La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (nos 2944, 2998).
À la demande du Gouvernement, nous allons examiner, dans l'ordre, l'article 14 puis, à la demande de la commission, l'article 30 et l'amendement portant article additionnel après l'article 30. Nous reprendrons ensuite, le cas échéant, la discussion des articles là où l'Assemblée s'est arrêtée cet après-midi.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, la simplification des textes d'urbanisme est une excellente chose.
On évoque souvent dans cet hémicycle la simplification du droit : pour une fois, elle a bien lieu. Malheureusement, la tendance lourde est plutôt toujours à une complexification.
Selon l'exposé des motifs de l'article 14, la part départementale de la taxe d'aménagement « finance les politiques de protection des espaces naturels sensibles et le fonctionnement des CAUE », les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement. Cette nouvelle taxe doit remplacer deux taxes départementales : celle destinée aux espaces naturels sensibles, la TDENS, et celle qui finançait les CAUE, la TD-CAUE. Nous rendons donc possible une fongibilité qui m'inquiète. En effet, il est à craindre que les crédits destinés à la politique des espaces naturels sensibles soient pénalisés au profit de ceux qui s'orienteront vers les CAUE.
Après les lois Grenelle 1 et 2, nous avons pourtant besoin de mettre en oeuvre certaines dispositions. Si, aujourd'hui, nous disposons de crédits suffisants, grâce à la TDENS, il faut, pour l'avenir, que nous trouvions un moyen de les pérenniser. Faut-il prévoir par décret une proportion entre les crédits affectés aux deux politiques ? En tout cas, il faudra veiller à éviter leur trop grande fongibilité.
Par ailleurs, à l'alinéa 87, il est prévu que, « en cas de construction ou d'aménagement sans autorisation […], le montant de la taxe ou du complément de taxe due est assorti d'une pénalité de 80 % du montant de la taxe ». Certes, les personnes concernées feront sans doute l'objet de procédures devant les tribunaux, mais cette pénalité me semble tout de même bien faible pour ceux qui ont vraiment franchi la ligne jaune. Si on n'instaure pas une pénalité qui ait un sens, il faut se demander si celle qui est prévue est bien pertinente.
La question se pose d'autant plus que l'alinéa 88 prévoit de réduire cette pénalité à 40 % si le contribuable concerné régularise sa situation : c'est quasiment un pousse-au-crime.
Je suis saisie d'un amendement n° 118 rectifié , présenté par M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement, pour donner l'avis du Gouvernement.
Favorable.
(L'amendement n° 118 rectifié est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 3 , présenté par la commission
La parole est à M. le rapporteur général.
Monsieur le secrétaire d'État, cet amendement vise à simplifier les conditions de reversement de la taxe d'aménagement entre l'EPCI et les communes.
Je veux vous dire tout le bien que je pense de cette réforme attendue depuis longtemps. Mes chers collègues, elle a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les différentes associations d'élus, comme l'association des maires de France ou l'association des départements de France…
Les associations ont été consultées, et je tiens à votre disposition leurs courriers approuvant une réforme qui unifie plusieurs des taxes qui existaient dans le secteur de l'urbanisme.
(L'amendement n° 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 257 .
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
Comme le précise l'exposé des motifs de l'article 14, la mise en place d'une nouvelle fiscalité de l'urbanisme a, entre autres objectifs, celui « d'inciter à réaliser davantage de logements » et « d'intégrer les exigences du développement durable » ainsi que « les enjeux de l'aménagement durable comme la gestion économe des ressources et de l'espace et la lutte contre l'étalement urbain ».
C'est pourquoi nous pensons que l'affectation obligatoire du produit de la taxe d'aménagement au budget d'investissement des communes relève d'une logique territoriale de croissance urbaine. L'aménagement durable du territoire ne nécessite cependant pas uniquement des dépenses d'investissement, il impose également des dépenses de fonctionnement, comme celles liées à la maintenance des réseaux d'énergie ou aux transports en commun. Selon nous, il est donc préférable de laisser aux communes ou aux EPCI compétents le choix de l'affectation du produit de la taxe en fonction des enjeux locaux.
Nous vous proposons, en conséquence, de supprimer l'alinéa 15 de l'article 14.
Monsieur Chanteguet, la commission des finances a rejeté votre amendement.
Cette réforme s'inscrit dans une continuité avec la taxe locale d'équipement en procédant à des simplifications et à des regroupements. Comme la TLE, toutes les taxes regroupées étaient jusqu'à présent affectées à la section investissement. La taxe d'aménagement vise d'abord à financer les équipements rendus nécessaires par l'urbanisation, qu'il s'agisse d'équipements d'infrastructures, pour la viabilisation par exemple, ou de superstructures. L'objectif n'est en aucun cas de financer des dépenses de fonctionnement, et nous avons été unanimes à considérer qu'il fallait réserver la taxe d'aménagement à la section d'investissement.
Je partage la position du rapporteur général.
L'urbanisation nécessite principalement des dépenses d'équipement. Les taxes d'urbanisme doivent donc d'abord servir à financer les équipements nécessaires aux collectivités locales.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.
J'entends les arguments qui me sont opposés tant par M. le secrétaire d'État que par M. le rapporteur général. Toutefois, je rappelle que la part départementale de la taxe d'aménagement doit être affectée en fonctionnement.
Je ne vois donc pas pourquoi on ne donnerait pas la possibilité aux collectivités territoriale d'opérer une répartition entre fonctionnement et investissement.
J'ajoute que votre argument fondé sur l'urbanisation va totalement à l'encontre d'un des objectifs du Grenelle que vous avez un peu oublié : la lutte contre l'étalement urbain.
Quel est le principe de cette réforme ? Nous voulons simplifier la fiscalité de l'urbanisme. Nous supprimons donc un certain nombre de taxes pour les remplacer par la nouvelle taxe d'aménagement.
Les taxes supprimées sont aujourd'hui affectées aux dépenses de fonctionnement des départements ; il est donc logique que la part départementale de la nouvelle taxe finance le fonctionnement des départements.
Nous supprimons aussi des taxes affectées aux communes qui étaient affectées à des dépenses d'investissement. Par une sorte de parallélisme des formes, nous avons donc prévu que la part communale de la taxe d'aménagement serait affectée en section d'investissement.
La part départementale de la taxe d'aménagement sera affectée en fonctionnement. Or je rappelle que la TDENS qui va disparaître permet de financer des dépenses de fonctionnement, mais aussi des dépenses d'investissement.
Elle a, par exemple, servi aux départements pour acheter des propriétés qui présentaient un intérêt particulier en termes de patrimoine naturel. Autrement dit, et vous le savez parfaitement, il est possible de basculer du fonctionnement vers l'investissement, ce qui permet aux collectivités de bénéficier d'une certaine souplesse. J'estime qu'il est souhaitable qu'elles puissent conserver cette possibilité.
C'est pareil !
(L'amendement n° 257 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement rédactionnel n° 119, présenté par M. le rapporteur général.
(L'amendement n° 119 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet pour soutenir l'amendement n° 259 .
Mes arguments sont les mêmes que ceux que je viens de vous présenter. Cet amendement concerne la région Île-de-France.
Il existe une spécificité de l'Île-de-France puisque la région perçoit une taxe locale d'équipement complémentaire, mais son produit a toujours été affecté en section d'investissement.
Monsieur Chanteguet, croyez-en mon expérience d'élu d'Île-de-France : la section investissement de la région a vraiment besoin de ressources.
(L'amendement n° 259 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. le rapporteur général.
De mémoire, cet amendement a été adopté à l'unanimité par la commission des finances. Il pose un problème de fond. Sans vouloir relancer le débat que nous avons eu il y a quelques semaines sur le PTZ,…
…je rappelle que, dans le texte proposé par le Gouvernement, l'abattement sur les 100 premiers mètres carrés de résidence principale concerne les maisons en zone U, les maisons en lotissement, mais pas celles situées dans les zones d'habitat diffus. Je trouve que c'est assez pénalisant pour la construction dans ces zones, qui correspond souvent, d'ailleurs, au rêve d'un certain nombre de nos concitoyens.
Bien que je sois un élu urbain, je prête attention à ce qui peut se passer en province. Vous voyez, mes chers collègues, que vous avez déteint sur moi. Vous m'avez largement convaincu. Il faut traiter sur un pied d'égalité la construction dans les zones d'habitat diffus, qui sont en général peu urbanisées, et la construction en zone urbaine ou avec procédure de lotissement.
Je suis élu d'un territoire en très grande partie rural. Je ne peux que soutenir cet amendement et émettre un avis favorable.
Je crois – et ceci vaut aussi pour d'autres amendements – que l'on oublie complètement les objectifs du Grenelle et ceux de cette nouvelle fiscalité, à savoir la lutte contre l'étalement urbain et contre le gaspillage foncier. C'est en particulier le cas du prélèvement effectué sur les terres agricoles périurbaines.
M. Chanteguet sait combien je respecte les points de vue qu'il exprime, souvent sur le fond et toujours sur la forme. Mais il me semble que celui qu'il vient d'exprimer relève d'une confusion qu'on ne peut pas laisser passer.
Les règles de densité sont nécessaires partout dans l'Hexagone, y compris à Paris. La diversité des territoires impose que la souplesse proposée s'applique à l'ensemble des territoires. Mais cela n'interdit en aucun cas aux élus, dont vous êtes, monsieur Chanteguet, d'adopter sur le terrain des règlements assez restrictifs, voire très restrictifs, s'agissant des coefficients de densité. C'est après tout le rôle des PLU. Mais ce n'est pas forcément le rôle de la législation nationale d'appliquer la même toise à tous les territoires. Je trouve donc que c'est un excellent amendement.
Je voulais dire à peu près la même chose. Il y a en effet d'autres outils, qui sont les PLU, ou éventuellement des cartes communales. Mais, de plus en plus, ce sont des PLU.
Bien souvent, les personnes qui s'installent en dehors des centres villes sont celles, malheureusement, qui ont des revenus modestes. C'est amendement est donc le bienvenu, parce qu'il va dans le sens de la justice. Mais il n'interdit absolument pas de maintenir ou d'instaurer des règles de densité qui vont davantage dans le sens de la préservation de l'environnement.
(L'amendement n° 4 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 64 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Rédactionnel.
(L'amendement n° 64 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 65 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Rédactionnel également.
(L'amendement n° 65 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 203 .
La parole est à M. Michel Bouvard.
Cet amendement concerne la diversité des territoires. Je suis très heureux d'avoir entendu les arguments développés par les uns et les autres sur la spécificité de l'urbanisme en Île-de-France, ou encore sur la spécificité des zones rurales de plaine. Je voudrais évoquer, à travers cet amendement, les problèmes des zones de montagne, qui connaissent des surcoûts pour tous les travaux d'aménagement liés aux conditions géographiques et climatiques. Elles ont également des dépenses spécifiques à assumer, notamment près des stations de sports d'hiver, où l'ensemble des équipements doivent subir ces surcoûts, qu'il s'agisse des routes ou des travaux d'assainissement.
Il en est d'ailleurs de même des travaux financés par la taxe départementale des espaces naturels sensibles, pour laquelle les compensations que l'on doit sont notamment liées à la grande diversité de la flore. Le volume de ces investissements y est toujours, proportionnellement, plus important qu'en plaine.
Il me semble que cette spécificité doit être reconnue, comme le voulait la loi montagne de 1985, qui prévoit une adaptation des lois et des règlements aux spécificités montagnardes. C'est l'objet de cet amendement, qui porte de 2,5 à 5 % le taux maximal de la taxe au bénéfice des départements. Ce n'est qu'un plafond. Cela ne veut évidemment pas dire que nous pourrions aller jusqu'à ce niveau. Dans l'amendement suivant, j'explique pourquoi il est proposé de porter ce plafond à 5 %. Nous souhaiterions en effet pouvoir moduler le niveau de la taxe départementale en fonction des zones, de manière à faire peser une taxe plus importante dans des zones touristiques où les mesures de compensation, de protection de l'environnement, sont plus importantes et nécessitent des ressources, mais où il y a aussi une clientèle plus aisée, qui peut, justement, participer à la protection des espaces naturels.
La commission n'a pas retenu cet amendement. La taxe d'aménagement instaurée par l'article 14 vise à remplacer, en les unifiant, deux taxes : la taxe départementale pour le financement des CAUE et la taxe départementale des espaces naturels sensibles. Ces deux taxes relèvent de politiques départementales d'ensemble, et n'ont pas à être déclinées de façon particulière à tel ou tel endroit du département.
Par contre, il y a un problème, qui va d'ailleurs me donner l'occasion d'interroger le secrétaire d'État. Vous vous rappelez que, pour les Jeux d'Albertville, la Savoie avait obtenu l'instauration d'une taxe d'équipement spécifique, qui existe toujours et qui rapporte, de mémoire, 4 millions d'euros.
Trois millions d'euros. Mais je rappelle aussi à M. Francina que les Jeux d'Albertville ont eu lieu en 1992.
Pardon, monsieur Bouvard. (Sourires.)
Peut-être que, pour la Savoie, le plafond de 2,5 % ne permet pas de loger cette taxe, monsieur le secrétaire d'État. Mais c'est un autre problème.
C'est un autre problème, mais il me semble quand même, monsieur Bouvard, que ma réponse est pertinente par rapport à votre amendement.
J'émets également un avis défavorable, à regret.
Le principe de cette réforme, c'est qu'elle se fasse à fiscalité constante : on n'augmente pas la pression fiscale pesant sur la construction. Car personne ici n'a pour objectif de renchérir des coûts de construction qui sont, en France, de 30 % supérieurs à ce qu'ils sont en Allemagne, ce qui est notamment dû au fait que les normes françaises augmentent le coût de la construction.
Notre principe, je le répète, c'était de maintenir inchangée la pression fiscale. C'est la principale raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
J'ajoute que nous avons fait des calculs pour savoir si les départements de montagne seraient pénalisés par cette réforme. Qu'en est-il ? Aujourd'hui, le cumul de la TDENS et de la TDCAUE est de 2,3 % dans le département des Hautes-Alpes, ce qui lui laisse une marge de manoeuvre de 0,2 %, puisque le taux maximal est fixé à 2,5 %.
Dans les Alpes-Maritimes, le cumul des deux taxes est de 2,28 %. En Haute-Savoie, il est de 1,9 %. L'Isère : 1,7 %. Les Pyrénées-Atlantiques : 1,3 %. La Savoie : 1 %. Le Jura : 0,4 %. Les Vosges : 0,3 %.
Autrement dit, tous les départements de montagne sont en dessous du taux maximal de 2,5 %. Tous ont donc des marges de manoeuvre importantes. Porter le taux maximal à 5 %, cela signifie, très clairement, un renchérissement du coût de la construction, qui n'est pas rendu nécessaire par cette réforme.
Vous qui êtes un élu rural, monsieur le secrétaire d'État, vous n'êtes pas insensible aux spécificités de certains territoires. Vous avez eu beau jeu de rappeler le montant cumulé des deux taxes existantes dans les départements de montagne. Vous admettrez également qu'au titre des articles 1, 3 et 8 de la loi montagne du 9 janvier 1985, ces territoires-là ont droit à un traitement spécifique. C'est d'ailleurs ce qu'avait rappelé M. le Premier ministre lorsqu'il a réinstallé le Conseil national de la montagne le 4 novembre 2009.
Je suis à peu près sûr que, demain matin, en apprenant que l'amendement de M. Bouvard a été refusé par le Gouvernement, il sera furieux. Parce que c'est sa parole qui aura été remise en cause.
On ne sait jamais de quoi demain sera fait, monsieur le secrétaire d'État. C'est une vérité première, et elle est encore plus importante pour les territoires de montagne. Vous n'ignorez pas qu'il y a des contraintes extrêmement importantes, qu'a rappelées notre collègue Michel Bouvard, orfèvre en la matière.
Cet amendement ne propose pas une prise de risque. Il propose une marge de confort. Personnellement, par delà nos divergences, j'y suis très favorable.
Je voudrais que M. le secrétaire d'État m'explique quelque chose. Il dit que cette réforme se fait à pression fiscale constante. Or je rappelle quand même que le taux de la taxe d'aménagement peut être fixé entre 1 et 5 %, et que dans certains cas il peut être porté jusqu'à 20 %. Expliquez-moi comment, dès lors, la pression fiscale peut être constante.
Je vous rappelle, monsieur le député, le principe même de la fiscalité de l'urbanisme. Il y a, d'un côté, huit taxes et, de l'autre, neuf participations. La réforme proposée consiste à substituer à ces huit taxes deux taxes principales, dont le taux peut être compris entre 1 et 5 %. Et si les collectivités locales suppriment les neuf participations, alors elles peuvent fixer le taux entre 5 et 20 %. À partir de 2015, cette substitution deviendra obligatoire.
Voilà comment on a deux régimes : un régime entre 1 et 5 % pour la substitution en taxes, et un régime de 5 à 20 % pour la substitution en participations.
(L'amendement n° 203 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 202 .
La parole est à M. Michel Bouvard.
Cet amendement s'inscrit dans la continuité du précédent. Bien évidemment, il n'est pas souhaitable que nous allions systématiquement au taux plafond proposé dans l'amendement précédent.
Dès lors qu'il s'agit de financer, notamment, la protection de l'environnement, l'idée est de pouvoir faire contribuer les zones où le marché immobilier est le plus actif et le plus spéculatif à la protection de l'environnement ; notamment dans les sites d'altitude, où la flore est la plus riche et où les contraintes environnementales sont les plus fortes. Les services de l'État connaissent parfaitement cela : les DREAL, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, qui font suite aux DIREN, traitent beaucoup plus de dossiers dans les zones d'altitude que dans les zones de plaine. Ce que propose cet amendement, c'est de permettre de moduler le taux en fonction des parties du territoire départemental.
C'est d'ailleurs la pratique qui avait été instaurée pour la fameuse taxe spéciale d'équipement olympique que l'on évoquait à l'instant. À titre d'exemple pour nos collègues, et afin de montrer la pertinence d'une mesure de ce type, le 1 % de la taxe espace naturel sensible rapporte, pour la Savoie, 2,8 millions d'euros. La seule taxe spéciale d'équipement olympique, qui est instaurée dans trente et une stations de sports d'hiver, donc dans les stations les plus attractives, avec des enjeux environnementaux forts à proximité, rapporte 3 millions.
Cela veut dire que nous avons la possibilité de moins taxer l'urbanisme pour la protection de l'environnement dans les quartiers populaires de villes à forte densité en logements sociaux, et de taxer plus dans des stations d'altitude, notamment là où il y a un marché d'immobilier touristique particulièrement dynamique et spéculatif. Il me semble que cette péréquation intradépartementale est utile et pertinente dans la gestion d'une politique d'aménagement et de protection de l'environnement pour des départements à forts enjeux environnementaux.
Monsieur le secrétaire d'État, vous espériez réduire huit taxes à une seule. Peut-être allons nous y arriver, mais il restera deux taxes : une taxe d'aménagement pour la France, et une pour la Savoie. (Sourires)
La commission a rejeté cet amendement. À titre personnel, l'amendement précédent me gênait bien plus.
Il n'est tout de même pas très logique qu'il y ait une modulation par commune. Il faut rappeler les fondamentaux : aujourd'hui, il existe deux taxes qui permettent de financer deux politiques départementales homogènes.
L'une de ces taxes permet de payer les salaires des architectes ou des conseils du CAUE. Je ne vois pas pourquoi, dans mon département, la taxe du Perreux serait supérieure à celle de Villejuif pour financer le CAUE de Créteil. Mais la Savoie a ses spécificités, comme chacun le sait !
L'autre taxe concerne les espaces naturels sensibles. Là encore, je ne suis plus conseiller général, mais il me semble que cela relève d'une politique départementale homogène.
Moduler la taxe selon les départements me heurte donc. Comme le rappelait le secrétaire d'État, les ressources procurées par cette taxe départementale d'aménagement ne peuvent être utilisées que pour les CAUE et les espaces naturels sensibles. Elle ne peut en aucun cas être utilisée pour d'autres types de dépenses.
Avis défavorable. M. Bouvard vient de dire qu'il y avait une continuité entre les deux amendements. Mais il existe une petite nuance : l'amendement précédent concernait les départements de montagne, alors qu'il s'agit ici de la France entière. Certes, il peut y avoir un lien entre les deux amendements, mais l'un concerne tous les départements, et pas exclusivement les départements de montagne.
Je ne suis pas favorable à l'application de cet amendement aux zones de montagne comme nous venons d'en discuter, mais faire un lien entre les deux amendements alors que ce dernier concerne la France entière me pose un vrai souci. Au nom de quoi allons-nous permettre au vice-président du conseil général de la Marne, que j'aperçois ici, de taxer plus fortement la ville de Reims ou de Châlons pour payer les salaires des CAUE dès lors que ces deux taxes, remplacées par un taux unique et une part départementale d'une seule taxe, répond clairement à une mutualisation départementale ?
Vous avez utilisé le terme de mutualisation départementale, et c'est bien de cela qu'il s'agit. Dès lors, il faut, me semble-t-il, un taux unique pour l'ensemble du département. C'est la raison pour laquelle je suggère à M. Bouvard de retirer son amendement, sinon le Gouvernement émettra un avis défavorable.
(L'amendement n° 202 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 250 .
La parole est à M. Christian Eckert.
On pourrait parler d'un amendement de précision. Le texte prévoit de laisser aux départements le soin de fixer, dans un plafond de 2,5 %, le montant de la nouvelle taxe. Cet amendement a simplement pour but de demander que, par la même délibération, les conseils généraux fixent la répartition entre la partie destinée à remplacer la taxe sur les ENS et la partie destinée à financer les CAUE, dont personne ne conteste l'utilité aujourd'hui.
Cet amendement permet de le préciser , tout en laissant la liberté aux départements de ventiler entre les deux objectifs que poursuit l'instauration de cette nouvelle taxe.
Avis défavorable. Comme vient de le dire M. Eckert, il faut que le département garde la liberté d'affectation de la taxe entre les différents objets. Je ne crois pas qu'un département puisse décider brutalement de cesser de subventionner son CAUE. Et si, pour des raisons quelconques, il décidait de le faire, je ne vois aucune raison de l'en empêcher.
Dans quelques départements, il n'y a pas de CAUE. Je pense qu'il faut laisser la liberté aux conseils généraux, ce sont des exécutifs responsables, libres, et c'est à eux de choisir la répartition et la pondération entre les deux actions que sont le financement des CAUE, d'une part, et celui des espaces sensibles, d'autre part.
Même avis que le rapporteur général, considérant qu'il appartient aux départements de fixer en toute liberté les taux comme ils le souhaitent. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi. Si le département souhaite le faire, il le pourra, s'il ne le souhaite pas, ne l'obligeons pas, il y va de sa responsabilité.
Vous voulez obliger les départements à fixer une répartition. Ce que nous souhaitons, c'est laisser la liberté aux départements de le faire. Nous avons pour volonté de simplifier la fiscalité de l'urbanisme, n'ajoutons pas de la complexité à chaque amendement. Sinon, comme le disait le rapporteur général, la simplification qui, je crois, est voulue sur l'ensemble de vos bancs, va disparaître amendement après amendement.
Monsieur le ministre, vous dites l'exact inverse de ce qui figure dans la loi de 1977. La loi de 1977 est d'intérêt public et doit être respectée. Vous savez pertinemment que, dans certains départements, le CAUE n'a aucun fonds. L'amendement de notre collègue est parfaitement justifié, parce qu'il permettrait effectivement d'appliquer sur le terrain ce qui est dit dans la loi : à savoir, ne pas avoir que le nom de CAUE, mais aussi les effectifs en architectes pour conseiller les communes.
Cela me semble limpide, je ne comprends pas que vous n'acceptiez pas cela !
Laissons la liberté aux départements, dans la Marne, nous n'avons pas de CAUE, mais nous n'en sommes pas morts pour autant ! Venez dans notre département, vous verrez que cela fonctionne probablement aussi bien que dans le vôtre.
Par ailleurs, la TDENS est juridiquement affectée, ce qui pose un petit problème.
Mais nous devons tenir, dans la réglementation actuelle, un compte d'emploi annuel. Dans la Marne, nous avons reçu des observations du préfet puisque ce compte est annexé au compte administratif, et le préfet peut faire des observations si l'on ne consomme pas le produit de cette taxe affectée.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer le maintien de l'affectation de la part qui va aux espaces naturels sensibles ?
Je ne comprends pas très bien : la délibération est annuelle, la fixation de cette part départementale interviendra vraisemblablement au même moment que le vote du budget, qui lui aussi est un vote annuel fait par la même assemblée délibérante. Je ne vois pas pour quelle raison, s'agissant de la même assemblée qui va discuter de cela au même moment, il faudrait enfermer l'usage de cette taxe, sachant que cela figurera dans le budget départemental. Il y a là un souci d'encadrement qui va à l'opposé de l'autonomie de la collectivité départementale.
Effectivement, M. Garrigue a raison. Mais je souhaite reprendre l'esprit de cet amendement. Il s'agit d'abord de défendre le CAUE issu de la loi de 1977, comme vient de le dire M. Boisserie.
Monsieur le secrétaire d'État, vous n'ignorez pas, puisque vous êtes un élu rural, qu'il y a bien longtemps que les services de l'équipement n'aident plus les maires et les élus des petites communes à réaliser leurs documents d'urbanisme.
Vous n'ignorez pas non plus que ces services étaient autrefois gratuits.
Vous n'ignorez pas enfin que ces petites communes sont désormais contraintes de faire appel à des cabinets spécialisés qui coûtent très cher. Des départements, qui ne sont pas parmi les plus riches, ont effectivement fait évoluer leur CAUE.
Nous souhaitons que les conseils généraux disposent d'une liberté supérieure à celle que vous venez d'édicter. Rassurez-vous, il n'y aura aucune augmentation de la pression fiscale, puisque 86 % des conseils généraux sont actuellement au taux maximum à 0,3 %. Ce taux plafond est inchangé depuis trente ans.
Il y a un problème d'équité territoriale. C'est une question de service rendu au public sur l'ensemble du territoire. En 2008, le rapport entre la plus faible recette de la taxe départementale du CAUE et la plus élevée est passée de 1 à 23, soit une variation de 112 000 à 2,6 millions d'euros.
Comme l'a indiqué M. Garrigue, cette latitude laissée aux conseils régionaux – c'est la responsabilité des élus des départements – vise à favoriser une ingénierie de proximité.
Dans mon département, les services du CAUE sont gratuits pour les communes, car nous avons décidé de faire appel à une forme de solidarité départementale. Pourquoi priver les conseils généraux de cette latitude ?
Les CAUE ont introduit une notion de qualité au service des communes, mais aussi au niveau de l'architecture et de l'insertion dans le milieu naturel, ce que ne faisaient pas forcément auparavant les services de l'État.
Le plus important, monsieur le secrétaire d'État, c'est que les services de l'État rendaient un service gratuit aux communes et aux pétitionnaires, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Laissons donc cette latitude aux conseils généraux.
C'est un bon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 250 n'est pas adopté.)
Je ne suis pas sûr que le service du compte rendu de la séance ait entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous avez indiqué que la partie de la taxe destinée aux espaces sensibles était affectée.
Je vais répéter ma réponse à M. de Courson pour le service du compte rendu : oui, il y a bien une affectation.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne vois pas comment on peut dire que l'une des deux taxes est affectée alors que l'autre ne l'est pas.
Le vote de l'amendement a eu lieu, nous n'y revenons pas, mais son objet consistait à lever cette ambiguïté. Je ne comprends pas la précision donnée par M. le secrétaire d'État. Il ne s'agit pas de préserver plus les CAUE que les ENS. Il s'agissait simplement d'ouvrir le débat et de préciser pour les conseils généraux.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 66 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 67 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 67 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 384 .
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Il s'agit d'un amendement de précision.
(L'amendement n° 384 , accepté par la commission, est adopté.)
C'est un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 99 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 204 .
La parole est à M. Michel Bouvard.
Je suis saisie d'un amendement n° 276 .
La parole est à M. Dominique Baert.
L'amendement, pour anodin qu'il soit, permet de répondre à un problème important.
Lorsque le bénéficiaire d'une autorisation de construire ou d'aménager ne peut satisfaire aux prescriptions en matière de stationnement, soit en construisant des aires de stationnement, soit en acquérant des places dans un parking public ou privé, il peut être exigé une participation pour non-réalisation d'aires de stationnement Cette contribution, ultime alternative lorsque le constructeur ne peut pas satisfaire aux obligations en matière de stationnement, permet aux personnes publiques qui prévoient de réaliser des parcs publics de stationnement d'autoriser néanmoins des projets.
L'article 14 du projet de loi de finances rectificative prévoit de supprimer cette faculté, alors que cet amendement permet de la maintenir.
Je vais cependant être obligé de donner un avis défavorable à l'amendement.
Monsieur le secrétaire d'État, nous devons trouver une solution à ce problème. Si le taux est majoré formellement, le constructeur n'est pas pour autant libéré de l'obligation qui lui est faite par le PLU de réaliser des aires de stationnement.
S'il ne peut pas s'en acquitter – la possibilité ayant été supprimée par une participation – que va-t-il se passer ? Nous avons jusqu'en 2012 pour résoudre le problème.
Je suis obligé de donner un avis défavorable, car la rédaction de l'amendement n'est pas correcte, mais il faudrait que vous nous proposiez, monsieur le secrétaire d'État, une solution avec l'aide de vos services.
L'objet de l'amendement est de maintenir une participation alors que le but de l'article 14 est de tenter d'en limiter le nombre.
Nous allons retrouver, c'est logique, toute une série de situations spécifiques liées à l'histoire même des participations et nous aurons dans tous les cas de figure quelques bonnes raisons – sans doute y en a-t-il – pour maintenir lesdites participations.
Si l'on souhaite simplifier, il faut le faire, même si cela fait naître une série de difficultés.
Je voudrais rappeler un élément technique précis sur la participation dont il est question. Dès lors qu'il n'y a pas de possibilité de réaliser des places de parking – c'est certes une obligation légale –, il existe deux méthodes pour s'y soustraire : payer ou invoquer l'impossibilité technique.
L'obligation de réaliser des parkings demeure, mais l'impossibilité technique reste.
Je ne vais pas vous lire la partie du code de l'urbanisme concernée. Certes, le code de l'urbanisme est complexe et, dans le cadre du Grenelle 2, vous nous avez habilités à légiférer par voie d'ordonnance pour le simplifier
Il y a aujourd'hui obligation de réaliser des places de parking, c'est le principe. Vous pouvez vous y soustraire si c'est véritablement impossible. Ce principe demeure. La modification de la fiscalité de l'urbanisme – à l'impossible nul n'est tenu, comme le disait M. le rapporteur général – ne change rien en la matière. Nous supprimons la participation particulière liée à la non-réalisation des places de parking en question.
Pour quelles raisons la participation financière est-elle supprimée ?
Dans des communes comme la mienne, la participation varie en fonction du secteur de l'agglomération. Plus la densité de l'habitat est élevée, moins il y a de possibilités de réaliser techniquement ces parkings, donc la taxe est moins chère.
Si l'on s'en tient à votre raisonnement, on pénalise les collectivités et on supprime quelque chose qui fonctionne très bien.
Je voudrais tout de suite vous rassurer.
J'ai indiqué tout à l'heure qu'il s'agissait d'une bonne réforme, pour une raison notamment : jusqu'à présent, la taxe locale d'équipement ne pouvait pas être modulée dans les différentes parties de la commune. On votait un taux entre 1 et 5 %, qui s'appliquait partout.
Dans l'article 14, le Gouvernement propose de moduler et de porter le taux jusqu'à 20 %. On pourra donc procéder à une adaptation pour tel ou tel problème spécifique. Les maires bénéficieront d'une possibilité d'adaptation de la taxe locale d'équipement aux différentes réalités à l'intérieur du territoire communal.
C'était la réponse générale. Cependant, la question très particulière et très spécifique des places de stationnement exigées par le PLU et que l'on ne peut réaliser demeure. Avant, on pouvait s'acquitter en payant. Maintenant, on s'acquittera par « impossibilité technique ». Mais il faudrait définir juridiquement ce qu'est l'impossibilité technique. En général, les problèmes ne sont pas techniques, mais plutôt financiers. On peut toujours techniquement, mais cela coûte horriblement cher et on préfère traiter la question différemment.
Comme l'a évoqué M. le rapporteur général, il existe deux possibilités de moduler la nouvelle taxe.
Une modulation de taux : dès lors que vous remplacez les neuf participations, dont celle que nous évoquons, vous ouvrez la possibilité aux communes de fixer un taux de 5 à 20 % À partir du moment où les participations sont faites en règle générale pour des aménagements dans des secteurs particuliers, on donne la possibilité à la commune de définir le taux – 5 % ou 18 % par exemple – sur telle ou telle partie de son territoire.
Effectivement, monsieur Bouvard, le département ne pourra pas le faire. Il s'agit d'une dépense mutualisée et départementale, ce qui n'est pas la même chose que pour les dépenses d'investissement réalisées par les communes. C'est la raison pour laquelle on le permet pour les communes, mais pas pour les départements.
Les communes auront la possibilité de moduler cette taxe pour le taux et le lieu d'application. Cela répond, me semble-t-il, au problème que vous avez évoqué.
En ce qui concerne les places de parking, s'il est impossible de les réaliser, pour des raisons financières par exemple, comme M. le rapporteur général l'a évoqué, la possibilité est offerte au pétitionnaire de réaliser ces places sur d'autres aires à titre de compensation s'il ne peut pas les réaliser sur les sites particuliers liés au PLU. Cette possibilité figure dans le code de l'urbanisme et y demeure.
Le versement de la compensation en question est une possibilité offerte par le code de l'urbanisme et non une obligation.
Vous êtes, monsieur le ministre, en train de démontrer combien il est aisé de légiférer dans l'absolu, mais difficile, voire impossible, d'appliquer sur le terrain les lois votées. Comment voulez-vous délimiter des zones ? Sur le PLU ? Sur quels documents vous appuyez-vous ? Un document annexe ? Vous ajoutez de la complexité à la complexité. Je ne comprends pas que vous vous opposiez à cet amendement parfaitement justifié.
Il ne changera rien.
Il faudra moduler selon les zones, dites-vous. Cela signifie que la taxe ne sera pas supprimée.
Permettez-moi de revenir sur le principe même de la réforme des taxes locales d'urbanisme.
Je vous rappelle qu'il existe aujourd'hui huit taxes d'urbanisme et neuf participations liées à l'urbanisme, en tout dix-sept éléments de taxation possibles.
Premièrement, nous instituons la taxe d'aménagement, qui se substitue aux taxes existantes. Pour la part communale ou intercommunale, la fourchette est fixée entre 1 % et 5 %.
Deuxièmement, si d'ici à 2015, les collectivités souhaitent supprimer les neuf participations, elles auront la possibilité de moduler le taux de 5 % à 20 %. Ce régime deviendra obligatoire après 2015. Autrement dit, à partir du vote de la loi, il y aura douze modalités de taxation et, entre 2012 et 2015, il y aura douze taxes ou cinq si les collectivités locales choisissent de supprimer les participations. À partir de 2015, il n'y en aura plus que cinq.
(L'amendement n° 276 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 300 .
La parole est à M. Philippe Vigier.
Encore une nouvelle taxe, monsieur le secrétaire d'État ! Certes, elle n'est pas obligatoire mais, pour ma part, je me méfie d'une taxe qui pourrait le devenir.
Les personnes qui vont habiter en milieu rural ou en périphérie de communes importantes ont fait un choix qui participe du phénomène de la « rurbanisation ». Ayant fait ce choix, elles n'ont peut-être pas envie d'avoir un terrain de 400 ou 500 mètres carrés.
Sur un terrain de 500 mètres carrés, avec un coefficient d'occupation des sols de 0,5, il est possible de construire, au maximum, une maison de 250 mètres carrés. Si vous construisez une maison de 100 mètres carrés, vous êtes taxé. Merci pour les classes moyennes ! Si vous êtes plus riche et que vous pouvez vous offrir une maison de 250 mètres carrés, vous n'êtes pas taxé ! Si, ensuite, vous voulez agrandir votre maison de 100 mètres carrés parce que votre famille s'agrandit elle aussi, vous avez été taxé avant même de bénéficier de la politique familiale. Voilà qui est pour le moins surprenant.
Le phénomène de sous-densité est connu. Dans de nombreuses communes, il n'existe pas de document d'urbanisme et vous avez la main pour délivrer le permis de construire. Et, dans la mesure où ce document existe, beaucoup de permis sont refusés, depuis le Grenelle 2 en particulier, pour diverses raisons : problèmes d'eau, d'alimentation électrique.
J'appelle également votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur le montant du versement pour sous-densité : jusqu'à 25 % du prix du terrain. Un terrain de 1000 mètres carrés à cent kilomètres de Paris vaut 100 000 euros ; 25 % de 100 000 euros, cela fait 25 000 euros. Lorsque vous construisez une maison de 100 mètres carrés, vous payez 25 000 euros supplémentaires uniquement pour une taxe facultative. Vous renchérissez donc considérablement le coût d'accès à la propriété et ce n'est pas ainsi que vous défendrez l'idée « d'une France de propriétaires. » Je vous demande donc d'y réfléchir à nouveau, monsieur le secrétaire d'État. De plus, des maires pourraient être tentés de mettre en place cette taxe facultative pour toucher des ressources supplémentaires.
Dans la mesure où vous avez déclaré qu'il ne fallait pas accroître la fiscalité, en particulier la fiscalité locale, la sagesse serait de supprimer la possibilité du versement pour sous-densité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Avis défavorable.
Il aurait du reste fallu examiner en même temps l'amendement suivant de notre collègue Chanteguet.
Philippe Vigier propose de supprimer la taxe pour sous-densité. Quant à Jean-Paul Chanteguet, il propose de la rendre obligatoire ! Comme souvent dans la vie, la vérité est entre les deux. Ce soir, la vérité, c'est la position du Gouvernement. La taxe est créée, mais facultative.
Si vous n'avez pas, monsieur Vigier, envie de la créer dans votre belle ville de Cloyes-sur-le-Loir, vous n'y êtes pas obligé. Moi-même, je me garderai bien de l'instaurer au Perreux (Sourires), mais pour des raisons sur lesquelles je ne m'étendrai pas.
En effet, il y a là deux positions contradictoires. M. Vigier souhaite supprimer le versement pour sous densité alors que M. Chanteguet entend le rendre obligatoire. Le Gouvernement veut offrir aux collectivités locales qui le souhaitent la possibilité d'instaurer cette taxe. Si telle ou telle commune ne le souhaite pas, elle ne l'instaurera pas !
Si personne ne le souhaite, personne ne le fera. Mais si certains le souhaitent, ils pourront le faire.
Dans des territoires « tendus », l'Île-de-France par exemple, nous souhaitons taxer la sous-densité car nous considérons qu'il y a des captations foncières qui ne nous paraissent pas acceptables. Nous sommes obligés de créer une taxe qui concerne l'ensemble du territoire, mais elle vise spécifiquement des territoires fortement urbanisés – et non les territoires ruraux – pour nous permettre de lutter contre la sous-densités.
Cela étant, certaines communes rurales pourront, à la demande des agriculteurs, instituer ce versement pour éviter des sur consommations foncières.
Le monde agricole d'un département qui m'est cher, la Marne, pourrait estimer que, sur certains territoires, cela peut se justifier pour éviter le mitage et avoir des cohérences d'exploitation des terrains disponibles, moins consommateur d'espace qu'aujourd'hui.
Revenons au versement pour sous-densité voulu par le Gouvernement. Quel est l'objectif ? Il s'agit de lutter contre l'étalement urbain qui se traduit par un prélèvement sur les terres agricoles de près de 75 000 hectares par an, c'est-à-dire un département tous les dix ans !
L'étalement urbain a également des conséquences sur la perte de biodiversité. Il se traduit en outre par des charges supplémentaires, en particulier dans le domaine des transports.
Le versement pour sous-densité est un bon outil s'il est obligatoire. S'il est facultatif, les collectivités ont la possibilité de ne pas le mettre en place et son effet sera très limité. En tout état de cause, cet outil permet de lutter contre l'étalement urbain, véritable plaie dont nous devons prendre conscience. Pénalisant en zone urbaine, l'étalement urbain l'est aussi en zone rurale.
Notre débat fait écho à un débat qui a déjà eu lieu dans cet hémicycle il y a trente-cinq ans, lorsqu'André Fanton avait proposé un impôt foncier déclaratif annuel sur les terrains à bâtir.
À l'époque, l'objectif était de lutter contre la spéculation foncière. Je regrette de ne pas avoir repris cette idée.
Dans le programme de l'UDR en 1975.
Avec le versement pour sous-densité, il y aura une imposition très forte en une fois et l'incitation à libérer les terrains ne sera pas maintenue. Avec l'impôt foncier déclaratif annuel, cette incitation existait dans la durée.
Le débat est complexe car les situations sont extraordinairement diverses du point de vue territorial. Dans certaines campagnes, l'habitat est groupé et, dans d'autres, il est dispersé. Les paysages se sont constitués au fil des époques historiques. Face à cette diversité, le Gouvernement a, peu à peu, essayé de prendre en compte ces éléments pour mettre en oeuvre une politique de zonage – des zones A, A+, très tendues, des zones B1, B2, moyennement tendues, des zones C, « détendues » ou « en déprise ».
J'ai pris ces exemples pour montrer que l'on ne peut aborder la question de la densité de la même manière selon les zones. C'est pourquoi des positions tranchées – la suppression ou l'obligation du versement – ne peuvent répondre à la diversité des situations territoriales. C'est l'évidence même.
Décentralisateurs, où êtes-vous ? avais-je envie de répondre à M. Vigier, qui m'appelait au secour tout à l'heure.
Qu'est-ce qu'une réponse uniforme à la question de la densité ? La solution moyenne consiste à rendre la taxe facultative suivant les régions – région parisienne, zones périphériques autour de certaines métropoles, zones rurales à habitat dispersé. À chaque territoire, sa solution.
C'est la raison pour laquelle je trouve que la position du Gouvernement, in medio stat virtus, est de loin la plus sage.
Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais que vous confirmiez que le versement pour sous-densité est facultatif. Peut-être ai-je mal lu, mais il me semblait qu'il était obligatoire dès l'instant où l'on appliquait le taux d'aménagement majoré.
Pour qu'il soit facultatif dans ce cas, il faudra adopter l'amendement n° 5 !
Monsieur le secrétaire d'État, avec ce genre de dispositif, je crains toujours un contournement.
Je vais vous soumettre deux cas. Je veux construire une maison de 150 mètres carrés dans un secteur où le COS est de 0,3. J'achète 500 mètres carrés pile. Un an après avoir construit, j'achète 200 mètres carrés supplémentaires. Eh bien, je ne paierai rien du tout. En revanche, si j'achète 700 mètres carrés et que je construis, je paierai le différentiel. Je ne vois pas comment on peut éviter ce problème.
Mon deuxième cas correspond au cas des triplés cher à Philippe Vigier. Beaucoup de gens construisent une maison sans savoir exactement quelle sera la taille de leur famille. Ils ont un enfant, puis arrivent des triplés – je prends cet exemple pour illustrer mon propos – et il faut agrandir la maison.
On ne prévoit pas tout dans la vie ; on s'adapte aux circonstances ! Vous allez pénaliser cette famille et les gens qui achètent un plus grand terrain pour anticiper, sans trop savoir s'ils construiront une véranda ou une chambre supplémentaire.
Votre système me paraît un peu du type Gosplan, où l'on est toujours sûr de tout. Pour répondre à notre collègue, est-ce le moyen de lutter contre la sous-densification ? Avec mon premier exemple, j'ai illustré la manière de le contourner.
Dans ces conditions, il vaut mieux créer des lotissements avec un cahier des charges extrêmement précis, et dimensionner les parcelles de manière à assurer une diversité de taille des maisons. Dans mon village, je fais comme ça et je n'ai pas besoin de taxe de sous-densification.
Chers collègues socialistes qui proposez de rendre le versement obligatoire, excusez-moi, vous avez fumé la moquette ! (Rires sur les bancs des groupes UMP et NC.) C'est complètement inadapté ! Certains vont pouvoir le faire, mais vous n'allez quand même pas m'imposer, à moi, une taxe de sous-densité ! Pour quoi faire ? J'ai 2 000 hectares !
Pensez-vous que c'est un problème d'utiliser cinq hectares supplémentaires sur un territoire ? Il y a six habitants au kilomètre carré dans tout le centre de la Marne !
Au Blanc, mon cher collègue, vous avez une densité extraordinairement élevée. Vous voulez protéger votre espace. Non, faisons preuve d'un peu de raison : nous ne pouvons pas prendre des mesures aussi inadaptées à la réalité du terrain.
Il faudrait accélérer un peu le rythme des débats, mes chers collègues.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Je souscris tout à fait à l'amendement en discussion, pour plusieurs raisons. Premièrement, il s'oppose à la création d'un impôt, d'une nouvelle taxe.
Il me semble qu'en 2007 nos électeurs ne nous ont pas mandatés pour multiplier les taxes. Or nous les multiplions à chaque débat budgétaire !
Nous en supprimons six !
Alors, arrêtons !
Deuxièmement, nous sommes en train d'organiser artificiellement, en particulier dans nos secteurs ruraux, la rareté et la cherté du terrain. Pourquoi les ouvriers habitent-ils dans le monde rural ? Parce que les terrains y sont un peu moins chers.
Parce que les gens aspirent à avoir de l'espace, qu'ils ne veulent pas systématiquement s'entasser dans des banlieues.
Or on va empêcher cela ! N'organisons pas la rareté et la cherté des terrains alors qu'il est déjà très difficile de construire dans nos secteurs ruraux.
Par exemple, dans une commune ne disposant pas d'un plan d'urbanisme et d'une charte communale, on ne peut pas actuellement obtenir un permis de construire. Dans ma région, certaines communes qui perdent des habitants depuis des années ont, tous les deux ans, la chance de voir se présenter un ménage qui veut construire et qui dépose un permis. Que se passe-t-il ? Des technocrates qui ne situent pas cette commune sur la carte leur disent : vous n'avez pas le droit de construire.
Ce n'est pas concevable. Il faut, au contraire, permettre la construction dans les secteurs ruraux où les services publics sont les moins chers : les écoles existent et ne demandent qu'à accueillir des enfants. L'organisation sociale y permet un développement et c'est précisément là qu'il faut développer.
Notre débat n'est pas technique. Veut-on faire des Français des locataires dans des HLM ou des accédants à la propriété dans des maisons individuelles ? Cette accession est possible dans le monde rural. Permettons-le !
Je rejoins notre collègue Le Fur quand il dit que le Gouvernement n'arrête pas de créer des taxes. C'est tout à fait vrai et ce n'est pas le groupe socialiste qui va dire le contraire.
Pour en revenir à cet amendement, que le versement soit obligatoire ou facultatif, il faudra bien mettre des garde-fous. Il y a des différences entre zones : certaines sont urbanisées et équipées et d'autres pas.
Vous n'allez tout de même pas demander à quelqu'un qui se trouve sans assainissement collectif d'avoir 200 mètres carrés, une superficie insuffisante pour créer son propre assainissement.
Ce n'est pas possible. Vous n'allez pas non plus pénaliser une famille qui ne pourra construire qu'une petite maison. Il faut donc des garde-fous, que le versement soit obligatoire ou facultatif.
À mon ami Marc Le Fur, je rappelle qu'il ne s'agit pas de créer des taxes supplémentaires mais d'en supprimer huit ; il s'agit de supprimer neuf modes de participation à l'urbanisme et de les remplacer par une taxe.
Quant au versement pour sous-densité, il est facultatif. Monsieur le Fur, il vient remplacer une taxe existante et visant un objectif inverse : le versement pour dépassement du plafond légal de densité. Nous simplifions.
Une nouvelle fois, notre collègue Michel Piron a parlé avec une grande sagesse.
Face à la diversité de nos territoires, il faut une approche basée sur le caractère facultatif du dispositif.
Monsieur Piron, j'irai plus loin que vous, en guise de réponse à notre collègue Chanteguet.
Quand vous êtes maire d'une commune de la banlieue parisienne, vous vous situez en zone urbaine très dense. Quand, comme l'un de vos proches voisins, vous êtes maire d'une commune qui a eu la chance de garder un équilibre entre zones pavillonnaires et petits immeubles collectifs, un habitat à échelle humaine, il est évident que vous n'allez pas vous embarquer dans la création par arrêté d'un périmètre de sous-densité.
Que demandent vos habitants ? Ils veulent garder leur habitat à échelle humaine ; ils demandent que l'on protège leurs zones pavillonnaires. Même dans une zone urbaine dense, certains de nos collègues ne créeront pas cette obligation relative à la sous-densité.
Il faut que chaque équipe municipale, en fonction des appréciations si diverses dans nos 36000 communes, puisse garder cette faculté.
Cette taxe peut être intéressante et elle doit être dans la boîte à outils de l'urbanisme, mais elle doit absolument garder son caractère facultatif. Renvoyant dos à dos nos collègues qui veulent la rendre obligatoire et ceux qui veulent la supprimer, je vous demande donc de suivre le Gouvernement.
À Marc Le Fur qui est scandalisé parce que nous créerions une taxe nouvelle, je signale que l'amendement en question vise à supprimer six taxes pour les remplacer par trois autres.
On peut difficilement nous accuser de créer un impôt nouveau. Clairement, nous respectons les engagements pris par le Président de la République en 2007 pour la simplification de la fiscalité.
C'est le principe même de ce texte. Nous gardons les mêmes recettes, mais nous simplifions la fiscalité en supprimant six taxes pour les remplacer par trois autres qui nous paraissent plus efficaces. C'est le premier point.
Deuxième point : sur votre territoire, la Bretagne, vous pensez qu'il ne faut pas appliquer ce versement pour sous-densité. C'est votre choix, mais permettez-moi, à Châlons-en-Champagne, d'avoir peut-être un avis contraire au vôtre et de vouloir mener une politique différente de la vôtre.
Laissez à l'élu local de Châlons-en-Champagne que je suis la possibilité de mener une politique d'urbanisme différente de la vôtre. Si vous souhaitez ne pas appliquer ce versement densité, vous en aurez le droit. Si je le souhaite, laissez-moi mener une politique différente de la vôtre.
(L'amendement n° 300 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 261 .
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
Défendu.
(L'amendement n° 261 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 262 .
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
Défendu !
(L'amendement n° 262 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Voilà l'amendement qui donne satisfaction à notre collègue Guy Malherbe. En effet, il permet de déconnecter complètement le versement pour sous-densité de la taxe d'aménagement.
Si cet amendement est adopté, le versement pour sous-densité restera totalement facultatif. Vous pourrez ainsi moduler votre taxe d'aménagement, sans pour autant être obligé de mettre en place le versement pour sous-densité.
C'est un excellent amendement qui a été approuvé quasi-unanimement par la commission des finances, dont vous connaissez l'esprit d'équilibre.
Pour que le débat soit clair, je rappelle l'origine de cette distinction.
Cet article du PLFR propose une taxe d'aménagement variant entre 1 % et 5 % pour remplacer les taxes actuelles. Nous avons souhaité qu'il n'y ait aucun lien entre cette taxe d'aménagement et le versement pour sous-densité, qui est strictement facultatif.
Cela étant, à partir de 2015, les collectivités locales supprimant les participations pourront faire varier la taxe d'aménagement entre 5 % et 20 %. Dans ce cas, le texte initial prévoyait un versement pour sous-densité obligatoire.
Pourquoi cette obligation ? À partir du moment où une zone nouvelle à urbaniser justifiait l'application du taux maximum de 5 % à 20 %, nous souhaitions que cette zone soit plutôt densifiée. C'est pourquoi nous avions prévu ce versement obligatoire pour sous-densité.
Mais, compte tenu des débats que nous avons eus sur l'amendement précédent, il me semble sage pour le Gouvernement d'émettre un avis favorable à l'amendement présenté par le rapporteur général.
J'essaie de comprendre le raisonnement qui sous-tend cet amendement. M. le ministre vient de nous dire qu'il était prévu dans le texte initial de rendre le versement pour sous-densité obligatoire lorsque le taux de la taxe d'aménagement est supérieur à 5 %. Par son amendement, M. le rapporteur général supprime cette obligation. C'est bien cela, monsieur le rapporteur général ?
Quoi qu'il arrive, le versement pour sous-densité ne doit jamais être obligatoire !
Sans doute, mais dans le texte qui nous est soumis, il le devient.
Ce que je ne saisis pas, c'est le lien entre le versement pour sous-densité et le taux de la taxe d'aménagement, qu'il soit supérieur ou non à 5 %. Croyez-vous vraiment, monsieur le rapporteur général, qu'une taxe d'aménagement supérieure à 5 % puisse permettre de lutter contre l'étalement urbain ?
J'avais bien lu le texte. Je n'avais pas loupé d'étape. Il y avait bien un lien entre le taux majoré de la taxe d'aménagement et le versement pour sous-densité. Simplement, M. le ministre a anticipé sur l'amendement qui nous est présenté et qui va peut-être être voté.
La commission des finances n'étant pas à majorité socialiste, il est cohérent de sa part de supprimer un alinéa « socialiste » ! Je plaisante. Comme nous avons une discussion sympathique, nous pouvons rire un peu. Cela étant, on ne peut pas défendre le caractère optionnel dans tout le texte, sauf à cet endroit. Il faut aller jusqu'au bout de la démarche.
J'appelle cependant de nouveau votre attention, mes chers collègues, sur le fait que ce dispositif pourra être utilisé de deux façons. Ceux qui ne veulent pas de gens modestes auront un moyen très simple pour ne pas en avoir : en mettant à la vente de grands terrains avec de petits coefficients ou des coefficients moyens, ils surenchériront le prix du terrain et n'auront donc que des gens aisés. Dans le cas contraire, il suffira d'inverser le procédé. Nous n'avons donc pas très bien travaillé sur cette question.
Mais il faut soutenir la commission dans sa demande de suppression de l'alinéa 142.
(L'amendement n° 5 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 265 .
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
La loi Grenelle 2 a créé la possibilité pour le schéma de cohérence territoriale de déterminer des zones où le plan local d'urbanisme doit imposer une densité minimale de construction, et la possibilité pour le PLU d'imposer dans des secteurs qu'il délimite une densité minimale de construction. Il semblerait que cette densité minimale en dessous de laquelle il n'est pas possible de construire soit différente du seuil minimal de densité créé par l'article 14. Pour que les deux instruments puissent coexister lorsqu'ils sont instaurés dans la même collectivité, il est indispensable que le seuil minimal de densité soit supérieur à la densité minimale de construction. C'est le sens de cet amendement.
Votre amendement, monsieur Chanteguet, est une insulte au bon sens des maires. Je ne sais pas si vous êtes maire vous-même.
Votre amendement sous-entend qu'un maire qui aurait fixé dans son plan d'occupation des sols ou son plan local d'urbanisme un coefficient d'occupation des sols de 0,5, par exemple, serait capable de fixer une taxe de sous-densité à partir de 0,4.
Le maire est au courant de son PLU ou de son POS. S'il crée une taxe de sous-densité, il l'ajustera en fonction du seuil minimum. Les élus locaux sont des gens de bon sens.
Si je comprends votre préoccupation, votre amendement me paraît inutile.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 265 n'est pas adopté.)
Le produit de la taxe facultative pour sous-densité de construction ferait l'objet, en l'état actuel du projet, d'une affectation assez étrange. Le présent amendement poursuit un objectif de simplification et de clarification des responsabilités fiscales, en cohérence avec la réforme des collectivités et celle de la fiscalité locale.
Le versement pour sous-densité – VSD – pourra être instauré à la seule initiative de la commune ou de la communauté compétente. Il dépendra de secteurs déterminés dans les plans locaux d'urbanisme. Le constructeur assujetti imputera de fait cette surtaxation aux seules autorités compétentes pour l'instituer, c'est-à-dire la commune ou la communauté.
Dans ce contexte, l'affectation prévue d'un quart du produit du VSD aux départements n'a aucune justification et serait même particulièrement incongrue au regard des principes d'autonomie financière puisque les ressources d'une collectivité dépendraient alors des décisions d'une autre. En la circonstance, disons-le clairement, les recettes de certains départements dépendraient pour partie des décisions communales ou intercommunales. Vous admettrez qu'en matière de clarification, on peut faire mieux. Rien n'empêcherait, demain, de faire dépendre les ressources de l'État des votes départementaux ou régionaux. Je ne vois pas, en effet, pourquoi on s'arrêterait en si bonne route ! Le grand soir de la réforme fiscale s'annoncerait alors.
Il vous est proposé, en attendant un moment aussi grandiose, de revenir à un peu plus de cohérence, c'est-à-dire au principe de l'attribution intégrale du produit du versement pour sous-densité à l'autorité compétente pour l'instituer, si elle l'institue. C'est ce principe qui était prévu à l'origine lors de la concertation avec les associations représentatives des collectivités.
La parole est à M. Gilles Carrez, pour défendre le sous-amendement n° 383 .
L'amendement de M. Piron nous a paru tellement excellent que nous l'avons adopté.
Je me suis demandé pourquoi le ministre, dont nous connaissons les grandes compétences, a pu proposer que la commune ne perçoive que 75 % du produit du versement pour sous-densité, alors que c'est elle qui, comme pour la taxe d'aménagement, est compétente pour les documents d'urbanisme et en prend la responsabilité. Je crois en avoir compris la raison.
Notre boîte à outils fiscale est merveilleuse. Nous créons aujourd'hui une taxe facultative pour pénaliser la sous-densité. Mais, en 1976 – vous parliez d'André Fanton, monsieur Garrigue, je parle, moi, du temps où Robert Galley était ministre de l'équipement –, nos prédécesseurs ont créé une taxe pour dépassement de la densité, c'est-à-dire exactement l'inverse. Or, de façon très curieuse, alors que c'est la commune qui crée cette taxe pour surdensité, un quart du produit en est versé au département.
Donc, par cohérence intellectuelle avec l'excellent amendement de notre collègue Michel Piron, il me semble indispensable d'étendre cette affectation exclusive au bloc communal au versement pour dépassement du plafond légal de densité institué il y a quarante ans.
La parole est à M. Dominique Baert, pour défendre l'amendement n° 271 .
Cet amendement est identique à celui de M. Piron. Donc je ne doute pas qu'il soit également qualifié d'excellent par M. le rapporteur général.
Nous fusionnerons nos efforts dans cet élan simplificateur puisque, comme l'a souligné M. Piron, la double affectation qui était proposée allait à l'encontre des objectifs énoncés dans l'exposé des motifs de l'article 14 et rappelés par M. le ministre, à savoir simplifier, clarifier et obtenir une meilleure lisibilité. Avec une répartition d'un quart-trois quarts, nous n'étions pas au faîte de la simplification. On peut donc raisonnablement plaider pour une attribution intégrale du produit du versement pour sous-densité à l'autorité qui l'a institué, à savoir la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale. J'accepte bien évidemment, moi aussi, le sous-amendement du rapporteur général.
Si je comprends bien les propos et de M. Piron et de M. le rapporteur général, il convient quand même de noter qu'il va y avoir pour les départements concernés une perte de ressources de l'ordre de 10 à 15 millions d'euros par an.
Ce sont essentiellement les Hauts-de-Seine qui sont concernés. Le Tarn ne l'est pas, monsieur Carcenac !
Je le sais. Sont principalement concernés trois départements de la région parisienne : Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis et Hauts-de-Seine.
Il ne faudrait pas que cette conséquence passe par pertes et profits.
Je donne un avis favorable à l'amendement de M. Piron.
Je comprends bien la logique simplificatrice qu'il a exprimée et son argumentaire en faveur de l'attribution du produit d'une contribution à celui qui la décide. Cela paraît cohérent.
Je serai plus réservé sur le sous-amendement du rapporteur général. Nous sommes en train de créer une taxe : le versement pour sous-densité. La décision d'affecter la totalité de son produit à la commune ne pose pas de problème. Dans le cadre du sous-amendement, nous revenons sur une situation passée, et cela aurait des conséquences sur la répartition des ressources entre les différentes collectivités , ressources qui existent déjà et qui persisteront au moins jusqu'en 2015. C'est la raison pour laquelle je m'en remettrai, sur le sous-amendement, à la sagesse de l'Assemblée.
(Le sous-amendement n° 383 est adopté.)
(Les amendements identiques nos 57 et 271 , sous-amendés, sont adoptés.)
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 105 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le rapporteur général est l'auteur d'un amendement de coordination, n° 101.
(L'amendement n° 101 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 14, amendé, est adopté.)
Nous en venons à l'article 30, sur lequel sont inscrits plusieurs orateurs.
La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.
Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, dont je salue l'arrivée, mes chers collègues, nous abordons l'article 30 portant mesures de réforme sur la fiscalité du tabac. Ses alinéas 25, 26 et 27 visent à supprimer les articles 575 G et 575 H du code général des impôts, qui limitent le transport du tabac pour les particuliers en imposant la production d'un document pour une quantité supérieure à 1 kilo et interdisent de détenir plus de 2 kilos de tabac manufacturé, soit dix cartouches de cigarettes.
Cette suppression − qui revient finalement à légaliser la contrebande du tabac − est imposée à notre pays par la directive européenne 2008118 du Conseil européen. C'est à mon avis un très mauvais signal donné à tous ceux qui luttent contre la consommation excessive de tabac, ainsi qu'aux buralistes, notamment ceux des régions frontalières, qui souffrent déjà d'une distorsion de concurrence de la part de certains pays européens, comme l'Espagne ou le Luxembourg. Une telle mesure va à l'encontre de tout ce que fait le Gouvernement pour limiter la consommation de tabac, et elle réduit à néant les efforts qui ont été consentis dans le cadre des contrats d'avenir et qui ont permis de maintenir le maillage des commerces de proximité que sont les bars-tabac-presse, en leur donnant les moyens de se moderniser.
Pour être efficace, la lutte contre le tabagisme doit passer à terme par l'harmonisation de la fiscalité au niveau européen…
…et, dans un premier temps, par la limitation drastique de l'importation. C'est pourquoi je voterai les amendements de suppression des alinéas 25 à 27. Monsieur le ministre, nous devons nous efforcer de convaincre la Commission européenne que le tabac n'est pas un produit comme les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
On voit ici ce qu'est devenu le principe de subsidiarité. On pourrait en effet considérer que c'est à chaque État de décider de la règle qui s'applique en la matière. Or, au nom du bizness libre et sans frontières, on veut nous imposer des règles que nous combattons au nom de la santé. Cela devrait nous servir de leçon, car nous ne pouvons accepter les empiétements incessants de l'Union européenne sur des domaines qui sont de notre seule compétence.
Raisonnons un instant par analogie. Puisque c'est la loi du libre marché qui doit s'appliquer, jusqu'où peut-elle aller ? Ne nous imposera-t-on pas, demain, comme aux États-Unis, des règles sur la libre circulation des armes, au nom du commerce qui ne doit pas subir d'entraves ? Pour ce qui nous concerne, nous voterons tous les amendements qui s'opposent à la Commission et à la justice européennes.
Cependant, je me pose une question : qu'est-ce qui fait fléchir les autorités de l'Union européenne ? Nos arguments sont pourtant forts. Seraient-ce les lobbies ?
Je suis d'accord avec vous, monsieur de Courson, et je retiens votre objection. Seraient-ce donc les groupes de pression ? Allons jusqu'au bout de la réflexion : mes chers collègues, combien y avait-il dans les enveloppes ?
Un seul point fait vraiment débat dans l'article que nous propose le Gouvernement : les règles relatives à la circulation et à la détention du tabac. Quelle que soit notre position à cet égard, nous devons nous demander pourquoi le problème se pose. C'est que, contrairement à ce que dit M. Brard, l'Europe n'est pas intervenue pour empêcher que la fiscalité différentielle sur le tabac entre les pays de l'Union n'atteigne un niveau tel qu'elle encourage les détournements et le trafic.
Aujourd'hui, le paquet de référence vaut à peu près 5,70 euros en France. Nous n'avons aucun problème avec l'Angleterre, où il est à 7,70. Ce sont d'ailleurs les Anglais qui viennent acheter des cigarettes en France, à Calais ou ailleurs. Il en va tout autrement en Espagne ou en Andorre. En Espagne – M. Nayrou me corrigera si je me trompe −, le paquet coûte 3,70 euros, puisqu'il vient d'augmenter pour boucher les trous. On compte donc 2 euros d'écart, et on ne trouve plus un seul marchand de tabac à Hendaye : il suffit de passer la frontière, ce ne sont pas les tabacs qui manquent à Irun.
Le Gouvernement français est-il prêt à mouiller la chemise pour obtenir une harmonisation de la fiscalité européenne ? Nous avions voté, en loi de finances initiale, un amendement qui allait en ce sens, car il s'agit d'un problème de fond. Limiter le différentiel à 40, 50 ou 60 centimes d'euros serait déjà appréciable ; en tout cas, on ne peut accepter de tels écarts de fiscalité en Europe − car il s'agit bien d'un écart de fiscalité, et non de prix de revient.
Tant que nous n'aurons pas réglé cette question centrale, nous ne pourrons recourir qu'à des palliatifs. Il en est de plus ou moins bons, telle la limitation à 2 kilos. Sans doute pourrions-nous tenter d'améliorer ce dispositif. Mais les douanes ne séquestrent jamais que 3 % du marché clandestin, autant dire rien. Et il faut aussi prendre en considération le problème des moyens. L'idée du Gouvernement consisterait à inverser la charge de la preuve. Pourquoi pas ? Mais ne nous illusionnons pas sur nos capacités à traiter le problème sans réduire fortement les écarts de fiscalité.
L'Europe ne représente pas seulement une chance pour la France et les autres pays du vieux continent, c'est une nécessité dans un monde qui bouge beaucoup et dans lequel les nouvelles puissances économiques – qu'on ne peut plus dire émergentes, puisqu'elles ont déjà émergé – affirment leur concurrence. C'est tout l'intérêt du marché unique de 500 millions d'Européens. Quand elle est une puissance économique s'affirmant sur les marchés mondiaux, quand elle est un marché interne stimulant ce moteur de l'économie qu'est la consommation, l'Europe est utile.
Mais – car il y a un mais –, si nous devons atteindre l'objectif du marché unique dans les meilleurs délais, nous ne devons pas brûler les étapes. Or, si, par notre vote, nous libéralisions l'achat de tabac, nous brûlerions l'étape de l'harmonisation – l'harmonisation de la politique de santé publique. Comment comprendre, en effet, et comment justifier des mesures de lutte contre les dangers du tabac, comment justifier notamment une politique tarifaire, si, au nom du sacro-saint principe de libre circulation des marchandises, on permet aux Européens de traverser les frontières sans limiter les quantités de tabac qu'ils transportent ?
Mais c'est aussi l'harmonisation des politiques fiscales des pays européens qui doit progresser plus vite qu'elle ne le fait. Qu'expliquera-t-on, en effet, aux buralistes français, qui devront subir une concurrence inacceptable à cause de fiscalités si différentes ?
Il me paraît donc nécessaire de voter ces amendements de suppression, pour éviter que nous ne nous lancions dans une course vers un marché unique en brûlant les étapes et sans tenir compte de la nécessité d'une harmonisation.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je ne m'exprimerai pas sur le fond, car les amendements – notamment ceux que je défendrai – me donneront l'occasion de le faire plus tard. Je voudrais cependant d'ores et déjà indiquer qu'il n'est pas fréquent que le Parlement prenne des initiatives visant à modifier la structure des droits pesant sur les tabacs. D'habitude, il se prononce sur le niveau des prix, mais pas sur la structure de la fiscalité, qui est extrêmement compliquée et dont les éléments sont si bien interconnectés qu'il est difficile de toucher l'un sans modifier l'autre.
Pour ma part, j'ai tenté de le faire avec un amendement que je crois sincèrement d'intérêt général. Mais nous avons affaire à un marché qui est réparti entre quatre acteurs. Si les services de l'État qui gèrent le secteur font ce que le devoir commande, on peut craindre qu'un marché cartellisé et des droits d'une complexité certaine n'aboutissent à des relations que je ne crois pas saines entre ces services et les quatre acteurs qui vendent le tabac en France. Pour avoir éprouvé objectivement quelques difficultés à comprendre ce qu'il en était, pour deviner ce qui est en train de se passer depuis quelques jours, je veux simplement dire à la représentation nationale que ces relations, qu'on pourrait qualifier d'incestueuses, ne sont pas acceptables, et que c'est probablement l'honneur du Parlement de s'en préoccuper, non seulement à l'occasion de cette loi de finances rectificative, mais également à l'occasion d'autres lois de finances, afin qu'une forme de transparence s'établisse.
Comme l'a dit M. le président de la commission des finances, ne revenons pas sur les raisons de fond qui nous conduisent à intervenir sur l'article 30.
Concrètement, trois problèmes généraux se posent : le premier est le dumping fiscal ; le deuxième est la perte de recettes pour l'État ; le troisième est de priver les douanes d'outils pour contrôler le trafic transfrontalier. Mais cet article soulève également une série de problèmes commerciaux – M. Binetruy en a parlé – qui toucheraient les buralistes proches des frontières, et qui entraîneraient l'acceptation de fait du marché noir. Tout le monde sait qu'il y a des trafics individualisés. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour signaler à M. de Courson que l'Andorre n'est absolument pas concernée par cette mesure : ma collègue Frédérique Massat, députée de l'Ariège, et dont la circonscription est frontalière de la principauté, me le signalait à l'instant.
J'en reviens aux problèmes de dumping. Nous sommes bien d'accord pour que Bruxelles exige le respect de la libre circulation, mais à condition d'exiger aussi des pays concernés qu'ils harmonisent leur fiscalité. Finalement, la position de Bruxelles peut être décrite comme un raisonnement vrai sur une base fausse.
Soyons clairs : les pays qui taxent fort les produits jugés nocifs pour la santé sont en droit d'exiger une limitation des achats frontaliers dans les pays où s'applique une fiscalité moindre, quoi qu'en pensent les autorités européennes, et même la Cour de justice de l'Union européenne.
Enfin, toujours à propos de cette taxation majorée du tabac pour des raisons de santé publique, que reste-t-il quand on a tout oublié ? Le racket fiscal ! Je reconnais donc que l'État n'est pas le mieux placé pour donner des leçons de morale, que le Gouvernement n'est pas le mieux placé pour déposer des amendements comme ceux qui nous sont proposés.
Le groupe socialiste votera, monsieur le ministre, les amendements de suppression des alinéas 25 à 27, pour les raisons qui viennent d'être exposées par nos collègues, notamment M. Nayrou, et aussi parce que ces alinéas iraient à contresens, me semble-t-il, de l'idée selon laquelle le renchérissement des prix est une façon de lutter contre le tabagisme.
Frontalier du Grand-Duché du Luxembourg, je sais de quoi nous parlons ici. Notre groupe votera donc les amendements de suppression que nombre d'entre nous ont déposés.
Tout à l'heure, Charles de Courson a évoqué l'approche européenne, ses objectifs mais aussi ses insuffisances. Il existe en France, depuis longtemps, une sorte de doctrine de l'encadrement de la vente, de la distribution et de la consommation de tabac, qui nous est propre et qui passe d'abord par le monopole des buralistes, eux-mêmes placés sous la tutelle du ministère des finances et des douanes, qui passe ensuite par une politique de prix, chacun de ces instruments n'étant pas suffisant en lui-même et ne fonctionnant que comme élément du cadre de régulation ainsi défini.
Que vaut, à cet égard, la philosophie de la libre circulation ? Elle est totalement contradictoire avec les objectifs de la France. Ce n'est pas sans rappeler le débat que nous avons eu à propos des jeux en ligne : la doctrine de la France n'était pas contraire ; là non plus, au principe européen d'une subsidiarité exercée pour des raisons d'intérêt général. En l'occurrence, il s'agit de motifs de santé. D'ailleurs, la Commission européenne ne nous a-t-elle pas autorisés à interdire la publicité de manière plus stricte que d'autres pays ? La question est donc bien spécifique, et nous souhaitons conserver cet encadrement.
Nous estimons donc qu'il ne faut pas nous coucher devant ce qui n'est pas encore une décision de la Cour de justice, qu'il ne faut pas nous coucher devant l'idée d'une libre circulation intégrale, d'une ouverture totale à la concurrence. Si nous le faisons, que risque-t-il de se passer ? On nous dira alors que la vente elle-même doit être totalement libéralisée et que le monopole des buralistes ne doit plus être. Il nous semble donc fondamental de revenir à la législation de 2005, que nous avions soutenue.
Nous devons aller jusqu'au bout de l'application d'une doctrine qui nous semble très efficace, plus efficace que celle d'autres pays, notamment du sud de l'Europe.
Deuxième point, je veux faire le distinguo entre l'amendement du président de la commission des finances, qui vise à augmenter le prix de certains paquets de tabac, et la position de la commission des finances sur le maintien des seuils de passage à la frontière. J'invite évidemment mes collègues à ne pas soutenir l'amendement du président Cahuzac. Pourquoi ? C'est qu'il va totalement à l'encontre des objectifs que nous nous fixons. Nous ne voulons pas seulement un encadrement suivi, avec une convergence des associations qui luttent contre le tabac et des buralistes eux-mêmes, ce qui ouvre peut-être la possibilité d'une nouvelle ère, une ère de discussions favorables à la régulation du marché du tabac, nous voulons aussi une harmonisation européenne. Or, si nous votons une augmentation du prix du tabac, nous irons totalement à l'encontre de l'objectif d'une harmonisation européenne et ne ferons qu'accroître les distorsions. Cela signifiera l'accroissement du marché noir, l'introduction massive – fût-elle illégale – de cartouches moins chères que celles vendues en France, et cela signera l'échec total de la lutte contre le tabagisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Je suis saisie d'un amendement n°376 rectifié .
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps l'amendement n° 377 rectifié , ces deux amendements ayant trait au même sujet, celui d'un « super minimum » de perception.
Dans son arrêt du 4 mars 2010, la Cour de justice de l'Union européenne a condamné le dispositif de « prix seuil » mis en place en 2004, qui interdisait la vente des cigarettes en dessous d'un prix jugé promotionnel. Dès lors, les fabricants pourraient tenter de baisser leurs prix et de contrecarrer ainsi l'action du Gouvernement, qui entend favoriser un prix d'accès aux cigarettes élevé, conformément à la politique de santé publique.
En conséquence, il convient de renforcer les outils fiscaux qui permettent de dissuader tout acteur du marché de baisser ses prix ou de pratiquer des prix bas. Tel est l'objet des deux amendements déposés par le Gouvernement.
L'amendement n° 376 rectifié institue un minimum de perception majoré de 10 % pour les cigarettes qui seraient vendues à un prix inférieur à 94 % du prix moyen du marché, lequel devrait être, le 1er janvier 2011, de 5,40 euros. En pratique, si un cigarettier vendait un paquet de cigarettes à moins de 5,10 euros, le minimum de perception applicable passerait de 173 à 190 euros, ce qui contraindrait le fabricant à vendre à perte. C'est donc un mécanisme extrêmement dissuasif que le Gouvernement propose à la représentation nationale.
L'amendement n° 377 rectifié vise à ajuster le seuil de déclenchement du minimum de perception majoré lorsqu'une hausse des prix intervient en cours d'année. Ce mécanisme permettra de relever fortement, par simple arrêté du ministre du budget, la fiscalité due par un fabricant qui ne s'associerait pas à une hausse des prix.
Ces deux dispositifs fiscaux visent à protéger la santé publique, qui fait partie des priorités de l'action gouvernementale.
Je pense que ces amendements sont de bons amendements, dont la signification doit être bien comprise. Il s'agit d'éviter une guerre des prix conduisant à leur baisse. Il s'agit aussi d'éviter qu'un franc-tireur – il peut s'en trouver – ne tente de conquérir des parts de marché en France en se livrant à une telle guerre des prix à la baisse.
Depuis maintenant plus de vingt ans, tous les gouvernements de ce pays ont mené une politique de prévention, notamment du cancer broncho-pulmonaire et des accidents cardiovasculaires, en augmentant les prix du tabac. On peut, à l'occasion, être déçu par les politiques de prévention. On peut également regretter que la hausse des prix ne prévienne pas davantage l'apparition du tabagisme chez les jeunes. Cependant, nous savons tous que baisser les prix ne peut qu'inciter les plus jeunes de nos concitoyens au tabagisme. A contrario, une augmentation des prix ne peut que les dissuader de fumer. Or c'est précisément au moment de l'adolescence que se décide pour un individu le fait de fumer ou non, et nous savons quelles en sont les conséquences en termes de santé publique : il y a une quinzaine d'années, le tabac était directement responsable, chaque année, de la mort de 40 000 de nos concitoyens.
Ces très bons amendements sont aussi parfaitement complémentaires, cher collègue Yves Censi, de celui que je dépose, qui présentait effectivement un risque. Ce risque serait écarté si les amendements nos 376 rectifié et 377 rectifié étaient adoptés.
La commission a donné son avis par la voix du rapporteur général. À titre personnel, je ne puis qu'être également très favorable à ces amendements, et espérer que la représentation nationale les adoptera. Ils s'inscrivent dans la continuité d'une politique de santé publique et de prévention des méfaits du tabagisme mise en oeuvre par tous les gouvernements de ce pays depuis le tout début des années quatre-vingt-dix.
J'abonderai bien sûr dans le sens de M. le président Cahuzac. Il est bien évident que l'absence d'harmonisation de la fiscalité applicable à un produit dont la consommation détermine autant la prévalence d'un certain nombre d'affections graves est regrettable. Il faut continuer à essayer d'agir en faveur d'une telle harmonisation, notamment au travers d'institutions comme le Parlement européen.
Cela dit, je voudrais ajouter deux éléments.
D'abord, il existe une relation directe – peut-être pas chez les adultes, en tout cas chez les jeunes – entre l'augmentation du prix et la diminution de la consommation. C'est acté, attesté par les bulletins épidémiologiques publiés lors d'augmentations notables du coût des cigarettes.
Ensuite, on assiste actuellement à une explosion du nombre de cancers du poumon chez les femmes qui ont commencé à fumer il y a quinze ans, vingt ans ou un peu plus. Le cancer du poumon est ainsi l'un des rares dont l'incidence augmente, tandis que le traitement n'aboutit qu'à un nombre encore trop limité de guérisons ou de rémissions à long terme.
Je voulais insister sur cette dimension publique, à ne pas perdre de vue lorsque l'on lutte contre un dumping qui vise certaines catégories, notamment les jeunes. Je n'évoquerai que le dumping qui cible les jeunes du tiers-monde et qui vise, par l'ajout de produits dans le tabac, à les rendre plus rapidement dépendants.
Je veux répondre à Jérôme Cahuzac et à Gérard Bapt. Leur discours, j'en suis sûr, est parfaitement sincère. Néanmoins, il faut être beaucoup plus nuancé à propos de l'efficacité de l'augmentation des prix, quelle que soit la substance consommée. S'agissant des jeunes, en effet, cela vaut aussi bien pour l'alcool, pour le tabac et pour les drogues, notamment celles qui se fument. Je vous invite à regarder la réalité de très près : la limitation de la consommation d'alcool dans certains cafés et bars induit de nouveaux comportements chez les jeunes ; ils vont dans les supermarchés acheter, beaucoup moins cher, des bouteilles de vodka et autres alcools forts, qu'ils boivent avant les soirées et les sorties.
Quant au tabac, je vous invite à être attentifs au fait que son prix se rapproche de celui de certaines drogues qui se fument. On assiste donc à la banalisation de ces dernières. Allez voir comment les choses se passent non seulement à la sortie des collèges et des lycées, mais aussi à l'intérieur de ces établissements. Petit à petit, nous accréditons l'idée d'une certaine équivalence entre les drogues et les cigarettes.
Enfin, puisque vous employez l'argument du dumping dans le même discours, je ne vois pas comment, en accroissant l'écart de prix entre les cigarettes et les cartouches qui s'achètent en Espagne et celles qui s'achètent en France de l'autre côté de la frontière, vous pourrez lutter contre l'augmentation exponentielle de la consommation illégale de cigarettes et du recours aux psychotropes, dont les prix se rapprochent du prix légal des tabacs.
Je suis saisie d'un amendement n° 16 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances.
Lorsque fut discutée la loi « alcool tabac », autrement dit la loi Évin, les débats étaient de même nature entre ceux qui pensaient que l'État devait intervenir en interdisant la publicité et en augmentant les prix et ceux qui jugeaient que, ces produits étant autorisés, il fallait laisser le marché décider. Pour ce faire, il fallait laisser les fabricants faire la promotion de leurs marques et, le cas échéant, mener une politique tarifaire incitative.
Ces deux façons de voir les choses ne sont donc pas nouvelles dans notre assemblée et je ne suis pas surpris qu'à l'occasion d'un débat sur le prix du tabac, elles ressurgissent dans les mêmes termes qu'il y a vingt ans. À l'époque, déjà, l'interdiction de la publicité était jugée absurde parce qu'elle n'était pas interdite au même moment partout en Europe. Il y a vingt ans, la politique d'augmentation du prix du tabac en France, parce qu'elle était unilatérale, était déjà jugée inefficace à défaut d'être appliquée dans les pays voisins. Car, déjà, d'aucuns estimaient que si l'Europe tout entière n'appliquait pas une telle politique, aucun pays ne pouvait le faire.
Pourtant, l'histoire a montré que c'est la France qui a eu raison il y a vingt ans car, qu'il s'agisse de l'interdiction de la publicité ou de l'augmentation des prix, ce sont, naturellement avec retard, les autres pays qui s'alignent sur les politiques françaises, plutôt que la France qui revient sur des choix maintenus depuis 1990 par tous les gouvernements, quelle qu'ait été leur inspiration politique.
L'amendement que je défends et qui a été adopté à l'unanimité, me semble-t-il, par la commission des finances…
Si vous étiez là, monsieur Censi, je vous prie de m'excuser, mais cela ne change pas les termes du débat. Soit nous croyons que plus aucun gouvernement ne procédera à une augmentation des prix et, dans ce cas, je peux comprendre que l'amendement soit rejeté. Soit nous pensons que l'an prochain, ou plus tard, un gouvernement, quel qu'il soit, décidera une augmentation des prix. Je tiens cette dernière hypothèse pour la plus probable.
Dans ce cas, pour qu'une augmentation des prix ait à la fois un effet de santé publique et un effet sur les recettes de l'État, il faut éviter une concurrence par les prix, c'est-à-dire un déport de la consommation vers des cigarettes moins chères qui, d'ailleurs, sont constituées d'un tabac de moins bonne qualité que celui des cigarettes « premium ». Là est aujourd'hui le défaut d'une politique par les prix : l'écart entre le haut et le bas de gamme fait qu'une augmentation qui s'applique uniformément aboutit à un déport de la consommation vers des cigarettes moins chères. D'une part, il y a un moindre effet en termes de santé publique ; d'autre part, les recettes espérées par l'État ne sont pas celles constatées une fois la mesure appliquée. Car personne n'est dupe : l'augmentation des prix du tabac vise aussi à améliorer les recettes de l'État.
L'amendement n° 16 a pour but de donner toute son efficacité à la politique des prix en lui permettant de remplir ce double objectif. Il est complémentaire des deux amendements du Gouvernement que nous avons adoptés, et je me réjouis qu'ils l'aient été. Si l'on estime que l'on peut à l'occasion accepter une augmentation de prix, je ne comprends pas que l'on refuse cet amendement, sauf à admettre implicitement que le vote d'une telle mesure puisse être sans effet, à cause, je le répète, du déport de la consommation vers les cigarettes moins chères.
Bref, notre amendement doit être adopté si l'on veut que l'augmentation des prix réponde au double objectif de santé publique et de préservation des recettes de l'État.
Le Gouvernement est défavorable à votre proposition, monsieur Cahuzac et monsieur Carrez, considérant que le mieux est l'ennemi du bien.
Sur le fond, nous ne sommes pas en désaccord.Le Gouvernement a décidé une augmentation équilibrée visant à poursuivre une politique de santé publique exigeante, en particulier vis-à-vis de notre jeunesse. Je partage totalement le point de vue que vous avez exposé précédemment : nous devons nous donner tous les moyens réglementaires de publicité, de communication et de politique des prix pour dissuader la jeunesse d'entrer dans une filière dont on sait qu'il sera très difficile de sortir. Il faut des mesures d'accompagnement, et l'effet prix est beaucoup plus dissuasif pour les jeunes que pour celles et ceux qui, déjà entrés sur le marché du travail et dépendants de la cigarette, ont les revenus nécessaires pour absorber la hausse.
L'augmentation de 6%, qui a eu lieu au début du mois de novembre, est le fruit, non d'un compromis à la baisse, comme j'ai pu l'entendre dire ici ou là, mais d'un juste équilibre entre la nécessité de poursuivre la politique inexorable et déterminée du Gouvernement en matière de santé publique et les besoins des buralistes…
…qui, dans une logique de partenariat avec l'État, ont accepté de jouer le jeu des contrats d'avenir. Cela nécessite de respecter le calendrier défini en commun, la méthode d'aménagement du territoire liée à la présence des buralistes dans de nombreuses communes, mais aussi la politique de diversification progressive que l'État leur offre en matière de distribution de services complémentaires, pour éviter, d'une part, un effondrement trop rapide de leur activité et de leur chiffre d'affaires et, d'autre part, qu'un certain nombre de ces acteurs économiques ne soient contraints de mettre la clé sous la porte.
L'augmentation de 6 % en novembre était équilibrée. Votre amendement, monsieur le président de la commission et monsieur le rapporteur général, propose une augmentation de 5% supplémentaires dès le mois de janvier, soit une hausse de 11% en l'espace de quelques semaines. Si l'État accompagnait cette proposition, ce serait une rupture par rapport aux contrats d'avenir, un déni de sa signature, ce qui ne serait ni convenable ni pertinent au regard des objectifs partagés que nous nous sommes fixés.
Si nous acceptions cette augmentation, elle aboutirait, j'y insiste, à une hausse de 10,8% depuis celle intervenue en novembre 2009 et de 17,5% par rapport au prix fixé antérieurement.
Si nous sommes d'accord sur le fond en matière de politique de santé publique, si nous nous rejoignons sur les amendements présentés par le Gouvernement, qui empêcheront certains acteurs de la filière de se livrer à une forme de dumping en cassant les prix, nous ne pouvons nous rejoindre sur un rythme trop soutenu d'augmentation des prix du tabac par rapport aux engagements que nous avons pris. L'État tient au respect de la parole donnée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances.
C'est une bonne chose que nous ayons eu ce débat, et vous pouvez tous être certains qu'il sera repris à l'occasion de textes à venir. En effet, si l'on veut que la hausse des prix du tabac ait un effet bénéfique en termes de santé publique, toutes les études montrent que cette hausse doit être très sensible. Des hausses modérées peuvent satisfaire certains mais, dans ce cas, l'objectif de santé publique n'est pas atteint : toutes les enquêtes l'attestent, dans tous les pays où elles ont été faites. Sur ce point, je suis prêt à confronter mes documents avec ceux que d'autres, parmi vous, pourraient fournir.
Un mot enfin à propos des buralistes, dont je n'ai pas parlé, à tort. Lorsqu'il y a une augmentation des prix et un déport de la consommation vers les cigarettes bas de gamme, moins chères, il est clair – nonobstant les contrats d'avenir que vous avez évoqués, monsieur le ministre – que l'on ne protège pas les buralistes puisqu'ils sont rémunérés sur le montant final des ventes. On préserve leur revenu en réduisant l'écart de prix entre les cigarettes haut de gamme et bas de gamme au lieu de le laisser s'agrandir, ce à quoi le dispositif proposé, quoique amendé par le Gouvernement, finira par aboutir. Si vous voulez protéger les buralistes, monsieur le ministre, ne laissez pas s'accroître cet écart, car le déport de consommation aboutira pour eux à une moindre progression de leur chiffre d'affaires, voire à une perte, contrairement à ce qu'on a pu leur expliquer.
La réponse est dans les amendements nos 376 rectifié et 377 rectifié .
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
Je défendrai pour ma part l'amendement n° 38 qui, comme tous les autres, a pour objectif de supprimer les alinéas 25, 26 et 27 de l'article 30 et de revenir à la rédaction initiale des articles 575 G et 575 H du code général des impôts fixant les règles en matière de transport de tabac par les particuliers.
Je rappelle que ces dispositions avaient été introduites à l'initiative de l'Assemblée nationale en décembre 2005. Au prétexte d'une directive européenne concernant la libre circulation des marchandises entre les États membres, il semblerait que la France puisse être inquiétée à cause des mesures prises en 2005 sur le transport du tabac.
Tout en acceptant le principe de libre circulation des marchandises, on peut cependant admettre une interprétation particulière en matière de transport de produits nuisibles pour la santé. En effet, il faut rappeler que l'article 36 du traité précise que les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importations, d'exportations ou de transits, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé et de la vie des personnes. Un autre jugement de la Cour de justice fait appel aux mêmes principes de santé publique.
Ainsi, il est possible de s'appuyer sur cette clause de santé publique pour réglementer au niveau national le transport de marchandises comme le tabac, à condition qu'il soit admis dans notre législation que le tabac est dangereux pour la santé.
La seule question à laquelle il faut répondre, monsieur le ministre, est donc la suivante : le tabac est-il, oui ou non, dangereux pour la santé ? Si la réponse est non, je retire notre amendement ; en revanche, si la réponse est oui, vous comprendrez toute la pertinence de notre proposition au regard de l'obligation de préserver la santé, notamment celles de nos jeunes.
Dans la longue histoire de la législation sur le tabac, nous sommes dans une hypothèse rare où les intérêts, au demeurant légitimes, des buralistes se confondent avec ceux de la santé publique.
C'est un problème européen, s'agissant d'un conflit d'objectifs entre la liberté de circulation et la santé publique. La Commission européenne n'a pas eu la volonté de trancher. À travers ces amendements, nous avons la volonté de le faire en espérant que la Cour de justice – car c'est elle qui devrait être saisie en dernier lieu – jugera dans l'esprit de l'économie sociale de marché, c'est-à-dire en faisant prévaloir la santé publique sur la liberté de circulation.
Je veux bien être défait, madame la présidente, mais au moins avec la dignité de l'expression ! (Sourires.)
Pour aller à l'essentiel, mesdames et messieurs les députés, votre présence en nombre témoigne de votre intérêt soutenu pour les travaux du ministre du budget dans cette loi de finances rectificative et singulièrement pour cette partie du texte.
Le débat est bien connu. Établir un compromis était une position imposée au Gouvernement du fait d'une décision de justice européenne, une nécessité qui n'est que la déclinaison de la signature française dans le cadre de l'application des traités.
Nous nous sommes efforcés, à la lumière des débats que cette décision avait soulevés, de trouver, en liaison avec la Commission, une solution acceptable. Ainsi le Gouvernement suggérait-il - dans un amendement n° 385 dont l'avenir est désormais, je n'en doute pas, incertain – de prendre deux mesures complémentaires de contrôle concernant la détention de tabac par les particuliers. D'une part, au-delà du seuil de 800 grammes de cigarettes indiqué dans la directive, une procédure d'enquête pouvait être déclenchée. D'autre part, et la mesure était particulièrement intéressante, au-delà de trois fois le seuil, soit 2,4 kilogrammes, il y avait inversion de la charge de la preuve, le détenteur de cartouches de cigarettes devant démontrer que lesdites cartouches étaient bien destinées à sa consommation personnelle et non à des fins professionnelles détournées. La Commission avait accepté ce compromis qui nous paraissait équilibré.
J'utilise l'imparfait, car si, d'aventure, cet amendement n'était pas accepté, ce qui est possible, nous ne serions alors plus, dans l'année qui vient, dans une logique de compromis avec la Commission mais, malheureusement, dans une logique d'accompagnement d'une décision de justice se traduisant par une pénalité financière pour la France.
Après vous avoir apporté ces précisions et avoir donné le meilleur de moi-même pour tenter de vous convaincre, je ne peux naturellement que vous demander de soutenir l'amendement n° 385 du Gouvernement et de vous prononcer contre les amendements Mallié et consorts. Je laisse à chacun, mais avec le sourire, le soin d'assumer pleinement sa responsabilité.
Ce problème est central. Faute d'harmonisation réelle de la fiscalité européenne, nous nous trouvons dans une situation extrêmement difficile : j'ai rappelé les chiffres. Notre objectif est par conséquent de demander au Gouvernement d'entamer une négociation dans le cadre européen, car nous n'avons pas fini, à défaut d'harmonisation, de discuter des problèmes de contrôle. De plus, les saisies de la douane, lors de ces contrôles, atteignent à peine 3 % de la masse du trafic clandestin. On peut faire ce que l'on veut. Plus nous augmenterons la fiscalité sur le tabac, plus nous augmenterons l'importation clandestine et plus nous faciliterons l'augmentation de la consommation de tabac, ce qui est le cas depuis un an, mes chers collègues !
Mes chers collègues, nous reprendrons demain après-midi l'examen du projet de loi de finances rectificative.
Prochaine séance, jeudi 9 décembre à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma