La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Alors que se déroule aujourd'hui la Journée Internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, je me dois de vous rappeler que, dans notre pays, 70 000 jeunes filles sont mariées de force ou menacées de l'être, qu'une plainte pour viol est déposée toutes les deux heures, soit 10 % des quelque 48 000 viols commis chaque année, et que, tous les deux jours et demi, une femme meurt sous les coups de son conjoint.
Les conséquences de ces violences sont considérables, tant sur les femmes qui en sont victimes que sur les enfants qui en sont témoins et sur la société toute entière.
Ces chiffres sont d'autant plus insupportables que, sur le terrain, travailleurs sociaux, associations, fonctionnaires et élus connaissent souvent les femmes en situation de danger, mais manquent des moyens et des outils juridiques nécessaires pour assurer efficacement leur protection.
Je n'insisterai pas sur les moyens, puisque vous avez rejeté le 10 novembre dernier nos propositions budgétaires pour faire de la lutte contre ces violences une véritable priorité.
Comme vous le savez, une mission d'évaluation de notre assemblée a travaillé pendant un an sur la violence de genre et a élaboré des propositions innovantes sur la protection des victimes, l'autorité parentale, les droits des étrangères, le logement, la formation des professionnels ou encore la violence sexiste dans les médias. Ce travail parlementaire aboutit aujourd'hui, ce qui n'est pas si fréquent, au dépôt d'une proposition de loi signée par un grand nombre d'entre nous, sur l'ensemble de nos bancs.
Monsieur le Premier ministre, vous avez l'occasion de démontrer votre respect du travail parlementaire. Nous vous demandons par conséquent d'inscrire très rapidement cette proposition de loi à l'ordre du jour de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Madame la députée, c'est aujourd'hui, en effet, la dixième édition de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Les chiffres que vous avez rappelés, et que je rappelais moi-même hier, sont éloquents. Ils démontrent que la lutte contre les violences faites aux femmes doit être quotidienne et universelle. Une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les deux jours et demi.
Nous avons déjà mis en place un arsenal législatif, comprenant en particulier la possibilité d'éviction du conjoint violent, et des moyens d'accueil des victimes, notamment la plateforme téléphonique du 3919, qui reçoit près de 80 000 appels par an. Nous allons renforcer le dispositif, notamment en étendant la possibilité d'éviction au concubin de la victime ou à son partenaire de PACS.
Vous l'avez rappelé, l'Assemblée nationale a fait un travail législatif remarquable à travers sa mission d'évaluation. La proposition de loi déposée par Guy Geoffroy, cosignée par des membres de tous les groupes, démontre à quel point la lutte contre les violences faites aux femmes est un combat de la République tout entière. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé d'en faire une grande cause nationale en 2010, ainsi qu'il l'a annoncé tout à l'heure devant les vingt-cinq associations représentatives.
Il convient de donner les moyens nécessaires à la formation, à la sensibilisation, mais également à l'accompagnement des femmes victimes de ces violences.
Comme le disait le Premier ministre, ces violences, parce qu'elles sont cachées, paraissent relever de la sphère privée. Nous avons décidé de briser le mur du silence et d'en faire un combat du Gouvernement tout entier. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Merci, madame la secrétaire d'État. Nous avons pris bonne note du souhait du Gouvernement d'inscrire prochainement à l'ordre du jour de notre assemblée la proposition de loi résultant du travail consensuel conduit dans le cadre de sa mission d'évaluation, présidée par Danielle Bousquet et dont le rapporteur était Guy Geoffroy, et nous trouverons certainement le moyen de l'examiner rapidement. Je vous en remercie. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
La parole est à M. Michel Havard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, vous avez lancé cet octobre les états généraux de l'industrie, annoncés au mois de septembre par le Président de la République Nicolas Sarkozy.
Votre objectif, avez-vous déclaré, était de mobiliser tous les acteurs pour dessiner la nouvelle politique industrielle de la France autour de trois grands objectifs : identifier les grands enjeux pour le développement de l'industrie en France, présenter une vision d'ensemble cohérente, formuler des propositions concrètes afin de positionner nos industries sur les marchés durablement porteurs de croissance et d'emplois.
Le 2 novembre dernier, vous avez installé le Conseil national des États généraux, présidé par un industriel, M. Jean François Dehecq, et composé de quarante-trois personnalités qualifiées issues d'horizons différents – industriels, syndicats, élus, économistes, financiers, chercheurs –, appelées à travailler désormais ensemble.
La majorité parlementaire est très attachée à la défense de notre industrie. C'est pourquoi elle soutient les nombreuses réformes qui favorisent sa compétitivité, et par là même son maintien sur notre territoire. Pour sortir plus fort de la crise, pour être plus forte, la France a besoin d'une industrie forte, ancrée dans ses territoires.
Demain, vous allez lancer à Lyon, avec Christine Lagarde, le volet régional de ces états généraux. Alors que Rhône-Alpes est la deuxième région en termes d'emplois industriels, pouvez-vous nous indiquer en quoi consiste ce volet régional et quels acteurs seront associés à ces réunions de travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Havard, la France doit reprendre le train de la croissance et de l'emploi. Pour répondre à l'attente partagée par les représentants des organisations syndicales, les scientifiques, les chefs d'entreprise, les pôles de compétitivité – grands industriels, PME, laboratoires de recherche publics et privés –, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé de lancerles états généraux de l'industrie.
Le comité national d'organisation s'est réuni il y a quinze jours à Paris. Nous lançons demain les états généraux décentralisés en région avec Christine Lagarde avec ce premier forum en Rhône-Alpes. Pour quelles raisons ? Parce que c'est aussi en région et dans les territoires qu'il existe ce savoir-faire ouvrier, cet ancrage territorial qui remonte parfois à des décennies…
…et qui a permis à la France d'être une grande puissance industrielle.
Nous souhaitons être capables, au terme de tous ces forums, de définir les grands enjeux stratégiques, d'organiser enfin notre pays en « écosystèmes », c'est-à-dire en filières où tous pourront se parler, depuis le petit sous-traitant jusqu'au gros industriel, afin de ne plus être confrontés à une crise structurelle comme celle que nous venons de connaître.
Nous devons sortir de la crise en ayant des leaders dans les domaine de l'innovation industrielle, des nanotechnologies, de la micro-électronique, de la fibre optique, du véhicule du futur, des écotechnologies, des biotechnologies en matière d'industrie de santé : autant de domaines où les participants à ces forums et notamment à celui qui se tiendra demain dans votre région, auront beaucoup à dire. Ces contributions permettront au Président de la République de tirer des conclusions au début du mois de février. Nous pourrons ainsi, avec de l'audace, redonner aux ouvriers, aux usines et aux industries la place qui doit être la leur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, tout au long de cette journée, les violences faites aux femmes seront au coeur de l'actualité. Une fois de plus, certains vont découvrir qu'une femme sur dix est victime de violences chez elle ou au travail. Mais demain, comment va-t-on mettre un terme à l'inacceptable ?
Depuis des années, le collectif pour le droit des femmes est mobilisé. Il a élaboré une loi cadre contre les violences faites aux femmes. La mobilisation des femmes a permis la mise en place d'une mission parlementaire. Celle-ci a auditionné, travaillé avec toutes les associations et les institutions. Ce travail remarquable a abouti à une proposition de loi signée et portée par des députés siégeant sur tous les bancs de notre assemblée. Des avancées ont été proposées, comme l'ordonnance de protection des victimes, la suppression de la médiation pénale, la création d'un observatoire national, la sécurité juridique des personnes étrangères victimes de violences et la reconnaissance du délit de violence psychologique.
Aussi l'annonce par Mme la garde des sceaux d'un texte rédigé dans les quinze prochains jours sur cette question et au champ apparemment plus réduit, a-t-elle de quoi troubler.
Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré à midi que vous restiez ouvert aux propositions de l'Assemblée nationale. Alors que vous venez d'annoncer que la lutte contre les violences faites aux femmes serait en 2010 une grande cause nationale, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement fera sienne la proposition de loi et l'inscrira au plus vite à l'ordre du jour de nos travaux ? En reprenant l'intégralité des travaux de la mission et des associations dans la loi de la République, nous ouvrirons ainsi le chemin vers un dispositif cadre associant prévention, protection et répression, un dispositif qui permettra de mettre enfin un terme à l'inacceptable. C'est une urgence pour les femmes qui subissent ces violences au quotidien ; c'est une urgence pour notre société tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Madame Buffet, vous avez participé activement à la mission d'évaluation des politiques menées contre les violences faites aux femmes, dont vous étiez membre.
Comme je l'ai indiqué à l'instant, il s'agit du combat de la République tout entière, au-delà des clivages politiques, unie dans une seule et même cause : la défense de ces femmes qui meurent sous les coups de leurs conjoints.
Nous sommes déterminés à atteindre l'objectif consistant à faire reculer les chiffres des violences faites aux femmes. Je le répète : nous allons nous appuyer sur la proposition de loi que les députés ont cosignée. Le Gouvernement tout entier est déterminé – Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux, l'est autant que moi – à oeuvrer pour que soient renforcées les dispositions visant à lutter contre les violences faites aux femmes, à travers un arsenal législatif et technologique.
Nous allons mettre en place, en matière civile, un référé de protection pour les femmes victimes de violences. C'est une mesure d'urgence ; ce faisant, nous répondons à votre attente.
Nous allons créer, en matière pénale, le délit de violence psychologique. Nous savons que les violences faites aux femmes sont non seulement physiques, mais également psychologiques. Là encore, nous répondons à votre attente.
Nous allons expérimenter le bracelet électronique, dispositif, mis en place en Espagne, qui a déjà donné des résultats très encourageants, puisqu'une baisse des violences de près de 30 % a été enregistrée dans ce pays. C'est donc un instrument technologique très important qui nous aidera à lutter contre les violences faites aux femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Le président du Sidaction, l'homme d'affaires Pierre Bergé, a déclenché le week-end dernier une vive polémique en accusant l'Association française contre les myopathies, dont le financement dépend du Téléthon, de « parasiter la générosité des Français d'une manière populiste ».
Diverses personnalités ont condamné ces déclarations tandis que d'autres, beaucoup plus rares, ont pris sa défense. Ces propos ont choqué beaucoup de Français qui, par leur générosité, aident de nombreuses causes depuis très longtemps.
Cette attaque vise directement toutes les associations et les milliers de bénévoles qui, depuis vingt-trois ans, travaillent à la réussite du Téléthon. « L'argent du Téléthon sert l'ensemble des recherches sur la thérapie génique et donc indirectement toutes les causes, y compris le sida », a d'ailleurs déclaré Vincent Pelletier, directeur général de l'association AIDES.
Je crois utile de rappeler que les fonds du Téléthon financent 70 % de la recherche sur les maladies rares. Des résultats encourageants viennent d'être publiés par des équipes françaises : deux enfants atteints d'adrénoleucodystrophie – maladie rare du cerveau – ont été traités avec succès, et une équipe a réussi à recréer de la peau à partir de cellules souches embryonnaires humaines, une première qui pourrait trouver une application rapide dans le traitement des grands brûlés.
Au-delà de ces considérations et de ces attaques nauséabondes, la question posée est ailleurs : l'État devrait pouvoir mieux contrôler la collecte et la répartition des fonds, voire, pour certains, contrôler jusqu'à la générosité des Français. Cela traduit une vision étriquée de la société, qui consiste à prendre aux uns pour donner aux autres.
Madame la ministre, pouvez-vous, alors que le vingt-troisième Téléthon aura lieu les 4 et 5 décembre prochains, rassurer les milliers de Français qui s'apprêtent à faire des dons et les milliers de malades qui ont besoin de leur générosité, quant à la nécessité de continuer à soutenir ces collectes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, je tiens à rassurer tous les Français qui nous écoutent. Oui, les dons qui seront faits au Téléthon seront bien employés.
Voici plusieurs années, l'Association française contre les myopathies a créé le Téléthon pour attirer l'attention sur ces maladies dites orphelines, ces maladies génétiques très rares qui n'intéressaient pas la recherche publique parce qu'elles ne touchent que très peu de personnes. Le Téléthon a permis de spectaculaires progrès dans la recherche française en matière de génétique. Je le dis devant vous : ces progrès ont servi l'ensemble de la recherche. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)
Je profite de votre question, monsieur le député, pour rendre hommage à l'action de toutes les associations et de leurs bénévoles, qui travaillent à réunir des dons pour la recherche publique et qui apportent espoir aux malades et à leurs familles. Les Français donnent avec leur coeur ; ils donnent à la cause qui les touche. Le rôle de l'État est de vérifier, par une évaluation indépendante et transparente que cet argent est bien utilisé.
Le sida ? Oui, c'est une grande cause de santé publique. Les maladies orphelines ? Oui, elles aussi sont une grande cause de santé publique. Ne les opposons pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. William Dumas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et la pêche. J'y associe mes collègues parlementaires de Languedoc-Roussillon : Jacques Bascou, Jean-Paul Dupré, Kléber Mesquida, André Vézinhet et Jean-Claude Perez.
Voltaire disait : « On a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres. » C'est ce qui se passe aujourd'hui. J'en veux pour preuve le plan d'urgence et les deux derniers discours du chef de l'État adressés aux agriculteurs : celui du 27 octobre à Poligny, où il n'a fait que répéter son discours du mois de février,... (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Et celui du 12 novembre à La-Chapelle-en-Vercors, où il a préféré ignorer la détresse de toute une profession pour flatter un certain électorat. (Même mouvement.)
Pourtant, la crise est sévère et la situation se dégrade de jour en jour dans tous les secteurs de l'agriculture. Vous savez certainement que les exportations de vin ont baissé de plus de 26 % au premier semestre 2009 et que les prix des fruits et légumes ont perdu entre 15 % et 25 % cet été.
On se souvient encore des actions des producteurs de lait pour obtenir un prix de vente décent – sans même parler du prix du porc ou des quotas de pêche. Toutes les filières sont en très grande difficulté.
Je ne crois pas que les mesures d'urgence annoncées, qui se limitent à l'exonération de charges pour 2010 et à la possibilité pour les exploitants de s'endetter encore un peu plus, régleront les problèmes de fond.
Ces mesures, monsieur le ministre, sont bien peu de chose face à l'ampleur de la crise ; en moyenne 800 euros par exploitation. Aujourd'hui, les viticulteurs manifestent à Montpellier parce qu'ils veulent vivre dignement de leur travail.
C'est pourquoi nous vous demandons instamment, dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture, d'instaurer un revenu décent pour tous les agriculteurs et leur permettre de négocier équitablement avec les distributeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député, cela fait des années que la filière viticole, dans beaucoup de régions, notamment dans le Languedoc, souffre de pertes de revenu et de diminution de son activité. La réponse que le Président de la République et le Premier ministre ont apportée avec le plan d'urgence est une réponse adaptée et forte. Elle aidera la trésorerie de tous les producteurs viticoles de notre pays, vous le savez aussi bien que moi.
Ce plan a été décidé en concertation avec toutes les filières, notamment la filière viticole. Les exonérations de cotisations sociales et l'allégement de la taxe sur le foncier non bâti sont des mesures spécifiquement prévues pour aider la filière viticole.
Par ailleurs, et vous le savez aussi bien que moi, la réponse à la crise passe par la capacité de la filière à conquérir de nouvelles parts de marché à l'exportation, à prendre toute sa place sur ces marchés pour être plus forte et vendre mieux ses produits. Pour cela, il faut avancer dans trois directions.
Premièrement, travailler à une meilleure organisation des filières ; vingt-six interprofessions viticoles, ce n'est pas acceptable. Nous l'avons demandé aux producteurs et nous en tirerons les conséquences dans la loi de modernisation.
Deuxièmement, favoriser une meilleure commercialisation des produits ; 170 millions d'euros ont été apportés par l'Union européenne pour avancer dans ce sens en 2009. Nous aurons 227 millions d'euros en 2010 pour mieux commercialiser et valoriser les produits viticoles français sur les marchés d'exportation.
Troisièmement, améliorer les relations entre les producteurs viticoles et l'aval de la filière avec l'ensemble des acteurs qui commercialisent les vins. Cela passe par un renforcement de l'observatoire des prix et des marges et par des contrats écrits systématiques entre les producteurs et l'aval – nous ferons l'un et l'autre dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Nous sommes bien décidés, monsieur le député, à conserver à la viticulture française la seule place qui lui revienne en Europe, c'est-à-dire la première. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, l'internet, la « toile » constitue, nous le savons tous, un fabuleux espace de liberté, de communication et de transmission de connaissances. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais, telle la langue d'Ésope – vous en voyez une illustration ici même –, il prête aussi à escroqueries, trafics et manipulations en tous genres.
Je reçois ainsi chaque jour trois ou quatre courriels de contrefaçon des sites de ma banque ou du Trésor public, qui m'invitent à aller vérifier mes données confidentielles. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Si j'avais par malheur la naïveté de le faire, ces données seraient récupérées par des aigrefins comme on en trouve à gauche (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP), installés très loin de la France, donc hors d'atteinte de notre police et de notre justice.
Monsieur le ministre, il y a quelques mois, votre prédécesseur a créé un service de police et un site Internet spécifiquement destinés à traquer ces aigrefins. Pouvez-vous nous indiquer les résultats auxquels cette initiative a permis d'aboutir ? Les fournisseurs d'accès ne devraient-ils pas systématiquement mettre en garde contre les risques auxquels leur naïveté expose les internautes ? Enfin, la France ne devrait-elle pas instaurer une coopération internationale afin de mettre fin à ces escroqueries ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et de la vidéo !
Vous avez raison, monsieur Myard : Internet, espace de liberté, est aussi devenu un véritable lieu de danger. Je songe aux escroqueries que vous avez évoquées, mais aussi aux faux e-mails,…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et aux vidéos ?
…aux vols de numéros de carte bancaire, au trafic de stupéfiants,…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et de vidéos…
…à l'apologie du racisme, à la pédopornographie, voire au terrorisme.
Face à ces nouveaux dangers, nous avons entrepris de moderniser nos méthodes d'investigation. C'est ainsi qu'une nouvelle plateforme a été créée, composée de policiers et de gendarmes. Au cours de ses dix premiers mois d'existence, elle a reçu près de 43 000 signalements, dont 48 % concernent des escroqueries et 29 % des atteintes aux mineurs.
Cette année, une nouvelle forme d'investigation a vu le jour : la cyberpatrouille. Plus de 315 contacts ont pu être établis entre les cyberpatrouilleurs, policiers et gendarmes, et des prédateurs sexuels potentiels. À ce jour, treize personnes ont été déférées devant la justice.
Faut-il aller plus loin ? J'en suis convaincu et je souhaite mettre à profit l'examen de la LOPPSI, fin janvier ou début février, pour muscler les dispositifs existants. Nous avons ainsi l'intention de permettre le blocage des sites proposant des images et des représentations de mineurs à caractère pornographique. Ce sera une première.
Vous avez raison : nous devons faire preuve de réactivité et d'imagination, car le développement de ces sites représente à l'évidence un nouveau défi de société. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, a trait aux inquiétudes que suscite actuellement l'école.
J'ai écouté très attentivement la réponse apportée hier par Mme Pécresse à la question posée par l'un de mes collègues sur la formation initiale des enseignants. Je dois dire que j'ai même dû relire le compte rendu de nos débats pour m'assurer que je n'avais pas mal entendu : alors que vos décisions en la matière reviennent à supprimer purement et simplement la formation pratique, la formation à la pédagogie, les stages, elle a osé dire que les futurs enseignants effectueraient des stages, en oubliant de préciser que lesdits stages seraient moins nombreux et, qui plus est, facultatifs !
On pourrait malheureusement dire la même chose du soutien scolaire. Je me souviens que Xavier Darcos nous accusait de lui faire un procès d'intentions lorsque nous affirmions que les RASED seraient supprimés. Or c'est bien ce qui se produit aujourd'hui, département par département ; ce que confirme clairement une lettre relative à mon académie, que je viens de recevoir de vos services. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Prenons l'exemple des écoles maternelles et primaires. Dans mon département, vos services viennent d'annoncer que le calcul des seuils d'ouverture et de fermeture d'une classe en école élémentaire serait modifié à la prochaine rentrée. Cette modification, qui pourrait paraître technique, résulte en réalité d'un choix politique : celui de réduire le nombre d'enseignants dans les écoles, ce qui, concrètement, se traduira par une baisse du taux d'encadrement des élèves. Ainsi, on passera de vingt-cinq à vingt-neuf élèves par classe à l'école élémentaire et, plus grave encore, de vingt à vingt-cinq élèves en zone d'éducation prioritaire. Qui oserait sérieusement prétendre que la présence de cinq élèves supplémentaires par classe ne nuit pas à la qualité de l'enseignement ?
Monsieur le ministre, ma question est simple : quand cesserez-vous de mentir aux Français à propos des moyens alloués à l'école ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur de Rugy, je confirme les propos tenus hier par Valérie Pécresse devant votre assemblée : la réforme dite de mastérisation permettra de prolonger d'un an la formation des enseignants. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Leur formation disciplinaire en sera confortée, mais aussi leur formation pratique, faite, en amont, de stages d'observation et, dans le cadre du concours, de stages de mise en responsabilité.
Vous m'interrogez sur la répartition des moyens alloués à l'éducation nationale. Quelques rappels simples : il y a en France 857 000 enseignants et 12 millions d'élèves. Chaque année, l'éducation nationale répartit les moyens dont elle dispose par académie, par département, par établissement et par classe en fonction de leur montant. Il en résulte un nombre moyen de 22,6 élèves par classe à l'école élémentaire, 24,1 au collège, 19,1 en lycée professionnel et 28,4 en lycée général.
Nous adaptons les moyens à la réalité. Ainsi, dans votre département, monsieur le député, nous avons ouvert à la rentrée trente-sept classes supplémentaires afin de tenir compte de l'évolution démographique (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Quant à la détermination des seuils d'ouverture et de fermeture de classes, elle relève de l'inspecteur d'académie (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qui cherche à adapter les moyens disponibles à la réalité locale, en concertation avec les acteurs locaux, par l'intermédiaire du comité technique paritaire départemental et le conseil départemental de l'éducation nationale.
En tout état de cause, allouer davantage de moyens là où le besoin s'en fait le plus sentir est essentiel à la réussite de nos élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée des aînés, des voix se sont élevées récemment pour dénoncer une prétendue spoliation des personnes âgées, à la suite du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de l'adoption du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Cette assertion, qui émane de certaines associations ou organisations du secteur médico-social, a bien sûr été immédiatement relayée et amplifiée par le parti socialiste. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.)
Nous mesurons ici, madame la ministre, toute l'importance des missions que cette caisse accomplit au service des personnes âgées dépendantes comme des personnes handicapées. Nous savons en outre que ces missions ont été rendues possibles grâce à l'esprit fraternel des Français, qui ont accepté de travailler un jour supplémentaire – je dirai même plus : grâce au courage de la majorité d'alors, qui a institué cette journée de solidarité.
C'est dire que, convaincus de l'utilité de la CNSA, nous sommes particulièrement attentifs à ce que son budget soit à la hauteur des buts qui lui ont été assignés. Nous sommes également nombreux, sur ces bancs, à nous défier des réactions à chaud qu'une lecture un peu trop rapide de l'actualité peut entraîner, et à préférer les vrais débats aux vaines polémiques.
Pouvez-vous donc nous dire, madame la secrétaire d'État, ce qu'il en est exactement du budget de cette caisse, si importante pour l'application concrète du principe de solidarité entre les générations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, les affirmations dont vous faites état sont graves en apparence, mais elles sont surtout cousues de fil blanc. Finalement, c'est la souris qui a accouché d'une montagne ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, dites à Mme la secrétaire d'État que c'est le contraire !
Cette accusation repose sur le seul fait que 150 millions d'euros ont été transférés à l'assurance maladie à partir d'un budget qui, rappelons-le, est en hausse et s'établit à 18,5 milliards d'euros en 2010.
À ceux qui auraient la mémoire courte et qui feindraient d'ignorer le déficit de l'assurance maladie, je veux dire que cette mesure conjoncturelle est juste et, en période de crise, responsable. En 2009, 300 millions d'euros sont restés inutilisés par la CNSA en raison des délais entre les décisions relatives aux attributions de budgets et les ouvertures effectives de maisons de retraites.
La vérité, quelle est-elle ?
L'ONDAM médico-social du PLFSS pour 2010 connaît une augmentation globale de 5,1 %. Pour le secteur des personnes âgées, cette augmentation est de 9,1 % s'agissant des établissements et services, ce qui représente 550 millions d'euros de mesures nouvelles. Connaissez-vous, mesdames, messieurs, d'autres budgets qui bénéficient d'une telle augmentation ?
À ceux qui en douteraient, je tiens à dire que nous sommes, Xavier Darcos et moi-même, pleinement conscients du défi de société que représente le vieillissement de la population. Mesdames et messieurs les députés, que les Cassandre se rassurent : les actions en faveur de nos aînés se porteront bien en 2010 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, vous avez une légère tendance, lorsque vous vous adressez aux élus de gauche, en particulier aux socialistes, à être humiliant. Ces derniers temps, avec la réforme des collectivités territoriales, vous êtes devenu carrément insultant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous nous traitez de menteurs, mais l'avenir révélera où sont les menteurs, monsieur le Premier ministre !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. À gauche !
L'État, dont le déficit et la dette font frémir, cherche à se débarrasser de son fardeau sur des collectivités aux finances saines. Depuis des années, votre politique consiste à leur transférer des charges nouvelles sans leur garantir les moyens correspondants.
C'est aux collectivités que l'on demande de gérer l'explosion de la misère et de compenser les effets de la crise en relançant l'activité économique. C'est aux collectivités encore que l'on demande de financer les nouvelles solidarités. Mais c'est aux collectivités aussi que l'État oublie de verser les 7 milliards d'euros qu'il leur doit au titre de la compensation.
L'innovation, cette année, c'est que vous demandez aux collectivités de faire plus avec moins. Tous les partis se sont prononcés pour une réforme de la taxe professionnelle, mais pas de cette manière (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), pas sans étude d'impact ni négociation.
Avec votre réforme, les pertes des collectivités seront certes compensées en 2010, mais tous les élus savent que, les élections régionales passées, leurs charges progresseront plus vite que vos dotations. Surtout, ils savent compter : après la réforme de la taxe professionnelle, ce sont 6 milliards d'euros que les entreprises ne verseront plus au budget des régions, des départements et des communes.
Qui paiera la différence, monsieur le Premier ministre, sinon les contribuables locaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui sont aussi des contribuables nationaux assujettis aux dix-sept taxes que vous avez déjà créées depuis 2007 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, permettez-moi tout d'abord de rappeler que M. le Premier ministre s'est exprimé devant le congrès des maires en leur témoignant beaucoup de respect et d'attention, dans un esprit d'écoute, et que son discours a été entendu, compris et partagé. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ensuite, il me faut souligner que la réforme des collectivités locales mérite beaucoup mieux que des postures ou des caricatures. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) N'essayez surtout pas de faire croire que cette réforme met en cause l'autonomie financière des collectivités. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes les plus mal placés pour le dire, vous qui avez soutenu le gouvernement Jospin qui a créé l'allocation personnalisée d'autonomie, sans compensation (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP), alors que c'est notre majorité qui a fait inscrire dans le marbre du texte constitutionnel la garantie de l'autonomie financière des collectivités ! (Même mouvement.)
Ce n'est pas moi qui le dis, mais l'un de vos amis : lisez donc le rapport de l'Observatoire national des finances locales, dans lequel André Laignel rappelle que, depuis 2003, l'autonomie financière a progressé de 60 % à 62 % pour les communes, de 51 % à 62 % pour les départements, de 40 % à 52 % pour les régions !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Comme par le passé, le Gouvernement respectera pleinement le principe constitutionnel d'autonomie financière, puisque la suppression de la taxe professionnelle sera compensée par des transferts d'impôts et non par des dotations. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela dit, monsieur le député, je vous remercie de poser semaine après semaine la même question, car cela nous permet de rappeler quels sont ceux qui sont figés, immobiles et sclérosés et qui refusent la réforme, et quels sont ceux qui, par le mouvement, l'imagination, la créativité, préparent l'avenir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR, dont de nombreux membres scandent longuement : « Menteur ! Menteur ! »)
La parole est à Mme Maryse Joissains-Masini, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la garde des sceaux, la presse s'est faite l'écho de la possibilité de remettre en cause le secret de l'instruction, élément fondamental de la présomption d'innocence. Ce qui reviendrait à entériner une triste réalité, notamment dans les affaires sensibles à propos desquelles les médias se déchaînent avant même qu'une culpabilité soit reconnue par une juridiction. Cette pratique s'étant déjà largement répandue, cela ne devrait pas poser de problème, pour peu évidemment que l'on garantisse la protection de la personne mise en examen, car toute publicité de la procédure est de nature à entraîner des conséquences dramatiques et irréparables. Cette protection doit être rigoureuse et la loi doit prévoir des sanctions exemplaires et dissuasives.
Madame la garde des sceaux, j'aimerais que vous nous fassiez connaître votre volonté à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la députée, la réforme de la procédure pénale en cours a deux finalités. Premièrement, il s'agit de rendre notre procédure pénale plus simple, plus lisible, plus compréhensible par nos concitoyens ; deuxièmement, de mieux garantir les droits de la défense et ceux de la victime. Pour ce faire, il est indispensable de mettre un terme à une hypocrisie flagrante.
Actuellement, l'instruction est en principe couverte par le secret de l'instruction et le secret professionnel. Mais dans la réalité, entre les éléments à charge tirés de la procédure, les secrets savamment distillés, les rumeurs entretenues, force est de reconnaître qu'il y a un véritable déséquilibre entre les parties et ce, vous l'avez vous-même remarqué, avant tout jugement.
Afin de rétablir une sorte d'égalité des armes, il est prévu de mettre fin au secret de l'instruction tout en maintenant, bien entendu, le secret professionnel.
Avec l'introduction du principe du contradictoire dans la procédure, chacune des parties pourra discuter de tous les éléments de la procédure, ce qui évitera des divulgations partielles. En revanche, le secret professionnel, qui garantit à la fois la dignité de la victime, l'efficacité des investigations mais aussi la présomption d'innocence sera effectivement maintenu.
Nous parviendrons ainsi à un véritable équilibre en même temps qu'à une réelle protection des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, prétendre, comme l'a fait M. Hortefeux, que les maires ont été manipulés lors du congrès des maires, c'est leur faire offense. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il n'est que de lire la résolution finale, votée à l'unanimité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Le Président de la République s'était engagé solennellement à prendre en compte la pénibilité pour déterminer l'âge de la retraite. Or il semble que votre Gouvernement épouse la proposition de Mme Parisot : la retraite à soixante-trois ans et demi pour tous ceux qui sont soumis à des travaux pénibles.
Je connais bien le monde du bâtiment et des travaux publics. À cinquante ans, les ouvriers de ce secteur sont usés. Usés par l'exposition permanente aux intempéries, cassés par le port journalier de charges lourdes et souvent paralysés par l'arthrose et les troubles musculo-squelettiques.
Chaque jour ouvrable, un ouvrier du BTP meurt d'un accident du travail Leur espérance de vie est de sept ans inférieure à la moyenne ; à cinquante-cinq ans, nombreux sont ceux qui se retrouvent invalides ou qui viennent grossir les rangs des chômeurs.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
Vous les connaissez, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces hommes proches de la soixantaine, et vous les voyez fragilisés, mais debout sur nos toits, sur nos charpentes et par tous les temps. Est-ce acceptable à soixante ans ?
Beaucoup d'autres activités méritent une retraite anticipée, comme le travail de nuit ou à la chaîne. De même, l'exposition aux produits toxiques devrait être reconnue.
Toutes ces personnes méritent la retraite à cinquante-cinq ans et, quelles que soient les exigences de Mme Parisot, vous n'avez pas le droit de laisser pourrir la situation, vous n'avez pas le droit de laisser faire. C'est un problème de dignité. Et vous n'avez surtout pas le droit de les priver de leur retraite avant de mourir.
Monsieur le ministre, en leur nom et au nom du groupe socialiste, je vous demande ce que vous comptez faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur le député, vous avez raison. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Que ne l'avez-vous fait d'ailleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Sept ans que vous êtes au pouvoir !
Je me permets de vous rappeler que les rares fois où on s'est, enfin, occupé des retraites, c'était en 1993, alors que la présente majorité était aux affaires, puis en 2003 avec François Fillon, ou encore en 2007 avec Xavier Bertrand !
Bien entendu, il faut s'occuper des retraites, car c'est un vrai sujet. Mais permettez-moi de vous dire que cette majorité n'a pas de leçon à recevoir de votre part sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Regardons froidement ce grand défi. Actuellement, on compte 1,8 cotisant pour un retraité ; autrement dit, une retraite sur dix n'est pas payée. Dans cinq ans, il y aura 1,5 cotisant pour un retraité, et en 2040, 1,2 cotisant pour un retraité.
Voilà pourquoi le Président de la République a raison de dire qu'il s'agit d'un défi majeur et que le rendez-vous que nous aurons sur les retraites en 2010 nous obligera à prendre de grandes décisions.
Effectivement, nous devons nous poser la question de la pénibilité au travail dans la prise en compte de l'âge de la retraite – que vous n'aviez jamais abordée auparavant. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous proposons plusieurs pistes. D'abord, je présenterai, à la fin de l'année, un plan de santé au travail qui portera sur la période 2010-2014 et qui évoquera ces questions de pénibilité.
Ensuite, il faut responsabiliser les entreprises. En effet, ce n'est pas seulement la solidarité nationale qui doit se charger de l'accompagnement d'un salarié affecté à un travail pénible : il faut l'accompagner tout au long de sa carrière. Il ne faut pas non plus considérer que la solution soit de le mettre en préretraite, car des gens qui ont acquis une expérience peuvent travailler autrement, moins sans doute, dans le cadre d'un tutorat notamment.
Bref, je vous l'assure : la question de la pénibilité du travail sera traitée. Et nous commencerons par cette question, lors du rendez-vous sur les retraites qui aura lieu à la fin du premier trimestre 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, en ce 25 novembre 2009, alors qu'est manifestée par toutes les nations la volonté d'éradiquer les violences faites aux femmes, le Parlement et notre assemblée ont toutes les raisons de s'enorgueillir du travail accompli.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il reste à l'achever !
Je veux tout d'abord saluer celui des associations et de leurs collectifs, mais aussi l'engagement de notre Président, qui a su les entendre et a souhaité la création de notre mission d'évaluation. Je veux encore saluer les membres de cette mission, en particulier sa présidente Danielle Bousquet (Applaudissements), qui ont su travailler efficacement et solidairement pour que son rapport, adopté à l'unanimité au bout d'un an, fournisse une bonne base de travail ; c'est tous ensemble que nous avons déposé ce matin la proposition de loi issue de nos travaux.
Le Premier ministre a confirmé tout à l'heure, en proclamant que ce sujet important et douloureux serait grande cause nationale en 2010, qu'il nous faudrait légiférer d'ici l'été. Nous sommes prêts. Notre proposition de loi est là, qui répond aux préoccupations exprimées par le Gouvernement. Dans quelle mesure, selon quel calendrier et dans quelles conditions ferez-vous en sorte que notre travail devienne loi et que cette loi trouve sa place au coeur d'un dispositif complet, à même d'éradiquer les violences faites aux femmes ? (Applaudissements sur de nombreux bancs).
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Vous l'avez rappelé, la lutte contre les violences faites aux femmes sera proclamée grande cause nationale de l'année 2010. Grâce à votre proposition de loi, nous irons vite, beaucoup plus vite. Nous serons prêts dès le début de l'année 2010, et l'ensemble du Gouvernement est mobilisé pour avancer encore plus rapidement, afin d'adopter les modifications législatives et les dispositifs que nous devons à toutes ces femmes. Ce combat, vous avez raison de le rappeler, est universel, et je salue Loubna al-Hussein, que j'ai rencontrée en France même et qui se bat elle aussi, comme beaucoup d'autres femmes, contre les violences faites aux femmes dans son pays. Ce combat, avons pu le constater en Espagne, doit nous rassembler parce qu'il est quotidien, parce que la mort d'une femme sous les coups de son compagnon représente, en France, un homicide sur cinq.
Nous ne devons pas non plus oublier les enfants. Je salue le travail des associations, mais aussi l'ensemble des chaînes de télévision qui ont accepté de diffuser gratuitement un clip de sensibilisation mettant en scène des enfants, qui sont victimes des violences conjugales en même temps qu'ils en sont les témoins. Au-delà des problèmes psychologiques dont ils pourront souffrir, le risque est grand de les voir reproduire le modèle qu'ils ont vu dans leur milieu et qui porte atteinte à la construction de leur personnalité d'adulte.
Dès 2010, nous serons tous ensemble au rendez-vous pour lutter contre les violences faites aux femmes. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement s'affole : M. Darcos oublie que c'est la droite qui a reculé l'âge de la retraite, et M. Hortefeux devient vindicatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je comprends que la fronde des élus locaux de tous bords contre la réforme des collectivités territoriales et de la taxe professionnelle vous irrite. La semaine dernière, votre réponse à la question d'un ancien Premier ministre, Laurent Fabius, était teintée de mépris. En réalité, elle traduisait votre embarras et votre énervement face au débat démocratique.
La perspective d'un État exsangue et d'un déficit de 150 milliards d'euros n'a pas convaincu les élus locaux. Ils continuent d'exiger, ainsi que vous l'a rappelé Jean-Pierre Balligand, le maintien d'un lien fiscal entre les entreprises et le territoire, de s'inquiéter de la fragilité de la compensation de l'État, reconsidérée chaque année, si j'ose dire, sans garantie du Gouvernement, et du risque de faire payer par des ménages déjà en difficulté les allégements consentis aux entreprises, et de demander la suppression du bouclier fiscal (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui aggrave la charge des ménages modestes.
Quant à l'élection des conseillers territoriaux, M. Copé hier, M. Perben aujourd'hui, clament leur profond désaccord. À force de tripatouiller, vous effrayez tout le monde, même au sein de votre propre camp. Quand allez-vous cesser ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC
Monsieur le député, vous continuez, malgré les garanties qui ont été apportées aux maires et approuvées par la majorité d'entre eux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),à vous enfermer dans le mensonge. (Même mouvement.) Tous les Français attachés à leur emploi et à l'avenir de leurs enfants le savent : le Gouvernement a engagé une réforme moderne. Pendant trop longtemps, les entreprises ont été sanctionnées plus que soutenues, pénalisées lorsqu'elles créaient des emplois et s'engageaient sur des investissements productifs pour notre pays. Oui, nous voulons mettre un terme à ces injustices.
Vous mentez lorsque vous persistez à vouloir faire croire aux ménages que le seul fait de supprimer la taxe professionnelle sur les investissements et les emplois créés par les entreprises aura des conséquences sur leurs impôts. C'est faux ! Il n'y aura aucune augmentation de l'impôt sur les ménages ! Au contraire, en créant un impôt sur la valeur ajoutée, nous créerons un impôt plus dynamique en faveur des collectivités, qui préservera leur autonomie, le lien entre territoire et entreprise, et qui permettra à celle-ci d'investir pour l'innovation et pour sur l'avenir, de créer des emplois, de lutter contre les délocalisations. Nous avons fait le choix de l'audace là où vous faites celui de la conservation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, lancée en janvier dernier par le Premier ministre et par vous-même, la réforme du permis de conduire est en route. Cette réforme, qui a pour objectif un permis moins long, moins cher et plus sûr, est attendue de pied ferme et de longue date tant par nos concitoyens que par les acteurs du secteur. Elle marque la volonté du Gouvernement de mettre fin à un système injuste, long et coûteux pour le remplacer par un examen plus efficace, garantissant pleinement la sécurité de tous.
L'obtention du fameux papier rose, qui concerne 800 000 Français par an, est l'un des examens les plus convoités de l'hexagone : l'obtention du permis est bien souvent un sésame pour intégrer le marché du travail, la mobilité étant essentielle à toute démarche d'emploi.
Ce sujet revient souvent sur le métier ; nous y avons travaillé avec Chantal Bourragué dans le cadre d'une mission de notre groupe. Il est essentiel d'expliquer aux Français la détermination qui vous anime, monsieur le secrétaire d'État, dans la mesure où ils se montrent souvent très critiques à l'encontre du permis de conduire, certains s'impatientant de la mise en oeuvre des annonces de réforme en la matière.
Rassurer nos concitoyens, affirmer que la réforme, loin d'être au point mort, est bien engagée, qu'elle produit déjà des effets, se révèle donc capital. À cette fin, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, revenir sur l'application de cette réforme qui mobilise pleinement le Gouvernement et l'Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur Gérard, le travail que vous avez réalisé avec Mme Bourragué est de qualité et je vous en remercie. Si l'on veut passer de quelque 10 000 morts par an sur nos routes, il y a vingt ans, à l'objectif de 3 000 morts fixé par le Président de la République en 2012 – nous en sommes encore, hélas ! à plus de 4 000 morts en cette fin d'année –, il convient de réformer le permis de conduire.
L'ensemble des députés ont souhaité un permis moins long, moins cher et plus sûr.
Moins long : 80 % des départements ont déjà réduit les délais de passage à moins de deux mois. Nous avons résorbé – pardonnez-moi l'expression – le « stock » d'examens, avec notamment pour conséquence un meilleur taux de réussite des candidats : 60 % environ dès le premier passage.
Nous avons supprimé l'arrêté qui obligeait à attendre un mois au moment de l'inscription. Enfin, nous allons faciliter la conduite accompagnée : on sait qu'un jeune ayant pratiqué la conduite accompagnée a plus de chance d'obtenir son permis la première fois – le taux de réussite atteint 70 %. Un décret a été signé ce matin pour faciliter ce dispositif.
Ensuite, le permis est souvent trop cher, surtout pour les familles qui comptent de nombreux enfants autour de dix-huit ans. L'État prendra par conséquent en charge les intérêts des prêts accordés aux familles les plus défavorisées. Martin Hirsch et Laurent Wauquiez, de leur côté, ont mis en place des dispositifs en faveur des jeunes bénéficiaires du RSA ou pour les jeunes inscrits au Pôle emploi. Enfin, de très nombreuses communes – j'en profite pour remercier les nombreux maires présents sur ces bancs – ont mis en place des dispositifs grâce auxquels les jeunes peuvent passer le permis de conduire en contrepartie d'un emploi d'intérêt général.
Reste à rendre le permis plus sûr. Nous prévoyons de moderniser la fameuse épreuve de questions techniques – qui se résument souvent à des questions piège –, de même que l'épreuve de conduite au cours de laquelle on ne cherchera plus à « coincer » le candidat mais seulement à vérifier s'il est bon pour la conduite.
Ainsi promouvons-nous un permis de conduire plus sûr, moins cher et ouvert à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Albert Likuvalu, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi pénitentiaire, je me permets de vous alerter sur la situation des îles Wallis et Futuna.
L'article 7 de la loi du 29 juillet 1961 modifiée, conférant à Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer, précise que « la République assure la défense du territoire, l'ordre et la sécurité publique, le respect des lois, des règlements, des décisions des tribunaux, l'hygiène et la santé publique ».
La réalité est cependant tout autre : les démarches entreprises pour mettre en place de vraies structures pénitentiaires dans notre collectivité n'ont pas abouti. Le local servant de prison ne comporte que trois places – et n'est par ailleurs, permettez-moi de vous le signaler, pas du tout conforme aux normes nationales ; il est notamment géré par des gardes territoriaux dont le statut n'est même pas reconnu.
Il convient également de vous rappeler que le préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé un des principes à valeur constitutionnelle : « Tout être humain possède des droits inaliénables et sacrés ». Ce qui n'est pas le cas au sein de la prison locale.
D'où ma question, madame la garde des sceaux : quand prendrez-vous enfin et rapidement les mesures tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et quand mettrez-vous en place de vraies structures pénitentiaires dignes de la République pour que tous les droits des personnes détenues à Wallis-et-Futuna soient reconnus et respectés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Le banc du Gouvernement est presque vide ! Le Gouvernement a-t-il été décimé ?
Monsieur Likuvalu, le Conseil constitutionnel a validé la loi pénitentiaire déférée par la gauche. Je me réjouis profondément de cette validation : elle montre bien que les positions que j'ai soutenues pendant le débat étaient fondées.
Il est vrai également que la loi pénitentiaire prévoyait la signature d'une convention entre l'État et la collectivité de Wallis-et-Futuna pour la prise en charge sanitaire de ses détenus : cette solution semblait la plus pratique. Mais le Conseil constitutionnel a objecté qu'une telle prise en charge ne relevait pas des compétences dévolues à la collectivité et qu'il n'était donc pas possible d'en transférer la charge par le biais d'une convention.
Soyez donc assuré que tout en en tirant les conséquences, l'État ne se désintéressera pas, bien au contraire, de la prise en charge de l'hygiène et de la santé des détenus à Wallis-et-Futuna. Il continuera à assumer pleinement ses responsabilités en la matière ; du reste, puisque vous me posez la question, les autres dispositions prévues pour Wallis-et-Futuna dans la loi pénitentiaire seront bien entendu intégralement appliquées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Application de la loi pénitentiaire à Wallis-et-Futuna
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Édouard Courtial, député de l'Oise, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 2092).
La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre de la santé et des sports, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 comportait initialement cinquante-quatre articles. Ayant adopté vingt-neuf articles additionnels, notre assemblée a transmis au Sénat un texte de quatre-vingt-trois articles. Le Sénat en a adopté cinquante conformes, en a modifié vingt-huit, en a supprimé cinq et en a ajouté vingt-trois. Le texte comporte donc actuellement cent un articles.
Réunie le 18 novembre dernier à l'Assemblée nationale, notre commission mixte paritaire devait examiner les cinquante-six articles restant en discussion – soit beaucoup moins que l'an passé. Elle est parvenue à élaborer un texte à l'issue de ses travaux, dont je vais maintenant vous présenter les principaux apports.
S'agissant des dispositions relatives aux recettes, pour l'article 14 traitant des retraites chapeau, nous avons proposé, avec M. Vasselle, un amendement réécrivant la disposition adoptée par le Sénat, la rendant plus facilement applicable et aboutissant à une taxation importante des rentes les plus élevées.
Par ailleurs, la CMP a retenu l'idée du Sénat consistant, à l'article 17 bis A, à instituer une contribution sur les appels et messages surtaxés dans le cadre des jeux télévisés, moyennant une rédaction plus précise, proposée conjointement par les deux rapporteurs, en ce qui concerne l'assiette et les modalités de recouvrement de cette contribution.
Pour ce qui est de la branche maladie, j'avais souhaité que soit rétabli l'article 28, qui avait pour double objet de neutraliser les dépenses de soins de ville induites par la pandémie grippale dans l'évaluation par le comité d'alerte du risque de dépassement de l'ONDAM 2010 – car ces dépenses sont à la fois exceptionnelles et inévitables – et de permettre que les professionnels réquisitionnés pour la vaccination soient indemnisés par l'assurance maladie. Le second point propose une mesure certes utile, mais pas essentielle, dans la mesure où les professionnels concernés pourront être indemnisés par l'État. Sur le premier point, en revanche, la suppression de cet article – votée par le Sénat et maintenue par la CMP – pose un problème crucial : elle rend très vraisemblable le déclenchement d'une procédure d'alerte qui, je le rappelle, entraîne des mesures de redressement, dont un gel de toutes les revalorisations tarifaires : veut-on mettre un obstacle supplémentaire à la demande d'un « C à 23 euros » ou à la revalorisation des spécialités cliniques les moins favorisées ?
La commission mixte paritaire a amélioré la rédaction de l'article 29, qui institue un dispositif d'exonération post-ALD.
À mon initiative, la CMP a supprimé l'article 29 quater, qui obligeait les sages-femmes à orienter leurs patientes vers leur médecin traitant, et non vers leur gynécologue, en cas de pathologie. En effet, il ne paraît pas utile de rouvrir indirectement le débat sur l'accès direct au gynécologue, qui a été tranché il y a plusieurs années dans un sens qui me paraît équilibré.
C'est également à mon initiative que la commission mixte paritaire a supprimé l'article 30 ter, qui ouvrait aux orthoprothésistes, podo-orthésistes et aux orthopédistes-orthésistes le droit de renouveler et d'adapter des prescriptions d'orthèses plantaires. J'estime qu'avant d'adopter une telle mesure, il faudrait évaluer celle qui a reconnu des compétences similaires aux pédicures-podologues : a-t-elle permis d'atteindre les buts recherchés, en matière d'économies comme en matière d'accès aux soins et de qualité de la prise en charge ? Ce n'est pas encore établi ; ne légiférons pas dans la précipitation.
Enfin, la CMP a consacré une part importante de ses travaux à discuter d'un problème dont nous sommes régulièrement saisis : la couverture de la responsabilité civile professionnelle des spécialistes dits « à risque », principalement les gynécologues-obstétriciens, les chirurgiens et les anesthésistes. Nous avons adopté une rédaction de l'article 30 quater qui vise à régler le cas particulier des médecins qui ont cessé leur activité depuis plus de dix ans. C'est une mesure utile, mais loin d'être suffisante. Tout au plus avons-nous, si j'ose dire, mis le pied dans la porte pour que les pouvoirs publics et les assureurs trouvent une solution à ce problème. Je l'ai dit en CMP et je le répète ici : il est urgent de trouver un dispositif qui sécurise les praticiens, faute de quoi nous ne trouverons plus de volontaires pour exercer ces spécialités.
À l'article 32, nous sommes revenus au texte de l'Assemblée nationale en rétablissant la date de 2018, prévue par le projet de loi initial, pour l'achèvement de la convergence intersectorielle. En effet, l'échéance de 2018 permet, d'une part, de mener à bien les études indispensables pour identifier et expliquer la totalité des écarts de coûts entre les deux secteurs – ces études devraient être rendues au plus tard pour la fin 2012 – et, d'autre part, de rendre supportables sur le plan financier, organisationnel et social les efforts liés à la convergence tarifaire.
À l'article 32 bis A, la CMP n'a en revanche pas adopté l'amendement que j'ai présenté, tendant à supprimer l'instauration par le Sénat d'un coefficient correcteur en faveur de certains établissements de santé pour tenir compte des écarts de charges financières résultant d'obligations légales et particulières en matière sociale et fiscale. Je regrette que le maintien de ce coefficient correcteur, qui correspond certes à une problématique réelle, intervienne avant les résultats d'études complémentaires sur la fiscalité et le coût du travail – prévus pour la fin de l'année ou au cours de l'année prochaine –, d'autant qu'il risque de rendre plus complexe un dispositif qui l'est déjà suffisamment.
À l'article 32 bis B, la CMP a adopté un amendement de réécriture globale que j'ai présenté, tendant à autoriser la Cour des comptes, dans une logique d'évaluation au profit du Parlement, à procéder à des évaluations comparatives des coûts et des modes de gestion des établissements sanitaires et médicosociaux financés par l'assurance maladie, quel que soit leur statut public ou privé, de préférence au texte du Sénat qui, tout en poursuivant le même objectif, donnait l'impression d'élargir les missions de contrôle de la Cour sur les établissements privés, alors que les comptes de ces derniers sont déjà certifiés par des commissaires aux comptes.
À l'article 32 bis, la CMP a adopté un amendement que j'ai présenté visant, dans une rédaction proche de celle adoptée à l'Assemblée nationale, à imposer aux établissements de santé de faire figurer obligatoirement sur leurs sites informatiques des informations sur les tarifs et honoraires des professionnels de santé qui y exercent, de manière à assurer une meilleure information des patients, sans exiger pour autant, comme le voulait le Sénat, que ces informations soient exclusivement transmises par les régimes obligatoires de base d'assurance maladie, mais tout en laissant ouverte cette possibilité. Il y a donc lieu de se féliciter de cette solution d'équilibre.
En ce qui concerne le secteur médicosocial, deux articles pouvaient soulever des difficultés : le premier était l'article 33 bis B, qui mettait en place une péréquation temporaire de la dotation versée aux départements par la CNSA – la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – au titre de la prestation de compensation du handicap : la commission mixte paritaire a estimé qu'il s'agissait là d'un cavalier social et qu'une telle disposition avait davantage sa place en loi de finances. Le second était l'article 33 sexies qui visait à prendre en compte la spécificité du secteur médicosocial pour l'application de la pénalité « emploi des seniors » : la commission mixte paritaire a estimé que le passage par la loi était inutile, le Gouvernement s'étant engagé à régler ce problème par circulaire.
Concernant la branche vieillesse, plus particulièrement la réforme de la MDA, la commission mixte paritaire a souhaité revenir à une durée de trois ans pour la période à l'issue de laquelle le choix de répartition des trimestres d'éducation doit s'exercer.
Enfin, pour la branche famille, la CMP a, au terme d'un long débat, adopté un amendement de suppression de l'article 46 bis A. En effet, tout en partageant l'intention du Sénat de développer les regroupements d'assistants maternels, il nous a semblé hasardeux d'adopter un dispositif présentant une forte insécurité juridique, auquel ni les assistants maternels ni les parents ni les élus locaux, d'ailleurs, ne pouvaient souscrire en l'absence d'expertise approfondie. Cependant, je souhaite que le Gouvernement s'engage à simplifier les règles aujourd'hui applicables aux regroupements d'assistants maternels, sans quoi ceux-ci peineront à se développer et nous serons dans l'obligation de revenir sur ce sujet l'année prochaine.
En conclusion, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 était un texte resserré par rapport à ceux des deux dernières années.
Pourtant, nous avons eu des débats plus longs et plus animés que lors des précédents PLFSS, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Je crois que c'était indispensable au regard de la situation exceptionnelle à laquelle la sécurité sociale est confrontée. Vous avez compris que ce qui est en jeu, c'est bien notre capacité à assurer son avenir.
Ces débats ont aidé le Gouvernement à vous expliquer et à vous convaincre que les grandes orientations de notre politique sont les seules qui nous permettront de sortir rapidement de la crise tout en continuant à faire évoluer en profondeur la sécurité sociale.
Mais la discussion du texte vous a également permis de l'enrichir sur de nombreux points. En effet, 174 amendements ont été adoptés.
Vous avez ajouté quarante-trois articles au texte initial du Gouvernement, qui en comportait cinquante-quatre. Le quasi-doublement du nombre des articles est le signe d'une collaboration active et fructueuse entre le Gouvernement et le Parlement.
Je reviendrai brièvement sur deux points : les grandes orientations de ce PLFSS et les améliorations que vous avez apportées au texte.
Premier point : ce projet de loi est marqué par une priorité accordée à la sortie de crise et par la poursuite de la réforme de la sécurité sociale pour préparer 1'avenir.
Donner la priorité à la sortie de crise signifie que nous évaluons chacune de nos mesures, chacune de nos décisions, en nous demandant si elles vont faciliter la reprise ou la freiner.
C'est pour cette raison que nous n'avons pas pu accepter les amendements qui proposaient d'augmenter la CRDS pour traiter, au moins en partie, la dette sociale. Augmenter la CRDS, c'était augmenter les impôts, donc prendre le risque de retarder la sortie de crise. Une telle une mesure pouvait fragiliser la sécurité sociale,….
…car ses difficultés actuelles sont intégralement liées à la récession que nous traversons.
C'est également pour tenir compte de la crise que nous n'avons pas souhaité toucher aux allégements de charges, alors que le chômage continue à augmenter. Les allégements généraux sont le principal outil pour baisser le coût du travail de la main-d'oeuvre peu qualifiée.
Nous entendons également poursuivre la réforme pour assurer la pérennité de notre système de protection sociale.
Le texte que vous vous apprêtez à voter repose sur trois orientations fortes. La première est la maîtrise des dépenses, notamment d'assurance maladie. La crise nous fait perdre le contrôle du déficit, mais nous devons garder le contrôle de la dépense pour être en mesure de redresser les comptes dès que la crise sera passée.
