des ventes aux enchères publiques. Remettre en cause cet équilibre, même sous couvert de louables intentions, risquerait à mon sens de porter du tort à un pan de notre économie qu'il ne faut pas négliger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la finalité d'une motion de renvoi en commission est d'obtenir qu'un texte soit examiné plus avant, compte tenu des défauts qui l'entachent. En somme, cette motion vise à démontrer que le travail effectué n'est pas satisfaisant et je n'aurai aucun mal à en faire ici la démonstration pour cette proposition de loi relative à la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Si les ventes volontaires se portent très bien, il est néanmoins nécessaire de légiférer. Le texte qui nous est soumis poursuit un double objectif : celui de transposer au secteur des ventes volontaires aux enchères publiques les dispositions de la directive « services » de décembre 2006 et celui d'approfondir la libéralisation du secteur des ventes volontaires aux enchères publiques, de manière à offrir aux opérateurs capables de rivaliser avec les grandes sociétés de ventes internationales les moyens juridiques de les concurrencer réellement.
Les sénateurs qui ont examiné ce texte sont allés bien plus loin que ce qu'exigeait la simple transposition, libéralisant un peu plus encore ce secteur d'activité. Pour autant, ils se sont peu intéressés aux consommateurs, estimant que la compétitivité de ces entreprises suffirait à assurer leur information et leur protection.
L'examen en commission par notre assemblée a permis opportunément de rétablir dans leurs droits certains opérateurs, contribuant à élargir le champ des possibles pour les particuliers. Cependant, bien des points restent à approfondir.
Ce texte va concerner deux acteurs : les opérateurs de vente aux enchères et les particuliers, puisque les ventes volontaires aux enchères publiques portent essentiellement sur des biens meubles possédés par des particuliers.
Si le législateur ne peut évidemment se satisfaire de l'inadéquation de la taille des acteurs français au marché, on ne peut écarter l'hypothèse que le présent texte ne contribue finalement à renforcer la position dominante de Christie's, Sotheby's ou autre British Car Auctions. L'impératif de transposition d'une directive doit être autre chose qu'un simple rendez-vous technique.
Nous devrions en effet nous attacher à respecter les différents volets de cette directive « services » afin d'en assurer une transposition cohérente.
À n'en pas douter, les trois premiers volets sont respectés : simplification des procédures et des formalités applicables aux prestataires, destinée à faciliter l'exercice de leur activité dans le ressort de l'Union européenne ; libéralisation du mode de fourniture des services ; libéralisation de l'accès à cette activité de services et de son exercice.
Reste le dernier volet de la directive, destiné à apporter un niveau de garantie élevé aux consommateurs.
Il est remarquable de constater, monsieur le rapporteur, que vous justifiez aussi la nécessaire modification de notre législation par la prise en compte de ces principes. Nous vous aurions volontiers accompagné dans cette voie afin que « les consommateurs puissent en retirer de réels bénéfices », suivant en cela l'avis du Conseil économique, social et environnemental de 2008. mais nous ne voyons pas en quoi pour l'instant.
En quoi l'évolution de la composition et des compétences du Conseil des ventes volontaires et la mise en place d'une charte de qualité par les opérateurs vont-elles renforcer la protection des consommateurs ?
Nous savons ce qu'il convient de penser des chartes, des guides de bonne conduite ou autres recommandations. Celles relatives à la rémunération des mandataires sociaux de sociétés préconisées par l'AFEP en son temps nous rappellent qu'une telle recommandation est au contrat ce qui ressort d'un accord de principe, c'est-à-dire tout sauf un engagement qui oblige. Quand, demain, les grands opérateurs seuls établiront leur guide de bonne conduite, sera-t-il un cadre pour eux ou pour les consommateurs ?
Lors des auditions organisées par M. le rapporteur, une grande maison française, Artcurial, nous a fait part de sa situation en ces termes : « Tout va bien pour nous ! ». Aux antipodes, les autres professions concernées par cette proposition de loi nous ont dit leur désarroi. Seuls deux grands opérateurs du marché, Sotheby's et Christie's, sont parfaitement satisfaits par ce texte. Pourquoi en rajouter ?
La majorité obéit à une logique constante – une marque de fabrique en quelque sorte – qui est la concentration des faveurs législatives sur les plus privilégiés. Le parallèle avec le bouclier fiscal n'est que trop évident ici aussi. Les conséquences à terme se ressemblent étrangement : l'étouffement et la compression des plus petits opérateurs économiques.
Il est à cet égard regrettable qu'une étude d'impact n'ait pas été produite à côté de ce texte. Cela nous aurait permis de cerner les conséquences des dispositions envisagées en termes d'emplois. Par exemple, les courtiers assermentés ne sont peut-être que 200 sur le territoire, mais combien de leurs salariés sont aujourd'hui concernés ? Surtout, quel est le véritable impact de leur activité sur le monde des affaires ? Voilà des informations qui auraient été utiles à un travail législatif digne de ce nom.
L'occasion des « nécessaires adaptations » de la loi française à la directive Services a vu l'exécutif intégrer à la proposition de loi une refonte des statuts de la profession de courtier de marchandises assermenté. Leurs prérogatives sont à ce jour encore les suivantes : ventes aux enchères publiques judiciaires ou volontaires de marchandises en gros ; délivrance des certificats de cours et des attestations de prix ; pratique de l'expertise judiciaire et amiable ; cotations des marchandises en bourse de commerce ou chambre de commerce ; inventaires et évaluations de stocks ; revente et rachat de marchandises en cas d'inexécution de contrats. Et j'en oublie. À ces titres, ils sont officiers publics, auxiliaires de justice et aussi commerçants, et très utiles à notre économie.
La réforme proposée induisait une disparition pure et simple de cette profession au profit des professionnels concurrents que sont les commissaires priseurs ou, plus encore, de grandes sociétés de vente qui veulent, à cette occasion, reprendre en catimini ce pour quoi ils ont déjà été indemnisés en 2000 à hauteur de 67 millions d'euros. Ce n'est évidemment pas l'esprit de la directive « services », au contraire.
Si nos travaux ont fort heureusement infléchi cette réforme, tout n'est pas résolu pour autant.
S'agissant des ventes aux enchères volontaires, le monopole de vente en gros est supprimé, dans l'esprit de la directive. Mais, concurremment, on a cherché à les enfermer dans la spécialité technique présentée lors de leur examen professionnel pour réduire leur activité, en même temps d'ailleurs qu'à limiter une autre catégorie d'officiers publics, les huissiers, dans leurs possibilités d'intervention. Heureusement, là encore, notre commission a modifié le texte en provenance du Sénat, qui tendait à tarir leur activité tout en concentrant la vente aux enchères. Mais certaines menaces continuent à peser sur cette activité avec le contrôle institué au profit du Conseil des ventes. Les courtiers de marchandises assermentés auraient été passés par pertes et profit, l'intérêt des consommateurs mésestimé, et l'animation de certaines provinces françaises restreinte.
Toutefois, nous ne sommes pas allés assez loin dans nos travaux sur la portée véritable de l'action de ces professionnels.
S'agissant des certificats de cours et attestations de prix, les courtiers de marchandises assermentés sont les seuls à en délivrer, tout comme ils délivrent, pour les marchandises encore cotées en bourse de commerce, les précieuses attestations de prix essentielles à la justice, à l'évaluation de préjudices ou à la valeur d'une marchandise. Il s'agit d'actes authentiques que seuls peuvent délivrer des officiers publics ou ministériels.
