Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en lançant, à la fin de 2008, une large concertation sur une réforme globale de notre procédure pénale, le Président de la République avait indiqué qu'il souhaitait que nous passions d'un système qui privilégie l'aveu à un système privilégiant la preuve.
Cependant, le calendrier de la partie de la réforme de la procédure pénale qui concerne la garde à vue s'est trouvé précipité par la décision du Conseil Constitutionnel du 30 juillet 2010, qui nous laisse jusqu'au 1er juillet 2011 pour modifier notre législation. Cette décision s'inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation et de celle de la Cour européenne des droits de l'homme.
La réforme que nous allons voter devait trouver, à plus d'un titre, un étroit chemin entre divers intérêts souvent perçus comme contradictoires. Elle devait tout d'abord donner les moyens de mener l'enquête sans entraves afin de permettre la manifestation de la vérité. Elle devait ensuite admettre que le « mis en cause » puisse exercer ses droits légitimes à la défense. Elle devait enfin accorder à la victime les moyens d'être respectée et protégée, et veiller à ce que, dans les faits, celle-ci n'ait pas le sentiment que les rôles sont inversés, c'est-à-dire que la victime ne soit pas mise en accusation et que l'auteur n'apparaisse pas comme une victime du système qu'il faudrait protéger à tout prix.
Par ailleurs, notre marge de manoeuvre était très étroite entre deux risques politiques majeurs. Le premier était de mettre en oeuvre des règles de procédure de garde à vue si contraignantes qu'elles auraient pu être une véritable entrave à l'enquête et nuire à l'efficacité de la police et, par conséquent, de la justice. Mes chers collègues, nous ne pouvions pas prendre le risque de donner un coup de frein à la lutte contre la délinquance. Cela aurait été un mauvais signal pour les Français qui nous disent tous les jours leur besoin de sécurité. Cela aurait été un mauvais signal pour les délinquants, qui auraient pu croire que tout était permis en toute impunité. Cela aurait été un mauvais signal pour les forces de l'ordre qui, voyant leur efficacité mise à mal pour des questions procédurales, auraient nourri non seulement un sentiment de lassitude, mais, pis, auraient vécu une véritable démotivation dans leur lutte quotidienne contre la délinquance. Je veux ici rendre hommage au travail difficile réalisé au quotidien par nos policiers et nos gendarmes sur l'ensemble du territoire.
Nous devions également éviter un second écueil : une réforme de la garde à vue pour rien. Nous ne pouvions pas nous permettre de mettre en place un dispositif qui aurait pu encourir, dans les mois qui viennent, de nouvelles sanctions, soit de la Cour européenne des droits de l'homme, soit du Conseil constitutionnel, soit encore de nos plus hautes juridictions.
C'est parce que le texte issu de nos débats est équilibré, qu'il préserve les droits de la défense et permet à l'enquête de se dérouler dans de bonnes conditions, qu'il tend à faire passer la procédure pénale d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve, qu'il entend démontrer que l'avocat n'est pas l'ennemi de l'enquête et que le policier n'est pas l'ennemi de l'avocat, et c'est également parce que le Gouvernement a parfaitement respecté le Parlement, et l'a laissé pleinement jouer son rôle, notamment en prenant acte du refus, par notre Assemblée, du dispositif de l'audition libre, ainsi qu'en acceptant la mise en place d'un délai de carence avant le début des auditions, que le groupe UMP votera le projet de loi portant réforme de la garde à vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)