La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines (nos 4001, 4112).
Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures cinquante-deux minutes pour le groupe UMP, dix heures et dix-sept minutes pour le groupe SRC, quatre heures et une minute pour le groupe Nouveau Centre, cinq heures et quatorze minutes pour le groupe GDR et cinquante minutes pour les députés non inscrits.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, je voudrais faire quelques remarques générales sur ce texte.
Ce texte, monsieur le garde des sceaux, me donne à penser que vous êtes pessimiste, ou que votre majorité l'est. Depuis dix ans, et notamment ces cinq dernières années, nous faisons beaucoup de textes de loi, et voilà que nous parlons à nouveau de notre système pénitentiaire qui ne serait pas adapté et qui – il est vrai – souffre d'une mauvaise exécution des peines. Or je ne suis pas certaine que la création de places supplémentaires suffise à régler le problème.
Cela étant, il y a de bonnes choses dans ce texte lorsqu'il traite de psychiatrie, d'accompagnement et d'éducateurs. J'ai eu le grand honneur d'être ministre de la justice ; lorsque je suis partie, il n'y avait pas assez d'éducateurs – non plus que de surveillants, sans doute, mais surtout nous étions en dessous des effectifs nécessaires en matière d'accompagnement : je pense aux SPIP – les services pénitentiaires d'insertion et de probation – ainsi qu'à tout autre type d'accompagnement. Aussi, je donne acte aux gouvernements qui ont suivi d'avoir, en partie, répondu à ce manque.
Aujourd'hui, je voudrais revenir sur l'image que nous avons de notre pays. Je respecte les membres du Gouvernement et la majorité. Il ne me viendrait jamais à l'idée, par exemple, de leur imputer les quarante-six assassinats qui ont eu lieu à Marseille en une année. La faute n'en revient pas au seul Gouvernement. En revanche, s'agissant de la délinquance organisée qui allie trafics, corruption et blanchiment, il y a un énorme manque de moyens pour traquer et punir les coupables.
Nous savons, depuis le travail remarquable mené par une magistrate dans les années 2000, que ces bandes organisées recrutent des jeunes et que, lorsque l'un d'entre eux – je parle de jeunes majeurs – va en prison, sa famille reçoit de la part de ces bandes une sorte d'indemnité. Nous devrions donc nous interroger, au-delà de ce texte, sur les moyens nécessaires pour lutter contre la grande criminalité, car le problème ne sera pas réglé par la création de places de prisons supplémentaires, en particulier dans le sud de la France.
Si je dis que vous êtes pessimistes, c'est parce que je n'ai pas l'impression que le gouvernement et la majorité croient en l'importance de l'apport de l'éducation, de la culture et de l'espérance qui font un chemin de vie. Certains ont l'impression que ce chemin est plein de barbelés : les barbelés du mal-vivre, du mal-logement, du mal-savoir, du mal-espérer… J'ai souvent eu l'impression, au cours de nos discussions, que la prévention qui consiste à conduire une société vers un peu plus d'école, de culture, d'espoir, et peut-être d'espérance, serait bienvenue. Malheureusement, aujourd'hui, je n'ai pas cette certitude.
Je vous trouve pessimistes, aussi parce que 80 000 places de prison, cela signifie presque 80 000 victimes. Si vous souhaitez atteindre cet objectif de 80 000 places, c'est que, collectivement, vous n'espérez pas avoir besoin de moins de places dans quelques années – ce qui rejoint ce que je viens de dire sur l'éducation, l'école, la culture, l'espoir et peut-être l'espérance. Vous figez la société dans son état actuel, qui est mauvais, sans vous accrocher à ce qui pourrait faire qu'un jour, ces 80 000 places ne seraient pas occupées.
Je vous trouve pessimistes aussi parce que confier la construction et la gestion de ces 80 000 places à un partenariat public-privé, c'est s'engager à ce que les places soient « remplies » puisqu'il faudra bien rémunérer les propriétaires des prisons. Je reste persuadée que l'on cache la dette avec le partenariat public-privé et qu'il vaudrait mieux que nous soyons le maître d'oeuvre, car, qui sait, dans deux, trois, quatre ou cinq ans, nous aurons peut-être besoin de moins de places et d'un autre type de structure.
Je vous trouve pessimistes, enfin, parce que 80 000 places de prison, cela veut dire 15 000 surveillants de plus. Or je ne suis pas certaine que vous ayez d'ores et déjà le budget pour les former – ce qui demandera deux à trois ans.
Cette erreur budgétaire que vous commettez en optant pour le partenariat public-privé, entraîne une surdépense et, nous le savons tous, vous comme moi, ce sont des moyens de fonctionnement en moins, et donc, moins de recours à des personnels. Or j'ai l'impression – ce n'est pas une intime conviction, car je ne me permettrais pas d'en faire état ici – d'avoir en face de moi des personnels fatigués, lorsque je me rends – trop rarement désormais – dans des établissements pénitentiaires. Ils sont fatigués de ne pas être reconnus, et ce depuis longtemps. Ils l'étaient déjà lorsque nous étions en responsabilité. Ils sont fatigués de ne pouvoir contribuer à ce qui fait la beauté de leur métier : s'accrocher à la lutte contre la récidive, engager le dialogue, construire des projets de quartier avec des personnels venant de l'extérieur, avec des psychologues, des psychiatres ou des éducateurs. Ils sont fatigués et ils sont à la peine, comme l'a souligné hier Jean-Jacques Urvoas, car ils ne peuvent pas asseoir leur autorité sur ce qui fait leur compétence, c'est-à-dire la lutte contre la récidive, l'accompagnement et la préparation à la sortie de prison. Ils sont à la peine au point, leur autorité n'étant pas assise sur leur métier, d'asseoir une autorité factice sur la fouille à corps.
Sachant qu'un deuxième syndicat réclame cette possibilité de fouille à corps, monsieur le garde des sceaux, je m'inquiète pour ces personnels, car je sais que l'on ne demande pas d'asseoir son autorité sur les fouilles à corps lorsqu'on espère de son métier qu'il permettra certes d'appliquer la peine prononcée et d'être le gardien de la société, mais aussi de permettre au détenu de s'en sortir, ou de s'en sortir mieux.
Ces personnels sont fatigués parce qu'ils ont en face d'eux des détenus qui ont perdu le sens de la peine, ce qui dû à l'absence d'encadrement et aussi au manque de rapidité d'exécution de la peine – sur ce point, monsieur le garde des sceaux, vous avez raison. Mais l'absence de peines autres que la privation de liberté, laquelle devrait rester l'ultime recours, fait que le sens de la peine est souvent perdu. Et quand le sens de la peine est perdu, on passe son temps en centre pénitentiaire et l'on démoralise les personnels. Lorsque les personnels ont en face d'eux des détenus qui ne font que passer le temps en attendant de sortir, il y a peu de chances que ces derniers trouvent facilement le chemin de la réinsertion.
Nous aurions dû depuis longtemps travailler à nouveau sur le sens de la peine. De bonnes choses ont été faites, je l'ai dit au début de mon intervention. La création du contrôleur général des prisons est une bonne chose, mais ce n'est pas suffisant. Nous n'avons pas avancé sur ce qu'est une sanction appropriée. Il faudra revenir sur les peines plancher – c'est ma conviction profonde – parce que la discussion avec un magistrat, avec un juge d'application des peines, avec un environnement favorable, c'est l'assurance de prendre le chemin d'une vie sans récidive. C'est donc une assurance pour la société.
J'ai parlé d'erreur budgétaire et de pessimisme. Je suis persuadée que la société tout entière ne s'intéresse pas suffisamment à ses prisons, lesquelles restent la honte de la République. De la même façon, nous n'avons pas su apprécier la prévention de la maladie mentale dans notre pays.
Si vous me permettez de m'écarter un peu de mon propos, notre collègue Ciotti a dit une fois encore que je souhaitais supprimer 25 000 places de prison. Je trouverais cela comique bien que ce soit plutôt dramatique. C'est même un comique de répétition, car le ministre de l'intérieur l'a cité une première fois en parlant de 20 000 places, puis de 25 000 places. Enfin, il a fait une tribune où il affirmait que je supprimais allègrement 35 000 places de prison ! Et maintenant Jean-François Copé a pris l'habitude, au cours des meetings de l'UMP, de faire applaudir la salle en disant : « Gardez-nous, sinon Marylise Lebranchu va fermer 25 000 places de prison et libérer 25 000 détenus ! »
Comique de répétition et caricature dommageable ! Je pense que personne n'a lu les actes complets du colloque où j'étais invitée puisqu'au départ, il s'agissait de répondre à la question suivante : « Comment avez-vous réussi à obtenir le consensus sur une loi pénitentiaire ? » Autrement dit, ce dont rêve M. Ciotti !
J'étais venue raconter comment, pendant dix mois, j'avais travaillé avec des magistrats, des avocats, des psychiatres, des médecins, des représentants de la société civile, des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire et des associations de victimes. Je ne manque jamais de saluer la présidente de l'association des victimes qui avait dit, un jour où nous parlions du sens de la peine : « Pendant les six mois qui ont suivi le meurtre de ma fille, j'ai crié vengeance. Mais, au bout de six mois, j'ai compris que la vengeance, ce n'était pas la justice. »
Ces dix mois de travail nous avaient permis, monsieur Ciotti, d'obtenir un consensus entre tous les partis représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. Christine Boutin était en tête de la délégation de l'Assemblée nationale et, au Sénat, il y avait des gens que vous connaissez bien, monsieur le garde des sceaux : M. Fauchon, M. Haenel et M. Hyest. Ces deux derniers me trouvaient même trop sécuritaire ! Quand j'ai déclaré que le premier acte hors la loi d'un jeune devait appeler une sanction, ils ont estimé que j'étais sécuritaire. Je l'étais sans doute un peu trop…
Nous avions obtenu ce consensus sur le fait qu'il fallait, bien sûr, des places de prison – je maintiens qu'il en faut, y compris pour les plus jeunes, comme le défend aujourd'hui Pierre Joxe – mais que, chaque fois que nous avions trouvé une alternative – le mot d'« alternative » avait d'ailleurs été banni au motif qu'il y avait d'autres types de sanctions que la privation de liberté –, la lutte contre la récidive avait marqué un progrès. Aujourd'hui, il manque beaucoup de places en semi-liberté. Ici, à Paris, par exemple, un jeune majeur qui trouve une place en apprentissage ne peut pas bénéficier d'une place en semi-liberté. Il n'y a plus de place dans les centres d'éducation fermés. Bref, nous manquons de places alors qu'elles permettraient d'emprunter plus facilement les chemins contribuant à la lutte contre la récidive.
Je terminerai sur ce point : cessez de caricaturer une position qui n'a jamais été la mienne. Nous pourrions retrouver le consensus auquel nous étions parvenus à l'époque. Vous êtes pessimistes, je ne le suis pas. Je crois qu'un travail sur le sens de la peine, sur ce qu'est la société, sur la façon dont elle regarde ses détenus, dont elle espère qu'ils ne récidiveront pas, est envisageable, même s'il ne l'est peut-être pas à court terme, monsieur le garde des sceaux, puisqu'on vous impose ces 80 000 places de prison.
J'espère que vous trouverez les 15 000 surveillants nécessaires. J'espère aussi qu'une autre majorité, peut-être, avec modestie et humilité, parce que c'est le sujet le plus difficile qui soit, saura expliquer, comme l'ont fait, hier soir, mes collègues, que la délinquance est là, qu'elle existe, qu'il ne faut jamais la nier, et qu'il convient, bien sûr, de répondre à chaque acte. ; mais que peut-être le retour à davantage de sanctions raisonnées, raisonnables et appropriées, et la recherche acharnée d'autres solutions que la prison qui détruit de toute façon, garantiraient à nos citoyens un peu moins de récidives. Il est horrible de dire, comme nous le faisons tous, qu'il n'existe pas de risque zéro dans une société humaine. C'est terrible pour ceux qui subissent le meurtre dans leur famille ou dans leur chair. Je pense toutefois qu'au-delà de cette horreur, il est possible de discuter de tous ces sujets qui font société. Mais, malheureusement aujourd'hui, créer des places de prison tout simplement ou seulement, c'est tout de même ne pas le savoir et, par conséquent, ne pas prendre le chemin d'une société plus apaisée, plus sereine et, donc, plus sûre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mon rappel au règlement concerne l'organisation de nos travaux. M. Le Fur, qui présidait la séance, nous a appris vers seize heures que le Gouvernement avait décidé d'inscrire à l'ordre du jour de la séance de demain matin, à neuf heures trente, l'examen des conclusions de la CMP sur la protection de l'identité. Cette décision extrêmement rapide et impromptue ne permettra pas à ceux qui, comme moi, travaillent sur un certain nombre de textes et examinent aujourd'hui le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines, de se consacrer avec sérieux à ce grave sujet. C'est vraiment faire fi des rythmes normaux du Parlement. Ces textes qui traitent des libertés individuelles, des libertés collectives et des libertés publiques sont très importants et méritent donc un examen plus attentif.
Je souhaitais, monsieur le président, vous faire part du mécontentement de mes collègues s'agissant de cette organisation des travaux dont vous n'êtes pas personnellement responsable, même si vous êtes vice-président de l'Assemblée nationale, ce dont je vous félicite. Nous ne pouvons travailler dans ces conditions. Je voudrais, en conséquence, que vous en informiez le Bureau de l'Assemblée nationale. Je sais que la fin de session approche, tout comme les élections. Néanmoins, il faudrait faire preuve d'un peu de sérieux. Nous n'avons, en effet, pas le sentiment de légiférer dans de bonnes conditions. Or vous savez parfaitement que, dans un tel cas, les textes sont ensuite mal appliqués et que des questions prioritaires de constitutionnalité peuvent alors remettre en cause nos travaux, d'où une insécurité législative et juridique.
Je n'en suis pas personnellement responsable, vous l'avez dit, mon cher collègue. Mais je n'en suis pas non plus institutionnellement responsable puisque c'est le Gouvernement qui a demandé la modification de l'ordre du jour, ce dont nous avons pris acte en vertu de l'article 48 de la Constitution.
Je ferai naturellement part de votre observation au Bureau et au Président de l'Assemblée, mon cher collègue.
J'en profiterai pour faire, à mon tour, un rappel au règlement peut-être un peu plus consensuel, monsieur le président.
Nous avons beaucoup évoqué, au cours des questions d'actualité, la situation en Syrie. Nous nous devons, alors que nous reprenons, ce soir, la discussion de ce projet de loi, d'avoir une pensée pour Gilles Jacquier, le journaliste qui a perdu la vie cet après-midi. Ce décès nous peine tous. La représentation nationale se doit de rendre unanimement hommage à ces journalistes qui risquent leur vie pour nous rendre compte et faire triompher un idéal qui nous est commun sur tous les bancs de cet hémicycle.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis le début de ce mandat, nous avons adopté plusieurs réformes visant à moderniser notre justice afin de gagner en efficacité et en proximité avec les justiciables. Je me réjouis particulièrement de l'examen par notre assemblée du présent projet de loi de programmation. Il s'agit d'un texte attendu, d'un texte ambitieux poursuivant des objectifs précis pour les années à venir en matière d'exécution des peines, de prévention de la récidive et de prise en charge des mineurs délinquants. Je salue la détermination affichée de notre gouvernement, lequel, pour faire progresser notre droit, propose de véritables évolutions appuyées par notre majorité. Ces évolutions sont indispensables pour mettre fin aux dysfonctionnements de la chaîne pénale trop souvent mis à jour ces derniers temps. La mobilisation n'est pas nouvelle : un plan a été mis en place début 2011 pour améliorer l'exécution des peines, et les résultats positifs encourageants invitent à poursuivre les efforts entrepris. En dépit d'un contexte budgétaire contraint, il convient de saluer le renforcement des services de l'exécution et de l'application des peines – plus de magistrats, plus de greffiers, plus de conseillers d'insertion et de probation – ce qui permettra une exécution des peines dans de meilleurs délais et dans de meilleures conditions. En outre, la généralisation des bureaux de l'exécution des peines ainsi que la délégation des enquêtes pré-sentencielles à des associations habilitées, voulues par le présent texte, sont autant d'outils au service d'une meilleure exécution de la décision de justice.
J'ai assisté à des dizaines d'heures d'auditions dans le cadre du groupe de travail sur l'exécution des peines mis en place par notre groupe parlementaire en février dernier, et j'ai participé au travail attentif et précis, mené de main de maître par notre collègue Éric Ciotti. Je tiens, en conséquence, à souligner, monsieur le garde des sceaux, que les dispositions précitées rejoignent les préoccupations évoquées par de très nombreuses personnes auditionnées et devraient ainsi pallier en partie, bien sûr, les lacunes persistantes en matière de réponse pénale.
S'il convient de soutenir les dispositions de ce texte dans leur ensemble, je souhaiterais m'arrêter plus particulièrement sur son volet relatif à la prévention de la récidive. Dans ce cadre, plusieurs avancées ont été obtenues au printemps dernier lors de l'examen du texte sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale. Aujourd'hui, le Gouvernement nous propose d'aller plus loin, appuyé par la commission des lois et par notre rapporteur, Jean-Paul Garraud, à l'origine d'évolutions qu'il convient de saluer. Vous l'avez précisé, hier après-midi lors des questions au Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, l'évaluation de la dangerosité est l'un des points clés du texte qui nous est soumis. Ce sujet, vous le savez, me tient particulièrement à coeur.
Je salue l'adoption de plusieurs mesures telles que l'évaluation de la dangerosité avant une décision de libération conditionnelle et le recours plus large au bracelet électronique, mesures prises après le meurtre, dans ma commune, de Natacha Mougel, commis par un criminel récidiviste qui n'aurait jamais dû être libéré.
Si j'adhère aujourd'hui à l'ensemble des mesures proposées, je regrette néanmoins qu'on n'aille pas plus avant en matière d'application des peines. Nous avons déjà eu des débats en juin dernier à ce sujet. Les réflexions doivent sans doute se poursuivre et nous resterons obstinés, monsieur le garde des sceaux, s'agissant d'un certain nombre de points qui nous tiennent à coeur. Je pense, en effet, que des réponses doivent être apportées à nos concitoyens. La justice n'a, bien sûr, rien à voir avec la vengeance et nos préoccupations en sont très éloignées, mais les victimes ont droit à davantage d'écoute. Rendre la justice plus effective est un devoir à l'égard de nos concitoyens en général et à l'égard des victimes en particulier qui, alors qu'elles se trouvent dans un désarroi le plus total, doivent également faire face à de nombreuses incompréhensions et bien souvent à un véritable parcours du combattant. Les bureaux d'aide aux victimes qui vont être étendus sont un outil précieux, une grande réforme, une grande avancée. Une réflexion doit être engagée pour améliorer les procédures relatives aux victimes.
Pour revenir plus précisément sur la prévention de la récidive, je soutiens la volonté d'améliorer la prise en compte de la dangerosité et le renforcement du suivi des personnes condamnées. La généralisation du diagnostic à visée criminologique ainsi que l'introduction de nouveaux outils comme les méthodes actuarielles au service des praticiens sont autant de moyens à même d'établir une évaluation la plus précise possible. Elles sont utilisées avec succès dans de nombreux autres pays. Concernant, en outre, la dangerosité, la création de trois nouveaux centres nationaux d'évaluation est une avancée significative actée par cette loi de programmation. Je vous ai interrogé à plusieurs reprises à ce sujet, monsieur le garde des sceaux, et j'ai demandé l'ouverture d'un de ces centres à Lille. Vous vous y êtes engagé lors de l'examen du texte d'août 2011 et lors de l'examen du budget pour 2012, ce dont je vous remercie. Je suivrai, vous vous en doutez, ce dossier avec beaucoup d'attention.
Je partage la démarche de notre rapporteur tendant à étendre le recours à l'évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté pour toute personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi sociojudiciaire est encouru, mais qui n'entre pas dans le champ obligatoire de l'évaluation. Je pense, notamment, aux personnes arrivant en fin de peine et n'ayant pas bénéficié d'aménagements de peine. Je le proposais dans ma proposition de loi précitée et j'avais également déposé un amendement dans ce sens, repoussé au titre de l'article 40. Je regrette donc que nous ne puissions traiter de ce sujet.
Le renforcement du suivi des personnes condamnées en milieu ouvert comme en milieu fermé est une nécessité. Des lacunes ont été mises à jour tant sur la transmission que sur l'accès à l'information. Sur ce point, la question de l'évolution des méthodes est un vrai sujet. Le présent texte, en proposant un contrôle accru de l'effectivité des soins par le juge de l'application des peines et la possibilité pour le médecin traitant d'avoir connaissance de la décision de condamnation, ainsi que des expertises médicales, entend faire évoluer les pratiques. J'ai rencontré à ce sujet des médecins, monsieur le garde des sceaux et j'ai été effaré d'apprendre qu'ils n'avaient même pas connaissance de la condamnation de la personne qui était en face d'eux ! C'est invraisemblable ! Ces dispositions constitueront donc un progrès essentiel.
Je soutiens, par conséquent, ce texte complet et ambitieux qui poursuit la mobilisation de notre majorité depuis 2002 aux fins d'améliorer la justice de notre pays. Les dispositions proposées ici sont autant de moyens d'y parvenir. La tâche est lourde et continue, elle nous engage ainsi que tous les acteurs de la chaîne pénale qui oeuvrent au quotidien pour rendre la justice dans les meilleures conditions possibles.
Votre texte est attendu, monsieur le garde des sceaux. Nous le voterons.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je suis le dernier orateur inscrit dans cette discussion générale. Tout a donc été dit. Mes collègues socialistes ont, en tout cas, excellemment démontré que ce projet de loi de programmation sans engagement budgétaire est surtout la réponse à un discours à visée électoraliste du Président de la République.
Vous connaissez notre analyse très divergente sur ce besoin affiché d'atteindre 80 000 places de prison à l'horizon 2017. Les fameuses 80 000 peines en attente d'exécution pourraient, bien sûr, être organisées d'une autre manière. Je pense, en particulier, aux centres pour peines aménagées ou au bracelet électronique. En effet, pour plus de la moitié, ces peines non exécutées sont inférieures ou égales à trois mois. Vous seriez alors beaucoup plus en phase avec la loi pénitentiaire que votre prédécesseur a fait voter en septembre 2009.
Enfin, je l'ai constaté, une bonne partie de ces peines est simplement en délai d'exécution. On attend, par exemple, une ouverture de place en TIG dans une collectivité locale. Comme l'encadrement n'est pas extensible à l'infini, il faut attendre qu'une place se libère pour prendre une autre personne. Il arrive également, j'ai eu connaissance de cas et je sais que vous y êtes attentif, d'attendre qu'une personne ait fini une formation professionnelle, une année scolaire ou universitaire avant de procéder à l'exécution de la peine. Vous ne me ferez pas croire, monsieur le garde des sceaux, parce que, pour vous avoir longuement rencontré dans cet hémicycle, je vous connais, qu'une personne de bon sens, quelles que soient ses opinions politiques, puisse par idéologie empêcher un jeune homme – je parle de jeune homme parce que l'on sait que ce public est essentiellement masculin – de passer un examen scolaire ou un CAP. La marque de confiance que la justice lui accorderait en respectant ce délai me paraît essentielle pour empêcher la récidive et démontrer qu'il existe un autre chemin que l'incarcération.
Par ailleurs, nous avons exprimé un certain nombre de doutes sur toute la partie du texte, chère à notre rapporteur M. Garraud, qui concerne l'évaluation de la dangerosité. Nous avons souvent eu ce débat. Il nous semble que les premières expériences d'évaluation de la dangerosité criminologique, même si elles sont intéressantes et nouvelles dans notre pays, ne peuvent être considérées comme l'alpha et l'oméga de la détection, donc de la prévention de la récidive, surtout dans les cas très difficiles de criminels ou de délinquants sexuels.
Enfin, monsieur le rapporteur, vous avez prévu dans l'article 7 un dispositif permettant d'inciter les internes en psychiatrie à se former à la prise en charge psychiatrique des personnes placées sous main de justice. Nous manquons d'experts, vous avez raison. C'est donc une initiative intéressante. Le seul point contestable c'est que, cet engagement signé – contre indemnité, hélas, mais aurait-on pu faire autrement ? –, et le cycle de formation achevé, le jeune psychiatre pourrait prétendre très vite à être inscrit sur la liste des experts. Je tire la sonnette d'alarme : une formation, même réussie, ne garantit pas que l'on soit un bon expert. Il faudrait, à mon sens, introduire par voie réglementaire une période transitoire d'apprentissage à l'expertise auprès d'un expert senior, qui se verrait ainsi reconnaître un rôle de tuteur.
Je pense que la période transitoire devrait être un peu plus longue. Être expert, vous le savez parce que vous avez sans doute demandé vous-même des rapports d'expertise dans votre vie professionnelle, c'est extrêmement difficile, et la responsabilité des experts judiciaires est bien lourde, surtout quand ils doivent se prononcer sur le risque de récidive.
En conclusion, ce projet de loi est expédié sans une réflexion sérieuse suffisante. Les solutions pour lutter contre la délinquance, dont l'aggravation est frappante, en particulier les violences aux personnes, ce qui montre l'échec du sarkozysme, ne peuvent se résumer à une augmentation incessante des places de prison.
De même nous déplorons l'aspect inachevé des mesures qualitatives visant à mieux cerner la personnalité des délinquants et à faire du temps de l'emprisonnement un temps utile pour la prévention de la récidive. Nous ne pourrons donc nous associer à cette improvisation.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, qui a été fructueuse et intéressante. Nous avons vu revenir un certain nombre de questions auxquelles je vais essayer de répondre en quelques mots.
Tout d'abord, madame Lebranchu, je ne suis pas du tout pessimiste, il n'y a qu'à me regarder. Je suis au contraire très optimiste et je crois qu'en travaillant tous ensemble avec tous les services publics, la police, la justice, en prévoyant suffisamment de réinsertion, on arrivera à faire baisser la délinquance et, ce qui est encore plus important, à réintroduire dans le tissu social celles et ceux qui ont failli. C'est en tout cas l'objectif de ce texte.
Beaucoup d'entre vous se sont demandé comment nous pouvions arriver au chiffre de 80 000 places, considérant que c'était beaucoup trop, que c'était du tout carcéral, et qu'il fallait apporter d'autres réponses.
Aujourd'hui, M. Raimbourg l'a fort bien dit, il y a 56 000 places de prison. Il l'a même répété lors des questions au Gouvernement, en montrant tout l'intérêt qu'il y avait à voter ce texte. J'espère donc qu'il ira au bout de la logique.
Il manquera donc de cohérence, je le regrette pour lui, mais on peut toujours espérer. (Sourires)
Nous avons donc 56 000 places de prison pour 65 000 personnes. Honnêtement, il n'y a pas lieu d'être fiers de cette situation, et il est impossible dans ces conditions de faire un travail sérieux de réinsertion ou même simplement d'entretenir les bâtiments. Pour faire face aux besoins actuels, il est donc à l'évidence nécessaire d'augmenter le nombre de places.
Par ailleurs, même si l'on est parfois attaché à une prison qui ne répond pas à toutes les normes prévues par la loi pénitentiaire parce qu'il y règne une certaine convivialité, et on en connaît tous des exemples, il y a tout de même des prisons à détruire et il faudra donc bien créer d'autres places.
Il ne s'agit pas de mettre en prison les 85 000 personnes condamnées n'ayant pas exécuté leur peine, je l'ai souligné dans mon intervention, mais un certain nombre d'entre elles doivent aller en prison et c'est ainsi que nous arrivons à 80 000.
Nous avons fait beaucoup au cours de cette législature. M. Blisko, comme s'il se trouvait tristounet, a malheureusement terminé son intervention en évoquant un « échec du sarkozysme », ce qui l'a ragaillardi pour descendre de la tribune... Je crois au contraire que le Président de la République, comme l'ensemble des parlementaires et des membres du Gouvernement, veulent apporter des solutions à un vrai problème. On peut nous faire des reproches, madame Lebranchu, c'est la démocratie, mais il faut toujours dire les choses telles qu'elles sont. Ce gouvernement et cette majorité ont fait de très gros efforts pour l'aménagement des peines. Lorsqu'une peine est aménagée, c'est une forme d'exécution de la peine, je suis tout à fait d'accord avec vous.
En 2008, il y avait 4 943 peines aménagées : il y en a 8 465 en 2011. Autrement dit 10 % des condamnations donnaient lieu à aménagement en 2008, contre 18,1 % en 2011. Il y a donc là un vrai progrès, un vrai effort.
On peut nous faire des reproches, je les accepte, mais jamais on n'a voulu du tout carcéral. Il y a des prisons, c'est nécessaire, et elles doivent être conformes aux exigences de la loi pénitentiaire. Que des gens aillent en prison, cela ne me pose pas de problème philosophique, mais la prison n'est pas la réponse à tout, et elle ne doit pas être la même pour toutes les peines. C'est aussi ce que vous propose la loi puisque l'on va différencier les établissements pénitentiaires en fonction de la durée de la peine.
Il y a aussi tout le reste, notamment l'effort sur le bracelet électronique. Il était expérimental il y a quelques années : 8 800 personnes environ en portent un aujourd'hui. On va augmenter le nombre de personnes concernées, mais cela pose le problème de la formation du personnel et du matériel. On peut avoir un type de matériel si l'on a quelques centaines de personnes sous bracelet électronique, il en faut peut-être un autre si l'on a plusieurs milliers de personnes.
Vos critiques un peu sommaires sur le fait que nous faisons du tout carcéral sont donc fausses, je le répète. Aménager les peines, les magistrats le font. J'ai siégé dans une commission d'aménagement des peines au tribunal d'Évry, dont dépend Fleury-Mérogis, et j'ai vu le travail réalisé par de jeunes magistrates remarquables, qui avaient étudié 1 700 dossiers chacune. Cela dit, on ne peut pas aménager toutes les peines.
Davantage de places de prison, c'est davantage d'emplois. Il en est prévu 6 000, on ne peut pas dire qu'il n'y a rien dans la loi pour les places de prison.
Vous avez évoqué à plusieurs reprises les partenariats public-privé. Nous en ferons, mais nous ne ferons pas que cela. Je sais parfaitement quelles peuvent en être les conséquences. À la fin, le budget risque d'être utilisé uniquement pour le paiement des loyers. Il faut trouver le bon équilibre entre les travaux qui seront réalisés en régie et ceux qui le seront en partenariats public-privé afin que le budget de la justice et de l'administration pénitentiaire ne soit pas totalement bloqué. C'est ce qui est inscrit dans le rapport annexé à la loi. Nous avons même prévu des dispositions spéciales sur le marché de conception-réalisation pour que l'on puisse aller plus vite et mieux dans ce domaine.
Les critiques qui nous sont adressées sont d'ordre philosophique, et l'on peut les partager, mais elles ne portent pas sur le projet lui-même, qui n'est pas ce que vous en dites. C'est bien la raison pour laquelle nous pourrions très facilement tomber d'accord sur le vote de cette loi. Vous m'avez dit non, monsieur Blisko, avant que je n'aie fini ma phrase…
…de peur d'être obligé de me dire oui à la fin. Je comprends qu'à cette période de la vie politique de notre pays, vous ne puissiez pas le voter, mais vous pourriez dire que c'est un bon texte.
Chiche ! Il n'y a aucun problème, nous serons contents.
C'est un texte pragmatique, réaliste, qui prend en compte l'ensemble des votes du Parlement, et qui permet à la justice d'être crédible et efficace. Il n'y a pas de tout carcéral. Ce n'est pas une loi affreuse, elle est dans la droite ligne de la loi pénitentiaire. Je ne vois pas comment M. Garraud, qui en avait été le rapporteur, pourrait être celui du présent texte s'il n'était pas dans la même philosophie, dans la même ligne. Il s'agit simplement de prendre en compte les évolutions de notre société et du droit pénal.
C'est la raison pour laquelle je ne peux que demander à l'Assemblée nationale de voter le texte tel qu'il a été enrichi par les travaux de la commission des lois.
J'appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi.
Sur le rapport annexé à l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 28 rectifié .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
C'est un amendement important.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne présentait pas un texte « tout carcéral ». Peut-être est-ce vrai au fond car ce texte est peut-être d'inspiration non gouvernementale, mais purement élyséenne. Le projet du Gouvernement était en effet de mener à bien le programme de construction de 2002, ce qui nous aurait dotés de 62 000, 63 000 ou 64 000 places de prison à l'horizon 2012-2013, et je n'avais pas entendu parler d'un autre projet, jusqu'à ce que M. le Président de la République, à Réau, parle d'un seul coup de 80 000 places.
Ces 80 000 places sont extraites par le Président de la République du rapport de M. Ciotti, mais M. Ciotti proposait cinquante mesures ! Il a aussi extrait de ce rapport l'encadrement militaire des jeunes délinquants. Mais, dans ce rapport, il y a une cohérence, et pas seulement ce type de mesures. Curieusement, du côté de l'Élysée – est-ce le Président de la République ou est-ce un conseiller, à mon avis mal inspiré ? –, ce sont ces interprétations qui prévalent.
Je veux donc bien vous croire, monsieur le ministre, quand vous annoncez que le Gouvernement n'est pas pour le tout carcéral. Il est malheureusement obligé de mettre en oeuvre des instructions qui lui viennent d'en haut. C'est toute la difficulté, dans notre démocratie : nous avons affaire à des interlocuteurs qui sont responsables devant nous mais pas coupables, en quelque sorte (Rires et exclamations sur les bancs du Gouvernement et de la commission), puisque la culpabilité vient d'ailleurs. Je peux vous rejoindre, monsieur le garde des sceaux, lorsque vous dites que vous n'êtes pas pour le « tout carcéral ». Vous ne l'êtes pas, mais j'ai l'impression que vous ne pouvez faire autrement que d'agir comme si vous l'étiez.
J'en viens à l'essentiel de mon propos. L'important, c'est de trouver à l'emprisonnement une place au sein d'un processus. À cet égard, je préciserai deux points que j'ai présentés hier, et qui, dans les explications de vote sur la motion que j'ai défendue, ont été relevés de manière caricaturale.
J'affirme tout d'abord qu'il est nécessaire de créer un mécanisme de prévention de la surpopulation carcérale. Ce mécanisme, le numerus clausus, consiste à adapter le nombre de prisonniers au nombre de places, quel que soit ce dernier. Il ne s'agit pas d'interdire l'incarcération d'un nouveau détenu – tout condamné doit entrer en prison aussitôt que la décision est exécutoire ou, en tout cas, le plus rapidement possible –, mais il vise à libérer une place en faisant sortir, par le biais d'un aménagement de peine impliquant un contrôle, un suivi, la personne la plus proche de la sortie.
Quant au second mécanisme, il tend à adapter le « stock » – pardon pour ce vilain mot – de prisonniers au nombre de places. Il s'agit de la libération conditionnelle automatique ou libération conditionnelle d'office, par laquelle s'ouvre, aux deux tiers de l'exécution de la peine, une procédure de libération conditionnelle qui ne peut être arrêtée que si le magistrat le décide.
Cet amendement est important. Il permet de donner du sens à une mesure d'emprisonnement. Il permet de placer au centre de notre système pénal une prison qui soit la plus républicaine possible.
Défavorable. Comme vient de l'indiquer M. Raimbourg, cet amendement est important. Il marque en effet la volonté de l'opposition de bloquer la création de 24 000 places de prison supplémentaires. Cette volonté est déclinée dans plusieurs autres amendements.
Nos collègues ne veulent pas que 24 000 places supplémentaires soient créées, invoquant une fois de plus le « tout carcéral », alors que le garde des sceaux et moi-même nous sommes largement expliqués sur ce point. Il est fort dommage que nos collègues éludent toutes les autres dispositions du texte, très importantes pour la sécurité des Français, relatives aux conditions d'incarcération et de détention, en oubliant tout ce que nous avons fait par le passé, notamment les aménagements de peine, et tout ce que nous faisons dans le présent projet de loi.
Dans l'amendement n° 28 rectifié , il est question du fameux numerus clausus. Votre rédaction évoque très clairement une interdiction de dépasser la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires ainsi que la régulation des flux d'entrée et de sortie, c'est-à-dire une véritable interdiction d'incarcérer. Lorsque, à un moment donné, les capacités d'accueil des établissements pénitentiaires ne seront pas suffisantes, malgré les crimes ou délits commis, vous posez, chers collègues, une interdiction d'incarcérer : c'est le sens du numerus clausus. Cela dépasse l'entendement et, pour commencer, cela nuit à l'application des décisions de l'autorité judiciaire : lorsqu'un emprisonnement sera prononcé, ce qui restera naturellement l'exception, il ne pourra pas être exécuté.
J'ai été un peu long pour apporter ces explications car je n'y reviendrai pas sur les autres amendements. J'ai d'ailleurs déjà évoqué le numerus clausus dans la discussion générale. Nous sommes face à une opposition frontale, de principe : vous ne voulez pas ces 24 000 places de prison supplémentaires, ce qui est une erreur fondamentale. J'ai d'ailleurs relevé, dans les propos de Mme Lebranchu à la tribune, une chose surprenante. Vous avez parlé, chère collègue, de « 80 000 places, 80 000 victimes ». Pour vous, les personnes incarcérées sont des victimes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis désolé mais, pour moi, les victimes, ce ne sont pas ceux qui sont en prison !
Défavorable.
On parle parfois de caricature... Je disais, monsieur le rapporteur, que prévoir 80 000 places de prison, c'est prévoir qu'il y aura eu, auparavant, 80 000 victimes,…
…c'est-à-dire une augmentation de la délinquance. J'ai encore une partie de ma raison, je ne déraisonne pas complètement, même si c'est ce que vous pensez ! (Sourires.)
