La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président de l'Assemblée nationale a été informé par M. Marc Laffineur et Mme Claude Greff qu'ils se démettaient, respectivement, de leurs fonctions de vice-président et de secrétaire de l'Assemblée nationale.
M. le président du groupe UMP a fait savoir qu'ils seraient remplacés, respectivement, par M. Louis Giscard d'Estaing et Mme Bérengère Poletti. Ces nominations prendront effet demain, jeudi 7 juillet 2011, à zéro heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (nos 3617, 3622).
La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république, mesdames et messieurs les députés, le 23 juin dernier, le Conseil constitutionnel a invalidé, pour un motif de procédure, la loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.
Cette loi avait été votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale, le 5 mai, et le Sénat, le 7 juin.
Le Conseil constitutionnel a estimé que le deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution, qui dispose que « les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales… sont soumis en premier lieu au Sénat », devait s'appliquer à un projet de loi fixant le nombre d'élus d'une collectivité.
C'est un sujet complexe, à la frontière des interprétations, sur lequel la Haute juridiction n'avait jamais eu à se prononcer depuis la révision constitutionnelle de 2003, qui a introduit cet alinéa dans la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a tranché ce point de jurisprudence : le Gouvernement, qui ne commente pas les décisions du Conseil…
…et qui les respecte quel que soit leur sens, en prend acte.
Il a tiré les conséquences de cette décision en déposant un nouveau projet de loi ayant le même objet que celui invalidé sur le bureau du Sénat, qui a adopté ce texte le 4 juillet.
Le nouveau projet de loi reproduit intégralement les dispositions de la loi annulée. En effet, la décision du Conseil constitutionnel ne remet pas en cause les ajustements opérés par le Gouvernement pour répondre aux observations du Conseil constitutionnel sur les écarts de représentation démographiques.
La procédure parlementaire, qui n'a jamais été exempte d'aléas, ne doit pas faire perdre le sens de l'essentiel : la réforme territoriale, qui est une réforme de fond, est déjà en cours. Elle doit se poursuivre.
Le Président de la République a clairement rappelé son attachement à cette réforme le 27 juin dernier, lors de la conférence de presse sur les investissements d'avenir, comme il l'a redit dans le Lot-et-Garonne, jeudi dernier, lors de son déplacement sur le terrain auquel j'ai participé, à ses côtés, au contact des élus locaux.
Mesdames et messieurs les députés, en écho au vote du Sénat avant-hier, et dans la logique de votre vote du 5 mai dernier, j'invite l'Assemblée nationale à adopter définitivement le projet de loi fixant les effectifs des conseillers territoriaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, mes chers collègues, pour la troisième fois, nous allons voter ce projet de loi, dans des termes presque identiques à ceux des deux premiers votes.
L'exercice est donc assez simple, et je me contenterai de quelques mots.
Nous aurions très bien pu ne jamais le voter, car votre prédécesseur, monsieur le ministre, voulait d'abord procéder par ordonnances. C'est à notre demande que le Parlement a été amené à voter ; le hasard fait que nous allons pouvoir le faire trois fois. L'idée de demander un vote était donc bonne. (Sourires.)
L'année dernière, le tableau avait été une première fois censuré par le Conseil constitutionnel, car, à la suite des navettes avec le Sénat, et à la demande de celui-ci, la règle que nous avions fixée d'une manière assez raisonnable, c'est-à-dire un écart maximal de 20 % par rapport à la moyenne pour la représentation des populations par un conseiller territorial dans une même région, n'était pas respectée dans plusieurs départements.
Nous avons ensuite adopté un texte identique à celui qui vous est proposé aujourd'hui ; il respecte strictement cette règle de l'écart maximal de 20 % et, par ailleurs, il accorde deux conseillers territoriaux supplémentaires à la Guadeloupe.
Mais, comme l'a rappelé M. le ministre très justement, le Conseil constitutionnel a considéré que ce texte ne portait pas principalement sur les modalités électorales de désignation des conseillers territoriaux, mais sur l'organisation des collectivités territoriales ; dès lors, le Sénat aurait dû être saisi en premier.
Le Conseil constitutionnel l'a donc à nouveau censuré.
Le Sénat a adopté lundi dernier le projet de loi qui nous est soumis. Je vous suggère, mes chers collègues, d'en faire de même et de l'adopter sans modification, afin que l'on en finisse. Ce texte est le même que celui que nous avons déjà approuvé, et il a déjà été adopté par le Sénat par deux fois ; sa parution au Journal officiel est nécessaire pour que le travail de découpage des nouveaux cantons puisse être mené à bien d'ici aux prochaines échéances électorales : il est donc important de mettre tout cela derrière nous le plus vite possible. C'est ce à quoi je vous engage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Bernard Derosier.
Jamais deux sans trois, monsieur le ministre ! Voilà sans doute ce que vous vous êtes dit en apprenant que votre texte était censuré pour la deuxième fois par le Conseil constitutionnel. Pour la troisième fois, le Gouvernement a donc dû adopter un projet de loi sur ce sujet, ce qu'il a fait la semaine dernière.
Jamais deux sans trois : pour le groupe SRC, cet adage pourrait bien signifier que le Conseil constitutionnel sera amené à censurer votre texte pour la troisième fois.
Nous vivons cet après-midi une nouvelle version de l'arroseur arrosé. Ce n'est pourtant pas faute de vous avoir donné, alors que vous étiez assis au banc du Gouvernement pour la deuxième lecture de ces dispositions, tous les arguments qui ont conduit le Conseil constitutionnel à censurer votre texte.
Vous m'aviez répondu après mon intervention, monsieur le ministre, que vous faisiez confiance au Conseil constitutionnel.
Vous avez eu raison, et le Conseil ne vous aura pas déçu, puisqu'il a bien voulu faire siennes nos observations. (Sourires.)
De façon plus moderne que les vieux adages que je rappelais tout à l'heure, on pourrait intituler le film que nous voyons aujourd'hui « Dominique Perben, le retour » ou bien « Philippe Richert, saison III ». (Sourires.) Ces propositions nouvelles sont en effet identiques à celles que nous avons déjà examinées précédemment.
En réalité, c'est une véritable malédiction qui pèse sur ce texte ; le Gouvernement a reçu une claque retentissante. Nous n'avons pourtant eu de cesse, ces dernières semaines, de vous prévenir que vous ne respectiez pas la règle constitutionnelle. Tout cela pour satisfaire des appétits électoraux – ceux du Président de la République, dont vous avez rappelé combien il est attaché à cette réforme, sans doute, mais aussi ceux de la majorité et du Gouvernement !
Je veux, au nom de mon groupe, saluer la sagesse du Conseil constitutionnel, qui a bien voulu admettre le bien-fondé de notre saisine, en ne s'appuyant – cette fois-ci, dirais-je – que sur des observations de forme. On pourrait d'ailleurs aujourd'hui encore se pencher sur la forme que revêt ce débat. La procédure accélérée a été engagée, et M. le ministre n'a d'ailleurs pas voulu nous décevoir, la rapidité de ses propos le prouve !
Qu'on le veuille ou non, la procédure accélérée constitue une mise à mal des droits du Parlement, et nous ne pouvons pas ne pas réagir face à un tel comportement du Gouvernement à notre endroit. Jamais projet de loi n'aura d'ailleurs connu une telle accélération : c'est un record de vitesse ! Heureusement qu'il n'y avait pas de radars sur son chemin.
Le Sénat l'a en effet examiné lundi dernier 4 juillet en fin d'après-midi ; le texte a été rapidement transmis à l'Assemblée, et la commission des lois s'est réunie hier pour l'examiner. Le rapporteur n'avait pas même été désigné, il l'a été dans la foulée ; il a ainsi pu démontrer son immense connaissance de ces problèmes en nous présentant sur-le-champ un rapport qu'il a, il faut le supposer, spontanément imaginé. (Sourires.)
L'examen du texte a pris une dizaine de minutes, ce qui montre la très grande vitesse que le Gouvernement et la majorité entendent imprimer à l'examen de ce nouveau texte depuis la décision du Conseil constitutionnel.
Nous ne pouvons que dénoncer ces méthodes de hussard qui n'ont d'autre but que de forcer la décision du Parlement, et notamment l'Assemblée. Pourtant, deux projets de loi, l'un organique, l'autre ordinaire, traitant justement de l'élection des conseillers territoriaux, attendent depuis maintenant deux ans sur le bureau du Sénat. Il eût été plus sage d'examiner tous ces textes avec la sérénité qui caractérise d'habitude nos travaux.
Venons-en maintenant au fond. D'entrée de jeu, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter la motion de rejet préalable que j'ai l'honneur de défendre devant vous. Je dis à ceux d'entre vous qui se préparent peut-être à voter contre cette motion : réfléchissez bien aux conséquences de cette décision, et aux dommages qui pourraient en résulter dans l'opinion si le Conseil constitutionnel – que nous saisirions si vous ne votez pas cette motion ou si vous n'adoptez pas les amendements que nous allons présenter – déclarait, pour la troisième fois, votre copie non conforme à la Constitution.
Je persiste en effet à penser, mes chers collègues, que ces propositions ne respectent pas le principe constitutionnel d'égalité devant le suffrage.
Le Conseil constitutionnel souhaite un nombre minimal de quinze conseillers par département. Ce principe-là est respecté. Il souhaite également que dans aucune région il n'y ait d'écart disproportionné entre le rapport du nombre de conseillers territoriaux d'un département à sa population et à la moyenne régionale. Là encore, on pourrait considérer que cette règle est respectée.
En revanche, à l'échelle nationale – et nous sommes ici à l'Assemblée nationale –, la répartition proposée crée des écarts de représentation manifestement disproportionnés entre les régions. Ce qui porte atteinte au principe d'égalité devant le suffrage.
Ce principe découle directement des articles 1 et 3 de la Constitution et des articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, régulièrement évoquée par le Conseil constitutionnel ; et le même Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de souligner dans le passé que ce principe impose « que l'organe délibérant d'un département ou d'une région de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ».
Il faut donc retenir de cette position du Conseil que le principe d'égalité devant le suffrage ne s'applique pas uniquement au nombre de conseillers territoriaux des départements, mais également au nombre des conseillers territoriaux des régions. Ces derniers doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques et sans que soit portée une atteinte manifestement disproportionnée entre les régions. Or les disproportions sont telles que, manifestement, ce principe d'égalité est bafoué une nouvelle fois : en Lorraine, un conseiller territorial représenterait 8 049 habitants, dans le Limousin 8 140, mais en Île-de-France 37 854, dans le Nord-Pas-de-Calais 29 162 et en Alsace 24 693 !
Je n'entends pas faire ici de propositions d'organisation des conseillers territoriaux. Mes collègues et moi-même sommes opposés à ce concept que vous avez introduit dans la loi, et il nous reviendra, le moment venu, de corriger cette organisation qui met à mal et la démocratie locale et la décentralisation. Je me contenterai de souligner qu'il était possible d'utiliser un autre mode de calcul respectant l'égalité devant le suffrage. Vous ne l'avez pas fait ; autrement dit, vous avez délibérément pris le parti de ne pas respecter le principe d'égalité.
Le Gouvernement a expliqué à qui voulait l'entendre que les assemblées régionales n'ont pas vocation à constituer au niveau national une assemblée unique. C'est évident ! Cela dit, mes chers collègues députés, les membres de ces assemblées régionales font partie du collège électoral qui élit les sénateurs, conformément au code électoral. Or l'article 24 de la Constitution, dans son alinéa 4, stipule que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Les régions en font partie et elles sont représentées au Sénat par des sénateurs désignés notamment par les membres des conseils régionaux.
Jusqu'à présent, pourrait-on dire, les conseillers généraux élus dans les cantons connaissent une réelle disproportion. C'est vrai, mais ils sont supprimés et remplacés par des conseillers territoriaux. On pourrait dire encore que les conseillers régionaux actuels ne sont pas forcément désignés en fonction du principe d'égalité sur l'ensemble des régions françaises. C'est possible, mais puisque vous changez la donne en créant des conseillers territoriaux, pourquoi n'avez-vous pas voulu respecter la Constitution ?
À l'instar du Gouvernement lorsqu'il s'en remet, selon la formule consacrée, à la sagesse de l'Assemblée, je vous invite, monsieur le ministre, à la sagesse.
Pour commencer, nous sommes en train de faire, et vous le savez bien, un travail pour rien. Non pas que je vende la peau de l'ours avant de l'avoir tué, mais 2012 est un rendez-vous électoral qui nous concerne tous. Dans l'hypothèse où la gauche gagnerait ces élections, bien entendu, elle changerait la loi. Mais quand bien même ce ne serait pas le cas, je suis sûr que la droite ne maintiendrait pas ce cap fixé tant est grande l'opposition des élus locaux à vos propositions initiales et à la loi de décembre 2010.
Ensuite, quand une réforme est si mal née, quand elle suscite le rejet des élus locaux, quand elle est deux fois retoquée par le Conseil constitutionnel, la sagesse commande de retirer le projet de loi qui la porte. Comme vous ne pourrez pas le faire sans que le Gouvernement l'ait décidé, j'invite mes collègues, notamment ceux de la majorité, à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je ne reprendrai pas l'ensemble des arguments relatifs à ce texte sur la réforme des collectivités et l'instauration du conseiller territorial. Nous les avons déjà développés des heures durant dans cette assemblée. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur l'idée d'instaurer le conseiller territorial ; vous continuez à vous y opposer avec vos arguments. Cela dit, j'ai noté des changements notables par rapport à notre dernière rencontre ici même sur ce sujet.
Ce qui a changé, c'est l'appréciation que vous portez sur le Conseil constitutionnel, dont vous avez, cette fois, salué la sagesse.
Auparavant, vous n'aviez pas de mots assez durs, en commission puis en séance, pour qualifier ses décisions.
C'est ainsi que vous avez dit, lors de la réunion en commission des lois du 13 avril : « Certes, le Conseil n'a pas retenu l'ensemble des arguments que notre groupe avait formulé à l'appui de son recours, mais on ne saurait dire qu'il a eu raison. Sa composition même le rend suspect…
…quant à son objectivité politique. » Puis, en séance publique du 5 mai : « Le Conseil constitutionnel n'a pas retenu nos arguments, a fait valoir le rapporteur, ce n'est pas pour autant qu'ils ne sont pas fondés. » Ce sont donc bien les décisions du Conseil constitutionnel, et non son mode de désignation. Du reste, vous avez ajouté dans la foulée : « Nous connaissons la composition du Conseil constitutionnel, la manière dont sont désignés ses membres » pour laisser entendre que dès lors qu'ils n'étaient pas, à vos yeux, désignés de façon équitable, ils ne pourraient rendre que des jugements empreints…
…de bienveillance à l'égard des positions du Gouvernement.
Je me réjouis de l'appréciation que vous portez désormais sur la sagesse des jugements du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement, sanctionné sur ce point, reconnaît la position du Conseil, la fait sienne et présente, d'abord au Sénat puis à l'Assemblée nationale, un texte qu'il souhaite voir adopter dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Monsieur le ministre, ce serait tout de même beaucoup plus facile pour le Gouvernement s'il n'y avait pas le Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est ce que vous nous montrez depuis de nombreux mois avec ce texte. J'expliquerai, par deux éléments, pourquoi nous voterons une nouvelle fois le rejet préalable.
D'abord, nous n'avons jamais commenté ni mis en cause les décisions du Conseil constitutionnel, simplement son mode de composition. Rappelons que, sur un autre sujet connexe, le redécoupage législatif, le Gouvernement a déjà été pris la main dans le pot de confiture. Le Conseil constitutionnel très clairement a dit, il y a quelques mois, que la façon dont ce redécoupage était fait ne satisfaisait pas aux principes démocratiques, mais que lui-même ne pouvait absolument rien dire ni revenir sur le découpage des circonscriptions opéré par le Parlement. C'est donc la deuxième fois que vous vous faites attraper sur ce genre de texte.
Ensuite, il n'y a pas d'avenir pour le conseiller territorial, et vous le savez. Le problème principal, c'est la volonté que sous-tend ce texte, et c'est une des raisons pour lesquelles nous continuerons à nous battre. Le Gouvernement procède dans l'opacité la plus totale à un redécoupage sur la base d'une mission confiée à un parlementaire alors que le texte législatif n'existe pas et qu'il a été même censuré deux fois par le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement a bel et bien donné mission à un parlementaire, qui opère avec le groupe majoritaire, pour préparer le redécoupage des conseillers territoriaux. Cela, monsieur le ministre, n'est pas acceptable en république !
Que le Gouvernement travaille, sans aucune base législative, sur le redécoupage des conseillers territoriaux et sur le nouveau découpage des cantons, montre bien que vous vous livrez à un nouveau charcutage électoral. C'est une raison supplémentaire pour nous de souhaiter l'adoption de cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, j'ai entendu M. Richert qualifier le présent débat d'« assez simple », et la rapidité de ses propos trahissait à mes yeux une précipitation tout à fait coupable. En fait, c'est dans la douleur que le Gouvernement et sa majorité accouchent à terme de la réforme des collectivités territoriales. En fait, nous examinons la deuxième version d'un texte rustine sur le nombre et la répartition des conseillers territoriaux, après une double censure du Conseil constitutionnel – encore un record à ajouter à ceux que recensait notre collègue Derosier tout à l'heure !
La réforme des collectivités territoriales, contre laquelle les députés communistes, républicains et du parti de gauche ont mené bataille, a été censurée une première fois voilà plusieurs mois au motif que les effectifs retenus méconnaissaient le principe d'égalité des citoyens devant le suffrage du fait des écarts disproportionnés de représentation qu'ils entraînaient pour les conseillers régionaux. Ces effectifs avaient été fixés par le Gouvernement dans l'opacité la plus totale, en dehors de critères précis mais au vu, tout porte à le penser, de considérations électoralistes. Si une cohérence était à peu près assurée à plus ou moins 20 % dans la représentation des départements d'une même région, excepté dans six régions – ce qui avait fait l'objet de la première intervention du Conseil constitutionnel dont, au passage, nous avons le droit d'apprécier les positions sans pour autant le déjuger ni l'approuver totalement sur le fond –, aucune proportionnalité n'était ménagée entre nos vingt-deux régions elles-mêmes.
C'est ainsi que deux départements éloignés ayant une population très dissemblable pourraient compter le même nombre de conseillers territoriaux. Ainsi, la Seine-Saint-Denis, dont la population de plus d'un million et demi d'habitants serait représentée par trente-neuf conseillers territoriaux, soit autant que le Loiret, qui n'en compte que 650 000, autrement dit moins de la moitié. Le calcul est rapide : il y aura un représentant au conseil général du Loiret pour 17 000 habitants contre un pour près de 40 000 pour la Seine-Saint-Denis. Est-ce là votre vision d'un développement égalitaire du territoire ?
Le Gouvernement et la majorité n'ont cessé de répéter que ces écarts n'avaient pas d'importance tant que la cohérence entre départements d'une même région était respectée. Mais comment justifier de telles disparités dans le maillage démocratique du pays ? Comment légitimer que les citoyens d'un département à un autre ne bénéficient pas de la même représentation dans les instances territoriales ? Pourquoi leur vote ne saurait-il avoir le même poids ? Pourquoi auraient-ils moins d'élus à leur disposition dans les hémicycles locaux que leurs voisins ?
Il s'agit là d'une question que le Conseil constitutionnel s'est refusé à examiner. Elle nous paraît pourtant essentielle. Les choix qui ont été faits sont contraires au principe d'égalité des citoyens devant le suffrage. Nous pouvons craindre le pire lorsque le redécoupage des cantons aura lieu. Nul doute que la droite cherchera à étendre encore l'ampleur de ce que j'appellerai les boucliers électoraux.
Mais revenons-en au chemin de croix de la présente réforme. Après une première censure et l'adoption en procédure accélérée d'un nouveau tableau, c'est cette fois-ci un énorme vice de procédure qui a tué le projet de loi. Méconnaissant l'article 39 de la Constitution, le Gouvernement a en effet saisi l'Assemblée nationale et non le Sénat pour le premier examen d'un texte qui concernait pourtant les collectivités territoriales.
Le plus ridicule est sans doute que l'éventualité d'une censure sur ce point avait été évoquée lors des débats. Le Garde des sceaux, loin de s'en inquiéter, avait alors soutenu que le présent texte ne concernait pas les collectivités territoriales puisqu'il ne s'agissait que de répartition d'effectifs. La mauvaise foi a ses limites et la haute juridiction a rayé la loi d'un trait de plume.
C'est cette erreur grossière qui nous vaut aujourd'hui d'être convoqués, toujours dans le cadre de la procédure accélérée, pour discuter à nouveau d'une répartition des effectifs arbitrée dans les bureaux des ministères, et que la représentation nationale se voit sommée de voter.
Or les effectifs qui nous sont à nouveau présentés aujourd'hui, et qui ne changent rien, sont inacceptables.
Prenons l'exemple du Val-de-Marne dont je suis l'élu. Son conseil général compte aujourd'hui quarante-neuf élus. Demain, si ce tableau était adopté, son effectif se verrait brutalement réduit à trente-cinq conseillers territoriaux. C'est donc une suppression de près du tiers de leurs représentants qu'auraient à subir les habitants du Val-de-Marne. Cette purge est injustifiable. Ainsi, la population de ce département, qui compte plus de 1,3 million d'habitants, est bien supérieure à celle de nombreux autres départements pourtant largement mieux lotis en nombre de conseillers territoriaux.
Pour les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche, le nombre des élus locaux est essentiel. parce que moins d'élus, c'est moins de démocratie et moins de proximité. En réduisant les effectifs de certains conseils généraux, vous empêchez en fait que les besoins des populations puissent remonter et que les collectivités territoriales puissent y répondre. C'est une véritable question politique qui nous est posée aujourd'hui.
Réduire le nombre d'élus, c'est distendre le lien qui doit unir les citoyens et leurs représentants. C'est défaire la proximité qui devrait pourtant être le maître mot de la démocratie locale. Cette réduction est d'autant moins justifiable que les départements gérés par la droite voient leurs effectifs augmenter malgré des populations autrement plus restreintes. Les exemples sont légion : le Bas-Rhin, le Var ou les Alpes-maritimes, départements pourtant largement moins peuplés que le Val-de-Marne, disposent respectivement de huit, dix et quatorze conseillers territoriaux supplémentaires. Pire : le Loiret, la Côte-d'Or, la Marne, le Calvados, la Manche, la Charente-Maritime ou la Haute-Savoie, bien qu'ayant tous une population inférieure à la moitié de celle du Val-de-Marne, comptent entre quatre et quatorze élus de plus que lui. Détail qui a sans doute son importance : tous conseils généraux que je viens de citer sont détenus par la droite !
Vous l'avez compris, ce tableau des effectifs est pour le moins bancal, ou plus exactement volontairement déséquilibré. Du reste, les élus que je représente ne se contentent pas de dénoncer le mauvais traitement qui est fait en termes d'effectifs. C'est tout le principe de la réforme des collectivités territoriales qu'ils entendent de nouveau contester à l'occasion de l'examen du présent projet de loi.
La création des conseillers territoriaux repose sur cette fausse idée de supprimer plus de 2 000 mandats d'élus locaux, soi-disant motivée par des impératifs budgétaires. En réalité, elle coûtera des dizaines de millions d'euros puisqu'il est établi qu'un certain nombre d'hémicycles des conseils régionaux seront inadaptés et devront être reconstruits pour accueillir les nouvelles formations. C'est le paradoxe de ce tableau de répartition des effectifs. On aboutit, en effet, à des effectifs de conseils régionaux pléthoriques. Malgré cela, les distorsions de représentation entre zones densément peuplées et départements peu peuplés sont reconduites.
Nous sommes donc totalement en désaccord avec la proposition qui nous est faite. C'est la raison pour laquelle l'ensemble du groupe GDR votera contre le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte n'est rien d'autre que l'exacte reprise de celui qu'a voté la représentation nationale le 7 juin dernier. Une nouvelle fois, nous allons l'examiner, et une nouvelle fois nous allons l'adopter, n'en déplaise à nos collègues socialistes qui prouvent une fois de plus qu'ils ne puisent la force de leur opposition que dans les manoeuvres dilatoires et obstructives. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le Conseil constitutionnel, cher Bruno Le Roux, a censuré le projet de loi sur la forme, pas sur le fond, parce qu'il a été examiné en premier lieu par l'Assemblée nationale alors qu'il aurait dû être soumis d'abord au Sénat.
Soit. Mais cela n'entrave en rien la détermination de la majorité à doter la France d'une organisation territoriale nouvelle, cohérente et équilibrée, dont le conseiller territorial est l'un des piliers.
Je le rappelle, la mise en place des conseillers territoriaux vise à rapprocher les départements et les régions à travers un élu commun, renforçant ainsi la complémentarité de leurs actions sans pour autant remettre en cause leurs spécificités.
Représentant au conseil général et au conseil régional d'un canton élargi, il sera identifié de manière claire comme l'élu d'une population et d'un territoire, jouissant tout à la fois d'une vision de proximité du fait de ce véritable ancrage territorial et d'une vision stratégique.
Quant au projet de loi qui nous est une nouvelle fois soumis, il ne s'est fixé pour autre objectif que de se conformer à la première décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre dernier.
Le Conseil avait en effet jugé que les effectifs attribués à six départements, le Cantal, l'Aude, la Haute-Garonne, la Mayenne, la Meuse et la Savoie, ne prenaient pas suffisamment en compte les équilibres démographiques.
La mise en oeuvre pleine et entière de la réforme des collectivités territoriales appelait donc une nouvelle répartition. C'est l'objet unique du projet de loi que nous examinons aujourd'hui et qui présente deux types d'ajustements. D'une part, il reprend les effectifs adoptés par le Parlement et validés par le Conseil constitutionnel, en augmentant toutefois légèrement celui de la Guadeloupe. D'autre part, il propose de nouveaux effectifs dans les six régions citées par le Conseil constitutionnel.
Quant aux règles d'attribution du nombre de conseillers territoriaux, elles n'ont pas changé depuis le vote de la loi de réforme des collectivités territoriales : un effectif déterminé sur la base des chiffres de la population, une baisse globale du nombre de conseillers territoriaux par rapport au nombre actuel d'élus départementaux et régionaux, un minimum de quinze conseillers dans chaque département corrélé à un maximum de 310, enfin une représentation moyenne de chaque département d'une même région s'inscrivant dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par conseiller territorial à l'échelon de ladite région.
Ainsi, très logiquement, le groupe UMP confirmera son vote en faveur de la réforme des collectivités, et plus particulièrement de ce projet loi de répartition des conseillers territoriaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
« Je suis oiseau : voyez mes ailes. Je suis souris : vivent les rats ! » Pardonnez-moi de convoquer le grand La Fontaine pour un si petit sujet, monsieur le ministre, mais vous nous racontez tellement de fables sur ces sujets qu'il me paraît indispensable de me placer sous son parrainage pour évoquer le projet qui nous est présenté.
En effet, à l'instar de celui de la fable, l'animal que vous voulez créer par la loi et faire élire est des plus bizarres : tout à la fois départemental et régional, il présente différentes caractéristiques qui n'entrent pas vraiment dans la grande classification des espèces politiques, sans parler naturellement des espèces animales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Malheureusement, la fable que vous nous présentez ne supporte pas la comparaison avec celle à laquelle je faisais allusion.
C'est d'abord la fable de la territorialisation. Par ce mécanisme assez monstrueux que vous mettez en place, vous allez inventer le conseiller territorial. Mais il ne sera conseiller territorial que de nom. De quel territoire sera-t-il donc l'élu ? Du département ou de la région ?
Une sagesse assez simple et assez banale m'a permis d'apprendre que l'on ne faisait bien que les choses que l'on avait à faire. Et lorsqu'il faut en faire plusieurs à la fois, il est probable que l'on en sacrifie quelques-unes. De ce point de vue, il est étonnant que vous choisissiez en quelque sorte d'institutionnaliser le cumul des mandats au moment même où les sondages montrent que nos concitoyens veulent qu'on le supprime.
Pour notre part, nous souhaitons que ce cumul disparaisse alors que vous l'instituez dans la loi : on sera à la fois conseiller général et conseiller régional. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous sommes au comble de l'absurde.
Pour ce qui est de l'équité dans le découpage, je n'ai rien à ajouter aux arguments développés à l'instant par M. Derosier et M. Leroux, si ce n'est que nous en avons déjà eu une expérience avec le découpage législatif.
En faisant élire les conseillers territoriaux sur des circonscriptions plus larges, vous aboutirez à éloigner les élus locaux, en l'occurrence les conseillers généraux, de leurs électeurs, des maires, des habitants. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames, messieurs les députés de la majorité, je vous croyais plus à l'aise avec ce texte. Je ne pensais pas que vous auriez pu être gêné par les déclarations d'un modeste représentant de l'opposition. Je pensais que vos arguments étaient plus assurés que cela !
S'il suffit de citer La Fontaine pour vous mettre en difficulté, c'est que votre situation politique est profondément discutable et instable. Et devant les élus, elle l'est !
Vous oubliez – celles et ceux d'entre nous qui sont sur le terrain tous les jours le savent – que ce qu'attendent les maires, les élus de nos communes, ce ne sont pas des réformes de ce genre, qui inventent une nouvelle forme de représentation ; ce qu'ils veulent, ce sont des élus qui soient plus proches d'eux.
Entendez-vous, pour peu que vous en preniez le temps, le désarroi des maires et notamment ceux des petites communes, livrés à eux-mêmes par la succession des réformes que vous avez mises en oeuvre ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Vous avez réduit leur autonomie fiscale…
En affaiblissant l'État dans les départements, vous avez réduit l'assistance qui leur était apportée. Les effectifs des préfectures diminuent. Les conseils techniques que leur apportaient les DDE et les DDA disparaissent. Vous laissez les élus locaux dans une situation incroyable alors qu'ils constituent les piliers de la République. Et les seules réformes que vous défendez consistent à les affaiblir encore.
Au nom de quoi ? Encore une fable : au nom de prétendues économies. Ce qui m'a frappé dans le rapport de M. Perben, c'est qu'il n'a pas jugé inutile de rappeler combien la réforme allait faire gagner à la République. Certains auront dès lors noté le montant des économies que l'État allait réaliser grâce à l'opération que vous nous proposez : environ – le chiffre a déjà été revu à la baisse – 50 millions d'euros. Il s'agit certes d'une somme raisonnable comparée au déficit de l'État ou aux indemnités des élus – cela mérite discussion.
Or il se trouve que juste avant de participer à ce débat passionnant, j'étais en contact avec un représentant du ministère des finances qui évoquait le cas du chef d'une entreprise de 1 000 salariés – je ne révélerai aucun nom, mais on peut en trouver plusieurs dans cette situation – qui, alors qu'il cesse son activité, s'attribue un avantage particulier de 90 millions d'euros exemptés d'impôts. Comparez : 90 millions d'un côté, 50 de l'autre… La République est bonne fille ! L'État récupère de l'argent sur le dos des élus locaux mais laisse prospérer, par le biais des niches fiscales, des exonérations et des privilèges, eux, vraiment scandaleux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dernière fable qu'il faut également dénoncer : la fable de la décentralisation. Lorsqu'on a donné la parole tout à l'heure au ministre des collectivités locales, je me suis permis d'ajouter : et de la recentralisation. N'y voyez, monsieur le ministre, qu'un hommage amical, malheureusement posthume, à notre ami Patrick Roy qui avait pris l'habitude d'affubler les ministres d'attributions complémentaires, et ses commentaires nous font d'autant plus défaut aujourd'hui qu'ils se révélaient souvent très justes. Nul doute qu'il n'aurait pas manqué de réagir comme je l'ai fait aujourd'hui.
Votre politique revient bien à une recentralisation puisqu'elle consiste à détruire l'oeuvre accomplie depuis 1982 avec Gaston Defferre : vous remettez des responsabilités entre les mains des préfets – que du reste vous affaiblissez au profit de l'État central… La distribution des compétences n'est pas rationalisée. Les collectivités voient se réduire leur autonomie fiscale. Les dotations se font de plus en plus rares. Je n'évoque même pas les aides de l'État – anciennement les DGE – de plus en plus limitées. J'ignore si vous entendez l'écho de ce que nous disent tous les maires : leur situation est devenue impossible.
Pourquoi remettez-vous en cause la décentralisation ? Non seulement pour les raisons que je viens d'évoquer mais parce que, en inventant ce mécanisme de double représentation par un seul élu, vous revenez en arrière par rapport à ce qui fut la logique constante de la décentralisation et, d'une certaine manière, par rapport à la logique de la démocratie.
Prenons deux exemples. Pendant longtemps, l'assemblée européenne a été composée de représentants des assemblées nationales. Lorsqu'on a voulu la démocratiser en créant le Parlement européen, on a fait en sorte que les députés soient élus directement par les peuples et ne soient plus membres des assemblées nationales. Cet exemple montre que lorsqu'on veut démocratiser et renforcer une assemblée on rend son élection spécifique, tout comme ses responsabilités.
Second exemple : hier, vous fêtiez le centenaire de la naissance de Georges Pompidou. Et vous aviez raison : Président de la République, il a fait avancer la cause régionale – vous avez sans doute en tête la loi du 5 juillet 1972 à laquelle Jacques Chaban Delmas, personnalité dont le souvenir doit vous réjouir, a contribué en créant un nouvel établissement public : la région.
L'assemblée régionale était composée de manière hybride, même si l'on notait un progrès par rapport à la situation antérieure : des parlementaires côtoyaient des élus des autres collectivités. Il fallut attendre les lois de décentralisation, dix ans plus tard, pour que les conseils régionaux soient élus au suffrage universel direct.
Il existe donc un lien étroit, symétrique entre les progrès de la décentralisation et la spécificité des compétences et des élections des assemblées locales. C'est justement cette symétrie que vous êtes en train de briser en créant ce conseiller hybride, à la fois conseiller général et conseiller régional.
Je conclurai mon réquisitoire…
…en regrettant que vous n'ayez eu d'autre souci, en convoquant le Parlement en session extraordinaire, alors que sévit une crise financière européenne majeure, alors que nous devons faire face à une remontée du chômage, au désarroi de nos concitoyens aux difficultés des élus locaux, en particulier des maires des petites communes, que de nous présenter pour la troisième fois un texte absurde, inapplicable et répondant à des motivations électoralistes.
Les collectivités territoriales, aujourd'hui très majoritairement à gauche, sont, pensez-vous, susceptibles de revenir en partie dans votre giron,…
…non par le suffrage universel, mais par le truchement de ce texte.
Ce n'est pas par ce genre de manipulations que vous y parviendrez, mais en vous montrant convaincants, déterminés et enthousiastes dans votre volonté de répondre aux attentes des Français. Toutefois, compte tenu du chemin que vous avez emprunté, ce sera long et difficile pour vous. Nous ferons, pour ce qui nous concerne, revivre la décentralisation parce que c'est le coeur de la République qui vit avec nos élus locaux.
Je vous remercie pour votre attention et suis désolé des commentaires que mon intervention a pu appeler ; mais l'opposition ne peut pas considérer que le travail que vous faites est utile pour la République et pour les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous n'avez pas l'air d'avoir convaincu vos collègues, monsieur Gorce !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues : deux annulations par le Conseil constitutionnel, trois projets de loi soumis successivement au Parlement… Pourquoi un texte que vous prétendez simple donne-t-il lieu à des débats aussi compliqués ? C'est tout simplement parce que le conseiller territorial créé par le texte constitue une anomalie profonde dans nos institutions.
Même si sa création n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel, reste le principe fondamental de la libre administration des collectivités territoriales. Pour qu'il y ait libre administration, il faut qu'une collectivité dispose d'un organe délibérant et d'un exécutif qui lui soit propres ainsi que d'élus qui, également, lui soient propres. En créant le conseiller territorial, vous organisez une confusion dangereuse entre les responsabilités respectives du conseil général et du conseil régional.
Vous obligez les électeurs à se prononcer en un seul vote, ce qui ne s'est jamais produit jusqu'à présent, pour la gestion de collectivités dont les enjeux ne peuvent se confondre.
À l'heure où un débat légitime doit se développer sur le cumul des mandats et les conflits d'intérêts, vous organisez par ce texte et le cumul et le conflit.
Alors que la question de la parité se trouve au coeur du débat sur la représentation politique, vous éliminez son vecteur le plus sûr : le scrutin proportionnel pour les élections régionales.
Qui plus est, ce projet ne correspond pas aux besoins de nos territoires. La différence est grande entre les grandes zones urbaines où la démocratie reste gravement déficitaire et les zones de villes moyennes et à dominante rurale où le besoin est d'abord celui de la proximité.
Mais quand on sait la montée en puissance des métropoles régionales au détriment du reste du territoire, je crains que la relation de proximité ne soit sacrifiée par ce texte.
C'est dans ce choix fondamental que réside l'anomalie de ce projet de loi. Les annulations successives par le Conseil constitutionnel n'en sont que la conséquence. La question de la définition du périmètre de ce qui est ou n'est pas organisation des collectivités territoriales est singulièrement compliquée par le dispositif incohérent que vous proposez. La question de l'équilibre de représentation entre les différentes collectivités devient inévitablement complexe dans une institution qui, par nature, n'est pas en cohérence avec les territoires.
Voilà de nombreuses raisons pour repousser la troisième version de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ai bien entendu les arguments avancés par les différents orateurs. Je remercie le représentant du groupe UMP qui s'est exprimé en faveur du texte.
Il a rappelé les raisons pour lesquelles nous avons engagé ce débat : vous devez vous prononcer sur le seul tableau qui a été annulé…
…et non rouvrir la discussion sur la décentralisation en général, les modalités d'organisation entre les communes et les intercommunalités, ou encore le conseiller territorial.
Claude Bodin a rappelé les raisons pour lesquelles nous avons proposé la création du conseiller territorial : il est notamment question de permettre à nos concitoyens de mieux comprendre le fonctionnement de la démocratie.
À vous entendre, mesdames et messieurs de l'opposition, la situation actuelle est simple, puisque des conseillers généraux siègent au conseil général et des conseillers régionaux au conseil régional. Comme certains d'entre vous, j'ai participé aux élections régionales. Lorsque France 3 a réalisé un micro-trottoir pour demander aux gens quelles étaient les compétences de la région et celles du département, très peu savaient la différence entre les deux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce qui est important, c'est que nos concitoyens – qui sont en même temps des contribuables, j'y insiste – soient rassurés quant à l'utilisation des deniers publics, qui doit être la plus efficace possible.
Il faut aussi qu'ils comprennent le fonctionnement des collectivités territoriales. C'est ce que leur permettra ce conseiller siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional : ce sera le même interlocuteur, et il aura une représentation territoriale.
Je reviens aux commentaires sur les décisions du Conseil constitutionnel. Je me souviens d'une prise de position officielle de MM. Bartolone d'un côté et de M. Peyronnet de l'autre, qui déploraient – à propos d'un autre texte, il est vrai – (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) « la dimension politique pour ne pas dire partisane de la décision du Conseil constitutionnel »…
Je cite un communiqué de M. Bartolone qui ne concernaient pas seulement la composition du Conseil constitutionnel mais sa décision.
Qu'est-ce donc que ce Gouvernement qui essaie d'instrumentaliser le Conseil constitutionnel ?
En ce qui nous concerne, nous respectons la procédure…
…et présentons à nouveau devant l'Assemblée le texte en question. Il est important, au sein de notre République, de respecter la plus haute juridiction et le Gouvernement s'y emploie.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir l'amendement n° 1 portant article additionnel avant l'article 1er.
J'observe que le Gouvernement a bien peu d'arguments à faire valoir en regard de ceux de mes collègues et moi-même : le ministre en est à chercher les bonnes grâces du Conseil constitutionnel en le caressant dans le sens du poil et en s'évertuant à montrer que les députés de l'opposition lui seraient hostiles.
L'amendement n° 1 me conduit à rappeler cruellement dans quelles conditions la commission mixte paritaire, qui examinait ce qui deviendrait la loi du 16 décembre 2010, a pu conclure ses travaux positivement. Lors des trois ou quatre premiers votes de la CMP, un de nos collègues sénateurs dont je tairai le nom par pudeur avait sagement considéré que les propositions de l'opposition devaient être retenues et les a donc votées.
Le président de la CMP et ses collègues de la majorité ont alors demandé une suspension de séance pour expliquer à ce sénateur – dont peut-être l'avenir politique pouvait être menacé – que d'autres arguments pouvaient être mis en avant. Toujours est-il que le sénateur en question a obtenu satisfaction et que le seuil de présentation des candidats au poste de conseiller général au second tour a été relevé de 10 à 12,5 % des électeurs inscrits.
On a pu constater les effets de cette disposition à l'issue des dernières élections cantonales avec, certes, la disparition de triangulaires mais l'apparition d'affrontements entre l'UMP et le FN ou bien entre la gauche et le FN.
L'amendement n° 1 vise donc à rétablir un peu de justice dans le code électoral et à revenir au seuil de 10 % du nombre des inscrits.
Même avis.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
Avec la création du conseiller territorial se pose un problème de représentation des différentes collectivités, notamment dans le collège qui participera à l'élection sénatoriale, et dans l'expression au sein de l'assemblée qui représente aujourd'hui les collectivités territoriales.
Nous souhaitons que soit reconnue à chacune des collectivités territoriales une expression propre, et qu'elle puisse participer à ce titre, à la composition du collège électoral mentionnée au premier alinéa de l'article L. 280 du code électoral.
À ce stade du débat, on ne sait de quoi demain sera fait. Je voudrais rappeler – mais vous le savez, monsieur Le Roux – que le Conseil constitutionnel a explicitement condamné votre interprétation. Et cela peut être important pour la suite, car vous ne pourrez jamais vous prévaloir de sa décision du 9 décembre 2010, dans laquelle il a jugé que le corps électoral désignant les sénateurs « doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes », et que « si toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées, cette exigence n'impose pas de distinguer les élus de l'assemblée départementale et ceux de l'assemblée régionale au sein du collège électoral qui élit les sénateurs ».
Encore une fois, on peut juger que cette décision est bonne ou mauvaise sur le plan juridique. Mais il reste que le Conseil s'est prononcé. Et je pense que sa décision fera jurisprudence.
Même avis.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. Bernard Derosier.
Je propose à l'assemblée de s'inspirer de ce qui semble être une bonne règle de fonctionnement, à savoir celle qui est pratiquée dans les communes. Des strates de population ont été définies, qui permettent de fixer le nombre de membres des assemblées communales. C'est en s'inspirant de ce principe que nous suggérons que le nombre de membres du conseil régional soit fixé en fonction de la population des régions, conformément au tableau qui figure dans notre amendement n° 2 .
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Par cet amendement, nous manifestons notre opposition, toujours aussi ferme, à la création du conseiller territorial. Plus les semaines passent, plus les discussions se tiennent dans les territoires, plus les contacts se multiplient avec des associations d'élus – qui avaient d'ailleurs déjà émis des avis – et les représentants sur le terrain, plus il apparaît que personne ne comprend la création, et surtout le fonctionnement futur, de cet OVNI qu'est le conseiller territorial.
Cet élu d'un nouveau type ne parviendra jamais à assumer pleinement les responsabilités que vous lui confiez. Il sera obligé d'en déléguer certaines. On ne sait pas exactement quel sera son statut au regard de la démocratie et de la confiance que lui feront nos concitoyens, étant donné les nombreuses représentations qui ne pourront plus être assumées comme elles le sont aujourd'hui.
Si nous sommes opposés à la création du conseiller territorial, c'est tout simplement parce que cela constitue un recul démocratique.
(L'amendement n° 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. Bernard Derosier.
Nous proposons par cet amendement que le Parlement contribue à lutter contre l'abstentionnisme, dont nous avons vu les effets particulièrement négatifs au moment des élections cantonales.
Nous suggérons que les élections locales soient organisées le même jour. Ce regroupement des élections qui concernent trois niveaux de collectivités territoriales inciterait sans doute les électrices et les électeurs à y participer.
(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Imaginons que je sois en juin 2014 conseiller territorial. Sans pour autant être un partisan du cumul des mandats, je dois participer, à neuf heures du matin, à une délibération dans mon conseil général, puis à une autre, à treize heures, au conseil régional. J'ai réussi à faire en sorte que ces deux délibérations ne se déroulent pas au même moment, mais elles ont lieu dans la même journée.
Et elles ont des objets qui sont contradictoires, en matière de transports, en matière de développement.
Voyez, mes chers collègues : sitôt qu'on prend un exemple concret, vous vous mettez à vociférer, parce que vous savez bien que, dans la réalité, cela ne pourra pas fonctionner, qu'il y aura une confusion totale entre ces deux responsabilités, sans parler des conflits d'intérêts !
C'est tout le sens de l'amendement n° 7 : chaque collectivité doit avoir des élus qui soient pleinement responsables eu égard aux compétences de ladite collectivité. On évitera ainsi bien des mauvais débats et bien des mauvais conflits, notamment ceux que vous créez avec le conseiller territorial.
La commission a émis un avis défavorable.
Mais je voudrais vous dire, monsieur Le Roux, que je trouve assez triste le blocage complet que vous opposez à quelque changement que ce soit. Vous ne vous rendez pas compte que tout doit changer. N'avez-vous pas observé l'abstention record lors des dernières élections cantonales ? N'avez-vous pas compris ce que cela pouvait signifier ? À l'évidence, il y a un besoin de changement dans ce pays. Il y a un besoin d'évolution. Il y a un besoin de simplification. À ce besoin, nous apportons une réponse. Et vous, vous ne voulez en apporter aucune. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Défavorable.
Monsieur Perben, quand on ne sait plus quoi répondre, on dit absolument n'importe quoi. Et c'est ce que vous venez de faire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous le dis, et c'est correct que de le dire : vous ne pouvez pas profiter de cet amendement pour dire que nous ne voulons bouger sur rien du tout.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais c'est la vérité !
Vous souhaitez envenimer cette séance ? Soit ; nous sommes là pour cela, si vous y tenez !
Monsieur Le Roux, soyons calmes et restons sur le fond du texte. Mes chers collègues, je vous remercie de vous calmer !
Madame la présidente, le rapporteur profite d'un amendement de fond pour exprimer une position politicienne.
Ce que nous souhaitons depuis le début, et vous le savez, monsieur Perben, c'est une nouvelle étape de la décentralisation, qui n'apparaît aucunement, aujourd'hui, dans le texte que vous nous soumettez, même si cela pouvait être une volonté du Gouvernement il y a quelques mois.
Et vous savez bien que dans le programme du parti socialiste,…
…les compétences des régions et des départements sont clarifiées, dans une démocratie qui doit être rendue plus lisible pour le citoyen, ce qui est le contraire du texte que vous avez soumis à notre assemblée.
De ce point de vue, les conservateurs,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vous !
…ceux qui essaient de faire passer pour une réforme ce qui est un charcutage électoral, ce sont bien le Gouvernement et la majorité.
Mes chers collègues, il est essentiel que vous puissiez échanger sur le fond. Et pour ce qui est de la forme, il est tout aussi important que chacun puisse se respecter.
La parole est à M. le ministre.
Je suis toujours prêt à écouter les propositions. Il y en a eu pendant le débat. Le Parlement a décidé. Un texte de loi a été proposé et le Parlement s'est exprimé clairement sur le tableau dont nous parlons. Il se trouve que la procédure a été invalidée. Nous suivons celle qui nous est indiquée, point.
Je constate que certains profitent de ce débat pour revenir sur tous les débats antérieurs. On peut le faire, bien sûr. Mais l'objectif, à un moment donné, c'est de se prononcer sur le texte.
J'entends les uns et les autres dire qu'il faut tenir compte de ce que disent nos concitoyens, et qu'il faut plus d'élus. Mais j'ai sous les yeux les résultats d'un sondage : « Estimez-vous qu'en France, le nombre des élus, parlementaires, conseillers régionaux, conseillers généraux, conseillers municipaux, est insuffisant, satisfaisant, ou trop important ? » Insuffisant : 4 %. Satisfaisant : 34 %. Trop important : 62 %.
Je veux vous répondre, messieurs les députés de l'opposition, quand vous dites que vous connaissez la réalité du fait de votre proximité avec les élus locaux et avec les citoyens. Chaque élu, ici, a ses relations avec les citoyens.
Merci, monsieur Derosier. Vous rehaussez le niveau du débat !
Je maintiens : utiliser ces arguments-là, cela s'appelle du populisme !
Doit-on aujourd'hui supprimer le conseiller territorial ? Chacun s'exprime, donne son sentiment. Il se trouve que la majorité s'est exprimée, et de façon construite. Ce n'est pas une idée abstraite. J'ai bien compris que c'est quelque chose qui ne vous satisfait pas, messieurs les députés de l'opposition. Vous le redites une nouvelle fois. Nous, nous expliquons qu'il est important d'évoluer pour essayer de s'adapter aux nouvelles conditions de la concurrence entre régions.
La première fois que j'ai été élu, en 1982, les membres du conseil régional étaient encore désignés par le conseil général. Je faisais partie de ceux-là. C'était avant la chute du mur de Berlin, la concurrence se faisait entre régions françaises. Aujourd'hui, le problème, c'est la concurrence avec les régions, non pas seulement d'Europe, mais du monde entier.
Nous ne pouvons pas rester dans un schéma qui repose sur une vision ancienne. Nous sommes obligés d'être plus efficaces dans la mise en oeuvre des moyens publics, parce que ceux-ci sont de plus en plus rares.
S'agissant du nombre de conseillers territoriaux, nous avons souhaité qu'il y ait un moyen de les rassembler, pour qu'ils soient plus lisibles et plus efficaces. C'est la réponse qui est la nôtre. Vous essayez de nous expliquer, depuis des semaines, que quand vous arriverez au pouvoir, vous remettrez tout à plat, et que vous balaierez toutes les lois électorales qui auront été votées. Moi, je pense qu'il faut regarder, prudemment, comment elles vont fonctionner. Nous sommes tous des républicains, nous appliquons les lois qui ont été votées. Voyons les résultats qu'elles donnent.
Pour nos concitoyens, les choses seront plus simples, plus lisibles, et davantage compréhensibles. La transparence du fonctionnement des collectivités, c'est quelque chose d'important pour le citoyen.
Voilà pourquoi nous défendons ce texte de loi, que nous présentons à nouveau au Parlement, comme le Conseil constitutionnel nous l'a demandé. Nous respectons tout simplement les procédures qui ont été formulées par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne peux pas accepter le discours de M. Perben quand il dit que ceux qui sont opposés à ce texte n'acceptent pas de changement dans nos institutions locales. Le besoin de changement est considérable. Le problème qui est posé ici, c'est celui de la représentation. Et c'est un double problème, en raison de la grande différenciation sur le territoire.
Dans les grandes zones urbaines, les responsables des communautés d'agglomération et des communautés urbaines sont désignés par un suffrage à plusieurs étages. Il faut que cette question-là soit clairement tranchée. Nous avons besoin, parce que c'est le principe même de la Ve République, du suffrage universel direct dans les grandes agglomérations, ce qui n'existe pas encore aujourd'hui. Et ce problème, vous n'avez pas le courage de le poser.
Le second problème, c'est celui des villes moyennes et des zones rurales. Là, c'est un problème de proximité qui se pose. Les compétences qui ont été confiées aux conseils généraux, et qui, à mon sens, devraient d'abord relever de la solidarité nationale – la dépendance, le RSA, les personnes handicapées –, exigent que les élus aient une forte relation de proximité avec leurs électeurs. Or le dispositif que vous mettez en place est en train de casser cette relation de proximité.
Le véritable problème derrière tout cela, c'est que vous présentez cette réforme des collectivités territoriales par morceaux successifs, sans lien les uns avec les autres, alors qu'il aurait fallu présenter une réforme d'ensemble, qui assure la cohérence.
Je veux moi aussi réagir aux propos de M. Perben. Le problème n'est pas de savoir qui veut changer ou qui ne veut pas changer. C'est notre fonction d'élus que de vouloir changer les choses dans ce pays.
Je n'admets pas non plus qu'à chaque fois qu'une proposition est faite par le Gouvernement, ceux qui s'y opposent soient traités de réactionnaires, de gens figés, etc.
La réalité est tout autre. Il s'agit de savoir dans quel sens vous voulez conduire la société, et dans quel sens nous, dans l'opposition, nous voulons la conduire. C'est là qu'est le fond du problème.
Cette réforme des collectivités territoriales, vous ne pouvez pas contester qu'elle a suscité des réticences extrêmement fortes, notamment de la part de l'Assemblée des conseils généraux, de l'Assemblée des conseils régionaux, et même du Congrès des maires de France, auquel j'étais présent comme vous – nous y étions presque tous : tout le monde protestait contre cette réforme mal engagée et dont les objectifs sont mauvais. Personne ne peut nier la résistance des élus, dans nos départements et dans nos villes.
J'ai été président de l'Association des maires du Val-de-Marne, et je peux vous assurer que cette réforme est extrêmement mal vécue.
Quant au fait de changer, il faut bien entendu changer votre politique : elle est mauvaise. Elle est discréditée aux yeux de la population, vous êtes en échec partout, vous êtes en échec sur l'emploi, vous êtes en échec sur le pouvoir d'achat, vous êtes en échec sur la politique extérieure… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, veuillez laisser M. Gosnat terminer son intervention.
Votre réaction me plaît, chers collègues ! Votre politique est en échec patent, et nous avons des propositions qui permettront de changer la société.
Une remarque de forme au préalable, madame la présidente : il serait utile que la présidence se préoccupe des conditions dans lesquelles certains collaborateurs situés dans le coin droit de l'hémicycle prennent des photographies ou filment les parlementaires pendant les débats. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
L'intéressé est sorti, mais je n'accepte pas cette manière de faire, qui viole les règles de cette Assemblée.
Mais c'est important. C'est une question de respect de la représentation nationale par des collaborateurs, et je pense que chacun d'entre nous y est attaché.
Nous sommes plusieurs à l'avoir remarqué, et tout n'est pas permis. J'ai fait les mêmes observations s'agissant des collaborateurs du Gouvernement qui se permettaient de faire des commentaires ou de sourire à des remarques de l'opposition. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, mais c'est arrivé à d'autres moments. Ce n'est pas leur rôle. Nous devons nous faire respecter, notamment par le Gouvernement, c'est le rôle du Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais votre culture est plutôt celle de l'obéissance, j'ai bien compris. (Vives exclamations sur les mêmes bancs.)
Sur le fond, M. Perben affirme que nous refusons le changement. Mais il y a différentes façons de changer : il y a le changement qui permet de préparer l'avenir, il y a celui qui consiste à revenir en arrière. C'est très exactement ce à quoi nous assistons.
En 1972, à la création de l'établissement public régional, les membres des conseils régionaux étaient des délégués d'autres assemblées. C'est exactement ce que vous êtes en train de rétablir : on ne sera plus membre d'une assemblée en tant que telle, on sera membre d'une assemblée pour figurer dans une autre. Laquelle ? On ne sait pas. On ne sait pas si l'on sera élu pour siéger au conseil général ou au conseil régional, mais en tout cas c'est dans ces conditions que l'on sera élu. C'est un affaiblissement de l'autorité régionale et de l'autorité départementale auquel vous procédez.
Quant au ministre, il nous cite un sondage selon lequel il y aurait trop d'élus.
Je suis navrée, il y a un temps de parole, pour vous comme pour les autres.
Dans ce cas, je reprendrais la parole chaque fois qu'il sera nécessaire. Si vous voulez que nous durcissions le débat, nous allons le faire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Alors je reprendrai la parole tout à l'heure.
(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)
Vos interruptions ne permettent pas à l'opposition de s'exprimer, madame la présidente, je conteste donc la manière dont vous conduisez ces débats.
Monsieur Gorce, mes interventions n'ont absolument pas empêché l'opposition de s'exprimer. C'est d'autant plus vrai que vous connaissez notre règlement : nous entendons normalement sur chaque amendement un orateur pour et un orateur contre. Voulez-vous que nous fassions le compte ? Nous avons entendu M. Garrigue, M. Le Roux, M. Gosnat et vous-même. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'opposition a largement eu l'occasion de s'exprimer. Votre remarque est donc plutôt déplacée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les réactions entendues sont à la hauteur des passions que suscite ce texte, quand bien même le Gouvernement, par la voix du ministre chargé des collectivités territoriales, cherche à en minimiser l'importance en expliquant que nous ne serions là que pour ordre : le Conseil constitutionnel ayant retoqué le premier texte, on reprend le même et on recommence. Il ne s'imagine pas un seul instant qu'au sein de la majorité, il puisse y en avoir pour s'interroger. Il en est pourtant qui s'interrogent ! Certains de nos collègues sont certainement contrariés par les dispositions de la loi de décembre 2010, à commencer par le président de l'association des maires de France : il était porteur d'amendements lors du débat principal, qui n'ont pas été retenus. C'était pourtant l'émanation de l'ensemble des maires, comme l'a fait remarquer notre collègue Gosnat.
N'en déplaise au ministre, il y a dans toute assemblée parlementaire possibilité d'une évolution, quitte à revenir sur un vote antérieur, à la suite d'un échange d'arguments.
J'entends certains collègues de la majorité vociférer immédiatement en réaction aux propos de tel ou tel, en particulier de Bruno Le Roux, lorsqu'il ose évoquer dans cette enceinte l'éventuel changement de 2012 auquel nous pensons tous, vous comme nous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et voilà ! les vociférations recommencent !
Autorisez-moi un bref rappel à l'histoire, mes chers collègues ; je suis dans cette maison depuis suffisamment de législatures pour avoir connu des alternances successives. Croyez-moi : quand avec mes amis du groupe socialiste nous nous sommes retrouvés à 55 sur 577 dans cette partie de l'hémicycle, nous n'étions pas très fiers. Mais cela peut aussi vous arriver, alors soyez modestes pour l'avenir.
Pour en revenir à l'amendement n° 6 , j'appelle votre attention sur le fait qu'il ne peut y avoir dans notre République de tutelle d'une collectivité sur une autre. Or le système que vous voulez mettre en place entraînera forcément une relation de tutelle entre le département et la région, puisque ce sont les mêmes élus qui ne manqueront pas de faire valoir la position de l'autre collectivité dans laquelle ils siégeront. Il faut éviter cela, respecter nos règles fondamentales, et c'est la raison de cet amendement.
La commission a rendu un avis défavorable. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a clairement écarté cette critique.
Le Conseil constitutionnel n'est pas législateur !
(L'amendement n° 6 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Après le débat intéressant que nous avons eu, je voudrais dire au rapporteur que mes paroles de tout à l'heure ont dépassé ma pensée : M. Perben ne dit jamais n'importe quoi, et je retire mes propos. J'introduisais simplement le fait qu'il avait donné un élément de nature polémique, mais j'ai trop de respect pour le travail qui est le sien pour laisser penser que ses propos pouvaient ne pas être fondés.
Je maintiens seulement que le rapporteur et le ministre créent de la confusion, alors que tous leurs propos devraient tendre à la clarté, au service de l'efficacité de fonctionnement nos collectivités territoriales.
Les lecteurs de votre réforme, et les élus au premier chef, sont unanimes à la juger compliquée, opaque et difficile à mettre en oeuvre. Elle créera des confusions dans les responsabilités entre les collectivités comme dans celles que devront assumer les élus. Sur tous les bancs de cette assemblée, nous savons que la seule chose que vous souhaitez garder demain, c'est le conseiller territorial ; mais dès 2014, si vous êtes à nouveau aux responsabilités, vous serez amenés à revoir ce texte sur le fond tant il est impossible à mettre en oeuvre en l'état.
Ce conseiller territorial est issu d'une réforme qui n'a aujourd'hui aucune signification pour nos collectivités, qui ne simplifie rien, qui ajoute des difficultés de compréhension à nos concitoyens. Nous continuons donc bien entendu à faire de la suppression du conseiller territorial un argument majeur pour marquer notre opposition à l'ensemble de cette réforme.
(L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement de suppression de l'article 1er, n° 9.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Je regrette, je n'ai aucune excuse à faire, d'autres ont également vu ce que j'ai observé.
L'amendement n° 9 propose de supprimer l'ensemble du dispositif. Les arguments avancés pour le défendre ne sont pas convaincants, nous l'avons montré tout au long de ces discussions.
L'argument de la rationalisation ne tient pas. Il y a de vrais débats à engager, mais ils ne sont pas mis en avant. Les vrais débats portent sur le nombre et les niveaux de gestion que nous avons. Le sondage auquel le ministre a fait allusion tout à l'heure propose de supprimer un niveau : celui de l'intercommunalité. Est-ce vraiment cela, ce que nous souhaitons ?
Plutôt que de nous fonder sur un sondage, ou exploiter de façon démagogique cette tendance de l'opinion publique, nous aurions intérêt à mener une vraie réflexion sur le découpage régional et départemental. Derrière cette réforme, on trouve évidemment votre souhait de supprimer les départements.
Un autre de vos arguments est insupportable, celui qui consiste à dire, monsieur le ministre, qu'il y aurait trop d'élus. Allez répéter cela aux élus de nos petites communes qui vont dégager la neige sur les routes le 25 décembre parce qu'aucun service n'est là pour le faire ! Allez expliquer cela à ceux qui gèrent les affaires communales tous les mois dans les conseils municipaux !
Ce sont eux qui forment la grande masse des élus : ceux qui se dévouent bénévolement à la République.
Hors sujet ? Mais n'est-ce pas cela, la question que vous soulevez en disant qu'il y a trop d'élus ? Est-ce ces élus-là que vous voulez supprimer ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous vous énervez sitôt que l'on vous contredit. Je ne fais pourtant que répéter ce que disait le ministre ! Il n'a pas pris soin de distinguer entre les uns et les autres ; à l'entendre, il s'agit simplement de supprimer quelques conseillers généraux ou quelques conseillers généraux… Réponse dérisoire au vu des enjeux dont nous avons à traiter.
Avis défavorable. Pour revenir sur les propos qui viennent d'être tenus, je n'ai fait que vous communiquer les résultats détaillés de juin 2011 d'une enquête IFOP pour l'observatoire de la fiscalité et des finances publiques sur le cumul des mandats et les découpages politico-administratifs. C'est seulement pour répondre aux affirmations très assurées des députés de gauche sur l'état de l'opinion que j'ai fait repris un sondage sur ce sujet.
Ne mettez donc pas dans la bouche du ministre ce qu'il n'a pas dit. Voilà ce que je souhaitais préciser pour éviter de mauvaises interprétations : je vous ai donné les références sur lesquelles je me fonde, vous pourrez les consulter, et cela pourra vous servir pour vos prochaines interventions.
(L'amendement n° 9 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir l'amendement n° 11 .
Mon collègue Bruno Le Roux a imaginé tout à l'heure ce que sera la vie future d'un conseiller territorial, qui devra organiser son emploi du temps en fonction des réunions de l'assemblée départementale, puis de l'assemblée régionale.
Notre amendement n° 11 vise à rédiger différemment l'article tel qu'il a été promulgué dans la loi du 16 décembre 2010. Si vous persistez à suivre la volonté du Président de la République de casser la démocratie locale, au seul motif qu'elle lui est défavorable, n'oublions jamais cela : c'est une vie impossible qui attend demain le conseiller territorial.
Il serait intéressant d'avoir la liste exhaustive – nous n'avons pas le temps cet après-midi et je ne vais pas bloquer les travaux du Parlement – des missions dévolues aux conseillers généraux et aux conseillers régionaux – je ne parle pas des participations aux manifestations locales, mais seulement des cas prévus par la loi, où la présence des élus départementaux ou régionaux est requise dans un nombre très important d'instances.
Le conseiller territorial ne pourra pas tout faire. Ce sera mission impossible que d'appliquer la loi. De ce fait, il demandera à un collaborateur de la collectivité concernée de le représenter et nous remettrons petit à petit en place une sorte de technostructure qui fera fi de la responsabilité de l'élu.
Mes chers collègues, si vous votez cet amendement, vous permettrez à la démocratie locale de fonctionner dans de bonnes conditions.
(L'amendement n° 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
L'amendement propose de rédiger ainsi l'article 1er : « L'effectif des futures assemblées départementales et les modifications des limites territoriales des cantons seront soumis à l'avis de chaque conseil général concerné. » Pouvez-vous d'ores et déjà nous confirmer, monsieur le ministre, qu'aucune mission n'a été confiée à un parlementaire sur le redécoupage cantonal sur la base de chiffres et de bases législatives qui, pour l'heure, n'existent pas, avant que le texte ne soit définitivement adoptée et que toute menace de censure du Conseil constitutionnel se soit éloignée ? Cela viendrait conforter le sens de cet amendement qui vise à ce que toutes les garanties soient apportées pour éviter un nouveau charcutage électoral après le découpage législatif.
Puisqu'une question précise m'a été posée, je vais y répondre.
En premier lieu, aucune obligation juridique n'impose de consulter les conseils généraux sur leurs propres effectifs.
Ensuite, la loi de réforme des collectivités territoriales a maintenu la disposition du code général des collectivités territoriales – article L. 3113-2 – par laquelle « les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et la suppression des cantons et le transfert du siège vers leurs chefs-lieux sont décidés par décret en Conseil d'État, après consultation du conseil général. »
Précisons que la qualité de chef-lieu de canton a été maintenue aux communes qui la possédaient avant la promulgation de la loi.
Cet amendement est donc superflu et le Gouvernement y est opposé.
En ce qui concerne le mandat qui aurait été donné à un parlementaire en mission, je puis vous assurer que je n'en ai jamais eu connaissance.Le Gouvernement n'a mis en place aucune organisation parlementaire chargée de mettre en place un découpage cantonal.
Nous attendons de connaître le nombre de conseillers territoriaux par département pour engager les réflexions sur les découpages. Ceux-ci ne devraient pas commencer avant l'automne. Je ne crois pas qu'il ait été question de le faire avant.
Il est normal que chacun puisse engager des réflexions sur les territoires, à droite comme à gauche. Les parlementaires, les présidents de conseils généraux, voire les conseillers généraux ont déjà entamé des réflexions un peu partout. Mais il faut savoir raison garder : dans l'immédiat, ce qui compte, c'est que nous sachions combien de conseillers territoriaux nous aurons à mettre en place, département par département.
Je prends acte des propos de M. le ministre.
Il arrive parfois qu'il y ait une part de rêve et une part de réalité dans nos débats. Je veux bien céder à la part de rêve. Il m'avait semblé voir, il y a quelques semaines – je rechercherai – des dépêches selon lesquelles le Gouvernement avait confié à un parlementaire une mission sur le découpage des nouveaux cantons et des nouvelles collectivités territoriales.
Je vous acte de votre réponse, monsieur le ministre. Je suis sûr dans le même temps de pouvoir vous communiquer les sources sur lesquelles je me fondais lors d'une prochaine séance.
(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)
(L'article 1erest adopté
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 1er.
Je suis saisie d'un amendement n° 14 .
La parole est à M. Paul Giacobbi.
L'amendement n° 14 fait référence à une situation historique, montagnarde même, si j'ose dire.
La loi du 16 décembre 2010 n'a pas prévu d'exception à l'obligation de périmètre continu et sans enclave. Malheureusement, l'histoire et le découpage des départements, au moment de la Révolution française ont, dans au moins deux cas qui me viennent à l'esprit, dans les Pyrénées et en Provence, ont fait que des communes d'un département donné se trouvent enclavées dans le territoire d'un autre département sans continuité.
Tel est le cas notamment de cinq communes des Hautes-Pyrénées enclavées dans le département voisin des Pyrénées- Atlantiques. Si on s'en tient à une lecture qui ne prend en compte ni l'histoire, ni le découpage départemental, tel qu'il est, qui remonte, en l'espèce, au XIe siècle, on va considérer qu'il n'y a pas de continuité et appliquer la loi de manière triviale, si j'ose dire, en tout cas sans égard pour la réalité géographique et historique. C'est ce que semble faire le préfet des Pyrénées-Atlantiques. Le préfet des Hautes-Pyrénées, plus sensible à cette situation, est conscient qu'il doit tenir compte de la présence de ces cinq communes qui relèvent tout aussi bien de son autorité dans la mesure où elles appartiennent à son département, quand bien même elles se situent géographiquement dans un le département voisin.
Par conséquent, l'amendement n° 14 tient compte de ces réalités pyrénéennes – il pourrait tout aussi bien s'appliquer à des réalités provençales. Vous savez que le traité des Pyrénées, particulièrement complexe, avait prévu depuis très longtemps des choses encore plus audacieuses : des territoires espagnols enclavés en territoire français. Bref, l'enclave est une réalité ; encore faudrait-il que notre texte en tienne compte. Quoi qu'il en soit, il serait bon que le Gouvernement nous fasse part de ses intentions à cet égard.
Je ne peux donner qu'un avis personnel, puisque la commission n'a pas examiné cet amendement. Mais il est défavorable.
Je pense que ce n'est pas sur ce projet qu'il faut déposer un tel amendement. Il n'est pas impensable qu'un ministre chargé des collectivités locales, dans les semaines ou les mois qui viennent soit d'accord avec vous pour régler une difficulté ponctuelle, mais dans un autre cadre, et non sur un texte qui arrive en bout de course.
Si nous adoptions cet amendement, il n'y aurait plus de possibilité de vote conforme et nous relancerions le débat.
Je suis très sensible à cette question. Mais je pense que l'on ne saurait y répondre aujourd'hui.
Plusieurs de vos collègues sont intervenus sur des sujets sensiblement identiques. Le problème, c'est que votre amendement ne répond pas à tous les cas de figure, beaucoup plus nombreux que vous ne l'imaginez : pour une commune membre d'EPCI depuis un bout de temps, cinq, dix, quinze ans, la situation est différente de celle que vous évoquez.
Votre amendement apporterait une réponse à toutes ces situations historiques. Mais à partir de quelle période, considère-t-on que c'est historique ? À partir du moment où elles sont incluses dans une communauté de communes qui existe depuis cinq ans, n'est-ce pas historique ?
Nous avons besoin de travailler sur le sujet. Je suis prêt à étudier votre exemple de façon précise, car je crois que certaines situations méritent à l'évidence un examen particulier. Mais je ne peux pas apporter aujourd'hui de réponse générale à votre amendement.
Soyons précis : mon amendement ne visait pas le fait pour une commune d'appartenir historiquement à une autre communauté de communes, mais seulement un cas de figure très particulier : les enclaves historiques, bien connues dans l'histoire de France, même s'il s'agit d'exceptions, et qui se retrouvent particulièrement dans des territoires de montagne pour des raisons ancestrales liées à la transhumance et à d'autres pratiques anciennes. C'est ainsi que cinq communes du département des Hautes-Pyrénées sont géographiquement situées dans le territoire des Pyrénées Atlantiques, sans continuité territoriale. Mais tout à fait logiquement, elles se rattachent à une communauté de communes des Hautes-Pyrénées… C'est là un cas exceptionnel dont il existe très peu d'exemples.
Monsieur le ministre, j'ai pris acte du fait que le Gouvernement va étudier la situation et proposer très prochainement, nous l'espérons, un texte qui permettra de pallier la situation. Dans l'attente, vous pourriez donner instruction au préfet concerné, afin qu'il envisage les choses en tenant compte de l'histoire millénaire.
Dans ces conditions, compte tenu des propos de M. le ministre, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 14 est retiré.)
La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir l'amendement n° 12 .
L'amendement n° 12 , s'il était adopté, nous permettrait d'entrer dans la rénovation, ce progrès que vous appelez de vos voeux, monsieur le rapporteur, puisqu'il ne fait que traduire la volonté des responsables des assemblées départementales – je salue tous ceux qui sont présents, en particulier M. Emmanuelli. En effet, depuis de nombreuses années, l'association des départements de France, et hier encore l'association des présidents de conseils généraux suggéraient fortement que l'on clarifie, que l'on simplifie, que l'on rende plus lisible le rôle du département en appelant « conseillers départementaux » les membres de l'assemblée départementale. C'est le sens de notre amendement.
(L'amendement n° 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 13 , visant à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Bruno Le Roux.
Nous voilà enfin au véritable objet de notre débat : le tableau, un tableau qui, Bernard Derosier l'a très finement démontré lors de sa motion de procédure, ne représente pas réellement la population de notre pays et ne permet pas d'obtenir une bonne adéquation du territoire et de la population avec le nombre de conseillers territoriaux dans chaque région.
Ce texte, nous le voyons, n'a pas été concerté, ni avec les départements, ni avec les régions. C'est pourquoi nous proposons de supprimer ce tableau annexe. Nous pensons qu'il faut continuer à travailler pour parvenir à un résultat exempt d'arrière-pensées. Il faut des règles mathématiques beaucoup plus claires dans le rapport à la population et elles n'apparaissent pas dans le tableau du Gouvernement.
(L'amendement n° 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe SRC, qui dispose de cinq minutes.
Ce débat n'a malheureusement pas été suivi de l'effet que nous espérions… Certes, nous n'imaginions pas que la majorité parlementaire puisse changer en quelques jours et dans des proportions suffisantes pour refuser ce projet de loi, mais vous connaissez l'adage : il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas… Mais l'évolution n'a pas eu lieu. Vous vous êtes arc-boutés sur vos positions. Gaëtan Gorce rappelait tout à l'heure que les rangs de la majorité aujourd'hui avaient davantage la culture de l'approbation de ce qu'a décidé le chef, tandis qu'à gauche, nous sommes un peu plus contestataires par nature et les choses se passent différemment.
Il n'empêche que c'est à la gauche que l'on doit la décentralisation, la démocratie locale et son renforcement. À chaque fois qu'ont été soumis, depuis 1982, à l'initiative des gouvernements de gauche, des textes de loi tendant à faire avancer la décentralisation et la démocratie locale, la droite parlementaire s'y est opposée, avant de se couler par la suite dans ces nouveaux dispositifs afin, d'une certaine façon, d'en bénéficier.
Aujourd'hui, la démocratie locale a parlé et parce que la gauche est majoritaire dans les communes, les départements et les régions, le Président de la République, son gouvernement, sa majorité ont imaginé un dispositif législatif – la réforme des collectivités territoriales – pour casser cette dynamique.
Mais non !
Que vous le vouliez ou non, vous ne pourrez pas dissoudre le peuple, pas plus que vous ne pourrez influencer la volonté des citoyens, qui se manifestera dans quelques mois : constatant la position figée que vous avez adoptée, je ne doute pas qu'ils vous demanderont de retourner à vos chères études.
Nous voterons contre ce projet de loi.
Je rappellerai simplement que ce texte est identique à celui que nous avons adopté le 7 juin dernier. Le groupe UMP n'a donc aucune raison de ne pas l'approuver aujourd'hui.
Permettez-moi cependant de regretter que M. Gorce ait eu des paroles déplacées à l'encontre de nos collaborateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ses attaques étaient tout à fait scandaleuses et malvenues, d'autant que nous aurions pu aboutir à un consensus si vous n'y aviez pas mis de la mauvaise volonté et fait preuve de démagogie. J'espère que M. Gorce aura à coeur de s'excuser. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, selon les informations dont je dispose, je puis vous dire qu'il s'agit d'un collaborateur qui prenait le ministre en photo.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
La parole est à M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement souhaite vous informer sur l'organisation de la suite de vos débats.
Ce soir, à vingt et une heures trente, l'Assemblée examinera les amendements de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État.
Demain matin, jeudi, seront examinées trois conventions internationales en procédure simplifiée, puis la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital.
Demain après-midi : suite de l'ordre du jour du matin ; proposition de loi relative à la protection de l'identité.
Jeudi soir : suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
Éventuellement, vendredi : suite de l'ordre du jour de la veille.
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (n° 3596 rectifié).
La parole est à M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Cette CMP s'est réunie le 29 juin dernier et le Sénat a adopté lundi le texte issu de ses travaux.
Je ne peux que répéter ce que j'ai dit en première lecture : ce texte marquera une évolution très positive pour notre justice, et ce pour cinq raisons.
Premièrement, il fera participer les citoyens au fonctionnement de la justice, beaucoup plus largement qu'aujourd'hui, pour le jugement des délits et en matière d'exécution des peines.
Deuxièmement, à travers un certain allégement du fonctionnement de la cour d'assises, il apportera un début de réponse à l'engorgement des cours d'assises, cause pour une large part du phénomène de correctionnalisation.
Troisièmement, il renforcera la sécurité de nos concitoyens, en rendant plus progressive la libération des criminels dangereux condamnés aux peines les plus lourdes en les soumettant à une évaluation pluridisciplinaire obligatoire et en améliorant l'exécution des peines.
Quatrièmement, il permettra d'accélérer la réponse à la délinquance des mineurs ; il favorisera la qualité de la prise de décision grâce à l'amélioration de la connaissance de la personnalité du mineur et il permettra de diversifier les réponses à la disposition des magistrats, notamment par l'extension de la possibilité de placer un mineur en centre éducatif fermé.
Enfin, il apportera de nouvelles améliorations aux droits des victimes, grâce aux dispositions adoptées par notre commission des lois, qui prévoient notamment de nouveaux droits à l'information préalablement à la libération du condamné.
Le texte adopté par la CMP, sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui, diffère très peu du projet de loi que notre assemblée avait adopté le 28 juin dernier. En effet, les positions des deux assemblées du Parlement étaient très proches sur l'essentiel des dispositions du projet de loi, qu'il s'agisse, pour le volet relatif à la participation des citoyens à la justice pénale, du principe même de la participation des citoyens aux juridictions correctionnelles et de l'application des peines ainsi que des modalités de désignation des citoyens assesseurs ; ou qu'il s'agisse, pour le volet relatif à la procédure criminelle, de la modification de la composition des cours d'assises ; pour le volet relatif à l'application des peines, du renforcement des conditions des libérations conditionnelles pour les criminels condamnés à de lourdes peines ; enfin, pour la partie relative à la justice des mineurs, de l'extension des possibilités de placement en centre éducatif fermé, du dossier unique de personnalité et des garanties de confidentialité devant entourer sa consultation, du développement des procédures accélérées devant les juridictions pour mineurs, ou encore de la création du tribunal correctionnel pour mineurs.
Sur l'ensemble de ces points, qui constituaient le noyau dur du projet de loi, la CMP a donc adopté, sous réserve de quelques ajustements, les articles concernés dans le texte de l'Assemblée nationale.
J'en viens maintenant aux trois sujets sur lesquels le texte adopté par la CMP diffère de façon plus sensible du texte adopté par notre assemblée.
Le premier point concerne, à l'article 2 du projet de loi, le champ de compétence du tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs, que notre assemblée a renommé « tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne ». Le projet de loi avait initialement prévu que ce tribunal serait compétent pour les seules infractions d'atteintes aux personnes. Craignant que ce champ de compétence ne conduise à ce qu'il soit reproché au tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne d'être l'instrument d'une justice de classe, le Sénat avait souhaité étendre la compétence de cette formation à la plupart des délits prévus par code pénal, y compris les atteintes aux biens, dès lors qu'ils sont punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement, mais aussi aux délits prévus par le code de l'environnement punis des mêmes peines.
L'élargissement de la compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne à la plupart de ces délits prévus par le code pénal ne soulève pas de difficulté. Toutefois, notre assemblée avait estimé qu'il n'était pas souhaitable d'inclure dans son champ de compétence les infractions au code de l'environnement, et ce pour deux raisons.
Premièrement, pour des citoyens non juristes, ces infractions sont autrement plus complexes à appréhender, s'agissant de leurs éléments constitutifs et des questions d'imputabilité et de responsabilité pénale qu'elles soulèvent, que des délits de vol, de violences aux personnes ou d'homicide involontaire.
Deuxièmement, sur un plan pratique, les infractions concernées sont pour l'essentiel des infractions de pollution maritime de grande importance – en un mot, des procès de « marées noires » –, dont le jugement peut être extrêmement long. Pour ne prendre qu'un exemple, les débats du procès de l'Erika avaient duré quatre mois, et les magistrats avaient eu besoin de six mois pour rédiger le jugement. Avec le champ de compétence retenu par le Sénat, incluant les infractions au code de l'environnement punies de cinq ans ou plus d'emprisonnement, cette affaire aurait relevé de la compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne : les citoyens convoqués auraient donc dû se mettre à la disposition de la justice, non pas pendant dix jours, comme le prévoit notre texte, mais pendant presque un an.
En dépit de ces arguments, la CMP a souhaité réintroduire la compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne pour ces infractions au code de l'environnement, que notre assemblée avait supprimée. J'en prends acte, tout en appelant l'attention de chacun sur les inconvénients de la présence de ces infractions dans le champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne.
Il faudra, à mon sens, réexaminer avec la plus grande attention cette question du champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, lorsque viendra le temps de la généralisation de la présence des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels.
Le deuxième point sur lequel le texte adopté par la CMP s'éloigne quelque peu de celui retenu par notre assemblée tient à la motivation des arrêts d'assises, prévue à l'article 7 du projet de loi.
Le texte adopté par le Sénat prévoyait une signature de la feuille de motivation par le président de la cour et le premier juré, et n'avait pas prévu qu'il soit possible de différer la mise en forme de la motivation par le président. Notre assemblée avait, quant à elle, estimé nécessaire de permettre un différé de trois jours pour l'établissement de la feuille de motivation par le président, mais uniquement dans le cas des affaires complexes, et avait en conséquence prévu que la feuille de motivation ne serait signée que par le seul président.
La CMP a estimé qu'il était justifié de conserver la faculté de différer la rédaction de la feuille de motivation dans le cas des affaires complexes, mais a rétabli la double signature de celle-ci par le président et le premier juré. Il s'agit là d'un équilibre acceptable, même si, dans les cas où l'établissement de la motivation sera différé, cela entraînera une petite complexité et un certain coût pour faire signer la feuille par le premier juré.