Supprimer cette qualité d'officier public, c'est passer une fois de plus les courtiers de marchandises assermentés par pertes et profits, mais aussi déconsidérer leurs donneurs d'ordres et faire fi de leurs intérêts. Au-delà, c'est porter un coup indéniable aux transactions internationales, notamment sur le vin et les céréales, marchandises commercialisées par les courtiers de marchandises assermentés en raison de leurs compétences, mais aussi de l'aura que leur confère leur titre d'officier public au regard de l'étranger.
S'agissant des expertises judiciaires et amiables, le décret actuel régissant les courtiers de marchandises assermentés en fait mention dans son article 10. La proposition de loi supprime purement et simplement cet article. Comment le comprendre, alors que la Chancellerie elle-même a poussé l'assemblée permanente des courtiers à adhérer au Conseil national des experts de justice et a informé les cours d'appel de l'adjonction de leurs listes à celles des experts ? Encore une prérogative des courtiers de marchandises assermentés obérée pour le bien de qui et de quoi ? Nous nous interrogeons encore.
S'agissant des cotations des marchandises en bourse de commerce ou en chambre de commerce, c'est sous la seule responsabilité des courtiers de marchandises, qui réunissent à cette occasion négociants, courtiers libres, professionnels, que sont réalisées de nombreuses mercuriales en France. Ces cotations sont fournies hebdomadairement à des agences aussi renommées que Reuters ou Bloomberg par les courtiers de marchandises assermentés français à destination du monde entier, dans soixante-sept spécialités. Quel est l'intérêt d'affaiblir ces professionnels qui concourent au renom de la France ?
Sans doute était-il nécessaire de transposer la directive communautaire, mais fallait-il procéder ainsi ? Je ne le pense pas.
Le législateur a perdu l'occasion de prendre de la hauteur sur un sujet qui le mérite à plusieurs titres. Songez que nous aurions pu profiter de l'examen de ce texte pour nous attacher à préserver le patrimoine national, cet incroyable grenier de l'art dont on dit qu'il regorge encore de joyaux ; un grenier livré en pâture aux géants du marché de l'art mondial, un grenier qui méritait d'être protégé. Hélas ! c'est une occasion ratée puisque de tout cela il n'est nullement question dans ce texte.
Non contente de renforcer les positions dominantes dans ce secteur, la majorité du Sénat, insuffisamment désapprouvée par notre assemblée, a totalement négligé la protection des plus faibles, les particuliers, c'est-à-dire tous ceux qui ont affaire, à un titre ou à un autre, à des professionnels des ventes, naturellement avertis et rompus aux nuances, parfois si subtiles, dans le domaine des ventes d'oeuvres d'art. Il nous semble indispensable de combler une telle lacune. Pour ce faire, nous avons déposé des amendements visant à imposer auxdits professionnels l'obligation d'assurer la meilleure information aux particuliers.
Des lacunes, il y en a d'autres tout aussi regrettables, qui constituent autant de raisons justifiant le renvoi de ce texte en commission.
Les propos que nous venons d'entendre ne manquent pas de me surprendre de la part de M. Clément. Sans doute dois-je comprendre qu'il s'agit d'une posture imposée à notre collègue qui a participé, à mes côtés, aux nombreuses auditions que j'ai menées. Beaucoup de questions ont été posées, qui n'ont jamais été l'occasion d'évoquer le grand capital ou le bouclier fiscal. Mieux : les amendements proposés par M. Clément et le groupe socialiste soit ont été pour beaucoup adoptés, soit étaient exactement identiques à ceux que j'avais moi-même déposés en tant que rapporteur, et par conséquent étaient satisfaits. Nous avions même poussé la recherche du consensus jusqu'à accepter de modifier la date de réunion de la commission pour leur permettre de s'exprimer et de soutenir les amendements.
S'il y avait autant de lacunes, j'imagine que des amendements auraient été déposés pour les combler. Or, outre que je suis surpris d'entendre dénoncer à la tribune de prétendues lacunes qui ne reflètent en rien les travaux importants et longs que nous avons menés, je constate qu'aucun amendement correspondant n'a jamais été déposé, ceux qui l'ont été au titre de l'article 88 ne portant que sur des sujets marginaux. Il y a donc incohérence entre les propos que j'ai entendus et l'absence de proposition.
Un travail important a été effectué en commission et en amont avec les auditions, auquel le groupe socialiste a été totalement associé. Il est donc évident qu'il faut rejeter la motion de renvoi.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de notre collègue Jean-Michel Clément, dont je partage totalement les arguments. La discussion générale me donnera l'occasion d'exprimer mon vif rejet de ce texte négatif, libéral. Je voterai pour la motion de renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter d'une proposition de loi adoptée par le Sénat voilà plus d'un an. Ce texte de cinquante-deux articles peut paraître technique. En réalité, les enjeux économiques sont de taille : 2 000 personnes travaillent dans le secteur des ventes aux enchères publiques et le montant des adjudications s'élevait à plus de 2,2 milliards d'euros en 2009.
Le champ des ventes aux enchères publiques est très large : il couvre aussi bien les oeuvres d'art que les biens d'équipement, les véhicules d'occasion ou encore les chevaux de course. Les opérateurs français de ventes volontaires aux enchères publiques sont confrontés à d'importantes évolutions, qui tiennent non seulement à la circulation sans cesse plus rapide des biens à vendre, mais également au développement de sites spécialisés sur internet, tel e-Bay. En 2009, le montant des adjudications réalisées sur internet a représenté 5 % du total des ventes volontaires, soit 108 millions d'euros.
Nous avons déjà réformé ce secteur. La loi du 10 juilllet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a modifié le statut des commissaires-priseurs et a limité leur monopole aux ventes judiciaires. Parallèlement, cette loi offrait aux sociétés de ventes volontaires la possibilité de se développer au niveau international. Cette loi a eu un impact très positif en permettant aux acteurs français de faire face à la concurrence internationale. Toutefois, dix ans après son adoption, le cadre juridique nécessite de nouvelles adaptations. En effet, sans la vente de la collection Saint-Laurent-Bergé, le volume global des adjudications aurait diminué de 5,1 % en 2009. Les opérateurs demeurent éparpillés et de taille modeste. Parallèlement, les acteurs nationaux sont peu présents à l'international tandis que Christie's et Sotheby's réalisent les montants d'adjudication les plus élevés sur notre territoire.
On ne peut que regretter la baisse de rayonnement de la France dans ce domaine. Pour reprendre les termes du Conseil des ventes volontaires dans son rapport de 2007, nous assistons à un « déclin dans l'euphorie ».
Dans ce contexte, il apparaît que notre cadre législatif doit être amélioré. Nous sommes tenus de transposer la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite Services. Cette transposition nous offre l'opportunité de moderniser ce secteur et d'offrir à nos opérateurs les outils pour faire face à une concurrence internationale de plus en plus forte.
Par ailleurs, je souhaite insister sur le fait que cette réforme est une illustration parfaite de la valorisation du rôle du Parlement résultant de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Bien que menée en étroite collaboration avec le Gouvernement, cette réforme d'ampleur est d'origine parlementaire, et nous ne pouvons que nous féliciter de cette coproduction législative.
