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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 25 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre procédure pénale est malade et, en faisant de la politique du chiffre quasiment une religion, le Président de la République, précédemment ministre de l'intérieur, a considérablement aggravé la maladie. C'est si vrai que, depuis que les gardes à vue ne sont plus l'indice de la qualité et de la quantité du travail policier, leur nombre aurait déjà baissé de 100 000, selon les dernières informations en notre possession.

Face à cette situation, nous légiférons dans l'urgence, mais nous légiférons tardivement. Pourtant, une proposition de loi du groupe SRC, due à notre collègue André Vallini, avait été inscrite à l'ordre du jour : elle visait à permettre que l'avocat puisse assister son client durant la garde à vue.

Nous légiférons tardivement, après trois condamnations, formulées d'abord par le Conseil constitutionnel, ensuite par la Cour de cassation et enfin, à plusieurs reprises, par la Cour européenne des droits de l'homme.

Nous légiférons dans l'urgence, sans perspective : la question du statut du parquet, qui se pose à l'évidence lorsque nous examinons la question de la garde à vue, n'est absolument pas abordée.

Nous légiférons principalement sur le papier, sans entreprendre de réflexion sur l'organisation de la police et de la justice, sur la question des gardes à vue durant la nuit, sur la question des gardes à vue d'attente – décidées parce que l'officier de police de permanence au quart n'a pas les moyens de traiter les dossiers qui rentrent et que le substitut du procureur de permanence travaille aussi la journée et doit nécessairement s'arrêter pour prendre quelques heures de sommeil. Nous n'avons pas davantage réfléchi à l'organisation des barreaux. Près de 22 000 des 55 000 avocats français sont parisiens : comment les 32 000 avocats provinciaux – métropolitains et hors métropole – pourront-ils répondre aux demandes d'assistance lors des gardes à vue ?

Il n'est pas prévu de moyens pour améliorer le travail de la police, pour que la police scientifique et technique, par exemple, puisse multiplier les investigations, alors que nous répétons tous à l'envi, et parfois même au-delà du raisonnable, qu'il faut substituer la culture de la preuve à celle de l'aveu.

La question de l'indemnisation des avocats de permanence n'est pas totalement résolue et celle du budget de l'aide juridictionnelle n'a pas été abordée.

Enfin, nous légiférons dans la frilosité, puisque le juge des libertés et de la détention ne se voit pas accorder toute la place qui devrait être la sienne : ce n'est pas à lui qu'est confiée la détermination du périmètre d'intervention de l'avocat, mais au procureur. Il est incontestable – même si Sébastien Huyghe en parle avec beaucoup plus d'optimisme que moi – que cette fragilité nous fait risquer une nouvelle censure.

Pour toutes ces raisons, et en dépit des avancées que marque ce texte en ce qui concerne la présence de l'avocat et les fouilles, le groupe SRC s'abstiendra, espérant que la discussion au Sénat et son examen en deuxième lecture par notre assemblée permettront de l'améliorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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