C'est un amendement important.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne présentait pas un texte « tout carcéral ». Peut-être est-ce vrai au fond car ce texte est peut-être d'inspiration non gouvernementale, mais purement élyséenne. Le projet du Gouvernement était en effet de mener à bien le programme de construction de 2002, ce qui nous aurait dotés de 62 000, 63 000 ou 64 000 places de prison à l'horizon 2012-2013, et je n'avais pas entendu parler d'un autre projet, jusqu'à ce que M. le Président de la République, à Réau, parle d'un seul coup de 80 000 places.
Ces 80 000 places sont extraites par le Président de la République du rapport de M. Ciotti, mais M. Ciotti proposait cinquante mesures ! Il a aussi extrait de ce rapport l'encadrement militaire des jeunes délinquants. Mais, dans ce rapport, il y a une cohérence, et pas seulement ce type de mesures. Curieusement, du côté de l'Élysée – est-ce le Président de la République ou est-ce un conseiller, à mon avis mal inspiré ? –, ce sont ces interprétations qui prévalent.
Je veux donc bien vous croire, monsieur le ministre, quand vous annoncez que le Gouvernement n'est pas pour le tout carcéral. Il est malheureusement obligé de mettre en oeuvre des instructions qui lui viennent d'en haut. C'est toute la difficulté, dans notre démocratie : nous avons affaire à des interlocuteurs qui sont responsables devant nous mais pas coupables, en quelque sorte (Rires et exclamations sur les bancs du Gouvernement et de la commission), puisque la culpabilité vient d'ailleurs. Je peux vous rejoindre, monsieur le garde des sceaux, lorsque vous dites que vous n'êtes pas pour le « tout carcéral ». Vous ne l'êtes pas, mais j'ai l'impression que vous ne pouvez faire autrement que d'agir comme si vous l'étiez.
J'en viens à l'essentiel de mon propos. L'important, c'est de trouver à l'emprisonnement une place au sein d'un processus. À cet égard, je préciserai deux points que j'ai présentés hier, et qui, dans les explications de vote sur la motion que j'ai défendue, ont été relevés de manière caricaturale.
J'affirme tout d'abord qu'il est nécessaire de créer un mécanisme de prévention de la surpopulation carcérale. Ce mécanisme, le numerus clausus, consiste à adapter le nombre de prisonniers au nombre de places, quel que soit ce dernier. Il ne s'agit pas d'interdire l'incarcération d'un nouveau détenu – tout condamné doit entrer en prison aussitôt que la décision est exécutoire ou, en tout cas, le plus rapidement possible –, mais il vise à libérer une place en faisant sortir, par le biais d'un aménagement de peine impliquant un contrôle, un suivi, la personne la plus proche de la sortie.
Quant au second mécanisme, il tend à adapter le « stock » – pardon pour ce vilain mot – de prisonniers au nombre de places. Il s'agit de la libération conditionnelle automatique ou libération conditionnelle d'office, par laquelle s'ouvre, aux deux tiers de l'exécution de la peine, une procédure de libération conditionnelle qui ne peut être arrêtée que si le magistrat le décide.
Cet amendement est important. Il permet de donner du sens à une mesure d'emprisonnement. Il permet de placer au centre de notre système pénal une prison qui soit la plus républicaine possible.