Le texte adopté par le Sénat va dans le sens d'une libéralisation maîtrisée. Poursuivant l'objectif de libéralisation prôné par la directive Services, les sénateurs ont supprimé l'agrément des opérateurs par le Conseil des ventes volontaires pour lui substituer une déclaration d'activité accompagnée d'un contrôle a posteriori. C'est une bonne chose.
Par ailleurs, les opérateurs pourront exercer sous la forme juridique de leur choix, à titre individuel ou en société civile ou commerciale, et ils pourront pratiquer les ventes de gré à gré, non seulement after sale, comme actuellement, mais aussi à tout moment, sous réserve que le vendeur présente un certain nombre de garanties.
Parallèlement, le texte étend le champ de compétence des opérateurs de ventes volontaires aux enchères publiques aux biens neufs et aux marchandises en gros, le monopole des courtiers de marchandises assermentés se limitant désormais aux seules ventes judiciaires.
La commission des lois a conforté les orientations retenues par les sénateurs tout en améliorant le texte sur plusieurs points. Je souhaite rappeler plusieurs des améliorations proposées par notre commission.
Actuellement, les notaires et les huissiers peuvent procéder à des ventes volontaires aux enchères publiques, mais uniquement à titre accessoire. Le souhait du Sénat de quantifier ce caractère accessoire, par un plafond de son produit financier à 20 % du chiffre annuel brut de leur office, hors ventes volontaires de l'année précédente, a semblé restrictif à notre commission et poser de réelles difficultés. Ces professionnels interviennent le plus souvent pour des ventes de biens spécifiques n'empiétant que de manière marginale sur le marché des autres opérateurs.
En outre, fixer un plafond rigide au caractère accessoire de cette activité aurait pour conséquence de limiter l'objectif de libéralisation des ventes volontaires, objet même de cette proposition de loi.
Pour ces raisons, la suppression du plafond de 20 % du chiffre d'affaires annuel apparaît tout à fait opportune. Il convient d'en rester au droit actuel : le critère du nombre de ventes n'est pas le seul élément à prendre en considération. Par exemple, le temps consacré à chaque activité est l'un des éléments devant entrer en ligne de compte.
En outre, le Sénat avait introduit des obligations de formation des notaires et des huissiers de justice exerçant des activités de ventes aux enchères publiques. Ils devaient justifier d'un diplôme sanctionnant au moins une année d'études supérieures d'histoire de l'art ou d'arts appliqués. La commission des lois est revenue sur les modalités de cette obligation de formation.
Tout d'abord, il a été décidé que ces exigences de formation ne devaient s'appliquer qu'aux nouveaux intervenants et à ceux ayant effectué des ventes aux enchères depuis moins de deux ans, à compter du 1er janvier 2013. Il semblait en effet surprenant d'obliger ceux en exercice, parfois depuis longtemps, à suivre une formation pour continuer à remplir une mission qu'ils exercent actuellement.
Ensuite, il est apparu préférable de renvoyer à un décret en Conseil d'État le soin de définir les conditions de qualifications spécifiques exigées des notaires et des huissiers. Ce décret pourra notamment prévoir l'obligation de suivre une formation délivrée par le Conseil supérieur du notariat ou la Confédération nationale des huissiers de justice, dans le cadre de la formation continue.
La commission des lois a également souhaité tirer les enseignements de l'affaire Drouot. Une information judiciaire pour vols en bande organisée et association de malfaiteurs en vue de commettre un crime ou délit a été ouverte le 18 mai 2009. L'enquête a donné lieu à l'interpellation de onze personnes, dont huit commissionnaires de l'Union des commissionnaires de l'hôtel des ventes et un commissaire-priseur.
Il est apparu qu'il ne s'agissait pas de quelques vols isolés. Les faits consistaient en la commission, de manière habituelle et organisée, de vols d'objets. L'hôtel des ventes de Drouot joue un rôle majeur pour l'image des ventes aux enchères en France. Ainsi, le législateur se doit d'intervenir pour assainir la situation.
Dans ce cadre, la commission des lois a prévu notamment que les opérateurs de ventes aux enchères publiques communiquent au Conseil des ventes volontaires, lorsqu'il en formule la demande, toutes les précisions utiles concernant leur organisation ou leurs moyens financiers.
Notre commission a également posé le principe selon lequel ces opérateurs devront prendre toutes les dispositions nécessaires à la sécurité des ventes faisant intervenir, pour leur compte, des prestataires de services, ceux-ci ne pouvant ni acheter, ni vendre pour leur compte les biens proposés.
Vous l'aurez compris, la proposition de loi soumise aujourd'hui à notre examen permet de répondre aux difficultés rencontrées par le secteur des ventes aux enchères. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le rapporteur, j'ai lu votre rapport avec beaucoup d'attention, particulièrement l'introduction où vous exprimez votre souci de préserver « la compétitivité d'une activité importante pour le marché de l'art en France et, plus généralement, pour les consommateurs ». Or, à la suite de mon collègue Jean-Michel Clément, j'observe que les conséquences qu'aurait l'entrée en vigueur de cette proposition de loi ne répondraient pas aux objectifs annoncés.
Ainsi, sans posture particulière, mes remarques se concentreront essentiellement sur le devenir du marché de l'art et des objets de collection.
Vous avez rappelé que le marché de l'art et des objets de collection a longtemps tenu chez nous la première place, avant de la céder, au cours de la seconde moitié du xxe siècle, aux pays anglo-saxons. Cependant, si notre pays n'occupe désormais que la quatrième place du marché mondial des ventes aux enchères, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, il convient de rappeler la bonne tenue de l'activité française. En effet, depuis 2002, le montant des ventes volontaires a augmenté de 29,5 %.
Par ailleurs, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui propose d'élargir l'autorisation des ventes de gré à gré. Cette mesure aurait pour effet, en ouvrant totalement les ventes de gré à gré aux sociétés de ventes, de déstabiliser complètement le marché français par un risque de position de quasi-monopole des deux géants internationaux que sont Christie's et Sotheby's, souvent cités ce soir. En effet, ces sociétés internationales ont réalisé 27 % des ventes volontaires aux enchères publiques en France, alors qu'elles ne représentent que 2 % du total des opérateurs implantés dans notre pays. Si, aujourd'hui, nous pouvons parler de position dominante, après le vote de cette loi, nous parlerons de monopole.
À cela s'ajoute la question du maillage territorial, qui assure encore aujourd'hui une régulation et une dynamique du marché de l'art. En effet, les intervenants sur les marchés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont nombreux et de statuts très divers, ce qui, loin d'être un handicap, constitue une richesse en termes de compétences et d'emplois.
Je rappelle qu'il existe en France quelque 835 sociétés de ventes volontaires. Je pense également aux antiquaires et marchands d'art, qui ont une réelle compétence et un savoir-faire incontestable.
Grâce à ces différents acteurs répartis sur tout le territoire, nous disposons d'un maillage territorial qui assure le maintien d'une économie locale dont nous avons besoin.
Pour ces raisons concrètes, le risque serait d'aboutir à une perte considérable d'emplois et de compétences, comme ce fut le cas en Angleterre, où 30 % d'antiquaires et de galeristes ont disparu.
Rappelons que, dans le domaine du marché de l'art en France, 15 000 professionnels soutiennent plus de 10 000 emplois et entretiennent des rapports avec 60 000 artisans, ce qui est un gage de qualité pour les consommateurs. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de conserver et de valoriser notre patrimoine commun au travers du travail et de l'implantation locale de professionnels dotés d'un savoir-faire traditionnel et qui en assurent la transmission auprès des plus jeunes par des formations qualifiantes et diplômantes.