Malgré cette légère modification par la CMP du texte qu'avait adopté notre assemblée, cette partie du projet de loi sur la motivation reste évidemment un grand progrès, qui favorisera la compréhension des arrêts d'assises par les accusés, les victimes et l'ensemble de la société.
Enfin, dernier point modifié par la CMP, à l'article 8, la question du régime de publicité applicable aux débats de la cour d'assises des mineurs, lorsque l'accusé mineur au moment des faits est devenu majeur.
Notre assemblée avait, à mon initiative, introduit dans le projet de loi les dispositions de la proposition de loi déposée par nos collègues François Baroin et Jack Lang, dans le texte adopté par notre assemblée en février 2010. Aujourd'hui, dans les cas où un accusé qui était mineur au moment des faits est devenu majeur au jour du procès, la décision sur le régime de publicité applicable appartient au seul accusé, qui dispose seul de la faculté de demander la levée de la publicité restreinte.
La proposition de loi adoptée par notre assemblée – et reprise dans le présent projet de loi – visait à prendre en compte le fait que le régime de publicité applicable est une question qui n'intéresse pas que le seul accusé, mais aussi la société dans son ensemble et la partie civile, ainsi que le fait que la publicité des débats judiciaires et la publicité restreinte pour les mineurs sont deux principes constitutionnels également protégés. Le texte adopté par notre assemblée prévoyait donc de permettre à l'accusé, au ministère public ou à la partie civile de présenter une demande tendant à ce que les débats se déroulent publiquement, demande soumise à la décision de la cour qui aurait dû prendre en compte les intérêts de la société, ceux de l'accusé et ceux de la partie civile.
La CMP a validé le principe d'une évolution des règles encadrant le régime de publicité concernant les accusés mineurs devenus majeurs au jour du procès. Toutefois, elle n'a pas estimé souhaitable de permettre à la partie civile de former cette demande, la réservant à l'accusé et au ministère public. À mon sens, un autre choix aurait été possible : dès lors que la demande de levée de la publicité restreinte aurait été soumise à l'appréciation de la cour, il me semblait possible, sans aucune difficulté de principe, de permettre à la partie civile de formuler cette demande. La CMP en a décidé autrement, ce que je regrette.
Cependant, en dépit de cette réserve, l'on pourra retenir le point positif que constitue l'évolution adoptée par la CMP, dans le sens d'un nouvel équilibre entre le principe de la publicité des débats judiciaires et le droit du mineur à la publicité restreinte.
Voilà, mes chers collègues, sommairement présenté, le texte élaboré par la CMP, que je vous invite à adopter.
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, avec la fin de la navette parlementaire, nous arrivons au terme de l'examen du projet de loi sur la participation des citoyens à la justice pénale et le jugement des mineurs. Ce texte marque une nouvelle étape dans la volonté du Gouvernement, plusieurs fois manifestée au cours de cette législature, de définir une justice pénale plus ouverte, plus proche et plus réactive, afin notamment de répondre à l'attente quotidienne de nos concitoyens.
Grâce à l'accord trouvé en commission mixte paritaire, la participation des citoyens à la justice pénale va être accrue, avec l'introduction de citoyens assesseurs pour le jugement des délits les plus graves et pour le suivi de l'application des peines. Le fonctionnement des assises sera amélioré, ce qui limitera le phénomène de correctionnalisation. Enfin, la justice des mineurs connaîtra d'importantes avancées.
Tout en souscrivant aux objectifs poursuivis par le Gouvernement, le Parlement a enrichi le projet initial et je veux souligner à cet égard la qualité du travail effectué par l'Assemblée nationale et par sa commission des lois sur chacun des volets de la réforme. Je remercie tout particulièrement le rapporteur, Sébastien Huyghe, et le président Warsmann pour leur implication dans ce texte. Le texte issu de votre assemblée a du reste été largement approuvé par la commission mixte paritaire, exception faite des quelques dispositions évoquées par le rapporteur.
Le premier objectif du texte consiste à faire participer les citoyens au fonctionnement de la justice pénale, au service de la collectivité. Je crois profondément aux vertus pédagogiques de cette réforme qui permettra aux Français de mieux comprendre la difficulté de rendre la justice.
Le texte ouvre aux Français les formations de jugement en correctionnelle ainsi que celles de l'application des peines : deux citoyens assesseurs siégeront désormais aux côtés des trois magistrats professionnels.
Rapprocher les citoyens de notre justice, leur permettre de mieux appréhender le rôle des magistrats et la difficulté de leur tâche, mais aussi modifier les pratiques des magistrats professionnels dans le sens d'une justice plus intelligible, ce sont là des objectifs auxquels nous pouvons tous souscrire.
Le débat au Parlement a permis d'accroître encore le champ de cette participation, en élargissant le périmètre des affaires relevant de la compétence des nouvelles formations de jugement en correctionnelle : les citoyens participeront donc au jugement des délits les plus graves portant atteinte à la tranquillité et à la sécurité des personnes.
Le deuxième grand volet du projet s'attache à limiter la correctionnalisation des crimes, dont nous estimons tous qu'elle pose de réelles difficultés. C'est pour lutter contre ce phénomène que nous avons inscrit dans le projet de loi une réforme des assises. Le Gouvernement a fait des propositions qui n'ont pas été retenues, le Parlement ayant choisi de réduire le nombre de jurés aux assises, solution qui permettra une augmentation conséquente du nombre d'affaires jugées chaque année.
La commission mixte paritaire a en outre permis de construire un point d'équilibre autour des dispositions introduites par votre assemblée et issues de la proposition de loi Baroin-Lang sur la publicité des audiences des cours d'assises de mineurs, lorsque l'accusé est devenu majeur. Le Gouvernement se félicite de ce compromis.
Votre assemblée a également enrichi le volet relatif à l'exécution des peines et au suivi des condamnés. Le texte assouplit les modalités de mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre d'une libération conditionnelle ou dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire. Il assouplit aussi la procédure d'inscription des décisions de condamnation dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, le FIJAIS.
Le projet de loi améliore également le suivi des condamnés par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. La CMP a précisé que les directeurs de ces services devront avoir accès au bulletin n° 1 du casier judiciaire, mesure pratique extrêmement importante qui mettra fin à bien des dysfonctionnements.
En outre, nous disposons d'un cadre renforcé pour le prononcé des décisions de libération conditionnelle avec l'extension des évaluations pluridisciplinaires. Pour permettre la mise en oeuvre de ces nouvelles évaluations, nous avons prévu l'ouverture de nouveaux centres d'évaluation, en dehors de celui déjà existant de Fresnes ; celui de Réau, en Seine-et-Marne, ouvrira très prochainement, et il n'est pas impossible que je sois très bientôt en mesure d'annoncer la création d'un troisième.
Enfin, le texte améliore la justice pénale des mineurs. Depuis les travaux conduits sous l'égide du recteur Varinard, la Chancellerie a élaboré dans un cadre concerté un projet de code de justice des mineurs, quasiment achevé à ce jour. Cependant, ce projet ayant été envisagé dans le cadre plus global de la réforme de la procédure pénale, la fin toute proche de la législature ne nous permettait pas de l'adopter avant avril 2012.
Néanmoins, la situation sur le terrain exigeait que des mesures adéquates soient prises. Nous avons veillé à ce que cette réforme respecte les principes propres à la justice des mineurs, tels qu'ils ont été définis par l'ordonnance de 1945 et tels qu'ils ont été rappelés par le Conseil constitutionnel dans ses décisions de 2002 et 2011, et confortés par nos engagements internationaux. En matière de justice des mineurs, les mesures éducatives doivent primer sur les mesures répressives et le mineur doit être jugé par un tribunal spécialement composé à cet effet, suivant une procédure particulière, tous principes bien sûr respectés dans le texte qui vous a été soumis.
Un tribunal correctionnel pour mineurs interviendra désormais pour juger les récidivistes de seize à dix-huit ans passibles de trois ans de prison et plus. Le Parlement a précisé que cette formation serait présidée par le juge des enfants, renforçant ainsi la spécificité de sa composition. Disons-le clairement : à nos yeux, ce tribunal correctionnel pour mineurs respecte davantage les principes de l'ordonnance de 1945 que la cour d'assises pour les mineurs.
S'agissant du dossier unique de personnalité, les deux chambres ont apporté des garanties de confidentialité des données collectées, notamment pour limiter l'utilisation du dossier à la majorité du mineur.
Le projet de loi ouvre en outre la possibilité d'une convocation directe du mineur devant le tribunal pour enfants, par un officier de police judiciaire. Le Sénat a précisé ce dispositif en le limitant expressément aux mineurs connus de la justice. C'est un point important, car la justice des mineurs est d'autant plus efficace que le délai entre la commission des faits et le jugement est court. Quand le délai est de dix-huit mois, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, le mineur a moins à l'esprit la commission des faits au moment de l'acte de jugement, ce qui diminue l'efficacité de la sanction – cela a d'ailleurs été souligné par M. Ciotti dans le rapport qu'il vient de rendre.
Je me félicite également que la commission mixte paritaire se soit accordée sur le dispositif de césure introduit à l'initiative du président Warsmann : elle permettra de concilier décision rapide sur la déclaration de culpabilité et réponse pénale adaptée en fonction des éléments de personnalité recueillis. Ce dispositif répond à une demande forte de tous les professionnels de la justice des mineurs, et notamment des juges des enfants, et montre bien qu'il a toujours été dans l'intention du Gouvernement et du Parlement de donner la primauté à l'éducatif.
Depuis quatre ans, nous avons profondément rénové la justice pénale de notre pays, désormais plus protectrice des droits et libertés de nos concitoyens. Le texte, tel qu'il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, permet d'aller encore plus loin en associant véritablement les citoyens à la justice.
C'est la raison pour laquelle je ne peux qu'inviter l'Assemblée nationale à suivre les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si je soutiens devant vous cette motion de rejet préalable, c'est que j'estime que le texte qui nous est soumis est anticonstitutionnel et qu'il ne garantit pas l'efficacité de notre justice.
Vous avez décidé, monsieur le ministre, de mettre en oeuvre la procédure d'urgence. Pourtant, il n'y avait aucune urgence à trancher sur ce texte : une double lecture par l'Assemblée et par le Sénat aurait permis de l'améliorer, pour autant qu'il était améliorable. Par là même, il y a eu atteinte aux droits du Parlement.
La deuxième raison pour laquelle je vous demande de rejeter ce texte, c'est qu'il constitue une atteinte à l'égalité des citoyens. Vous avez décidé de mettre en place, au sein des tribunaux correctionnels, des citoyens assesseurs chargés de juger avec les magistrats professionnels tous les délits portant atteinte à l'intégrité physique et punis d'une peine de plus de cinq ans d'emprisonnement.
Pour fixer la compétence du tribunal correctionnel, vous visez le titre II du livre II du code pénal, qui porte effectivement sur les atteintes à l'intégrité des personnes. Mais, curieusement, vous avez exclu certaines atteintes, notamment le trafic de stupéfiants. Cela signifie donc que vous ne respectez pas les dispositions constitutionnelles qui imposent de traiter de façon égale les personnes qui commettent des délits similaires. C'est d'autant plus grave que l'article 399-7 du code de procédure pénale, tel qu'il devrait être rédigé par ce texte, prévoit de modifier les règles de la détention provisoire en matière de comparution immédiate en portant le délai de jugement de trois jours à huit jours. Les modifications qu'apporte votre texte, qui s'effectuent au détriment de certains délinquants, sont bel et bien constitutives d'une atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi.
Troisième raison : la réforme des cours d'assises constitue une atteinte à la souveraineté populaire. L'article 359 du code de procédure pénale prévoit que les décisions défavorables à l'accusé doivent être prises par une majorité qualifiée. Or la réduction de neuf à six jurés en première instance permet d'obtenir une majorité qualifiée de six voix, dès l'instant où les trois magistrats professionnels s'associent à trois jurés. Vous savez combien la juridiction constitutionnelle a été attentive à la composition de la cour d'assises, juridiction très particulière qui n'a été admise qu'en raison de la présence des jurés. Or, votre texte conduit, très paradoxalement, à en réduire le nombre et, encore plus paradoxalement, à ce qu'une décision défavorable à l'accusé puisse être prise par une cour d'assises où les jurés ne seront plus majoritaires.
Au-delà de ces atteintes au principe d'égalité des citoyens devant la loi et à la souveraineté populaire, ce texte porte atteinte à l'économie de l'ordonnance de 1945. C'est le cas de la possibilité que vous introduisez d'une convocation directe du mineur devant le tribunal pour enfants, par un officier de police judiciaire. Le Conseil constitutionnel s'est montré très sourcilleux quant aux conditions dans lesquelles les mineurs pouvaient être jugés, particulièrement dans sa décision du 29 août 2002 et tout récemment dans sa décision du 10 mars 2011 censurant la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI. Or, par suite de cette modification, le mineur échappe à la confrontation avec celui qui est son juge ordinaire, c'est-à-dire le juge des enfants. Vous préférez la célérité à l'efficacité d'une confrontation avec un magistrat qui connaît parfaitement le mineur, qui sait toutes ses ruses et peut anticiper la façon dont il va se présenter devant le juge, en essayant d'échapper à la condamnation ou, au contraire, en la recherchant, parce que la psychologie des mineurs est bien différente de celle des délinquants majeurs. Ce faisant, vous portez atteinte à l'économie de et à l'efficacité de l'ordonnance de 1945, parce que c'est de la confrontation entre le juge habituel du mineur et le mineur que naît l'efficacité particulière de cette juridiction. C'est d'ailleurs pour cela que, par un privilège extraordinaire qui porte atteinte au principe du procès équitable, il est prévu que le juge des enfants soit à la fois le juge de l'instruction, donc de l'enquête, le juge du jugement et le juge de l'exécution de la peine.
L'atteinte est tout aussi grave en ce qui concerne la création d'un tribunal correctionnel pour mineurs.
Pourquoi ?
En dépit de vos explications, monsieur le ministre, ceci déroge à l'obligation de spécificité de la juridiction des mineurs. Avec les modifications que vous introduisez, le juge des enfants va se retrouver minoritaire au sein du tribunal correctionnel.
Et au sein de la cour d'assises !
Il n'est pas minoritaire au sein de la cour d'assises, car les deux assesseurs sont des juges des enfants, autant que faire se peut.
Autant que faire se peut !
C'est toujours ainsi que cela se passe.
Le juge des enfants est mis en minorité au sein du tribunal correctionnel pour mineurs dès lors qu'on lui adjoint deux professionnels ; il l'est encore davantage dans un tribunal correctionnel où siègent des citoyens assesseurs, puisqu'il est alors flanqué de quatre autres juges. Ce texte ne devrait donc pas échapper à la censure du Conseil constitutionnel.
Cette réforme porte en outre atteinte à de nombreux autres principes. À l'efficacité de la justice, d'abord, puisque, selon l'étude d'impact, elle conduira à multiplier le nombre d'audiences. En effet, l'obligation de faire siéger des citoyens assesseurs huit jours par an seulement – huit jours dans toute leur vie ! – contraindra les magistrats à ralentir le rythme des audiences. Car il leur faudra expliquer à ces citoyens assesseurs le contenu des dossiers à peu près comme on le fait devant une cour d'assises : en détaillant, en mettant en scène le dossier d'enquête. Le nombre d'audiences et leur durée seront donc accrus.
Ensuite, cette réforme porte atteinte à la lisibilité de la justice et à sa compréhension par les citoyens. En effet, il y aura désormais cinq types de tribunaux correctionnels. Le premier sera composé d'un juge unique ; un autre, de trois magistrats professionnels ; un troisième, toujours destiné à juger les personnes majeures, comptera trois magistrats professionnels et deux citoyens assesseurs ; s'y ajouteront un tribunal professionnel pour mineurs récidivistes âgés de seize à dix-huit ans, composé de trois professionnels, et un autre composé de trois professionnels et de deux citoyens assesseurs.
C'est d'autant plus invraisemblable que, selon l'étude d'impact, en 2009, 635 mineurs ont été renvoyés devant l'un des deux tribunaux correctionnels pour mineurs – avec ou sans assesseurs. En d'autres termes, on va imposer aux 556 tribunaux pour enfants une réforme gigantesque pour juger 635 mineurs !
Cela représentera – c'est mon dernier argument – un coût faramineux, à l'heure où la justice peine à suivre les évolutions de notre droit et à fournir les décisions que l'on attend d'elle. Selon les estimations contenues dans l'étude d'impact, il s'agit d'un investissement de 30 millions d'euros, auquel s'ajoute un coût de fonctionnement de 1 million d'euros au titre de l'adaptation des postes de travail et de 7 millions pour le paiement des citoyens assesseurs. Il faudra en outre créer 155 postes de magistrat, pour un coût que j'ai personnellement évalué à 17 millions d'euros, et 109 postes de greffier, ce qui représente, toujours selon mes estimations, 5 millions. Au total, le coût de fonctionnement annuel atteindra 30 à 40 millions d'euros.
Il est un peu rageant, étant donné les difficultés auxquelles la justice est confrontée, que l'on dépense ainsi des sommes non négligeables pour une réforme qui n'a – pardonnez-moi de le dire, monsieur le garde des sceaux – aucun sens !
Allons donc !
Une réforme qui porte atteinte à l'égalité des citoyens devant la loi ; une réforme qui porte atteinte à l'économie de l'ordonnance de 1945 ; une réforme qui porte atteinte à la souveraineté populaire en matière d'assises ; une réforme, enfin, qui va rendre la justice plus lente, plus coûteuse, plus compliquée, moins compréhensible : une telle réforme ne mérite que le rejet préalable !
Monsieur Raimbourg, vous avez mis en cause la constitutionnalité du texte sur plusieurs points, notamment à propos de la nouvelle forme qu'il donne aux cours d'assises et de la création du tribunal correctionnel pour mineurs. C'est un classique du genre : quand on a du mal à justifier son opposition quant au fond, on se tourne vers la Constitution.
Vous allez donc déférer le texte devant le Conseil constitutionnel. Au fond, cela fait partie du jeu démocratique. C'est même une bonne chose : si le Conseil constitutionnel se prononce sur l'ensemble du texte, celui-ci ne pourra plus, à l'avenir, faire l'objet d'aucune question prioritaire de constitutionnalité. Le texte sera donc sécurisé de ce point de vue.
Au demeurant, je suis très serein quant au résultat de cette saisine, car nous avons scrupuleusement veillé à respecter la Constitution en élaborant le texte et au cours des longues heures de discussion qui lui ont été consacrées à l'Assemblée. Il en a été de même au Sénat.
En particulier, et contrairement à ce que vous venez de dire – mais c'est le Conseil constitutionnel qui nous départagera –, nous avons soigneusement respecté le principe de spécialité de la justice des mineurs, notamment en créant le tribunal correctionnel pour mineurs.
J'invite donc tous les parlementaires présents dans l'hémicycle à voter le texte sans état d'âme et sans craindre une éventuelle censure du Conseil constitutionnel.
Je vous remercie, monsieur Raimbourg, d'avoir activement participé au débat, à l'instar d'autres membres de l'opposition, permettant par là même aux membres de la majorité de mieux défendre le texte. C'est cela, le débat parlementaire ; il est bon que les choses se soient passées ainsi.
Dans votre intervention, qui vous a donné du fil à retordre, faute d'arguments – mais c'est bien normal –, vous avez formulé deux critiques principales.
Vous avez d'abord reproché au texte de constituer une rupture de l'égalité entre Français face à la loi. Je rappelle que la notion d'égalité devant la loi est relative dans notre droit. Ses limites ont été fixées par le Conseil d'État dans son arrêt « Société de l'alcool dénaturé de Coubert », qui date de 1938 : ce principe signifie que les citoyens qui sont dans la même situation doivent être jugés de la même façon. Or c'est bien ce qui va se passer en l'espèce. Votre première critique tombe donc.
Votre seconde critique portait sur la justice des mineurs. Vous nous accusez – ce qui est logique – de mettre à bas l'ordonnance de 1945. Cet argument étant excessif, il est inexact. Vous nous reprochez également de ne pas respecter la spécificité de la justice des mineurs. Vous avez tenté de le montrer par des opérations mathématiques – un plus deux égalent trois, …
Je ne peux pas dire le contraire : vous maîtrisez parfaitement votre table d'addition, et nous sommes d'accord sur ce point.
À ceci près que, lorsque vous dites que le juge des enfants est minoritaire au sein du tribunal pour enfants, vous oubliez qu'il y est même tout seul. En effet, il siège avec deux citoyens…
…choisis par le président du tribunal de grande instance. Ils sont spécialisés dans la mesure où ils sont choisis ! Désormais, il s'agira de citoyens tirés au sort, ce qui est bien plus démocratique – nul n'en doute.
La situation minoritaire du juge ne change donc pas.
Du reste, votre critique à propos des magistrats professionnels adjoints au juge des enfants ne tient pas, car ces magistrats peuvent être nommés juges des enfants par la suite. Chaque chef de juridiction a en effet le pouvoir de nommer des juges pour enfants pour une durée déterminée.
Je comprends fort bien que ce texte soit déféré au Conseil constitutionnel, car cela fait partie du jeu démocratique, et c'est une façon de le sécuriser. Car quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel, elle s'imposera à tous, comme le dit la Constitution. Je ne doute donc pas que, dans quelques semaines, vous serez un fervent défenseur de l'application de cette loi validée par le Conseil constitutionnel. Il faut donc rejeter votre motion, sans quoi le Conseil ne pourrait pas se prononcer. (Sourires.) En effet, vous ne pouvez pas à la fois souhaiter qu'il se prononce et chercher à supprimer la loi ! Pour mettre fin à cette incohérence, rejetez votre propre motion ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe GDR.
Le groupe GDR votera sans réserve et sans état d'âme, pour reprendre les termes du rapporteur, la motion de rejet préalable défendue avec talent par notre collègue Dominique Raimbourg.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez évidemment, comme chacun d'entre nous, pris connaissance de l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. S'il fallait ajouter, notamment à propos de la justice des mineurs, quelques arguments à ceux que notre collègue a excellemment développés, vous les auriez trouvés en lisant plus attentivement les vingt-cinq points de cet avis.
Mais vous avez décidé de n'en tenir aucun compte. Vous ne consentez pas davantage à entendre les arguments que l'opposition, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, a mobilisés au cours du débat. Cette surdité ne nous surprend plus, mais l'on est fondé à se demander, à propos de ce texte comme de tant d'autres, si le pouvoir législatif a encore un sens pour une majorité à ce point soumise aux volontés du prince.
Je regrette de devoir vous le dire une fois de plus : la République a mal lorsque vous infligez un tel traitement à ses institutions. Je ne doute pas que votre peuple voudra bientôt recouvrer sa souveraineté et une représentation nationale qui le respecte. Ce respect s'étend aux explications de vote des députés de l'opposition, auxquels vous ne prêtez aucune attention, confirmant ainsi ce que je viens de dire !
Monsieur Raimbourg, malgré le talent et la force de persuasion que je vous reconnais bien volontiers, vous avez eu du mal à masquer votre manque de conviction. J'ai même relevé dans vos propos une contradiction majeure, qui trahit votre embarras.
En effet, vous nous avez reproché l'affaiblissement de la place des jurés dans les formations de cour d'assises, faisant valoir que la décision n'y dépendrait plus majoritairement des jurés issus de la société, tout en contestant leur introduction au sein des tribunaux correctionnels.
Cette contradiction résume à elle seule les difficultés de l'opposition face à un texte qui va accroître l'efficacité de la justice – contrairement à ce que vous avez dit – et renouer avec ce principe fondamental hérité de la Révolution française : parce que la justice est rendue au nom du peuple français, il est légitime que celui-ci soit associé aux décisions de justice.
En ce qui concerne la justice des mineurs, l'urgence que vous contestez est à bien des égards justifiée. En effet, en termes de délinquance des mineurs, la situation est inquiétante, les faits de violence commis par des mineurs ayant augmenté de plus de 50 % au cours des dix dernières années. C'est beaucoup ; c'est trop. Ce chiffre devrait nous mobiliser, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. Tel est le sens de la mobilisation du Gouvernement et de la majorité.
Voilà pourquoi le groupe UMP votera contre votre motion.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes au coeur du débat et il me semble que M. Ciotti commet une erreur d'analyse. La justice est rendue au nom du peuple français, mais personne ne demande qu'il la rende en direct tous les jours. Or c'est précisément sur ce contresens que le texte a été bâti, et cela ne va pas améliorer la vie quotidienne dans nos juridictions.
D'abord, vous avez hésité sur le périmètre concerné par l'introduction des jurés citoyens. Cela s'est vu aussi dans la CMP puisque nous sommes revenus une fois de plus sur ce point.
Au départ, dans votre logique, cela devait concerner les infractions qui ne sont pas d'une gravité extrême mais qui gâchent la vie quotidienne de nos concitoyens, comme les vols avec violences, les atteintes à la personne, les destructions et dégradations. Or vous avez parallèlement décidé de prévoir pour le même type de délits des ordonnances pénales. Autrement dit, vous considérez qu'ils ne méritent pas qu'on statue en audience et vous nous proposez ici de créer une audience particulière en introduisant des jurés citoyens.
Nous avons assisté à des échanges entre les divers élus de la majorité sur les infractions au code de l'environnement. Si votre réforme concerne un certain nombre de délits graves qui troublent l'ordre public, les délits économiques et financiers doivent aussi être visés et, à ce jour, tel n'est pas le cas. La majorité a en revanche réintroduit les délits à l'environnement, mais l'on voit à quel point il sera difficile de faire vivre ce texte puisque l'on aura manifestement du mal à faire juger ce type de délits en dix jours, ce qui est la durée maximale durant laquelle les jurés citoyens peuvent intervenir.
Autre point difficile, les mesures de suivi judiciaire. Nous sommes favorables à l'idée de fluidifier le transfert d'informations entre les juridictions et les services chargés d'assurer le suivi, mais, si nous sommes d'accord pour permettre aux services pénitentiaires d'insertion et de probation de consulter le bulletin n° 1, qui n'était accessible qu'aux seuls magistrats pour tenir compte du fait que l'individu avait pu s'amender depuis qu'il avait été condamné, cela doit être fait avec une certaine prudence, car ce sont des éléments qui ne doivent pas forcément tomber entre toutes les mains. En fait, les SPIP ont surtout un problème de moyens. L'on pourra toujours changer la loi, si on ne leur donne pas les moyens de suivre correctement tous les condamnés ayant besoin d'un suivi, nous n'améliorerons pas significativement la situation.
Quant à la possibilité de rendre publics les débats devant la cour d'assises des mineurs, nous rappelons notre opposition aux dispositions sur la publicité restreinte qu'avaient proposées M. Lang et M. Baroin. Là encore, il y a eu un débat. La publicité restreinte, qui était un principe sacré de la justice des mineurs, devient malheureusement une variable d'ajustement, et ce n'est que dans une minorité de cas que le mineur aura la possibilité d'être jugé avec une publicité restreinte. La mesure qui nous a été proposée – l'augmentation des peines pour les personnes publiant des informations sur l'identité du mineur – est vraiment une fausse fenêtre. Dans la société audiovisuelle où nous vivons, c'est une vue de l'esprit de croire que l'exigence de discrétion sur l'apparence et le nom du mineur sera respectée quand une audience sera publique.
Ce texte va créer de la confusion. Il y aura de la confusion dans les juridictions, car il multiplie le nombre de juridictions appelées à juger les mêmes infractions, d'autant que nous avons gardé les juges de proximité, qui pourront intervenir à côté des tribunaux correctionnels, des tribunaux de police, des tribunaux correctionnels comprenant des jurés citoyens. Il y aura de la confusion dans la répartition des contentieux puisque la répartition des affaires entre toutes ces instances sera compliquée et pourra donner lieu à des erreurs. Il y aura de la confusion dans le rôle des citoyens assesseurs : vous espérez qu'ils seront plus sévères, car vous vous méfiez des magistrats ; or nous nous rendons bien compte que, très souvent, les citoyens assesseurs ou les jurés sont plutôt plus compréhensifs que les magistrats professionnels. Sur ce point encore, vous commettez donc une erreur.
Comme l'a souligné Dominique Raimbourg, cette réforme va coûter cher. Il aurait mieux valu donner aux juridictions existantes les moyens de fonctionner correctement et aux SPIP ceux de suivre les mesures prononcées.
Vous voulez introduire davantage de citoyens dans les juridictions. Or le résultat le plus significatif du texte, c'est de supprimer des jurés qui existent puisque, selon les cours d'assises, leur nombre va passer de neuf à six et de douze à neuf, et même à trois dans un certain nombre de cas.
Non !
Heureusement ! Vos motivations sont en tout cas particulièrement contradictoires.
En résumé, ce texte n'est absolument pas conforme aux objectifs que vous avez annoncés. Il est d'une complexité incroyable pour ce qui concerne les jurés et, surtout, pour la justice des mineurs, il va à l'encontre des principes que nous considérons comme fondamentaux en matière de délinquance ou de crimes commis par des jeunes. Pour nous, l'essentiel est de les remettre sur le droit chemin, de les aider à grandir correctement, à devenir des adultes équilibrés. Vous proposez, vous, de les enfermer, de sanctionner leurs parents au lieu de les épauler. C'est aller à contresens de ce qui doit être fait.
Au total, comme prise d'ivresse, la majorité s'emploie à bouleverser ce qui fonctionne et à mener des expérimentations qui sont tellement hasardeuses que, au bout de quelques mois, constatant les dégâts, elle nous propose de défaire ce que nous avions critiqué quelque temps auparavant – nous en avons encore eu un exemple ce matin.
En conclusion, comme l'a dit avec ironie une organisation de magistrats frappée de voir la majorité fonctionner de manière brouillonne et incompréhensible, tout ce que nous pouvons espérer, c'est que peut-être, bientôt, « les mauvais jours finiront ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au terme d'une discussion parlementaire trop rapidement expédiée par le recours injustifié à la procédure accélérée, nous voici finalement réunis pour qu'une majorité puisse satisfaire l'exigence présidentielle d'adopter avant l'été un projet d'affichage politique.
Imprégné à la fois de défiance à l'égard des magistrats, qui sont suspectés de laxisme, et d'une volonté punitive visant à aggraver les sanctions par le biais de citoyens prétendument plus sévères, ce texte est dangereux.
Non seulement ce projet de loi, inacceptable dans sa globalité, ne permettra en rien de résoudre la crise profonde que traverse notre système judiciaire, puisqu'il ignore la question centrale des moyens réels dont dispose la justice, mais, de plus, il maltraite la conception républicaine et démocratique du pouvoir judiciaire.
Ses deux volets ne feront que compliquer davantage le fonctionnement de la justice.
Le premier volet prévoit l'entrée de jurés populaires en correctionnelle et instaure de fait deux catégories de juridictions, celles qui compteront des citoyens assesseurs et les autres, composées seulement de magistrats. Les premières jugeront les délits graves d'atteinte aux personnes et les secondes auront à statuer sur les contentieux économiques et financiers ou de délinquance organisée. Si le garde des sceaux a réfuté la distinction entre un contentieux des pauvres et un contentieux des riches – ce dernier étant jugé uniquement par des magistrats professionnels –, il n'en demeure pas moins que cette répartition du contentieux en fonction de la nature des faits pose la question de l'égalité des citoyens devant la loi.
De plus, les tribunaux correctionnels, déjà fort encombrés, le seront davantage encore puisque la procédure prendra forcément plus de temps.
Ni le mode de sélection, ni le semblant de formation dispensée, ni le rythme de traitement des affaires par les juridictions correctionnelles ne permettront aux citoyens assesseurs d'être en mesure de juger sérieusement.
Ce sera particulièrement le cas pour l'application des peines. Dans ce domaine, il sera difficile, voire impossible, aux citoyens assesseurs de décider en toute connaissance de cause d'une libération conditionnelle ou du relèvement de la période de sûreté, tant la pratique de l'application des peines est une matière complexe, supposant des compétences techniques et un suivi de la personne détenue.
S'agissant des dispositions relatives au jugement des crimes, si nous apprécions que la mise en place d'une cour d'assises simplifiée ait été abandonnée, nous ne pouvons manquer de souligner le paradoxe entre, d'une part, la volonté affichée de faire davantage participer les citoyens à notre justice et, d'autre part, et contradictoirement, la réduction du nombre de jurés des cours d'assises. Ce nouveau dispositif ne permettra certainement pas de résoudre le problème de la correctionnalisation, qui résulte de l'encombrement de la justice et de son manque de moyens.
Le second volet du texte, relatif à la justice des mineurs, consacre pour sa part une considérable atténuation – pour ne pas dire une progressive disparition – de la spécialisation de la justice des mineurs. Cette réforme participe de l'alignement de la justice des mineurs sur celle des majeurs, au mépris non seulement des principes fixés par l'ordonnance de 1945, reconnus de valeur constitutionnelle, mais aussi des exigences du droit international.
La création d'un tribunal correctionnel pour mineurs, la marginalisation du juge des enfants, la procédure de jugement accélérée, le renforcement des mesures de sûreté, la comparution forcée des parents et la fragilisation de l'autorité familiale sont, à l'évidence, des réponses inappropriées et inefficaces aux problèmes de la délinquance des mineurs. Tous les professionnels de l'enfance sont unanimes sur ce point. Vous refusez de les entendre.
Enfin, dans votre projet, vous avez minimisé ou, plutôt, ignoré les difficultés de fonctionnement et le problème de financement de vos mesures qui, pour les juridictions correctionnelles, résulteront de la création des citoyens assesseurs. Faire participer des milliers, voire des dizaines de milliers de citoyens aux décisions de justice impliquera un budget élevé. La chancellerie n'en dispose pas, à moins que vous n'adoptiez d'autres dispositions, mais vous n'en prenez pas le chemin.
Ce dont notre justice a besoin, c'est d'abord de moyens humains et financiers à la hauteur des exigences de l'État de droit, mais ce projet de loi ira manifestement à l'encontre des besoins réels du monde judiciaire.
Sur les points fondamentaux, le texte n'a pas évolué. Les problèmes de constitutionnalité demeurent donc et risquent certainement de faire annuler la réforme, ce que, bien évidement, nous appelons de nos voeux. En attendant, nous voterons clairement contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, s'il recouvre différentes problématiques – introduction de jurés citoyens dans certaines formations du tribunal correctionnel et amélioration de la réponse pénale à la délinquance des mineurs –, le projet de loi issu de la commission mixte paritaire s'inscrit néanmoins dans un postulat d'ensemble, à même, je le crois, de tous ici nous rassembler, puisqu'il s'agit d'abord et avant tout de rapprocher nos concitoyens de l'institution judiciaire.
C'est là un enjeu fondamental de notre pacte social, car la confiance dans la justice de son pays est bien, dans toute démocratie, un ciment essentiel de la cohésion nationale.
Lorsque, du fait de l'écho que lui donnent les médias, la société entière devient le témoin d'un crime, et donc d'un drame, lorsqu'il apparaît que ce drame est le fait d'un récidiviste à la dangerosité reconnue, qu'il aurait pu être évité au prix de précautions élémentaires, c'est notre pays tout entier qui se met à douter de sa justice.
Reconnaissons-le, le relatif discrédit dont souffre l'institution judiciaire en France est loin d'être un phénomène nouveau ou uniquement lié à quelques faits divers. Il se nourrit également de dysfonctionnements spectaculaires, illustrés par la tragique affaire d'Outreau. Il se nourrit de décisions de justice et de procédures mal comprises de nos concitoyens. Il se nourrit, au fond, d'une insuffisante ouverture sur la société de notre institution judiciaire.
S'en tenir à ce constat, c'est pourtant se montrer injuste envers les magistrats et les personnels des tribunaux, qui assurent leurs missions avec une haute idée de la justice, dans des conditions parfois extrêmement difficiles.
S'en tenir à ce constat, c'est également nier l'ampleur des réformes engagées par notre majorité depuis plus de quatre ans pour améliorer le fonctionnement de la justice.
La séparation des pouvoirs et l'indépendance de l'autorité judiciaire, garanties offertes à tout citoyen, ont été confortées avec la fin de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République.
La responsabilité individuelle des juges a été accentuée avec l'ouverture aux justiciables de la possibilité de saisir le CSM du comportement d'un magistrat lorsqu'ils estimeront que celui-ci est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.
La protection des libertés individuelles est aujourd'hui mieux garantie, avec des réformes dont nous commençons à peine à mesurer tous les effets, qu'il s'agisse de la question prioritaire de constitutionnalité, du contrôleur général des lieux de privation de liberté ou encore de la présence de l'avocat dès les premières heures de la garde à vue.
Les moyens de la justice ont augmenté, depuis désormais plus de neuf ans. C'est bien cette majorité qui vote, loi de finances après loi de finances, l'augmentation continue de l'enveloppe budgétaire allouée au ministère de la justice, et ce dans un contexte plus contraint que jamais pour nos finances publiques.
Certes, l'heure ne saurait être aux seuls satisfecit, et considérer que le budget de la justice est aujourd'hui satisfaisant reviendrait à nier l'ampleur des défis qui restent devant nous. Toutefois, il faut le souligner, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, augmenter de quelque 2 % les crédits de la justice en 2011 constitue bien un acte politique fort.
Face à ce constat, il s'agit aujourd'hui d'ouvrir de nouvelles voies pour renforcer le lien unissant nos concitoyens à l'institution judiciaire, en permettant notamment à des citoyens assesseurs d'intégrer certaines formations du tribunal correctionnel ou du tribunal de l'application des peines.
Face au déluge de critiques, d'ailleurs parfois contradictoires, que cette initiative a pu susciter à gauche de l'hémicycle, je voudrais pour ma part en saluer le principe. Le développement de la participation citoyenne au fonctionnement de la justice pénale constitue pour nous l'un des plus sûrs moyens de garantir la légitimité aux yeux de l'opinion de certaines décisions de justice, tout en donnant à nos compatriotes l'occasion d'accomplir un véritable acte citoyen, au service de tous.
Je veux, au nom des députés centristes, saluer l'équilibre du projet de loi. Les citoyens assesseurs ne jugeront pas l'ensemble des délits pouvant être soumis aux tribunaux correctionnels, mais seulement certains parmi les plus graves, en l'espèce les atteintes aux personnes passibles d'une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans.
Si nous pouvons nous fixer, à moyen terme, l'objectif d'étendre la compétence de la formation citoyenne du tribunal correctionnel à l'ensemble des délits, il n'en demeure pas moins que l'objectif porté par le projet de loi nous semble en l'état tout à fait sage et mesuré, comme l'est, du reste, le choix de recourir à l'expérimentation, ainsi que le permet désormais notre cadre constitutionnel.
Si des questions restent en suspens – je pense notamment à l'allégement de certaines procédures devant les cours d'assises –, il importe que l'examen de ce projet de loi soit également pour nous l'occasion de combler l'ensemble des fossés qui continuent de séparer la justice de nos concitoyens.
Je voudrais, dans cette perspective, saluer l'initiative prise de motiver les arrêts rendus par les cours d'assises. Si symbolique qu'elle puisse paraître, cette mesure n'en constitue pas moins, en réalité, une avancée majeure, pour nos concitoyens, d'abord, mais aussi et surtout pour les victimes et les parties civiles, chez qui cette absence de motivation fait souvent le lit d'une incompréhension et d'une frustration extrêmes.
Ce projet de loi est également l'occasion de lutter contre la correctionnalisation, c'est-à-dire la requalification en simples délits de crimes appelant pourtant une sanction plus sévère. Non seulement cette pratique dévoie l'esprit dans lequel devrait être rendue la justice en sous-évaluant le préjudice subi tant par la victime que par l'ensemble de la société, mais elle est aussi facteur d'une grave rupture d'égalité des citoyens devant la justice, puisqu'elle permet à deux crimes identiques d'être jugés et réprimés différemment selon les départements où ils ont été commis.
La sévérité de la réponse pénale est devenue fonction du seul degré d'encombrement de la cour d'assises compétente. Ce n'est pas acceptable. Nous avons proposé, au cours de la discussion, d'y revenir.
Enfin, je voudrais évoquer un dernier sujet, qui contribue lui aussi à affaiblir le lien entre magistrats et justiciables. Je pense à la durée – souvent plusieurs années – que prennent certaines procédures pour aboutir devant les juridictions pénales. Ces délais excessifs sont insupportables pour les victimes réduites à l'attente, et ils tendent également à accréditer l'idée d'une certaine impunité dont bénéficieraient dans notre pays les auteurs d'infractions.
En définissant les conditions d'un procès équitable, la Convention européenne des droits de l'homme a insisté sur le droit de chacun à voir sa cause entendue par un tribunal, et ce dans un délai raisonnable. Faisant sien cet objectif, l'article préliminaire du code de procédure pénale dispose qu'il doit être définitivement statué sur une affaire dans un délai « raisonnable ».
Le groupe Nouveau Centre a proposé de renforcer le poids de cette disposition d'ordre déclaratoire en lui donnant une portée plus contraignante. Il a ainsi été proposé, comme une garantie offerte aux justiciables, de prévoir un délai maximal dans lequel une affaire devra être jugée en première instance. À défaut, il serait permis au justiciable d'engager la responsabilité de l'État pour dysfonctionnement du service public de la justice, comme il en a déjà la possibilité devant la Cour européenne des droits de l'homme.
En tout état de cause, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre soutient le principe et l'architecture générale de ce projet de loi. Nous serons bien évidemment attentifs à la mise en oeuvre de son contenu, car il en va aujourd'hui de la crédibilité de notre institution judiciaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec cette ultime lecture, nous arrivons au terme de la discussion du projet de loi instituant les tribunaux correctionnels citoyens et réformant la justice des mineurs.
Voulu par le Président de la République, façonné avec détermination par le garde des sceaux et enrichi par nos travaux, ce texte est tout à la fois ambitieux et pragmatique.
Il est ambitieux, tout d'abord, parce qu'il affiche une volonté de rapprocher les Français de leur justice. En effet, selon une récente enquête d'opinion, moins de 50 % des Français ont confiance en leur justice et 75 % estiment qu'elle fonctionne mal.
Ce texte est pragmatique, ensuite, parce qu'il conduit à rationaliser le fonctionnement de notre système judiciaire pénal, en renforçant, d'une part, la présence des citoyens assesseurs dans la justice pénale des majeurs et, d'autre part, la personnalisation des sanctions pour les mineurs délinquants.
Au fil des siècles, les jurys populaires, émanation du peuple, ont démontré leur capacité à endosser le rôle de bons juges et à prendre des décisions éclairées de manière totalement indépendante.
Dans une société en perpétuel mouvement, il est nécessaire d'adapter nos moyens aux enjeux et aux attentes de nos concitoyens, qui aspirent à une meilleure compréhension de notre système judiciaire. Le texte résultant de la CMP réunie la semaine dernière est un texte de compromis. Ce projet de loi implique d'abord le rétablissement du lien de confiance entre les Français et leur justice. C'est un point essentiel. L'association des citoyens au jugement des délits les plus graves et au suivi de l'application des peines confrontera les auteurs présumés au regard de leurs concitoyens, émanation de la société dont ils ont enfreint les règles. Elle permet également aux citoyens de participer plus largement à une justice rendue en leur nom. Cette présence est donc le gage d'une justice plus proche, moins formelle et mieux en prise avec les attentes des Français.
Leur présence permettra d'encourager les différents acteurs à faire preuve de plus de pédagogie. Elle implique un acte civique fort pour les assesseurs et un contrôle citoyen direct pour les magistrats.
Avec l'adoption de cette réforme, des citoyens participeront, et ce dès la première instance, au jugement des délits les plus graves qui portent quotidiennement atteinte à la tranquillité et à la sécurité des Français.
Parallèlement, le projet de loi prévoit la participation de citoyens assesseurs au suivi de l'application des peines. Ils siégeront ainsi aux côtés des magistrats du tribunal d'application des peines et des chambres d'application des peines pour toutes les décisions relatives à l'aménagement de la peine prononcée. C'est un point également essentiel et un progrès important dans le fonctionnement de notre justice.
Ce projet de loi implique ensuite une lutte déterminée contre la correctionnalisation des délits.
La correctionnalisation est une pratique induite par l'encombrement des cours d'assises. Elle dénature un crime en délit pour permettre à une juridiction de statuer plus rapidement. Cette méthode, quels qu'en soient les objectifs, est inacceptable, et je salue la volonté du garde des sceaux de réduire considérablement le recours à ce mécanisme.
Ce projet de loi implique en outre une plus grande transparence de notre justice pénale. Sur la motivation des arrêts, il était urgent de donner une plus grande transparence. En effet, il est assez paradoxal qu'un petit délinquant ayant commis un vol à la sauvette connaisse les raisons de la sanction prononcée à son encontre, alors même qu'un violeur ou un assassin condamné à la réclusion criminelle à perpétuité ne connaît pas les motifs de sa condamnation.
Ce projet de loi implique enfin une plus grande personnalisation de la justice pénale des mineurs. Le second volet de ce texte consiste en effet à réformer l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante.
Notre société, nous le savons, est en perpétuel mouvement ; il nous faut donc nous y adapter et adapter notre dispositif législatif. Entre 2004 et 2009, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 16 %. Pire, sur la même période, le nombre de mineurs mis en cause dans des faits de violences aux personnes a augmenté de plus de 50 %.
La justice, nous le savons et nous le déplorons, souffre de lenteur. Mais, lorsqu'elle concerne de jeunes délinquants, le manque de célérité a plus qu'ailleurs, comme M. le garde des sceaux l'a rappelé, des conséquences dommageables, souvent, hélas, irréparables. Quelle peut être la crédibilité d'une condamnation intervenant plusieurs mois, voire plusieurs années, après la commission des faits ?
Pour rapprocher le moment du jugement de celui de l'infraction, ce projet de loi prévoit la création d'un dossier unique de personnalité qui recueillera l'ensemble des informations liées au mineur, les investigations relatives à sa personnalité, son environnement social et familial.
De même, est instaurée une procédure de convocation par un officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants telle que l'a prévue la LOPPSI. Il est évidemment tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel en la matière.
En outre, pour que soit apportée une réponse adaptée aux besoins éducatifs du mineur, ce projet de loi prévoit une extension des possibilités de placement dans les centres éducatifs fermés.
Enfin, il instaure un tribunal correctionnel des mineurs compétent pour juger des mineurs récidivistes de plus de seize ans poursuivis pour des délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement. La décision gagnera en solennité, en pertinence et donc en efficacité.
Telles sont, très brièvement présentées, les avancées majeures de ce texte pour notre système judiciaire pénal. Nous avons atteint un juste équilibre qui conduira à renouer les liens distendus entre les Français et leur justice. Pour ces raisons, le groupe UMP votera sans réserve le présent projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, le Gouvernement a opté pour la procédure accélérée alors qu'il s'agit d'un texte visant à réformer en profondeur le fonctionnement de la justice pénale. À peine évoquée, cette réforme devait évidemment être adoptée avant l'intersession de l'été 2011, sans même prendre le temps de la concertation avec les organisations professionnelles représentatives du monde judiciaire. Cette manière d'agir est purement politicienne ! Il s'agit, monsieur le garde des sceaux, d'organiser la défiance à l'égard des magistrats professionnels car,…
Mais non !
…puisque vous voulez faire campagne sur l'insécurité et l'immigration, vous avez besoin de trouver des boucs émissaires, à savoir les juges, et il faut aller vite en besogne.
Monsieur le garde des sceaux, vous le savez, on ne compte plus les projets de loi relatifs au fonctionnement de la justice et au droit pénal depuis 2002, et l'on souhaiterait que la frénésie législative à l'oeuvre depuis cette date, qui a conduit à un empilement de textes sans évaluation préalable et sans concertation, cesse enfin. Elle n'a en effet apporté aucune amélioration ! La justice française est en crise profonde et persistante. Le service public de la justice est sous-doté en moyens et en personnel : son budget se situe misérablement au trente-septième rang en Europe ; notre pays compte, pour 100 000 habitants, dix magistrats, soit la moitié de la moyenne européenne, et trois procureurs, contre huit chez nos voisins.
Avec cette réforme, vous relancez le populisme pénal ; vous offrez au grand public et à l'opinion une solution qui n'est qu'un leurre : les jurés populaires. Les délits pourront donc être désormais jugés par des juridictions fort différentes puisque, en sus des procédures d'ordonnance pénale ou de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, l'auteur d'un délit pourra être poursuivi devant un tribunal correctionnel siégeant à juge unique, avec trois magistrats, ou avec trois magistrats et deux citoyens assesseurs.
Nous ne sommes pas contre la présence de représentants de la société civile dans le fonctionnement de la justice. Nous sommes, par exemple, favorables à la généralisation des échevins. L'échevinage fonctionne de façon satisfaisante, qu'il s'agisse des assesseurs auprès des tribunaux pour enfants, des membres d'associations de défense des victimes siégeant à la chambre d'application des peines ou à la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, ou encore des membres d'associations de réinsertion des détenus siégeant, eux aussi, à ladite chambre d'application. Ce modèle, fondé sur des personnes qui se dévouent et participent régulièrement à ces institutions, fonctionne et nous paraissait devoir être développé. Or vous faites le contraire au travers d'une opération, je le répète, purement politicienne et électorale.
Oh !
Sous couvert de faire davantage participer les citoyens à la justice, vous en profitez, de surcroît, pour procéder à une réforme du droit pénal des mineurs. Faute de popularité, ce dernier thème, très important, a été en partie occulté par les prétendus jurés populaires. Pourtant, ce deuxième volet de votre projet de loi est essentiel et constitue la trente-cinquième réforme de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs ! J'ai bien dit la trente-cinquième. Le Gouvernement répète à toute occasion que les mineurs d'aujourd'hui ne sont plus ceux de 1945, mais l'ordonnance ayant été révisée chaque année depuis 2007, je pose la question : en quoi un mineur de 2011 serait-il si différent d'un mineur de 2007, de 2008, de 2009 ou de 2010 ?
La société que vous imaginez et que vous organisez, bien loin d'offrir sa protection à tous les enfants, semble ne songer qu'à se protéger elle-même de nos enfants, et en priorité des moins favorisés d'entre eux, comme s'ils étaient des sujets dangereux, voire irrécupérables. En effet, ces dispositions consistent à aligner insidieusement le régime pénal des mineurs sur celui des majeurs, niant la spécialisation de la justice des mineurs, principe pourtant rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 mars 2011. Votre projet fait quasiment disparaître le tribunal pour enfants où siègent aujourd'hui, au côté du juge des enfants, deux assesseurs recrutés pour leur intérêt pour les questions de l'enfance : les voilà en effet congédiés au profit du tribunal correctionnel.
Le troisième volet de cette réforme, ou plutôt de cette contre-réforme, relatif à l'application des peines, est aussi scandaleux que les deux premiers. En matière d'application des peines, l'assesseur citoyen assistera désormais les magistrats et remplacera, à la chambre d'application des peines de la cour d'appel, le représentant de l'association d'aide aux victimes et le représentant de l'association de réinsertion. Dans une matière aussi complexe, quel est l'intérêt de remplacer un citoyen qualifié par quelqu'un qui n'aura ni son expérience, ni sa compétence, ni le même intérêt que lui pour le sujet ? Nous n'en voyons qu'un : rendre plus difficiles les libérations conditionnelles. On comprend bien la logique populiste d'un tel choix : il s'agit de laisser croire aux Français que la présence de simples citoyens auprès des magistrats professionnels constituera un frein aux libérations conditionnelles et au relèvement des périodes de sûreté.
À la lecture de ce projet de loi, on s'interroge vraiment sur sa cohérence et sur sa justification judiciaire. Il s'agit en réalité d'une opération purement politicienne. Pour toutes ces raisons, les députés écologistes ne voteront pas ce texte.
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisie.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
(L'amendement n° 1 , accepté par la commission, est adopté.)
Au titre des explications de vote, la parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je souhaite ajouter quelques mots puisque mes éminents collègues semblaient dire que nous n'avions pas d'arguments clairs pour nous opposer à ce texte.
Ça, c'est vrai !
Je me sens donc obligée de réexpliquer ce que nous avons dit de nombreuses fois : nous sommes pour l'échevinage, pour la participation des citoyens dans les audiences préalables et au rendu de la justice, et si nous sommes contre ce texte, c'est parce qu'il est bancal, mal ficelé, et qu'il ne nous semble pas pouvoir répondre aux objectifs qu'il s'est fixé. Dominique Raimbourg a brillamment et largement expliqué qu'il y a en particulier une rupture d'égalité, d'une part à cause de l'expérimentation et, d'autre part, parce que, selon les endroits et la qualification donnée par le parquet aux comportements générateurs d'infractions, les gens seront jugés différemment pour une même infraction. Par conséquent, ce dispositif est tout à fait contraire au principe d'égalité, et nous saisirons sur ce motif le Conseil constitutionnel.
Deuxièmement, il y aura une difficulté sérieuse sur la motivation des arrêts rendus a posteriori. Certes, les instances ont demandé que la motivation soit prévue, et il est logique que la personne sache pourquoi elle est condamnée – même si le condamné pour viol par la Cour d'assises a une petite idée du motif de la décision de justice. Nous sommes donc d'accord sur le principe, mais nous voyons une difficulté certaine dans une motivation rédigée a posteriori par le président alors que les jurés, eux, auront statué en leur intime conviction.
Enfin, nous émettons de fortes réserves sur l'efficacité de cette réforme concernant la justice des mineurs et sur sa conformité aux principes qui régissent celle-ci. Il suffit de suivre l'actualité tous les jours : en voulant faire des économies en permanence tout en aggravant les incriminations, vous faites fausse route. On voit bien que vous ne réglez pas la question du malaise et de la délinquance des mineurs. Par conséquent, alors que nos principes et notre justice pour les mineurs sont regardés très positivement partout à l'étranger, il est dommage que, par cette réforme, vous contribuiez à nouveau à casser ce que nous devons faire pour amener nos enfants à mieux se comporter.
Nous ne vous suivrons donc pas dans ce qui est une erreur et une fausse route. C'est pourquoi nous ne voterons pas ce texte. J'espère que, cette fois-ci, nous avons été compris.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement qui vient d'être adopté.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
La parole est à M. Philippe Houillon, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes donc réunis maintenant pour achever la navette parlementaire de la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires aux enchères publiques. Je voudrais commencer par saluer l'initiative des sénateurs Philippe Marini et Yann Gaillard car elle a permis que le Parlement se saisisse de ce sujet certes technique, mais important.
La commission mixte paritaire, qui s'est réunie au Sénat le 29 juin dernier pour examiner les dispositions de cette proposition de loi restant en discussion, est parvenue à un accord sur les sept articles encore en débat. Ce compromis n'a pas été très difficile à trouver car, d'une part, l'essentiel du texte était déjà adopté dans les mêmes termes et, d'autre part, les points de désaccord portaient davantage sur des interrogations quant à l'opportunité d'inscrire dans la loi certaines précisions que sur le fond des dispositions en navette.
L'essentiel des débats a, en fait, porté sur l'article 4. Alors que le Sénat avait souhaité plafonner le montant de l'activité réalisée par les notaires et les huissiers de justice en matière de ventes volontaires aux enchères publiques, notre assemblée avait, quant à elle, considéré que le caractère accessoire de celle-ci, tel qu'éclairé par la jurisprudence, offrait davantage de souplesse et d'efficacité.
Cette dernière position, pour laquelle j'ai de nouveau plaidé, a fini par prévaloir après que la CMP a constaté une convergence de l'ensemble des parlementaires sur le principe selon lequel une activité accessoire de ventes volontaires aux enchères publiques, par nature commerciale, ne saurait évidemment excéder un gros tiers du chiffre d'affaires de l'office des notaires et des huissiers qui s'y adonnent. Les membres de la CMP ont convenu qu'une telle précision ressort plus de l'application du texte par l'autorité judiciaire que de la lettre même de la loi. Ce choix, monsieur le garde des Sceaux, engage à présent le Gouvernement, les parquets et les ordres professionnels concernés. Je note avec satisfaction que vous avez déjà adressé une instruction aux parquets généraux le 1er juin dernier. Nous espérons que celle-ci sera suivie d'effets car il est incontestable que des abus existent et qu'ils ne doivent pas être tolérés, ne serait-ce que par souci d'assurer une concurrence aussi loyale que possible.
Pour le reste, la commission mixte paritaire a retenu les articles 19, 22 et 23 dans leur version adoptée par l'Assemblée nationale, celle-ci lui semblant garantir plus complètement la conformité à la directive « Services » de la présence de professionnels au sein du Conseil des ventes volontaires.
Sur l'article 36 bis, la CMP s'est rangée à la volonté du Sénat de mieux encadrer les ventes aux enchères de marchandises après liquidation judiciaire, tout en assortissant le dispositif des assouplissements nécessaires pour conserver au juge un minimum de latitude dans la désignation des professionnels concernés.
À l'article 42, la CMP n'a pas suivi le souhait du Sénat d'ouvrir plus largement les activités complémentaires autorisées pour les commissaires-priseurs judiciaires via des sociétés distinctes de leur office. Il a été largement convenu que ce serait prendre là un risque assez significatif à l'égard de la pérennité du statut d'officier public de ces professionnels, d'autant que la Cour de justice de l'Union européenne vient récemment de montrer – à l'occasion d'un contentieux concernant les notaires – que la spécificité française en la matière n'est pas acquise de manière définitive.
Enfin, pour ce qui concerne l'article 45, relatif au statut légal des courtiers de marchandises assermentés, la commission mixte paritaire a abondé dans le sens des arguments développés au Sénat, s'agissant de la nécessité d'encadrer davantage la possibilité pour ceux-ci de réaliser des ventes judiciaires aux enchères de marchandises au détail.
En conclusion, mes chers collègues, le texte qui est soumis aujourd'hui à votre vote reprend en grande partie la philosophie des dispositions adoptées en deuxième lecture par notre assemblée, le 31 mai dernier. Il est, je le pense, équilibré et utile pour l'ensemble des opérateurs du secteur.
Je vous appelle donc à présent à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire car le secteur des ventes aux enchères traverse une période difficile, et cette proposition de loi devrait lui permettre de le faire dans des conditions moins désavantageuses.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous arrivons au terme de la procédure parlementaire sur la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, issue de l'excellente initiative des sénateurs Philippe Marini et Yann Gaillard.
Votre collègue Alain Suguenot avait également lancé la réflexion au sein de l'Assemblée nationale avec une proposition de loi sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Par ce texte, nous parachevons la transposition de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services tout en apportant – ce qui est essentiel – une réponse au recul de la France dans le domaine des ventes aux enchères de meubles et à la nécessité de faire évoluer à cette fin la réglementation issue de la réforme de juillet 2000.
Je me réjouis du fait que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur cette proposition de loi, déposée il y a plus de trois ans, qui modernise le régime applicable aux ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Je tiens à souligner la qualité des travaux de votre assemblée et à rappeler qu'ils ont, en particulier, été à l'origine de deux avancées majeures : un meilleur encadrement des pratiques, avec le renforcement du Conseil des ventes volontaires ; une meilleure sécurisation des opérations dans ce secteur d'activité.
Tout d'abord, vous êtes venus étayer la définition des ventes aux enchères publiques en précisant que l'adjudication intervient à l'issue d'un procédé de mise en concurrence ouvert au public et transparent, mettant ainsi un terme au débat sur la définition même de ce type de vente.
Ensuite, vous avez clarifié le statut juridique du Conseil des ventes volontaires en le qualifiant d'établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale. Vous avez également élargi ses missions puisqu'il pourra proposer des évolutions législatives ou réglementaires et qu'il est désormais chargé d'élaborer un recueil des obligations déontologiques. Le Sénat a souhaité que celui-ci puisse être rendu public, ce qui représente un gage de transparence bienvenu, avez-vous souligné, monsieur le rapporteur.
Vos travaux ont aussi permis de faire progresser la question de la présence de professionnels en exercice au sein du Conseil des ventes volontaires, qui a été au coeur des débats entre les assemblées. Conformément à la directive relative aux services, nous devons en effet veiller à ce que des opérateurs concurrents n'interviennent pas dans des décisions individuelles qui concerneraient d'autres opérateurs du même secteur d'activité.
Votre assemblée a en outre enrichi les dispositions protectrices des consommateurs, qui sont l'un des axes majeurs de ce texte. Les obligations nouvelles que vous avez introduites à la charge des opérateurs qui feraient appel à des prestataires extérieurs apporteront ainsi toutes les garanties nécessaires de sécurité juridique et matérielle des opérations. Vous avez introduit l'obligation pour les opérateurs de communiquer au Conseil des ventes volontaires, à sa demande, toutes précisions utiles relatives à leurs moyens techniques et financiers.
Enfin, vous avez apporté des solutions novatrices en permettant à un opérateur de racheter pour son propre compte un objet qu'il a vendu, en cas de litige entre le vendeur et l'acheteur, ou encore de définir les conditions assouplies de la vente après la vente, favorisant ainsi le mode de règlement amiable des litiges.
La commission mixte paritaire est parvenue à un compromis satisfaisant qui permet de conforter encore les objectifs de la réforme.
Elle a ainsi abouti à une formulation équilibrée quant au caractère accessoire de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques des huissiers de justice et des notaires. Ce point avait fait débat entre les deux assemblées, qui avaient retenu des rédactions différentes.
La rédaction de la commission mixte paritaire laisse au juge judiciaire le soin d'apprécier au cas par cas la réalité de ce caractère accessoire. Mes services ont récemment adressé une circulaire aux parquets généraux, leur rappelant de veiller au respect de cette exigence, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur.
Je ne peux qu'approuver le maintien d'une liste d'activités complémentaires limitée pour les sociétés de ventes volontaires de commissaires-priseurs judiciaires. Ce choix est cohérent avec la préservation du statut d'officier public et ministériel de ces professionnels.
Enfin, le texte retenu par la commission mixte paritaire maintient un juste équilibre dans la répartition des compétences pour les ventes au détail et en gros entre les commissaires-priseurs judiciaires et les courtiers de marchandises assermentés.
La proposition de loi repose désormais sur de bons équilibres, qui permettent de libéraliser le secteur des ventes volontaires tout en garantissant un encadrement des pratiques protecteur pour les consommateurs. L'expérience a montré l'importance d'un tel encadrement dans ce secteur d'activité.
Pour toutes ces raisons, j'invite votre assemblée à accepter les conclusions de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi qu'il nous est proposé d'adopter poursuit un double objectif : donner davantage d'outils aux opérateurs de ventes volontaires ; renforcer la protection du consommateur.
S'il est nécessaire de légiférer, c'est bien parce que la situation actuelle des enchères publiques de meubles est sans appel. La France qui, dans les années 1950, occupait encore le premier rang mondial sur le marché de l'art, ne représente plus que 6.5 % des ventes mondiales. Nous avons même à nouveau reculé en 2007, abandonnant ainsi la troisième place.
Une opportunité s'offre ainsi à nous : redynamiser le marché de l'art français en réformant le cadre légal d'exercice de la profession de commissaire-priseur.
L'enjeu est loin d'être symbolique : en 2010, 390 commissaires-priseurs exerçaient en France, plus de 2 200 emplois étaient directement ou indirectement liés à ce secteur d'activité, et le montant global des ventes réalisées s'élevait encore à près de 2,2 milliards d'euros.
Avec cette proposition de loi ainsi qu'avec les améliorations qui lui ont successivement été apportées par le Sénat et par notre assemblée, le texte issu de la commission mixte paritaire a atteint son but : rendre plus compétitifs les opérateurs de ventes aux enchères intervenant sur notre territoire.
Ceux-ci pourront étendre leur activité en se voyant offrir la possibilité de vendre des biens neufs ainsi que des marchandises en gros. Ils pourront procéder à des ventes de gré à gré, notamment pour régler des conflits entre vendeur et adjudicataire. La procédure consécutive à une folle enchère – vente qui ne peut aboutir en raison d'une défaillance de l'acheteur – sera légèrement assouplie.
Au-delà de ces strictes considérations de compétitivité, le texte issu de la commission mixte paritaire va dans le sens d'une plus grande transparence des ventes aux enchères, tout en rehaussant les garanties apportées à chacune des parties à la vente, grâce notamment à la mission tant disciplinaire que régulatrice confiée désormais au Conseil des ventes volontaires.
Dès l'examen en première lecture, le groupe Nouveau Centre avait émis des réserves sur une disposition qui a fait débat jusqu'en commission mixte paritaire : celle visant à encadrer le caractère accessoire des revenus tirés des activités de vente volontaire par les études d'huissiers.
Nous nous réjouissons donc du choix d'abandonner le seuil de 25 % pour ne retenir que la mention « activité à titre accessoire », plus adaptée à la réalité et largement définie et encadrée par la jurisprudence, car seules quelques dérives font problème.
S'il importe que les huissiers de justice n'entrent pas de manière déloyale en concurrence avec les commissaires-priseurs, il apparaît que nombre de précautions sont déjà prises, en l'état actuel du droit, afin de garantir ce caractère accessoire des ventes aux enchères dans l'activité des huissiers de justice. Ces précautions sont renforcées par l'instruction que vous avez récemment donnée, monsieur le garde des sceaux.
Tout à fait !
Enfin, nous rappelons notre attachement à la transposition dans des délais raisonnables des directives européennes. Le présent texte permet de mettre fin à un retard préjudiciable à la France à plusieurs égards.
Aussi, ne tardons pas davantage. Le groupe Nouveau Centre apportera son soutien à cette proposition de loi, dans sa version issue des travaux de la commission mixte paritaire. Je vous remercie.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, en cette fin de journée, en cette fin de session, je serai bref. Rendez-vous compte, c'est une bonne nouvelle ! (Sourires.)
Merci !
Je serai bref parce qu'au terme de trois années de cheminement parlementaire d'un texte qui reste un peu confidentiel à en juger par l'engouement de notre assemblée,...
…quelques propos suffiront.
Pourtant, derrière celui-ci, il y a une philosophie qui ne se dément pas. Le texte qui revient aujourd'hui pour la dernière fois devant notre assemblée consacre la libéralisation définitive du marché des ventes volontaires de biens meubles aux enchères publiques. En même temps, il vise à renforcer ce marché, donc à le concentrer entre les mains de quelques opérateurs.
À l'origine de cette loi se trouve un marché de l'art aux vastes enjeux financiers. Bien sûr, on avancera la nécessité de la transposition de la directive relative aux services appliquée à ces procédés singuliers que sont les ventes aux enchères publiques. Toutefois, ce rendez-vous aurait dû ne pas être simplement technique.
Dans cet élan « libérateur », nous avons oublié les garanties que nous aurions dû apporter aux consommateurs, en écoutant les avis pertinents du Conseil économique, social et environnemental. Celui-ci conseillait au législateur de veiller « à ce que les consommateurs puissent retirer de réels bénéfices de cette transposition ».
Je regrette qu'en cette matière nous en soyons restés au stade des déclarations d'intention, en appelant seulement à une charte de qualité que ceux qui vont se l'appliquer auront pris le soin d'établir eux-mêmes.
En même temps, et toujours au nom de cette volonté de libéraliser, on va s'attaquer aux petits opérateurs tels que les courtiers en marchandises et les huissiers de justice : leurs actes économiques seront limités, y compris dans des lieux où ils sont seuls à opérer parce que le marché, lorsqu'il n'est pas rentable, est abandonné par ceux auxquels vous le réservez. Et nous ne savons pas qui interviendra demain en Corse, à La Réunion ou à Mayotte, par exemple.
Fort heureusement, la solution issue de la CMP est un moindre mal pour ceux qui apportent un vrai service public, aux particuliers notamment.
En résumé, ce texte ne protégera pas les consommateurs d'opérateurs sans scrupules, organisés entre eux. Inversement, il limitera les conditions d'intervention d'opérateurs secondaires, pourtant essentiels dans certains marchés particuliers comme celui des ventes de marchandises ou de matériels.
À cet effet, il ne tient pas suffisamment compte de la dimension de notre territoire et de ses particularités locales qui font que des opérateurs de proximité s'engagent sur un marché déserté par les professionnels censés agir.
Enfin, il ne protège aucunement le grenier de l'art français, menacé de pillage progressif. Bref, ce texte très insuffisant ne recevra pas l'aval du groupe socialiste, radical et citoyen que je représente ici. Je vous remercie.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée sur le bureau du Sénat il y a trois ans, n'a pas suscité l'engouement de la représentation nationale, contrairement au débat sur la défiscalisation des oeuvres d'art qui nous a occupés il y a quelques semaines.
À écouter les promoteurs de cette proposition de loi, il ne s'agirait que d'un texte technique d'harmonisation, destiné à mettre notre droit en conformité avec le droit européen, plus précisément avec les exigences de la directive « Services » – vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre –, dans le but de faire bénéficier le secteur des ventes volontaires aux enchères publiques des « bienfaits » de la concurrence libre et non faussée.
Une telle présentation rend délibérément peu intelligibles certains enjeux de cet ajustement législatif.
La première étape de la libéralisation de ce secteur remonte à la loi du 10 juillet 2000, qui mit fin au monopole des commissaires-priseurs pour satisfaire aux principes de liberté d'établissement et de prestation de services. Alors que les effets prétendument vertueux de cette ouverture ne se font guère sentir une décennie plus tard, il faudrait parachever l'entreprise de libéralisation dictée par l'Europe, à l'instar de ce qui se passe dans le domaine industriel, dans celui des services de tous ordres ou dans celui des produits de consommation courante, en réformant maintenant les marchés de l'art et de l'artisanat.
Il nous faut aller au-delà de l'apparence purement technique de mise en conformité de notre droit avec la législation européenne et de la volonté affichée d'accroître la compétitivité des acteurs sur un marché jugé atone, pour revenir sur certains aspects particulièrement préoccupants de ce texte.
En premier lieu, nous sommes opposés au principe de la libéralisation du secteur des ventes aux enchères. Le régime des agréments délivrés par le Conseil des ventes volontaires étant remplacé par un système de déclaration, le contrôle des ventes sera désormais plus déontologique que contraignant, ce qui nous expose au risque d'une aggravation des dérives de ce marché.
Nous nous interrogeons par ailleurs sur les dispositions relatives à l'instance de régulation. Le texte accroît l'emprise de l'exécutif sur le Conseil des ventes volontaires et l'on peut douter que la configuration de ce dernier permette de prévenir efficacement tout conflit d'intérêts, nonobstant l'obligation pour les membres dudit conseil d'établir une déclaration en ce sens.
Ces considérations formulées sur nos bancs de manière constante se doublent de critiques et de craintes quant aux conséquences économiques, sociales et culturelles de la proposition d'ouverture à tous les établissements commerciaux d'un marché jusqu'alors protégé et régulé.
Dans sa dimension économique, ce texte prétend redynamiser le marché de l'art hexagonal, jugé atone, en libéralisant l'ensemble du secteur des ventes volontaires aux enchères publiques. Cette stratégie nous semble davantage exposer ce secteur à des risques que lui offrir des solutions.
Les premiers bénéficiaires – et c'est bien ce qui importe – seront, sans surprise, les deux géantes mondiales de la spéculation sur le marché de l'art, la londonienne Christie's et la new-yorkaise Sotheby's, qui viendront bouleverser l'économie du secteur. Ces deux acteurs réalisent déjà 27 % des ventes volontaires aux enchères publiques en France, alors qu'ils ne représentent que 2 % du total des opérateurs implantés dans notre pays. Sous couvert de rendre à la place de Paris, qui ne représente actuellement que 6 % d'un chiffre d'affaires évalué à 43 milliards d'euros en 2010, sa superbe sur le très rentable marché de l'art, nous ouvrons le marché français à des logiques strictement financières et spéculatives.
Dès lors, nous voyons mal comment les dispositions qui nous sont présentées créeraient la dynamique attendue. En effet, la libéralisation que vous nous proposez entraînera inévitablement une concentration des opérateurs nationaux actuellement en activité, sous le prétexte de faire face aux stratégies monopolistiques de ces deux opérateurs mastodontes.
Du point de vue microéconomique, le présent texte n'est ni plus ni moins que la négation du rôle essentiel de la multitude de petits acteurs qui fait vivre le secteur français de la vente aux enchères. Ces professionnels que nous avons rencontrés, qui font la vitalité, la richesse et la diversité du marché français, jouent un rôle culturel bien plus important, un rôle qui va bien au-delà de la réalité économique et financière à laquelle ce texte semble les réduire. La restructuration du marché risque d'être fatale à nombre d'entre eux et aura pour inévitable conséquence un affaiblissement qualitatif des services proposés et de la production artistique vendue. À notre sens, les choix dont procède ce texte ignorent délibérément les spécificités du marché français de l'art et de notre production culturelle de manière générale. Ceux-ci sont effectivement moins centrés et moins structurés autour de grands acteurs privés assurant leur financement que dans les pays anglo-saxons.
C'est peu dire que nous craignons les conséquences économiques délétères de cette proposition de loi. En ouvrant un boulevard à la concentration et à la spéculation sur ce marché, on s'expose au risque d'étouffer la diversité du secteur.
En outre, ce texte ne prend absolument pas la mesure de l'impact social du nouveau cadre économique qu'il tend à organiser. Ses effets collatéraux toucheront pourtant près de 100 000 personnes – artisans, experts, autres opérateurs, etc.
En définitive, cette démarche ne profitera qu'à un très petit nombre d'acteurs au détriment de la majorité d'entre eux et n'apportera aucune plus-value à notre système culturel et social. Nous ne sommes pas dupes d'un texte qui avance sous le masque de l'ajustement technique, mais qui porte en lui une logique économique et une politique culturelle à laquelle nous nous opposons.
Nous étions en droit d'attendre que les dispositions d'un tel texte, soutenu par le Gouvernement, visent à défendre ou à soutenir la création, l'intérêt général en matière artistique et les acteurs qui font la dynamique du secteur contre les prédateurs monopolistiques. Las, le volontarisme culturel de cette majorité se mesure aujourd'hui aux aménagements législatifs qu'elle fait voter en faveur d'intérêts financiers, sacrifiant par petites touches surréalistes notre exception culturelle sur l'autel du libéralisme.
En conséquence, nous voterons bien entendu contre ce texte.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, résumant par avance les propos qu'il allait tenir, le rapporteur indiquait que, si le texte soumis à notre examen était technique en apparence, il n'en était pas moins important. Je veux témoigner ici de l'opinion du groupe UMP : nous partageons totalement le sentiment exprimé par le rapporteur.
Nous parvenons aujourd'hui au terme d'un travail de longue haleine, qui a abouti à un texte de qualité. Issu de nombreux débats dans chacune des assemblées et d'échanges beaucoup plus consensuels qu'il n'y paraît au sein de la commission mixte paritaire, le texte améliore incontestablement la situation des ventes aux enchères publiques telle que nous la constatons onze ans après l'adoption de la loi du 10 juillet 2000. Cette proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, telle qu'elle est aujourd'hui, nous apparaît – je tiens à le souligner – tout à fait cohérente et équilibrée.
Elle permet de répondre de manière adaptée et maîtrisée aux difficultés rencontrées par le secteur des ventes aux enchères. La loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques n'a malheureusement pas eu les effets attendus ; vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le rapporteur l'a également fait, et personne ne l'a contesté. Depuis son adoption, aucune maison de vente française n'est parvenue à acquérir une dimension internationale, à l'exception d'Arqana, devenue un acteur européen majeur des ventes de chevaux. De manière plus générale, on ne peut que regretter que le rayonnement de la France dans ce domaine faiblisse. C'est pourquoi, n'en déplaisent à certains que je viens d'entendre, la transposition de la directive « Services » nous a offert une véritable chance d'améliorer et de préserver la place de la France sur le marché de l'art.
À l'issue des deux lectures, quel jugement porter sur le travail des deux assemblées ? Elles ont exprimé des vues à la fois convergentes et complémentaires sur les réformes qui leur ont été soumises grâce à l'initiative prise – je tiens à le saluer ici – par nos collègues sénateurs. Cette convergence d'opinions témoigne d'un consensus assez fort entre l'Assemblée nationale et le Sénat. C'est pourquoi le texte de la commission paritaire ne concerne d'ailleurs plus que sept articles, que les deux assemblées avaient adoptés en des termes différents mais non fondamentalement contradictoires. En CMP, ces sept articles n'ont d'ailleurs pas suscité d'échanges particulièrement vifs ou de véritables difficultés, à l'exception d'un seul d'entre eux.
La commission a retenu le texte de l'Assemblée nationale concernant le Conseil des ventes volontaires. En effet, nos collègues sénateurs ont principalement validé le transfert à l'article 23, au sein des dispositions relatives au régime des incompatibilités qui s'impose aux membres dudit Conseil, de l'obligation de déport des représentants de la profession qui exerceraient toujours leur activité d'opérateur au cours de leur mandat de membres du conseil. Dans le texte initial, cette disposition figurait à l'article 22 et présentait un caractère beaucoup trop restreint, puisque l'obligation de déport ne s'imposait que lors de la délibération de décisions disciplinaires.
Concernant les commissaires-priseurs judiciaires, les activités de transport de meubles, de presse, d'édition et de diffusion de catalogues ont été autorisées, dans le cadre de leurs sociétés de ventes volontaires, par les deux assemblées en première lecture. Cependant, en seconde lecture, le Sénat a davantage ouvert cette liste, permettant l'exercice de toute activité complémentaire en lien avec les ventes volontaires aux enchères publiques. L'Assemblée nationale estime, pour sa part, qu'une telle ouverture est difficilement compatible avec le statut d'officier public et ministériel. La commission mixte paritaire a retenu, sur la suggestion de notre rapporteur, la proposition de notre assemblée qui vise à limiter la liste des activités nouvellement ouvertes à la profession.
Parallèlement, le texte du Sénat a prévalu concernant deux dispositions, non dans le souci d'un équilibre factice mais parce que nos collègues avaient sur le sujet un point de vue plus abouti.
D'une part, la commission mixte paritaire a rétabli l'article 36 bis qui tend à mieux distinguer l'intervention des différents officiers publics au cours des ventes aux enchères de marchandises d'entreprises en liquidation. Ainsi, le texte dispose que les commissaires-priseurs judiciaires ainsi que les notaires et huissiers de justice réalisent les ventes de marchandises au détail ou par lots et que les courtiers de marchandises assermentés accomplissent les ventes de marchandises en gros. Il précise également que les biens meubles autres que les marchandises appartenant à l'entrepreneur débiteur ne pourront être vendus aux enchères publiques que par le ministère des commissaires-priseurs judiciaires et par les notaires et huissiers de justice. L'article 36 bis a donc été rétabli moyennant quelques adaptations rédactionnelles proposées par les deux rapporteurs.
D'autre part, la restriction d'activité des courtiers de marchandises assermentés en matière de vente judiciaire au détail est rétablie à l'article 45, conformément à ce qu'avaient souhaité nos collègues sénateurs. Il s'agit de limiter le recours à ces professionnels aux seules situations dans lesquelles un commissaire-priseur judiciaire fait défaut.
Parmi les dispositions qui étaient l'objet d'un examen en commission mixte paritaire, seul l'article 4 a suscité un vrai débat, d'ailleurs intéressant et qui n'en a pas moins abouti à une conclusion.
L'article 4 définit le statut juridique des opérateurs autorisés à organiser des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Alors que le Sénat souhaitait fixer un plafond en pourcentage de l'activité afin de s'assurer du caractère accessoire des ventes volontaires effectuées par les huissiers de justice et les notaires, l'Assemblée nationale a réagi avec prudence en estimant que la seule mention du terme « accessoire » était suffisante.
À l'appui de sa proposition, le Sénat a estimé qu'il fallait éviter toute ambiguïté quant au caractère accessoire de cette activité et tenir compte des avantages que peuvent tirer les huissiers de la possibilité de réaliser des ventes volontaires sans avoir à souscrire à une assurance spécifique ni à créer une société. Nos collègues sénateurs ont ainsi souhaité encadrer strictement la possibilité pour les huissiers d'exercer une activité de ventes volontaires afin d'éviter toute dérive.
Cependant, la proposition qui a prévalu est bien celle de notre assemblée. Nous étions d'accord sur l'objectif recherché par nos collègues sénateurs, mais notre rapporteur a fort judicieusement précisé que « fixer un plafond en pourcentage de l'activité ôterait au juge toute faculté d'appréciation au cas par cas, étant entendu que ce pouvoir d'appréciation est clairement encadré par une jurisprudence bien établie qui définit la notion d'activité accessoire ».
Aujourd'hui déjà, l'activité de ventes volontaires ne doit pas entraver la mission principale de l'huissier de justice et du notaire. Par ailleurs, cette activité s'apprécie au regard d'un ensemble d'éléments recouvrant tant le produit financier dégagé que le nombre des ventes ou leur fréquence. Cette façon de procéder paraît tout à fait satisfaisante. Il n'était donc pas nécessaire d'en modifier considérablement le libellé.
Si la limite supérieure de l'« activité accessoire » se situe bien aux environs du tiers de l'activité, il convient d'apprécier cette proportion au regard de l'activité professionnelle d'ensemble de chaque huissier ou notaire. Tel est bien le travail des magistrats, qui pourront apprécier chaque situation isolément et ne seront pas soumis à un seuil uniforme qui leur retirerait toute souplesse d'appréciation dans les cas les plus marginaux. Ainsi, notre formulation, qui rejoint celle du Sénat, est-elle apparue tout à fait équilibrée.
Pour conclure, je voudrais souligner que ce travail de longue haleine, soit trois années d'examen dans chacune de nos assemblées, est une illustration parfaite de la valorisation, avec le soutien du Gouvernement, du travail du Parlement. Cette valorisation procède de la volonté de l'ensemble des pouvoirs publics, Parlement et Gouvernement, en phase avec le Président de la République. Bien que menée en étroite collaboration avec le Gouvernement, cette réforme d'ampleur est d'origine parlementaire et nous ne pouvons que nous féliciter, monsieur le garde des sceaux, de cette coproduction législative.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe UMP votera cette proposition de loi, pour toutes les raisons que j'ai évoquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire, qui ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma