Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la France a longtemps régné sur le marché de l'art : Paris en fut la capitale jusqu'au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
Aujourd'hui, la France occupe le quatrième rang mondial, après les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine. Deux sociétés de ventes d'origine anglaise, bien connues, se placent aujourd'hui en tête pour ce qui est du montant des ventes volontaires, tous objets confondus. Le Conseil économique, social et environnemental a souligné que la place de Paris ne représentait plus que 6,5 % du marché de l'art mondial, situation déjà qualifiée d'« alarmante » il y a plus de deux ans.
La place de Paris connaît donc un déclin incontestable, qui entraîne des conséquences sur son économie, sur le monde de l'art et sur le rayonnement de la France. Nous n'avons pas à nous y résigner.
C'est dans ce contexte économique, et pour honorer nos engagements communautaires, que nous débattons de la proposition de loi déposée par les sénateurs Philippe Marini et Yann Gaillard.
Ce texte, largement amendé par le Sénat, a été considérablement enrichi par votre commission des lois lors de sa réunion du 8 décembre dernier. Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du travail de la commission et à remercier son rapporteur, M. Houillon, et son président, M. Warsmann.
En effet, le texte issu de votre commission met à profit la nécessité de mettre notre réglementation en conformité avec la directive « services » pour rénover le secteur des ventes volontaires. Il libéralise l'activité de ventes volontaires de meubles – c'est-à-dire de biens transportables, mais aussi d'animaux – qu'ils soient vendus en gros ou au détail, neufs ou d'occasion. Il en unifie également les conditions d'accès et d'exercice.
L'agrément préalable du Conseil des ventes volontaires, qu'il fallait obtenir pour se livrer à cette activité, est remplacé par une simple déclaration. Cet allégement du formalisme favorisera le développement de ce secteur.
Par ailleurs, les opérateurs de ventes volontaires se voient reconnaître à certaines conditions la possibilité d'effectuer, à côté des ventes aux enchères publiques, des ventes de gré à gré, ce qui contribue à l'attractivité de la profession.
Autre mesure de simplification : la suppression du dispositif d'agrément facultatif des experts, qui ne paraît plus adapté au marché actuel.
S'il prévoit ainsi des assouplissements, le texte voté par votre commission assure également une plus grande sécurité aux consommateurs. Le mandat de vente devra être établi par écrit afin de renforcer les garanties offertes aux clients des maisons de vente. L'interdiction de revente à perte est étendue au cadre des enchères publiques. L'achat pour revente reste interdit, les opérateurs ne pouvant acheter pour leur propre compte des biens meubles aux enchères. Toutefois, votre commission a, à juste titre, prévu une dérogation dans certains cas très limités, ainsi pour mettre un terme à un litige entre l'acquéreur et le vendeur.
Je me réjouis, monsieur le rapporteur, que vous ayez enrichi la proposition de loi afin de moraliser le marché des ventes volontaires. Vous avez ainsi introduit plusieurs avancées notables qui permettent de remédier aux insuffisances et à certains dysfonctionnements du système actuel.
Jusqu'à présent, les professionnels de la vente volontaire ne disposaient d'aucun code de déontologie. À l'heure où nous libéralisons le secteur, l'élaboration d'un tel code devenait indispensable. Le Conseil des ventes volontaires est chargé, en lien avec les professionnels, de préparer ce code, qui devra être soumis à mon approbation. Je ne peux que me féliciter que le Conseil ait commencé d'y travailler avant même le vote définitif de cette loi.
Vous avez ensuite prévu la dématérialisation du registre de police des objets détenus en vue de la vente ; elle assurera la traçabilité des biens, réduisant ainsi les risques de fraude.
Enfin, vous avez mieux encadré le recours à des prestataires extérieurs par l'opérateur de ventes volontaires. Celui-ci devra désormais prendre toutes les dispositions propres à assurer à ses clients la sécurité juridique et matérielle des ventes qu'ils organisent.
Votre texte accroîtra également la confiance des opérateurs et des clients en clarifiant le rôle du Conseil des ventes volontaires. Reconnu comme établissement d'utilité publique, doté de la personnalité morale, le Conseil est conforté dans son rôle de régulateur et d'autorité de discipline.
En deuxième lieu, le texte parvient à maintenir les équilibres essentiels entre les différents acteurs de ce secteur.
Je ne peux que me satisfaire du maintien par le Sénat de la profession de commissaire-priseur judiciaire, dont la suppression était prévue dans le texte initial. En leur qualité d'officiers publics et ministériels, les commissaires-priseurs judiciaires participent au maillage du territoire et sont indispensables à la bonne administration de la justice. Ils offrent en effet aux justiciables un niveau élevé de compétence et de sécurité en matière de ventes judiciaires et présentent d'importantes garanties déontologiques et financières.
La proposition de loi conforte par ailleurs les opérateurs de ventes volontaires dans leur rôle d'animation du marché. Conformément à la directive « services », la forme juridique de l'exercice de l'activité sera librement choisie par l'opérateur, de même que l'implantation du siège de la société sur le territoire de l'Union européenne.
Quant aux courtiers de marchandises assermentés, le texte rénove leur statut tout en préservant leur spécificité : ils demeurent notamment compétents pour délivrer des certificats de cours de marchandises et procéder à des ventes judiciaires en gros.
Je remercie la commission d'avoir maintenu la possibilité pour les notaires et les huissiers de justice de réaliser des ventes volontaires à titre accessoire sans qu'il soit nécessaire d'encadrer plus strictement cette notion d'« accessoire ». Il appartient aux parquets généraux et aux chambres professionnelles, à l'occasion des contrôles annuels des offices d'huissiers de justice ou de notaires, de vérifier le volume de l'activité de ces professionnels en matière de ventes volontaires et de prendre les mesures appropriées pour sanctionner d'éventuelles dérives.
Enfin, dans ce nouveau cadre juridique, d'autres professions telles que les antiquaires et galeristes ont pu exprimer des inquiétudes. La proposition de loi leur permettra de participer financièrement aux activités des maisons de ventes et de recourir désormais aux ventes aux enchères publiques dans le cadre de leur activité professionnelle.
Mesdames et messieurs les députés, grâce aux apports respectifs des deux assemblées, nous voici parvenus à un point d'équilibre. Votre texte modernise et assouplit les cadres de l'activité de ventes volontaires tout en préservant les garanties de sécurité juridique et la régulation du secteur. Ce texte permettra donc de dynamiser le marché français et de mieux faire face à la concurrence internationale.
Je vous proposerai néanmoins quelques amendements pour modifier à la marge l'organisation du Conseil des ventes volontaires et pour préciser les modalités d'enregistrement des sociétés de .ventes volontaires afin d'être pleinement en adéquation avec la directive « services ». J'espère – et je l'en remercie d'ores et déjà – que M. le rapporteur accueillera favorablement ces toutes petites modifications. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)