Nous le savons bien, monsieur le ministre, la transposition de la directive Services est inévitable, mais nous savons aussi que le principe de subsidiarité laisse aux États la possibilité, le cas échéant, de l'adapter aux particularités nationales. Il existe une réelle exception française dans le secteur du marché de l'art, que nous devons préserver.
C'est pourquoi, cette proposition de loi mérite une meilleure prise en compte des inquiétudes et des remarques formulées par les différents acteurs du marché de l'art en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je voudrais tout d'abord protester contre les conditions dans lesquelles on nous a sommés d'examiner la présente proposition de loi. Les débats sur le projet de loi relatif à la garde à vue ayant été plus courts que prévu, le ministère chargé des relations avec le Parlement s'est hâté de remplir les jours de travail ainsi perdus avec des textes ressortis de derrière les fagots.
République. Ce que vous dites est scandaleux ! Lors de la Conférence des présidents, tout le monde a approuvé !
Votre groupe a approuvé l'ordre du jour !
La présente proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a été déposée au Sénat le 8 février 2008. C'est plus d'un an plus tard, en mars 2009, qu'elle est passée devant la commission des lois de la Haute assemblée. En octobre de la même année, soit sept mois plus tard, elle était examinée en séance publique. C'est vous dire à quel point le Gouvernement a fait de cette proposition de loi un texte stratégique et c'est vous dire aussi l'urgence de ce texte ! C'est sans doute pourquoi vous avez jugé utile de vous ruer sur le temps de séance dégagé pour le mettre à l'ordre du jour.
Ces tripatouillages calendaires révèlent le mépris dans lequel ce gouvernement tient la fonction de député, de législateur. Les textes de loi sont traités comme de vulgaires amendements puisqu'ils sont distribués deux jours avant d'être examinés en séance. En effet, nous avons eu connaissance du nouvel ordre du jour en catastrophe, jeudi soir. Vous imaginez ce que cela signifie pour un groupe comme le nôtre, dont les moyens sont limités.
Un laps de temps de seulement deux jours ouvrés s'écoule entre l'annonce du nouvel ordre du jour et le passage en séance. C'est inacceptable et irrespectueux pour la représentation nationale.
La loi, à laquelle on ne doit toucher que d'une main tremblante, comme l'écrivait Montesquieu, devient une variable d'ajustement dans les agendas et les stratégies du Gouvernement, un simple bout de papier examiné sur un coin de table. C'est d'autant plus scandaleux que la présente proposition de loi, parfait exemple de cette néfaste inflation législative qui dévalue notre travail, présente désormais plus de cinquante articles : cinquante-deux articles de transposition de la directive Bolkestein, mais aussi de libéralisations, de déréglementations, de charcutage du droit commercial tous azimuts. Il n'y a évidemment aucune étude d'impact jointe à cet arsenal.
Cette fameuse directive Bolkestein, nous le savons, fonctionne comme un cheval de Troie. Concoctée par la Commission européenne, dont l'unique mode de pensée est le libéralisme le plus acharné, elle a ensuite été ratifiée par les États. Elle a pour effet d'instiller dans nos législations le poison de la déréglementation qui a conduit à la crise actuelle.
En la transposant, les États détricotent méticuleusement le droit interne aux seules fins de s'aplatir devant le dogme de la concurrence libre et non faussée. À ce titre, l'exposé des motifs, venu de l'aile la plus thatchérienne de la droite sénatoriale, vaut son pesant d'or : « Il faut bien libéraliser, parce que l'Europe nous le demande et que notre intérêt bien compris le commande ». En matière de déréglementation, je le dis clairement, de la complaisance à la culpabilité, il n'y a qu'un pas.
Faut-il rappeler que le rejet massif de la directive Bolkestein avait motivé, pour une large part, le vote des Français contre le traité constitutionnel européen ?
En matière de directives européennes, vous le savez, nous avons la consigne d'avoir moins de 1 % des directives non transposées. Or la France est aujourd'hui à 1,2 % de déficit de transposition. Trente-six directives restent non transposées, ou de manière insatisfaisante, dans les délais impartis.
Ce chiffre est en hausse de 0,5 point depuis mars 2010, ce qui créé une insécurité juridique du point de vue de la Commission et de nos partenaires, du fait de la non-réciprocité des engagements. Ce déficit expose la France à des amendes ou à des astreintes journalières. C'est sans doute pourquoi il a été jugé utile d'aller récupérer cette proposition de loi dans les greniers.
Je ne suis pas encore monté jusqu'au grenier ! (Sourires.)
Mais puisque le Gouvernement semble vouloir passer sous la barre de 1 %, pourquoi n'a-t-il pas choisi de transposer la directive 200388CE ? Celle-ci concerne certains aspects de l'aménagement du temps de travail et permet aux salariés de bénéficier de leurs congés annuels payés, quel que soit leur état de santé. Elle risque de rester bien longtemps dans les cartons. Faut-il en conclure que seules les directives antisociales ont l'honneur de figurer à l'ordre du jour ?
J'en viens maintenant aux dispositions du texte dont nous débutons l'examen minute, du fait des délais impartis.
Cette proposition de loi a pour objectif principal, en matière de ventes aux enchères, de passer d'un régime d'agrément à un régime déclaratif. Ainsi, les ventes aux enchères ne seront plus régulées a priori, elles seront libres, et les établissements commerciaux désirant s'y livrer ne devront plus obtenir un agrément, mais simplement se signaler auprès d'une prétendue autorité de régulation, le Conseil des ventes. Cette autorité sera composée de membres nommés par l'exécutif, ce qui permettra tous les conflits d'intérêts possibles.
Il faut croire que vous n'avez décidément pas peur que l'histoire se répète. En tout état de cause, désormais, personne ne vérifiera les assurances, et les opérateurs ne seront plus tenus de s'adjoindre un commissaire aux comptes.
Il s'agit également de démanteler toutes les protections juridiques, au motif qu'il n'en existe pas au Royaume-Uni et que cela a permis à ce pays de donner naissance aux deux plus grandes maisons de vente de la planète.
En fait, comme pour la précédente loi sur le sujet, qui remonte à 2000, ce texte est le résultat du lobbying intense de ces deux géants mondiaux. Aussi leurs représentants peuvent-ils se féliciter chaleureusement des présentes dispositions.
C'est déjà la société Sotheby's qui avait saisi, dès 1992, la Commission européenne au motif de l'incompatibilité de la réglementation française avec le principe de la libre prestation des services. Ainsi, le 16 mars 1995, la France a été mise en demeure par la Commission d'adapter sa législation relative à l'organisation des ventes volontaires et à la profession de commissaire-priseur.
Alors qu'ils jouissent d'ores et déjà d'une situation de domination absolue du marché, les géants internationaux pourront désormais être mandatés pour vendre de gré à gré, et viendront concurrencer directement, sur leur terrain, galeristes et antiquaires. Quelque 15 000 petites entreprises qui maillent le territoire d'une économie artistique et culturelle en grande difficulté seront ainsi exposées à la concurrence « libre et non faussée » des pachydermes anglo-saxons.
Les traditions de notre pays en matière d'objets d'art et de culture sont balayées pour épouser une nouvelle fois les méthodes du néolibéralisme. Comme si la globalisation n'allait pas assez vite, la droite s'entête dans le déni de nos spécificités culturelles et importe les techniques de vente qui ont cours aux États-Unis.
Il est bien évident que la mainmise donnée aux grosses maisons de vente renforcera le caractère puissamment spéculatif du marché de l'art. Les petits acteurs, dont l'apport culturel est évident, n'auront plus qu'à mettre la clé sous la porte. C'est l'ambition de ce texte, et le rapporteur au Sénat de déplorer que l'organisation du marché de l'art français soit « marquée par une dispersion des structures dont la plupart réalisent un chiffre d'affaires réduit ne leur donnant pas la taille critique suffisante pour affronter une concurrence internationale ».
Dispersion des structures, petits chiffres d'affaires des galeristes et des antiquaires de quartiers : un réseau de proximité que la droite entend éradiquer par une concurrence inégale.
Les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre cette proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte vise deux objectifs : il s'agit non seulement de se conformer à l'obligation de transposer dans notre droit national la directive européenne dite « services », mais également de répondre au souci de revitalisation du marché de l'art en France.
Il convient de souligner la nécessité urgente de mettre notre réglementation en conformité avec le droit communautaire. L'obligation de transposition avait pour date butoir le 28 décembre 2009. Force est de constater qu'une fois encore notre pays ne s'illustre pas par sa ponctualité. En matière de transposition, la France est en effet attendue dans certains domaines ; je pense notamment à la directive « Clarification, étiquetage et emballage des substances et mélanges ». Toutes les directives voient leur délai de transposition dépassé ou en passe de l'être.
Pour les Européens convaincus que nous sommes, au groupe Nouveau Centre, il est difficilement concevable que l'engagement européen de la France soit remis en cause par un retard de transposition du droit communautaire en droit français. Vous me répondrez que, compte tenu des nombreuses réformes que la majorité a engagées, l'agenda parlementaire souffre de quelques ajournements préjudiciables. Certes, mais ces retards ne se révèlent pas sans conséquences pour notre pays.
Il existe tout d'abord une menace juridique : la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne reconnaît aux citoyens la possibilité d'attaquer un État pour déficit de transposition.
La menace est aussi diplomatique : ces retards fragilisent la position de la France dans les négociations communautaires et dans les institutions de l'Union en général. Nous ne pouvons à la fois nous targuer d'être à la pointe de l'Union européenne et figurer parmi les mauvais élèves en matière de transposition. Notre image et notre poids en dépendent.
La menace se fait enfin financière – notre collègue Candelier l'a rappelé, même si ce n'était pas pour les mêmes raisons que moi – : nous avons dû examiner le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité dans l'urgence et sous la menace d'un contentieux communautaire.
Revenons-en à la réforme qui nous occupe aujourd'hui. Pour le groupe Nouveau Centre, l'obligation de transposer en droit interne les dispositions communautaires relatives aux ventes volontaires de meubles aux enchères publiques doit être envisagée comme une opportunité pour dynamiser le marché français, actuellement en déclin dans ce secteur et même dans une situation délicate.
Selon un rapport du Conseil économique et social d'avril 2008, la France, qui occupait le premier rang mondial sur le marché de l'art dans les années 1950, ne représente plus que 6,5 % des ventes aux enchères mondiales dans ce domaine, ce qu'illustre également la perte du troisième rang mondial que nous occupions encore jusqu'en 2007.
En outre, le marché français connaît une concentration des activités entre les mains de quelques opérateurs. Si le nombre de sociétés de ventes volontaires agréées et de personnes habilitées à diriger les ventes a progressé constamment depuis la loi du 10 juillet 2000, l'activité paraît se concentrer, je le répète, entre les mains d'un petit nombre d'acteurs réalisant les ventes les plus importantes.
La présente proposition de loi prévoit une libéralisation et une adaptation au défi que représente la mondialisation du marché de l'art. Ce texte est équilibré parce qu'il assure un moyen terme entre la nécessité de libéraliser l'activité des ventes volontaires et celle d'apporter les garanties qu'exige le public, entre les possibilités et les devoirs des différentes professions concernées, et enfin entre les réformes qui s'imposent et le maintien de dispositions qui ont fait leurs preuves.
Dans cet esprit, nous avons proposé en commission un amendement, adopté à l'unanimité, visant à supprimer la limitation des honoraires des huissiers de justice découlant de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Par ailleurs, une autre question se pose : comment maintenir dans les communes dépourvues de commissaire-priseur une activité de vente ou encore la vitalité économique des études d'huissiers actuellement structurées autour de cette activité ?
À ceux qui pourraient encore montrer quelque scepticisme dans cette affaire, je répondrai : nous ne détournerons pas avec la levée de ce plafond les huissiers de justice de leurs missions principales.
Le texte établit un équilibre entre les intérêts légitimes du marché de l'art, ceux des professionnels et ceux du public. C'est dans cet esprit que le groupe Nouveau Centre a proposé cette disposition.
Parce que le secteur des ventes volontaires aux enchères est un domaine économiquement significatif et symbolique, qui puise ses racines au plus profond de notre patrimoine et recouvre l'activité de nombreuses professions, je salue, au nom de mon groupe, le renforcement du poids de l'autorité régulatrice, le Conseil national des ventes volontaires. Un régulateur fort va de pair avec une libéralisation comme celle proposée par le texte.
En ce qui concerne enfin les ventes aux enchères par voie électronique, une pratique en plein essor, nous saluons le renforcement de la distinction de deux activités : eBay n'est qu'une opération de courtage aux enchères caractérisée par l'absence d'implication d'un tiers et par l'absence d'adjudication au mieux-disant des enchérisseurs. L'information sur la nature du service proposé doit être claire pour le public et nous nous réjouissons que le texte apporte des garanties.
Les députés du groupe Nouveau Centre voteront en faveur de ce texte.
Je ne peux que remercier M. Nicolin pour son soutien à l'adoption rapide d'un texte important visant à moderniser et moraliser certaines pratiques dans les milieux de l'art. Les dispositions prévues sont indispensables pour permettre à la France de redevenir attractive.
Madame Boulestin, je souscris tout à fait à votre volonté de permettre à chaque acteur de maintenir sa place au sein du marché de l'art. Le texte de la commission est parvenu à un équilibre. La chancellerie demeure très attachée à la préservation du maillage territorial grâce auquel chaque citoyen doit avoir accès à des professionnels du droit mais également du marché de l'art.
En préservant les spécificités de chacun en matière de ventes judiciaires tout en libéralisant les ventes volontaires, la France, transposant ainsi la directive européenne dans le droit interne, satisfait la Commission européenne et évite une condamnation pécuniaire lourde. En même temps, j'y insiste, nous préservons la spécificité de notre organisation nationale. Si j'osais, je vous inviterais par conséquent, madame Boulestin, à voter le texte de la commission sur lequel l'Assemblée délibère en vertu de la réforme constitutionnelle. Je suis en tout cas au service de l'Assemblée.
C'est ce que je souhaite aussi préciser à M. Candelier. Selon lui, les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas satisfaisantes. Certes, mais c'est la Conférence des présidents qui a décidé que nous serions ensemble ce soir… C'est du reste pour moi un réel plaisir, que j'espère partagé. Vos échanges nourris avec M. le rapporteur, qui a procédé à de nombreuses auditions, ont permis d'enrichir le texte du Sénat, au point qu'il parvient à un équilibre satisfaisant.
Nous sommes heureux d'entendre M. Brindeau, dont c'était l'une des toutes premières interventions. Je le remercie du soutien qu'il a apporté au texte au nom des députés de son groupe. Il a bien décelé les enjeux de la proposition, qu'il s'agisse de transposer une directive européenne ou de faire en sorte que la France garde une place essentielle sur le marché de l'art.
Le texte de la commission, si vous acceptez les amendements du Gouvernement, sera le meilleur possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'appelle les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Les articles 1er à 5 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
(Les articles 1er, 2, 3 et 4, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Les amendements à l'article 5 n'étant pas soutenus, je le mets aux voix.
(L'article 5 est adopté.)
À l'article 6, la parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 16 .
Cet amendement vise à porter à la connaissance du public la date de réalisation de la déclaration préalable d'activité de l'opérateur de ventes volontaires au lieu de la date d'enregistrement. Il s'agit, conformément aux exigences de la directive « services », de préciser clairement que l'opérateur aura la possibilité de procéder à des ventes volontaires dès le dépôt de sa déclaration et sans autre formalité.
Les articles 7 à 17 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
(Les articles 7, 8, 9, 10, 11, 12, 12 bis, 13, 14, 15, 16 et 17, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
À l'article 18, la parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Cet amendement vise à rétablir un équilibre, en matière de responsabilité, entre deux situations.
En vertu de l'article 2224 du code civil, les actions en responsabilité civile susceptibles d'être engagées contre l'expert qui exerce ses activités hors du cadre des ventes publiques se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le demandeur a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant d'exercer cette action, c'est-à-dire, en l'occurrence, à compter du jour où il a eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l'erreur d'expertise. C'est un point dont nous avions débattu il y aura bientôt deux ans, lors de la discussion de la loi relative à la réduction des conditions de prescription.
En vertu de l'article 2232 du même code, ce délai peut d'ailleurs atteindre jusqu'à vingt ans après la découverte de l'erreur, du fait d'un report du point de départ, ou de la suspension ou de l'interruption de la prescription.
Or cette erreur peut n'être « connue » ou « découverte » que fort longtemps après l'expertise. Aussi l'action en responsabilité contre l'expert peut-elle être valablement engagée de longues années après cette expertise.
L'expert qui exerce ses activités en dehors du cadre des ventes publiques est ainsi défavorisé.
Du point de vue de la protection du consommateur, qu'il soit acheteur ou vendeur, le délai de cinq ans, exceptionnel par rapport au droit commun de la garantie décennale des entreprises, est particulièrement pénalisant, dans la mesure où les transactions sur le marché de l'art interviennent le plus souvent après le délai actuel de cinq ans suivant l'achat, à l'occasion de décès, de divorces ou de remboursements de dettes, par exemple.
Ainsi, en pratique, les particuliers ne se trouvent que rarement en mesure de faire jouer la responsabilité de l'expert. Il en résulte une véritable lacune dans la défense des droits des consommateurs, alors même que le renforcement des garanties accordées aux investisseurs doit être un moyen privilégié de dynamiser le marché de l'art dans notre pays.
Cet amendement propose ainsi de régler trois problèmes.
Du point de vue du droit de la concurrence, il unifie le régime de responsabilité des experts. L'existence de deux régimes distincts suivant que l'activité est exercée ou non dans le cadre des ventes volontaires n'apparaît en effet justifiée par aucun motif d'intérêt général.
Du point de vue de la sécurité juridique des experts, il propose un point de départ fixe à la prescription.
Du point de vue des acheteurs et des vendeurs, il retient un délai de prescription équilibré qui, sans pour autant peser lourdement sur l'activité des experts, est suffisamment long pour être effectivement utile aux personnes recourant aux services d'un expert.
Cet amendement protège les droits des consommateurs, dont j'ai dit tout à l'heure qu'ils étaient un peu les oubliés de cette transposition de la directive. Sur cet aspect très technique des choses, nous rétablirions une égalité de traitement entre deux actes qui, selon qu'ils sont accomplis dans un cadre ou dans un autre, ne répondent pas aux mêmes conditions de délai de prescription. Il y a là une disproportion, une discrimination, qui ne peut pas être acceptée. Tel est le sens de cet amendement.
Cet amendement a été repoussé par la commission, bien que, je tiens à le dire à M. Clément, nous nous soyons longuement interrogés. Car c'est une vraie question de fond qui est soulevée par cet amendement.
Deux raisons nous ont finalement conduits à le repousser.
D'une part, il ne concerne que les experts, alors qu'il aurait dû s'appliquer à l'ensemble de ceux qui interviennent dans l'opération de vente. On ne voit pas pourquoi seuls les experts sont visés.
D'autre part, une loi récente, celle du 17 juin 2008, refond totalement le droit de la prescription en matière civile. La remettre en cause alors qu'elle commence à s'appliquer nous a paru poser un problème de cohérence. Cela ne nous a pas semblé souhaitable, compte tenu du caractère récent de cette réforme adoptée par le Parlement.
Je suis défavorable à cet amendement, pour une raison essentielle, qui a d'ailleurs été évoquée par le rapporteur : il remet en cause l'équilibre de la récente réforme de la prescription en matière civile. La loi du 17 juin 2008 avait précisément pour principal objectif de clarifier et d'harmoniser toutes les règles en la matière. Il n'est pas bienvenu de modifier cette loi peu après son adoption, alors qu'elle commence à être appliquée.
C'est la raison pour laquelle je pense, monsieur Clément, qu'il serait bon de retirer cet amendement. Sinon, je serais défavorable à son adoption.
La loi que nous avons votée a eu pour intérêt de balayer, à un instant t, le droit positif en matière de prescription, et ce dans tous les domaines du droit dans lesquelles les prescriptions s'appliquaient. Nous savons bien qu'elles étaient très nombreuses, et que nous n'arrivions pas forcément à les repérer. En tout cas, il était difficile pour l'usager du droit de s'y retrouver parfaitement.
Dans la logique de l'argument qui m'est opposé, nous ne pourrions jamais actualiser les dispositifs de protection des consommateurs, des vendeurs ou des experts, au motif que la loi que nous avons votée nous interdirait de changer quoi que ce soit.
Soyons clairs : l'esprit de la loi sur la prescription n'est pas remis en cause. Il s'agit d'examiner le cas de deux opérateurs qui accomplissent des actes identiques dans deux situations différentes. Il me semblerait de bonne gestion juridique de faire en sorte que le délai de prescription qui leur est applicable soit le même. La loi que nous avons votée doit-elle aboutir à figer la situation ? Je ne pense pas que ce soit dans cet esprit que nous avons légiféré.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
(L'article 18 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 22 .
La parole est à M. Alain Suguenot.
Le Conseil des ventes a aujourd'hui la plupart des caractéristiques d'une AAI, une autorité administrative indépendante. Au sein de la catégorie des AAI, il s'apparente même à une autorité publique indépendante, une API, qui jouit de la personnalité morale et est financée sur ressources propres, en l'occurrence les contributions des sociétés et des experts agréés.
Le Conseil des ventes joue le rôle de régulateur de son secteur d'activité, comme nombre d'autres AAI, comme l'AMF, le CSA ou encore le Haut conseil du commissariat aux comptes.
Il convient donc que le législateur prenne ses responsabilités en conférant explicitement au Conseil des ventes le statut d'autorité publique indépendante, conformément à la terminologie maintenant consacrée.
