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Intervention de Pascal Brindeau

Réunion du 6 juillet 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, s'il recouvre différentes problématiques – introduction de jurés citoyens dans certaines formations du tribunal correctionnel et amélioration de la réponse pénale à la délinquance des mineurs –, le projet de loi issu de la commission mixte paritaire s'inscrit néanmoins dans un postulat d'ensemble, à même, je le crois, de tous ici nous rassembler, puisqu'il s'agit d'abord et avant tout de rapprocher nos concitoyens de l'institution judiciaire.

C'est là un enjeu fondamental de notre pacte social, car la confiance dans la justice de son pays est bien, dans toute démocratie, un ciment essentiel de la cohésion nationale.

Lorsque, du fait de l'écho que lui donnent les médias, la société entière devient le témoin d'un crime, et donc d'un drame, lorsqu'il apparaît que ce drame est le fait d'un récidiviste à la dangerosité reconnue, qu'il aurait pu être évité au prix de précautions élémentaires, c'est notre pays tout entier qui se met à douter de sa justice.

Reconnaissons-le, le relatif discrédit dont souffre l'institution judiciaire en France est loin d'être un phénomène nouveau ou uniquement lié à quelques faits divers. Il se nourrit également de dysfonctionnements spectaculaires, illustrés par la tragique affaire d'Outreau. Il se nourrit de décisions de justice et de procédures mal comprises de nos concitoyens. Il se nourrit, au fond, d'une insuffisante ouverture sur la société de notre institution judiciaire.

S'en tenir à ce constat, c'est pourtant se montrer injuste envers les magistrats et les personnels des tribunaux, qui assurent leurs missions avec une haute idée de la justice, dans des conditions parfois extrêmement difficiles.

S'en tenir à ce constat, c'est également nier l'ampleur des réformes engagées par notre majorité depuis plus de quatre ans pour améliorer le fonctionnement de la justice.

La séparation des pouvoirs et l'indépendance de l'autorité judiciaire, garanties offertes à tout citoyen, ont été confortées avec la fin de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République.

La responsabilité individuelle des juges a été accentuée avec l'ouverture aux justiciables de la possibilité de saisir le CSM du comportement d'un magistrat lorsqu'ils estimeront que celui-ci est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.

La protection des libertés individuelles est aujourd'hui mieux garantie, avec des réformes dont nous commençons à peine à mesurer tous les effets, qu'il s'agisse de la question prioritaire de constitutionnalité, du contrôleur général des lieux de privation de liberté ou encore de la présence de l'avocat dès les premières heures de la garde à vue.

Les moyens de la justice ont augmenté, depuis désormais plus de neuf ans. C'est bien cette majorité qui vote, loi de finances après loi de finances, l'augmentation continue de l'enveloppe budgétaire allouée au ministère de la justice, et ce dans un contexte plus contraint que jamais pour nos finances publiques.

Certes, l'heure ne saurait être aux seuls satisfecit, et considérer que le budget de la justice est aujourd'hui satisfaisant reviendrait à nier l'ampleur des défis qui restent devant nous. Toutefois, il faut le souligner, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, augmenter de quelque 2 % les crédits de la justice en 2011 constitue bien un acte politique fort.

Face à ce constat, il s'agit aujourd'hui d'ouvrir de nouvelles voies pour renforcer le lien unissant nos concitoyens à l'institution judiciaire, en permettant notamment à des citoyens assesseurs d'intégrer certaines formations du tribunal correctionnel ou du tribunal de l'application des peines.

Face au déluge de critiques, d'ailleurs parfois contradictoires, que cette initiative a pu susciter à gauche de l'hémicycle, je voudrais pour ma part en saluer le principe. Le développement de la participation citoyenne au fonctionnement de la justice pénale constitue pour nous l'un des plus sûrs moyens de garantir la légitimité aux yeux de l'opinion de certaines décisions de justice, tout en donnant à nos compatriotes l'occasion d'accomplir un véritable acte citoyen, au service de tous.

Je veux, au nom des députés centristes, saluer l'équilibre du projet de loi. Les citoyens assesseurs ne jugeront pas l'ensemble des délits pouvant être soumis aux tribunaux correctionnels, mais seulement certains parmi les plus graves, en l'espèce les atteintes aux personnes passibles d'une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans.

Si nous pouvons nous fixer, à moyen terme, l'objectif d'étendre la compétence de la formation citoyenne du tribunal correctionnel à l'ensemble des délits, il n'en demeure pas moins que l'objectif porté par le projet de loi nous semble en l'état tout à fait sage et mesuré, comme l'est, du reste, le choix de recourir à l'expérimentation, ainsi que le permet désormais notre cadre constitutionnel.

Si des questions restent en suspens – je pense notamment à l'allégement de certaines procédures devant les cours d'assises –, il importe que l'examen de ce projet de loi soit également pour nous l'occasion de combler l'ensemble des fossés qui continuent de séparer la justice de nos concitoyens.

Je voudrais, dans cette perspective, saluer l'initiative prise de motiver les arrêts rendus par les cours d'assises. Si symbolique qu'elle puisse paraître, cette mesure n'en constitue pas moins, en réalité, une avancée majeure, pour nos concitoyens, d'abord, mais aussi et surtout pour les victimes et les parties civiles, chez qui cette absence de motivation fait souvent le lit d'une incompréhension et d'une frustration extrêmes.

Ce projet de loi est également l'occasion de lutter contre la correctionnalisation, c'est-à-dire la requalification en simples délits de crimes appelant pourtant une sanction plus sévère. Non seulement cette pratique dévoie l'esprit dans lequel devrait être rendue la justice en sous-évaluant le préjudice subi tant par la victime que par l'ensemble de la société, mais elle est aussi facteur d'une grave rupture d'égalité des citoyens devant la justice, puisqu'elle permet à deux crimes identiques d'être jugés et réprimés différemment selon les départements où ils ont été commis.

La sévérité de la réponse pénale est devenue fonction du seul degré d'encombrement de la cour d'assises compétente. Ce n'est pas acceptable. Nous avons proposé, au cours de la discussion, d'y revenir.

Enfin, je voudrais évoquer un dernier sujet, qui contribue lui aussi à affaiblir le lien entre magistrats et justiciables. Je pense à la durée – souvent plusieurs années – que prennent certaines procédures pour aboutir devant les juridictions pénales. Ces délais excessifs sont insupportables pour les victimes réduites à l'attente, et ils tendent également à accréditer l'idée d'une certaine impunité dont bénéficieraient dans notre pays les auteurs d'infractions.

En définissant les conditions d'un procès équitable, la Convention européenne des droits de l'homme a insisté sur le droit de chacun à voir sa cause entendue par un tribunal, et ce dans un délai raisonnable. Faisant sien cet objectif, l'article préliminaire du code de procédure pénale dispose qu'il doit être définitivement statué sur une affaire dans un délai « raisonnable ».

Le groupe Nouveau Centre a proposé de renforcer le poids de cette disposition d'ordre déclaratoire en lui donnant une portée plus contraignante. Il a ainsi été proposé, comme une garantie offerte aux justiciables, de prévoir un délai maximal dans lequel une affaire devra être jugée en première instance. À défaut, il serait permis au justiciable d'engager la responsabilité de l'État pour dysfonctionnement du service public de la justice, comme il en a déjà la possibilité devant la Cour européenne des droits de l'homme.

En tout état de cause, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre soutient le principe et l'architecture générale de ce projet de loi. Nous serons bien évidemment attentifs à la mise en oeuvre de son contenu, car il en va aujourd'hui de la crédibilité de notre institution judiciaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

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