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Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du 6 juillet 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Cette CMP s'est réunie le 29 juin dernier et le Sénat a adopté lundi le texte issu de ses travaux.

Je ne peux que répéter ce que j'ai dit en première lecture : ce texte marquera une évolution très positive pour notre justice, et ce pour cinq raisons.

Premièrement, il fera participer les citoyens au fonctionnement de la justice, beaucoup plus largement qu'aujourd'hui, pour le jugement des délits et en matière d'exécution des peines.

Deuxièmement, à travers un certain allégement du fonctionnement de la cour d'assises, il apportera un début de réponse à l'engorgement des cours d'assises, cause pour une large part du phénomène de correctionnalisation.

Troisièmement, il renforcera la sécurité de nos concitoyens, en rendant plus progressive la libération des criminels dangereux condamnés aux peines les plus lourdes en les soumettant à une évaluation pluridisciplinaire obligatoire et en améliorant l'exécution des peines.

Quatrièmement, il permettra d'accélérer la réponse à la délinquance des mineurs ; il favorisera la qualité de la prise de décision grâce à l'amélioration de la connaissance de la personnalité du mineur et il permettra de diversifier les réponses à la disposition des magistrats, notamment par l'extension de la possibilité de placer un mineur en centre éducatif fermé.

Enfin, il apportera de nouvelles améliorations aux droits des victimes, grâce aux dispositions adoptées par notre commission des lois, qui prévoient notamment de nouveaux droits à l'information préalablement à la libération du condamné.

Le texte adopté par la CMP, sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui, diffère très peu du projet de loi que notre assemblée avait adopté le 28 juin dernier. En effet, les positions des deux assemblées du Parlement étaient très proches sur l'essentiel des dispositions du projet de loi, qu'il s'agisse, pour le volet relatif à la participation des citoyens à la justice pénale, du principe même de la participation des citoyens aux juridictions correctionnelles et de l'application des peines ainsi que des modalités de désignation des citoyens assesseurs ; ou qu'il s'agisse, pour le volet relatif à la procédure criminelle, de la modification de la composition des cours d'assises ; pour le volet relatif à l'application des peines, du renforcement des conditions des libérations conditionnelles pour les criminels condamnés à de lourdes peines ; enfin, pour la partie relative à la justice des mineurs, de l'extension des possibilités de placement en centre éducatif fermé, du dossier unique de personnalité et des garanties de confidentialité devant entourer sa consultation, du développement des procédures accélérées devant les juridictions pour mineurs, ou encore de la création du tribunal correctionnel pour mineurs.

Sur l'ensemble de ces points, qui constituaient le noyau dur du projet de loi, la CMP a donc adopté, sous réserve de quelques ajustements, les articles concernés dans le texte de l'Assemblée nationale.

J'en viens maintenant aux trois sujets sur lesquels le texte adopté par la CMP diffère de façon plus sensible du texte adopté par notre assemblée.

Le premier point concerne, à l'article 2 du projet de loi, le champ de compétence du tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs, que notre assemblée a renommé « tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne ». Le projet de loi avait initialement prévu que ce tribunal serait compétent pour les seules infractions d'atteintes aux personnes. Craignant que ce champ de compétence ne conduise à ce qu'il soit reproché au tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne d'être l'instrument d'une justice de classe, le Sénat avait souhaité étendre la compétence de cette formation à la plupart des délits prévus par code pénal, y compris les atteintes aux biens, dès lors qu'ils sont punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement, mais aussi aux délits prévus par le code de l'environnement punis des mêmes peines.

L'élargissement de la compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne à la plupart de ces délits prévus par le code pénal ne soulève pas de difficulté. Toutefois, notre assemblée avait estimé qu'il n'était pas souhaitable d'inclure dans son champ de compétence les infractions au code de l'environnement, et ce pour deux raisons.

Premièrement, pour des citoyens non juristes, ces infractions sont autrement plus complexes à appréhender, s'agissant de leurs éléments constitutifs et des questions d'imputabilité et de responsabilité pénale qu'elles soulèvent, que des délits de vol, de violences aux personnes ou d'homicide involontaire.

Deuxièmement, sur un plan pratique, les infractions concernées sont pour l'essentiel des infractions de pollution maritime de grande importance – en un mot, des procès de « marées noires » –, dont le jugement peut être extrêmement long. Pour ne prendre qu'un exemple, les débats du procès de l'Erika avaient duré quatre mois, et les magistrats avaient eu besoin de six mois pour rédiger le jugement. Avec le champ de compétence retenu par le Sénat, incluant les infractions au code de l'environnement punies de cinq ans ou plus d'emprisonnement, cette affaire aurait relevé de la compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne : les citoyens convoqués auraient donc dû se mettre à la disposition de la justice, non pas pendant dix jours, comme le prévoit notre texte, mais pendant presque un an.

En dépit de ces arguments, la CMP a souhaité réintroduire la compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne pour ces infractions au code de l'environnement, que notre assemblée avait supprimée. J'en prends acte, tout en appelant l'attention de chacun sur les inconvénients de la présence de ces infractions dans le champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne.

Il faudra, à mon sens, réexaminer avec la plus grande attention cette question du champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, lorsque viendra le temps de la généralisation de la présence des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels.

Le deuxième point sur lequel le texte adopté par la CMP s'éloigne quelque peu de celui retenu par notre assemblée tient à la motivation des arrêts d'assises, prévue à l'article 7 du projet de loi.

Le texte adopté par le Sénat prévoyait une signature de la feuille de motivation par le président de la cour et le premier juré, et n'avait pas prévu qu'il soit possible de différer la mise en forme de la motivation par le président. Notre assemblée avait, quant à elle, estimé nécessaire de permettre un différé de trois jours pour l'établissement de la feuille de motivation par le président, mais uniquement dans le cas des affaires complexes, et avait en conséquence prévu que la feuille de motivation ne serait signée que par le seul président.

La CMP a estimé qu'il était justifié de conserver la faculté de différer la rédaction de la feuille de motivation dans le cas des affaires complexes, mais a rétabli la double signature de celle-ci par le président et le premier juré. Il s'agit là d'un équilibre acceptable, même si, dans les cas où l'établissement de la motivation sera différé, cela entraînera une petite complexité et un certain coût pour faire signer la feuille par le premier juré.

Malgré cette légère modification par la CMP du texte qu'avait adopté notre assemblée, cette partie du projet de loi sur la motivation reste évidemment un grand progrès, qui favorisera la compréhension des arrêts d'assises par les accusés, les victimes et l'ensemble de la société.

Enfin, dernier point modifié par la CMP, à l'article 8, la question du régime de publicité applicable aux débats de la cour d'assises des mineurs, lorsque l'accusé mineur au moment des faits est devenu majeur.

Notre assemblée avait, à mon initiative, introduit dans le projet de loi les dispositions de la proposition de loi déposée par nos collègues François Baroin et Jack Lang, dans le texte adopté par notre assemblée en février 2010. Aujourd'hui, dans les cas où un accusé qui était mineur au moment des faits est devenu majeur au jour du procès, la décision sur le régime de publicité applicable appartient au seul accusé, qui dispose seul de la faculté de demander la levée de la publicité restreinte.

La proposition de loi adoptée par notre assemblée – et reprise dans le présent projet de loi – visait à prendre en compte le fait que le régime de publicité applicable est une question qui n'intéresse pas que le seul accusé, mais aussi la société dans son ensemble et la partie civile, ainsi que le fait que la publicité des débats judiciaires et la publicité restreinte pour les mineurs sont deux principes constitutionnels également protégés. Le texte adopté par notre assemblée prévoyait donc de permettre à l'accusé, au ministère public ou à la partie civile de présenter une demande tendant à ce que les débats se déroulent publiquement, demande soumise à la décision de la cour qui aurait dû prendre en compte les intérêts de la société, ceux de l'accusé et ceux de la partie civile.

La CMP a validé le principe d'une évolution des règles encadrant le régime de publicité concernant les accusés mineurs devenus majeurs au jour du procès. Toutefois, elle n'a pas estimé souhaitable de permettre à la partie civile de former cette demande, la réservant à l'accusé et au ministère public. À mon sens, un autre choix aurait été possible : dès lors que la demande de levée de la publicité restreinte aurait été soumise à l'appréciation de la cour, il me semblait possible, sans aucune difficulté de principe, de permettre à la partie civile de formuler cette demande. La CMP en a décidé autrement, ce que je regrette.

Cependant, en dépit de cette réserve, l'on pourra retenir le point positif que constitue l'évolution adoptée par la CMP, dans le sens d'un nouvel équilibre entre le principe de la publicité des débats judiciaires et le droit du mineur à la publicité restreinte.

Voilà, mes chers collègues, sommairement présenté, le texte élaboré par la CMP, que je vous invite à adopter.

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