Quand j'étais garde des sceaux, je me suis battue contre le numerus clausus, qui était alors porté par les meilleurs directeurs de l'administration pénitentiaire – ils ont fait carrière depuis –, car je ne voyais pas comment on pouvait s'opposer à une incarcération au prétexte du manque de places. Il me paraissait inacceptable qu'une personne ayant commis un acte le 31 décembre ne soit pas emprisonnée alors que, le 3 janvier, après une libération, le même acte provoquant la même peine devait entraîner une incarcération.
Ce qui est ici proposé est intelligent. Je regrette de ne pas y avoir pensé, à l'époque, pour pouvoir lancer le numerus clausus. Je n'avais pas compris la démarche. Être obligé de faire sortir quelqu'un, avec un encadrement suffisant pour éviter la récidive, prévenir ces sorties sèches dont on parle tellement et qui sont encore en trop grand nombre, c'est intelligent. Un travail d'encadrement est possible. La surpopulation débouche toujours sur des problèmes de violence : je n'ai jamais vu que la surpopulation dans un établissement ne s'accompagne pas de violence. Cette violence à l'intérieur de la prison provoque de la violence après la prison, elle est criminogène.
Nous avons donc le devoir de la prévenir, et le seul moyen, c'est le numerus clausus. Vous devriez d'autant plus l'accepter que vous auriez plus de places. Je ne nie pas non plus que vous ayez bien parlé de l'aménagement des peines. Quand, parce qu'il y a eu violence, le détenu, en sortant, a fait une nouvelle victime, a porté atteinte à l'intégrité d'une personne, nous sommes collectivement responsables de cette violence. C'est trop grave pour que l'on puisse balayer cela avec des clichés idéologiques sur un supposé laxisme de la gauche.
Je conclus comme j'ai commencé : je m'exprime avec d'autant plus de sérieux et de modestie qu'il y a une dizaine d'années, je ne voyais pas comment répondre à la violence due à la surpopulation carcérale. Aujourd'hui, la proposition nous est faite.
Il s'agit d'un point essentiel de la loi de programmation, sur lequel une différence de fond nous oppose. Vous venez, monsieur Raimbourg, de réitérer les termes de l'argumentation que vous avez développée hier soir, en défendant à nouveau cette forme de numerus clausus et en parlant à nouveau de libération conditionnelle automatique, systématique.
Permettez-moi, tout d'abord, de contester votre argument déniant au Président de la République le droit de s'exprimer sur un sujet aussi fondamental que l'exécution de la loi pénale.
Le Président de la République est le garant des institutions, et il est légitime qu'il se penche sur un problème majeur mettant en cause les fondements mêmes de notre démocratie. Quand une décision de justice, prononcée au nom du peuple français, n'est pas exécutée, cela traduit en effet un dysfonctionnement de nos institutions.
Le Président a fixé un objectif, que le Gouvernement a repris dans ce projet de loi. Cet objectif permet à la France de se rapprocher de la moyenne européenne du taux de détention, dont nous sommes aujourd'hui très loin. Vous continuez de nier la réalité des chiffres, qui s'imposent pourtant à nous : notre taux de 96 détenus pour 100 000 habitants est très loin de la moyenne de 140 détenus pour 100 000 habitants. Nous n'allons donc pas vers le « tout carcéral », nous voulons simplement nous rapprocher de la moyenne européenne.
Vous le savez bien, la décision de justice, de façon non avouée, est soumise à des contingences matérielles : le juge, avant de prononcer une sanction, regarde – et c'est parfois légitime, à la limite – la capacité carcérale. Il en est de même pour l'exécution des peines. De ce fait, l'application devient une variable d'ajustement, la sanction prononcée par les tribunaux est atténuée, sa force dissuasive également.
C'est pour cela que le présent projet de loi repose sur l'augmentation de la capacité carcérale. C'est une nécessité absolue aujourd'hui et je ne comprends pas que vous le contestiez car cela va dans le sens que vous souhaitez : la réduction de la surpopulation carcérale, une prison plus humaine. Nous pourrions donc nous retrouver sur ce point.
Je conteste avec force votre argumentation. Une démocratie n'a pas à mettre en place un numerus clausus, la justice n'a pas à dépendre de contingences matérielles, la loi pénale doit être appliquée sans souci de ces contingences. C'est le rôle du Gouvernement de prévoir les moyens matériels pour que la loi puisse s'appliquer. C'est pourquoi nous sommes opposés à l'amendement.
Je voterai également contre l'amendement, non pas tant en raison du fond qu'en raison du moment où il est présenté. Vous avez eu l'obligeance, cher collègue, de faire état des travaux du Conseil de l'Europe. Pour y avoir travaillé sur un certain nombre de questions pénitentiaires, je sais que le numerus clausus existe dans plusieurs démocraties européennes, mais il s'agit de pays où les capacités d'emprisonnement sont suffisantes. Or le présent projet de loi tend à remédier au fait que, chaque année, plus de 50 000 condamnations à des peines d'emprisonnement ne peuvent être exécutées dans notre pays faute d'un nombre suffisant de places. Nous ne sommes donc pas dans le même contexte.
Nous avons multiplié, au cours de cette législature, les peines alternatives, telles que le bracelet électronique, notamment pour toutes les personnes condamnées à deux ans ou moins d'emprisonnement. Nous pourrons discuter de votre amendement lorsque nous aurons une capacité correspondant à la loi de programmation, autour de 80 000 ou 85 000 places. En l'état actuel, le défaut de places implique l'incapacité d'exécuter les peines. Si nous voulons donner de la crédibilité à la justice, restaurer la confiance de nos concitoyens dans celle-ci, il faut que les peines d'emprisonnement prononcées soient exécutées.
Monsieur Ciotti, vous opposez numerus clausus et loi pénale au motif qu'une démocratie ne pourrait pas avoir de numerus clausus, mais je ne vois en quoi celui-ci serait antagonique à l'existence d'une démocratie. Que les choses soient claires : pour nous, le numerus clausus fait partie de la loi pénale ; pour vous, le numerus clausus signifie forcément qu'il n'y aurait pas de sanction, qu'il ne se passerait rien pour les personnes concernées. C'est là toute la différence entre nous. La vraie sanction pour vous, c'est l'incarcération ; au fond de vous-même, vous considérez que le reste ne constitue pas une sanction, même s'il y a un aménagement de peine. C'est une divergence fondamentale car, mes collègues l'ont très bien expliqué, la politique pénale, en intégrant le numerus clausus, se donnerait les moyens d'éviter la situation que nous connaissons : la prison, l'enfermement, vous le savez comme moi, est criminogène dans beaucoup de cas. C'est pourquoi nous préférons, mon collègue Urvoas l'a très bien développé hier, la politique de probation. Il est vrai qu'elle exige plus de travail, plus d'encadrement et un plus grand suivi, mais elle porte ses fruits à l'arrivée pour les victimes parce qu'elle évite la récidive.
Ça dépend du type de délinquance.
(L'amendement n° 28 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 29 .
La parole est àM. Dominique Raimbourg.
Il est défendu.
(L'amendement n° 29 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu !
(L'amendement n° 30 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement no 48 .
La parole est à M. le garde des sceaux.
Puis-je présenter en même temps les trois amendements suivants, nos 67, 68 et 69 rectifié, monsieur le président ?
Ils ont le même objet : il s'agit de préciser que l'appellation habituelle des établissements pénitentiaires dans lesquels sont affectés les prisonniers sera maintenue.
Ces amendements du Gouvernement sont des novations. J'ai bien compris que la classification proposée ne va pas remplacer celle des maisons d'arrêt et des établissements pour peines. Il n'en demeure pas moins qu'il y aura des catégories différentes en fonction de leur niveau de sécurité : ceux à sécurité renforcée, ceux à sécurité normale, ceux à sécurité adaptée et la catégorie des établissements à sécurité allégée. Ce n'est pas vraiment une surprise parce que, dans la loi pénitentiaire, votre prédécesseur avait commencé à nous préparer à cette idée. En effet, il avait déjà avancé cette curieuse idée de régimes différenciés au sein d'un même établissement.
Ce n'est pas une curiosité !
On nous expliquait à l'époque qu'il s'agissait de rompre avec l'uniformité de la prise en charge et de ne plus imposer aux personnes condamnées à de courtes peines des contraintes de sécurité conçues pour des profils plus dangereux, et vous reprenez aujourd'hui ce raisonnement. Mais alors que la question qui se pose est, une nouvelle fois, celle de la prise en charge différenciée, vous proposez de faire varier le niveau de sécurité. De plus, loin d'une démarche de prévention de la récidive, vous faites peser toutes les contraintes sur les publics les plus difficiles et les plus en difficulté alors qu'à leur intention devraient être au contraire prévus davantage de moyens d'accompagnement.
Je ferai deux remarques.
Tout d'abord, je souligne le risque rencontré par les établissements pénitentiaires, à travers le monde, ayant expérimenté des structures à sécurité élevée. Dans beaucoup de pays, ce type d'établissements existe et ils ont évidemment fait l'objet de bon nombre d'études sur les personnes accueillies et sur ce qui se passe quand elles en sortent – parce que cela arrive. Toutes ces études soulignent qu'ils ont tendance à accueillir des détenus présentant moins une dangerosité criminologique qu'une dangerosité pénitentiaire, ce qui n'a guère de pertinence en matière de sécurité publique. On sait, en plus, que ces établissements génèrent une importante violence entre détenus et envers les personnels, et une considérable souffrance mentale qui s'accompagne le plus souvent d'isolement. Nous avons déjà connu cela en France : l'expérience – si on peut employer ce terme – des quartiers de haute sécurité.
…pas par idéologie mais simplement parce qu'ils étaient incapables de réaliser leur tâche première, à savoir la garde de détenus, et surtout en raison de leur caractère hautement nuisible au regard de la carrière délinquante des personnes concernées. Celles-ci ressortaient de ces établissements dans un état nettement plus hostile à l'égard de la société que quand elles y étaient entrées.
L'amendement n° 69 rectifié m'amène à une seconde remarque : le silence du texte sur la manière dont l'administration pénitentiaire va opérer la répartition entre les différentes structures. Une fois de plus, tout est en place pour que l'institution tente d'imposer une appréciation discrétionnaire, en l'absence de tout recours.
Ces amendements posent donc un double problème : la pertinence criminologique et pénologique des critères et des outils d'évaluation retenus pour opérer la séparation entre les établissements en termes de niveau de sécurité, et le droit de la défense et de recours des détenus lors de la prise de décision, laquelle devrait évidemment répondre à des conditions s'inspirant du modèle du procès équitable. À cet égard, vous n'apportez pas de telles garanties, monsieur le ministre, mais peut-être allez-vous nous rassurer sur ce point.
Il n'y a aucune garantie en ce qui concerne les conditions d'affectation puisque celle-ci ne peut pas être discutée. Or l'affectation a des répercussions très importantes sur le mode de vie en détention selon le niveau de sécurité de l'établissement. Il est très différent d'être détenu dans une maison d'arrêt classique, où on passe vingt-deux heures par jour en cellule, et d'être détenu dans un centre pénitentiaire, où les portes des cellules sont ouvertes et où l'on peut circuler librement à l'intérieur de l'unité carcérale. Ainsi, d'une part on n'évite pas le risque d'un régime disciplinaire caché derrière l'affectation officielle ; d'autre part, il n'y a aucun recours possible. À tous égards, les garanties sont insuffisantes.
Ma seconde observation est une question : comment réussir à concilier la double typologie des établissements et des niveaux de sécurité ? Je n'arrive pas à comprendre comment on peut y parvenir dans les maisons d'arrêt. Autant cela paraît possible dans les établissements pour peines, où l'on peut affecter des gens à l'issue de leur premier passage en maison d'arrêt, autant dans celle-ci, lieu d'entrée de tous les détenus et où cohabitent donc des prévenus accusés de faits peu graves et des prévenus accusés de crimes, comment va-t-on distinguer les maisons d'arrêt à sécurité allégée et celles à sécurité renforcée ?
Par ailleurs, je précise que des gens qui ont commis des faits graves ne sont pas forcément très dangereux alors que d'autres, qui ont commis des faits peu graves, peuvent eux-mêmes être extrêmement dangereux.
Encore une fois, et je le dis sans arrière-pensées critiques : je ne vois pas comment on peut établir une typologie entre établissements à sécurité renforcée et établissements à sécurité allégée dans les maisons d'arrêt.
Nous abordons une question extrêmement ancienne, qui a été posée en leur temps par des parlementaires mais surtout par les personnels qui ont eu à souffrir de certains comportements, et aussi par les associations qui prennent en charge les détenus – la FARAPEJ par exemple. Des détenus sont en effet privés du régime portes ouvertes en centre pénitentiaire au titre que, dans leur quartier, quelqu'un est particulièrement dangereux ; cela m'a été rapporté plusieurs fois. Nous avions même proposé que le juge d'application des peines, au moment de la définition du régime carcéral, puisse décider que la personne soit privée de portes ouvertes s'il s'avère, par exemple, qu'elle a un comportement extrêmement violent ou non respectueux des règles.
Je pense donc qu'il faut réfléchir à des conditions d'incarcération adaptées à des cas très particuliers. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : cela existe déjà aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il y a des établissements où on place certains profils de détenus. Or il ne faudrait pas parler d'établissements mais de régimes de détention. Il peut s'avérer, dans des cas très particuliers, que la personne soit interdite d'accès à la bibliothèque ou même de travail pour des raisons que le juge d'application des peines, eu égard à la judiciarisation actuelle des peines, serait à même d'apprécier. Il faut réfléchir au régime d'incarcération car on n'obtiendra jamais la solution à travers la géographie des établissements.
Par ailleurs, les maisons d'arrêt ne doivent pas se situer trop loin du tribunal dans lequel est conduit le détenu.
Bien sûr.
On ne va pas le placer à 300 kilomètres au motif qu'il apparaît plus dangereux qu'un autre.
Je retiens l'argument le plus fort exprimé par mes collègues : après avoir été arrêté pour un acte très grave, un détenu peut être parfaitement respectueux des règles à l'intérieur de la prison, alors que parfois, après des faits peu graves, un autre peut avoir un comportement insupportable. Je me souviens que les surveillants ne pouvaient plus entrer dans le quartier de Luynes parce qu'on y avait incarcéré ensemble de très jeunes majeurs qui partageaient une histoire commune et qui se battaient entre eux : il n'y avait plus de portes, plus de sanitaires, plus rien, ils jetaient les chariots, et le personnel cherchait en vain des solutions.
On se trompe en parlant des établissements alors qu'il faut se poser la question des conditions de détention, et ce sous l'autorité d'un magistrat et non sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire – Jean-Jacques Urvoas a raison –, qui n'en veut pas parce que ce n'est pas son rôle.
Je veux resituer le débat.
Tout d'abord, je salue la clarification apportée par ces amendements du Gouvernement.
Ensuite, je tiens à rappeler de quoi il s'agit. Nous avons les maisons d'arrêt et les établissements pour peines. L'article 717 du code de procédure pénale dispose que dans les maisons d'arrêt sont incarcérés trois types de publics : les condamnés à l'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans, les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an et les prévenus, c'est-à-dire les personnes placées en détention provisoire par un juge d'instruction. Les établissements pour peines comprennent les maisons centrales et les centres de détention, l'affectation dépendant évidemment de l'importance de la peine mais aussi du profil de chaque détenu en fonction de l'infraction commise et de sa dangerosité. L'administration pénitentiaire trace donc déjà un profil.
En outre, je rappelle que nous avons eu de nombreux débats lors de l'examen du projet de loi pénitentiaire de novembre 2009, au terme desquels nous avons voté le dispositif des parcours différenciés dans les régimes de détention pour aller de plus en plus vers l'individualisation du traitement pénal et carcéral de chaque détenu. Je dis très clairement qu'il n'est pas question de restaurer les quartiers de haute sécurité. Je tiens à le rappeler parce que certains collègues de l'opposition sous-entendaient le contraire. Tous les débats sur le projet de loi pénitentiaire ont éclairé les choses, et la nouvelle rédaction du Gouvernement clarifie ce regard croisé entre niveau de sécurité et différences entre maisons d'arrêt et établissements pour peines. C'est dorénavant très clair.
Madame Lebranchu, je m'en suis expliqué en commission.
(Les amendements n°s 48 , 67 , 68 et 69 rectifié sont successivement adoptés.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 34 rectifié .
Cet amendement de suppression des alinéas 54 à 59 s'attaque au coeur du projet de loi. Je rappelle que nous ne sommes pas opposés à toute construction d'établissements pénitentiaires, mais nous estimons que, dès lors que la France compte quelque 65 000 détenus, lesdits établissements doivent proposer 65 000 places, étant entendu que, par ailleurs, il convient de remplacer les établissements vétustes. Une fois atteint cet objectif, il s'agira de ne pas trop s'en écarter. Le taux d'incarcération atteindra ainsi 100 places pour 100 000 habitants.
Ce taux est proche de celui de la Belgique et supérieur à ceux de l'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Italie. Le taux moyen des pays membres du Conseil de l'Europe – selon les statistiques pénitentiaires dudit Conseil – intègre les données des pays de l'Est qui avaient une tradition d'incarcération très forte, tout comme le Royaume Uni et l'Espagne. Aussi ne souhaitons-nous pas que la capacité carcérale de la France augmente au point d'atteindre ce taux moyen, celui de 100 places pour 100 000 habitants devant être respecté grâce à l'application des mécanismes décrits précédemment.
La commission a repoussé cet amendement, l'un de ceux présentés par l'opposition et que j'évoquais tout à l'heure, qui visent à bloquer le processus de construction de 24 000 places de prison supplémentaires.
Je vais vous donner d'autres chiffres, monsieur Raimbourg. La capacité d'accueil du parc carcéral français, qui est de 83,5 places pour 100 000 habitants, est largement inférieure à la capacité moyenne des pays membres du Conseil de l'Europe qui est de 138 places pour 100 000 habitants. Nous nous trouvons très en retrait par rapport à ce chiffre. Il apparaît donc indispensable de créer ces 24 000 places de prison supplémentaires afin que le parc carcéral en compte au total 80 000 d'ici à 2017.
Je ne pense pas qu'on puisse sérieusement contester cet argument. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable.
Défavorable.
(L'amendement n° 34 rectifié n'est pas adopté.)
Cet amendement visant à supprimer l'alinéa 55 est en cohérence avec celui que nous présenterons à l'article 2. Si nous défendons ces amendements de suppression, c'est parce que le Gouvernement nous propose de déroger aux règles relatives à la commande publique dans le domaine pénitentiaire afin d'intégrer l'exploitation et la maintenance des établissements parmi les missions susceptibles d'être confiées par l'État à une personne ou un groupement de personnes de droit public ou de droit privé au titre d'un marché de conception-réalisation, lequel pourra désormais être conclu suivant la procédure du dialogue compétitif caractérisé par la trilogie efficacité, efficience et performance.
Nous refusons pour notre part cette logique de marché et sommes inquiets face au mouvement de privatisation des établissements, en marche depuis maintenant plusieurs années. Nous souhaitons rappeler qu'il incombe à l'État et à lui seul d'assumer directement cette responsabilité.
Cet amendement a été repoussé par la commission. Certains amendements de l'opposition visaient à éviter à tout prix la construction de ces 24 000 places de prison supplémentaires. Celui-ci va dans le même sens.
Le texte offre certaines possibilités en matière de procédures de marchés qui vont permettre la construction plus rapide de ces places de prison. Les arguments développés par M. Dolez s'inscrivent dans une opposition de principe à l'extension des marchés de conception-réalisation aux opérations d'exploitation et de maintenance des établissements et, d'autre part, au recours à la procédure de dialogue compétitif pour la passation de ces marchés.
Ces procédures sont pourtant indispensables. Elles avaient d'ailleurs déjà été prévues dans le cadre du programme « 13 200 places » de 2002. Il nous faut utiliser ce dispositif dans les délais les plus brefs, de la même manière que nous l'avons fait alors, pour réaliser ces places de prison, tout en respectant, bien sûr, toutes les procédures.
Avis défavorable.
Défavorable.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, j'ai soutenu votre objectif de créer 25 000 places de prison supplémentaires et j'ai combattu les amendements qui s'y sont opposés. Monsieur Dolez pose néanmoins une question légitime : celle du régime dérogatoire.
Le partenariat public-privé répond à des conditions qui tiennent compte des règles du marché public. Il est bon de rappeler qu'existent un cahier des charges et une procédure de partenariat public-privé très encadrée, qui ne permettent pas de s'exonérer des règles faisant appel à la concurrence.
En revanche, on sait bien que dans le cadre de ce partenariat public-privé on trouvera de grands groupes qui disposent des moyens d'agir dans des délais rapides. Pour répondre aux interrogations légitimes que cette situation suscite, il serait souhaitable qu'un cahier des charges prévoie qu'on fasse appel à un certain nombre d'entreprises individuelles qui n'ont pas forcément la capacité de construire clef-en-main un établissement mais auxquelles il ne faudrait pas fermer des perspectives en matière d'emploi.
Or l'amendement de notre collègue Dolez permet peut-être de réaffirmer cet objectif que, j'en suis sûr, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, vous partagez.
Monsieur Hunault, nous ne nous situons pas du tout ici dans le cadre d'une procédure exorbitante du droit commun mais bien dans le cadre de la procédure de droit commun des marchés publics. La procédure dont il est question ici n'est pas dérogatoire.
(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 36 .
Nous craignons le recours excessif aux partenariats public-privé et nous souhaitons, d'une part, que le texte prévoie des conditions de publicité garantissant la transparence des opérations et, d'autre part, que les élus concernés soient entendus et que leurs observations soient versées au dossier.
La commission les a repoussés tous les deux.
L'amendement n° 35 vise à soumettre les marchés de conception-réalisation étendus aux opérations d'exploitation et de maintenance à une procédure au caractère exceptionnel, public et transparent. Sur le caractère public et transparent de la procédure, l'amendement est pleinement satisfait. En effet, l'article 1er du code des marchés publics prévoit que les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
Sur le caractère exceptionnel du recours à ces marchés de conception-réalisation ainsi étendus, l'amendement est sans objet, à moins de vouloir contraindre trop fortement l'administration et de lui interdire de parvenir à construire d'ici à 2017 les 24 000 places de prison prévues.
En outre, comme pour tous les marchés publics, le choix de recourir à tel type de contrat plutôt qu'à tel autre ne peut être réalisé qu'au regard du bilan coûts et avantages du projet. À cet égard, c'est le coût global du projet, après prise en compte des risques, qui déterminera le choix.
Quant à l'amendement n° 36 , la procédure d'extrême urgence présente tout de même l'avantage de réduire les délais de mise en oeuvre du processus d'acquisition foncière. Je rappelle qu'elle est indispensable pour parvenir à la réalisation de la construction de ces 24 000 places d'ici à 2017. On ne recourra à cette procédure qu'en ultime recours et uniquement lorsque la voie amiable et ordinaire de l'expropriation aura échoué.
L'amendement est donc satisfait puisque les élus locaux seront nécessairement consultés au cours de la phase amiable. Ce n'est que si cette procédure échoue, j'y insiste, qu'on passe à la procédure d'extrême urgence. De surcroît, la loi du 9 septembre 2002 avait déjà prévu cette possibilité et la procédure d'extrême urgence n'a d'ailleurs pas été utilisée. Je tenais ainsi à vous rassurer.
Avis défavorable, donc, sur les deux amendements.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission fort bien explicité par le rapporteur : on reste dans le cadre du droit des marchés publics.
Pour ce qui est des terrains, nous pourrions vous rejoindre si l'on se souvient qu'à Lyon, par exemple, des établissements pénitentiaires n'ont pas été construits à cause de nombreuses difficultés à acquérir des terrains. En revanche, je rappelle que la procédure d'appel d'offres, même si elle est transparente, même si elle répond aux règles du droit, exclut un certain nombre d'entreprises du bâtiment puisque l'on doit être rapidement à même de construire, maintenir et gérer le type de construction en question.
Or nous avons tous rencontré des représentants de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, ou d'autres organismes qui défendent les PME : ils nous disent toujours que l'on parle d'eux très souvent, mais qu'ils n'en sont pas moins totalement exclus des plus grands marchés publics, ceux de l'État – comme la construction de prisons –, puisqu'ils ne disposent pas du temps nécessaire pour organiser les groupements d'entreprises capables de répondre à l'ensemble du cahier des charges d'un PPP pour un tel marché.
Si la démarche telle que vous la décrivez, transparente, est totalement respectueuse du droit, elle exclut les entreprises du bâtiment de petite taille qui auraient très bien pu répondre à l'appel d'offres dans les secteurs de la couverture, de la maçonnerie, de l'ébénisterie… mais qui ne peuvent répondre à l'appel d'offres dans sa globalité. En effet le texte prévoit un cahier des charges pour grands groupes. Cela non seulement nous coûtera plus cher mais rapportera beaucoup aux dits groupes, qui nous écrivent d'ailleurs qu'ils sont pleinement satisfaits du dispositif envisagé.
(L'amendement n° 35 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 37 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 38 .
Je rappelle que, pour le groupe SRC, toutes les peines, toutes les sanctions quelles qu'elles soient, doivent être exécutées. Il n'y a par conséquent pas lieu de privilégier certaines d'entre elles et notamment les peines d'emprisonnement ferme.
Nous estimons que les peines assorties d'un sursis avec mise à l'épreuve, par exemple, sont importantes en ce qu'elles favorisent la réinsertion des détenus ; elles doivent donc être exécutées aussi bien et aussi complètement que les peines d'emprisonnement ferme.
C'est le sens du présent amendement qui vise, à la dernière phrase de l'alinéa 62, à substituer aux mots « plus particulièrement », le mot « notamment ».
La commission a rejeté cet amendement qui vise à supprimer la référence au fait que l'exécution des peines d'emprisonnement ferme doit être prioritaire. Comme le précise du reste la loi pénitentiaire, l'emprisonnement doit demeurer exceptionnel mais il convient de distinguer le prononcé de la peine et son application.
Fort heureusement, au cours des dix dernières années, nous avons multiplié la panoplie des mesures mises à la disposition des magistrats pour trouver la sanction adaptée et il n'y a pas, certes, que l'emprisonnement. Il convient donc, j'y insiste, de bien faire la différence entre le prononcé d'une peine d'emprisonnement qui, bien sûr, doit rester exceptionnel, et l'application d'une peine d'emprisonnement qui a été décidée. Quand cette peine a été décidée, il faut qu'elle soit appliquée. Et pour qu'elle le soit, il faut bien sûr, notamment quand il s'agit d'une peine d'emprisonnement ferme, qu'il y ait les places correspondantes dans les établissements pénitentiaires. Avis défavorable, donc.
(L'amendement n° 38 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement propose la suppression des alinéas 66 à 69, qui concernent l'extension à l'application des peines de la démarche dite d'excellence opérationnelle dans les juridictions. Cette méthodologie a été expérimentée à partir de 2010 dans trois cours d'appel pilotes, avant d'être progressivement étendue. Selon les magistrats et fonctionnaires qui y ont participé, elle s'est révélée totalement inadaptée à la spécificité du travail juridictionnel.
Cette méthode, qui résulte directement de la RGPP, est une méthode de « rationalisation » du fonctionnement des organisations, une méthode de contraction des effectifs assignés à une tâche. Elle provient du secteur marchand et des grandes entreprises industrielles.
Cette démarche repose sur un diagnostic opéré dans les chambres civiles et sociales, notamment par les consultants de Capgemini. Sur le terrain, elle s'est traduite par des observations de méthode, des consultations de procédure, des « ateliers participatifs », des entretiens individuels avec les personnels, et des analyses des pratiques.
Dans une lettre ouverte datée du 3 novembre dernier, monsieur le garde des sceaux, le Syndicat de la magistrature vous a fait part de son inquiétude quant à l'utilisation de cette méthode dans l'institution judiciaire, laquelle n'a évidemment rien à voir avec une entreprise de production. Il vous a rappelé, à cet égard, que cette méthode, américaine, est issue des pratiques instaurées dans l'industrie automobile japonaise, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle ne s'est pas caractérisée par une attention particulière portée à ses salariés. Cette méthode est analysée par bien des praticiens du monde du travail comme un retour du taylorisme, habillé d'une démarche participative qui, en créant un effet d'engagement, empêche les agents de la critiquer.
Les magistrats et fonctionnaires qui ont participé à cette expérience l'ont vécue comme particulièrement intrusive, s'inquiétant également de la divulgation de documents confidentiels à des consultants d'un cabinet privé auxquels on a laissé libre accès à des procédures judiciaires. Ils se sont en général plaints du nombre de réunions qui leur étaient imposées. Ils se sont également étonnés du peu de formation de leurs interlocuteurs de Capgemini. C'est complètement surréaliste : l'un de ces interlocuteurs a proposé de ne plus jamais avoir recours à la collégialité au stade de l'appel, afin de raccourcir les délais ; un autre a présenté comme un « irritant » pour le système ce temps appelé « délibéré » par les magistrats, ou celui passé à entendre un enfant dans le cadre d'une procédure familiale. Tout cela, monsieur le garde des sceaux, est dans la lettre ouverte que vous a adressée le Syndicat de la magistrature.
Au final, si nous considérons bien évidemment qu'une justice de qualité doit être rendue dans des délais raisonnables, nous considérons aussi, au regard du bilan négatif dressé par les professionnels, que l'extension de cette méthodologie à l'exécution des peines et au fonctionnement de la chaîne pénale n'est pas opportune.
Cet amendement a été rejeté par la commission. Il tend, en fait, à supprimer la référence à l'utilisation de la méthodologie dite « Lean ». Or il me semble important que l'exécution des peines réponde à une organisation qui soit véritablement rationnelle. On parle souvent des moyens de la justice. Nous savons tous que des moyens lui sont accordés dans des domaines divers et variés, et notamment en personnel. Mais il n'y a pas que des questions de budget. Il faut également mettre en place une meilleure organisation, une rationalisation dans les méthodes. Et ce qui fonctionne ailleurs, pourquoi la justice ne l'utiliserait-elle pas pour être plus efficace ?
Cette nécessaire rationalisation a fait l'objet d'une expérimentation qui donne plutôt de bon résultats. C'est pour cela qu'il conviendrait de l'étendre, en tenant compte, évidemment, des personnels qui l'appliqueront. Tout cela sera débattu. Mais la pertinence de l'approche est établie. Actuellement, le délai de traitement d'une affaire civile, à la cour d'appel de Poitiers, est en moyenne de 8,3 mois, soit une durée de 20 % inférieure à celle que l'on constatait avant l'application, sous une forme adaptée au monde judiciaire, de cette méthodologie. Grâce à celle-ci, on gagne du temps, il y a une meilleure organisation, bref, elle fonctionne. Pourquoi ne pas continuer à l'appliquer ?
Pour toutes ces raisons, il convient de repousser cet amendement.
Cet amendement consiste à refuser la modernité. On ne peut qu'être contre.
On peut aussi écouter les magistrats et les professionnels.
(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 39 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 39 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Ces deux amendements sont relatifs aux bureaux d'exécution des peines, et principalement en matière de justice des mineurs. J'ai eu le plaisir de rédiger un rapport sur le sujet.
L'amendement n° 6 est assez simple. Actuellement, trois cas peuvent se présenter. Premier cas : le BEX a été mis en place. C'est malheureusement très rare, et c'est pourquoi le projet de loi répond au problème en consacrant des moyens à la mise en place des BEX. Deuxième cas : il n'est pas mis en place du tout. Troisième cas : on a confié la mission du BEX aux éducateurs de la PJJ, lesquels font bien leur travail, et il ne s'agit pas ici de les remettre en cause. Mais si l'on veut que le BEX soit efficace, il faut que les choses soient expliquées par une autorité, une personne extérieure au dossier, donc un greffier.
Voilà pourquoi cet amendement propose de préciser que la généralisation des BEX suppose qu'il soit mis un terme aux « missions bureaux d'exécution des peines » qui sont confiées aux éducateurs de la PJJ. Il s'agit de s'assurer que les BEX soient vraiment mis en place dans les juridictions, et donc qu'ils soient efficaces.
L'amendement n° 7 part du constat que la création des BEX nécessite non seulement des moyens – ceux-ci sont mis en place –, mais aussi une organisation, et principalement en matière de justice des mineurs. Si les audiences ont lieu tard le soir, les BEX ne fonctionneront pas. Car il ne faut pas oublier que, à l'issue de l'audience pénale, le BEX ne reçoit pas seulement la personne qui a été condamnée, mais aussi la victime. Si le tribunal rend sa décision tard le soir, le BEX ne pourra pas remplir sa mission. C'est pourquoi cet amendement propose de préciser que les audiences matinales doivent être privilégiées en ce qui concerne le tribunal pour enfants. Il me semble que la mise en place des BEX y gagnera en lisibilité et en efficacité.
La création des bureaux d'exécution des peines remonte à 2002. Leur généralisation est l'une des grandes avancées de ce texte. L'objectif est que, en 2017, tous les tribunaux, y compris les cours d'appel, puissent disposer d'un bureau d'exécution des peines.
Il me semble que les deux amendements proposés par notre collègue Zumkeller sont satisfaits. L'amendement n° 6 l'est, car l'alinéa 73 du rapport annexé précise qu'il est « essentiel de généraliser les BEX (pour les majeurs comme pour les mineurs) à toutes les juridictions, y compris au sein des cours d'appel, et à toutes les audiences, en élargissant leurs plages horaires d'ouverture. » Par conséquent, en préconisant, pour les mineurs, de privilégier la création de BEX permanents plutôt que de confier des missions BEX à la PJJ, cet amendement ne tient pas compte de la généralisation ainsi programmée. Il laisse même sous-entendre que cet objectif pourrait ne pas être atteint. Or, notre volonté est bien d'étendre les BEX à toutes les juridictions. Le rapport annexé est très clair sur ce point, dont je pense avoir démontré toute l'importance.
En ce qui concerne l'amendement n° 7 , je rappelle que les plages horaires d'ouverture seront élargies, ce qui correspond à ce que souhaite notre collègue.
Cela étant, j'ajoute qu'il faut aussi laisser un peu de souplesse au dispositif. Il convient de voir comment les choses vont fonctionner dans la pratique. Et comme je le disais à l'instant au sujet d'un autre amendement, l'effort de rationalisation est important. Une méthodologie doit être mise en place. Il ne faut pas non plus trop contraindre les choses. L'objectif est fixé, et le rapport annexé est, à mon sens, suffisamment précis.
Avis défavorable, donc, car les deux amendements me semblent satisfaits.
Je veux dire à mon tour à M. Zumkeller que l'objectif qu'il vise est le même que celui qui est poursuivi par le présent projet de loi. Celui-ci entend, comme l'a préconisé la mission d'information sur l'exécution des décisions de justice pénale, généraliser les bureaux d'exécution des peines, pour les mineurs comme pour les majeurs, à l'ensemble du territoire national. Il prévoit ainsi le renfort de 104 greffiers et de 103 agents de catégorie C, soit 207 équivalents temps plein qui seront créés pour cela. Ce sont 21,6 millions d'euros qui seront consacrés, entre 2013 et 2017, à ce dispositif.
Je pense donc que les amendements de M. Zumkeller, qui poursuivent le même objectif que le projet de loi, sont satisfaits. Nous ne pouvons pas dire que nous y sommes « défavorables », puisque nous voulons la même chose. Je lui demanderais plutôt de bien vouloir retirer ses amendements.
S'agissant du second d'entre eux, ce sont évidemment les présidents de juridiction qui fixeront les horaires. On ne peut pas faire autrement que de leur faire confiance. Mais le rapport annexé indique une direction, qui sera naturellement suivie.
Puisque M. Zumkeller a entièrement satisfaction, puisqu'il a raison, puisque la commission a bien voulu reprendre ses idées, je lui demande, ses deux amendements ayant eu le mérite de prouver que nous étions d'accord, de bien vouloir les retirer.
Nous sommes tous d'accord, je crois, sur l'efficacité et l'utilité des BEX. C'est une bonne mesure. Mais M. Zumkeller, qui a rédigé un rapport particulièrement intéressant sur la justice des mineurs, apporte quelque chose de plus avec son amendement n° 6 . Il nous dit en effet que la mission du BEX ne doit pas être confiée à un éducateur de la PJJ, parce que ce n'est pas sa fonction. Il est important que ce soit une personne appartenant à l'appareil judiciaire qui rappelle au mineur la condamnation prononcée à son encontre. Cette condamnation sera ensuite suivie par l'éducateur. La précision proposée par cet amendement me semble utile et importante.
Je suis tout à fait prêt à retirer mes amendements. Mais je crois qu'effectivement, le fond du sujet est là.
Je rappelle quand même au rapporteur que ces amendements ne sont pas nés de mon imagination. Ils sont issus de mon rapport, ainsi que de nombreuses rencontres sur le terrain, qui ont fait ressortir les deux questions que j'ai soulevées.
Cela étant, je retire ces amendements.
Cet amendement propose de supprimer les alinéas 97 à 100, qui concernent le diagnostic à visée criminologique. M'étant largement exprimé sur ce sujet dans la discussion générale, je considère qu'il est défendu.
Contrairement à ce qui est dit dans l'exposé sommaire de cet amendement, le diagnostic à visée criminologique n'est pas un dispositif « lourd, chronophage et inadapté ».
Non, non. Il y a eu des expérimentations, qui ont donné satisfaction.
Et puis, il faut dire clairement que ce formulaire est rempli par les conseillers d'insertion et de probation, et qu'il est évidemment important pour la suite du parcours. C'est une information supplémentaire qui est donnée. Il s'agit d'un diagnostic « à visée criminologique », ce qui me conduit à revenir à un sujet auquel je tiens beaucoup. C'est ce qui nous permet de mieux appréhender la personnalité, c'est ce qui permet de donner au magistrat un certain nombre d'informations qui seront absolument capitales, ensuite, pour la gestion du détenu.
Tout cela concourt à l'individualisation de la prise en charge de chaque personne placée sous main de justice. Tout ce qui permet de donner à l'autorité judiciaire un maximum d'informations sur la personne dont elle doit s'occuper me semble aller dans le bon sens. Et le dispositif a donné de bons résultats, d'après les éléments dont nous disposons. Voilà pourquoi l'avis de la commission est défavorable.
Je voudrais dire à M. Dolez quelques mots à propos du diagnostic à visée criminologique. Si l'on veut un suivi différencié des personnes condamnées, il faut bien procéder au départ à une analyse de la situation de ces personnes, sinon, cela n'aurait pas de sens.
Il est vrai que ce n'est pas une opération banale mais sérieuse, car c'est à partir de ce diagnostic que l'on va mettre en place tout le suivi de la personne concernée.
Des expérimentations ont été menées dans onze sites différents. Une première évaluation interne a été menée et des modifications sont en cours. Les choses ne sont donc pas établies une fois pour toutes et pour l'éternité, mais je crois que ce diagnostic à visée criminologique est un vrai progrès, parce qu'il permet un traitement différencié pour chaque personne concernée.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous retiriez votre amendement, plutôt que de devoir le repousser. Nous pourrions au moins être d'accord sur le fait que pour mettre en place un traitement différencié, il faut au départ analyser la situation réelle des personnes. Peut-être y aura-t-il des modifications à apporter à ce diagnostic, il n'y a pas de raisons de dire à l'avance que ce ne sera pas le cas, mais nous disposerons d'un premier outil permettant de mettre véritablement en place cette nouveauté que constitue le traitement différencié, qui est une des données importantes de ce texte.
J'avoue que je suis un petit peu surpris par l'argumentation du ministre et du rapporteur, comme je l'ai été pour l'amendement précédent qui concernait la méthode « Lean ». Dans les deux cas, il y a eu expérimentation ; dans les deux cas, les professionnels, les organisations syndicales, et, dans le cas de méthode « Lean », les magistrats font part de leurs réserves.
Pas tous !
Pas tous, mais beaucoup. Je pense que s'il y a expérimentation, il faut qu'il y ait évaluation, et il faut écouter celles et ceux qui sont sur le terrain, et qui sont chargés d'appliquer la méthode ou d'utiliser le diagnostic. Sur le diagnostic en particulier, le constat des organisations syndicales et des travailleurs sociaux – je les ai rencontrés – est particulièrement sévère et les choses sont loin d'être aussi positives que vous les présentez. Je maintiens donc mon amendement.
Trois éléments.
Premièrement, tout le monde souhaite évidemment disposer d'un outil permettant de prédire l'avenir, mais il faut être assez prudent sur ce sujet.
Deuxièmement, cet outil censé prédire l'avenir a été expérimenté, mais les résultats de l'expérimentation n'ont pas fait l'objet d'une grande discussion publique qui serait à mon avis nécessaire.
Troisièmement, dans cette approche il faut avoir une démarche scientifique, donc espérer faire avancer les choses, mais en même temps se méfier de la pensée magique : il n'y aura jamais d'outil permettant de prédire l'avenir.
Le rapport de l'académie de médecine sur le diagnostic et les analyses actuarielles est assez intéressant puisqu'il reconnaît que des progrès sont possibles avec les analyses actuarielles mais, même si elles sont invoquées en permanence, elles ne permettent pas une fiabilité supérieure à 50 %.
Le rapport ne dit pas cela exactement de cette façon : les médecins définissent un coefficient compris entre 1 – tout à fait fiable – et 0,5 – fiabilité nulle. Dans le rapport, le coefficient est de 0,75, ce que je traduirais, peut-être un peu rapidement, par une fiabilité de 50 %. Mais lors d'une audition réalisée dans le cadre de la mission sur l'exécution des décisions pénales dirigée par M. Blanc, tous ont attiré notre attention sur le fait qu'il faut rappeler aux magistrats qu'aucun diagnostic ne permet de déterminer avec certitude comment les choses vont se passer. La question de la dangerosité n'est pas forcément toujours acquise, il existe des personnalités dangereuses, mais c'est la rencontre de personnalités et de circonstances qui font que les événements se réalisent. Il faut à la fois peser sur les personnalités et prévenir les circonstances qui permettent la commission de nouveaux délits.
Pour répondre à M. Raimbourg, cet amendement porte sur le diagnostic à visée criminologique, nous ne parlons pas des grilles actuarielles évaluant la dangerosité. C'est un autre débat, sur lequel je ne partage d'ailleurs pas du tout son avis. Mais il ne faut pas confondre : nous parlons ici uniquement du diagnostic à visée criminologique.
Monsieur Dolez, ce diagnostic est un simple formulaire rempli par le conseiller d'insertion et de probation qui reçoit la personne, puis complété au fur et à mesure des entretiens tout au long du parcours de l'individu. Pour répondre complètement à vos interrogations, ce document a été élaboré par des professionnels de terrain, puisque ce sont des conseillers d'insertion et de probation, des cadres de la filière insertion et probation représentant la direction de l'administration pénitentiaire – donc ceux-là même qui vont s'en servir – qui l'ont conçu et élaboré. Pour être totalement complet, lors des auditions préparatoires à mon rapport, j'ai entendu, notamment à Bordeaux, des directeurs de services pénitentiaires d'insertion et de probation qui m'ont clairement dit que c'était un instrument très utile. Je crois donc avoir été assez clair sur le sujet.
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l'amendement n° 41 .
Nous abordons maintenant la question très compliquée des expertises psychiatriques, et du manque d'experts psychiatres.
La première difficulté est que nous sommes victimes du manque de psychiatres, qui affecte la psychiatrie publique et privée, spécialité qui ne parvient pas à attirer suffisamment. Sauf erreur de ma part, il y a 13 000 psychiatres en France, 6 000 dans le public et 7 000 dans le privé, et il manquerait dans le privé un certain nombre de praticiens : le chiffre de 800 postes vacants a été cité. Nous faisons donc appel à des médecins étrangers pour venir combler les vacances de postes.
La seconde difficulté est plutôt inhérente à la justice elle-même et tient à un défaut de professionnalisation des collaborateurs occasionnels du service public : outre que leur rémunération est un peu faible, leur statut fiscal et social n'est pas extrêmement assuré. En clair, il n'est pas certain que toutes les sommes versées fassent l'objet de cotisations sociales et de déclarations fiscales. Cette question se pose pour les experts, mais aussi au-delà pour les interprètes et les délégués des procureurs. Des associations agréées se plaignent que certains délégués du procureur soient payés sous forme de frais, ce qui est une concurrence déloyale par rapport à la situation dans laquelle se trouvent les professionnels qu'elles embauchent et qui sont salariés. Certaines informations font état d'un retard de paiement de cotisations à l'URSSAF.
C'est une question difficile sur laquelle il y a des progrès à faire mais qui seront, à mon avis, relativement coûteux. Nous nous éloignons un petit peu du sujet, mais il faut que nous réfléchissions à l'avenir au problème de la professionnalisation des intervenants extérieurs qui interviennent parfois très fréquemment et régulièrement.
Monsieur Raimbourg, je partage votre souci de la nécessité d'encourager les experts psychiatres. Il y a, c'est vrai, un problème : nous demandons de plus en plus aux experts psychiatres alors qu'il y en a de moins en moins. C'est une vraie question sur laquelle il faudra revenir, et j'ai déjà émis pour ma part quelques idées sur ce sujet.
Mais justement, le Gouvernement a le mérite, dans ce projet de loi, de lancer une piste nouvelle pour encourager l'expertise en matière de psychiatrie criminelle. Le processus qui nous est proposé est intéressant et j'ai souhaité le conforter lors des travaux préparatoires à ce rapport.
Pour en revenir à l'amendement lui-même, il pose problème, car il prévoit d'inciter les internes de médecine psychiatrique à demander leur inscription sur les listes d'experts judiciaires. Or, ce ne sont pas les internes en médecine qui peuvent demander leur inscription, mais les médecins psychiatres eux-mêmes. Il y a bien sûr un cursus d'interne, à la suite duquel on devient médecin. Si je comprends la volonté de son auteur, je ne puis néanmoins qu'être défavorable à cet amendement.
Même avis.
La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l'amendement n° 42 .
Je souhaite le retrait de cet amendement, à défaut avis défavorable.
Quelques explications complémentaires. L'amendement de Dominique Raimbourg prévoit un procédé intéressant. Dans le cadre du tutorat, il propose de faire en sorte que, lors des vingt premières expertises, les jeunes médecins psychiatres nommés en qualité d'experts – les experts juniors – puissent être accompagnés d'un tuteur plus âgé et plus expérimenté.
Toutefois, l'amendement est rédigé de telle sorte que l'expert psychiatre junior accompagne l'expert psychiatre senior au cours d'un stage de vingt expertises. Or, en réalité c'est l'inverse, c'est plutôt l'expert senior qui vient accompagner le junior dans ses vingt premières expertises : c'est quand même le médecin expert moins expérimenté qui est accompagné par son tuteur, et non l'inverse. Telle est la précision que je souhaitais apporter.
Je veux à mon tour donner une réponse un peu plus longue. Cela vient d'être rappelé, l'amendement de M. Raimbourg prévoit que les liens entre les médecins traitants, les condamnés et les juges de l'application des peines se feront par l'intermédiaire des médecins coordonnateurs. Or, s'agissant des condamnés en détention, il n'existe pas de médecin coordonnateur. Il n'en est en effet désigné que pour le suivi, après leur libération, des personnes placées sous suivi socio-judiciaire avec injonction de soins. Cette règle existe depuis la loi Guigou de juin 1998 qui a créé ce suivi socio-judiciaire.
C'est la raison pour laquelle j'avais demandé à M. Raimbourg de retirer son amendement.
En effet, monsieur le garde des sceaux, avez-vous bien évoqué l'amendement n° 42 ?
Ah, non, je vous ai donné ma réponse sur l'amendement n° 44 ! Cela prouve que j'ai toujours un peu d'avance sur Mme Lebranchu ! (Sourires)
J'indique à M. Garraud que ce n'est pas par erreur que l'amendement est formulé de la sorte.
Nous constatons, en discutant avec les jeunes médecins psychiatres, que beaucoup ne veulent pas franchir le pas d'aller s'inscrire sur les listes d'expertises, parce qu'ils lisent dans les journaux les échecs des uns et des autres. Aller faire une expertise est très anxiogène, ce n'est pas facile.
C'est pour inciter les jeunes médecins à s'inscrire que nous proposons que les seniors soient accompagnés par un junior dans le cadre d'un stage d'une vingtaine d'expertises, afin que le junior apprenne la façon de s'y prendre. Bref, c'est une façon d'inciter les jeunes à s'inscrire.
Monsieur le garde des sceaux, le premier intérêt de cette proposition est qu'elle ne coûte rien – il suffit seulement de convaincre les médecins seniors de travailler un peu plus. Mais elle est surtout importante car plus vous avancez dans cette direction, qui est une bonne direction, plus vous vous rendez compte que les jeunes psychiatres, en particulier dans le privé, ne se sentent pas confortés dans cet exercice.
(L'amendement n° 42 n'est pas adopté.)
Afin que les services d'insertion et de probation – les SPIP – soient en mesure de remplir pleinement leurs missions, le Gouvernement propose la mise en place d'équipes mobiles et la création au plan national de quatre-vingt-huit emplois. Cette mesure ne nous paraît pas satisfaisante pour deux raisons.
D'abord, ces emplois, comme le soulignent les syndicats, sont notoirement insuffisants compte tenu des nombreuses lois intervenues ayant un impact sur le service public pénitentiaire d'insertion et de probation. Sur ce point, permettez-moi de citer l'étude d'impact concernant le projet de loi pénitentiaire, devenu depuis la loi du 24 novembre 2009 : « Afin de faciliter la mise en oeuvre des aménagements de peine, il apparaîtrait nécessaire de passer de quatre-vingts à soixante dossiers par conseiller d'insertion et de probation, ce qui nécessiterait la création de mille postes. » Aussi, nous ne comprenons pas pourquoi aujourd'hui ce n'est plus le manque d'effectifs qui serait en cause, mais l'organisation de ces services.
Ensuite, vous prévoyez que ces équipes mobiles, constituées pour renforcer les services d'insertion et de probation en cas de pic d'activité, offriront davantage de souplesse dans la gestion des effectifs. Cela revient ni plus ni moins à gérer la pénurie des effectifs. Derrière cette logique gestionnaire, visant à une plus grande efficience organisationnelle, se cache votre refus d'octroyer les moyens matériels et humains conséquents.
Si vous souhaitez réellement que les services d'insertion et de probation soient en mesure de remplir convenablement leurs missions, la seule solution est de procéder à la création de postes fixes, au recrutement d'agents titulaires fondé sur l'évaluation précise des besoins. On ne peut lutter efficacement contre la récidive si l'on ne se dote pas des moyens suffisants pour y parvenir.
, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission. Je suis quelque peu surpris par l'argumentation de M. Dolez. Je rappelle que la politique d'exécution des peines pour les années 2013 à 2017 créera au total près de 7 000 emplois équivalents temps plein. C'est dire que nous donnons les moyens de cette politique.
Vous êtes très critique sur la mise en place d'équipes mobiles. Celles-ci renforceront les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Je ne vois donc pas pourquoi la création de telles équipes serait négative dans la mesure où cela introduit plus de souplesse et qu'elles répondront aux besoins des équipes permanentes, ce qui représente incontestablement un progrès.
Je rappelle en outre que ce dispositif répond aux préconisations du rapport de l'inspection générale des services judiciaires et de l'inspection générale des finances de juillet 2011, suite à la terrible affaire de Pornic.
De notre point de vue, il est absolument nécessaire de mettre en place ces équipes mobiles.
Avis défavorable, donc.
Depuis 2002, plus de 1 600 postes d'insertion et de probation ont été créés, monsieur Dolez, car augmenter les capacités des SPIP est une absolue nécessité. Je rappelle que l'école d'Agen forme spécifiquement les conseillers des SPIP.
Nous vous proposons la création d'équipes mobiles et de quatre-vingt-huit postes afin de pouvoir gérer l'évolution des besoins d'un secteur à un autre. Il existe aujourd'hui de grandes disparités dans les charges de travail entre un département et un autre. Certains départements sont plus que d'autres demandés par les jeunes qui sortent de l'école, ce qui fait baisser le nombre de dossiers par conseiller dans les SPIP. Il s'agit donc de gérer ces disparités. Introduire de la souplesse correspond à l'une des définitions essentielles du service public, à savoir l'adaptation. Par ailleurs, nous allons recentrer les SPIP sur leur coeur de métier, ce qui dégagera 130 équivalents temps plein pour diminuer le nombre de dossiers par conseiller dans les SPIP dans chaque secteur géographique concerné.
C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. Dolez a raison d'insister sur le manque de personnels. La faiblesse de ce projet de loi tient au fait que tout est focalisé sur les peines d'emprisonnement et l'emprisonnement ferme.
Non !
L'effort en direction des SPIP est très faible. Et le texte souffre de ne prévoir ni suivi ni renforcement du suivi à la sortie.
Autre lacune, l'imprécision quant au taux d'encadrement et au nombre de personnels qui sera recruté pour faire face aux détenus qui occuperont ces 24 000 places. Le taux moyen d'encadrement est habituellement de 0,45. Si l'on multiplie 0,45 par 24 000, on aboutit à la conclusion qu'il faut embaucher 10 800 personnes. Nous sommes loin du compte car votre projet ne prévoit que 7000 recrutements.
Certes, vous me direz qu'avec les structures allégées, il y aura moins de monde.
Vous connaissez donc la réponse.
En effet, mais je me permets de vous faire remarquer que tout ceci est bien imprécis et que l'on ne comprend pas très bien comment vous réussirez à économiser 3000 postes de surveillants.
(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 43 .
Il est défendu !
(L'amendement n° 43 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Sous prétexte de recentrer les conseillers d'insertion et de probation sur le suivi des personnes condamnées, le projet de loi entend externaliser certaines missions et confier prioritairement les enquêtes pré-sentencielles ordonnées par le juge d'instruction ou le procureur au secteur associatif habilité.
En réalité, il s'agit, par cette mesure, de résoudre les difficultés structurelles de ces services qui souffrent, nous venons de le rappeler, d'un sous-effectif chronique ; 131 emplois de conseillers d'insertion et de probation seraient ainsi redéployés. Aujourd'hui, le secteur associatif intervient déjà dans l'enquête pré-sentencielle, puisqu'il réalise des enquêtes sociales rapides pour les magistrats. Pour autant, la répartition des tâches entre le secteur associatif et les services d'insertion et de probation ne devrait pas selon nous être déterminée en fonction d'impératifs d'efficience mais résulter de l'évaluation de l'efficacité des tâches accomplies.
En outre, il est pour le moins inquiétant que cette mesure ne soit accompagnée d'aucun budget complémentaire destiné à indemniser les personnes habilitées. Le risque d'une disparition de fait des enquêtes sociales est pour nous bien réel.
Avis défavorable. Le projet de loi prévoit que les enquêtes pré-sentencielles seront effectuées en priorité par le secteur associatif habilité et ensuite par le service pénitentiaire d'insertion et de probation. Nous répondons en fait à la question posée.
Concrètement, cela permet de dégager environ 130 équivalents temps plein de conseillers d'insertion et de probation. Cela permet au service pénitentiaire d'insertion et de probation de se recentrer sur son coeur de métier. Cela participe de la volonté de rationaliser, d'améliorer les conditions de fonctionnement et d'aller à l'essentiel.
Monsieur Dolez, je ne comprends pas. Depuis très longtemps, des associations sont habilitées par les magistrats et participent au travail d'analyse et d'enquête sociale. Pourquoi ne pas continuer ?
Qu'il y ait un service de l'État qui agisse directement sur l'insertion, c'est tout à fait normal. Cela ne veut pas dire que seul le service de l'État est à même d'intervenir. Il est pour le moins curieux que vous souhaitiez priver d'activité le secteur associatif, que vous défendez habituellement.
Nous essayons seulement d'organiser les choses. Au secteur associatif, le pré-sentenciel ; au secteur public intégral – le SPIP –, le secteur post-sentenciel et chacun saura qui fait quoi.
Je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, je me verrais dans l'obligation de m'y opposer très fortement.
Il me semble, monsieur le garde des sceaux, que vous faites semblant de ne pas comprendre…
…que ce soit pour les équipes mobiles ou la répartition nouvelle des tâches avec le secteur associatif. Pour notre part, nous disons qu'il s'agit d'une manière de gérer la pénurie des effectifs.
Mais non ! Ce sont des gens qui travaillent.
Nous pensons qu'il serait bien plus efficace de donner aux SPIP les effectifs nécessaires pour accomplir leurs missions dans les meilleures conditions possibles.
J'ai rappelé que l'étude d'impact de la loi pénitentiaire, qui remonte à seulement deux ans, préconisait de créer un millier de postes. On est donc très loin du compte.
Mais non !
(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg pour défendre l'amendement n° 49 .
L'amendement est satisfait, défavorable.
(L'amendement n° 49 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 50 .
Cet amendement répond à un souci de rationalisation. Dès l'instant où une enquête pré-sentencielle a été réalisée par un membre du SPIP, il est normal que le même service soit chargé d'une deuxième enquête pré-sentencielle, dans l'hypothèse où elle serait demandée.
Avis défavorable : je comprends l'idée de notre collègue, mais son amendement risque de rigidifier et de complexifier le dispositif alors qu'il faut lui laisser de la souplesse.
(L'amendement n° 50 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg pour défendre l'amendement n° 51 .
Il s'agit de préciser dans l'annexe que l'individualisation des peines ne doit pas être oubliée dans le processus de rationalisation de l'analyse.
(L'amendement n° 51 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg pour présenter l'amendement n° 52 .
Nous souhaitons insister sur un élément difficile à mettre en oeuvre mais absolument indispensable : la continuité de la prise en charge des mineurs.
Puisqu'il est pleinement satisfait, cet amendement devrait être retiré.
Cet amendement aborde une question importante.
Afin de justifier l'augmentation de la capacité d'accueil des centres éducatifs fermés, le Gouvernement affirme qu'ils constituent des outils qui ont montré qu'ils étaient efficaces contre la réitération et qu'ils offraient une réponse pertinente aux mineurs les plus ancrés dans la délinquance.
On peut se demander, comme je l'ai fait hier dans la discussion générale, sur quelles études se fonde le Gouvernement pour formuler une telle assertion. Elle est en effet en totale contradiction avec le constat que le contrôleur général des lieux de privation de liberté a établi à la suite de la visite qu'il a effectuée, en 2009, dans quatre centres éducatifs fermés : à Beauvais, à Sainte-Gauburge-Sainte-Colombe, à Fragny et à L'Hôpital-le-Grand.
M. Delarue relève dans ses recommandations, publiées au Journal officiel du 8 décembre 2010, un manque de formation des éducateurs, un recours abusif aux moyens de contrainte physique dans certains centres éducatifs : « les contrôleurs ont constaté dans les centres éducatifs fermés le recours abusif, voire usuel, aux moyens de contrainte physique, laquelle est parfois érigée, dans les équipes les moins qualifiées, au rang de pratique éducative ». « La loi fait obligation aux centres éducatifs fermés d'assurer un “suivi éducatif”. Or, au sein de ces centres, une part du personnel est notamment constituée d'éducateurs “faisant fonction”, parfois sans compétences particulières, peu ou pas formés à l'encadrement des mineurs. ». Il note que cette absence de formation est susceptible de faciliter les tensions et conclut que « la formation d'éducateurs compétents est une exigence pour ces centres éducatifs fermés qui doit être satisfaite rapidement ».
M. Delarue constate par ailleurs de grandes variations dans la prise en charge des soins de santé physique et mentale des enfants, souvent en souffrance. Les liens avec la psychiatrie sont très ténus et quelquefois inexistants, souligne-t-il encore.
Il s'agit donc là d'un tableau nettement plus nuancé que celui qui conduit aujourd'hui à justifier l'accroissement de la capacité d'accueil dans les centres éducatifs fermés.
Pour notre part, nous déplorons que le recours à ces centres soit devenu, ces dernières années, la seule solution pour la délinquance des mineurs au mépris d'autres solutions alternatives à l'incarcération.
C'était également l'avis de la Défenseure des droits de l'enfant qui, dans une étude de juin 2010 sur les centres éducatifs fermés, soulignait la dérive que constitue l'utilisation actuelle de ce dispositif. Elle y rappelait qu'en vertu de la loi du 9 septembre 2002, le placement en centre éducatif fermé s'adresse aux adolescents multiréitérants ou récidivistes, âgés au moins de treize ans et faisant l'objet d'un contrôle judiciaire, d'une mise à l'épreuve ou d'un aménagement de peine. Or, dans les faits, tous les jeunes confiés aux centres ne sont pas récidivistes ou multiréitérants : plus d'un quart d'entre eux n'aurait aucun casier judiciaire et aurait commis leur première infraction depuis moins d'un an. Ce taux atteint 42 % si l'on ajoute les mineurs n'ayant que deux condamnations à leur actif, lesquelles sont majoritairement des condamnations assimilées à une mesure éducative et non à une peine. Il en résulte un dommage direct pour ces adolescents qui se trouvent ainsi stigmatisés en se voyant accoler l'étiquette de « délinquant difficile ». Cette dérive paraît directement imputable à l'absence d'autres solutions alternatives à l'incarcération.
La commission a rejeté cet amendement.
M. Dolez oublie un point très important : les centres éducatifs fermés sont une réussite, leurs résultats sont très performants.
Pour les juges, ils constituent une véritable alternative à l'incarcération – rappelons qu'en France, il y a moins de 700 mineurs incarcérés –, qui contribue à réduire très sensiblement la détention provisoire pour les mineurs.
Deuxièmement, il est établi que le centre éducatif fermé est un outil efficace pour lutter contre la récidive. Au-delà de quatre mois de placement en centre éducatif fermé, le taux de réitération chute considérablement.
Les résultats sont là, vous ne pouvez les nier !
Enfin, je précise que ce sont les juges qui décident du placement ou non dans un centre éducatif fermé. Ils ont toute latitude pour prononcer d'autres mesures. En 2002, nous avons simplement mis à leur disposition un outil supplémentaire remarquable qui empêche la récidive.
Il faut enfin noter que l'effort de la collectivité n'est pas neutre en ce qui concerne l'aspect éducatif de ces centres.
J'aimerais dire quelques mots de cet amendement qui vise à supprimer la disposition qui augmente le nombre de centres éducatifs fermés, point important de ce texte.
Je dois dire que je ne comprends pas la position que soutient M. Dolez. Nous essayons de mettre à la disposition des magistrats toute une palette de réponses pénales. La plus rude d'entre elles est bien évidemment la prison avec le quartier pour mineurs – rappelons à cet égard que l'ordonnance de 1945 prévoit que, dès treize ans, un mineur peut être placé en prison. Les autres réponses reposent sur une gradation d'établissements alliant système répressif et système éducatif, avec primauté donnée à l'éducatif. Il n'est pas toujours facile de les faire fonctionner, nous l'avons vu avec les établissements pour mineurs où agents de la PJJ et agents de l'administration pénitentiaire travaillent ensemble. Mais il est essentiel que ces réponses soient mobilisées car sinon, les jeunes iront en quartier pour mineurs dans une prison, ce que nous voulons éviter.
On a évoqué tout à l'heure le « tout carcéral ». J'aimerais rappeler que ce Gouvernement est le premier à avoir fait diminuer le nombre des mineurs dans les prisons – personne ne pourra dire le contraire.
Je veux porter au crédit de cette majorité ce résultat auquel elle a abouti grâce aux établissements pour mineurs, aux centres éducatifs fermés et aux foyers.
Je n'ai jamais refusé les félicitations de quiconque. Elles sont suffisamment rares de votre part pour que nous les acceptions…
M. Ciotti ne va sans doute pas distribuer ce tract pendant sa campagne électorale !
M. Ciotti est de notre avis. Nous allons avec lui installer un centre éducatif fermé dans le département des Alpes-maritimes car il a vu comme ces établissements fonctionnent bien.
Monsieur Dray, la foi du néophyte est souvent la plus sûre. Nous vous attendons…
Le centre éducatif fermé est une réponse adaptée, décidée par le juge, qui évite de mettre des jeunes en prison, ce qui irait à l'encontre du but recherché. Ils reçoivent une formation professionnelle et bénéficient d'actions éducatives, notamment dans le domaine de la santé, tout en étant gardés à l'intérieur d'un établissement : volet éducatif et volet répressif sont mêlés. Nous considérons que nous ne pouvons pas nous démunir de tels centres, monsieur Dolez.
Nous ne suivons pas complètement Marc Dolez dans sa demande de suppression des centres éducatifs fermés, qui ont fait la preuve de leur efficacité.
Il faut toutefois se montrer prudent sur deux points. Premièrement, il faut écouter le contrôleur général des lieux de privation de liberté quand il souligne une certaine improvisation dans l'organisation, chaque centre ayant des façons de faire différentes. Deuxièmement, il faut écouter l'ex-défenseure des enfants lorsqu'elle remarque que les centres éducatifs ont tendance à devenir le droit commun en matière de placement. Parfois, y sont placés des primo-délinquants qui n'y ont pas véritablement leur place. Ces centres doivent être réservés à des mineurs un peu plus ancrés dans un parcours délinquant.
Je ne demanderais qu'à adhérer à la vision quelque peu idyllique que vous venez de présenter des centres éducatifs fermés, monsieur le ministre.
Je précise que notre amendement ne vise pas à les supprimer mais simplement à ne pas accroître leurs capacités d'accueil. Avant de prendre une telle décision d'extension, il nous semble important de répondre aux questions soulevées par M. Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante dont on se doit de prendre en compte les conclusions. Or, les critiques qu'il formule sont extrêmement sévères.
Dans ces conditions, il me semble bon que l'on réponde d'abord à ces critiques et qu'on prenne éventuellement les dispositions nécessaires. C'est seulement après que l'on pourra poser la question de l'extension de ces centres, sinon nous agirions de manière un peu légère.
Je souhaiterais donc vous entendre, monsieur le ministre, sur ces critiques publiées l'an dernier.
Soyons clairs : personne dans cet hémicycle n'est opposé aux centres éducatifs fermés, d'autant que c'est Mme Lebranchu, à qui je veux rendre ici hommage, qui a ouvert les premiers centres éducatifs renforcés. Vous vous étiez livrés à l'époque à une terrible bataille parlementaire pour nous expliquer qu'il y avait une différence entre « fermés » et « renforcés ». En fait, la différence tient à une seule chose : dans les centres fermés, les portes sont fermées à clef alors que cette fermeture était laissée à la libre appréciation des directions de centres éducatifs renforcés. La gauche avait voulu faire de ces centres une alternative à la détention des mineurs.
La question qui se pose ici est celle de la dérive. À partir du moment où les centres ne disposent pas de personnels qualifiés compétents, le danger est qu'ils deviennent davantage des petits centres de détention que des centres éducatifs.
L'amendement de notre collègue porte sur cette question-là et non pas sur le bien-fondé des centres. Ils nous paraissent à l'évidence une bonne solution et c'est pour cela que la gauche avait initié leur création en son temps.
Monsieur Dray, je suis d'accord avec la position que vous exprimez. Je note simplement que lorsque les centres éducatifs fermés ont été créés par M. Perben, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, vous vous y étiez opposés… Ne rouvrons pas ce débat…
Tout le monde peut se tromper, mais vous vous êtes encore opposés récemment au service citoyen comme vous vous êtes opposés à toutes les améliorations que nous avons proposé d'apporter au fonctionnement de la justice.
Aujourd'hui, je m'étonne de la position de M. Dolez. J'ai procédé à des auditions pour préparer le rapport sur l'exécution des peines – l'augmentation de la capacité des centres éducatifs fermés faisait d'ailleurs partie des cinquante propositions dont M. Raimbourg soulignait tout à l'heure la cohérence, ce qu'il n'avait pas dit lors de la publication du rapport : vous voyez bien qu'il n'y a pas aujourd'hui que le tout-carcéral.
Je veux en témoigner, lors de ces auditions, les magistrats, quel que soit le syndicat auquel ils appartenaient, ont tous souligné l'efficacité des centres éducatifs fermés. Cet amendement de M. Dolez est donc moins pertinent que jamais ; au contraire, il faut augmenter la capacité des centres éducatifs fermés, et je salue l'engagement du Gouvernement en la matière.
Tout à l'heure, dans les propos tenus par l'opposition sur la prison, on avait le sentiment d'un retour du débat sur les quartiers de haute sécurité. Ce débat est clos, il n'en est pas question. Maintenant, avec les centres éducatifs fermés, on a l'impression que le débat porte sur le retour des maisons de correction : ce n'est évidemment pas du tout cela, ce n'est pas du tout le tableau qu'il convient de dresser des centres éducatifs fermés !
D'abord, les résultats sont bons. Le taux de réitération chute, je l'ai indiqué tout à l'heure : c'est un résultat important. Rappelons aussi que, pour un mineur placé en centre éducatif fermé, il y a deux éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse !
Je comprends bien les réserves, sur certains points, du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous entendons ses avis, nous les respectons, vous le savez ; il y a certainement des progrès à faire, mais le tableau que vous avez dressé tout à l'heure ne correspond pas à la réalité.
Je reviens sur ce que vient de dire notre collègue Ciotti.
Si nous étions opposés à ce que l'on « ferme » les centres éducatifs c'est parce qu'existaient déjà les centres éducatifs « renforcés » – outils qu'il faut distinguer des centres de placement immédiat, sur lesquels je reviendrai – et parce que les éducateurs de la PJJ ne sont pas habilités à « fermer » ces centres au sens pénitentiaire du terme : ils ne peuvent pas être responsables si la fermeture n'est pas parfaite. Si vous fermiez les centres éducatifs renforcés, ce que proposait M. Perben à l'époque, il fallait donc affecter à ces centres du personnel capable de prendre en charge ces fonctions, du personnel dont c'est le métier.
Nous nous sommes donc battus contre une modification qui nous paraissait inutile : l'excellence des centres éducatifs renforcés, devenus depuis centres éducatifs fermés, est due au métier d'éducateur et au fait que la nécessité d'une présence permanente impose que l'on dispose de deux éducateurs pour chaque jeune placé.
C'est pour ces raisons que j'ai toujours pensé que les centres éducatifs fermés d'aujourd'hui ne le sont pas réellement, ou pas toujours. C'est donc contre cette image que nous nous battions.
Ce que dit M. Dolez est intéressant : lorsque le personnel éducatif manque, arrive un moment où la seule solution est de fermer les portes, c'est-à-dire de priver de liberté, alors qu'à l'intérieur, il n'y a plus le même protocole d'accompagnement. M. Dolez a raison de faire écho aux propos de M. Delarue : dans ce cas-là, on place des jeunes dans un lieu de privation de liberté, parce que l'on n'a pas assez de personnel pour faire en sorte que ce lieu soit un centre éducatif au sens plein du terme, avec cette formule des deux pour un. On fabrique donc un petit centre de détention.
Je préfère que l'on ne se cache jamais derrière son petit doigt : s'il n'y a pas de place en centre éducatif renforcé, et si l'acte qui a été commis est particulièrement grave, je préfère que le jeune – à la demande, bien évidemment, d'un magistrat – soit placé dans un centre pour jeunes détenus. Il ne sert à rien de jouer avec les appellations : il y a parfois en prison des mineurs dont il est parfaitement justifié qu'ils y soient, parce que l'on n'a pas trouvé pour eux d'autre solution que celle-là. Évidemment, à l'intérieur de cette prison pour mineurs, le travail déjà mené à un moment de notre histoire partagée – l'école, l'apprentissage, éventuellement un accompagnement psychiatrique ou en tout cas psychologique – doit continuer, et continuer dans de bonnes conditions.
On aurait donc intérêt à remettre de l'ordre dans nos appellations ; évitons d'appeler centres éducatifs fermés des lieux qui sont en réalité de petits centres de détention. C'est la question posée à M. le garde des sceaux : si c'est M. Delarue qui le dit, c'est sûrement une réalité.
Enfin, je conclurai en rappelant qu'à côté des centres éducatifs renforcés, nous avions créé les premiers centres de placement immédiat. Certains ont été des échecs complets – quand il y a des échecs, il faut aussi le reconnaître. Je me souviens ainsi du centre de Montpellier : m'étant rendue sur les lieux, j'avais trouvé des éducateurs dans l'incapacité de faire face à la violence qui s'était exercée la nuit précédente.
C'est vrai.
Ces centres de placement immédiat constituaient donc une bonne réponse, même si elle n'était pas suffisamment travaillée. Entre le moment où un délit est commis et le moment où une sanction est prononcée par le juge des enfants, il peut être bon, pour la société mais aussi pour le jeune, qui est quelquefois dangereux aussi pour lui-même, de l'extraire du milieu dans lequel il vit et de commencer à travailler avec lui. Le centre de placement immédiat permettait donc de répondre dans de bonnes conditions aux réflexions que j'entends tout le temps, et qui justifient parfois des excès : « comment se fait-il que les coupables aient été relâchés ? Je les ai vus dans la rue alors qu'ils ont commis tel ou tel acte. ».
Mais pourquoi le juge des enfants n'a-t-il pas placé le jeune ? Parce qu'il ne disposait d'aucune solution. Il faudrait donc reconstruire cette continuité : centres de placement immédiat, puis centres éducatifs renforcés – fermés ou pas, puisque de toute façon on sait qu'ils ne le sont pas vraiment, alors autant dire la vérité – et enfin certains outils supplémentaires, comme des internats destinés à des enfants en difficulté mais qui n'ont besoin ni d'un CPI, ni d'un CEF, ni bien évidemment d'aller en prison.
Je crois donc qu'on pourrait trouver ce consensus dont rêve M. Ciotti, mais à condition de dire la vérité, de décrire les outils tels qu'ils sont, et de répondre à la question posée par M. Dolez : faute de moyens éducatifs, certains centres éducatifs dits « fermés » ne sont-ils pas en réalité de petits centres de détention ?
Je veux répondre à la question de M. Dolez, ainsi qu'à celles de Mme Lebranchu et à celles que chacun peut se poser dans cette assemblée.
J'ai une petite expérience du centre éducatif fermé, car il se trouve que, dans le canton dont je suis l'élu depuis très longtemps, nous avons accepté d'en accueillir un, à un moment où personne ne savait trop ce dont il s'agissait : puisque personne ne voulait, dans le département, accueillir ce centre, je l'ai pris chez moi – il fallait bien une solution.
Un jour, je prendrai peut-être M. Dray chez moi : il faudra qu'il fasse de vrais progrès, mais je suis plein d'espérance ! (Sourires.)
Mais je ne sais pas combien de dizaines d'années il faudra à M. Dray pour y arriver !
Monsieur Dolez, les critiques formulées par M. Delarue portaient sur quatre centres éducatifs fermés – quatre sur quarante-quatre, et il aurait pu ajouter le mien, dans lequel j'ai fait réaliser des inspections, parce que je voyais que ça n'allait pas bien. Nous avons eu des problèmes, c'est vrai, et je ne prétendrai pas le contraire.
Mais c'est le problème de l'âge des CEF, qui venaient tout juste d'être créés : ces critiques datent de 2010 ; depuis, nous avons travaillé, et elles ont été prises en considération. En particulier, la formation des personnels à l'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse a été modifiée en conséquence. Ce matin même encore, le contrôleur général a d'ailleurs participé à une réunion de travail sur ce sujet avec les directeurs interrégionaux de la PJJ.
Il n'y a donc pas d'un côté M. Delarue, contrôleur général, qui fait des observations, et de l'autre le ministère qui lui répond par écrit. Nous travaillons ensemble !
Bien sûr, et je le dis sans problème.
Une création n'est jamais parfaite le tout premier jour : il faut du temps, il faut travailler, il faut adapter. C'est ce que nous avons fait, c'est ce que nous faisons avec les centres éducatifs fermés. Ce matin encore, le contrôleur général travaillait avec les directeurs interrégionaux de la PJJ parce qu'il y aura toujours des choses à améliorer.
Mais je veux redire que, pour nous, le centre éducatif fermé n'est pas un centre de détention : c'est un centre dans lequel on garde les jeunes – ils ne sont pas libres d'aller et de venir – mais dans lequel ils reçoivent une formation.
C'est la raison pour laquelle je vous demande à nouveau, monsieur Dolez, de bien vouloir retirer votre amendement, car vous avez eu entière satisfaction.
C'est parfait !
Je suis saisi d'un amendement n° 53 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Je suis saisi d'un amendement n° 9 .
La parole est à M. Michel Zumkeller.
Cet amendement a pour but d'établir une sorte de méthodologie pour les relations entre les différents intervenants – magistrats et personnels des centres éducatifs – afin qu'en cas d'incident, les choses puissent être clarifiées et des réponses apportées le plus vite possible.
C'est avant tout une demande des personnes qui travaillent dans ces centres éducatifs fermés, ainsi que des magistrats. Cela a été dit plusieurs fois au cours de ce débat : la réponse à un incident doit être aussi rapide et aussi pertinente que possible.
Je considère cet amendement comme pleinement satisfait. Plusieurs dispositions de la circulaire du 13 novembre 2008 portant cahier des charges des centres éducatifs fermés favorisent justement une réponse immédiate et adaptée à tout manquement au règlement de fonctionnement, ainsi d'ailleurs qu'à tout manquement qui pourrait constituer une infraction pénale.
Il faut par ailleurs préciser que, lorsqu'un mineur arrive dans un centre éducatif fermé, s'il fait bien entendu l'objet d'une surveillance et d'un contrôle strict, il fait également l'objet d'une prise en charge évolutive. Le projet éducatif est élaboré en trois phases, et tout est très clair dès le départ. Cette prise en charge est bien sûr individuelle, réalisée par une équipe pluridisciplinaire, et les magistrats sont naturellement informés en permanence de toute difficulté et de tout incident qui pourraient intervenir à l'intérieur du centre éducatif fermé. Au fur et à mesure, toutes les adaptations nécessaires peuvent donc être faites.
Je connais tout l'intérêt des rapports de notre collègue Zumkeller, mais je considère qu'ils ont ici été pris en compte. Je lui demanderai donc de bien vouloir retirer son amendement.
Je donnerai mon avis si M. Zumkeller ne retire pas son amendement… (Sourires.)
Si cette circulaire date de 2008, et je vous fais entièrement confiance sur ce point, monsieur le rapporteur, je vous rappelle que le rapport que nous avons rendu date du mois de juin 2009 : or c'est lors des auditions effectuées pour le préparer que les intervenants nous ont dit qu'il n'y avait pas de méthodologie.
Je veux donc bien retirer l'amendement, ce n'est pas un problème, mais il serait peut-être sage de diffuser à nouveau cette circulaire : manifestement, entre la circulaire et la réalité sur le terrain, il y a quand même de vrais problèmes.
Je suis saisi d'un amendement n° 1 , portant article additionnel avant l'article 4.
La parole est à M. Richard Mallié, pour le soutenir.
Le projet de loi se fixe notamment comme objectif de renforcer les dispositifs de prévention de la récidive.
La famille doit être un partenaire privilégié de toute action de prévention de la délinquance car elle constitue le premier cadre éducatif. Malheureusement, il est fréquent aujourd'hui que la délinquance naisse d'un déni d'autorité.
C'est pourquoi, la loi du 5 mars 2007 a créé le Conseil pour les droits et devoirs des familles, le CDDF, dispositif d'aide à la parentalité qui est obligatoire pour les communes de plus de 50 000 habitants. Présidé par le maire, ce Conseil se fixe pour objectifs de soutenir la fonction parentale, de prévenir et lutter contre l'absentéisme scolaire et d'accompagner les parents le plus en amont possible pour protéger les mineurs des dérives délinquantes.
Il y a quinze ans, j'étais maire d'une commune qui comptait tout juste 10 000 habitants. Avec deux maires de sensibilité complètement différente de communes voisines, ce qui représentait un ensemble de 20 000 habitants, nous avions créé le Conseil intercommunal de prévention de la délinquance. Ce dispositif avait très bien fonctionné.
Les statistiques montrent aujourd'hui une véritable adhésion des maires à ce dispositif. Au cours des douze derniers mois, le nombre de CDDF a plus que doublé, passant de 102 à la fin de 2010 à plus de 230 aujourd'hui. Cela représente une très grande majorité des communes de plus de 50 000 habitants.
Compte tenu du succès rencontré par les CDDF, il est donc nécessaire de les généraliser aux communes de plus de 10 000 habitants. Tel est l'objet du présent amendement.
je comprends bien le souci de Richard Mallié. Comme il l'a indiqué, le Conseil pour les droits et devoirs des familles représente un véritable progrès.
Cet amendement vise à abaisser le seuil de création obligatoire de ces conseils de 50 000 à 10 000 habitants afin de prévenir la délinquance. Comme nous examinons un texte sur l'exécution des peines et non sur la prévention de la délinquance, on peut considérer qu'il s'agit d'un cavalier législatif.
Le seuil obligatoire de création d'un Conseil pour les droits et devoirs des familles porté à 50 000 habitants est issu de la LOPPSI adoptée en mars 2011. Laissons donc le temps à cette mesure d'être appliquée avant de se demander s'il faut abaisser le seuil.
Aussi, l'auteur de l'amendement pourrait-il être satisfait par ce qui vient d'être indiqué.
Même avis que le rapporteur. Il s'agit d'un cavalier législatif. Aussi, je demande à M. Mallié de bien vouloir retirer son amendement.
Monsieur le rapporteur, je me permets de vous lire ce qui est écrit à la page 4 du rapport n° 4001 : « C'est l'ambition du présent projet de loi de programmation relative à l'exécution des peines, qui s'articule autour de trois axes : garantir l'effectivité de l'exécution des peines, renforcer les dispositifs de prévention de la récidive, améliorer la prise en charge des mineurs délinquants. » Aussi, je me dis que mon amendement vise précisément l'un de ces trois axes.
Toutefois, comme le rapporteur a répondu à mon interrogation qui était aussi celle des cosignataires de cet amendement en me disant qu'il s'agissait d'un cavalier législatif, je retire l'amendement.
(L'amendement n° 1 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2 , portant article additionnel avant l'article 4.
La parole est à M. Richard Mallié, pour le soutenir.
Et même par de très bons députés !
Merci pour eux !
Comme je viens de l'indiquer, ce projet de loi se fixe notamment comme objectif de renforcer les capacités de prévention de la récidive.
Partager le secret n'est pas possible, mais partager l'information est une nécessité. Or l'information ne circule pas. Cette lacune affecte lourdement la prévention de la récidive dans notre pays.
C'est pourquoi, avec le président de l'Association des maires de France, Jacques Pélissard, et plus de deux cents députés de la majorité, nous avons décidé d'apporter une réponse concrète en déposant cet amendement.
Il est nécessaire d'améliorer la circulation entre les différents acteurs qui sont censés prévenir la récidive, à savoir le monde judiciaire, les forces de police et de gendarmerie et les élus locaux.
La loi de mars 2007 fait désormais du maire un acteur important de la politique de sécurité et de prévention. Afin qu'il remplisse sa mission, il apparaît important de lui donner la possibilité d'être informé, à sa demande, par le parquet de l'arrivée dans sa commune d'une personne sous surveillance judiciaire ou sous surveillance de sûreté, c'est-à-dire les criminels les plus dangereux qui présentent un risque avéré de récidive.
L'information des forces de police est certes nécessaire et complémentaire, mais nul ne connaît mieux le terrain que celui qui y vit et que le maire de la commune.
Mobiliser les différents acteurs concernés et faire circuler l'information ne pourra qu'améliorer l'action de prévention.
Seuls les maires volontaires seront concernés car ils en auront fait la demande expresse au procureur et, à l'occasion de cette transmission d'informations, il leur sera rappelé leurs obligations en termes de secret professionnel.
Protéger les Français, ce n'est pas se contenter de sanctionner le criminel une fois le crime commis. Protéger les Français, c'est avant tout prévenir le crime et surtout la récidive. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Cet amendement, cosigné par de très nombreux députés et qui pose une vraie question, a toutefois été repoussé par la commission.
Je comprends bien que vous vouliez que le maire, officier de police judiciaire, premier magistrat de la commune, soit informé de l'arrivée dans sa commune d'un individu qui peut se trouver dangereux.
Il ne s'agit pas ici de recommencer le débat qui a déjà eu lieu lors de l'examen de deux autres textes dont j'étais d'ailleurs le rapporteur, la loi pénitentiaire de novembre 2009 et la loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle, Richard Mallié et ses collègues ayant déposé pratiquement le même amendement.
Je ne voudrais pas que cette disposition soit un piège pour le maire. Le maire, et lui seul, sera destinataire de cette information : il ne pourra pas donner d'information sur l'éventuelle dangerosité d'un individu à son propre directeur de police municipale, non plus qu'à ses adjoints ou aux policiers municipaux, sous peine de tomber sous le coup de la loi.
Que peut faire le maire de cette information ? En réalité, pas grand-chose. Il risque de se retrouver dans la situation délicate d'avoir été informé de l'arrivée dans sa commune d'un individu présentant éventuellement une certaine dangerosité qui fait par ailleurs l'objet de contrôles dans le cadre d'une surveillance judiciaire ou de sûreté, mais de ne pouvoir en parler à quiconque ni de pouvoir agir.
Si, par malheur, l'individu en question commet à nouveau des faits, ce qui peut malheureusement arriver, les victimes potentielles pourront se retourner contre le maire et lui dire qu'il n'a rien fait alors qu'il était au courant.
Même si je comprends le souci exprimé par mes collègues, je rappelle que l'article 706-53-7 du code de procédure pénal donne déjà accès à certaines procédures d'information aux maires, aux présidents de conseil général et aux présidents de conseil régional. Ils peuvent en effet avoir accès, par l'intermédiaire des préfets, au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, le FIJAIS, pour « les décisions de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant des activités ou professions impliquant un contact avec les mineurs, ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions ». En clair, le maire peut déjà, par l'intermédiaire du préfet, avoir un certain nombre d'informations sur des personnes qu'il pourrait par exemple être amené à recruter.
Aussi, je le dis très franchement, je me demande si cet amendement ne risque pas de se révéler dangereux pour le maire lui-même.
Enfin, je rappelle que, dans le cadre d'autres structures, le maire collabore avec les services de police, de gendarmerie, les conseils intercommunaux de sûreté et de prévention de la délinquance, c'est-à-dire avec les acteurs locaux avec lesquels il a des contacts permanents. Il est forcément au courant d'un certain nombre d'informations.
Je vous livre mon avis personnel sur cette question. Cela dit, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée et j'entendrai avec intérêt le ministre de la justice sur cette question.
Je le répète, je ne voudrais pas que le maire soit la première victime d'une intention qui, si elle est bonne au départ, peut finalement se retourner contre lui.
Le Gouvernement comprend et partage totalement l'intention de M. Mallié et des très nombreux cosignataires de cet amendement dans la mesure où la sécurité est une chaîne dont fait partie le maire. Comme vient de le rappeler le rapporteur, le maire a un rôle important en matière de prévention reconnu par le code général des collectivités territoriales.
Un certain nombre d'événements ont montré la nécessité pour les autorités publiques de pouvoir partager entre elles, lorsque cela s'avère nécessaire, les informations dont elles disposent. C'est du reste dans cet esprit que le Gouvernement a déposé après l'article 4 un amendement n° 47 permettant le partage d'informations entre les autorités judiciaires et les autorités académiques en cas de poursuite ou de condamnation pour des faits graves d'un jeune qui est scolarisé. Par ailleurs, l'amendement n° 2 ne prévoit pas l'information du maire autre qu'à sa demande et dans des cas très limités. On n'imagine pas que l'on puisse aboutir à la situation que la seule personne de la commune qui ne saurait pas serait le maire.
Cette information ne sera possible qu'en cas d'installation sur la commune de personnes condamnées pour des faits très graves, libérées après exécution d'une longue peine de prison et dont le risque de récidive a été reconnu par l'autorité judiciaire puisqu'elles ont été placées sous surveillance judiciaire ou sous surveillance de sûreté.
Enfin, l'obligation pour le maire de respecter le secret professionnel auquel il est tenu est expressément rappelée par la mention des dispositions de l'article 226-13 du code pénal.
Pour ces différentes raisons, le Gouvernement soutient cet amendement auquel il donne un avis favorable.
Élu local comme nombre d'entre vous, je n'ignore pas que c'est une responsabilité que d'avoir une telle information.
Monsieur le rapporteur, vous savez très bien qu'un maire est amené à prendre des décisions. Il les prendra en ayant cette information, notamment lorsqu'il devra pourvoir tous ces emplois très occasionnels tels que l'accompagnement des jeunes enfants à l'école, durant un quart d'heure matin et soir dans un autocar. S'il demande au préfet si les candidats à ces emplois – qui ne sont pas de vrais recrutements – sont inscrits sur un fichier, il a peu de chance d'avoir satisfaction rapidement.
Étant informé, le maire pourra prendre des décisions mais c'est une lourde responsabilité. Il ne sera pas obligé de demander cette information, mais il devra choisir après en avoir pesé les avantages et les inconvénients.
S'il le décide, il sera le seul à savoir et ne pourra en parler à personne. On n'imagine pas le maire allant se rouler par terre devant le préfet pour interdire l'installation dans sa commune de telle ou telle personne. Ce serait contraire à la Constitution. Les gens viendront, s'installeront librement mais le maire assumera ses responsabilités et prendra ses décisions en fonction des informations demandées.
L'approbation de l'amendement de M. Mallié serait une reconnaissance apportée aux maires par le Gouvernement et l'Assemblée nationale. Le Gouvernement est, je le répète, favorable à cet amendement.
En tant que cosignataire de cet amendement, je ne peux que me réjouir de la position du Gouvernement et je remercie M. le ministre.
En effet, cet amendement est particulièrement important. Quoi de plus normal que le maire d'une commune, acteur essentiel de la politique de sécurité et de prévention, puisse être informé, à sa demande, par le parquet de l'arrivée dans sa commune d'une personne sous surveillance judiciaire ou sous surveillance de sûreté, appartenant donc à la catégorie des criminels les plus dangereux ?
Pour en être un moi-même, je pense que le maire joue un rôle essentiel, notamment dans les plus petites communes où il est la personne que les gens viennent voir et informer quand ils ont vu quelqu'un de suspect rôder autour d'une école par exemple, ou tout autre chose. S'il est au courant de l'arrivée dans sa commune d'une personne sous surveillance, il peut jouer un rôle car le contrôle n'est pas exercé au quotidien, nous le savons très bien : combien de criminels étaient sous surveillance au moment où ils ont récidivé ?
Acteur essentiel, le maire peut très bien assumer cette responsabilité à partir du moment où il l'aura lui-même demandée. Je suis donc très favorable à cet amendement de Richard Mallié, que j'ai cosigné comme plus de deux cent collègues.
À notre sens, en l'état, c'est M. le rapporteur qui a raison. Il est beaucoup trop dangereux de mettre le maire dans cette situation : il a très peu de moyens et on lui reprochera forcément soit de ne pas s'être informé soit de ne pas avoir pris les mesures nécessaires.
On le met dans une situation impossible.
En outre, s'il réussit à être informé, la personne qui sortira de détention ne pourra pas trouver de lieu d'accueil parce que tout sera fait pour qu'elle ne s'implante pas dans la commune.
Cela pose un véritable problème auquel le texte n'apporte pas de réponse : nous ne disposons pas, à l'heure actuelle, à la sortie de l'emprisonnement, des moyens de contrôle nécessaires. Le système de contrôle par l'autorité judiciaire n'est pas toujours suffisant et il est nécessaire que nous réfléchissions à un suivi beaucoup plus approfondi.
L'audition des services de polices nous a appris que ceux-ci n'étaient pas assez associés aux mesures d'application des peines qu'ils ne connaissent généralement pas. Ils ont des instructions pour procéder à des arrestations, mais les mesures d'application des peines telles que les sursis avec mises à l'épreuve ne sont pas portées à leur connaissance. De même, ils n'ont pas toujours connaissance des interdictions de paraître dans certains endroits.
Pour certains condamnés qui font l'objet de mesures, il faut mettre en place des cellules de suivi. Il ne s'agit pas de généraliser ce système ni de le fermer ni de le réserver aux délinquants sexuels. Ces derniers ne sont pas les seuls à perturber la vie de nos concitoyens, il y a aussi d'autres délinquants comme les professionnels du cambriolage. Il faut oser affronter cette question, y compris au regard des libertés publiques – ce qui n'est pas simple – et ce projet de loi ne le fait pas.
Il faut associer la police au suivi, mais aussi le maire dont la qualité d'officier de police judiciaire permet de se dispenser du débat sur le secret. L'une des insuffisances du projet est de ne pas penser beaucoup la sortie de prison.
En l'état, l'amendement n'est pas satisfaisant car il va mettre le maire dans une situation difficile. Nous devons réfléchir à ce contrôle social à la sortie de prison qui ne doit pas être réservé aux délinquants sexuels mais qui doit évidemment avoir des limites car il ne s'agit pas de mettre tout le monde sous surveillance.
Cette réflexion reste à mener car elle est absente de ce texte. Cependant, il est prématuré de le faire sous la forme de cet amendement quand bien même nous comprenons l'intention de ses auteurs et la nécessité d'exercer un contrôle.
Je suis totalement d'accord avec le rapporteur et je m'en étais ouverte à Richard Mallié au moment du dépôt de son amendement.
À partir du moment où le maire est informé, sa responsabilité est engagée. Imaginez qu'une association organise un voyage et que le maire voie la personne sous surveillance partir, sans pouvoir rien dire parce qu'il est soumis au secret professionnel.
S'il demande à l'association de ne pas emmener pas ce monsieur, on va lui rétorquer : au nom de quel principe ? Quelle raison peut-il invoquer ?
Si nous adoptons l'amendement, nous devons lever le secret professionnel : il faut que le maire puisse dire à l'association « attention, il y a un problème ».
La bonne réponse est celle que propose de construire notre collègue Raimbourg. Monsieur le ministre, c'est le suivi qui ne va pas. Quand un suivi est décidé, il serait logique que l'autorité qui doit l'assurer prenne contact avec le maire de la commune pour discuter du logement, des habitudes de la personne, de ce qui peut être fait pour éviter de créer les conditions de la récidive, dont il est vrai qu'elles existent, tout comme il est vrai que le profil de la personne est connu.
Mais si la victime d'un récidiviste apprend que le maire était au courant et qu'il n'a rien fait, alors les plaintes vont pleuvoir…
…et je serai heureuse de ne pas être maire…
Il y a une aberration dans l'amendement. Si le ministre l'accepte, il doit lever le secret professionnel et installer une commission qui, entre les deux lectures, pourrait élaborer une procédure de suivi correcte. Si l'amendement est voté en l'état, il y aura des plaintes contre les maires parce qu'ils savaient et qu'ils n'auront rien pu faire.
Nous sommes dans une impasse totale. L'intention est parfaitement louable et audible, mais la réponse est hors droit et très dangereuse. C'est pourquoi je ne comprends pas bien la réponse du ministre.
Monsieur le ministre, une autorité chargée du suivi d'une personne ayant le profil décrit par M. Mallié a-t-elle actuellement la possibilité d'aller discuter dans le bureau du maire des mesures d'accompagnement ?
Il faut revoir le processus de suivi, sinon les maires vont se retrouver seuls, soumis au secret professionnel, dans l'incapacité d'agir et dans la coresponsabilité d'une récidive, ce qui serait terrifiant.
Cette discussion est fort intéressante. Je comprends l'objectif de Richard Mallié et des signataires de cet amendement auquel, monsieur le garde des sceaux, vous avez émis un avis favorable.
Sur le principe, il est légitime de penser qu'un maire doit être informé de la présence sur le territoire communal d'une personne sous surveillance. Néanmoins, je rejoins les réserves de notre rapporteur : signataires de cet amendement, avez-vous évalué les conséquences en termes de responsabilité en cas de récidive ? Certains argueront que le maire est une autorité responsable de l'ordre public, qu'il était au courant après avoir fait la démarche volontaire d'être informé, ce qui tendrait à faire penser qu'en contrepartie, il s'était engagé à en assumer les conséquences.
Si je comprends la finalité de l'amendement, j'émets cette réserve sous forme d'interrogation dans le seul souci de la protection des maires.
Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, parce que vous avez une longue expérience : nous sommes contents de trouver les 36 000 maires de France sur les épaules desquels repose un tas d'obligations. Faisons attention à ne pas leur en imposer davantage. Leur transférer cette information induirait nécessairement un renforcement de leurs obligations. En cas de problème, leur responsabilité pourrait être engagée d'une manière que nous ne mesurons pas en votant cet amendement.
Le rapporteur est un magistrat d'origine ; je comprends tout à fait. Moi, j'ai eu l'avantage ou l'inconvénient, en tout cas le grand honneur d'être maire…
…pendant treize ans et demi d'une commune où j'aurais voulu savoir et assumer mes responsabilités. Quels moyens avais-je ?
Quand on sait, on peut parer à toute éventualité. Dans le cas contraire, on peut juste dire ensuite « si j'avais su », une expression que j'ai entendue dans la bouche du Premier ministre. Dans certains cas que nous avons connus au cours des derniers mois ou des dernières années, si le maire avait su…
En fin de compte, il y a une inhumanité totale dans l'administration – les forces de l'ordre, les administratifs purs ou la justice – qui considère la personne comme un dossier, un numéro et qui se contente de constater : « Ma foi, elle est partie »…
Telle personne fort dangereuse avait pour adresse le CCAS de telle ville. Qu'est-ce que c'est que cette adresse ? Le centre communal d'action sociale. Il n'y a pas eu quelque part un fonctionnaire capable de raisonner et de se demander : quelle est cette adresse ? Où est-il cet individu dangereux ? Je ne veux citer personne, mais on sait ce qui s'est passé.
C'est pour cela qu'il est important que le maire sache. S'il veut, demain, donner une occupation bénévole à quelqu'un, il peut – oui, vous avez raison, monsieur le rapporteur – consulter tel ou tel fichier, mais consulterai-je tous les fichiers au moment de confier la tâche de faire la circulation à la sortie d'une école ? Non, soyons un peu réalistes !
À l'heure du net, une information de ce type circulera peut-être très facilement. Il faut donc que le maire puisse lui aussi agir à titre préventif, il faut que le maire – lui seul – puisse savoir, s'il le souhaite.
Quant au secret, je pense qu'il saura le respecter. Le maire exerce aujourd'hui de très nombreuses missions, il signe ce que l'on appelle les hospitalisations d'office et un certain nombre d'autres actes, il est au courant lorsque des gens sont expulsés, etc. Tout cela, il le sait, ainsi que ses services, et je crois qu'il n'y a pas eu trop de dérapages jusqu'à maintenant.
J'en termine. Plus de la moitié des plus de deux cents signataires de cet amendement sont maires. Plus de cent maires ont cosigné cet amendement ! Je pense qu'ils savent ce qu'ils veulent. Plus des deux tiers des maires qui auraient pu signer cet amendement l'ont effectivement fait. C'est vrai, le maire d'une grande ville ne voudra peut-être pas d'une telle information, car les choses sont différentes dans ce cas. En revanche, je vous le répète, les maires des communes de taille moyenne ou de petite taille voudront savoir. Donnons-leur donc cette possibilité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
C'est un débat important, sur une question difficile à trancher.
Personnellement, j'ai cosigné l'amendement déposé par Richard Mallié. On ne souffrira jamais de disposer d'une information de nature à contribuer à prévenir – tel est effectivement l'enjeu – un crime.
Nous parlons de l'éventuelle mise en jeu de la responsabilité des maires qui n'auraient pas agi. Mettons en balance ce risque et la possibilité de prévenir un crime ; pour moi, il n'y a pas à hésiter, surtout que ce sont les maires eux-mêmes qui feront le choix de prendre cette responsabilité. Le président de l'association des maires de France a d'ailleurs cosigné cet amendement.
Il me paraît donc légitime de soutenir cet amendement.
Comme vient de le rappeler Richard Mallié, la question se pose peut-être différemment selon qu'il s'agit d'une petite commune et ou d'une grande ville où la mise en oeuvre du dispositif sera plus difficile, donc plus exigeante. Je mesure les contraintes et les difficultés, mais, personnellement, je crois que l'on doit aller dans ce sens et permettre d'avoir une information qui pourra contribuer à ce qu'un drame soit évité.
Le débat est intéressant et j'aurais pu, moi aussi, signer cet amendement comme ancien maire. Il me semble cependant dangereux de donner au maire des responsabilités qu'il n'a pas les moyens d'exercer.
S'il demande à savoir, il n'aura pas les moyens d'assumer ses responsabilités et il sera mis en cause pour son inefficacité. S'il ne demande pas à savoir, on le lui reprochera : « Comment, vous pouviez savoir et vous avez refusé ? » Dans les deux cas de figure, il sera coupable.
Dans l'état actuel des choses, cette disposition présente beaucoup de dangers.
Elle offre l'illusion d'un pouvoir plutôt que sa réalité. On peut le regretter et il faut peut-être améliorer le dispositif.
Pour l'instant, il me paraît assez dangereux, et je ne le voterai pas.
En tant que maire, je m'associe au raisonnement qui vient d'être tenu par notre collègue Martin-Lalande.
Notre société est de plus en plus judiciarisée et, à défaut de pouvoir agir, on est de plus en plus habile à chercher des responsables. La première question est de savoir quels sont les moyens d'action des maires. Or ils sont égaux devant la loi et aucune différence n'est faite selon la taille des communes. Les moyens d'agir, voire les possibilités d'information, ne sont pourtant absolument pas les mêmes.
En outre, selon la taille de la commune, l'arrivée de nouveaux habitants est perçue de manière radicalement différente.
Très franchement, je crois que nous adhérons tous au principe d'une meilleure prévention des risques de récidive. J'ai cependant peur qu'un tel amendement puisse se retourner contre le maire, qui n'aura pas eu la simple possibilité de s'informer, mais qui sera pris en défaut parce qu'il avait le droit de s'informer. Dans le contexte d'une société qui – on peut le regretter mais c'est un fait – se judiciarise de plus en plus, sa responsabilité risque d'être engagée.
Ce débat est très intéressant. Il transcende d'ailleurs les clivages politiques habituels et, sur tous les bancs de cet hémicycle, les avis sont très partagés. Nous faisons donc bien notre travail ce soir.
Je n'en souhaite pas moins vous dire les réticences face à un amendement. Si je comprends les intentions desquelles il procède, j'en mesure aussi, je le répète, tous les risques.
Je ne veux pas prendre d'exemple précis mais, malheureusement, nous avons récemment connu des affaires dramatiques. Des crimes affreux ont été commis.
Imaginons que les dispositions que tend à introduire cet amendement soient déjà en vigueur et prenons l'exemple des faits survenus au Chambon-sur-Lignon. Imaginons que le maire n'ait pas demandé à être au courant du placement dans le collège concerné d'une personne qui était susceptible de recommencer et qui l'a effectivement fait, malheureusement, ou que ledit maire, au courant, n'ait rien fait puisqu'il ne pouvait rien faire.
Que va-t-il se passer ? La judiciarisation de notre société, qu'évoquait Émile Blessig, est un fait.
J'appelle l'attention de l'Assemblée sur ce point. Un véritable problème se pose, et il y a donc quelque chose à améliorer dans cet amendement, dont je comprends l'esprit.
Il faudrait au moins que le maire puisse partager l'information avec d'autres personnes, des personnes qui puissent agir, au moins avec le chef de la police municipale ou avec un directeur d'école ; c'est d'ailleurs ce que prévoit un amendement du Gouvernement que nous examinerons plus tard, qui a pour objet de permettre l'information de l'autorité académique, de l'autorité scolaire. Il faudrait au moins que le maire ne soit pas seul destinataire d'une information dont il ne pourrait rien faire. C'est un vrai problème.
Je crois vous avoir dit très honnêtement ce que je pensais. Plusieurs autres députés, sur tous les bancs de cet hémicycle, l'ont fait.
Nous devrions au moins faire en sorte que le dispositif soit du même type que celui que l'amendement du Gouvernement a pour objet d'instaurer en matière d'information de l'éducation nationale.
Ce débat est intéressant, il est même passionnant, car il touche au coeur des questions de responsabilité.
M. le rapporteur a pris un exemple pour illustrer son propos. J'aime beaucoup M. le rapporteur sed magis amica veritas, je préfère encore la vérité !
L'exemple pris par le rapporteur est effectivement celui d'une situation dans laquelle les dispositions prévues par l'amendement ne s'appliqueraient pas. Premièrement, le jeune n'était pas condamné. Deuxièmement, il n'était pas placé par un juge.
On peut inventer tout ce qu'on veut, mais l'amendement vise des cas très précis. Son champ n'est pas très large ; au contraire, il est très restreint. Je rappelle que le jeune évoqué était placé par ses parents, et par personne d'autre, et que le juge n'a pris aucune décision. C'est vrai, on transforme vite la réalité ; on dit qu'un juge l'a placé, et qu'il l'a placé, en plus, dans un collège mixte. C'est bien sûr faux, on le verra bien avec l'instruction qui est menée par deux magistrats de Clermont-Ferrand.
Je comprends parfaitement les problèmes que pose l'information prévue par cet amendement. C'est vrai, on pourra ensuite reprocher au maire son choix, qu'il ait ou non demandé à être informé. Cependant, juridiquement, l'amendement ne transfère pas de responsabilité.
La personne visée par l'information est une personne suivie par les services de justice. On ne demande pas au maire de la suivre, on l'informe, s'il le demande, du fait qu'il y a, sur le territoire de sa commune, une personne présentant une certaine dangerosité.
Dans la rédaction proposée, le cas échéant, c'est le procureur de la République qui l'informe à sa demande. Comme cela doit rester secret, il faudra bien qu'ils se parlent – le procureur ne va pas donner l'information au vu et au su de tout le monde – et un dialogue va se nouer entre ces deux personnes. Le maire aura comme unique mais important moyen de faire connaître les changements qu'il aurait pu constater ou faire constater dans l'attitude de la personne concernée sa relation avec le procureur de la République, pas plus, pas moins.
Je reconnais tout à fait que cet amendement n'a pas pour objet de transformer le maire en auxiliaire de la justice. C'est vrai, ce n'est pas le but – du moins, me semble-t-il – qui ressort de la lettre de l'amendement. Le maire choisit d'être informé, et il l'est. Il agit en fonction de l'information qu'il est seul à détenir et il prend ses responsabilités. C'est sûrement très difficile mais c'est un choix qu'il lui est permis de faire. Peut-être ira-t-on plus loin plus tard.
Vous verrez d'ailleurs, dans la suite de l'examen de ce projet de loi, que le Gouvernement propose, s'agissant de mineurs placés par le juge, une véritable information partagée avec les autorités académiques et le directeur de l'établissement. Celui-ci est effectivement responsable, il faut savoir s'il accepte ou non l'élève au sein de son établissement et, le cas échéant, dans quelles conditions. Il faut aussi qu'il sache les raisons de la venue d'un conseiller de la protection judiciaire de la jeunesse dans son établissement. Ce cas de figure est un peu différent de celui dont nous débattons.
L'amendement n° 2 est exigeant, mais il est aussi responsabilisant pour le maire.
À partir du moment où vous donnez ce droit, monsieur le garde des sceaux, car il s'agit bien, ce soir, de créer un droit, à partir du moment où vous ouvrez cette possibilité, je ne vois pas comment vous pourriez ne pas être contraint par toutes les raisons avancées par le rapporteur et par d'autres d'aller beaucoup plus loin : je crois que vous devrez, systématiquement, demander à tous vos procureurs d'aller voir les maires pour les informer de l'arrivée d'une personne sur le territoire de leur commune, du lieu choisi et de l'encadrement mis en place.
Je ne vois pas comment vous pouvez rester ainsi sur une sorte de terrain sableux : un maire pourrait interroger le procureur, mais il pourrait aussi ne pas le faire ; le procureur qui quitte son poste devrait transmettre la liste des maires qui veulent savoir et celle de ceux qui ne veulent pas savoir avec tous les risques d'erreur que cela comporterait… J'imagine tout ce qui pourrait arriver.
Même si la responsabilité directe du maire n'est pas en jeu, je connais nos concitoyens : si le maire n'a rien demandé, il lui sera reproché de ne pas l'avoir fait. Même s'il n'est pas pénalement responsable, au-delà du fait qu'il ne sera pas réélu, avez-vous songé au harcèlement moral qu'il subira et à la douleur qu'il devra endurer devant de tels reproches ? Si le maire a interrogé le procureur et qu'il détient des informations, avez-vous pensé à ce que serait sa douleur si quelque chose se passait pendant qu'il est parti en vacances ? Imaginons que, durant son absence, une personne visée par votre amendement organise telle ou telle action en direction des jeunes, qu'elle prenne la direction d'un petit festival des arts de la rue, et qu'un drame survienne. Soumis au secret, le maire n'aura pu laisser aucune consigne à son adjoint et il apprendra à son retour que, s'il n'avait pas pris de vacances, le pire aurait pu être évité… Je pense à la souffrance de ces maires qui, certes, ne seront jamais condamnés à une peine de prison, mais qui, à la suite d'un drame dans leur commune, tous les jours de leur vie, se réveilleront en pensant qu'ils auraient pu l'empêcher s'ils avaient été présents.
Vous devez soit renoncer, soit prévoir un dispositif juridique nouveau qui permette au maire qui aura été informé par le procureur de prévenir les maires adjoints en cas d'absence ou de maladie. Avec votre amendement, nous marchons sur du sable ; en Bretagne, nous dirions que nous « tombons dans le lagen ». Songez au maire qui n'aura rien pu faire et dont la vie deviendra un enfer ! Ce ne serait pas mérité. En suivant Richard Mallié, nous accepterions pourtant de prendre un tel risque sur le plan humain. L'alternative consiste à demander au ministre d'apporter à ce problème une autre réponse qui ne nous confronte pas à une masse d'aléas faisant injure à ce qui constitue notre droit positif.
C'est vrai, monsieur le rapporteur, peut-être cet amendement ne va-t-il pas assez loin. Monsieur le ministre a raison : le dispositif de l'amendement ne se serait pas appliqué à l'affaire de Chambon-sur-Lignon. Seulement, si le maire de la commune avait été préalablement informé, il se serait peut-être demandé s'il était bien normal qu'une personne placée sous contrôle judiciaire après avoir commis un véritable crime – il y avait eu agression sexuelle – soit pensionnaire d'un internat mixte. Il n'y a tout de même pas besoin de sortir de l'ENA ou de Polytechnique pour se poser une telle question.
Sur ce point, nous sommes tous d'accord, mais ce n'est pas le problème.
Avec un peu de bon sens, le maire, officier de police judiciaire, représentant de l'État, patron de la sécurité au nom de l'État dans la commune qu'il gère – les lois récentes que j'ai déjà évoquées ont encore renforcé ce rôle – peut se poser ce genre de question.
Chère Marylise Lebranchu, peut-être mon amendement ne va-t-il en effet pas assez loin, mais, à vous écouter, le maire détenteur de l'information risque de se morfondre parce qu'il n'aurait rien fait. Ne croyez-vous pas que la situation sera pire si on ne lui a rien dit ? Il pensera : « Si j'avais su, j'aurais pu faire en sorte que cette personne n'habite pas une ferme isolée à proximité de l'endroit où réside une famille avec de nombreux enfants qu'il a emmenés dans la forêt pour commettre des crimes. » Toutes les hypothèses peuvent être envisagées.
Les maires et les anciens maires qui siègent parmi nous ont parlé du secret qui empêche le maire de transmettre l'information. Dans ce cas, comment voulez-vous que ses administrés soient au courant de son niveau d'information et qu'ils lui tiennent grief de son attitude ? Votre raisonnement n'est pas cohérent.
Selon vous on lui reprochera de ne rien avoir demandé et s'il a demandé quelque chose, on lui fera le reproche de n'avoir rien fait : on ne s'en sort pas. Il reste que sa conscience compte aussi…
Quelquefois il faut faire la loi de manière concrète. À force d'avoir peur de soi, on ne fait plus rien. Nous vous proposons d'avancer un peu en donnant la possibilité aux maires qui le veulent de détenir une information importante. Nous ne pouvons rédiger un amendement qui fasse un distinguo entre les communes, mais il me semble que dans les communes petites et moyennes les maires doivent pouvoir savoir s'ils le veulent. La situation des grandes villes est différente.
Mes chers collègues, après ce long débat, il me semble que l'Assemblée est suffisamment éclairée et nous pouvons passer au vote.
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, jeudi 12 janvier à neuf heures trente :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la protection de l'identité ;
Suite du projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 12 janvier 2012, à une heure cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron