Si ces réformes – loi constitutionnelle, loi organique, règlement de l'Assemblée nationale – avaient été réellement efficaces et avaient effectivement revalorisé le rôle du Parlement et de l'opposition, le président de l'Assemblée nationale aurait-il besoin de réunir périodiquement, à peu près tous les mois, un groupe de travail paritaire, qui est en train de se pencher sur la façon d'améliorer le nouveau règlement et de faire en sorte que ses objectifs soient atteints ? C'est bien la preuve qu'ils ne le sont pas : M. Geoffroy pourrait en témoigner, car nous participons l'un et l'autre à deux groupes de travail.
Il reste beaucoup de chemin à parcourir, notamment sur le droit de tirage pour les commissions d'enquête, le temps législatif programmé ou encore l'organisation des travaux de contrôle de l'Assemblée et le suivi des préconisations que nous formulons. Dans tous ces domaines, nous avons des propositions, ce qui prouve que la situation existante n'est pas satisfaisante. Je déplore que les préconisations de modifications et de réformes adoptées à l'unanimité ne soient suivies d'aucun effet lorsque nous les transformons en amendements ou en propositions de loi.
J'en viens à la présente proposition, sur laquelle nous nous penchons pour la troisième fois. Son cheminement est assez paradoxal. Il est assez rare de voir des parlementaires qui, d'étape en étape, lecture après lecture, renoncent progressivement, d'eux-mêmes, à se donner des pouvoirs qui sont à leur portée. L'occasion leur est donnée de se doter de pouvoirs supplémentaires, et pourtant ils y renoncent pour des motifs assez difficiles à justifier. Force est de constater que, dans cette discussion, nous sommes allés de recul en recul.
Aux termes de la proposition de loi originelle du président Accoyer, les prérogatives des commissions d'enquête devaient être attribuées à toutes les instances créées au sein du Parlement pour contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques, y compris aux missions d'information et autres délégations. Dès l'examen en commission des lois, nous nous sommes censurés. Nous avons resserré le dispositif sur les instances dites permanentes – c'est le cas du comité d'évaluation et de contrôle – dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente. C'était encore trop pour le Sénat. Nous avons vu comment – le rapporteur et plusieurs intervenants l'ont rappelé à cette tribune – la partie de ping-pong s'est nouée avec le Sénat, chaque assemblée rétablissant son texte à chaque lecture, de commission en commission, de séance plénière en séance plénière.
Finalement, le Sénat a amené le groupe majoritaire à se coucher et à accepter d'aligner a minima les prérogatives du comité d'évaluation et de contrôle sur celles des commissions permanentes.
J'ajoute que les amendements du groupe SRC présentés en première lecture ont tous été rejetés, notamment celui qui visait à favoriser le recours à la Cour des comptes pour évaluer les études d'impact, alors même que le Premier président de la Cour des comptes avait donné son accord. Malheureusement, l'UMP a rejeté cet amendement alors que les études d'impact figuraient en bonne place dans l'exposé des motifs de la version initiale de la proposition de loi. Il s'agissait en effet de permettre aux instances de contrôle et d'évaluation d'examiner valablement les études d'impact et d'obtenir rapidement les analyses en cours et les informations – car les délais d'examen sont très courts : une dizaine de jours –, a fortiori dans le cas où l'on cherche à mesurer l'impact d'un amendement, ce qui est désormais possible. Dans ces délais très brefs, le concours de la Cour des comptes aurait été fort utile, mais cela nous a été refusé.
Le comité d'évaluation et de contrôle est effectivement un outil novateur. Il a cependant ses limites et ses insuffisances.
Le côté novateur est évident car on s'intéresse au caractère transversal des sujets examinés, on sort du champ vertical d'une commission permanente, ce qui est une excellente chose. Les travaux sont co-rapportés, ce qui n'est pas dans nos traditions mais aboutit à un produit fini intéressant. Les préconisations sont plutôt consensuelles. Je regrette d'autant plus qu'elles ne soient pas suivies d'effet lorsqu'on les discute dans l'hémicycle. Cela étant, les travaux sur le principe de précaution, le rapport sur les autorités administratives indépendantes – mises à part les difficultés soulignées tout à l'heure – ou encore le rapport Pupponi-Goulard sur les quartiers défavorisés sont des documents extrêmement utiles et porteurs pour l'avenir.
Il n'en demeure pas moins que, sur deux points au moins, des progrès restent à accomplir : l'effectivité du droit de tirage – on a progressé, mais on sent bien que la majorité est toujours un peu réticente à accorder certains sujets à l'opposition – et la suite donnée aux préconisations. Nous avons beaucoup de chemin à faire. Je citerai l'exemple du rapport d'information de Catherine Lemorton sur le médicament, publié dans le cadre de la MECSS en 2008. Les propositions de réforme que le Gouvernement avance aujourd'hui en ce domaine figuraient toutes dans ce rapport. Elles ont toutes fait l'objet d'amendements présentés en séance publique et ont toutes été rejetées. Cela vaut pour les essais cliniques contre comparateurs avant l'autorisation de mise sur le marché, pour les règles sur les conflits d'intérêts ou pour la pharmacovigilance. Dix fois nos amendements ont été discutés, dix fois ils ont été rejetés alors que l'on sait aujourd'hui – et on le savait à l'époque, le rapport ayant été adopté à l'unanimité – que nous apportions les bonnes réponses à la situation du médicament en France.