Vous le savez, pour la première fois depuis 1997, nous allons quasiment respecter l'ONDAM. La progression des dépenses d'assurance maladie, qui était supérieure à 5 % par an de 2000 à 2007, a ralenti pour s'établir à 3,4 % en 2009, taux proche de l'ONDAM voté. Cette évolution prouve que les outils de maîtrise des dépenses créés dans les dernières lois de financement portent leurs fruits. Je pense aux référentiels médico-économiques de la Haute autorité de santé, à la procédure de mise sous accord préalable ou encore aux contrats d'amélioration des pratiques professionnelles.
Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons choisi de poursuivre cette politique avec, compte tenu de la crise, une progression de l'ONDAM plus rigoureuse que celle de l'an dernier. Vous avez ainsi voté la création de nouveaux instruments de maîtrise des dépenses en ville comme à l'hôpital : régulation des dépenses de transports sanitaires, amélioration de la procédure de mise sous accord préalable, renforcement des procédures de contrôle des indemnités journalières. Conformément à l'annexe 9B du projet de loi, nous procéderons à l'ajustement des tarifs et des prix au plus près des progrès médicaux, des marges d'efficience et des évolutions sociales.
Afin de préserver les plus fragiles, vous avez aussi voté le remboursement à 100 % des examens de suivi des patients qui, suivant les recommandations de la Haute autorité de santé, pourront sortir du statut de l'affection de longue durée ; je pense, en particulier, aux personnes qui guérissent du cancer. En effet, notre objectif est bien de contenir l'augmentation des dépenses d'assurance maladie tout en préservant les principes fondamentaux de notre système : un taux de remboursement d'autant plus élevé que les pathologies sont graves, lourdes et coûteuses et les thérapeutiques chères, prouvées et efficaces.
Autre axe fort, ce texte préserve les recettes de la sécurité sociale avec la poursuite de la réduction des niches sociales inefficaces ou inéquitables. Nous avons souhaité, en particulier, continuer à élargir le financement de la sécurité sociale pour qu'il pèse moins sur le travail. Vous avez soutenu cette logique en votant plusieurs articles qui suppriment des niches sur certains revenus du capital comme les plus-values mobilières et les intérêts des contrats d'assurance-vie multi-supports en cas de dénouement par succession.
Nous continuons à rendre le système plus juste en intensifiant la lutte contre les fraudes, c'est une autre de nos priorités. Vous avez voté plusieurs mesures importantes pour rendre plus efficaces les sanctions applicables dans les branches famille et vieillesse et pour renforcer la lutte contre les arrêts de travail injustifiés.
Vous avez validé les grandes orientations de ce texte et l'avez aussi fortement fait évoluer à travers vos amendements. C'est sur ceux-ci que je voudrais revenir dans cette seconde partie.
Vous avez ajouté de nombreuses dispositions en matière de recettes. Vous avez notamment supprimé le droit à l'image collective des sportifs qui, suite au vote du Sénat, s'éteindra le 30 juin prochain.
Je suis très heureuse d'avoir reçu votre soutien. Cette niche sociale a coûté plus de 130 millions d'euros aux finances publiques depuis 2004 sans avoir fait la preuve de son efficacité. Il était donc temps d'y mettre fin, d'autant plus que ce dispositif était injuste puisqu'il finançait principalement les plus gros clubs. Les moyens consacrés au DIC, puisqu'il est convenu de l'appeler ainsi, pourront alors être redéployés vers des actions plus directement en rapport avec les priorités assignées au ministère de la santé et des sports, telles que l'accroissement de la pratique du sport amateur…
…et une meilleure formation des jeunes.
Vous avez également complété l'article proposé par le Gouvernement qui prévoyait le doublement du taux des contributions de l'employeur pour les retraites chapeaux, dans le but de moraliser ce dispositif.
Vous avez interdit la gestion en interne pour les nouveaux régimes, à l'initiative d'Yves Bur, votre rapporteur, dont je suis heureuse de saluer le travail (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
…et le Sénat a ajouté une contribution supplémentaire de 30 % sur les très grosses retraites.
Yves Bur a également fait voter deux amendements utiles (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) pour clarifier le régime social des bonus versés aux gestionnaires des fonds de capital risque et, dans un tout autre domaine, pour augmenter les minima de perception sur les cigarettes afin de pousser les prix à la hausse. Enfin, le Sénat, à l'initiative de Nicolas About, a ajouté une contribution sur les appels téléphoniques surtaxés dans le cadre des jeux à la télévision ou à la radio.
Dans le domaine de l'assurance maladie, vous avez contribué, avec les sénateurs, à améliorer le cadre législatif de maîtrise des dépenses à travers plusieurs amendements. Je pense, en particulier, au mécanisme de régulation des dépenses de prescriptions hospitalières exécutées en ville, à la possibilité pour un fabricant de génériques de reprendre la couleur ou la présentation d'un princeps, à la visite de prévention pour les jeunes, à l'amélioration de la gestion du Fonds de modernisation des établissements publics et privés, ou encore à la publication des tarifs des établissements de santé. Je veux, sur tous ces sujets, remercier tout spécialement votre rapporteur Jean-Pierre Door pour ses précieuses contributions.
Je remercie les rapporteurs qui sont là, monsieur Mallot ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est surtout gentil de leur part de ne pas être là, bien sûr !
Dans le domaine des retraites, les amendements de l'Assemblée ont permis, globalement, de conforter le dispositif que nous proposions en vue de la réforme des majorations de durée d'assurance, tout en traitant de façon humaine et équilibrée certaines situations : je pense essentiellement au décès des parents avant la majorité de l'enfant.
S'agissant des accidents du travail et des maladies professionnelles, vos amendements ont permis de préciser les conditions d'application du dispositif de « bonus-malus » en indiquant que la majoration de cotisation introduite par le projet de loi s'entendait au niveau de l'établissement.
Enfin, en matière de fraude, l'Assemblée a prévu de sanctionner les donneurs d'ordre complices de sous-traitants qui recourent au travail illégal en prévoyant la suppression des exonérations de charges. Le Sénat, à l'initiative du rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, a voté l'expérimentation du contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires par les caisses primaires d'assurance maladie, dans le but de soumettre tous les Français, quel que soit leur statut, à des contrôles de même intensité.
Ce texte est donc le résultat d'une parfaite collaboration entre le Gouvernement et le Parlement. Vous avez accepté ses grandes orientations, mais vous avez également pu y imprimer votre marque.
En tendance, le déficit de la sécurité sociale va se situer pour plusieurs années à un niveau élevé – autour de 30 milliards d'euros – après le "décrochage" des années 2009 et 2010. Cette situation n'est pas soutenable et, dès que la crise sera passée, nous devrons approfondir les réformes pour revenir à un niveau de déficit plus maîtrisé.
Le débat sur les solutions de l'après-crise va commencer dès le début de l'année prochaine puisque Éric Woerth s'est engagé devant le Sénat à constituer une « commission de la dette sociale » au printemps 2010. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cette commission réunira cinq députés et cinq sénateurs…
…particulièrement concernés par le sujet. Sur la base d'un rapport du Gouvernement, elle remettra ses conclusions en juin 2010 pour que ses recommandations sur le traitement de la dette sociale puissent être prises en compte dans les textes financiers pour 2011.
Éric Woerth l'a précisé, et je le répète au nom du Gouvernement, ce n'est pas une instance de réflexion, destinée à gagner un peu de temps. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement, avec cette commission, va travailler pour trouver la meilleure solution possible afin d'amortir les déficits 2009 et 2010. Comme vous pouvez le constater, nous nous reverrons très vite pour garantir ensemble la pérennité de notre système de protection sociale.
Je veux donc, de nouveau, vous remercier, mesdames, messieurs les députés, remercier les rapporteurs ici présents : Mme Vasseur, dont je salue la qualité du travail, Yves Bur et Jean-Pierre Door.
Je ne vous avais pas vue, madame Clergeau ! Excusez-moi, mais vous ne vous êtes pas assise au banc des rapporteurs !
Pourtant, la présence d'une Nantaise n'aurait pas dû m'échapper ! Je salue donc également Mme Clergeau !
Aujourd'hui, mesdames, messieurs les députés, j'espère que vous confirmerez votre soutien à la politique que nous menons en votant le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, ainsi que les six amendements que j'aurai, avec Nora Berra, l'honneur de vous présenter dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Catherine Lemorton.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je viens d'entendre Mme la ministre parler d'un texte resserré que M. Woerth a qualifié de texte de transition. Nous pensons, quant à nous, que ce projet de loi ne résout absolument rien !
C'est tout en nuance !
Dans un contexte économique et social particulièrement dégradé, l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 était attendu par toutes et tous comme un symbole important de la volonté du Gouvernement de maintenir, notamment, l'accès pour tous à des soins de qualité, tout en s'engageant sur le chemin vertueux de la maîtrise des déficits publics et de la pérennisation de notre système de solidarité.
Force est de constater que les résultats sont bien loin de ceux escomptés. Qu'il s'agisse de la gestion des déficits – pour laquelle vous avez cumulé légèreté de l'analyse et choix politiques accentuateurs d'effets négatifs – ou de la prévision des dépenses et des recettes inefficaces économiquement et injustes socialement, vous avez montré, au travers de ce projet, vos limites et vos desseins à peine cachés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Concernant les déficits, rappelons d'abord que celui du régime général s'élèvera à plus de 30 milliards d'euros en 2010,…
…contre 23,5 milliards en 2009. Si l'on ajoute à cela les déficits du Fonds de solidarité vieillesse, de l'UNEDIC, des régimes complémentaires obligatoires et les déficits hospitaliers, nous atteindrons 45 milliards d'euros en 2010. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Premier enseignement, ces déficits structurels sont la preuve de l'échec des réformes de vos prédécesseurs, MM. Douste-Blazy et Bertrand,…
…réformes censées, je vous le rappelle, ramener les comptes à l'équilibre pour l'année 2007 !
Afin d'éviter tout argument de partialité sur le sujet, je vous renverrai, mes chers collègues, au rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale qui, le 1er octobre 2009, soulignait que le régime général avait abordé la crise actuelle dans une situation de fragilité déjà structurelle.
Le second enseignement relatif à la gestion des déficits relève du caractère irréaliste des prévisions économiques proposées par le Gouvernement. Pour ramener le déficit à 29,2 milliards d'euros en 2013, vous vous basez sur une hypothèse de croissance de la masse salariale de 5 %...
…et sur une hausse du PIB de 2,5 % par an à partir de 2011. Cela ne tient absolument pas debout, madame la ministre ! Je vous rappelle qu'entre entre 2000 et 2002, période où la croissance économique était importante et la politique du Gouvernement efficace,…
… la masse salariale a augmenté de 3,7 % par an en moyenne, avec un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale de 1998 à 2001 !
En revanche, vous avez laissé filer les dépenses publiques à hauteur de 7 % !
Comment pouvez-vous faire de telles prévisions ?
Autre exemple, qui concerne l'ONDAM, l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie.
Vous prévoyez une progression de 3 % sur la période 2010-2013. Or la progression moyenne constatée entre 2005 et 2009 est de 3,7 %. Là encore, comment comprendre une telle prévision face à la réalité des faits ? D'ailleurs, même en retenant vos hypothèses, le déficit cumulé entre 2009 et 2013 atteindra la somme de 170 milliards d'euros, soit 35 milliards d'euros de plus que ce que l'État a transféré à la CADES depuis que celle-ci existe. En quatre ans, vous aurez réussi à faire pire que les gouvernements précédents.
Je prendrai un autre exemple. Pour la loi de financement de la sécurité sociale de 2009, alors que votre gouvernement tablait sur un déficit de 8,6 milliards d'euros, nous vous mettions en garde contre ce montant trop optimiste au regard de la crise financière qui s'abattait sur la France. La réalité nous a donné raison, nous en sommes à plus de 23 milliards.
Comment ne pas s'interroger sur les raisons qui peuvent pousser votre gouvernement à s'entêter à ce point ? Ne peut-on voir, derrière ce déficit structurel qu'on laisse s'installer sans rien faire depuis maintenant sept ans, la tentation que pourraient avoir certains d'entre vous de désigner le système existant comme obsolète ? Ne serait-ce pas là un bon moyen pour vous de passer d'un système de solidarité nationale à un système assurantiel privé ? L'examen de ce PLFSS n'aura pas réussi à lever ces doutes que j'exprime devant vous au nom de mon groupe.
Certains choix de gestion du Gouvernement posent, eux aussi, de véritables questions.
Il en va ainsi de la gestion de la trésorerie, qui ne semble pas assurer le financement de la sécurité sociale à court, moyen et long terme.
En relevant, au mois de juillet, le plafond de trésorerie de l'ACOSS, l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, de 18,9 à 29 milliards d'euros, par décret, vous avez osé faire ce qu'aucune collectivité, aucune entreprise responsable n'aurait osé faire. Imaginez une entreprise décidant seule l'augmentation infinie de son autorisation de découvert. Nous ne pouvons pas, chaque année, passer autant d'heures à discuter de la situation et de l'avenir de la sécurité sociale pour nous voir imposer des décisions aussi importantes, aussi graves, sans aucune concertation avec la représentation nationale.
Toujours au sujet de l'ACOSS, le montant global de ce qu'elle devra supporter s'élève à 61,5 milliards d'euros. Son autorisation de découvert serait portée à 65 milliards, soit 3,5 milliards de plus que les besoins exprimés. De là à en conclure qu'un dérapage possible des déficits serait envisagé par le Gouvernement, il n'y a qu'un pas.
Concernant la gestion de la trésorerie, je terminerai par un point qui me semble particulièrement inquiétant.
Un tel découvert va obliger l'ACOSS à porter son programme d'émission de billets de trésorerie à un niveau record. Cette action n'a pas de quoi nous rendre fiers. Faire peser une partie des dettes de notre système de solidarité sur des titres émis sur les marchés nous prouve l'incurie de ce gouvernement dans la gestion de nos comptes publics. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C'est d'ailleurs le message que porte un récent rapport de la Cour des comptes, qui s'inquiète de la gestion des découverts de la sécurité sociale.
Autre reproche, les politiques d'allégements, d'exonérations et de niches sociales pratiquées par le Gouvernement.
Nous le savons tous, le salaire n'est pas l'outil central utilisé par le Gouvernement pour revaloriser le pouvoir d'achat des salariés. L'intéressement, la participation, notamment, sont préconisés car ils sont moins coûteux pour les entreprises, mais, problème, ces économies constituent autant de manque à gagner pour la sécurité sociale, avec un effet sur l'emploi qui reste en question.
Quand on additionne le manque à gagner dû aux allégements, aux exonérations et aux niches sociales, on obtient la somme de 55,5 milliards d'euros.
À moins d'empêcher certains de nos concitoyens d'accéder au système de soins ou à une retraite décente, vous ne pourrez pas continuer à restreindre sans cesse les dépenses, sous couvert de maîtrise comptable, appelée pudiquement maîtrise médicalisée, tout en n'allant pas chercher les recettes là où elles existent.
En matière de recettes, le scepticisme est, là encore, de rigueur.
Qu'il s'agisse des 300 millions d'euros demandés aux complémentaires au titre de la grippe H1N1, du taux K à 1 %, quand les industries pharmaceutiques se portent bien dans cette période de crise, ou des 800 millions d'euros proposés au titre de la réduction de ces fameuses niches sociales, le compte n'y est pas.
En conclusion de cette première partie, nous sommes amers face à un système que l'on semble vouloir asphyxier alors que c'est encore l'un des meilleurs du monde en matière de protection sociale, puisque vous-mêmes admettez qu'il sert d'amortisseur social en période de crise.
C'est d'ailleurs cette même sensation qui prévaut lorsque l'on s'arrête à l'analyse de l'ONDAM.
La CCSS a prévu une hausse de 4,4 points de l'ONDAM pour 2010, prévision raisonnable en période de crise sociale. Le Gouvernement, lui, propose un ONDAM à 3 %, grâce aux 2,2 milliards d'euros d'économies proposés.
Ces économies, nous pouvons les résumer en un concept : diminution des remboursements, absence d'assurance du maintien de l'accès aux soins pour tous.
Diminution du régime des ALD pour certains cancers curables à 60 %. Le Gouvernement oublie manifestement que même les cancers curables sont des maladies particulièrement traumatisantes et fragilisantes, notamment pour l'octroi de prêts bancaires ou l'accès à des mutuelles ou assurances privées, ce qui peut justifier le maintien sous régime ALD. C'est au médecin traitant et à lui seul que devrait revenir le choix de maintenir ou non un patient sous un tel régime.
Diminution encore avec la mise en place d'un taux national d'évolution des dépenses de frais de transport des établissements de santé, qui permettra de « sanctionner les établissements dont la prescription dépasserait ce taux », ou l'expérimentation de nouveaux modes de gestion des transports extra-hospitaliers, avec une population vieillissante, ce dont on ne peut que se réjouir.
Le Gouvernement refuse d'assumer pleinement ses choix face à la représentation nationale en opérant par décret.
Il en va ainsi de la hausse du forfait hospitalier. Inefficace économiquement puisqu'elle ne rapportera que 160 millions d'euros, cette hausse de 2 euros par jour sera particulièrement lourde à gérer pour les ménages les plus modestes, les classes moyennes ou encore les 5 millions de Français sans complémentaire.
Je ne m'attarderai pas sur la taxation scandaleuse des indemnités journalières portée par M. Jean-François Copé et adoptée dans le projet de loi de finances.
Diminution toujours pour des médicaments au service médical rendu jugé insuffisant, dont le taux de remboursement passera de 35 % à 15 %.
Ces décisions nous apprennent beaucoup, elles aussi, sur la vision du Gouvernement.
Tout cela explique pourquoi les particuliers dépensent 40 % de plus qu'en 2001 pour se soigner et pourquoi 35 % des Français environ refusent ou retardent les soins.
Cela n'a pas l'air de vous émouvoir et on le voit bien dans votre obstination à ne pas vouloir évaluer l'impact des franchises et forfaits divers sur la difficulté qu'ont de nombreux Français à se soigner.
On a bien un glissement du financement solidaire vers un financement privé.
Autre mesure, qui, elle, ne sera pas prise par décret mais par voie conventionnelle avec les médecins, la création d'un secteur optionnel.
Avec cette mesure, le Gouvernement entend répondre à la problématique des dépassements d'honoraires et de l'élargissement de l'offre de soins à des tarifs opposables tout en instaurant un système qui ne luttera pas contre les dépassements mais risquera d'attirer les médecins du secteur 1 vers le secteur 2, sans résoudre le problème du refus de soins.
Avant de conclure, permettez-moi d'aborder un dernier point qui me semble important. Il s'agit de l'avenir des hôpitaux publics.
Au moment où le secteur privé communique dans une incroyable et inacceptable campagne, l'enveloppe de l'hôpital public se voit ponctionner, dans le PLFSS 2010, d'un montant de 150 millions d'euros, avec l'alignement des tarifs de certains séjours sur ceux des cliniques privées.
Nous nous élevons contre l'accélération masquée de la convergence tarifaire, au mépris des engagements pris par le Gouvernement.
Cette accélération aura pour conséquence d'aggraver les déficits des hôpitaux,…
…qui, eux, devront assumer le coût de la continuité de leurs missions de service public, les urgences, les actes non programmés et l'accueil des personnes en très grande précarité notamment.
Un grand nombre de cliniques privées sont aux mains d'actionnaires plus soucieux de leur porte-monnaie que de la santé publique.
Rappelons-nous, mes chers collègues, que ce dispositif a été jugé opaque et confus par la Cour des comptes dans un récent rapport.
Participer à la protection sociale en fonction de ses moyens, bénéficier de cette même protection sociale en fonction de ses besoins, tel est le principe qui présidait à notre modèle de protection, madame la ministre.
Depuis 2002, à chaque PLFSS qui passe, c'est un peu de notre protection sociale qui trépasse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le Gouvernement a déposé hier soir six amendements à ce PLFSS 2010, qui a pourtant déjà été examiné en commission mixte paritaire. Ce procédé inhabituel montre bien le peu de cas qu'il fait de la représentation nationale.
Chaque semaine qui passe voit les droits du Parlement bafoués, ceux de la gauche, dans l'opposition aujourd'hui, ou même ceux de la droite.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, et la liste n'est pas exhaustive, je demande à mes collègues, au nom du groupe SRC et de son président, Jean-Marc Ayrault, de voter cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire.
Vous ne faites pas dans la nuance, madame Lemorton ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)
Un tel discours misérabiliste (Protestations sur les bancs du groupe SRC)…
…et systématiquement critique n'apporte vraiment pas grand-chose à nos débats.
Vous prétendez que ce texte ne résout rien, je rappelle tout de même que c'est un budget de 428 milliards d'euros.
Il suffit de voir comment la politique sociale menée en France a été un élément d'amortisseur de la crise. Nous avons ajouté cette année 7 milliards d'euros au titre de nombreux projets, que ce soit le revenu de solidarité active ou des prestations supplémentaires.
Mieux vaudrait pour le pays travailler dans la nuance et dans la proposition. Sinon, ce n'est pas très intéressant.
Nous avons fait des propositions, monsieur Méhaignerie. Nous avons présenté des amendements, vous les avez refusés.
Madame la ministre, le projet de 2011 ne pourra pas être la prolongation de celui de 2010, nous l'avons déjà dit. Nous aurons à faire face à deux questions de taille : l'importance du déficit et la nécessité d'améliorer notre modèle social.
Selon le président des Semaines sociales de France, nous n'avons pas des résultats à la mesure de nos dépenses sociales. C'est un élément important sur lequel nous pouvons travailler à la commission des affaires sociales, en recherchant si possible des vérités, et en regardant ce que font nos partenaires européens.
Prétendre que la part de la contribution des Français dans les dépenses de santé est en augmentation de 40 % ou 50 %,…
…cela me paraît totalement contraire à l'exigence de lucidité dans la mesure où 97 % des dépenses hospitalières sont prises en charge par la sécurité sociale et où plusieurs millions de personnes sont remboursées à 100 % au titre des ALD.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons que refuser cette critique systématique et appeler, pour les mois prochains, à une réflexion un peu plus sérieuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe UMP.
Ce texte, nous l'avons déjà dit, est présenté dans un contexte de crise, qui rend nécessaire de protéger l'ensemble des acteurs de notre système de santé. Les opérations qui nous sont proposées rentrent dans le cadre de la pérennisation de ce système. Ce qui nous est proposé est juste socialement et équilibré, les efforts sont partagés entre tous, avec une stabilisation de la masse salariale et du déficit, l'ONDAM ayant été respecté cette année par les professionnels de santé.
Grâce à un ONDAM à 3 %, il n'y aura pas de rationnement des soins et nous pourrons conserver ce qui est l'un des meilleurs systèmes de santé du monde, comme le soulignait Mme Lemorton.
Le fait que notre sécurité sociale soit un amortisseur social est pour nous un facteur de fierté.
C'est pourquoi ce PLFSS vous propose d'accentuer la lutte contre la fraude (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), d'élargir le financement de la protection sociale (Mêmes mouvements), de faire disparaître plusieurs niches sociales. Il vous propose également une convergence raisonnée des tarifs entre les établissements publics et privés, une incitation à la prévention des risques professionnels, et je n'oublierai pas, contrairement à certains, l'élément majeur qu'est la sauvegarde des droits à la retraite des mères de famille.
Mes chers collègues, nous devons protéger nos concitoyens et, ainsi que l'a souligné le président Méhaignerie, il faudra anticiper en 2010 les mesures structurelles qui devront être prises lorsque les effets de la crise ne mettront plus nos concitoyens en situation de fragilité.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je n'ai rien à ajouter à la démonstration qu'a faite Mme Lemorton au nom du groupe SRC. Je souhaite simplement indiquer que son cri d'alarme sur l'état de la trésorerie de l'ACOSS en 2010 n'est pas uniquement celui de la représentante de l'opposition, mais aussi celui du conseil d'administration de l'ACOSS lui-même, qui a souhaité à l'unanimité qu'une solution pérenne soit trouvée pour la gestion des déficits cumulés et qui a exigé des réponses structurelles d'ici à 2011 au plus tard.
Madame la ministre, vous nous avez indiqué que, lorsque la crise serait passée, des réformes devraient être envisagées. Mais c'est dès cette année qu'il fallait prévoir ces réformes,…
…au lieu de renvoyer la réflexion à une commission, comme vous l'avez fait au Sénat. Cette réflexion traverse depuis des années non seulement les rangs de l'opposition mais aussi ceux de la majorité, les propositions émanant de cette dernière ayant été nombreuses, telle celle de la commission des finances sur la base de l'amendement de Mme Montchamp, visant à traiter dès maintenant la question de l'accumulation et de l'emballement de la dette.
M. le président Méhaignerie a dit, avec beaucoup de solennité, que vous aviez augmenté les stabilisateurs de la crise, c'est-à-dire un certain nombre de prestations. Il n'empêche qu'aujourd'hui nous reviennent de partout les signes de difficultés d'accès aux soins toujours plus grandes. Cela nous revient non seulement d'associations caritatives aussi diverses que le Secours populaire ou le Secours catholique, mais aussi, désormais, de certains administrateurs de mutuelles ou d'organismes complémentaires, qui nous signalent que certaines personnes envisagent de renoncer à leur affiliation, en raison de l'augmentation des coûts de l'assurance complémentaire.
Enfin, si le cabinet Jalma vient de publier le chiffre d'une augmentation de 50 % à 60 % du coût de la santé,…
…je vous renverrai quant à moi tout simplement, monsieur le rapporteur, à la publication des comptes nationaux de la santé en 2008 par la DRESS du ministère de la santé, qui a évalué qu'entre 2005 et 2008, les sommes annuelles dépensées par les ménages ont augmenté de 3,4 milliards d'euros. Ce sont les chiffres bien réels de la comptabilité nationale.
Nous exprimons notre inquiétude devant le report, d'année en année, des réformes structurelles, notamment face à la crise de financement structurelle que connaît aujourd'hui notre système de protection sociale et l'assurance maladie, report qui prépare une remise en question de notre système, malgré vos dénégations, madame la ministre. Nous sommes inquiets pour l'avenir. Nous voterons donc la motion présentée par Mme Lemorton. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je partage les préoccupations qu'a exprimées très sévèrement, certes, mais aussi de manière très réaliste Mme Lemorton. Je regrette que M. Méhaignerie et Mme la ministre n'entendent pas le grand nombre de propositions que, les uns et les autres, nous avons formulées dans tous les domaines, y compris en matière de financement. Des propositions qui ne sont pas à prendre ou à laisser mais peuvent être débattues, et dont certaines sont utiles. Mais ils n'ont rien voulu entendre.
Ce texte ne formule aucune proposition nouvelle et sérieuse pour un financement pérenne de notre protection sociale, ce qui, de fait, remet en cause à terme le système solidaire.
On hésite, pour qualifier vos prévisions pour 2010, entre « irresponsables » ou « fantaisistes », à voir, par exemple, la masse salariale, le niveau de déficit structurel – certes, vous parlez de la crise, madame la ministre, mais le déficit ne date pas d'hier ; nous vous avions déjà alertée l'an passé –, ou encore la façon de traiter le déficit. Je n'y insiste pas : plusieurs d'entre nous ont indiqué que les conditions de ce traitement étaient absolument inacceptables, conduisant notamment à faire appel aux marchés financiers, avec tout ce que cela comporte de risque et d'incertitude.
Dans le même temps, vous n'oubliez pas de peser sur les patients, qu'il s'agisse de la remise en cause des retraites des femmes ou de l'addition des forfaits, des déremboursements, des dépassements d'honoraires ou du coût des complémentaires, qui annoncent une augmentation de leurs tarifs parce qu'elles ne peuvent plus faire face.
Vous reprochez à Mme Lemorton de ne pas faire dans la nuance, mais Le Figaro de ce jour publie un article intitulé « Le budget de la santé des ménages explose depuis 2001 », qui évoque une « hausse des coûts de la santé de 40 % à 50 % en moyenne » posant des problèmes de plus en plus difficiles, notamment « pour les jeunes et les seniors ».
