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Intervention de Philippe Houillon

Réunion du 25 janvier 2011 à 15h00
Ventes de meubles aux enchères publiques — Discussion d'une proposition de loi adoptée par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon, rapporteur :

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, derrière un aspect technique, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui traite d'un enjeu important pour la France. En effet, les ventes aux enchères publiques ne sont pas qu'une technique de cession de biens ou d'objets mobiliers, elles représentent également tout un secteur d'activité, articulé autour de 385 sociétés de ventes volontaires employant directement quelque 2 000 personnes et réalisant un montant global d'adjudications de 2,2 milliards d'euros.

Cette activité dépasse aujourd'hui les transactions de biens ou d'objets prestigieux. De telles ventes, si elles concernent majoritairement les oeuvres d'art, portent aussi sur des chevaux de course, des véhicules d'occasion, des vins ou alcools renommés et toutes sortes de biens d'équipement ou de consommation courante.

Depuis 2002, le montant des ventes aux enchères publiques en France a augmenté de 29,5 %. Après un retournement de tendance de 8,2 % en 2008, le marché a retrouvé un niveau de chiffre d'affaires équivalent à ce qu'il était avant la crise.

Il convient toutefois de souligner que la bonne tenue de l'activité française en 2009 résulte pour beaucoup de la vente de la collection Bergé-Saint-Laurent, pour un montant d'adjudication de 298 millions d'euros. Si un tel événement n'avait pas eu lieu, le volume global des adjudications réalisées dans notre pays en 2009 aurait atteint seulement 1,94 milliard d'euros, accusant ainsi une diminution de 5,1 %.

Le fait est que le cadre juridique dans lequel s'exercent les ventes volontaires aux enchères publiques n'est pas adapté à un environnement de plus en plus concurrentiel et exigeant. La loi du 10 juillet 2000, adoptée à la suite d'une action contre la France intentée par Sotheby's devant la Commission européenne pour contester le monopole des commissaires-priseurs, ambitionnait de créer les conditions d'une transition maîtrisée vers davantage de concurrence entre opérateurs. Force est de constater, dix après, que ce texte n'a pas atteint ses objectifs.

L'éparpillement des opérateurs demeure important : on compte 385 sociétés de ventes en 2009 contre 340 en 2002. La taille de ces mêmes opérateurs demeure souvent modeste, avec un effectif moyen de sept salariés et, dans 80 % des cas, un statut de SARL ou d'EURL.

Par ailleurs, les acteurs français restent peu présents à l'international, alors que Christie's et Sotheby's sont devenues les sociétés de ventes volontaires qui réalisent les montants d'adjudication les plus élevés sur le territoire national.

Dans ce contexte, il est utile que le Sénat ait adopté en première lecture, le 28 octobre 2009, la proposition de loi dont nous sommes appelés à débattre aujourd'hui.

Ce texte poursuit deux buts. Le premier consiste à transposer au secteur des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques les dispositions de la directive relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive services ». À cette fin, la proposition de loi supprime l'agrément préalable du Conseil des ventes volontaires pour lui substituer un contrôle a posteriori et lève les actuelles restrictions portant sur la forme d'exercice de l'activité de ventes aux enchères.

Le second but du texte consiste à offrir aux opérateurs capables de rivaliser avec les grandes sociétés de vente internationales les moyens juridiques de les concurrencer réellement. À cet effet, la proposition de loi élargit notamment la possibilité de procéder aux ventes de gré à gré, autorise l'acquisition des biens par les opérateurs au prix minimum garanti par ceux-ci en l'absence d'enchères et assouplit le mécanisme de la vente après folle enchère.

Ces grandes orientations méritent indéniablement de se voir confortées.

Cependant, plus d'un an après le vote du Sénat, la commission des lois a souhaité en faire évoluer la teneur car d'importants événements sont intervenus dans l'intervalle : je veux notamment parler des graves dysfonctionnements mis au jour au sujet de l'hôtel des ventes de Drouot à la suite à l'ouverture, en 2009, d'une information judiciaire pour vol et recel de vol en bande organisée et association de malfaiteurs.

Dans un climat consensuel dont je ne peux que me féliciter, la commission des lois a apporté des modifications poursuivant quatre grands objectifs.

En premier lieu, la commission a cherché à renforcer l'efficacité et la cohérence du nouveau régime des ventes volontaires aux enchères publiques. À cet effet, le plafond de chiffre d'affaires introduit par le Sénat pour objectiver le caractère accessoire de l'activité de ventes aux enchères autorisée pour les notaires et les huissiers de justice a été supprimé. De même, il a été décidé que les nouvelles exigences de formation posées à l'égard de ces officiers publics ne devaient s'appliquer qu'aux nouveaux intervenants.

En contrepartie, il a toutefois été prévu que le Conseil des ventes volontaires puisse demander à la Chambre nationale des huissiers de justice et au Conseil supérieur du notariat la communication du chiffre d'affaires annuel réalisé par les notaires et huissiers de justice dans leur activité de vente aux enchères.

Sans remettre en cause l'assouplissement du régime des ventes de gré à gré, il a également été prévu que les vendeurs soient systématiquement informés par les opérateurs de l'alternative s'offrant à eux entre le recours à de telles transactions ou à des ventes volontaires aux enchères publiques.

La commission des lois a aussi laissé au vendeur et au commissaire-priseur la possibilité de fixer contractuellement le prix des objets vendus dans le cadre de ventes de gré à gré après la vente publique. Enfin, s'inspirant des facilités offertes aux opérateurs à l'étranger pour la résolution de litiges ponctuels à l'égard de certaines ventes, elle a autorisé l'achat pour revente à titre exceptionnel et transactionnel, sous réserve d'un accord écrit des vendeurs et acheteur.

En deuxième lieu, ainsi que je l'ai déjà indiqué, la commission a cherché à tirer les enseignements de l'affaire Drouot, en concrétisant certaines propositions du rapport demandé par votre prédécesseur, monsieur le ministre.

C'est ainsi, notamment, qu'il a été prescrit que les opérateurs communiquent au Conseil des ventes volontaires, à sa demande, toutes les précisions utiles à leur organisation ainsi qu'à leurs moyens. A également été posé le principe selon lequel ces mêmes opérateurs devront prendre toutes les dispositions nécessaires à la sécurité des ventes faisant intervenir, pour leur compte, des prestataires de services, ceux-ci ne pouvant ni acheter, ni vendre pour leur compte les biens proposés.

Corrélativement, la commission des lois a souhaité préciser l'articulation des régimes de l'action disciplinaire et de l'action pénale, en reportant le point de départ du délai de prescription de l'action disciplinaire à l'issue de l'action pénale avec, en contrepartie, une réduction de ce délai de trois à deux ans.

Enfin, dans un souci de meilleure traçabilité des objets mis en vente, la commission a décidé de rendre obligatoire, deux ans après la publication de la loi, la tenue sous forme électronique du livre de police désigné à l'article 321-7 du code pénal.

En troisième lieu, la commission s'est évertuée à adapter la composition et le fonctionnement du Conseil des ventes volontaires à son rôle de régulateur.

Pour ce faire, il a été conféré à cet organisme le statut d'établissement d'utilité publique, doté de la personnalité morale, ainsi que la mission d'élaborer un cadre déontologique pour l'activité des opérateurs de ventes aux enchères, sur le respect duquel le conseil pourra émettre des avis. S'agissant de la composition du Conseil des ventes, il a été convenu de rétablir le caractère renouvelable du mandat de ses membres, tout en raccourcissant sa durée à quatre ans, de manière à permettre une certaine continuité lors des renouvellements.

En outre, il a également été prévu que le Gouvernement puisse désigner au sein de cette institution des professionnels toujours en activité – nous en débattrons tout à l'heure, monsieur le ministre. Ce choix est apparu tout à fait compatible avec les exigences communautaires, sous réserve, naturellement, de l'exclusion de la participation de ces mêmes professionnels aux formations disciplinaires et aux décisions individuelles concernant d'éventuels opérateurs concurrents.

En dernier lieu, la commission des lois a procédé à certains ajustements dans le nouveau statut des courtiers de marchandises assermentés. S'il a été convenu de l'utilité de supprimer leur qualité d'officier public, il a en revanche été décidé de revenir sur des restrictions apparemment inutiles apportées par le Sénat à leur cadre d'exercice. Il est notamment apparu nécessaire de restaurer une certaine liberté de désignation des courtiers par le juge en dehors de leur spécialité.

Au titre des mesures transitoires, nous avons également considéré qu'il n'était pas justifié de restreindre à la seule direction des ventes aux enchères publiques en gros la présomption de qualification des courtiers de marchandises assermentés inscrits sur les listes de cour d'appel avant l'adoption de la loi.

Pour conclure, au regard de tous ces apports, j'ai la faiblesse de croire que le texte adopté par la commission des lois est équilibré et concilie tout à la fois les exigences de transposition de la directive « services » avec les besoins liés à la modernisation du secteur des ventes aux enchères publiques. Remettre en cause cet équilibre, même sous couvert de louables intentions, risquerait à mon sens de porter du tort à un pan de notre économie qu'il ne faut pas négliger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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