Défavorable. Je suis d'ailleurs surpris que notre collègue Vanneste soit signataire de cet amendement, car cela ne manque pas d'être paradoxal. Dans un récent rapport qu'il a commis au titre du comité d'évaluation et de contrôle, il préconisait en effet la diminution du nombre des autorités indépendantes. Et voici un amendement qui, au contraire de ses conclusions, nous suggère d'élever le Conseil des ventes en autorité administrative. Je n'y comprends plus rien. Il faudrait que M. Vanneste s'explique.
Par ailleurs, nous avons souhaité conférer au Conseil des ventes le statut d'établissement d'utilité publique, qui paraît plus adapté à ses missions, lesquelles sont cantonnées à un secteur d'activité.
Je partage l'étonnement du rapporteur, après le long débat que nous avons eu ici sur le Défenseur des droits. Peut-être serait-il bon, monsieur Suguenot, de retirer cet amendement, d'autant plus que créer une nouvelle autorité administrative indépendante peut avoir un impact sur les charges publiques. La question de la recevabilité de cet amendement au regard de l'article 40 aurait peut-être pu être posée. Quoi qu'il en soit, à défaut du retrait de l'amendement, je ne pourrais qu'émettre un avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 21 .
La parole est à M. Alain Suguenot.
Défendu.
(L'amendement n° 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 26 .
La parole est à M. Alain Suguenot.
Défendu.
(L'amendement n° 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 19 est adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 27 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet excellent amendement a pour objet de limiter à cinq ans, ainsi qu'à rendre non renouvelable, le mandat des membres du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
La durée du mandat des membres de cette institution doit en effet être équilibrée. Un mandat de cinq années est de nature à permettre aux membres du Conseil de donner une continuité à son action. Son caractère non renouvelable renforce l'impartialité et l'indépendance de cette autorité de régulation, en évitant tout risque d'immobilisme.
La commission a repoussé cet amendement, c'est une petite divergence que nous avons avec le Gouvernement. Le droit actuel, c'est un mandat de quatre ans, renouvelable une fois. Nous avons souhaité maintenir cette disposition plutôt que d'instaurer un mandat de cinq ans non renouvelable, et ce pour une raison simple, à laquelle je pense que l'Assemblée adhérera. Si nous adoptons cet amendement, nous décapitons le rôle des personnes désignées au Conseil, pour finalement confier l'autorité à un administratif, le secrétaire général du Conseil. Seul celui-ci aura la mémoire de l'institution, et il dirigera de fait le Conseil, ce qui n'est absolument pas le souhait des membres de cette assemblée.
Par ailleurs, l'exécutif a tout loisir, puisque les désignations sont entre ses mains, de renouveler ou non le mandat de tel ou tel membre.
Par conséquent, le système actuel est plutôt une garantie. Et si l'exécutif ne veut pas renouveler un mandat, il en a la possibilité.
Il est donc préférable, monsieur le ministre, d'adopter le texte de la commission des lois.
Une fois n'est pas coutume : je soutiendrai l'amendement du Gouvernement. Je partage assez l'analyse de M. le ministre. Dans le secteur du marché de l'art, les enjeux sont très particuliers. Nous savons aussi que tout n'est pas forcément très clair sur ce marché. Certaines dispositions sont réservées à des initiés. Sans vouloir remettre en cause l'intégrité des membres du Conseil des ventes, je pense qu'il est nécessaire que cette structure soit composée de membres dont le mandat est limité dans le temps et n'est pas renouvelable. C'est un gage supplémentaire d'indépendance, ainsi que de sécurité dans l'application de la présente loi.
Loin de conférer aux administratifs le rôle qu'ils n'ont pas, il s'agit simplement de veiller à ce que le Conseil des ventes exerce pleinement ses pouvoirs, et je ne doute pas qu'il continuera de le faire comme il le fait aujourd'hui. Cet amendement présente un gage de sécurité pour les consommateurs, en même temps qu'il moralise encore un peu plus l'intervention du Conseil.
Je précise que nous examinerons dans quelques instants un amendement n° 25 , qui, en l'état, ne recevra pas un avis favorable de la commission mais qui pourrait, s'il était rectifié, être adopté. Cet amendement permet justement de garantir l'indépendance du président du Conseil ainsi que de ses membres.
Nous pourrions ainsi retenir cette solution transactionnelle, en adoptant tout à l'heure l'amendement n° 25 – à condition, je le repète, qu'il soit rectifié. Ainsi, tout le monde pourrait être satisfait.
Si un accord est trouvé tout à l'heure, je veux bien retirer l'amendement.
(L'amendement n°19 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 17 .
La parole est à M. le garde des sceaux.
Cet amendement a pour objet de satisfaire aux exigences posées par la directive « services », plus particulièrement par son article 14, qui interdit toute intervention d'opérateurs concurrents dans la prise de décision individuelle par les autorités compétentes, y compris lorsque les concurrents font partie d'un organe simplement consulté au sujet de demandes d'autorisations individuelles.
S'il est évident qu'un concurrent ne peut pas siéger dans une formation disciplinaire, la participation de membres en activité, et donc concurrents, soulève plusieurs difficultés. En premier lieu, le Conseil est compétent pour statuer sur les demandes de reconnaissance des qualifications professionnelles déposées par les prestataires communautaires souhaitant exercer en France. En second lieu, le financement du Conseil est assuré par les cotisations professionnelles acquittées par les opérateurs de ventes volontaires et assises sur le montant des honoraires bruts perçus l'année précédente. Enfin, le Conseil se fait communiquer les renseignements relatifs au respect des obligations des opérateurs en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Or la Cour de justice, dans une affaire Commission contre Italie, a jugé en 2002 que la présence de concurrents au sein d'une institution pouvait leur permettre d'obtenir des informations pertinentes en termes de concurrence. Dans ces conditions, la présence de membres en activité au sein du Conseil des ventes volontaires est susceptible de constituer une infraction au regard de la directive « services ». C'est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.
C'est notre dernier point de nuance avec le Gouvernement, puisque cet amendement a été repoussé par la commission. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, sur un point qui n'est pas substantiel, mais de bon sens.
S'agissant d'un organisme professionnel composé de onze membres, dans lequel on compte seulement trois professionnels, il n'est pas complètement délirant de prévoir qu'il y ait quelqu'un en activité parmi ces trois professionnels. Les désignations des trois professionnels sont totalement entre les mains de l'exécutif, qui a donc le choix de désigner soit quelqu'un en activité, soit quelqu'un qui n'est plus en activité. Par conséquent, en tout état de cause, l'exécutif peut ne pas tenir compte de cette possibilité qui lui est offerte.
Il nous a semblé de bon sens de considérer que, pour un organisme qui allait s'occuper d'une profession, il n'était pas plus mal de compter dans ses rangs un professionnel. L'exécutif décidera ensuite s'il veut user de cette possibilité, puisque c'est lui qui désigne les trois membres.
S'agissant de la directive « services », nous avons entendu l'argument. Mais cette directive n'interdit en aucun cas que ce conseil soit doté d'un membre encore en activité. Ce qui est prohibé, c'est qu'une personne en activité siège pour tout ce qui concerne les décisions personnelles, puisque la directive interdit qu'un concurrent prenne une décision concernant un autre concurrent. C'est le cas en matière disciplinaire et, bien entendu, nous avons prévu dans le texte adopté par la commission que dans cette hypothèse, si c'est un professionnel en activité, il ne puisse pas siéger pour prendre des décisions personnelles.
