On peut se demander, comme je l'ai fait hier dans la discussion générale, sur quelles études se fonde le Gouvernement pour formuler une telle assertion. Elle est en effet en totale contradiction avec le constat que le contrôleur général des lieux de privation de liberté a établi à la suite de la visite qu'il a effectuée, en 2009, dans quatre centres éducatifs fermés : à Beauvais, à Sainte-Gauburge-Sainte-Colombe, à Fragny et à L'Hôpital-le-Grand.
M. Delarue relève dans ses recommandations, publiées au Journal officiel du 8 décembre 2010, un manque de formation des éducateurs, un recours abusif aux moyens de contrainte physique dans certains centres éducatifs : « les contrôleurs ont constaté dans les centres éducatifs fermés le recours abusif, voire usuel, aux moyens de contrainte physique, laquelle est parfois érigée, dans les équipes les moins qualifiées, au rang de pratique éducative ». « La loi fait obligation aux centres éducatifs fermés d'assurer un “suivi éducatif”. Or, au sein de ces centres, une part du personnel est notamment constituée d'éducateurs “faisant fonction”, parfois sans compétences particulières, peu ou pas formés à l'encadrement des mineurs. ». Il note que cette absence de formation est susceptible de faciliter les tensions et conclut que « la formation d'éducateurs compétents est une exigence pour ces centres éducatifs fermés qui doit être satisfaite rapidement ».
M. Delarue constate par ailleurs de grandes variations dans la prise en charge des soins de santé physique et mentale des enfants, souvent en souffrance. Les liens avec la psychiatrie sont très ténus et quelquefois inexistants, souligne-t-il encore.
Il s'agit donc là d'un tableau nettement plus nuancé que celui qui conduit aujourd'hui à justifier l'accroissement de la capacité d'accueil dans les centres éducatifs fermés.
Pour notre part, nous déplorons que le recours à ces centres soit devenu, ces dernières années, la seule solution pour la délinquance des mineurs au mépris d'autres solutions alternatives à l'incarcération.
C'était également l'avis de la Défenseure des droits de l'enfant qui, dans une étude de juin 2010 sur les centres éducatifs fermés, soulignait la dérive que constitue l'utilisation actuelle de ce dispositif. Elle y rappelait qu'en vertu de la loi du 9 septembre 2002, le placement en centre éducatif fermé s'adresse aux adolescents multiréitérants ou récidivistes, âgés au moins de treize ans et faisant l'objet d'un contrôle judiciaire, d'une mise à l'épreuve ou d'un aménagement de peine. Or, dans les faits, tous les jeunes confiés aux centres ne sont pas récidivistes ou multiréitérants : plus d'un quart d'entre eux n'aurait aucun casier judiciaire et aurait commis leur première infraction depuis moins d'un an. Ce taux atteint 42 % si l'on ajoute les mineurs n'ayant que deux condamnations à leur actif, lesquelles sont majoritairement des condamnations assimilées à une mesure éducative et non à une peine. Il en résulte un dommage direct pour ces adolescents qui se trouvent ainsi stigmatisés en se voyant accoler l'étiquette de « délinquant difficile ». Cette dérive paraît directement imputable à l'absence d'autres solutions alternatives à l'incarcération.