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Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 6 juillet 2011 à 15h00
Nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaëtan Gorce :

En affaiblissant l'État dans les départements, vous avez réduit l'assistance qui leur était apportée. Les effectifs des préfectures diminuent. Les conseils techniques que leur apportaient les DDE et les DDA disparaissent. Vous laissez les élus locaux dans une situation incroyable alors qu'ils constituent les piliers de la République. Et les seules réformes que vous défendez consistent à les affaiblir encore.

Au nom de quoi ? Encore une fable : au nom de prétendues économies. Ce qui m'a frappé dans le rapport de M. Perben, c'est qu'il n'a pas jugé inutile de rappeler combien la réforme allait faire gagner à la République. Certains auront dès lors noté le montant des économies que l'État allait réaliser grâce à l'opération que vous nous proposez : environ – le chiffre a déjà été revu à la baisse – 50 millions d'euros. Il s'agit certes d'une somme raisonnable comparée au déficit de l'État ou aux indemnités des élus – cela mérite discussion.

Or il se trouve que juste avant de participer à ce débat passionnant, j'étais en contact avec un représentant du ministère des finances qui évoquait le cas du chef d'une entreprise de 1 000 salariés – je ne révélerai aucun nom, mais on peut en trouver plusieurs dans cette situation – qui, alors qu'il cesse son activité, s'attribue un avantage particulier de 90 millions d'euros exemptés d'impôts. Comparez : 90 millions d'un côté, 50 de l'autre… La République est bonne fille ! L'État récupère de l'argent sur le dos des élus locaux mais laisse prospérer, par le biais des niches fiscales, des exonérations et des privilèges, eux, vraiment scandaleux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dernière fable qu'il faut également dénoncer : la fable de la décentralisation. Lorsqu'on a donné la parole tout à l'heure au ministre des collectivités locales, je me suis permis d'ajouter : et de la recentralisation. N'y voyez, monsieur le ministre, qu'un hommage amical, malheureusement posthume, à notre ami Patrick Roy qui avait pris l'habitude d'affubler les ministres d'attributions complémentaires, et ses commentaires nous font d'autant plus défaut aujourd'hui qu'ils se révélaient souvent très justes. Nul doute qu'il n'aurait pas manqué de réagir comme je l'ai fait aujourd'hui.

Votre politique revient bien à une recentralisation puisqu'elle consiste à détruire l'oeuvre accomplie depuis 1982 avec Gaston Defferre : vous remettez des responsabilités entre les mains des préfets – que du reste vous affaiblissez au profit de l'État central… La distribution des compétences n'est pas rationalisée. Les collectivités voient se réduire leur autonomie fiscale. Les dotations se font de plus en plus rares. Je n'évoque même pas les aides de l'État – anciennement les DGE – de plus en plus limitées. J'ignore si vous entendez l'écho de ce que nous disent tous les maires : leur situation est devenue impossible.

Pourquoi remettez-vous en cause la décentralisation ? Non seulement pour les raisons que je viens d'évoquer mais parce que, en inventant ce mécanisme de double représentation par un seul élu, vous revenez en arrière par rapport à ce qui fut la logique constante de la décentralisation et, d'une certaine manière, par rapport à la logique de la démocratie.

Prenons deux exemples. Pendant longtemps, l'assemblée européenne a été composée de représentants des assemblées nationales. Lorsqu'on a voulu la démocratiser en créant le Parlement européen, on a fait en sorte que les députés soient élus directement par les peuples et ne soient plus membres des assemblées nationales. Cet exemple montre que lorsqu'on veut démocratiser et renforcer une assemblée on rend son élection spécifique, tout comme ses responsabilités.

Second exemple : hier, vous fêtiez le centenaire de la naissance de Georges Pompidou. Et vous aviez raison : Président de la République, il a fait avancer la cause régionale – vous avez sans doute en tête la loi du 5 juillet 1972 à laquelle Jacques Chaban Delmas, personnalité dont le souvenir doit vous réjouir, a contribué en créant un nouvel établissement public : la région.

L'assemblée régionale était composée de manière hybride, même si l'on notait un progrès par rapport à la situation antérieure : des parlementaires côtoyaient des élus des autres collectivités. Il fallut attendre les lois de décentralisation, dix ans plus tard, pour que les conseils régionaux soient élus au suffrage universel direct.

Il existe donc un lien étroit, symétrique entre les progrès de la décentralisation et la spécificité des compétences et des élections des assemblées locales. C'est justement cette symétrie que vous êtes en train de briser en créant ce conseiller hybride, à la fois conseiller général et conseiller régional.

Je conclurai mon réquisitoire…

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