Par conséquent, le texte de la commission des lois offre une possibilité à l'exécutif, une possibilité de bon sens, qu'il utilisera ou non, et par ailleurs nous avons prévu que, s'il utilise cette possibilité, il ne puisse évidemment pas siéger dans les formations qui auront à traiter de cas individuels. Voilà pourquoi la commission a rejeté l'amendement restrictif du Gouvernement.
(L'amendement n° 17 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 25 .
La parole est à M. Alain Suguenot.
Cet amendement est défendu, mais je souhaite entendre la proposition de modification du rapporteur.
Je propose d'adopter cet amendement, à condition de le rédiger comme suit :
Après l'alinéa 9, insérer l'alinéa suivant : « Il ne peut être mis fin aux fonctions des membres et du président avant l'expiration de leur mandat qu'en cas de démission ou d'empêchement, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. ».
Donc, nous ne supprimons pas l'alinéa 9, mais nous ajoutons un alinéa à sa suite et, par ailleurs, nous supprimons les phrases suivantes qui figurent dans le texte actuel de l'amendement.
Nous conservons donc la première phrase qui garantit cette indépendance et qui aboutit à un équilibre par rapport à la situation que nous décrivions tout à l'heure.
Si la modification rédactionnelle proposée par la commission est acceptée par les auteurs de l'amendement, le Gouvernement y est favorable.
Nous sommes tout à fait d'accord avec la modification proposée.
(L'amendement n° 25 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 18 .
La parole est à M. le garde des sceaux.
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
(L'amendement n° 18 , accepté par la commission, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Les alinéas que cet amendement propose de supprimer visent à ouvrir la possibilité à des personnes morales d'être inscrites sur la liste des courtiers de marchandises assermentés d'une cour d'appel.
Or la qualité de courtier de marchandises assermentée est attribuée intuitu personae. Il s'agit là d'une garantie qui serait mise à mal si d'aventure une personne morale pouvait en disposer. C'est pourquoi nous souhaitons supprimer les alinéas nos 19 à 24 de l'article 45.
Avis défavorable. L'inscription d'une personne morale est assortie de nombreuses garanties, elle n'est possible qu'à la condition qu'elle compte, parmi ses dirigeants, associés ou salariés au moins une personne qui remplisse les conditions pour être courtier de marchandises.
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
À la fin de l'alinéa n° 31, nous proposons de supprimer les mots : « suivie de la ou des spécialités professionnelles sous lesquelles elles sont inscrites ». Faute d'une évaluation de cette disposition, on peut s'interroger sur les effets qu'elle serait susceptible d'avoir. Cet amendement vise donc à la supprimer.
La mention de la spécialisation participe d'un souci de transparence, par conséquent elle correspond à une légitime information du public. Supprimer toute référence serait plutôt un recul par rapport à l'exigence de bonne information des consommateurs, dont j'ai entendu M. Clément parler tout à l'heure à la tribune. Là encore, il est très paradoxal de déclarer que les consommateurs ne sont pas suffisamment informés, et de proposer un amendement en recul sur la transparence.
(L'amendement n° 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Là encore, nous souhaitons supprimer la référence à la spécialité des courtiers assermentés, qui aurait pour effet d'étouffer un peu plus cette profession. Le souhait est de dire que si le courtier se récuse, le tribunal peut désigner un autre courtier assermenté auprès d'une autre cour ou un autre courtier de marchandises assermenté exerçant dans son ressort. L'idée est de maintenir la qualité d'intervention du professionnel qu'est le courtier.
Avis défavorable, le texte adopté par la commission reprend en substance les dispositions actuellement applicables du décret du 29 avril 1964. Revenir sur cette disposition mettrait à mal le principe même de spécialisation, gage de qualité qui donne toute satisfaction.
(L'amendement n° 4 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 6 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Cet amendement vise à préciser que, lorsqu'ils délivrent des certificats de cours de marchandises ou lorsqu'ils établissent des attestations de prix, les courtiers de marchandises assermentés agissent en qualité d'officier public. Il s'agit là en effet d'une garantie qu'il serait regrettable de supprimer, et qui constitue un gage de sécurité pour les transactions visées.
(L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 45 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 14 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Cet amendement vise à protéger les acquéreurs et les vendeurs ayant recours à un mandat de vente, en garantissant qu'ils aient connaissance des dispositions relatives à la répression des fraudes en matières d'oeuvres d'art, notamment du décret dit Marcus.
Il s'agit ainsi d'éviter que des acquéreurs ou vendeurs occasionnels, par exemple des personnes ayant hérité qui se trouvent en possession de biens dont elles n'imaginaient peut-être parfois même pas l'existence, ne se méprennent sur la valeur des biens qu'ils entendent acquérir ou céder. Dans les deux cas de figure, il s'agit de protéger l'acquéreur et le vendeur, qui sont tous les deux des particuliers consommateurs.
Les erreurs en la matière sont en effet encore trop fréquentes, s'agissant d'un domaine, le marché de l'art, où l'accès à l'information est particulièrement difficile pour le profane.
Cet amendement prévoit que dans un délai d'un an, l'acquéreur ou le mandant auquel n'auraient pas été présentées ces dispositions puissent demander la nullité.
Il s'agit d'un amendement de protection du consommateur, et cette fois entendu tant du côté du vendeur que de l'acheteur.
Avis défavorable. Je suis très étonné d'un tel amendement, dont l'objet est ni plus ni moins de notifier aux acquéreurs l'ensemble des textes législatifs et réglementaires applicables en matière de fraude. C'est d'abord pratiquement impossible, et c'est en outre rédhibitoire. Si vous voulez empêcher la profession d'exercer, la noyer totalement, c'est exactement cela qu'il faut faire. Je pense vraiment qu'il faudrait retirer cet amendement.
(L'amendement n° 14 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 15 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
La position du Gouvernement sur l'amendement précédent ne m'a pas surpris.
L'amendement de repli n° 15 prévoit l'obligation pour les professionnels concernés d'afficher, à tout le moins, ces dispositions, de telle sorte que les acquéreurs soient informés des dispositions du décret Marcus.
De cette façon, les acquéreurs ou vendeurs occasionnels pourront aller chercher les informations qui leur manqueraient, dès lors qu'ils auront été légalement informés de l'existence de ces dispositions.
Nous le savons, les erreurs en la matière sont encore trop fréquentes. Certaines personnes sont spoliées par des professionnels du marché de l'art, car l'accès à l'information est particulièrement difficile.
Notre souci est de protéger le consommateur, qui pourra recueillir une information contradictoire auprès d'un autre professionnel, dès lors qu'il aura connaissance de ces informations.
(L'amendement n° 15 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 9 rectifié .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
L'amendement vise à donner force de loi aux dispositions du décret du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions.
Il s'agit essentiellement de protéger les consommateurs face aux professionnels avertis, en obligeant ces derniers à délivrer un certain nombre d'informations indispensables à la loyauté des ventes aux enchères.
M. Clément propose de mettre dans la loi les dispositions d'un décret. Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse de la bonne marche à suivre.
Je vous propose de retirer l'amendement, sinon j'y suis défavorable.
Même avis.
(L'amendement n° 9 rectifié n'est pas adopté.)
Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Proposition de loi relative au contrôle des armes à feu.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma