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Intervention de Marc Dolez

Réunion du 11 janvier 2012 à 21h30
Exécution des peines — Article 1er et rapport annexé, amendement 15

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Cet amendement propose la suppression des alinéas 66 à 69, qui concernent l'extension à l'application des peines de la démarche dite d'excellence opérationnelle dans les juridictions. Cette méthodologie a été expérimentée à partir de 2010 dans trois cours d'appel pilotes, avant d'être progressivement étendue. Selon les magistrats et fonctionnaires qui y ont participé, elle s'est révélée totalement inadaptée à la spécificité du travail juridictionnel.

Cette méthode, qui résulte directement de la RGPP, est une méthode de « rationalisation » du fonctionnement des organisations, une méthode de contraction des effectifs assignés à une tâche. Elle provient du secteur marchand et des grandes entreprises industrielles.

Cette démarche repose sur un diagnostic opéré dans les chambres civiles et sociales, notamment par les consultants de Capgemini. Sur le terrain, elle s'est traduite par des observations de méthode, des consultations de procédure, des « ateliers participatifs », des entretiens individuels avec les personnels, et des analyses des pratiques.

Dans une lettre ouverte datée du 3 novembre dernier, monsieur le garde des sceaux, le Syndicat de la magistrature vous a fait part de son inquiétude quant à l'utilisation de cette méthode dans l'institution judiciaire, laquelle n'a évidemment rien à voir avec une entreprise de production. Il vous a rappelé, à cet égard, que cette méthode, américaine, est issue des pratiques instaurées dans l'industrie automobile japonaise, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle ne s'est pas caractérisée par une attention particulière portée à ses salariés. Cette méthode est analysée par bien des praticiens du monde du travail comme un retour du taylorisme, habillé d'une démarche participative qui, en créant un effet d'engagement, empêche les agents de la critiquer.

Les magistrats et fonctionnaires qui ont participé à cette expérience l'ont vécue comme particulièrement intrusive, s'inquiétant également de la divulgation de documents confidentiels à des consultants d'un cabinet privé auxquels on a laissé libre accès à des procédures judiciaires. Ils se sont en général plaints du nombre de réunions qui leur étaient imposées. Ils se sont également étonnés du peu de formation de leurs interlocuteurs de Capgemini. C'est complètement surréaliste : l'un de ces interlocuteurs a proposé de ne plus jamais avoir recours à la collégialité au stade de l'appel, afin de raccourcir les délais ; un autre a présenté comme un « irritant » pour le système ce temps appelé « délibéré » par les magistrats, ou celui passé à entendre un enfant dans le cadre d'une procédure familiale. Tout cela, monsieur le garde des sceaux, est dans la lettre ouverte que vous a adressée le Syndicat de la magistrature.

Au final, si nous considérons bien évidemment qu'une justice de qualité doit être rendue dans des délais raisonnables, nous considérons aussi, au regard du bilan négatif dressé par les professionnels, que l'extension de cette méthodologie à l'exécution des peines et au fonctionnement de la chaîne pénale n'est pas opportune.

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