Vous avez beau reprocher au propos de Mme Lemorton un défaut de nuance, le fait est, plutôt, que vous ne voulez pas voir la réalité en face, à moins que nous ne fréquentions pas les mêmes milieux. Mais il y a les chiffres, et il faut en tenir compte.
À tout cela s'ajoutent – et ce sera mon dernier mot – les fermetures de lits de proximité et les suppressions d'effectifs à l'AP-HP, y compris de personnels médicaux, ce qui est incompréhensible et irresponsable, particulièrement dans cette période d'épidémie.
Pour toutes ces raisons, et d'autres encore que je n'ai pas citées, nous soutiendrons la motion que vient de présenter Mme Lemorton. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Catherine Lemorton vient de défendre une motion de rejet préalable à l'occasion de la discussion du texte issu de la commission mixte paritaire. Cette motion a quelque chose d'un peu surréaliste. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale prévoit le financement des dépenses des régimes de base obligatoires pour la santé, la famille, les retraites, pour un montant de 453 milliards, et je crois que les Français l'attendent. Que se passerait-il si, par hasard, cette motion était votée ? Comment seraient financées la santé, la famille et les retraites en 2010 ? Je ne suis pas certain que les Français se satisfassent d'une telle possibilité.
Cela dit, le texte est-il parfait ? Certainement non. Nous en avons longuement débattu. Nous avons cette année un problème, dû notamment à la crise et à la chute des recettes. Le financement du déficit est loin d'être réglé. La proposition du Gouvernement tendant à ce que l'ACOSS emprunte 65 milliards d'euros n'est pas raisonnable, et nous l'avons, au Nouveau Centre, critiquée, en proposant plutôt d'augmenter la CRDS de 0,2 %, ce qui nous paraissait la mesure la plus raisonnable puisqu'elle permettrait de financer le déficit tout en étant peu visible sur la feuille de paye.
Je ne comprends pas que l'on réponde qu'une telle mesure affecterait le pouvoir d'achat, alors même que sont prévus des déremboursements de médicaments, l'augmentation du forfait journalier, la taxation des indemnités journalières des accidentés du travail, toutes dispositions qui touchent les patients et affecteront le pouvoir d'achat.
Par ailleurs, de nombreux problèmes nous concernant tous ne sont pas résolus, tels que la démographie des professions de santé ou les dépassements d'honoraires, qu'il faudra revoir. Le Gouvernement nous propose une réforme des retraites en 2010 qui permettra de régler une partie des problèmes, car le déficit est dû aux retraites pour presque moitié. Il propose également une réforme du financement du déficit puisqu'une commission de cinq députés et cinq sénateurs résoudra les problèmes ; nous connaissons tous les données, et les solutions ne sont pas extrêmement compliquées si nous voulons bien nous atteler à la tâche.
Reste un problème, cependant, concernant le rapport entre l'exécutif et le législatif. La CMP a abouti à un accord. Il est de règle, habituellement, que le Gouvernement accepte cet accord. Or, madame la ministre, vous avez déposé six amendements, dont quatre le modifient substantiellement. Je considère qu'il s'agit d'un véritable problème, qu'il faudra évoquer.
Malgré tout, le groupe du Nouveau Centre ne votera pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Malgré tout !
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a permis des discussions nombreuses et des échanges fournis, qui ont rendu possible la prise en considération de mesures importantes. Je souhaite insister sur quelques points dont nous avons eu à débattre en commission mixte paritaire.
Il s'agit, en premier lieu, de la responsabilité civile professionnelle de certaines spécialités médicales, long débat sur ce qui est depuis plusieurs années un réel problème, malgré les efforts du Gouvernement et des assureurs pour le régler depuis longtemps déjà.
La commission mixte paritaire a accepté un amendement du sénateur Vasselle permettant d'étendre la substitution de l'ONIAM au profit des professionnels de santé condamnés alors que leur couverture d'assurance a expiré, et ce pour l'ensemble des médecins libéraux. C'est une mesure que nous considérons utile mais encore insuffisante, ne serait-ce que parce que l'action récursive existe encore.
Pour sauvegarder ces professions, de nouvelles interventions seront nécessaires, mais elles devront peut-être, madame la ministre, être davantage centrées sur les professions particulièrement concernées,…
…notamment les gynécologues obstétriciens, les anesthésistes réanimateurs ou encore les chirurgiens.
En ce qui concerne le report de la convergence à 2018, le terme proposé permettra de mener à bien les études nécessaires. Il permettra surtout que le résultat puisse faire l'objet d'une intégration pertinente et exhaustive. Enfin, les efforts seront ainsi supportables sur le plan financier, organisationnel et social pour les établissements de santé concernés. Nous veillerons tout particulièrement au respect des étapes proposées dans ce cadre ; nous serons très vigilants sur l'évolution de cette convergence, sans oublier toutefois que convergence ne signifie pas obligatoirement tarification identique.
Par ailleurs, les dépenses liées à la grippe A ont été réintégrées dans l'ONDAM dans le cadre de la commission mixte paritaire, ce qui, à notre avis, risque fortement de provoquer un dépassement de cet objectif. Le risque est alors de voir disparaître l'ONDAM en tant que régulateur des dépenses de soins, alors que les dépenses induites par une possible situation pandémique ne peuvent être régulées. Par ailleurs, le dépassement de l'ONDAM dans ce cadre pourrait imposer la mise en oeuvre de mesures de redressement, alors même que les professionnels de santé ont, cette année encore, parfaitement respecté l'ONDAM qui leur était fixé.
Enfin, la possibilité pour un assistant maternel de déléguer l'accueil à un autre assistant a été rejetée par la commission mixte paritaire. Ce dossier nécessite une expertise approfondie, et nous veillerons à la simplification des règles applicables, faute de quoi le dispositif de regroupement des assistants maternels risquerait d'être totalement inefficace.
En conclusion, les évolutions proposées dans le cadre de cette commission mixte paritaire vont globalement dans le bon sens, même si certains points auraient pu être, à notre avis, améliorés. C'est pourquoi, madame la ministre, je serai particulièrement attentif aux amendements proposés par le Gouvernement. Si je suis fortement réticent à des amendements arrivant après une commission mixte, je crois cependant que l'importance des sujets concernés justifie aujourd'hui cette procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà au bout de l'examen du PLFSS 2010. En commission, en séance, en CMP il y a quelques jours, et à nouveau aujourd'hui, nous faisons le même constat alarmant : notre système de protection sociale est au plus mal,…
…pas réellement encore dans son fonctionnement quotidien, mais du fait qu'il fonctionne à crédit. Nous n'avons cessé de vous répéter, madame la ministre, qu'il n'est pas possible de rester sans réaction face à cette crise majeure de la sécurité sociale, et, encore une fois, vous n'avez rien entendu, vous contentant de répéter à l'envi que les socialistes n'ont pas de solution. Cela a été votre discours permanent pendant ces quelques semaines.
Pas du tout !
Regardons tout d'abord les chiffres. Ils sont effrayants : 30 milliards de déficit prévisionnel à la fin de 2010, et des perspectives noires pour les années suivantes. Vous écrivez vous-même, dans l'annexe B, que même avec une reprise de croissance augmentant le PIB de 2,5 % et la masse salariale de 5 % – du jamais vu !–, on resterait, à la fin de 2013, avec un déficit comparable.
En attendant, vous bricolez pour faire endosser les déficits à la banque de la sécurité sociale, l'ACOSS, dont ce n'est pas la vocation et qui n'est pas calibrée pour cela : elle doit trouver sur les marchés financiers 65 milliards pour financer les découverts autorisés. Un tel montage donne le vertige. Votre choix est clair : laisser filer les déficits à travers un PLFSS que vous qualifiez vous-même de PLFSS de transition, comme l'était le précédent et comme risque de l'être le suivant.
Pourtant, à y regarder de près, votre texte comprend quelques mesurettes.
Certaines vont dans le bon sens, mais sont d'une timidité affligeante. Ainsi, vous doublez le taux de taxation sur les retraites chapeau, vous imposez des plus-values mobilières dès le premier euro, vous supprimez l'exonération des intérêts des contrats d'assurance-vie, vous portez à 4 % – cela est encore bien faible ! – le forfait social applicable à la participation et à l'intéressement. Mais tout cela ne produira que 800 millions d'euros, une somme sans aucun rapport avec l'ampleur du déficit annoncé.
Quant aux mesures de renforcement de la lutte contre la fraude, elles sont certes nécessaires et légitimes, mais ne produiront que peu de résultat comptable.
D'autres vont carrément dans le mauvais sens car, une fois de plus, vous vous en prenez aux malades : les mesures concernant l'ALD et les transports sanitaires sont très contestables ; quant à la hausse du forfait hospitalier de 16 à 18 euros et la baisse du taux de remboursement à 15 % pour une nouvelle liste de médicaments, elles sont décidées par décret, hors PLFSS.
Madame la ministre, il eût fallu dès 2010 mettre en oeuvre des remèdes plus consistants pour sortir de cette impasse gravissime.
Nous avons proposé une panoplie de solutions : vous les avez toutes rejetées d'un revers de main ! On aurait pu, par exemple, augmenter la CRDS de 0,15 %. Cette proposition modeste n'était pas la nôtre puisqu'elle émanait des sénateurs UMP. Elle a tout de même été rejetée, contre la promesse d'une commission qui va réfléchir à la sortie de crise – vous venez de l'évoquer.
Il y a aussi des questions à se poser sur les recettes qui nous échappent : les allégements, exonérations et niches sociales portent une atteinte grave aux finances de la sécurité sociale. Les pertes de recettes sur les revenus d'activité coûtent 55 milliards d'euros. Cela mérite tout de même que l'on y regarde à deux fois avant de prolonger de tels dispositifs ! Les allégements généraux sur les bas salaires ne profitent pas à la compétitivité de l'économie française. Souvent simple effet d'aubaine pour les employeurs, ils constituent à coup sûr une trappe à bas salaires. Quant à leur efficacité en termes d'emplois sauvés, la fourchette est tellement large – de 300 000 à 1,5 million d'emplois –, que même la Cour des comptes se montre très critique sur ce point. Pour trouver des recettes, on pouvait aussi ne pas exonérer les heures supplémentaires en modifiant l'application de la loi TEPA, et taxer plus lourdement les stock-options, les bonus et les retraites chapeau – ce qui aurait eu pour effet de moraliser les pratiques actuelles.
On le voit : des solutions existent. Mais vous avez choisi l'absence de solution. Vous prenez ainsi un grand risque : celui de casser l'ensemble du système. Car en fait, que va-t-il se passer très bientôt ? Vous n'aurez d'autre choix que de nous expliquer qu'il faut faire des coupes claires dans les différentes branches, maladie et vieillesse en particulier. Mais faute de protection solidaire suffisante, ce sera le recours à l'assuranciel, et donc à la privation partielle de la sécu !
C'est ce qui nous attend. Et nous n'en voulons pas. C'est pourquoi nous contestons votre PLFSS pour 2010, qui ne tranche sur rien et se contente de subir la crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de la situation budgétaire de la sécurité sociale et de l'indigence des mesures contenues dans ce PLFSS pour y remédier, la bonne nouvelle vient du projet de loi de finances rectifié pour 2009, qui prévoit un remboursement de 2 milliards d'euros de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, même si, bien sûr, c'est très en deçà de ce que nous sommes en droit d'attendre.
L'ensemble des mesures contenues dans ce PLFSS est à la fois insuffisant et injuste.
Si nous nous réjouissons que l'exonération de charges sociales dont bénéficient les retraites chapeau soit désormais plafonnée pour les rentes supérieures à huit fois le plafond de la sécurité sociale, nous regrettons qu'un dispositif bien plus équitable de taxation au premier euro n'ait pas été retenu. Certes, vous avez maintenu la suppression du droit à l'image collective des sportifs professionnels en aménageant son application et introduit la mise à contribution des appels téléphoniques surtaxés dans le cadre des jeux télévisés. Mais au-delà de ces quelques mesurettes, vous ne vous attaquez toujours pas frontalement aux niches fiscales et sociales, dont le produit se chiffre, vous le savez, en dizaines de milliards d'euros. Vous refusez obstinément de mobiliser de nouvelles recettes,…
…mettant ainsi en péril l'ensemble de notre système solidaire de protection sociale. Pire, vous invitez l'ACOSS à emprunter 35 milliards d'euros sur les marchés financiers alors qu'il suffirait de supprimer une partie des exonérations de cotisations sociales patronales, comme nous vous le proposions – car nous faisons des propositions –, pour récupérer plus de 20 milliards d'euros.
Mais vous préférez porter atteinte aux droits de nos concitoyens.
En premier lieu, c'est la scandaleuse remise en cause de la majoration de durée d'assurance accordée aux femmes pour le calcul de leur retraite. Je rappelle que les pensions de retraite des femmes sont en moyenne inférieures de 38 % à celles des hommes en raison des discriminations multiples dont elles sont victimes sur le marché du travail, en termes de traitement salarial comme de déroulement de carrière.
En deuxième lieu, vous augmentez le forfait hospitalier et décidez de nouveaux déremboursements de médicaments.
De plus, comme l'an passé, la nouvelle mise à contribution des complémentaires ne manquera pas de se répercuter sur les cotisations de leurs assurés. D'ailleurs, elles l'annoncent déjà.
Je rappelle aussi que vous avez intégré au forceps dans le projet de loi de finances la fiscalisation des indemnités journalières d'accidents du travail.
Nous sommes profondément choqués de votre politique à géométrie variable, car non seulement aucune mesure sérieuse n'est proposée en matière de recettes, mais vous n'avez pas les mêmes exigences à l'égard du secteur économique privé et des plus aisés qu'à l'égard des assurés sociaux, dont le reste à charge ne cesse d'augmenter au point qu'ils sont de plus en plus nombreux à renoncer aux soins.
Une telle politique va de pair avec l'organisation de l'offre hospitalière que vous préconisez. Certes, vous avez accepté de reporter la convergence tarifaire et permis à la Cour des comptes, comme les députés du groupe GDR le demandaient, de contrôler les établissements de santé privés et les organismes médicosociaux. Mais au moment où les qualifications et le savoir-faire des personnels des hôpitaux publics sont indispensables pour permettre à tous d'être soignés, notamment en cette période d'épidémie de grippe A H1N1, l'assistance publique des hôpitaux de Paris, asphyxiée financièrement, s'apprête à supprimer plus de 1 000 postes, dont 150 postes de médecins ! C'est une véritable aberration, comme d'ailleurs la fermeture du service de réanimation médicale de l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne, qui accueillait 8 000 patients par an et affichait un taux d'occupation de 95 % : cette fermeture supprime des lits et conduit au regroupement dangereux, dans un même service, de patients fragiles sortant du bloc opératoire et de patients souffrant d'affections diverses, notamment respiratoires aiguës, éventuellement porteurs d'agents infectieux.
Plusieurs domaines d'intervention financés par l'assurance maladie sont sinistrés ; les crédits pour les bonnes pratiques – réseaux de santé, maisons de santé, égalité territoriale d'accès aux soins – sont en baisse. De plus, vous poursuivez la réduction de l'offre de soins de proximité en l'opposant aux pôles d'excellence, au mépris des besoins de nos concitoyens.
Vraiment n'importe quoi.
Or il n'y a pas lieu d'opposer pôles d'excellence et hôpitaux de proximité : il faut tenir tous les bouts de la chaîne et travailler à tous les étages pour répondre à tous les besoins de toute la population.
Le PLFSS pour 2010 montre, une fois de plus, votre incapacité à proposer une politique publique de santé accessible et de qualité pour tous. Pour ces raisons, nous ne voterons pas le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme des débats puisqu'un accord a été obtenu en CMP. Le Gouvernement va nous proposer d'adopter six amendements, mais j'espère qu'il respectera cet accord. Nous allons donc nous prononcer dans quelques instants sur cette loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit la somme considérable de 453 milliards d'euros pour financer les retraites du régime général, la politique familiale et les dépenses de santé remboursées par l'assurance maladie. Le texte a été peu modifié par le Sénat, d'où l'accord intervenu en CMP.
Cependant, le projet de loi laisse de côté le financement du déficit, ce qui n'est guère responsable. En effet, si en 2009, les dépenses ont été à peu près tenues, notamment au niveau de l'ONDAM – malgré quelques dérapages, concernant en particulier les indemnités journalières et les transports sanitaires –, le déficit provient d'un effondrement des recettes, conséquence de la grave crise économique et financière. En y incluant, ce qui est logique, le FSV, il atteindra la somme record pour 2009 et 2010 de 62 milliards d'euros. Or vous ne proposez pas de le financer, mais d'autoriser l'ACOSS à emprunter 65 milliards. Cette mesure, pour le Nouveau Centre, est totalement déraisonnable. Nous sommes tous d'accord, semble-t-il, pour dire qu'il n'est pas acceptable de transférer à nos enfants, voire à nos petits-enfants, le financement de nos déficits ; chaque génération doit financer ses propres dépenses. C'est pourquoi, au nom du Nouveau Centre, j'ai proposé de transférer à la CADES, dont c'est la vocation, le déficit, et d'augmenter la CRDS de 0,2 %. Vous avez refusé obstinément cette proposition et avez amené, au Sénat, Alain Vasselle à retirer l'amendement qu'il avait fait voter par la commission. Cette augmentation modeste ne grèverait pourtant guère le pouvoir d'achat, serait à peine visible sur la feuille de paye, permettrait de financer le déficit et pourrait être comprise par nos concitoyens.
Vous ne voulez pas, dans cette période de crise, empêcher le redémarrage de l'économie en pesant sur le pouvoir d'achat. Mais alors il faut poursuivre votre logique jusqu'au bout et renoncer aux nouvelles taxes et impôts, à l'augmentation du forfait journalier, au déremboursement des médicaments, à la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail, toutes mesures qui pèseront, bien entendu, sur le pouvoir d'achat, notamment sur celui des malades
Vous reportez le financement du déficit à l'année prochaine, mais la situation sera, bien sûr, encore plus difficile.
Au Sénat, vous vous êtes engagée, madame la ministre, à créer une commission restreinte de cinq députés et de cinq sénateurs pour étudier la situation du déficit et faire des propositions. Mais la situation nous est déjà connue, de même que la solution rationnelle. Si nous voulons éviter de refaire les tuyauteries complexes que nous avons connues par le passé, il faut se rappeler que la CADES existe et qu'elle peut reprendre le déficit financé par la CRDS.
Par ailleurs, il convient d'aboutir à l'équilibre des comptes. Les prévisions pour 2012, malgré une augmentation importante de la masse salariale de 5 % – que nous souhaitons tous bien entendu – demeurent inquiétantes, avec un déficit annuel de l'ordre de 30 milliards. Nous devons donc trouver de nouvelles recettes et veiller à la maîtrise des dépenses.
Cette année notamment, quelques recettes supplémentaires sont prévues : taxation, d'ailleurs insuffisante, des retraites chapeau, des appels téléphoniques surtaxés et du droit à l'image des sportifs. Mais le Nouveau Centre souhaite une remise à plat des niches sociales et fiscales en ne gardant que celles qui auront prouvé leur efficacité en termes d'emploi.
Pour les dépenses, la réforme des retraites, prévue en 2010, sera une occasion à saisir. Je rappelle que nous plaidons pour un régime universel géré par les partenaires sociaux, à points, avec mise en extinction des régimes spéciaux et la nécessité d'avancer dans les deux domaines majeurs que sont la pénibilité au travail et l'employabilité des seniors. Un régime par points donne à chacun la liberté de choix du départ à la retraite, et en adaptant les valeurs d'achat et de liquidation du point, permet l'équilibre financier du régime.
Pour la santé, des gains importants sont à espérer si l'on veille à l'efficience de l'hôpital certes, mais aussi de l'ensemble du système de santé. Qualité des soins et efficience peuvent et même doivent aller de pair si les bonnes pratiques et les référentiels médicaux sont définis, mis en oeuvre et évalués.
Nous avons, nous le savons tous, des marges de manoeuvre considérables. L'ONDAM demeure fixé à 162,4 milliards d'euros, en augmentation de 3 %, mais seulement de 2,8 % pour la médecine de ville et les établissements.
Dans un contexte économique de crise, cette augmentation est importante, mais le respect de cet objectif demandera des efforts de tous.
Je regrette qu'après la création des ARS, nous votions toujours des sous-objectifs nationaux pour la ville, les établissements, le médicament et le médicosocial. Il serait logique que chaque ARS reçoive une enveloppe régionale, un ORDAM calculé sur des critères objectifs.
Je regrette que nous n'ayons pas réglé le problème, ô combien sensible et épineux, des dépassements d'honoraires. Un protocole d'accord concernant le secteur optionnel réservé aux spécialités à plateau technique a été signé. Ce n'est pas la panacée : il ne concerne pas les spécialités cliniques pourtant les moins bien rémunérées ; en raison des incertitudes pesant sur les négociations conventionnelles, sa mise en oeuvre est très incertaine.
Vous n'avez pas accepté de sortir les ALD des franchises médicales. Vous avez refusé l'indexation, pourtant logique, du forfait journalier sur l'inflation. Je demeure dubitatif sur la sortie des cancers dits guéris des ALD, alors que la prise en charge à 100 % des examens de suivi est maintenue.
La CMP a réintroduit les dépenses liées à la grippe H1N1 dans l'ONDAM. Comment auraient-elles pu être comptabilisées séparément ? Si elles devaient provoquer l'alerte, il serait toujours possible d'évoquer ces dépenses exceptionnelles, ou mieux encore de voter une loi rectificative.
Enfin, après le Sénat, la CMP a tenté de résoudre le problème de l'assurance professionnelle des obstétriciens, mais aussi de l'ensemble des professionnels de santé.
La judiciarisation de la santé est un problème majeur. Les sommes accordées par le juge pour un accident survenu à la naissance pourraient être considérables. Les assurances ne veulent pas s'engager au-delà d'un certain plafond d'indemnités, et surtout d'une limite de validité de l'assurance fixée à dix ans, alors que le médecin ou ses descendants peuvent être mis en cause au-delà de cette durée.
Le relèvement du plancher semble être d'ordre réglementaire et serait porté à six millions. L'ONIAM prendrait en charge l'indemnisation lorsque le délai de validité serait dépassé. Restent deux problèmes : celui du plafond à négocier avec les assureurs, et celui des actions récursoires éventuelles.
Beaucoup d'autres sujets ont été traités dans ce projet de loi, notamment celui de la majoration de la durée d'assurance pour la retraite. La solution est satisfaisante, bien que vous sembliez vouloir revenir à quatre ans, ce qui paraît bien long.
Pour conclure, je dirai que cette loi de financement présentée dans un contexte économique difficile comporte peu de nouveautés.
Le Nouveau Centre a tenté d'améliorer le texte sans être entendu, puisqu'aucun de ses amendements n'a été repris. La coproduction législative entre le Gouvernement et le Nouveau Centre conserve donc d'énormes marges de progression, ce qui est intéressant pour l'avenir.
Sa caractéristique majeure est l'absence de financement du déficit. Vous nous avez demandé d'attendre l'année prochaine, et prévu la création d'une commission composée de cinq députés et de cinq sénateurs. Nous en attendons bien entendu des solutions, tout en sachant qu'elles ne seront pas miraculeuses.
Comme nous sommes optimistes et que, naïvement, nous croyons encore aux promesses, le Nouveau Centre votera malgré tout pour cette loi de financement de la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, vous nous avez présenté un PLFSS « amortisseur de crise » : vous avez choisi de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires – ce qui aurait retardé le retour de la croissance –, et de ne pas diminuer les prestations versées aux Français – ce qui aurait pesé sur leur pouvoir d'achat.
Le PLFSS, que nous allons sûrement adopter dans quelques instants, va dans le bon sens en matière de maîtrise des dépenses d'assurance maladie et de lutte contre la fraude, grâce à des mesures simples et efficaces qui, à mon avis, restent toutefois insuffisantes.
Cependant, des problèmes demeurent qui touchent notamment les classes moyennes, victimes de la crise et du déficit de la sécurité sociale : augmentation du forfait hospitalier ; remise en cause de l'exonération de prélèvements sociaux dont bénéficiaient jusqu'à présent certains contrats d'assurance-vie en cas de décès du bénéficiaire ; doublement du forfait social portant sur les sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation, ce qui réduit le pouvoir d'achat des salariés.
Parmi les sujets de débat, je citerai aussi la modification du dispositif d'exonérations de charges sociales pour les clubs sportifs professionnels, le fameux DIC dont vous avez parlé il y a quelques minutes, madame la ministre. Il faudra en mesurer les effets sur le sport français de haut niveau et sur la santé financière des clubs professionnels. Cette modification constitue, que l'on le veuille ou non, une remise en cause de la parole de l'État et des engagements pris puisqu'il s'agissait d'un texte de loi assez récent dont on ne mesurait pas vraiment les effets. C'est assez dommage.
Autre sujet d'insatisfaction : le report de la convergence à 2018, malgré un amendement intéressant voté au Sénat tendant à avancer la date à 2014. Chacun sait que la convergence est une source d'économies très importante pour notre système de santé. Malheureusement, elle est encore reportée, même si je note que 150 contrats de performance vont être signés, afin d'améliorer la situation d'hôpitaux largement déficitaires.
Le Sénat a adopté à l'unanimité deux excellents amendements : l'un instaure la comparabilité et la transparence des tarifs d'hébergement des maisons de retraite ; l'autre met en place un coefficient correcteur en faveur de certains établissements sanitaires privés non lucratifs, afin de tenir compte des écarts de charges financières résultant d'obligations particulières fiscales et sociales.
Dans sa grande sagesse, la CMP avait choisi de maintenir le vote du Sénat. Madame la ministre, vous avez décidé de déposer aujourd'hui un amendement de suppression du coefficient correcteur, revenant donc sur le vote de la CMP. Pourtant, ce différentiel de charges, qui désavantage objectivement les établissements de santé privés non lucratifs,…
Mais non !
…n'est pas nouveau. Trois études – dont l'une de l'inspection générale des affaires sociales date de 2007 – ont évalué les écarts de charges salariales et fiscales à 4,05 %, pour un même service médical rendu.
Comme vos prédécesseurs Philippe Bas et Xavier Bertrand – qui avait pris des engagements –, vous avez demandé à la MECSS du Sénat d'étudier ce sujet. L'IGAS a répondu à votre question et, pourtant, vous avez déposé un amendement de suppression. En 2008, la MECSS avait examiné ce point dans son rapport sur le coût de l'hôpital, et le sénateur Alain Vasselle s'était largement exprimé.
Ce compromis voté en CMP était donc l'aboutissement d'engagements pris par différents ministres. Il me semble essentiel de ne pas revenir sur ce vote pour maintenir une offre de santé privée à but non lucratif dans notre pays, sans mettre en jeu leur santé financière ainsi que l'emploi des professionnels de santé salariés de ces établissements. Quelque 105 000 salariés sont concernés par ces différentes mesures.
C'est pourquoi je souhaitais le retrait de cet amendement gouvernemental. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, au terme de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nos inquiétudes n'ont malheureusement pas été dissipées. La branche famille reste le parent pauvre de ce PLFSS…
…et vous ne l'avez même pas évoquée dans votre présentation, madame la ministre.
Rien n'a été mis en place pour favoriser les publics en difficulté et corriger certaines incohérences de nos prestations familiales, afin d'améliorer la conciliation des vies familiales et professionnelles. C'est une occasion manquée.
S'agissant de la petite enfance et des modes de garde, au-delà des promesses formulées, rien de concret ne vient démontrer une capacité à réaliser les objectifs.
Je tiens à souligner qu'en CMP nous avons dû batailler ferme contre une tentative de libéralisation du cadre de travail des assistants maternels. En effet, le Sénat voulait ouvrir la possibilité d'une délégation de garde pour les regroupements, et il voulait supprimer la convention signée entre les assistants maternels, le conseil général et la CAF, créant ainsi une insécurité juridique. Ces propositions ont inquiété tous les professionnels et – heureusement – les parlementaires.
Cette victoire démontre, s'il en était besoin, la nécessaire vigilance face aux tentatives de privatisation ou de déréglementation d'un secteur qui devrait relever d'un grand service public de la petite enfance, que j'appelle de mes voeux.
Je regrette également que le Gouvernement n'ait pas voulu me suivre sur la transformation du congé paternité en congé d'accueil du jeune enfant, ouvert aux couples de même sexe. Notre société évolue. Nous avions l'occasion d'avancer sur ce sujet, mais vous ne l'avez pas voulu, vous obstinant à nier une réalité. Là encore, c'est une occasion manquée.
Enfin, concernant la branche famille, je n'ai toujours pas obtenu de réponse sur la protection de l'enfance et la création d'un Fonds national de financement de la protection de l'enfance, destiné à compenser les charges résultant, pour les départements, de la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007.
La CNAF avait provisionné 30 millions d'euros pour le financement de ce fonds en 2007, puis en 2008. Actuellement, nous ne savons toujours pas ce qu'il en est. J'espère, madame la ministre, que l'État tiendra parole et que vous pourrez enfin nous apporter une réponse. Je rappelle quand même que cela concerne 300 000 enfants en France.
Revenons sur la décision du Gouvernement et de sa majorité d'amputer une partie de la retraite des femmes.
Il faut dire les choses clairement : au prétexte d'un arrêt de la Cour de cassation de février dernier, vous modifiez les majorations de durée d'assurance des femmes. Ces nouvelles dispositions vont aboutir à réduire de moitié un avantage acquis depuis 1975…
C'est la vérité, monsieur le président ! Nous parlons de la majoration de huit trimestres d'assurance par enfant dont bénéficient les femmes.
Je tiens à rappeler que ce qui justifie l'existence des MDA est avant tout d'ordre social.
Au moment du calcul de leur retraite, les femmes qui ont eu des enfants se retrouvent avec des durées d'assurance beaucoup plus courtes que les hommes, et un salaire annuel moyen – base de calcul de la pension –, très inférieur à celui des hommes.
Mais non, madame ! Vous ne pouvez pas dire que la retraite sera divisée par deux !
Vous ne tenez pas compte de la réalité quotidienne des femmes de ce pays.
M. le président de la commission des affaires sociales est de mauvaise humeur aujourd'hui !
Comme Mme Fraysse l'a rappelé, la pension des femmes qui partent actuellement à la retraite, est globalement inférieure de 38 % à celle des hommes.
Vous n'avez pas voulu entendre notre proposition de rattacher la bonification des trimestres à la grossesse, l'accouchement et la maternité. C'est une injustice que vous faites aux femmes et une atteinte grave à un droit acquis et toujours justifié.
Qu'il s'agisse de la branche famille ou des autres branches, ce PLFSS pour 2010 n'est pas satisfaisant. Il n'est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Dans bien des domaines, de la santé aux retraites en passant par les prestations familiales, il porte atteinte à des droits acquis importants.
Comme mes collègues, je vous appelle donc à ne pas adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, je vais évoquer deux sujets qui me paraissent essentiels, pour compléter l'analyse globale du PLFSS faite par mon amie Jacqueline Fraysse.
D'abord, je voudrais parler des accidents du travail. Je suis souvent scandalisé de constater qu'un grand pays comme la France n'a pas la politique de prévention qu'elle devrait avoir.
Nous avons un développement technologique – même si nous sommes très en retard dans le domaine de la recherche – et un droit du travail avancé, malgré les tentatives de le remettre en cause. Mais nous n'avons pas de politique de prévention, ce qui me scandalise !
Quand je vais dans les entreprises de la zone industrielle de ma ville, telles que Carbone Lorraine ou Valeo, je vois de grands tableaux annonçant : « Ici, il n'y pas eu d'accident du travail depuis quatre mois, cinq mois, etc. » Je vais vous dire comment ces entreprises s'y prennent.
Les accidentés du travail m'ont expliqué qu'on leur demandait de ne pas se déclarer comme tels et de venir travailler, ce qui leur permet d'être payés, bien qu'ils ne puissent rien faire ! Voilà ce qui se passe chez Carbone Lorraine – vous voyez que je ne reste pas dans les généralités. Lorsque M. Wauquiez est venu dans la zone industrielle, il n'a évidemment pas visité l'entreprise Goodyear mais Carbone Lorraine, où étaient exposés ces grands panneaux sur l'absence d'accident du travail depuis telle ou telle date ! Vous le savez très bien, et pourtant vous ne faites rien !
Ayant siégé au comité d'hygiène, j'ai personnellement ramassé des bras sur les presses…
Un peu exagéré ? Je vous mets au défi, cher collègue : portez plainte, et je vous démontrerai que tout cela est vrai. Je parle toujours en connaissance de cause. Un jour, un ministre a voulu contester mes chiffres : j'ai sorti mes fiches, que je porte toujours sur moi.
Résultat : plus aucun ministre n'a essayé de me contredire ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Les chiffres en question émanaient d'ailleurs de la DARES, placée sous la tutelle de ce ministre – ce n'était pas vous, madame la ministre : rendons à César ce qui lui appartient.
Au reste, les accidents du travail ne sont pas seulement corporels. Les technologies et les modes de production ont évolué ; ma vision des entreprises n'est pas celle du siècle dernier. Que fait-on contre le stress, par exemple ? Bien que l'on évoque France Télécom tous les jours à la télévision, on refuse d'en parler dans notre enceinte, au motif que cela porterait préjudice à cette entreprise ! Mais qu'est-ce qui lui porte vraiment préjudice aujourd'hui ? Autant de suicides ne témoignent-ils pas d'un problème général, lequel a d'ailleurs inspiré la distribution d'un questionnaire de 150 questions auquel 80 % des salariés ont répondu ? Et il n'y aurait pas de problème ? Certes, il n'y en a aucun pour le « cumulard » que l'on vient de nommer à la tête de deux grandes entreprises ! Mais pour les salariés, les problèmes sont bien réels : ils concernent le management, les nouveaux processus de production et les maladies professionnelles.
Ah bon ? Voilà qui est extraordinaire ! Voilà bien la conception réactionnaire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) : mieux vaut soigner que prévenir ! Quel aveu ! Et l'exposition professionnelle aux éthers de glycol ? Combien de fois vous en ai-je parlé, madame la ministre ? Sur proposition de la mission relative aux risques et aux conséquences de l'exposition à l'amiante, une commission spéciale va enfin être créée sur le sujet ; or ce problème sera, vous le savez, un drame plus grand encore que celui de l'amiante – et je sais de quoi je parle. Je me félicite, pour ma part, du rapport consacré à l'amiante, quand bien même le rapporteur est issu de la majorité. Nous avons pu, en travaillant ensemble, avancer des propositions concrètes sur la base des réalités constatées. Avec le président Méhaignerie, nous avons même fait mieux, en désignant un comité de suivi qui permettra d'observer la mise en application des différentes mesures par les ministères. Ce travail est d'autant plus remarquable que l'on a tendance à multiplier les commissions et les missions dont personne ne suit les recommandations.
J'ai été exposé à l'amiante : lorsque je vois certains rigoler…
Non, vous avez seulement manifesté votre scepticisme ! Mais je vous invite, mes chers collègues, à réfléchir, car vous ne connaissez pas la réalité des maladies professionnelles et des accidents du travail. Vous ne les avez jamais vécues ; moi, je les connais, comme des millions d'autres, et pas seulement les ouvriers à la chaîne ! Aujourd'hui, ces problèmes concernent des employés, des cadres et des techniciens.
Un dernier mot, monsieur le président. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Oui, je sais, tout cela vous fait rire : vous avez de bonnes places, vous ne risquez rien, vous recevez de bons soins, vous êtes de bons bourgeois… (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je le dis comme je le pense, monsieur le président : comment ose-t-on rire sur un tel sujet ?
Oui, monsieur le président ; vous me comprenez, vous, car vous êtes un peu humain. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Mais d'autres, ici, se contentent de rédiger des ordonnances à la chaîne, tout en se plaignant de n'être pas assez payé pour chacune d'elles. Il y a vraiment deux mondes.
Je vous le dis solennellement, madame la ministre : regardez l'état de la médecine scolaire ! Nous parlions en effet de prévention ; peut-être cela n'a-t-il rien à voir avec le PLFSS ? Combien y a-t-il aujourd'hui de médecins scolaires et d'infirmières dans les écoles ?
Merci, monsieur Gremetz, nous avons compris et votre temps de parole est écoulé.
Combien y a-t-il d'inspecteurs du travail ? Quel statut leur reconnaît-on ? Bref, madame la ministre, en matière de santé, mieux vaut prévenir que guérir.
C'est difficile de passer après cela ! (Sourires.)
Je vais faire de mon mieux, madame la ministre. (Sourires.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État chargée des aînés, mes chers collègues, on a souvent dit que ce PLFSS ne contenait rien,…
…ce qui est à la fois vrai et faux : vrai, dès lors qu'il s'agit de rétablir l'équilibre des comptes de la sécurité sociale car, alors que les ressources nettes supplémentaires se chiffrent, au mieux, en centaines de millions d'euros, le déficit, lui, atteint 30 milliards. Il existe pourtant des ressources accessibles, et nous avions présenté des amendements pour en trouver : je n'y reviens pas. Mais s'il est un chapitre sur lequel le présent PLFSS reste muet, c'est bien celui des retraites.
La discussion de ce sujet, si l'on excepte la majoration de durée d'assurance pour les mères de famille, est entièrement reportée à 2010. Le texte ne prévoit rien pour la prise en compte de la pénibilité, alors que l'article 12 de la loi de 2003 obligeait en principe à aboutir sur ce sujet dans un délai de cinq ans ; il ne comporte rien non plus sur la question pourtant essentielle de l'emploi des seniors. Vous vous contentez d'attendre les effets de la mesure votée l'an dernier, comme l'illustrent ces propos : « Un plan d'action sera suffisant pour que l'entreprise échappe à la sanction du 1 % de la masse salariale. »
Rien n'est prévu non plus pour permettre au fonds de réserve de jouer tout son rôle à partir de 2020 : il manquera tout de même, selon les hypothèses retenues, entre 17 et 67 milliards d'euros. Vous vous contentez de laisser entendre que vous jouerez sur l'âge de départ en retraite ou sur la durée de cotisation ; or vous savez très bien que, toutes choses égales par ailleurs, cela aura une seule conséquence : diminuer le montant des pensions.
Le PLFSS ne comporte aucune mesure non plus, en cette période de crise économique et de pouvoir d'achat en berne, en faveur des petites retraites, notamment des retraites agricoles, et ce alors que le dispositif voté l'an dernier a eu des effets plus que ridicules : dérisoires et limités. Seulement 10 % à 12 % des retraités agricoles sont en effet concernés par une augmentation qui, le plus souvent, n'atteint que quelques euros. Pour tous les autres, rien. Bref, sur le chapitre des retraites, tout est remis à plus tard.
Hélas, il n'est pas tout à fait vrai que le PLFSS ne comporte rien. Un certain nombre de mesures ne laissent en effet pas d'inquiéter ; j'en évoquerai deux. En premier lieu, l'article 29, selon lequel un cancer est juridiquement guéri au bout de cinq ans,…
Nous n'avons jamais dit cela !
…prévoit au terme de cette période la sortie du régime des affections de longue durée : c'est là une première brèche dans ce dispositif.
D'ailleurs, M. Door se souvient sans doute qu'il avait essayé d'imposer, au sein de la MECSS, l'idée du bouclier sanitaire, avec un reste à charge constant et plafonné pour les assurés, modulable selon leurs revenus. Cette formule constituerait une remise en cause des principes fondamentaux de 1945 : nous nous y sommes donc opposés. Mais on voit que vous déstabilisez progressivement le régime des ALD. De deux choses l'une : ou votre mesure n'a aucune portée – puisque l'ordonnancier bizone distingue entre les dépenses qui relèvent de l'ALD et les autres –, ou, comme nous le craignons, vous préparez le terrain pour autre chose.
J'en viens au second point, sans doute le plus important. L'an dernier, arguant déjà de la crise, vous annonciez des déficits sociaux importants ; mais, affirmiez-vous, avec le retour de la croissance, l'équilibre sera rétabli en 2012. Cette année, malgré le retour annoncé d'une croissance annuelle de 2,5 % et d'une augmentation de la masse salariale de 5 %, aucun retour à l'équilibre n'est prévu. Le déficit de la sécurité sociale atteindra 30 milliards d'euros par an au cours des cinq prochaines années, pour un total de 150 milliards au terme de cette période ! Autant dire que la sécurité sociale ne s'en remettra pas.
Le PLFSS n'aura donc, sur ce point comme sur d'autres, apporté aucun remède. Pourtant, notre collègue Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, avait prévenu que ce PLFSS n'était « pas à la hauteur des enjeux », décrivant avec lucidité « une situation dont la gravité exige d'agir sans attendre ». Elle proposait pour ce faire de relever le taux de la CRDS de 2,2 %, et de sortir celle-ci du calcul du droit à restitution dans le cadre du bouclier fiscal – n'est-ce pas, chers collègues de l'UMP ? Comme l'a déclaré Yves Bur lors de la réunion de la CMP, « à force de ne rien décider, on arrive dans une situation difficile » : quel art de la litote !
Cependant, les échanges que nous avons eus en CMP et en commission laissent penser que la majorité est peu à peu prise de vertige devant cette situation. Il n'est jamais trop tard pour en prendre conscience, mais je crains qu'il ne soit trop tard pour sauver l'héritage du Conseil national de la Résistance. Je suis de ceux qui pensent que le Président de la République et le Gouvernement ne sont pas fâchés de tirer argument de la situation pour démanteler le système et recourir à des opérateurs privés.
Et ce ne sont pas les récents propos du conseiller social de M. Sarkozy qui pourront nous rassurer : « Il faut – indique-t-il au sujet de l'état financier de la sécurité sociale – s'interroger sur la frontière entre solidarité nationale et responsabilité individuelle ».
Tout est dit, en effet. La majorité est face à ses responsabilités ; pour notre part, nous ne voterons pas ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre de la santé.
Je remercie les différents orateurs, et tout particulièrement, vous le comprendrez, ceux de la majorité pour leur soutien au PLFSS, comme l'a indiqué en leur nom Guy Lefrand, qui, d'ailleurs, a aussi apporté son soutien aux amendements que le Gouvernement présentera à votre assemblée tout à l'heure. Je remercie également Dominique Tian, même si je ne partage évidemment pas toute son analyse, et Jean-Luc Préel pour la confiance qu'il accorde au Gouvernement,…
…confiance dont j'ai bien compris qu'elle ne valait pas solde de tout compte : j'en tiendrai bien sûr le plus grand compte.
Je souhaite apporter à la représentation nationale quelques précisions sur un sujet d'actualité évoqué par certains orateurs : je veux parler de l'étude d'un cabinet privé qui a fait la une d'un journal du soir et dont d'autres quotidiens se sont faits l'écho. Cette étude, non dénuée d'intérêt, montre que l'augmentation des dépenses de santé a évidemment des répercussions sur les trois moyens qu'ont nos compatriotes de les financer : la prise en charge par les régimes de base, par les complémentaires,…
…et le reste à charge pour les ménages.
Cette augmentation des dépenses de santé est tout à fait normale et nous la revendiquons : certains, dans l'opposition, souhaiteraient même qu'elle soit plus importante encore.
La part de la santé dans le revenu brut des ménages est donc ainsi passée de 4,2 % en 1980 à 4,7 en 1990, puis à 5,8 % en 2008, ce qui, dans un contexte d'augmentation continue des revenus des Français,… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
…représente une augmentation des dépenses de santé considérable. On note un infléchissement en 2005, avec une stabilisation à 5,8 % de la part du revenu consacrée par les Français à leur santé.
La principale conclusion de l'étude, c'est que la part cumulée des primes versée aux organismes complémentaires et du reste à charge des ménages aurait augmenté de 40 à 50 % entre 2001 et 2009. Je ne retrouve pas du tout ces données dans les vérifications effectuées par les divers organismes auxquels vous participez. Pour la période 2000-2008, comparable à celle retenue par l'étude, la part des dépenses hors cotisations sociales est passée de 2,7 % à 3,1 % du revenu disponible, soit une augmentation de 13 %, qui est donc à rapporter aux 48 % d'augmentation des dépenses de santé sur cette période.
On peut se demander d'où vient une telle distorsion entre l'étude de ce cabinet privé et les chiffres des organismes officiels.
En fait, les calculs de ce cabinet privé ne mentionnent ni les malades en ALD, ni les bénéficiaires de la CMU, ni ceux de l'aide à l'accès à une complémentaire santé. En fait, ils négligent tous les groupes, de plus en plus importants, pour lequel le niveau de prise en charge ou d'aide aux organismes complémentaires est élevé.
On note, en effet, un meilleur accès financier. Par exemple, le pourcentage des titulaires de la CMU-C déclarant avoir renoncé à des soins a reculé de 7 points depuis 2000. Le reste à charge pour le premier décile des revenus, c'est-à-dire les personnes les plus modestes, est stable, soit 3,5 % depuis 2000.
Des données partielles ne doivent pas occulter l'essentiel : la France occupe la première place des pays de l'OCDE pour la part de la richesse nationale consacrée à la prise en charge publique des dépenses de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
On peut répondre à Mme la ministre ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, j'appelle l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1 et 2 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à Mme la ministre.
Les deux amendements que le Gouvernement dépose respectivement aux articles 4 et 7 sont de simples amendements de cohérence avec les chiffres de 2009. C'est un type d'amendement classique, tel qu'il vous en est soumis à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ceux-ci tirent les conséquences des amendements votés au Sénat en deuxième partie et qui avaient un impact sur la dotation de l'assurance maladie à l'établissement public de l'urgence sanitaire au titre de 2009. Ils avaient bien été pris en compte dans les rectifications apportées en troisième partie à l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il n'avait pas été matériellement possible de préparer les amendements rectificatifs avant la fin du vote de la deuxième partie. Une fois celle-ci votée, il n'était juridiquement plus possible de rappeler les articles de cette partie.
Le texte actuel comporte donc des incohérences de chiffres entre l'annexe B et la deuxième partie. Les présents amendements aux articles 4 et 7 permettent donc de rétablir la pleine cohérence interne du texte.
Nous voterons contre ces amendements, puisque nous sommes opposés à la logique financière d'ensemble du projet de loi, mais nous comprenons bien que certains ajustements techniques s'imposent en raison des modifications intervenues. Notre vote est, comme ces amendements, de cohérence.
L'amendement n° 3 rétablit le I de l'article 28 dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.
Cet article permet en effet de neutraliser l'impact des dépenses liées à la grippe A dans l'évaluation d'un risque de dépassement du seuil d'alerte par le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, ce qui paraît nécessaire pour deux raisons.
D'une part, l'ONDAM 2010 a été construit sur la base des éléments disponibles en septembre 2009 et ne pouvait donc pas intégrer l'impact de la pandémie. Ainsi, en cas d'aggravation de la situation épidémiologique à la fin de 2009 – ce qui n'est pas du tout impossible quand on considère la forte accélération de la pandémie cette semaine encore – ou au cours de l'année 2010, la forte accélération des dépenses pourrait conduire le comité à déclencher une alerte, alors que l'équilibre à moyen terme de l'assurance maladie n'est pas en danger, puisque les dépenses de santé liées à la grippe A sont par nature exceptionnelles.
Comme le rappelle régulièrement la Cour des comptes, la détermination de l'ONDAM a pour objectif de contribuer à la régulation des dépenses de soins, alors que, par nature, les dépenses liées à une situation pandémique peuvent difficilement faire l'objet d'une politique de régulation.
D'autre part, le déclenchement d'une procédure d'alerte n'est pas un acte purement théorique, n'est pas une simple annonce, mais – on a tendance à l'oublier – conduirait à mettre en oeuvre des mesures de redressement qui auraient pour effet de compenser des dépenses inévitables par des restrictions ultérieures et à suspendre toute revalorisation tarifaire alors même que des négociations conventionnelles sont en cours.
Le Gouvernement et l'assurance maladie seraient dans l'obligation de mettre en oeuvre des mesures d'économie qui toucheraient les professionnels et les assurés, alors même que ceux-ci n'ont aucune responsabilité dans le dépassement. Je tiens à préciser que la vocation du comité d'alerte ne sera en rien altérée par cette disposition. La raison d'être du comité d'alerte est…
…d'assurer une vigilance continue sur le respect de l'ONDAM voté par le Parlement, dès lors que les dérapages se produisent sans réaction des acteurs. Il incite à l'effort de tous en matière de dépenses, mais n'a pas pour mission d'imposer de financer par des mesures d'économie des dépenses induites par une pandémie exceptionnelle. C'est la raison pour laquelle je vous propose de revenir au texte que vous aviez vous-même voté.
À titre personnel, je suis favorable à cet amendement. En CMP, j'avais proposé de rétablir, dans la rédaction de l'Assemblée, cet article supprimé par le Sénat et qui avait un double objet : neutraliser l'impact financier de la pandémie dans la procédure de suivi du respect de l'ONDAM ; permettre aux praticiens réquisitionnés pour la vaccination d'être indemnisés par l'assurance maladie.
La seconde mesure a été introduite par l'Assemblée à l'initiative du Gouvernement. Elle se justifiait, car elle permettait de répartir les frais de vaccination d'une façon globalement équilibrée entre l'État et l'assurance maladie. Elle n'est toutefois pas indispensable car, en tout état de cause, les professionnels de santé seront indemnisés par l'État s'ils ne le sont pas par l'assurance maladie. Il s'agit d'une question comptable, sans incidence sur le bon déroulement de la campagne de vaccination. C'est le plus important.
La première mesure, celle qui neutralise les dépenses liées à la grippe A dans la procédure d'alerte et que cet amendement tend à rétablir est en revanche nécessaire pour trois raisons. D'abord, l'ONDAM n'a pas vocation à intégrer des dépenses qu'il n'est pas possible de réguler.
C'est un instrument économique de régulation et non un agrégat comptable exhaustif, comme le soulignent régulièrement les rapports de la Cour des comptes. Je rappelle d'ailleurs que les dépenses non régulables font l'objet d'un autre objectif de dépenses, que nous votons à l'article 36 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ensuite, vous l'avez rappelé, madame la ministre, le déclenchement d'une procédure d'alerte n'est pas sans conséquence. On devrait prendre, en cours d'année, des mesures de redressement qui conduiraient à compenser un dérapage ponctuel exceptionnel et incontrôlable par des mesures de restriction ultérieures. Ceux qui dénoncent régulièrement la maîtrise comptable des dépenses ne sauraient s'en féliciter.
Autre conséquence du déclenchement de l'alerte, toutes les revalorisations tarifaires seraient gelées, alors même qu'une nouvelle convention ou, à tout le moins, un règlement arbitral devrait intervenir dans les premiers mois de 2010. Enfin, je crois qu'il ne faut pas banaliser la procédure d'alerte : ce serait la décrédibiliser. C'est pourquoi je suis favorable à cet amendement.
Je suis désolé, madame la ministre et monsieur le rapporteur, de ne pas être d'accord avec votre argumentation. Au moment de la création de l'ONDAM et du comité d'alerte, nous avions évoqué les dépenses éventuelles liées à une pandémie. Un sort particulier devait être réservé à ces dépenses. Nous avions alors décidé d'un commun accord que ce n'était pas utile, mais qu'une loi de financement rectificative pourrait, en cas de besoin, intervenir.
Malgré l'accord obtenu en CMP, vous nous proposez, madame la ministre, d'exclure de l'ONDAM les dépenses liées à la grippe pour que le comité d'alerte n'ait pas à intervenir. Or, celui-ci pourrait très bien constater que le dépassement est lié non pas à une augmentation des dépenses de fonctionnement de l'assurance maladie, mais à une augmentation des dépenses liées à la grippe. Rien n'interdirait alors de les neutraliser. Si les prévisions de dépenses dérapaient par rapport aux prévisions, le comité d'alerte pourrait alors proposer au Gouvernement de déposer un projet de loi rectificative : nous sommes plusieurs à le souhaiter.
Ma question essentielle, madame la ministre, est de savoir comment vont être individualisées les dépenses liées à la grippe. Aujourd'hui, de nombreuses consultations sont liées à la grippe. Or il n'y a pas de cotation particulière pour ces actes. Madame la ministre, comment allez-vous individualiser et évaluer les dépenses que vous exclurez de l'ONDAM ?
Toute la question est là : nous sommes incapables d'évaluer ces dépenses a priori, mais nous disposons d'outils permettant de les évaluer a posteriori. Pour ce qui est des consultations, il sera évidemment possible de s'appuyer sur les données de plusieurs réseaux, en particulier celles du réseau Sentinelles, qui compte 1 270 médecins généralistes libéraux, bénévoles et volontaires, répartis sur le territoire métropolitain pour la veille et l'observation épidémiologique, lesquels comptabilisent chaque semaine le nombre de consultations pour syndrome de grippe clinique, c'est-à-dire des grippes caractérisées par une fièvre supérieure à 39 degrés, accompagnée de douleurs musculaires et de signes respiratoires, et les données du réseau des GROG, qui recense toutes les infections respiratoires aiguës.
Divers outils épidémiologiques et scientifiques nous permettent en outre de créditer les augmentations des consultations réellement dues à la grippe A. Je donnerai d'ailleurs demain les chiffres consolidés de la semaine épidémiologique – qui va du mercredi au mercredi – et vous pourrez constater la très forte augmentation des consultations liées à la grippe H1N1.
En ce qui concerne les dépenses de médicaments liées à la pandémie grippale – à l'exception du Tamiflu, pris en charge par l'établissement public de la réserve et de l'urgence sanitaire –, elles devraient être modérées. Elles concerneraient essentiellement la prescription d'antibiotiques et de paracétamol, pour un coût assez négligeable par rapport aux autres postes concernés.
Quant aux dépenses « vigie » induites par la grippe A, elles pourront être évaluées a posteriori, avec une fiabilité satisfaisante, par extrapolation de données émanant des médecins et permettant de déterminer la proportion d'assurés arrêtés et la durée moyenne de l'arrêt.
Nous sommes opposés à cet amendement.
S'il est soumis à notre examen, c'est parce que vous ne vous êtes pas ralliés – cela ne nous étonne pas – à notre analyse.
Eh non ! C'est dommage mais c'est ainsi !
Selon nous, dans la mesure où il s'agit d'une politique de santé publique, les dépenses liées à la pandémie de grippe A devaient être intégralement supportées par le budget de l'État et non par celui de la sécurité sociale.
De deux choses l'une : ou bien ces dépenses relèvent de la santé publique et non de la sécurité sociale, auquel cas il revient au budget de l'État de les prendre intégralement en charge et notre discussion est sans objet, ou bien il s'agit d'un dispositif voué à entrer dans le champ des dépenses de la sécurité sociale, auquel cas on ne saurait l'extraire, cette année, de l'évaluation de l'ONDAM. Il est tout à fait possible, en effet, qu'une autre épidémie, qui ne serait pas nécessairement aussi médiatique ni aussi importante que celle de la grippe A, survienne l'an prochain…
Eh bien, on l'intégrera à l'ONDAM !
..et qu'il faille, année après année, relever un certain nombre de défis sanitaires. Dès lors, on ne comprend pas très bien quelle base retenir pour le calcul de l'ONDAM.
Il y a, me semble-t-il, une contradiction de fond. Si l'on se place dans votre logique selon laquelle cette dépense doit être intégrée aux dépenses de sécurité sociale, pourquoi ne pas en tenir compte pour évaluer l'ONDAM ? Comment pourra-t-on, l'an prochain, comparer les chiffres et apprécier l'évolution de l'ONDAM ? Il me semble que la mesure proposée est typiquement une mesure de brouillage.
Enfin, le comité d'alerte devrait être à même de déterminer lui-même ce qui justifie ou non de lancer une alerte. Si le Parlement lui indique que telle ou telle dépense ne justifie pas son intervention, à quoi sert ce comité créé par une loi de financement de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 3 est adopté.)
