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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 6 juillet 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si je soutiens devant vous cette motion de rejet préalable, c'est que j'estime que le texte qui nous est soumis est anticonstitutionnel et qu'il ne garantit pas l'efficacité de notre justice.

Vous avez décidé, monsieur le ministre, de mettre en oeuvre la procédure d'urgence. Pourtant, il n'y avait aucune urgence à trancher sur ce texte : une double lecture par l'Assemblée et par le Sénat aurait permis de l'améliorer, pour autant qu'il était améliorable. Par là même, il y a eu atteinte aux droits du Parlement.

La deuxième raison pour laquelle je vous demande de rejeter ce texte, c'est qu'il constitue une atteinte à l'égalité des citoyens. Vous avez décidé de mettre en place, au sein des tribunaux correctionnels, des citoyens assesseurs chargés de juger avec les magistrats professionnels tous les délits portant atteinte à l'intégrité physique et punis d'une peine de plus de cinq ans d'emprisonnement.

Pour fixer la compétence du tribunal correctionnel, vous visez le titre II du livre II du code pénal, qui porte effectivement sur les atteintes à l'intégrité des personnes. Mais, curieusement, vous avez exclu certaines atteintes, notamment le trafic de stupéfiants. Cela signifie donc que vous ne respectez pas les dispositions constitutionnelles qui imposent de traiter de façon égale les personnes qui commettent des délits similaires. C'est d'autant plus grave que l'article 399-7 du code de procédure pénale, tel qu'il devrait être rédigé par ce texte, prévoit de modifier les règles de la détention provisoire en matière de comparution immédiate en portant le délai de jugement de trois jours à huit jours. Les modifications qu'apporte votre texte, qui s'effectuent au détriment de certains délinquants, sont bel et bien constitutives d'une atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

Troisième raison : la réforme des cours d'assises constitue une atteinte à la souveraineté populaire. L'article 359 du code de procédure pénale prévoit que les décisions défavorables à l'accusé doivent être prises par une majorité qualifiée. Or la réduction de neuf à six jurés en première instance permet d'obtenir une majorité qualifiée de six voix, dès l'instant où les trois magistrats professionnels s'associent à trois jurés. Vous savez combien la juridiction constitutionnelle a été attentive à la composition de la cour d'assises, juridiction très particulière qui n'a été admise qu'en raison de la présence des jurés. Or, votre texte conduit, très paradoxalement, à en réduire le nombre et, encore plus paradoxalement, à ce qu'une décision défavorable à l'accusé puisse être prise par une cour d'assises où les jurés ne seront plus majoritaires.

Au-delà de ces atteintes au principe d'égalité des citoyens devant la loi et à la souveraineté populaire, ce texte porte atteinte à l'économie de l'ordonnance de 1945. C'est le cas de la possibilité que vous introduisez d'une convocation directe du mineur devant le tribunal pour enfants, par un officier de police judiciaire. Le Conseil constitutionnel s'est montré très sourcilleux quant aux conditions dans lesquelles les mineurs pouvaient être jugés, particulièrement dans sa décision du 29 août 2002 et tout récemment dans sa décision du 10 mars 2011 censurant la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI. Or, par suite de cette modification, le mineur échappe à la confrontation avec celui qui est son juge ordinaire, c'est-à-dire le juge des enfants. Vous préférez la célérité à l'efficacité d'une confrontation avec un magistrat qui connaît parfaitement le mineur, qui sait toutes ses ruses et peut anticiper la façon dont il va se présenter devant le juge, en essayant d'échapper à la condamnation ou, au contraire, en la recherchant, parce que la psychologie des mineurs est bien différente de celle des délinquants majeurs. Ce faisant, vous portez atteinte à l'économie de et à l'efficacité de l'ordonnance de 1945, parce que c'est de la confrontation entre le juge habituel du mineur et le mineur que naît l'efficacité particulière de cette juridiction. C'est d'ailleurs pour cela que, par un privilège extraordinaire qui porte atteinte au principe du procès équitable, il est prévu que le juge des enfants soit à la fois le juge de l'instruction, donc de l'enquête, le juge du jugement et le juge de l'exécution de la peine.

L'atteinte est tout aussi grave en ce qui concerne la création d'un tribunal correctionnel pour mineurs.

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