Monsieur le garde des sceaux, le projet de loi que vous soumettez aujourd'hui à notre approbation intervient dans un contexte particulier. Notre pays est, en effet, dans une situation d'exception au regard des standards constitutionnels et européens. Ainsi, la garde à vue à la française a été déclarée contraire à la Constitution et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. C'est donc dans l'urgence, contraint et forcé, que vous vous êtes résolu à remédier à l'illégalité qui frappe aujourd'hui toutes les gardes à vue à la française.
Au lieu de saisir cette occasion pour introduire des avancées décisives et pérennes, vous avez opté pour une réforme minimaliste. Certes, des avancées indubitables, mais surtout inéluctables, ont été actées, s'agissant de la présence de l'avocat. Désormais, celui-ci sera présent tout au long de la garde à vue, il pourra assister aux auditions, confrontations et poser des questions à la fin des entretiens. Le texte prévoit toutefois de nombreuses exceptions. Ainsi l'arrivée de l'avocat pourra-t-elle être différée : de douze heures, en droit commun, si le procureur estime qu'il existe des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ; de vingt-quatre heures pour les délits punis d'une peine de cinq ans au moins ; et de soixante-douze heures pour des affaires de terrorisme. En définitive, cette réforme ne permet pas à l'avocat d'intervenir de manière contradictoire tout au long de la procédure.
Il a été décidé, en séance publique, que le contrôle de la garde à vue resterait entre les mains du procureur dont l'indépendance est pourtant régulièrement remise en cause du fait de sa soumission hiérarchique à l'exécutif. Il s'agit là, pour nous, d'un retour en arrière peu acceptable. D'autres modifications ont été adoptées, telle l'obligation de notifier le droit au silence dont chaque personne gardée à vue peut se prévaloir face à un policier ou à un gendarme. Autant de dispositions minimales qui montrent à quel point notre régime de garde à vue est actuellement scandaleux.
Enfin, en déposant un amendement qui tend à créer une garde à vue sans droits, originellement nommée « audition libre », le Gouvernement a prouvé qu'il rencontrait beaucoup de difficultés à résister à sa tentation initiale…