Cet amendement à l'article n°30 quater est très important, puisqu'il traite de la responsabilité des gynécologues-obstétriciens.
Nous avons tenté, depuis plusieurs années, d'apporter un certain nombre de réponses à un problème très complexe et très sensible, tenant à la responsabilité civile des médecins : le système des procédures d'accréditation, instauré par la loi d'août 2004 ; l'Observatoire des risques médicaux ; une aide financière de l'assurance-maladie à la souscription d'une assurance, aide qui n'est pas mince puisqu'elle couvre de 55 % à 65 % du coût suivant le secteur d'exercice médical ; l'obligation de transmission des données relatives aux conditions de formation des primes par les assureurs.
Ces différentes mesures ont produit des effets, et le marché de l'assurance s'est également stabilisé grâce à une plus forte concurrence, de nouvelles compagnies y intervenant. Les professionnels de santé peuvent ainsi s'assurer sans difficultés majeures ; il faut le souligner.
Cependant, je le reconnais volontiers, tout n'est pas réglé. Compte tenu du temps susceptible de s'écouler entre certains actes médicaux, en général chirurgicaux, et la consolidation du préjudice qui en résulte, un certain nombre de professionnels, tout spécialement les gynécologues-obstétriciens et les autres professionnels de la naissance, s'inquiètent des risques qui pèsent sur leur exercice quotidien.
Nous voulons agir dans trois directions.
Tout d'abord, je l'ai indiqué au Sénat mais je suis heureuse de le répéter devant l'Assemblée nationale, nous allons élever le niveau du plancher de garantie pour les gynécologues-obstétriciens, aujourd'hui fixé à 3 millions d'euros, pour le porter, par voie réglementaire, à 6 millions d'euros. C'est un premier pas important dans le sens d'une meilleure protection. Nous allons, en outre, porter de 10 à 12 millions le niveau maximum par année.
Le deuxième axe d'action, directement lié à ce relèvement du plancher, est la hausse du niveau de l'aide apportée par l'assurance maladie à la souscription de l'assurance en responsabilité civile. Il s'agit d'accompagner la hausse du plafond de garantie, en veillant à ce que le niveau de l'aide soit plus favorable pour les praticiens exerçant en secteur 1.
Le troisième volet, qui fait précisément l'objet de l'amendement que je vous propose d'adopter, concerne le traitement des condamnations judiciaires des professionnels de santé et l'interface avec l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux. L'amendement adopté par le Sénat permettait de régler le cas, bien identifié, d'un gynécologue-obstétricien qui aurait été condamné à réparer les dommages subis par la victime une fois le délai de validité de sa couverture assurantielle expiré. Dans l'état actuel du droit, ce professionnel pourrait se retrouver redevable de plusieurs millions d'euros sans aucune prise en charge assurantielle. Il faut donc régler ce problème.
Le Sénat a prévu l'indemnisation de la victime par l'ONIAM. La CMP a ensuite étendu cette disposition à l'ensemble des médecins conventionnés.
Comme vous l'imaginez, la concertation avec les professionnels s'est poursuivie et justifie que nous amendions ce dispositif.
Tout d'abord, nous devons le réserver aux professionnels effectivement concernés, c'est-à-dire les professionnels de la naissance : chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, gynécologues-obstétriciens. Il n'y a pas de raison d'aller au-delà.
Le deuxième objectif de cet amendement est de clarifier et de sécuriser les processus d'indemnisation dans un autre cas, non plus celui de l'expiration de la couverture assurantielle mais celui d'une condamnation qui excéderait le plafond de garantie prévu par le contrat d'assurance. L'amendement soumis à votre vote prévoit, à cette fin, le mécanisme suivant : si la victime ne peut pas obtenir l'exécution intégrale de la décision de justice, elle pourra obtenir de l'ONIAM le complément d'indemnisation non versé par le professionnel au-delà du plafond de garantie, le professionnel étant ensuite redevable à l'ONIAM de cette créance, sauf s'il est dans l'incapacité financière, constatée par un jugement, de la payer.
Ce mécanisme répond donc à trois impératifs : garantie d'une indemnisation complète de la victime ; intervention encadrée de l'ONIAM ; limitation du risque financier pour les professionnels concernés.
Enfin, nous allons régler, par une instruction au conseil d'administration de l'ONIAM, les cas d'infirmité évolutive pour lesquels le préjudice est consolidé à la majorité de l'enfant, soit dix-huit ans après la naissance, question qui fait planer une menace sur les obstétriciens. L'État, par la signature de trois ministres, demandera à l'ONIAM de renoncer au recours subrogatoire contre le professionnel de santé dans ces cas ciblés de consolidation, et un décret donnera la compétence d'exercer cette action récursoire au conseil d'administration et non plus au directeur.
Excusez la technicité de cette argumentation : elle était absolument indispensable dans le cadre de la présentation de cet amendement.
Nous avons longuement débattu de cette question en commission mixte paritaire. Mon collègue Jean-Pierre Door et moi-même avions également déposé des amendements qui ont alimenté la réflexion collective.
L'amendement du Gouvernement tend à réserver le dispositif aux trois spécialités à risque et à substituer l'ONIAM au praticien condamné pour la part des indemnités qui excède le plafond de garantie, l'ONIAM ayant la possibilité d'exercer une action récursoire sauf risque d'insolvabilité du praticien. J'y suis, à titre personnel, favorable, madame la ministre.
Il n'est cependant pas certain que cela suffise à répondre aux craintes des praticiens. Cet article traite un problème récurrent, qu'il est temps de régler. D'un côté, il faut garantir aux victimes de fautes médicales une juste indemnisation. De l'autre, il ne faut pas décourager les praticiens d'exercer certaines spécialités pour lesquelles il existe un risque sérieux d'être condamné à verser des indemnités supérieures au maximum couvert par leur assurance – c'est ce que l'on appelle le « trou de garantie » ; il y va de l'attractivité de ces spécialités, notamment la gynécologie obstétrique, la chirurgie et l'anesthésie.
Il n'est donc pas anormal de limiter le champ d'application de cette mesure aux seules spécialités à risque, comme le propose cet amendement.
S'agissant de la mesure proposée pour couvrir le « trou de garantie », on peut s'interroger sur la lourdeur de la procédure : la victime devra faire constater l'inexécution partielle de la décision de justice qui lui attribue une indemnité supérieure au montant couvert par l'assurance du médecin. Le praticien, lui, ne verra sa responsabilité couverte par l'ONIAM au-delà du plafond de garantie que lorsque l'action récursoire de l'ONIAM aurait pour effet de le rendre insolvable.
Néanmoins, malgré des réflexions approfondies, notamment – je l'ai rappelé – en CMP, nous n'avons pas réussi à trouver de dispositif plus satisfaisant ou susceptible de satisfaire tout le monde. Votre amendement, madame la ministre, vise, comme l'indique l'exposé sommaire, à assurer l'indemnisation de la victime et à protéger le professionnel de santé concerné, tout en veillant à maintenir – c'est important – un équilibre entre procédure amiable et procédure contentieuse.
J'émets donc un avis favorable.
Le problème de la responsabilité civile professionnelle se pose depuis plusieurs années. Nous y revenons régulièrement depuis 2002, car c'est un sujet important, comme viennent de le rappeler Mme la ministre et Yves Bur.
Il est vrai que la judiciarisation croissante des problèmes provoque une certaine fuite des possibles candidats à ces trois professions. On ne peut donc qu'être satisfait de constater que le Sénat a remis cette question à l'ordre du jour et que nous nous efforçons, avec Mme la ministre, de le régler. En CMP, le débat a d'ailleurs été très long.
Malheureusement, je ne suis pas certain qu'il soit clos.
Non, mais on progresse !
À terme, peut-être l'année prochaine, il faudra examiner le niveau des primes d'assurance demandées à ces praticiens. Il faut savoir qu'elles dépassent aujourd'hui 30 000 euros par an, y compris pour des praticiens en secteur 1. Il n'est pas facile de payer de telles primes et elles peuvent être dissuasives pour les éventuels candidats à ces spécialités. Quel sera le montant des primes l'an prochain ? Il est certain qu'il augmentera, dès lors que l'on porte de 3 à 6 millions d'euros le niveau du plancher de garantie.
L'affaire n'est donc pas réglée, mais nous voterons, bien entendu, l'amendement du Gouvernement.
Comme vient de le dire M. Door, ce sujet nous préoccupe depuis longtemps. Nous sommes d'ailleurs souvent sollicités à ce propos par les professionnels concernés. Ces sollicitations se justifient : le montant des pénalités qu'ils risquent de devoir payer est parfois aberrant, et se traduit par une couverture assurantielle au coût très élevé.
J'appelle l'attention de Mme la ministre sur le montant, démesuré selon les syndicats de praticiens, des cotisations d'assurance en responsabilité civile professionnelle. On note que, sur plusieurs années, les assureurs perçoivent des sommes deux ou trois fois plus élevées que le coût de la prise en charge des condamnations, rares même si leur montant est parfois excessif. En quelque sorte, elles seraient l'arbre qui cache la forêt.
Voilà pourquoi il serait intéressant, madame la ministre, que vous nous précisiez la réalité de la situation, à moins que les commissions des finances et des affaires sociales ne s'en chargent. Les assureurs n'auraient-elles pas trouvé là une sorte de mine d'or ?
En ce qui concerne l'amendement du Gouvernement, ce que je regrette, c'est qu'il restreigne, au fond, la portée du texte issu de la CMP. En effet, il restreint la mesure aux seuls professionnels concernés par un accident survenu dans le cadre d'activités liées à la naissance. Mais il peut y avoir aussi d'autres cas. Un médecin, spécialiste ou généraliste, appelé quelques temps avant de partir en retraite à intervenir en urgence dans un cas non lié à une naissance pourrait être visé par une demande d'indemnisation après son départ, donc après qu'il aura perdu toute couverture assurancielle.
Même si nous considérons qu'il s'agit d'un pas en avant, nous regrettons, madame la ministre, que votre amendement restreigne le champ d'application du texte issu de la CMP.
Je voudrais dire à Gérard Bapt qu'il pose des questions tout à fait pertinentes, et que l'observatoire présidé par le professeur Wannepain, dont je parlais au début de mon propos, a précisément pour objet de donner ces éléments d'information. Son prochain rapport sera d'ailleurs bientôt publié. Je suis bien sûr à votre disposition pour vous fournir toutes les informations nécessaires. Vous m'excuserez de ne pas pouvoir le faire dans l'immédiat.
(L'amendement n° 4 est adopté.)
Cet amendement tend à supprimer la disposition introduite par le Sénat, et maintenue par la CMP, qui instaure un coefficient correcteur applicable aux tarifs et forfaits annuels dont bénéficient les établissements de santé, pour tenir compte des écarts de charges financières résultant d'obligations légales et réglementaires particulières en matière sociale et fiscale. Le maintien de cette disposition dans le PLFSS ne me paraît ni nécessaire, ni souhaitable. Je voudrais vous en expliquer tranquillement les raisons.
Le mécanisme du coefficient correcteur est potentiellement injuste et inéquitable. Contrairement aux apparences, il n'aura pas pour effet de neutraliser les différences de situation entre les différents secteurs de l'hospitalisation, mais au contraire de les accroître. Il se traduira en particulier par une augmentation des différences de rémunération entre établissements privés à but non lucratif et établissements privés commerciaux. Ce serait d'autant plus contestable que les établissements premiers bénéficient à l'heure actuelle de l'échelle tarifaire du secteur public.
Je rappelle par ailleurs que les établissements de santé publics sont eux aussi soumis à des contraintes légales ou réglementaires spécifiques, dans le domaine du droit du travail ou encore en matière d'achats, qui ne donnent pas lieu à compensation spécifique. Il y a donc un risque réel d'ouvrir une sorte de boîte de Pandore des revendications.
L'application de ce mécanisme aurait pour conséquence la nécessité de prendre en compte une multitude de particularismes en matière de politique de rémunération, ou encore de fiscalité locale. Après tout, cette dernière varie selon les territoires. Si l'on entre dans cette logique, il faudra définir des tarifications pour chaque établissement, et donc multiplier les échelles tarifaires. L'instauration de ces multiples coefficients conduirait à rendre illisibles les modalités de financement, et ce en contradiction, d'une part, avec la mise en oeuvre de la tarification à l'activité, laquelle vise à l'harmonisation des financements, et d'autre part, avec la démarche engagée de convergence des tarifs entre les différents secteurs. À cet égard, je suis d'ailleurs un peu surprise de voir les avocats les plus ardents de la convergence défendre une disposition qui vient justement la « tamponner ».
Enfin, la mise en oeuvre du coefficient correcteur se traduirait par des transferts de ressources importants, de 180 millions d'euros au minimum – voire plus, en fonction du champ d'application particulièrement imprécis de cette disposition –, au profit des établissements privés à but non lucratif, en contradiction avec les efforts d'efficience nécessités par la convergence. Ce coût très important réduira d'autant les marges de manoeuvre pour financer nos priorités, telles que la revalorisation des infirmières dans le cadre du processus LMD, ou encore les grands plans de santé publique : Alzheimer, cancer, soins palliatifs.
La problématique du différentiel de charges résultant d'obligations en matière sociale et fiscale a bien été identifiée, et sera évidemment prise en considération dans le cadre du processus de convergence. J'ai bien compris que vous souhaitiez légitimement être éclairés sur ce sujet complexe. Je m'engage devant vous à ce que ce point fasse l'objet de développements approfondis dans le cadre du prochain rapport au Parlement sur la mise en oeuvre de la convergence, dont la date de remise a d'ailleurs été avancée au 15 septembre de chaque année dans le cadre de ce PLFSS, afin de vous apporter les éléments de réponse nécessaires.
Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter cet amendement visant à la suppression de l'article 32 bis A.
J'émets, à titre personnel, un avis favorable. J'avais moi-même déposé en commission mixte paritaire un amendement de suppression de l'article 32 bis A. Je partage largement l'analyse du Gouvernement.
En effet, il me semble que les écarts de charges financières résultant d'obligations légales et réglementaires particulières en matière sociale et fiscale nécessitent encore d'être objectivés. À cet égard, je me réjouis du fait que nous pourrons disposer de davantage d'informations le 15 septembre 2010, donc avant la discussion du prochain PLFSS.
Par ailleurs, l'instauration d'un coefficient correcteur risque de rendre encore plus compliqué un dispositif qui l'est déjà suffisamment.
Je rappelle également que la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne à but non lucratif, la FEHAP, qui a été à l'origine de cette revendication, a déjà obtenu gain de cause dans le PLFSS 2010, avec une validation législative de leur convention collective nationale. C'est l'objet de l'article 33 quinquies. L'enjeu pour ces établissements est déjà de 200 millions d'euros.
Je rappelle aussi que cette mesure, dont le coût peut être estimé à 200 millions,…
Au minimum !
…n'accroîtra pas l'ONDAM hospitalier mais obligera à une mutualisation de cette perte avec d'autres établissements.
J'émets donc un avis favorable à l'amendement.
L'amendement est simple, mais l'article qu'il propose de supprimer est un peu compliqué. Cet article reprenait un amendement que j'avais déposé au nom du groupe Nouveau Centre. Il a été voté au Sénat, et maintenu par la CMP. Un amendement de suppression d'un article adopté en CMP pose un double problème, de fond et de forme.
L'article vise à financer, grâce à un coefficient correcteur, des différences de charges, sociales et fiscales, résultant d'obligations réglementaires décidées par le Gouvernement. L'IGAS a estimé à 4 % le surcoût que doivent supporter les établissements privés à but non lucratif. Il s'agit donc d'un différentiel très important. Le coût de la mesure serait de 200 millions, disait Mme la ministre à l'instant. Il pourrait atteindre jusqu'à 400 millions, disait Yves Bur en CMP. C'est dans l'un comme l'autre cas une somme non négligeable. La justice, ou l'équité, exige que l'on prenne en compte ce différentiel.
Je ne suis pas certain, madame la ministre, que cette disposition complexifie beaucoup le système, ni qu'elle nécessite une troisième échelle de financement dans le cadre de la T2A. Elle pourrait très bien être intégrée dans le cadre des MIGAC, par exemple, en estimant que la situation des établissements qui ont un surcoût de 4 % lié à des charges sociales ou fiscales doit être prise en compte.
Cet amendement de suppression pose aussi un problème de forme. Il est de tradition que le texte issu de la CMP soit validé par le Gouvernement. Nous avons abouti à un accord entre les deux assemblées, et c'est en principe le Parlement qui vote les lois, me semble-t-il. Le Gouvernement nous propose de revenir sur cet accord. Je le regrette. Je ne voterai donc pas cet amendement.
L'amendement tend à revenir sur la proposition d'instaurer un coefficient correcteur en faveur de certains établissements.
Je suis favorable à cette suppression, car le coefficient ne tient pas compte des importantes disparités de statut et de mode de fonctionnement entre les différents types d'établissements privés.
Par ailleurs, nous savons tous que la FEHAP était à l'origine de cette disposition et qu'elle a fait le choix de n'utiliser qu'un des aspects des travaux de l'IGAS, ce qui lui permet de plaider pour une revalorisation de ses tarifs. Mais favoriser la FEHAP apparaîtrait comme une provocation vis-à-vis des établissements privés à but lucratif, dont les tarifs sont actuellement inférieurs.
Enfin ce transfert de ressources significatif – on parle d'un minimum de 200 millions d'euros, mais une évaluation plus fine serait nécessaire – créerait des difficultés importantes.
À enveloppe constante, c'est au minimum de 200 millions d'euros que le budget des établissements publics serait amputé.
Si, au contraire, le choix était fait de préserver les ressources des établissements, nous assisterions alors à une aggravation de notre déficit, de 200 millions d'euros au minimum. Même Jean Leonetti est contre ! (Sourires.) Cela nécessiterait de trouver des ressources de financement nouvelles.
C'est pourquoi, madame la ministre, nous sommes évidemment favorables à votre amendement. Mais nous insistons sur la nécessité, que vous avez d'ailleurs vous-même soulignée, de créer un groupe de travail pour évaluer l'opportunité et les conséquences financières de la création de ce coefficient correcteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Les établissements privés à but non lucratif sont présents partout en France. On en compte 3 400 – établissements de santé, sociaux et médico-sociaux – et il faut rappeler qu'ils emploient au total 200 000 professionnels, dont 100 000 dans les établissements de santé.
S'ils sont soumis à la même tarification que les établissements publics, ils ont des coûts sensiblement différents, et globalement plus lourds, car le personnel qu'ils emploient est de droit privé. Leurs charges, notamment en termes de cotisations de retraite, sont supérieures à celles de la fonction publique hospitalière.
En 2006, le ministre de la santé de l'époque avait demandé à l'IGAS une étude, qui a démontré que le surcroît de masse salariale est d'au moins 4 %. Cette difficulté s'ajoute à une situation financière générale assez préoccupante, la somme des déficits de ces établissements avoisinant aujourd'hui 100 millions d'euros.
Le Sénat puis la commission mixte paritaire ont adopté une disposition qui apporte enfin une réponse à cette situation très difficile, dénoncée et identifiée depuis plusieurs années. Ceux qui dirigent ces établissements privés à but non lucratif ou qui y travaillent ne comprendraient pas qu'il ne soit pas tenu compte, enfin, de leur situation particulière.
Je vous demande donc, madame la ministre, d'entendre le message des députés qui, comme Dominique Tian et moi-même, sont attachés à ces établissements qui jouent un rôle essentiel dans nos territoires, que ce soit en termes de santé ou d'emploi.
Madame la ministre, toute la difficulté vient d'une situation qu'on ne veut pas régler depuis maintenant plusieurs années. Je rappelais tout à l'heure que vos prédécesseurs Philippe Bas et Xavier Bertrand avaient reconnu, comme vous-même aujourd'hui, l'existence d'un problème, tout comme la MECSS du Sénat, qui avait travaillé sur cette question il y a deux ans. D'où la position assez logique du Sénat, qui a adopté un amendement confirmé en CMP il y a quelques jours.
Il y a donc un véritable souci, mes chers collègues, un souci historique, et des engagements du Gouvernement sans cesse réitérés.
Je veux bien entendre vos arguments, madame la ministre, mais quand je lis l'exposé sommaire de votre amendement, je vois que vous indiquez, dans le dernier paragraphe : « En tout état de cause, la problématique du différentiel de charges résultant d'obligations en matière sociale et fiscale sera prise en compte dans le cadre du processus de convergence. »
Madame la ministre, au fil des années, le processus de convergence ne cesse de reculer. Le Sénat souhaitait 2014, pour ne pas aller jusqu'à 2018. Maintenant, il s'agit de 2018. La convergence est donc encore reportée. Le problème de la tarification des établissements se pose cruellement. De nombreux établissements associatifs à but non lucratif, comme le disait, il y a quelques instants, notre collègue Fasquelle, sont dans une situation financière difficile.
Voulons-nous disposer d'une offre de soins publique et d'une offre de soins privée, dispensée par des établissements associatifs ou non ? Nous sommes bien conscients que le problème n'a jamais été résolu. Nous sommes déçus car, à mon avis, la CMP avait adopté une position équilibrée.
Indiscutablement, les établissements privés à but non lucratif, qui ont une offre de soins relativement similaires à celle de l'hôpital public, sont indispensables à notre pays.
Les statuts sont toutefois différents et, comme plusieurs de nos collègues l'ont souligné, la qualité des conventions collectives fait que les charges supportées par ces établissements sont plus lourdes que celles supportées par l'hôpital public. Ils ont donc des difficultés de fonctionnement. Pour autant, on ne peut accepter que les sommes susceptibles de leur manquer soient imputées sur l'hôpital public, déjà en très grande difficulté.
Je crois, contrairement à M. Tian, que les difficultés et la problématique liées à la convergence prouvent qu'il est important de « donner du temps au temps » pour que cette convergence ait un sens. Il faudrait trouver une solution qui permette aux établissements de mieux fonctionner, sans que cela obère les finances, déjà en difficulté, de l'hôpital public.
Je suis saisi d'un amendement n° 6 .
La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.
L'amendement n° 6 porte sur l'article 38 relatif à la majoration de durée d'assurance.
La commission mixte paritaire avait porté à trois ans le délai de référence pour l'attribution de la majoration liée à l'éducation de l'enfant, ce qui n'est certes pas dépourvu de logique. On peut comprendre en particulier le lien entre ce délai et le début de la scolarité. Toutefois, le Gouvernement propose de revenir à sa proposition initiale : un délai de quatre ans. Je rappelle que le dispositif proposé par le Gouvernement à l'article 38 vise à consolider juridiquement la majoration de durée d'assurance, menacée par un arrêt de la Cour de cassation de février dernier.
La solution proposée repose sur la distinction entre une majoration de quatre trimestres liée à l'accouchement et à la maternité, et une majoration de quatre trimestres liée à l'éducation de l'enfant. La distinction n'a de sens que si cette seconde majoration ne se rapporte pas à une période trop brève de la vie de l'enfant pour permettre d'apprécier l'implication de chaque parent dans l'éducation. En ce sens, une durée de quatre ans est parfaitement cohérente, car elle correspond au nombre de trimestres accordés. C'est pourquoi le Gouvernement propose de maintenir l'équilibre du dispositif en rétablissant un délai de quatre ans.
À titre personnel, je me range aux arguments du Gouvernement et donne un avis favorable à cette durée de quatre ans, bien que nous ayons défendu bec et ongles, jusqu'en CMP, les trois ans.
Monsieur le président, je regrette que le rapporteur abandonne la position de la commission des affaires sociales sur ce sujet et capitule sur un point qui est loin d'être anecdotique.
On peut certes penser que trois ans ou quatre ans, cela ne change rien, mais la question, pour nous, ne porte pas tant sur le décompte des trimestres que sur les principes qui fondent la politique adoptée. Il est absolument indispensable, pour garantir les droits des femmes, de compenser les inégalités dont elles pâtissent dans leur parcours professionnel et de rattacher la compensation que constitue la majoration de durée d'assurance à la naissance de l'enfant et non au processus d'éducation.
Il va de soi que plus le choix intervient tard, plus on laisse de place à l'éducation. Cela figure d'ailleurs dans l'exposé sommaire, aux termes duquel il faut que le temps consacré à l'éducation de l'enfant puisse être comptabilisé davantage.
Il est absolument impératif, pour nous, que soit reconnue l'inégalité de parcours professionnel que subissent les femmes. C'est une question de principe. Cette inégalité, compensée par une majoration de durée d'assurance, doit, pour être valide au regard du droit international, être rattachée à la naissance, qui est le fait générateur, et non à l'éducation. C'est pourquoi nous sommes opposés à l'amendement.
Je voudrais intervenir, au-delà de l'amendement, sur l'esprit général de nos débats.
Madame la ministre, lorsque j'ai vu que six amendements avaient été déposés par le Gouvernement, j'ai conçu le fol espoir qu'ils allaient permettre de résoudre les difficultés essentielles du PLFSS, qui est en très fort déficit en raison du manque de recettes manifestes.
J'ai été très déçu en découvrant leur contenu. Nous avons certes eu des débats passionnants sur des sujets tels que la majoration de durée d'assurance, mais la façon dont nous pourrions sortir du gouffre financier – c'était le sujet essentiel – n'a pas été abordée.
S'agissant de l'amendement, il faut se situer, dans l'intérêt même des femmes, le plus près possible de la naissance de l'enfant. Nous aurions pu en rester à la durée de trois ans, position que le rapporteur a lâchement abandonnée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) alors qu'il l'avait vaillamment défendue jusque-là, comme l'a rappelé Mme Touraine.
(L'amendement n° 6 est adopté.)
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre, de nombreux sujets ont été abordés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; nous n'y reviendrons pas.
Compte tenu du contexte difficile où nous nous trouvons et des nombreuses inquiétudes qu'éprouvent nos concitoyens, ce PLFSS ne veut fragiliser personne, ni laisser personne au bord de la route. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La cohésion sociale doit être l'objet de tous nos soins. La sécurité sociale en est aujourd'hui l'élément moteur. Les différents textes que nous votons visent tous à permettre la pérennisation de notre système de soins, en assurant des soins de qualité partout et pour tous. La ligne de conduite suivie par le Gouvernement et le Parlement vise à stabiliser les dépenses structurelles de santé, tout en permettant aux assurés et aux professionnels de santé de garder toute confiance dans la relation contractuelle qui les unit.
Les assurés seront ainsi certains de pouvoir continuer à se soigner, et les professionnels de santé à travailler dans une vie conventionnelle renouvelée, en donnant au secteur optionnel le temps de montrer son efficacité.
L'évolution de l'ONDAM, fixée à 3 %, est un gage de cette continuité des soins. Non seulement personne ne sera exclu de la protection sociale, mais ceux qui en auront le plus besoin pourront bénéficier de la solidarité de la nation.
Par ailleurs, la suppression de certaines niches sociales, l'élargissement du financement de la sécurité sociale, la lutte contre la fraude sont de nature à rassurer ceux qui pourraient douter de notre détermination à protéger notre système social.
Le travail de fond conduit en partenariat entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement, notamment sur le système hospitalier – je pense au cadre de la convergence – et sur les incitations à la prévention, montre également notre volonté commune de mener à bien les réformes nécessaires, malgré les difficultés économiques actuelles. C'est aussi le cas, comme nous venons de l'évoquer, du traitement du lourd dossier de la responsabilité civile des praticiens exerçant dans des spécialités à risques.
Madame la ministre, nous avons apprécié, tout au long du débat, votre faculté d'écoute et votre volonté de tenir compte des nombreuses remarques, demandes et propositions des députés. Nous avons voté des amendements au texte de la CMP, parce que la gravité des sujets et les circonstances l'imposaient.
Madame la ministre, l'Assemblée nationale est heureuse de vous avoir suivie sur ce point.
Je prends l'exemple la protection des professionnels de santé qui exercent dans des spécialités à risques. Il fallait que nous l'assurions, sans quoi nous n'aurions plus de chirurgiens, d'anesthésistes ni d'obstétriciens.
De même, il était nécessaire de ne pas déséquilibrer l'ONDAM, que ce soit par l'intégration des dépenses liées à la grippe A ou par la création d'un coefficient correcteur variable selon les établissements hospitaliers.
Madame la ministre, nous insistons sur la nécessité d'échanges réguliers entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale, grâce à des rapports d'étape qui nous permettront d'effectuer en commun un travail de qualité.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte des mesures de justice et d'équité. Il permettra de préparer les mesures d'avenir qui devront être prises dès que la crise s'éloignera. C'est pourquoi le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre, vous ne serez pas étonnée d'apprendre que les débats que nous venons d'avoir sur le texte de la CMP n'ont pas modifié notre approche. Le groupe SRC votera contre ce projet de loi de financement de sécurité sociale.
À ce stade des débats, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des points qui nous ont opposés tout au long de nos discussions. J'exposerai seulement les trois raisons fondamentales pour lesquelles nous ne pouvons pas nous retrouver sur le texte que vous nous proposez.
Tout d'abord, la pérennité et la stabilité des principes qui fondent notre assurance maladie ne sont pas garanties. M. Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales a critiqué l'intervention de notre collègue Catherine Lemorton, au motif qu'elle n'aurait pas comporté de propositions. C'est là un très mauvais procès. Vous pouvez nous dire que vous désapprouvez nos propositions, que nos positions ne peuvent pas être partagées par votre majorité, mais vous ne pouvez pas nous dire que nous ne faisons pas de propositions.
Vous ne pouvez pas, d'un côté, nous expliquer, comme M. Woerth à longueur de débat, que tout – les exonérations de cotisations sociales, les niches sociales et fiscales – viendra en discussion au printemps et fera l'objet de rapports et de propositions du Gouvernement. « Au printemps » signifie, j'imagine, « après les élections régionales »...
Vous ne pouvez pas, disais-je, nous dire qu'un certain nombre de nos propositions seront examinées au printemps et prétendre en même temps que nous n'avons fait montre d'aucun esprit constructif et que nous nous contentons de critiquer sans proposer !
L'essentiel de nos propositions sur le financement de la sécurité sociale tourne autour de la suppression d'exonérations sociales pour un certain nombre d'emplois et d'entreprises. Nous proposons de soumettre ces exonérations à conditions. Nous proposons de soumettre au droit commun l'ensemble des revenus, en particulier ceux issus des stocks-options, des retraites chapeau, ce qui n'est pas le cas dans le projet qui nous est proposé. Nous avons proposé, d'ailleurs soutenus en cela par certains élus de la majorité, de ne pas réévaluer le plafond de l'ACOSS et de faire supporter au moins une partie de la dette sociale par le budget de l'État.
Notre désaccord ne relève pas seulement d'un esprit critique. Il relève aussi d'un esprit de proposition ; que vous ne l'approuviez pas, nous le comprenons. Reste que des propositions ont été faites et qu'elles n'ont pas été entendues, ce que nous regrettons.
Permettez-moi seulement de mentionner nos deux autres points de désaccord, monsieur le président : la majoration de la durée d'assurance – et nous récusons l'amendement qui a été voté à ce propos – et le nouvel équilibre instauré entre la sécurité sociale et les organismes complémentaires en transférant de manière croissante des charges de la sécurité sociale vers les mutuelles et les assurances privées. C'est là un changement de pied et de cap de notre protection sociale que nous ne pouvons accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ainsi que je l'ai dit lors de mon intervention dans le débat général, nous ne voterons pas un texte qui non seulement n'apporte aucun moyen nouveau de financement face à un déficit de notre protection sociale bel et bien structurel – contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire, il n'a rien de circonstanciel – et qui, de surcroît, aggrave les difficultés d'accès aux soins de nos concitoyens.
Vous laissez pourrir une situation financière extrêmement préoccupante de notre système de soins. Ce faisant, vous remettez en cause à terme, et vous le savez, le système solidaire et socialisé fondateur de notre protection sociale, qui a montré son efficacité et la qualité du service rendu à l'ensemble de la population.
Petit à petit, année après année, vous organisez un véritable glissement progressif, mais net vers un financement privé…
…un financement par définition inégalitaire conforté année après année, et qui s'accentue cette année encore.
Pour ces raisons fondamentales et parce que vous ne prenez aucune de nos propositions en compte pour enrayer ce processus, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au Grand Paris (nos 1961, 2068, 2013, 2008).
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures et cinquante-six minutes pour le groupe UMP, de neuf heures et deux minutes pour le groupe SRC, de quatre heures dix pour le groupe GDR, de trois heures et onze minutes pour le groupe Nouveau Centre, et de quarante minutes pour les députés non-inscrits.
Monsieur le président, hier déjà, nous avons ouvert la séance par un rappel au règlement. Je le réitère ce soir pour interpeller à nouveau M. le secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale sur l'engagement de la procédure accélérée à propos de ce texte. M. Christian Blanc nous a répondu que c'était à la demande du Sénat. Or une dépêche de l'AFP – et j'en profite pour remercier cette agence de presse d'informer la représentation nationale – nous apprend que le président du Sénat, M. Gérard Larcher, a déclaré être d'accord avec son homologue de l'Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer. M. Larcher a lui aussi demandé la levée de l'urgence.
Dans la mesure où les présidents de nos deux assemblées, M. Larcher et M. Accoyer, ont demandé au Gouvernement de lever l'urgence, je me tourne vers M. le secrétaire d'État pour lui demander si le Gouvernement va répondre à leur souhait, pourquoi le Sénat aurait changé d'avis en l'espace de vingt-quatre heures et pourquoi le Gouvernement tient à déclarer l'urgence sur ce texte.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale, monsieur le président Christian Jacob, messieurs les rapporteurs, Yves Albarello et Jacques Alain Bénisti, mes chers collègues, dans une démocratie moderne, l'exécutif et le législatif doivent partager une même ambition au service de leur pays ; partager une volonté commune d'imaginer des projets d'avenir pour la société : partager l'objectif d'être en phase avec leur temps et le mode de vie de leurs concitoyens.
Le projet du Grand Paris répond à ces critères. Il s'agit d'imaginer la région capitale de demain, au service de la France des territoires. Il s'agit de construire l'attractivité de la France et de l'Île-de-France au profit des Français et des Franciliens. Il s'agit de favoriser l'émergence des richesses de demain sans lesquelles aucune solidarité ne pourra exister.
Dans chaque pays majeur, dans chaque continent, les villes-mondes aimantent l'économie, la culture et la recherche. Toutes les grandes civilisations ont vu émerger une capitale-repère : Thèbes puis Karnak, Athènes, Alexandrie, Rome, Jérusalem, Constantinople ont tour à tour éclairé leur époque et permis l'éclosion des technologies et des arts.
Le monde d'aujourd'hui, et plus encore celui de demain, est celui d'une planète-village forcément plus solidaire face au risque climatique, mondialisée par les échanges grâce aux progrès des transports – aériens, maritimes et terrestres – et les technologies numériques de la connaissance.
Construire le Grand Paris suppose un projet de vie soutenable, une vision architecturale ambitieuse et durable, l'émergence de clusters de Recherche et Développement de niveaux mondiaux, une armature de transports robuste et un mode de gouvernance efficace.
Le texte que nous examinons n'est qu'une étape fonctionnelle et je comprends que les architectes qui ont planché sur le projet de vie et la vision architecturale du futur soient en attente. Nous le sommes également. Mais, n'insultons pas l'avenir !
Depuis la fin des Trente Glorieuses, le mal français en termes d'aménagement du territoire, c'est le retard des infrastructures. C'est le mal dont souffrent – au quotidien – les habitants de nos territoires, surtout en grande couronne.
Au milieu des années soixante-dix, le film Elle court, elle court la banlieue ! illustrait à merveille la vie quotidienne des banlieusards parisiens. Aujourd'hui, s'il est passionnant d'imaginer notre futur, il convient d'améliorer le quotidien immédiat de nos concitoyens. L'offre de transport en commun quantitative et qualitative est médiocre en grande couronne. Les liaisons de banlieue à banlieue sont à inventer.
En Val d'Oise, aucune voie ferrée ne relie, par exemple, Roissy, capitale économique, porte d'entrée de l'Europe, à Cergy, capitale universitaire, par la vallée de Montmorency, malgré des études de faisabilité qui remontent à 1991 et un projet validé.
Le taux d'emploi par habitant – c'est-à-dire la proportion d'emplois offerts par actif résident – ne dépassant pas 0,75 dans le Val d'Oise, nous sommes condamnés à des migrations alternantes en voiture sur des infrastructures radiales, A15 et A115, non reliées à Paris et sur des rocades insuffisantes, comme l'A86, ou inexistantes – cas de la Francilienne entre l'A13 et l'A15.
J'en appelle à la solidarité et à l'intelligence pratique. Monsieur le secrétaire d'État, votre texte traite d'un nouveau réseau de métro automatique en « double boucle » – j'ai bien retenu l'expression – qui, en l'état, n'irrigue malheureusement pas le Val d'Oise, sauf au départ de Roissy-en-France, dans ma circonscription. Or, dans le Val-d'Oise, un réseau complémentaire est indispensable. Ce réseau complémentaire de tramway devrait par exemple se situer sur l'emprise routière du boulevard urbain du Parisis et relier Roissy à La Défense en traversant Gonesse, Sannois et Argenteuil. Sur la double boucle, le choix d'implantation des gares sera déterminant pour la cohérence des interfaces entre les différents modes : métro, TGV, voiture, bus et tramway.
Enfin, de vieux projets doivent être refondus et discutés à nouveau à l'aune de ce texte de loi. Je songe à CDG Express, coûteux projet de partenariat entre public et privé que le métro automatique prévu par le projet du Grand Paris rendra à terme obsolète. Une liaison peu coûteuse au départ de la Gare du Nord et empruntant les sillons actuels du TGV jusqu'à la gare RERTGV de Roissy-Charles de Gaulle est réalisable immédiatement et à peu de frais. Je propose de la créer depuis cinq ans, en vain.
Je songe également à Creil-Roissy, projet choquant lancé contre l'avis unanime des élus du Val d'Oise, au mépris de l'environnement, des populations et de l'argent public, si rare.
Je songe en outre au barreau de Gonesse, tant attendu, qui doit être prolongé au-delà du Parc des Expositions de Villepinte jusqu'à la gare RER-TGV de Roissy, moyennant un débranchement nord et sud de la ligne D du RER.
Sans parler du monopole exorbitant des taxis parisiens sur le site aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle, qui empêche les artisans taxis riverains de Seine-et-Marne et du Val d'Oise de travailler dans des conditions équitables.
Hors sujet, me direz-vous peut-être. Je ne le crois pas : même s'il marque un retour de l'État stratège et régulateur, ce projet ne peut se développer sans les maires, moins encore contre leurs prérogatives. Monsieur le secrétaire d'État, ce texte doit parvenir à un équilibre entre ambition collective et vision locale. Ce nécessaire compromis donne son sens au contrat de développement territorial prévu au titre IV.
Après le temps du transport viendra celui de l'urbanisme : le deuxième temps du Grand Paris, celui du beau Paris.
Nos travaux y contribueront.
Le titre III aborde les modalités pratiques d'étude et de réalisation du réseau de transport public du Grand Paris. En accord avec Yves Albarello, notre excellent rapporteur,…
…j'ai déposé plusieurs amendements destinés à renforcer la concurrence pour l'attribution de marchés de missions d'étude et de maîtrise d'ouvrage, chaque fois, bien entendu, que des impératifs de sécurité ne s'y opposent pas.
Enfin, le titre V traite du projet de création d'un pôle scientifique et technologique sur le plateau de Saclay. Vous nous en avez parlé hier avec passion et compétence, monsieur le secrétaire d'État. Il s'agit d'un pari fantastique : celui de l'intelligence au service de l'humain, de la santé au profit de la population mondiale, et du développement durable, urbain et périurbain. Et c'est sans doute la plus belle contribution que la représentation nationale pouvait apporter, avec vous, monsieur le secrétaire d'État, à quelques jours du Téléthon 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le secrétaire d'État, votre projet de loi sur le Grand Paris traduit l'intérêt que l'État semble désormais accorder au processus de modernisation de la métropole francilienne.
Nombre d'élus de ce territoire, de toutes tendances politiques, ont témoigné leur attachement à la mise en oeuvre d'un projet novateur qui serait le point d'aboutissement d'un dialogue pluraliste des communes, des intercommunalités, des départements et de la région avec l'État. Ils se sont donc naturellement réjouis de cette nouvelle attention prêtée au devenir de la région capitale.
Mais, à leurs yeux, cet intérêt de l'État envers la première région française, après des années de désintérêt et de désengagement financier, doit d'abord se traduire par le respect des décisions et des compétences des collectivités locales et de leurs élus. Ces derniers ont reçu cette compétence de la loi et du suffrage universel ; ils ne sont pas moins légitimes que les élus des autres territoires lorsqu'il s'agit d'exercer leurs responsabilités.
Cette préoccupation de l'État, cet élan nouveau auquel tous aspirent ne saurait donc entraîner la création d'une situation d'exception, ni justifier la mise entre parenthèses de la décentralisation en Île-de-France. Les collectivités franciliennes sont des acteurs déterminants et incontournables du projet collectif et doivent le rester ; le Président de la République l'a lui-même souligné à Chaillot.
Quels sont les enjeux du projet pour notre territoire ? Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de regretter la première version de l'article 1er, que vous avez abandonnée alors qu'elle apportait à ces interrogations une réponse particulièrement pertinente. Au cours de notre discussion, on pourra décrire ces enjeux différemment, mais avec la même pertinence. Je les résumerai pour ma part en trois points. Il s'agit de répondre aux besoins immédiats des habitants, à leurs attentes, mais aussi à leurs difficultés réelles ; de relever comme il se doit les défis majeurs, économiques, sociaux et environnementaux ; de contribuer par la dynamique du territoire de la métropole capitale au développement de l'ensemble du territoire national dans le concert mondial. Nul ne peut contester le bien-fondé de ces objectifs, qui imposent au préalable de bâtir une vision commune.
Comment imagine-t-on ce territoire ? Comment les habitants d'aujourd'hui et de demain y vivront-ils ? Y trouveront-ils les conditions d'une vie apaisée et comblée, que la réalité métropolitaine perturbe trop souvent ? Que voulons-nous faire du rayonnement mondial de Paris ? Ce patrimoine sublime, que tous nos compatriotes revendiquent, peut-il leur servir d'atout principal pour ce XXIe siècle ? Afin de ne pas freiner le progrès et d'éviter toute régression, comment concilier tout ce qui existe, tout ce qui a été fait, tout ce qui est en projet avec de nouvelles initiatives portées par l'élan et par la dynamique de la modernisation ?
À ces questions, quelles réponses apportez-vous ? Un projet de loi dont le contenu actuel se limite, exception faite de l'établissement public de Paris-Saclay, à la réalisation d'une infrastructure de transport qui ne résoudra que partiellement, voire très imparfaitement, les sérieux problèmes auxquels les populations sont confrontées pour se déplacer. Un projet qui ignore ceux que les collectivités ou leurs autorités compétentes ont déjà élaborés, décidés ou appliqués et qui, s'il ne prétend s'y substituer, rend leur achèvement bien incertain.
Ce projet prévoit l'instauration de procédures dérogatoires ou de règles d'urbanisme entrant directement en conflit avec celles définies par les collectivités dans le cadre de l'exercice de leurs compétences et de leur autonomie, pourtant fixées par la Constitution.
Ainsi en est-il de la création de l'EPIC Société du Grand-Paris, qui menace directement les établissements actuels chargés des transports. En effet, ces derniers, gérés et financés principalement par les collectivités, risquent d'être réduits à assurer avec les ressources de la fiscalité locale, ou ce qu'il en restera, le financement de choix et de décisions dont les élus auront été exclus.
Enfin, le projet de loi demeure muet sur l'engagement financier consenti par l'État pour réaliser cette infrastructure, comme pour respecter ses obligations s'agissant des projets déjà validés par toutes les collectivités, et qu'il doit contribuer à financer.
Ainsi, ce projet, qui prétend résoudre le problème urgent et grave des déplacements, ne peut manifestement satisfaire les véritables besoins et les attentes des populations en la matière, sans nul doute parce que l'État n'en perçoit hélas pas la vraie nature ou parce que tel n'est pas l'objectif qu'il recherche.
Ne commet-on pas un abus de langage en mettant la formule « Grand Paris », aujourd'hui inopportunément associée à toutes les questions, à toutes les sauces du mitonnage de la dialectique politique, pour ne pas dire politicienne ?
Nombre d'élus contestent la pertinence de cette expression lorsqu'elle n'est pas attachée à l'enjeu métropolitain d'une dynamique selon laquelle, au nom de l'intérêt général, Paris, les départements, la région Île-de-France, les communes et leurs intercommunalités assumeraient leurs compétences au service des populations, en partenariat, en complémentarité et en cohérence, et en construisant ainsi les fondements de nouvelles gouvernances qui restent à définir.
L'utilisation, dans n'importe quel contexte et pour chaque aspect de la vie de notre territoire, d'une formule banalisée à outrance et à laquelle chacun donne un contenu et un sens différent risque de créer une confusion dans l'opinion publique quant aux propositions réelles, aux objectifs qu'elles poursuivent et à leur compatibilité avec les attentes des habitants et les progrès qu'ils escomptent d'une nouvelle approche de l'organisation territoriale, de la cohérence et de l'efficacité de l'action publique.
Cet abus de langage est aussi l'aveu d'une profonde méprise. En effet, ce projet de loi sur le « Grand Paris » ne mentionne ni n'intègre aucune des autres questions également cruciales et fondamentales pour la vie des habitants et leur bien-être. Leur mieux-vivre dans un cadre apaisé, l'évocation du devenir de notre territoire et de son rayonnement mondial, le logement, le développement économique, l'aménagement urbain et périurbain, la solidarité et les enjeux sociaux qu'impliquent les disparités et les inégalités territoriales, la démarche environnementale et les objectifs de développement durable : toutes ces questions doivent être appréhendées de manière globale.
Il est donc singulier que ces questions et leurs réponses, qui ne peuvent être qu'un préalable, ne soient pas placées au coeur de la stratégie que l'État entend conduire, par exemple sur les enjeux du transport. Ainsi, est-il raisonnable de construire un réseau de transport public avant de bâtir la métropole, avant même de savoir quelle métropole nous voulons ? Ces interrogations sèment le doute sur la capacité de l'État à défendre réellement et sérieusement une vision moderne, nouvelle, globale et cohérente.
Votre projet préconise par exemple une spécialisation des territoires, donc la concentration sur certains sites des équipements et des établissements facteurs de développement économique. Mais la greffe ne pourra pas prendre si ces pôles ne sont pas insérés dans un tissu productif diversifié et relié aux bassins de vie et d'emploi.
Et cette logique de spécialisation, en tournant le dos aux territoires isolés, porte les germes d'une accentuation de la ségrégation territoriale qui entame gravement notre cohésion sociale.
Ainsi, ce projet, que certains ont qualifié de pharaonique et qui devait marquer l'entrée de la métropole dans le XXIe siècle, se réduit à un projet incertain de transport, inadapté à l'ampleur des enjeux. Il constitue une régression inacceptable en termes de libre administration des collectivités territoriales, dont il méprise les principes de subsidiarité et d'autonomie financière.
Voilà pourquoi votre texte, monsieur le secrétaire d'État, suscite tant de questions.
En voici d'autres : votre projet dessine-t-il une stratégie pour imposer une nouvelle gouvernance dans laquelle l'État technocratique pourra désormais décider seul et de manière autoritaire, et instrumentaliser les enjeux locaux sans avoir de comptes à rendre aux habitants, dont les élus locaux, démunis de leurs compétences et de leurs moyens financiers, devront naturellement affronter le mécontentement ?
S'inscrit-il dans la continuité d'une réforme de la taxe professionnelle qui vise à supprimer l'autonomie financière des collectivités ?
Donne-t-il un avant-goût d'une réforme territoriale qui s'annonce comme l'acte premier de la recentralisation ?
Monsieur le secrétaire d'État, alors que nous allons entamer la discussion des articles, vous pouvez faire évoluer votre texte en permettant de lever ces doutes. Mais, pour cela, vous devez intégrer les attentes des collectivités, des élus et des habitants. Vous pouvez ouvrir ce débat et conduire l'État vers une vision métropolitaine partagée. Vous pouvez introduire la codécision, la co-élaboration et la coresponsabilité comme autant d'instruments d'une nouvelle expression de la démocratie et la préfiguration d'une nouvelle gouvernance pour notre territoire.
Mais, si vous ne le faites pas, au-delà de l'échec, celui de tous ceux qui veulent construire la métropole capitale de demain et faire le pari d'une nouvelle urbanité, vous aurez porté atteinte à un rêve qui aurait pu consacrer de manière prodigieuse l'entrée de cette métropole et de ses habitants dans un nouveau millénaire riche de défis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon propos sur le Grand Paris rejoindra partiellement les interventions de certains des orateurs qui m'ont précédé…
…aujourd'hui ou hier, monsieur Paternotte. À cet égard, j'aimerais revenir sur votre assertion selon laquelle il s'agirait d'« imaginer la région capitale de demain ». Je me demande dans quel monde nous vivons vous et moi. Ce qui s'est passé depuis septembre 2008 a-t-il vraiment été pris en compte dans ce projet de loi ? On a l'impression qu'il n'en est rien. Le Premier ministre n'a-t-il pas l'année dernière construit son budget sur l'hypothèse d'un taux de croissance de 1 % pour 2009 alors que la crise financière commençait ? En réalité, il a été à de moins 1,5 %. Autrement dit, les anticipations du Gouvernement sur l'état de l'économie française ont différé de 3,5 points du taux effectivement constaté.
À vous entendre, puisque tout le monde se trompe, il n'y aurait pas de raison que nous-mêmes nous ne nous trompions pas… L'argument me paraît faible du point de vue de la raison ! Je crois plutôt que l'on a fait preuve de beaucoup d'aveuglement.
Cette année, le budget a été bâti sur l'hypothèse d'une croissance de 0, 75 %, le Premier ministre a même évoqué le chiffre de 1, 5 %. Des raisons, peu discutées ici, me laissent à penser qu'elle n'atteindra même pas 0,75 %.
Que penser dès lors du projet de Grand Paris, voire de ce très grand Paris imaginé par Nicolas Sarkozy jusqu'au Havre ? M. Pompidou a eu son centre, M. Mitterrand sa pyramide ; M. Sarkozy veut avoir son Grand Paris et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, voulez avoir votre métro ? Je suis presque convaincu que de tels projets ne pourront se réaliser pour des raisons qui semblent échapper à ce projet de loi.
Permettez-moi ici de faire référence à un rapport élaboré par la Société générale pour ses clients, auquel Le Figaro du 20 novembre dernier a consacré un article.
Mais vous savez bien que tout le monde peut se tromper. Je le cite : « Les récents plans de sauvetage mis en place par les gouvernements mondiaux ont simplement transféré les passifs du secteur privé au secteur public, créant une nouvelle série de problèmes ». En outre, le rapport évoque, entre autres scénarios, une nouvelle chute des marchés, une inflation galopante ainsi qu'une forte chute du dollar. Il conclut même en évoquant un « éventuel effondrement économique général ».
Compte tenu de ces perspectives, certes hypothétiques, et de la faible probabilité d'une reprise de l'emploi, je me demande comment l'on peut encore concevoir un projet de loi relatif au Grand Paris en prévoyant d'y consacrer plusieurs dizaines de milliards, alors qu'il ne s'agit que du début d'un commencement. Pour le seul « tube », on prévoit 21 milliards d'euros. Comment croire qu'un tel projet pourra se réaliser ? Il faudra du temps et en 2020, le monde aura changé en profondeur : votre métro ne pourra jamais exister !
Avec de tels raisonnements, jamais le métro parisien n'aurait été créé !
Nous avons simplement une vision de l'avenir, y compris pour la région capitale, totalement différente de la vôtre, imprégnée de religion croissantiste,…
…avec priorité au bétonnage et à la création de nouvelles infrastructures, au motif que la région capitale n'en compterait pas assez !
Ce projet de loi est paradoxal. Il se caractérise tout à la fois par son étroitesse – un simple métro, fût-il extrêmement coûteux – et sa démesure. Il passe à côté de son sujet pour proposer des solutions tantôt insuffisantes, tantôt titanesques : vous voulez construire une rocade au tracé inadapté et un centre de recherches sur le plateau de Saclay qui déséquilibrerait à la fois le territoire de l'ensemble du pays et les pôles de recherche franciliens.
Il s'agit d'un mauvais texte, parsemé d'erreurs de jugement, d'analyse et de diagnostic. En somme, c'est un texte aveugle à toute vision lucide de l'avenir.
Son titre même est mensonger. Censé être consacré au Grand Paris, il ne concerne en fait que le droit de l'urbanisme et un peu celui des transports. Cela n'a rien à voir avec la vision du Grand Paris qu'ont proposée dans leurs projets la dizaine de cabinets d'architectes sélectionnés, il y a quelques mois.
Du travail de ces dix équipes, je ne vois nulle trace dans votre projet de loi. Je citerai l'une d'elle, formée du duo franco-allemand Geipel et Andi : « La perspective n'est pas un plus grand Paris, toujours plus grand, mais un Paris autre, qui au lieu de se définir par ce qu'il n'est pas – banlieue, espace vert, cité-dortoir, zone d'activités ou centre de loisirs – se déterminerait par ce qu'il est aussi : une ville qui entreprend les pas d'une nouvelle métamorphose dans l'ère post-Kyoto et qui repense les séparations entre nature et culture, entre intérieur et extérieur, entre polycentralité et densification. Nous pensons que Paris peut être le laboratoire d'une autre métropole : la métropole douce ».
Monsieur le secrétaire d'État, à l'évidence, vous ne proposez pas une métropole douce, mais un territoire urbain désincarné, détaché de son environnement et du bien-être de ses habitants. Je ne crois pas que l'on puisse créer une métropole à travers un réseau de transports. Vous avez répondu hier qu'il s'agissait d'un premier pas et que d'autres projets seraient consacrés à l'ensemble des aspects du Grand Paris.
Mais qu'en est-il aujourd'hui du logement, de la préservation de l'environnement, du maintien d'une agriculture de proximité, de la qualité de la vie, de l'accès à la culture et de la lutte contre la ségrégation urbaine ou de la mixité sociale ? Rien. Alors que 10 % de la population d'Île-de-France vit en dessous du seuil de pauvreté, aucune solution n'est formulée dans votre projet de loi pour remédier à cette situation.
Vous proposez un « grand huit » qui relie les quartiers d'affaires aux aéroports : en réalité, il ne sera utilisé que par quelques femmes ou hommes d'affaires. On peut même se demander s'il ne sera pas constamment à moitié vide.
Votre projet inclut bien sûr les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly. Apparemment, vous croyez dur comme fer au développement futur d'un transport aérien en progression constante de plusieurs points chaque année. Il fut même un temps question d'un troisième aéroport – vous devez vous en souvenir, vous qui vous êtes occupé des affaires aériennes – que l'on ne savait pas vraiment où implanter : en Île-de-France ou un peu plus loin vers Compiègne ou Chartres, voire en Picardie. Et je ne parle pas de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes que notre ami Jean-Marc Ayrault défend, hélas ! contre toute raison.
Croire en la nécessité de construire davantage d'aéroports en France dans une perspective de cinquante à quatre-vingts ans, c'est supposer que le trafic aérien va continuer de croître dans les années 2025 à 2050. C'est être totalement aveugle à la réalité des contraintes géologiques qui pèsent sur le transport aérien, du fait de la moindre accessibilité aux énergies. Le kérosène sera devenu si coûteux que les clients de la classe économique déserteront les aéroports. Vous commettez une très grave erreur que nous paierons très cher. C'est un éléphant blanc, à l'instar du canal Rhin-Rhône à grand gabarit.
On ne saurait penser une métropole post-Kyoto sans remettre en cause les vieux schémas selon lesquels big is beautiful. La concentration d'activités tertiaires sur un territoire limité ne peut avoir des résultats positifs. Le 26 juin 2009, l'EPAD, rendu célèbre par une certaine affaire familiale, a informé ses administrateurs que son plan financier 2009-2016 allait connaître un déficit de plus de 150 millions d'euros. La « Tour sans fin » de Jean Nouvel, qui n'a jamais eu de début, est obsolète : le modèle des tours de 300 mètres, exclusivement fondé sur la spéculation, est devenu impossible à financer. La seule durée des chantiers compromet leur rentabilité, à tel point que l'on en vient à envisager des ouvertures par blocs afin de permettre des rentrées financières plus rapides… Un exemple de plus de l'inanité à s'obstiner à concentrer certaines activités dans des zones bien arrêtées au lieu de favoriser la mixité. Or vous voulez à nouveau faire du zonage à grande échelle.
Bien sûr, je me réjouis que la commission nationale du débat public ait été réintroduite à la faveur des débats en commission. J'espère que cet acquis ne sera pas remis en cause au cours de nos débats dans l'hémicycle. Comme l'ont déjà dit certains orateurs, la participation du public et des élus est essentielle, compte tenu des projets démiurgiques que l'on envisage sur leurs territoires.
Je déplore l'absence de clairvoyance quant aux parties prenantes du secteur des transports. La section CGT de la RATP a dit refuser un « dépeçage en règle » de l'entreprise publique de transport après l'adoption d'un amendement au projet de loi sur le Grand Paris prévoyant une séparation juridique entre gestion de l'infrastructure et exploitation.
Votre texte est également amnésique, car il existe un outil beaucoup plus porteur et convaincant pour aménager la région, même s'il n'est pas parfait : je veux parler du schéma directeur de la région Île-de-France, adopté il y a quatre ans. Alors qu'il aurait pu, à tout le moins, servir de base, votre projet le met totalement de côté. Ce document est actuellement bloqué au Conseil d'État. Vous préférez préparer les élections régionales avec un projet qui n'a pas lieu d'être.
Notre temps de parole étant limité, je vais me concentrer sur les grandes lignes.
Ce projet n'a rien d'écologique. Il repose sur une vision productiviste et aveugle de l'avenir. Il est également inéquitable car il renforce les déséquilibres entre les sous-régions de la région Île-de-France. Qui plus est, il est imprécis et complexifie davantage le système.
En conclusion, votre projet se réduit à une vision d'infrastructures et non pas d'aménagement global ou d'avenir. Il sera, hélas ! sans doute voté par notre assemblée, mais je prends le pari avec vous qu'il ne sera pas réalisé...
..parce que l'histoire réelle de la décennie qui arrive le rendra impossible.
Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1 et concerne la procédure que nous allons utiliser pour discuter du présent texte.
Interrogé hier, par Annick Lepetit, sur la procédure accélérée, M. le secrétaire d'État a donné la réponse suivante : « Le Sénat, semble-t-il pour un problème de calendrier au premier semestre, aura des difficultés à organiser un, voire deux débats » – espérons qu'il en organisera au moins un… Or notre collègue a cité tout à l'heure une dépêche de l'AFP où M. Larcher indique : « Il y a une solution, c'est de ne pas convoquer de CMP ».
Monsieur le président, au moment d'entamer l'examen de ce texte, nous sommes en droit de savoir dans quelles conditions il sera discuté. Nous engageons donc le secrétaire d'État à nous répondre, ce qu'il n'a pas fait tout à l'heure, car l'article 102 de notre règlement est clair : « En cas d'opposition de la conférence des présidents de l'Assemblée, le président en avise immédiatement le Gouvernement et le président du Sénat. Lorsque le président de l'Assemblée est informé d'une opposition émanant de la conférence des présidents du Sénat – ce qui n'est pas le cas –, il réunit sans délai la conférence des présidents de l'Assemblée. Celle-ci peut décider de s'opposer également à l'engagement de la procédure accélérée jusqu'à la clôture de la discussion générale en première lecture devant la première assemblée saisie ».
Hier, M. Accoyer a montré son opposition à l'examen de ce texte en procédure accélérée.
Contrairement à ce que nous avions compris hier à travers la réponse de M. le secrétaire d'État, le président du Sénat n'est en rien concerné dans cette demande. Aussi souhaiterions-nous obtenir une réponse claire à la question suivante : est-ce qu'à la fin de la première lecture au Sénat qui interviendra, je l'espère, un jour, la CMP sera convoquée ? En ce début de discussion générale, nous sommes en droit d'avoir dès à présent cette précision du Gouvernement.
Monsieur Golberg, j'ai bien noté votre propos. Nous avons encore un peu de temps, puisque la discussion générale n'est pas close.
Cela prouve en tout cas que la révision constitutionnelle que nous avons votée comporte des éléments importants.
Vous finissez par trouver des mérites à cette réforme constitutionnelle !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet a deux défauts : il n'est pas forcément bien nommé et il ne tombe pas nécessairement au bon moment.
Il n'est pas forcément bien nommé puisque, comme j'ai eu l'occasion de le dire hier soir, c'est en réalité la première pierre d'un projet qui a été lancé à l'automne dernier. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga d'un projet qui s'emploierait à réorganiser l'ensemble de l'agglomération parisienne et à en faire un lieu de réussite. C'est l'alpha tout court ; et tout le monde voudrait aujourd'hui critiquer l'oméga. Imaginons que, à l'occasion de l'examen d'un texte sur les retraites, l'opposition nous reproche de ne pas prévoir la politique de contraception ou de santé : ce serait tout aussi ridicule.
Je reconnais que le titre du présent projet de loi pourrait induire en erreur, mais comme je suis sûr que mes éminents collègues socialistes ont lu le texte et pas seulement son titre, ainsi que l'étude d'impact, ils ont pu voir qu'il y avait bien d'autres étapes entre alpha et oméga.
Monsieur Lagarde, ne soyez pas agressif ! On sait qu'il y a le bêta, le gamma…
Ce projet ne tombe pas nécessairement au bon moment : on le voit à travers les déclarations faites dans cet hémicycle ou dans la presse, le seul intérêt que trouve l'opposition à ce débat, c'est celui d'être engagé quelques semaines avant les élections régionales. Plutôt que de discuter d'un projet qui doit s'étaler sur les quinze ou vingt prochaines années pour transformer notre métropole,...
On en a parlé des journées entières en commission. Mais vous n'étiez pas là !
..elle n'a eu de cesse de nous parler des élections régionales de mars 2010, alors que tel n'est pas le sujet.
Monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi que vous nous présentez n'est pas un enjeu pour la région Ile-de-France ; c'est un enjeu national. Mais celui-ci n'est pas suffisamment mis en avant.
À l'avenir, il y aura six ou sept grandes métropoles mondiales où se joueront les sphères d'influence du monde. Au-delà de l'économie, ce projet permettra ou non à la France d'asseoir sa suprématie en Europe...
..et sa capacité d'influence dans le monde. La France fera ou non partie de ces cinq ou six grandes nations en fonction de ce que sera sa métropole capitale. C'est ainsi que ce débat devrait être envisagé. Malheureusement, ce n'est pas ce que j'ai entendu jusqu'à présent chez la plupart des intervenants.
Avons-nous ou pas une grande métropole attractive ? Aujourd'hui, la région Île-de-France est asphyxiée dans ses transports, elle est inégalitaire dans la répartition des richesses, elle est noyée sous les problèmes de logement et n'a aucun dynamisme économique. Depuis plus de dix ans, la croissance de l'Île-de-France est deux fois plus faible que celle des autres métropoles qui, elles, sont attractives ; sans doute les hommes politiques qui sont aujourd'hui aux manettes de cette région en sont-ils les premiers responsables.
Une faible croissance est très néfaste pour l'emploi des Franciliens et pour la place stratégique que la France prétend occuper en Europe, et au-delà dans le monde.
En réalité, le projet du Grand Paris est un réel événement : c'est la première fois, depuis le général de Gaulle et le préfet Delouvrier, que l'on essaie de penser globalement notre métropole. Et permettez au militant de la décentralisation que je suis cette réflexion attristée : si ce projet de loi existe, n'est-ce pas finalement parce que nous touchons aux les limites de la décentralisation électoraliste ?
Le schéma des transports pour la région Île-de-France n'est qu'une addition de bouts de ficelles visant vise à satisfaire, à une ou deux stations près, telle ou telle ambition électorale et qui coûte plus que les vingt milliards d'euros de votre projet. Oui, la décentralisation peut avoir des limites lorsque les élus ne visent qu'à satisfaire les électeurs plutôt qu'à l'intérêt général.
On nous explique qu'il serait scandaleux que le STIF ne réalise pas ce grand équipement qui sera payé par l'État. Or, mes chers collègues, les métros et les RER parisiens n'ont jamais été réalisés par le STIF qui en a aujourd'hui la gestion, mais bien par l'État.
Les représentants du STIF trouvent également scandaleux que l'on envisage de « donner » à la région Île-de-France une ligne de métro automatique. Pensez-vous que le maire de Toulouse, dont je regrette l'absence, refuserait que l'État lui paye sa troisième ligne de métro automatique, tout en lui en confiant la gestion ? Je ne le crois pas. On trouve indécent que l'État investisse en région Île-de-France, alors que toutes les grandes infrastructures existantes ont été financées par l'État et non par la région. Curieux raisonnement, quand on sait que tous les élus de province accepteraient qu'on leur offre une ligne de métro, de tramway, etc. !
Je suis persuadé que si l'on proposait la même chose à Lyon, M. Collomb en serait ravi !
La démarche initiée par le Président de la République à travers le travail des architectes, de toutes celles et tous ceux qui ont voulu participer à ce débat, à travers les expositions, et des Franciliens qui se mobilisent pour voir comment on pourrait progresser ensemble, a suscité l'intérêt dans le monde entier.
Le jour où Nicolas Sarkozy a présenté les orientations qu'il entendait afficher, le président de la région Ile-de-France et le maire de Paris les ont approuvées. Comme le disait hier Mme Lepetit, comment pouvait-on être contre les ambitions affichées ? Las, les élections régionales approchant, vous n'avez de cesse que de vous croire obligés de rejeter ce que vous acceptiez hier pour mieux cacher le vide du projet actuel de SDRIF. C'est bien dommage, car l'addition de ces deux projets serait une grande victoire pour notre région.
Comme je le disais, le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'État, est la première pierre d'une démarche qui prendra du temps. Évidemment, restructurer l'urbanisme, refonder de nouveaux modes d'échange et de production économique, résorber les fractures territoriales dont souffre notre département – vous permettrez à l'élu de Seine-Saint-Denis que je suis d'en parler un peu – faire en sorte qu'il n'y ait pas systématiquement les emplois d'un côté et les logements, parfois les cités dortoirs de l'autre, reconstruire la ville sur la ville, la métropole sur la métropole, tout cela prend nécessairement du temps. Ce projet apporte une réponse qui donne une cohérence à une vision de développement économique mais aussi d'aménagement du territoire. La double boucle que vous avez proposée et qui voit aujourd'hui son instrument nécessaire se mettre en place à travers ce projet de loi, c'est-à-dire la Société du Grand Paris, est le plus urgent.
Cette double boucle débloquera des enjeux majeurs, le premier d'entre eux étant de sortir de Paris. Trop longtemps, on a considéré que la croissance ou le développement dans notre région se limitait à Paris intra-muros.
Le deuxième enjeu consiste à créer des liens entre les pôles économiques et les pôles de recherche dont nous avons besoin. Tous les atouts sont présents en Île-de-France : le seul problème, c'est qu'ils ne fonctionnent pas ensemble. La double boucle a pour vocation de faire en sorte qu'ils travaillent ensemble.
Neuf pôles majeurs de développement ont été identifiés. Je ne citerai que celui dont je suis le plus proche : le pôle de l'aéroport du Bourget. Il est extraordinaire que, depuis trente ans, ni l'État ni la région n'aient pensé que ce premier aéroport d'affaires en Europe, situé à la porte nord-est de Paris et bénéficiant d'un foncier remarquable, pouvait être autre chose qu'un aéroport destiné à accueillir, tous les deux ans, le salon de l'aéronautique…
…au demeurant nécessaire et fort sympathique. Les architectes ont montré qu'il y avait là un pôle de développement.
En Seine-Saint-Denis, il existe trois projets sur le nord du territoire qui est le plus défavorisé. Depuis 1998, j'ai tellement entendu parler de rattrapage pour ce département, qu'on peut se demander pourquoi les élus socialistes, communistes ou verts de la région Île-de-France n'ont jamais pensé à combler ce retard, notamment dans la partie Nord, par l'activité et par l'emploi. Ils ont souvent préféré le faire sous d'autres formes, dont on connaît désormais l'inefficacité.
Quant au plateau de Saclay, il pourrait devenir le premier centre européen de recherche scientifique et technologique. Déjà 10 % des chercheurs français y sont concentrés. Mais il manque aujourd'hui à la fois une ambition collective, un aménagement et une coordination.
Oui, monsieur le secrétaire d'État, nous considérons que la création de la Société du Grand Paris répond à un grand besoin : disposer rapidement d'un outil pour réaliser le futur métro automatique. Ce partenaire de l'aménagement contractualisera avec les collectivités concernées par ce nouveau transport. Cela permettra d'ailleurs de faire avancer la réflexion intercommunale, ce que certains élus de mon secteur ne faisaient pas nécessairement.
Je veux mettre l'accent sur une autre hypocrisie du débat qui a lieu par médias interposés : je veux parler de l'accusation de recentralisation. Le texte repose sur la contractualisation. Le système de transport sera évidemment soumis à enquête publique, comme le demandait M. Cochet, et c'est bien normal. Chacun pourra donner son avis. À cet égard, nous présenterons quelques amendements qui visent à renforcer cet aspect des choses.
Mais une fois cet équipement de transports souterrains lancé, tout l'aménagement autour des gares et des pôles économiques en question sera soumis à la contractualisation avec les élus locaux présidents de conseils généraux, maires ou présidents d'intercommunalités : dans ces conditions, parler de recentralisation est une pure imposture. Les élus qui ont travaillé sur ce sujet, parfois très concrètement, savent que rien ne se passera sans leur accord – et c'est bien normal puisque ce sont eux qui gèreront les conséquences de l'aménagement. Il est normal qu'ils y soient associés par voie de contrat, sinon la Société du Grand Paris n'exercera pas ses prérogatives sur ces territoires.
Enfin, la création de l'établissement public de Paris-Saclay permet de relever trois défis, à commencer par celui de faire naître de nouvelles synergies entre le public et le privé. Dix pour cent des chercheurs français sont concentrés sur cette partie de la région Île-de-France mais, qu'ils soient dans le privé ou le public, ils ne travaillent pas suffisamment ensemble. Qui plus est, grâce à ces synergies, ils pourraient de surcroît trouver des partenariats internationaux bien plus intéressants qu'aujourd'hui.
Il convient également de mener une stratégie d'aménagement coordonné pour réussir ce qu'il est convenu d'appeler un cluster, modèle économique qui prévaut dans l'ensemble du monde, comme on l'a vu pour la Silicon Valley ou en Asie, où ils se constituent sous la direction de l'État – là-bas aussi, l'État a une ambition pour l'avenir. Oui, nous avons besoin d'une stratégie d'aménagement coordonné pour les transports, la répartition, l'aménagement et le logement, surtout dans cette zone d'une qualité environnementale exceptionnelle, ce qui peut d'ailleurs favoriser l'implantation de grandes entreprises et l'émergence de véritables zones de développement économique respectueuses de cette qualité. Naturellement, cette zone peut aussi contribuer à la révolution environnementale qui nous attend.
Pour la première fois se dessine pour notre agglomération, avec le projet du Grand Paris et cet acte I que vous proposez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, une démarche cohérente et enfin ambitieuse, bien au-delà des 2 % de croissance du SDRIF. Ce n'est, il est vrai, que la première pierre, mais elle est indispensable. Il faut maintenant que le travail des architectes puisse se poursuivre et réunir l'État et les collectivités, à travers la création du futur atelier international du Grand Paris, autour d'ambitions qui pourront ainsi être partagées et que votre projet de transport en commun collectif et moderne rend possibles.
Oui, ce projet est de nature à donner un coup de fouet à la compétitivité économique de notre région, et donc à l'ensemble de la France. Que ce soit tout près ou à Nantes, Lyon ou Lille, sont sait bien, même si leurs élus sont socialistes, que la réussite de la région Île-de-France aurait des retombées très positives sur l'économie de leur circonscription.
Résorber les inégalités territoriales et recréer des ensembles socialement équilibrés, telle est l'opportunité que nous offre cette infrastructure et les projets d'aménagement proposés par les architectes ; permettre à notre région capitale – et donc à notre pays – de reprendre sa place au sein des cinq, six, sept grandes métropoles mondiales dont les voix pourront compter, voilà une noble ambition, malheureusement incomprise juste avant les élections régionales, mais heureusement portée avec détermination par le Gouvernement, quand bien même certains voudraient la réduire à une simple opération électorale.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous devons réussir le Grand Paris car, à mes yeux, il ne s'agit pas seulement d'un projet de transport ; c'est d'abord et avant tout un aménagement équilibré, harmonieux, de notre région, à même d'assurer le bien-être de ses habitants et les conditions de réussite de ses entreprises. Nous avons beaucoup à faire : il nous faut réduire les ségrégations spatiales entre l'habitat et l'emploi, entre les catégories sociales, entre les zones riches et les zones pauvres.
Un premier point doit s'imposer à notre réflexion : on ne peut dissocier la dimension transport de celle de l'aménagement. Je souhaite clairement que le schéma de transport prenne toute sa place dans le schéma directeur d'aménagement. Du reste, les équipes d'architectes ont bien mis en évidence le lien entre l'aménagement, le transport et la qualité urbaine. Tout cela est indissociable. N'oublions surtout pas que le meilleur système de transport au monde ne saurait résister à un mauvais aménagement. En tant qu'élu de l'Est, je me dois d'appeler votre attention sur l'excessive concentration de l'emploi d'un côté, et du logement de l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous aurons beau organiser dans les meilleures conditions la transhumance quotidienne, le système de transport, le bien-être des habitants, l'efficacité des entreprises trouveront rapidement leurs limites.
À mon sens, un réseau de transport doit tout d'abord améliorer les déplacements entre le domicile et le lieu de travail. Cet élément est très important car l'Île-de-France constitue un bassin d'emploi et d'habitat unitaire. Nous devons viser à ce que chacun des points de ce bassin soit le mieux possible relié à tous les autres points.
L'attention, les efforts, ne doivent pas se concentrer exclusivement sur les liaisons entre pôles de compétitivité actuels ou futurs.
La priorité absolue est de disposer d'un maillage des réseaux de transport au plus près du terrain…
… dans lequel, n'hésitons pas à le dire, il y a une place pour la voiture.
Tout cela est complémentaire : gardons-nous d'opposer les transports collectifs à la voiture.
Pour avoir longtemps travaillé à l'aménagement des villes nouvelles, j'ai été frappé par le fait que le succès de ces entités, en termes d'accueil d'habitants et surtout d'entreprises, tenait beaucoup plus à la qualité des liaisons de transport routières et ferroviaires avec Paris et la proche couronne, qu'aux liaisons des villes nouvelles entre elles.
Le Président de la République m'a confié une mission le 29 avril dernier sur le financement de ce magnifique projet. J'ai remis un rapport au Premier ministre le 30 septembre. Permettez-moi en premier lieu d'insister sur la méthode. Il m'a paru indispensable d'associer à la réflexion l'ensemble des parties prenantes, à commencer par l'État sous tous ses aspects – l'État équipement, l'État Bercy, le secrétariat d'État du Grand Paris, la préfecture de région, la direction régionale – mais aussi, à parité, la région, à qui nous avons, en 2005, confié, dans le cadre de la décentralisation, la responsabilité des transports, et le syndicat des transports d'Île-de-France où siègent, aux côtés de la région, les huit départements.
À partir de ce constat, il m'a également paru souhaitable – et je me tourne vers notre collègue Pancher – d'associer des collègues de province car la question de l'aménagement de notre Île-de-France et du Grand Paris ne doit pas être traitée d'un point de vue strictement francilien.
La province y est intéressée au premier chef. C'est pourquoi il m'a paru très important de recueillir l'avis de nos collègues de province, ne serait-ce que pour les rassurer : si l'État, comme c'est légitime, participe au financement des transports de l'Île-de-France, en aucun cas cela ne devrait se faire au détriment des réseaux de transport de province. C'est là un point qu'il faut constamment rappeler.
Un constat s'est rapidement et unanimement imposé à nous : nous ne pouvons en aucun cas dissocier le court-moyen terme du long terme. Nous ne saurions les opposer.
Le court-moyen terme, c'est un programme ambitieux de rattrapage d'investissements trop longtemps différés, d'urgences impatiemment attendues par les Franciliens, qu'il s'agisse des Parisiens dits privilégiés – mais songeons à la saturation de la ligne 13 –, des Franciliens de la proche couronne – usager régulier de la ligne A, je peux en parler en connaissance de cause – ou encore de nos concitoyens de la grande couronne.
Je ne voudrais pas faire de la politique stérile. Voilà des retards que nous avons accumulés depuis vingt-cinq ans. Cela suppose un immense effort que les Franciliens attendent, espèrent.
Je pourrais citer toutes les opérations : l'ensemble de nos réseaux de RER, le matériel sur la ligne A, les infrastructures et le matériel sur la B, la C, la D, le prolongement d'Eole jusqu'à la Défense, tous les prolongements des lignes de métro, la 11, la 7, etc, les tramways, le T1, le T2, le T3, le T4, les tram-trains, le désenclavement des quartiers…
En vérité, mes chers collègues, ce projet existe bel et bien : c'est le plan de mobilisation construit avec l'État depuis plusieurs années, et la région, en concertation avec les départements.
Et comme l'a d'ailleurs très bien dit Nicolas Sarkozy le 29 avril, de ce projet de mobilisation, il ne faut rien retrancher.
Le plus long terme, ce sont les nouveaux pôles de développement : Saclay, Plaine de France, Seine Amont, Marne-la-Vallée, la desserte renforcée de nos aéroports, Orly, Roissy et, M. Lagarde a raison, Le Bourget, atout extraordinaire trop longtemps ignoré. C'est le métro de rocade que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, et la liaison au nord, vers Roissy, au sud vers Orly, en prolongeant la ligne 14 METEOR. À ce stade, vous avez parfaitement raison de vous inscrire dans une échéance de long terme, que nous avons trop négligée depuis vingt ans dans cette région où la gouvernance est très complexe. L'histoire de notre Île-de-France, sans même remonter au baron Haussmann, montre bien que souvent, ce fut l'État qui nous a obligés, nous qui étions enfermés dans un système dont la complexité terrible conduisait à l'immobilisme, à bousculer nos habitudes et à nous projeter dans l'avenir. Bon nombre d'idées du secrétariat d'État sont à cet égard extrêmement puissantes qu'il est de notre intérêt de mettre en oeuvre, comme l'a très bien dit Jean-Christophe Lagarde.
Dans cette perspective historique de notre région, je trouve le discours de Nicolas Sarkozy tout à fait salutaire.
De ce constat partagé nous avons tiré une conclusion toute simple : nous devons concilier les deux exigences, les urgences du court terme et les défis du long terme. Un consensus s'est ainsi dégagé sur un projet qui comprend le plan de mobilisation, la rocade la plus proche de Paris pour desservir les banlieues entre elles, quelle que soit sa dénomination – « rocade », « simple huit », « Arc express », « Orbival » chez nous, « Orbitale » dans le passé » – et bien entendu, la liaison, par la 14, entre Roissy et Orly.
Une autre évidence s'est imposée : celle du maillage. Ces nouvelles infrastructures présentent l'intérêt de dynamiser un réseau existant déjà très riche. On ne peut raisonner « nouvelles infrastructures » qu'en termes de maillage. C'est ainsi que nous obtiendrons une efficacité maximale.
L'enjeu n'est pas hors de portée. À l'horizon 2025, il se chiffre à 25 milliards d'euros qui se répartissent à parts égales entre le projet Grand Paris spécifique et le plan de mobilisation. Nous pouvons les prendre en charge pour l'essentiel, que nos collègues de province se rassurent, à partir de la ressource de la région Île-de-France, la plus riche du pays.
Cela dit, chacun sait qu'en matière de transport, la difficulté n'est pas l'investissement mais l'exploitation, autrement dit le fonctionnement. Nous avons donc examiné de quelle manière il conviendrait de couvrir les besoins d'exploitation, pour arriver à la conclusion que c'était possible, là aussi, mais qu'il faudrait nous montrer courageux et justes en proposant des financements préservant un équilibre entre trois acteurs.
Le premier est l'usager – à travers les tickets, les abonnements – dont la part dans les coûts d'exploitation est descendue à 30 % ; cette part, osons le dire, ne peut être diminuée davantage. J'ai proposé qu'elle n'augmente pas plus vite que le pouvoir d'achat, mais elle doit évoluer.
Le deuxième acteur est l'employeur, via le versement transport. Reste le troisième et dernier acteur, qui n'a jamais voix au chapitre puisqu'il arrive en bout de course : le contribuable. Nous ne mettons pas assez en évidence que lorsque l'écart se creuse entre la dépense et la recette, le déficit est comblé par le contribuable grâce aux impôts de la région, laquelle prend la moitié du déficit à sa charge, l'autre moitié étant assumée par les huit départements.
Ensuite, il ne faut pas hésiter à recourir à l'emprunt…
Nous avons donc proposé un recours raisonnable à l'emprunt. En face des annuités de remboursement doivent figurer des recettes très précisément identifiées.
Mais si, c'est ce que propose le secrétaire d'État ! Il a un business plan précis.
Je terminerai par une certitude que je puise dans mon expérience de l'aménagement dans cette région : si l'État et la région ne trouvent pas un accord explicite, si les collectivités locales ne se reconnaissent pas dans le projet du Grand Paris, nous irons droit au blocage…
Exactement ! Il faut le dire ! Écoutez bien, monsieur le secrétaire d'État, c'est important !
…et nous accumulerons les retards – scénario d'autant plus préoccupant que ce sont les Franciliens qui en subiront les conséquences.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que vous nous répondiez clairement. Le 8 juillet dernier, au STIF, dont je faisais alors partie, nous avons adopté à l'unanimité le projet Arc Express dans sa partie Orbival. À l'unanimité, nous avons saisi la commission nationale du débat public.
Si j'ai bien compris, cette portion sera intégrée au schéma du Grand Paris, donc à la Société du Grand Paris qui devrait être créée, je l'espère, au cours du premier semestre de l'année prochaine.
J'aimerais avoir une certitude : que nous ne perdions pas l'avance prise – je sais M. Lagarde très soucieux des délais, des retards accumulés – dans la réalisation d'un projet qui faisait l'unanimité…
D'où la proposition, dans mon rapport, monsieur le secrétaire d'État, d'articuler le plus étroitement possible la société du Grand Paris et le STIF.
En outre, je tiens à saluer le travail du rapporteur de la commission du développement durable et celui du rapporteur pour avis de la commission des lois. Yves Albarello a eu parfaitement raison de s'attacher à bien protéger les financements nécessaires au plan de mobilisation et indispensable pour répondre aux urgences exprimées par les Franciliens, sans faire courir aucun risque sur les financements ultérieurs. Quant à Jacques Alain Bénisti, il nous a proposé de replacer en première ligne la commission nationale du débat public.
Permettez-moi enfin une mise en garde : gardons-nous de multiplier les procédures dérogatoires.
…à des dérogations qui, en fait, provoquent des contentieux, des frustrations et, en fin de compte, des retards.
Je souhaite par conséquent que les excellentes propositions des deux commissions soient suivies d'effet.
Vous voyez bien, monsieur le secrétaire d'État, que cette affaire se révèle des plus complexes. Je demande donc à mon tour qu'on abandonne toute idée d'urgence sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avons besoin d'un délai de réflexion.
À partir de là, chacun saura se mobiliser car nous disposons là d'un très beau projet…
…que nous n'avons pas le droit de gâcher par des conflits stériles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif au Grand Paris.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma