La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Monsieur le Premier ministre, je voudrais tout d'abord, au début de cette séquence de questions au Gouvernement, vous redire, dans cette période difficile que traverse le pays, notre engagement – l'engagement de tous les députés du groupe Nouveau Centre - aux côtés du Gouvernement (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR – Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP), pour que réussisse et aboutisse cette réforme des retraites.
Renoncer, comme certains le demandent aujourd'hui, serait une faute, pour une raison toute simple. Je le dis à nos collègues socialistes : sans réforme, c'est l'avenir même de nos retraites qui serait menacé, parce qu'il y a une réalité devant laquelle nous sommes placés et qu'il faut aborder avec courage, l'allongement de la durée de la vie.
Tous les pays d'Europe ont engagé cette réforme. Nous devons la conduire à son terme, car c'est un problème de responsabilité collective.
Je souhaite vous dire une seconde chose, monsieur le Premier ministre, au nom des députés du groupe Nouveau Centre : notre soutien aux actions que vous avez engagées pour éviter le blocage du pays (Très bien ! sur les bancs du groupe NC), parce que ce blocage est une menace pour l'activité et pour l'emploi sur tout le territoire, d'autant plus forte qu'elle risque de toucher tout le tissu des TPE et des PME.
Le droit de grève est légitime,…
…mais on ne peut pas accepter l'idée, dans une démocratie moderne, qu'on organise de manière aussi volontaire des entraves à la liberté de circuler et d'aller travailler.
On ne peut pas accepter non plus, mes chers collègues, les scènes de violence contre les biens et contre les personnes auxquelles on a assisté hier ; elles doivent être dénoncées et condamnées par tous les républicains.
Désormais, monsieur le Premier ministre, on le sent bien : à ce moment des conflits, chacun est appelé à prendre ses responsabilités. En effet, demain – vous l'avez dit vous-même –, la réforme des retraites sera votée au Sénat. Il est d'ailleurs faux de dire que le texte n'a pas évolué, car il a évolué.
Avec le vote de la loi, la question qui se pose est la suivante : comment allez-vous aborder cette étape nouvelle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président Sauvadet, je voudrais d'abord remercier le groupe Nouveau Centre… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Un député du groupe SRC. Combien de ministres dans le prochain gouvernement ?
…qui, depuis le début du débat sur les retraites, a manifesté un soutien sans faille à cette réforme essentielle pour l'avenir de notre pacte social.
Avec le groupe Nouveau Centre, nous croyons à la vérité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et nous croyons à l'effort partagé. Après le vote de l'Assemblée nationale, le Sénat poursuit ses travaux et les conclura cette semaine. Cela signifie que, dans quelques jours, la réforme des retraites sera la loi de la République.
Cette loi votée, nous allons engager ensemble sa mise en oeuvre.
Il y a des mesures d'application directe, comme l'âge d'ouverture des droits à la retraite, l'annulation de la décote et le relèvement des mesures d'âge pour les fonctionnaires.
Il y a des mesures réglementaires, qui devront faire l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. Ce sera notamment le cas de l'aménagement du dispositif des longues carrières qui, je le rappelle, va permettre à tous ceux qui ont commencé à travailler avant dix-huit ans de continuer à partir avant soixante ans, voire plus tôt pour ceux qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans.
Enfin, sur plusieurs sujets, la loi renvoie à une négociation collective. C'est le cas de la pénibilité ; c'est le cas de la réforme de la médecine du travail ; c'est encore le cas de la question de l'égalité professionnelle.
Mesdames, messieurs les députés, la confrontation sociale fait partie de notre démocratie, mais le consensus social aussi.
Je voudrais rappeler que les réformes des retraites de 1993, de 2003 et de 2007 ont fait, elles aussi, l'objet de contestations, de grèves, de manifestations et d'oppositions, dans cet hémicycle comme au Sénat.
Et puis elles ont été mises en oeuvre et elles sont progressivement devenues la loi de la République ; elles sont acceptées par une très large majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La réforme actuelle, monsieur le président Sauvadet, n'est ni de droite, ni de gauche. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est la réforme du bon sens et de la République sociale, et je vous le dis : dans quelque temps, cette réforme fera l'objet, comme les autres, d'un large consensus national. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, la journée d'hier marquait la sixième mobilisation des salariés. Au fil des rotations, ce ne sont pas moins de 4 à 5 millions de personnes qui ont participé à l'une au moins de ces journées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est cela qui vous dérange !
Ils sont donc nombreux, très nombreux, dans la rue pour rejeter la politique de votre gouvernement et le projet de société que vous tentez d'imposer coûte que coûte.
Vous voulez passer en force. Vous refusez le dialogue. Alors que nous vivons – et vous le rappelez suffisamment souvent – un moment historique, vous préférez sanctionner au lieu de construire un contrat social et de prendre en compte les questions essentielles auxquelles le pays est confronté.
Les Français sont inquiets : vous dérégulez les soins, l'éducation, la justice et l'emploi ; et, plutôt que de perdre la face, vous préférez essayer de dresser les hommes et les femmes de ce pays les uns contre les autres.
Avec vous, c'est jeunes contre vieux, fonctionnaires contre salariés du privé, citoyens français contre citoyens d'origine étrangère. Il y aurait des Français responsables d'un côté et de l'autre des individus défendant leurs privilèges.
Cette stratégie se traduit dans vos actions au Parlement : de loi en loi, vous restreignez la démocratie et vous produisez une véritable insécurité juridique, économique et sociale. Vous devriez méditer ces propos de Romain Rolland dans sa pièce Le Quatorze Juillet : « Quand l'ordre est injustice, le désordre est déjà un commencement de justice » ; et vous devriez méditer cette paraphrase de la Déclaration des droits de l'homme : quand la loi est injuste, on a le devoir d'y résister.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous mettre un terme à cette situation, entendre ce qui se passe dans le peuple, et retirer ce texte de loi ?
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Comme M. le Premier ministre vient de l'indiquer, le Gouvernement a engagé une réforme difficile, mais indispensable pour sauver l'un des piliers de notre pacte social : notre système de retraite par répartition.
Au moment où, chaque mois, nous sommes obligés d'emprunter pour payer les pensions d'un million et demi de nos concitoyens, ce système est menacé.
La pire des injustices, monsieur Braouezec, serait que les pensions de ceux qui ont cotisé pendant toute une vie de travail ne puissent pas être payées.
Après de longues discussions avec les partenaires sociaux… (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
le Gouvernement a présenté un projet de loi qui prévoit l'allongement de la durée de cotisation et le relèvement de l'âge de départ en retraite – comme l'ont d'ailleurs fait tous les grands pays développés.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez pu améliorer ce texte et répondre à des inquiétudes de nos concitoyens sur la pénibilité, sur les carrières longues ou encore sur les retraites des femmes. (« Non ! » sur les bancs du groupe GDR.) Le débat va maintenant aller à son terme au Sénat, et le projet de loi, comme vient de le dire M. le Premier ministre, sera ensuite adopté.
Sur un sujet aussi difficile, il est normal que des inquiétudes se manifestent. Hier encore, elles se sont exprimées dans la rue, même si chacun a pu constater que le nombre de manifestants était inférieur à celui du 12 octobre dernier, et le nombre de grévistes nettement en retrait. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Mais s'il y a un droit à manifester, il n'y a pas de droit à bloquer. Le Gouvernement ne laissera personne paralyser le pays : notre politique consiste à conforter notre pacte social, mais aussi à faire respecter l'État de droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. — Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Jacques Domergue, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, la réforme des retraites a un objectif : sauver notre système de retraites par répartition non seulement pour nous, mais aussi pour nos enfants.
Oui, nous sommes au rendez-vous depuis le début parce c'est une nécessité.
Cela n'a pas été le cas de tout le monde. Certains au parti socialiste, Ségolène Royal depuis Venise, Martine Aubry par à-coups, affirment, la main sur le coeur, que si par malheur ils revenaient aux affaires ils fixeraient à la retraite à soixante ans.
Ce qu'ils n'osent pas avouer, sauf quand la vérité leur échappe, c'est qu'ils veulent en réalité diminuer les pensions et augmenter les cotisations, mettant en péril le pouvoir d'achat des retraités et de ceux qui aujourd'hui travaillent. Le Gouvernement a fait un autre choix, qui consiste surtout à ne pas reporter sur les générations futures le poids des retraites d'aujourd'hui.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La CADES ! La CADES !
Ne pas prendre ses responsabilités risquerait de créer des difficultés pour payer les retraites, et cela, ce serait une véritable crise sociale !
Tous les pays en Europe, surtout ceux qui sont dirigés par les sociaux-démocrates, ont engagé ce type de réforme. Souvent, ils ont même été plus audacieux que nous puisque l'âge de départ à la retraite est souvent soixante-cinq, voire soixante-sept ans.
En attisant les braises de la contestation, et en souhaitant une radicalisation du mouvement, comme Benoît Hamon, le parti socialiste compromet sa crédibilité à gouverner un jour ce pays. Chers collègues socialistes, vous qui parlez toujours de l'image de la France, mesurez-vous l'image que vous donnez de notre pays ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le secrétaire d'État, expliquez-nous encore une fois les grandes lignes de cette réforme.
La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Monsieur le député, vous avez résumé l'essentiel de notre projet : sauver le système de retraites par répartition. En réalité, nous sommes les seuls aujourd'hui à défendre ce système ; ce que propose le parti socialiste, c'est de le quitter.
Le parti socialiste veut quitter ce système par répartition, qui permet de financer les pensions grâce aux cotisations des actifs. Nous y sommes, nous, très attachés, et vous avez raison de le souligner.
Agissons-nous dans le cadre d'une concertation ? Eh bien, plus de cinquante réunions ont été organisées avec les syndicats ; il y a eu soixante-dix heures de discussion à l'Assemblée nationale ; il y a déjà eu plus de cent heures de discussion au Sénat, où Éric Woerth se trouve actuellement et c'est pourquoi je réponds à sa place.
Le texte a-t-il évolué au cours de la discussion ? Bien sûr. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Sur la pénibilité, sur la retraite des mères de famille, sur le statut des personnes handicapées et de leurs enfants, le texte a beaucoup changé. Dans la soirée sera discuté au Sénat un amendement portant sur les victimes de l'amiante : le texte va encore évoluer.
Sommes-nous, enfin, dans la logique de la démocratie ? Bien sûr. C'est au Parlement qu'il revient de décider et de dire quelle est la loi de la République. M. le Premier ministre l'a rappelé : c'est ici que cela se passe ; ce n'est pas dans la rue, nous n'agissons pas au gré des manipulations et des violences. C'est le Parlement qui décide quel sera demain le système des retraites, car telle est la loi de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Avant de poser ma question au ministre du budget, je voudrais revenir sur les violences urbaines dont Lyon a été victime. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ces violences, qui sont le fait de petits groupes de casseurs, n'ont rien à voir avec les manifestations des organisations étudiantes et lycéennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Ces violences doivent être sanctionnées. Elles sont inacceptables.
Mais ces violences traduisent aussi, comme l'a rappelé ce matin le maire de Lyon, Gérard Collomb, l'échec de votre politique à l'égard de la jeunesse, depuis la politique de la ville jusqu'à la politique de sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Quant au budget, c'est un budget d'austérité, dépourvu de toute mesure de soutien à l'emploi, qui aura forcément un impact négatif sur la croissance, la consommation et l'investissement.
C'est 10 milliards d'augmentations d'impôts, à travers plus de vingt-deux mesures nouvelles. Augmentation de la TVA sur les offres internet, taxe sur les contrats d'assurance maladie, taxe sur les HLM, autant de taxes qui seront répercutées sur les prix et qui vont casser le seul moteur qui marche encore un peu : la consommation.
C'est un gel des dotations aux collectivités qui va peser sur l'investissement. À un moment où l'État finance la moitié de ses dépenses courantes par le déficit, est-il acceptable, monsieur le ministre, de reporter l'austérité sur des collectivités territoriales, qui, elles, ne s'endettent que pour investir et qui, depuis trente ans, n'ont pas augmenté leur endettement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous prétendez que ce budget est la réponse à la crise. Non, ce budget, c'est la facture du sarkozisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député, quel crédit peut-on accorder à un membre d'un parti dont le porte-parole se retrouve aux côtés de M. Besancenot, un week-end, pour proposer, sur les retraites, soixante ans et à taux plein ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Quel crédit peut-on accorder à un parti dit de gouvernement qui voit le porte-parole contredire sa première secrétaire sur cette question des retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quel crédit peut-on accorder à un ancien conseiller budgétaire d'un Premier ministre qui a vécu une croissance à 3,5 %, qui a augmenté de 25 % le taux de croissance des dépenses publiques par rapport à la période actuelle, qui a créé 50 000 emplois de fonctionnaires, qui a alimenté le déficit supplémentaire de l'assurance maladie de 2 milliards par an pour aboutir, sur une courte période, à 12 milliards, c'est-à-dire un montant supérieur au déficit du régime d'assurance maladie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Alors, monsieur Muet, pas de leçons, pas d'invectives, de la lucidité : dans ce budget, le Gouvernement n'augmentera pas les impôts, il ne touchera pas à l'impôt sur les sociétés, il ne touchera pas à l'impôt sur le revenu, il ne touchera pas à la TVA, il fera un effort historique de maîtrise des dépenses, parce que la période Rocard plus la période Jospin, c'est une facture que nous devons aujourd'hui payer, additionnée à celle de la crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La semaine dernière, j'ai interrogé le Gouvernement sur la nécessité de faire toute la lumière sur les circonstances qui ont entouré l'attentat de Karachi. De nouveaux éléments ont été portés à notre connaissance depuis cette question qui justifient que je vous interroge à nouveau cette semaine, madame la garde des sceaux.
D'une part, nous avons eu confirmation que le Conseil constitutionnel avait validé les comptes de campagne du candidat Balladur alors que ses rapporteurs, membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes, magistrats indépendants, avaient préconisé qu'on ne les valide pas.
Et ce en raison de la difficulté d'établir la traçabilité de versements en espèces sur ces comptes.
D'autre part, le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, a déclaré vendredi qu'il était tout à fait favorable à la plus grande transparence et qu'il était prêt à rendre publiques les archives du Conseil constitutionnel si le Gouvernement le lui demandait.
Ma question est donc très simple et très précise : allez-vous le lui demander ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Si je répondais oui ou non, vous protesteriez. Je vais donc expliquer le pourquoi de ma réponse.
Mesdames, messieurs les députés, je crois que tous ici nous voulons que toute la lumière soit faite sur l'attentat de Karachi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La décision du Conseil constitutionnel que vous évoquez, monsieur le député, a été rendue, je le rappelle, comme toutes les décisions du Conseil constitutionnel en la matière, sur la base d'un rapport. Sur la base de ce rapport, il y a eu une discussion de l'ensemble des membres du Conseil constitutionnel, puis un vote. La décision a ensuite été publiée au Journal officiel de la République française. Vous m'avouerez qu'en matière de secret, on fait mieux qu'une publication au Journal officiel.
En ce qui concerne les débats internes du Conseil constitutionnel, puisque c'est sur cela que vous m'interrogez, je vous rappelle que ces débats sont, en application de l'ordonnance du 4 février 1959, soumis au secret. Ils ne sont pas publics, selon les termes mêmes de l'ordonnance.
Ses membres sont tenus à une obligation de secret concernant les délibérations et les votes.
Néanmoins, ces débats sont retranscrits et archivés. Le magistrat instructeur y a accès dans le cadre de la procédure judiciaire ouverte. La justice enquête donc, elle en a tous les moyens.
Je dirai simplement une chose, c'est que la séparation des pouvoirs est l'un des principes de notre République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est elle en particulier qui permet à la justice d'être indépendante, et de l'exécutif et du législatif.
La dernière réforme de 2008, que cette majorité a votée, a conforté l'importance des commissions parlementaires.
Elle ne leur a pas pour autant donné le droit de se substituer à la justice. C'est pour cela que cette déclassification n'entre pas dans le cadre de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État Jean-Louis Borloo et j'y associe l'ensemble de mes collègues touchés directement par les différents événements affectant notre pays.
Je conçois et respecte que nous ne soyons pas tous d'accord avec le projet de réforme des retraites. C'est ainsi que fonctionne une démocratie. Cependant, les valeurs de notre pacte républicain ne peuvent être foulées aux pieds.
La grandeur de notre démocratie réside dans notre capacité à accepter pacifiquement nos différences par la confrontation des idées au travers du débat. L'intimidation, le blocage et la violence ne peuvent conduire qu'à l'échec.
Depuis plusieurs jours, des grévistes extrémistes bloquent notre pays et prennent en otages les Français, particulièrement ceux qui travaillent, en paralysant l'approvisionnement en carburant. Une nouvelle fois, nos concitoyens sont pénalisés par l'archaïsme de certains syndicats !
Personne n'a le droit de bloquer notre pays, son économie et ses emplois. Le droit de grève n'a jamais été le droit de bloquer.
L'immense majorité n'a pas à subir la loi d'une minorité et l'État se doit d'avoir une réponse ferme afin de mettre un terme à ces dérives, si besoin par la réquisition et l'usage des forces de l'ordre. Nous, députés UMP, vous soutiendrons dans ces démarches afin d'apporter une véritable solution aux Français.
Cette nuit même, trois dépôts de carburant, à Donges, au Mans et à La Rochelle, ont été débloqués par les forces de l'ordre et je m'en réjouis.
À l'instant, des grévistes viennent de bloquer le dépôt pétrolier de Port-de-Bouc…
…qui alimente en kérosène les aéroports de Nice, Marseille et Lyon.
Monsieur le ministre d'État, le Président de la République a réuni hier les ministres concernés…
Merci, monsieur le député !
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur Ginesy, des millions de Français ont aujourd'hui toutes les peines du monde à se procurer du carburant. Des milliers d'entreprises, des millions de familles, des communes rurales, des services publics sont concernés. Bref, nous avons un devoir de précision.
Première vérité : y a-t-il un risque d'asphyxie générale ? Quel est l'état de nos stocks stratégiques et économiques ? Il n'y a pas de risques sur ces stocks.
La deuxième vérité concerne la situation des stations-service alimentées par des camions qui viennent des dépôts de carburant dont vous parlez. Sur 12 311 stations-service, 3 190 se déclarent momentanément vides à cette heure et attendent de l'approvisionnement ; 1 700 estiment être dans une difficulté particulière sur un des produits que les camions sont en train d'acheminer. C'est à peu près la même situation qu'hier, mais pas au même endroit car c'est évolutif.
Troisièmement, le Premier ministre a réuni les pétroliers pour mutualiser les moyens, et les 5 000 camions continuent à tourner.
Enfin, puisqu'il s'agit d'un problème de responsabilité, le Président de la République a demandé que les dépôts soient débloqués normalement : c'est une règle absolument républicaine. Trois l'ont été ce matin sous l'autorité de Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, et cela va continuer.
Monsieur Ginesy, à quelques jours des fêtes familiales de la Toussaint, des millions de familles ne peuvent pas rester dans cette situation. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) J'appelle à la responsabilité et au déblocage pacifique de l'ensemble des dépôts ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports.
Par souci d'économie et d'efficacité, le Gouvernement a décidé de procéder à des restructurations en profondeur et à un recadrage très strict de l'organisation hospitalière. Il existe encore au moins un point de blocage.
En effet, le projet médical de territoire prévoit la suppression du service pôle-mère-enfant de l'hôpital Mangot Vulcin du Lamentin. Cet hôpital, de construction récente, répondant aux normes parasismiques, avec un plateau technique opérationnel, accueille dans ce service les patients venant du Sud et du Centre. Des municipalités de cette zone géographique souhaitent le maintien de ces activités dans les lieux actuels.
Un argument supplémentaire plaide pour ce maintien, car la Maison de la femme, de la mère et de l'enfant, structure hospitalière sise, elle, à Fort-de-France, est arrivée à saturation. Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il serait plus judicieux de préserver l'existant, car sa suppression équivaudrait à prendre le risque de ne pas couvrir en totalité la demande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le député, nous procédons en Martinique à de larges opérations de modernisation et d'amélioration de l'offre de soins. Pour cela, un projet de communauté hospitalière de territoire est programmé entre le CHU de Fort-de-France, l'hôpital du Lamentin, particulièrement la maternité Mangot Vulcin, et l'hôpital de La Trinité. Ce projet a fait l'objet d'une large concertation, de nombreux groupes de travail. Il reçoit l'accord de la communauté médicale et paramédicale, et prévoit le transfert de l'activité de maternité de Mangot Vulcin vers le CHU de Fort-de-France et son pôle-mère-enfant.
Il y a en effet un chiffre, monsieur Marie-Jeanne, qui pour moi est totalement inacceptable : la mortalité périnatale en Martinique est le double de ce qu'elle est en métropole – 23,2 pour 1 000 contre 11 pour 1 000. La réorganisation que je suis en train de mener a comme objectif impératif de réduire de 50 % ce taux de mortalité périnatale. C'est l'objectif que nous nous sommes fixé, avec Marie-Luce Penchard, au comité interministériel dédié à l'outre-mer.
Nous allons faire une gradation des soins, concentrer sur Fort-de-France les maternités, le suivi des grossesses pathologiques, les urgences gynécologiques et, bien sûr, maintenir, dans les sept hôpitaux de proximité de la Martinique, des consultations spécialisées pour le suivi des grossesses. Oui, je veux que les femmes de Martinique aient les mêmes droits et les mêmes espérances que les femmes de métropole. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Havard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle j'associe mes collègues UMP du Rhône, s'adresse à Luc Chatel, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le ministre, la ville de Lyon, comme d'autres communes, est le lieu de violences inadmissibles dans une société démocratique. Ces actes sont bien éloignés d'une quelconque revendication sociale. Chacun a pu en voir des images à la télévision. Hier, j'ai moi-même pu constater l'état de désolation dans lequel le centre-ville de Lyon s'est retrouvé, à la suite de ce que je qualifierai de guérilla urbaine. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est un véritable traumatisme pour les habitants et les commerçants de ces quartiers, pour les Lyonnais et, bien sûr, pour tous les Français.
Alors que le ministre de l'intérieur est actuellement à Lyon, je voudrais tout d'abord exprimer mon soutien aux forces de l'ordre, qui interviennent dans des situations dangereuses et difficiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) J'ai également une pensée pour les membres des forces de l'ordre qui ont été blessés et pour toutes les victimes de ces violences.
Mais devant cette situation, il faut, monsieur le ministre, que le maximum d'auteurs de ces infractions inacceptables soient arrêtés, déférés devant la justice et condamnés sévèrement, au plus vite.
Il y va de la crédibilité de l'État et de la sauvegarde de notre démocratie. Nous avons tous des responsabilités, élus, parents, syndicalistes, et nous ne devons pas faire preuve d'angélisme devant de telles situations.
Très concrètement, monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement prévoit-il pour que le retour à l'ordre républicain soit une réalité sur tout le territoire, et particulièrement à Lyon ? Quelles consignes ont été données aux forces de l'ordre pour protéger les commerçants et les habitants, pour arrêter et traduire sans délai devant la justice ces voyous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Roy, je vais devoir vous adresser un rappel à l'ordre.
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur Michel Havard, je tiens d'abord à excuser Brice Hortefeux, qui est cet après-midi à Lyon pour faire le point de la situation avec les forces de l'ordre, à la suite des incidents qui se sont produits hier et que vous venez d'évoquer.
Nous assistons en effet depuis quelques jours, en marge du mouvement social, à des scènes de guérilla urbaine, de violence et d'émeute absolument intolérables, qui sont le fait de casseurs et de groupuscules de voyous.
Le Gouvernement sait faire la part de choses entre les inquiétudes d'une frange de la population sur son avenir et ce qui relève du vandalisme et de l'envie d'en découdre avec les forces de l'ordre. Et c'est parce que le Gouvernement sait faire la part des choses qu'il sera intraitable avec les auteurs de ces violences. Ce matin, le ministre de l'intérieur a indiqué que 1 423 casseurs avaient été arrêtés depuis le début des événements, que 1 000 avaient été placés en garde à vue et 150 déférés devant le parquet.
Les autorités ont reçu pour instruction de faire preuve de la plus grande fermeté, et le ministre a tenu à rendre hommage aux forces de l'ordre pour leur capacité à réagir avec détermination et avec discernement, et aussi pour le remarquable sang froid dont elles ont fait preuve.
Sachez enfin, monsieur le député, que le Gouvernement garantira l'ordre républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Guillaume Garot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, beaucoup de Français s'inquiètent aujourd'hui de la façon dont vous répondez à la crise sociale qui secoue notre pays.
La crise est là, aux portes de notre assemblée et dans toutes les villes de France. Ce sont des millions de citoyens inquiets, qui expriment dans la rue, pacifiquement, depuis des semaines, leur incompréhension et leur refus face à votre projet de réforme des retraites.
La crise, ce sont des transports publics qui tournent au ralenti, des stations-service qui ferment les unes après les autres, des entreprises qui craignent pour leur activité.
Dans ce contexte, nous attendons autre chose du Gouvernement que le mur que vous nous opposez. Ce que vous demandent les Français est simple : d'abord du respect, ensuite du dialogue, pour engager une vraie négociation.
Car les Français ne sont ni conservateurs ni irréalistes. Ils savent qu'une réforme est nécessaire. Mais ils veulent que les efforts soient équitablement répartis, en mettant à contribution tous les revenus et en prenant en compte la dureté de certaines carrières.
Alors, nous vous le disons solennellement, monsieur le Premier ministre : ne jouez pas le pire. Ne jouez pas le durcissement du conflit. Ne jouez pas avec la colère des Français. N'entraînez pas notre pays dans une crise plus grave encore.
Dans ces conditions, pour trouver une issue positive et digne à ce conflit, êtes-vous prêt à suspendre votre projet (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour ouvrir, dès demain, une discussion de fond avec les organisations syndicales et aboutir enfin à un projet partagé, juste et durable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Monsieur Guillaume Garot, permettez-moi d'abord de vous remercier du ton mesuré de votre question. Je vous répondrai de même.
Contrairement à ce que vous pensez, nous avons largement mené la négociation. Nous avons eu plus de cinquante rencontres avec les organisations syndicales, le texte est en discussion au Sénat depuis plus de cent vingt heures, après avoir fait l'objet de plus de quatre-vingts heures de débat à l'Assemblée nationale.
C'est ainsi que le texte a pu évoluer sur plusieurs points : la pénibilité, la question des mères de famille et celle des personnes handicapées. Il évoluera encore dans la soirée sur tout ce qui a trait aux victimes de l'amiante. C'est grâce à la discussion que le texte a pu avancer.
Enfin, vous voudriez nous convaincre que, si le Parlement a toute légitimité pour voter la loi, il faut également entendre la rue.
C'est exactement ce que vous disiez en 2003. Mais, en 2007, aucun mot sur les retraites dans votre projet présidentiel, et je suis prêt à parier qu'il en sera de même en 2012 à cause des divisions sur le sujet au sein du Parti socialiste.
Pour l'heure, le projet va être voté. Il faut réaffirmer la légitimité du Parlement. Qu'un député laisse entendre que la pression de la rue doit prendre le pas sur cette légitimité est pour le moins surprenant. Je vous le dis donc clairement : nous négocions au Parlement mais nous ne céderons pas à la pression de la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à l'excellente ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Nous avons adopté en loi de finances pour 2010une réforme de la taxe professionnelle. Elle était certainement nécessaire pour rendre de la compétitivité à nos entreprises. Mais nous l'avons certainement adoptée dans une certaine précipitation. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Jugez-en d'après ce qui a failli se produire avec le transfert de la part départementale de la taxe d'habitation au bloc communal : soit une diminution des recettes des collectivités, soit une augmentation de la taxe d'habitation pour les familles qui y sont soumises.
Je vous ai alertée, madame la ministre, puis j'ai alerté M. Baroin, relayé de façon très positive par Gilles Carrez, l'excellent rapporteur général. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Après arbitrage favorable du Premier ministre, vous avez, semble-t-il trouvé une solution.
Est-elle concrète, simple à appliquer ? Respectera-t-elle le vote du Parlement, les maires et les présidents de communauté de communes ?
Respectera-t-elle en même temps les ménages soumis à la taxe d'habitation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur l'excellent député Michel Raison (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), vous avez été excellent, en effet, car vous avez beaucoup travaillé sur la réforme de la taxe professionnelle. Je tiens également à reconnaître la contribution de la commission des finances et de trois parlementaires, Marc Laffineur, Olivier Carré et Michel Diefenbacher, qui ont énormément contribué à améliorer la réforme.
Cette réforme, conduite sous l'autorité du Premier ministre et voulue par le Président de la République, était difficile, mais nécessaire pour la compétitivité de nos entreprises, comme toutes les réformes que nous menons, y compris celle des retraites, le sont pour la compétitivité de notre pays.
Votre question porte précisément sur le transfert vers le bloc communal – communes et intercommunalités – de l'intégralité de la taxe d'habitation, dont le produit revenait auparavant en partie au département et en partie au bloc communal. Avec François Baroin, Brice Hortefeux et Alain Marleix, nous vous avons répondu très clairement : nous tiendrons nos engagements. La réforme ne se fera pas sur le dos des collectivités territoriales. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous allons maintenir le niveau de ressources de chaque commune et de chaque intercommunalité sans qu'aucune modification des abattements existants ne soit nécessaire. Le transfert se fera à l'identique et ne nécessitera aucune modification spécifique. La neutralité sera assurée par l'ensemble des services de l'État, notamment ceux qui travaillent sous l'autorité de François Baroin, qui s'assureront que le transfert soit intégral. Il n'a jamais été question de faire porter ni par les collectivités locales ni par les ménages – l'affirmer serait une fadaise – la réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'informe M. Roy qu'à la prochaine perturbation qu'il provoquera dans notre hémicycle, je serai conduit à lui adresser un rappel à l'ordre avec inscription à l'ordre du jour. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
J'ai visité, cette semaine, la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes, à l'invitation de sa marraine, Elisabeth Badinter. J'y ai rencontré une équipe formidable et sa directrice, une femme remarquable, qui a fui il y a trente ans la dictature de son pays pour vivre libre.
Unique en France, cette structure associative fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 grâce à des subventions publiques. Elle s'adresse d'abord aux parents modestes obligés de travailler à des horaires décalés. Mais elle offre aussi aux femmes issues des quartiers populaires une chance de socialisation.
Cette crèche est aujourd'hui menacée. En 2008, l'association qui la gère a licencié une salariée refusant d'ôter son voile durant son travail. Accusée de discrimination par la HALDE en mars dernier, cette association est désormais exposée au versement d'une indemnisation de 80 000 euros.
La nouvelle présidente de la HALDE a pris ses distances avec cette décision scandaleuse et dangereuse. Mais, à ce stade, cette décision s'impose toujours.
Il n'en reste pas moins qu'un vide juridique existe. Comme les CFA, les crèches associatives ne bénéficient d'aucune protection légale contre le port de signes religieux ostentatoires qui laissent voir le visage.
Le coeur de la laïcité ne bat pas dans le ciel des idées. II bat partout, sur le terrain, où des hommes et des femmes défendent avec obstination la liberté de chacun, l'égalité de tous et la dignité de la femme contre les forces de l'intégrisme et de l'obscurantisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe UMP.) Notre fonction ne se justifie que si nous leur garantissons par la loi les moyens de mener la lutte.
Cette crèche est le symbole d'une laïcité ardente et vivante. Monsieur le Premier ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour la soutenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Monsieur le député, j'ai visité moi aussi cette crèche remarquable, et c'est là un sujet – il vaut la peine de le noter en ce moment – sur lequel je partage entièrement l'analyse que vous venez de faire. Nous sommes très attachés au dispositif mis en place à Chanteloup-les-Vignes sous l'impulsion de Pierre Cardo et d'un groupe de femmes. C'est un dispositif innovant, que nous avons souhaité, avec Fadela Amara, généraliser dans les quartiers difficiles : 73 millions d'euros y sont consacrés dans les 215 quartiers prioritaires.
Effectivement, une employée a été licenciée en 2008 parce qu'elle voulait porter un voile islamique, contrairement au règlement intérieur de l'établissement. Un contentieux est en cours entre elle et la crèche ; le conseil des prud'hommes doit se prononcer dans quelques jours.
Le Gouvernement est fermement attaché au caractère intangible du respect de la laïcité dans notre pays. Le tribunal administratif a rendu un arrêt le 2 février 2007 dans une affaire de crèche très similaire. Il affirmait qu'il est nécessaire de respecter la laïcité dans une structure privée, mais qui exerce une mission de service public au contact des enfants. Dans les crèches, nous ne voulons pas voir porter de signe religieux ostentatoire, non plus que dans les écoles. Le Gouvernement y est profondément attaché. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La HALDE a rendu un avis, certes. Mais sa nouvelle présidente a été interloquée par cet avis et je pense que la HALDE devrait délibérer de nouveau.
En tout état de cause, sachez que le Gouvernement prendra ses responsabilités pour faire respecter la laïcité dans tous les lieux qui accueillent des enfants, que ce soient des crèches ou des écoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Philippe Morenvillier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le Président de la République vous a confié la réforme de l'autonomie des universités, mission que vous avez menée avec succès puisque, au 1er janvier 2010, 60 % des universités étaient autonomes.
En cette rentrée encore, vous avez beaucoup oeuvré pour améliorer les conditions de vie des étudiants. Je ne citerai que quelques exemples : le dixième mois de bourse, la livraison de nouvelles résidences étudiantes, avec aujourd'hui 13 500 logements étudiants disponibles, livrés en 2010, ou encore les efforts consentis en matière de restauration universitaire puisque, pour 3 euros seulement, un étudiant peut désormais se nourrir d'un repas complet.
Cependant, je souhaite vous interroger sur le sujet précis des stages des étudiants. En effet, certains étudiants se voient refuser par leur université des conventions de stage, alors même que ces stages leur permettent d'acquérir concrètement, sur le terrain, des compétences professionnelles qu'ils pourront valoriser pour trouver un emploi.
À l'heure où une partie de la jeunesse est dans la rue, je sais que la réussite des jeunes diplômés est, plus que jamais, une de vos priorités. Du reste, vous avez pris cet été un décret sur les stages. Alors, concrètement, un étudiant inscrit en licence ou en master 2 peut-il faire un stage ? Certains de nos jeunes, dans les facs, nous ont fait remonter des problèmes pour la signature de conventions, pouvez vous leur répondre et les rassurer ?
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur Philippe Morenvillier, l'insertion professionnelle des jeunes est notre priorité. C'est pourquoi nous voulons qu'il y ait davantage de stages dans tous les cursus de formation des étudiants.
Mais, attention ! Un étudiant qui a fini ses études et décroché son diplôme doit se voir proposer par les entreprises un véritable emploi avec un contrat de travail. Il n'est pas question que l'on propose aux jeunes diplômés de faux stages qui auraient tout de l'emploi sauf le salaire et les garanties sociales.
Pour lutter contre ces abus de stage, nous avons pris un décret qui a été travaillé avec les organisations étudiantes. Il interdit les stages hors cursus pour qu'il ne soit pas possible de proposer des stages aux jeunes diplômés : ce serait du travail déguisé, ce qui est inacceptable.
Certaines universités ont fait de ce décret une interprétation erronée car trop restrictive. J'ai écrit à tous les présidents d'université pour leur donner le mode d'emploi de ce texte. Il est simple : un diplômé qui a terminé ses études doit avoir un contrat de travail ; un étudiant en cours d'études doit pouvoir faire autant de stages qu'il le souhaite, que ces stages soient obligatoires ou non.
La réussite des étudiants est au coeur de notre projet. Nous le prouvons avec le dixième mois de bourse, l'autonomie des universités, le plan campus, et aussi avec l'interdiction des stages hors cursus et avec l'obligation de rémunérer les stagiaires au-delà de deux mois de stage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de la santé, l'attribution du prix Nobel de médecine à Robert Edwards arrive bien tard. Elle a d'ailleurs suscité des critiques de la part de ceux qui condamnent l'assistance médicale à la procréation, les recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires et, de facto, tous progrès dans la connaissance de l'embryogenèse humaine. Pourtant, que de progrès médicaux accomplis depuis vingt ans !
Aussi, il n'est pas pertinent, comme vous le faites dans le projet de loi présenté ce jour en conseil des ministres, de maintenir un principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Prôner un interdit pour en organiser la transgression revient à stigmatiser les chercheurs qui conduisent ces recherches et c'est faire preuve d'une certaine hypocrisie. C'est aussi une forme indirecte d'atteinte à la liberté de recherche sans réelle justification : il y aurait des recherches plus ou moins éthiques.
Un régime d'autorisation encadré par l'Agence de la biomédecine serait plus adapté à la réalité scientifique et tout aussi protecteur de l'embryon. Il permettrait de prendre en compte les avancées scientifiques et, surtout, la diversité des situations que les recherches en cours, notamment celles sur les cellules souches adultes reprogrammées, pourraient entraîner. En outre, un régime d'autorisation serait un signe clair adressé par notre pays à la communauté scientifique internationale.
C'est pour cette raison que, dans le rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques consacré à la recherche sur les cellules souches, que j'ai rédigé avec mon collègue Jean-Sébastien Vialatte, nous avons préconisé de passer d'un régime d'interdiction des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines à un régime d'autorisation.
Madame la ministre, dans le cadre du futur débat parlementaire, entendez-vous revenir sur le régime d'interdiction ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur Alain Claeys, je veux tout d'abord vous remercier pour l'apport éminent qui est le vôtre aux questions relatives à la bioéthique et pour la hauteur de vue de vos travaux.
J'en profite pour remercier également Jean Leonetti. Vous êtes deux députés qui, avec d'autres, honorez la République par la qualité des débats que vous animez et, je le répète, par votre hauteur de vue.
Il reste, monsieur le député, que nous avons quelques points de divergence sur des sujets qui font intervenir la sensibilité et les convictions de chacun.
Le projet de loi que j'ai présenté ce matin au conseil des ministres respecte les grands principes de notre pacte républicain comme le respect de la dignité des personnes ou la non-marchandisation du corps humain. Il permettra des avancées significatives : le don croisé d'organes, l'encadrement des techniques de l'assistance médicale à la procréation, une ouverture sur le droit à la connaissance des origines de façon très encadrée. Il comporte encore d'autres améliorations comme l'information à la parentèle, l'ouverture au droit à l'assistance médicale à la procréation pour les couples pacsés dans les mêmes conditions que pour les couples mariés. Tout cela fait l'objet d'un large consensus.
Cela étant, il est vrai que, pour ce qui concerne la recherche sur les cellules souches embryonnaires, j'ai proposé au Gouvernement de maintenir le principe de « l'interdiction sauf… » plutôt que d'en venir à celui de « l'autorisation à condition que… », ces conditions étant gérées par l'Agence de la biomédecine. En effet, juridiquement, il est beaucoup plus solide d'en rester à la situation actuelle de « l'interdiction sauf… » ; elle offre une meilleure garantie de l'encadrement des pratiques.
En tout cas, j'aborderai cette discussion dans le respect des convictions de chacun, soyez-en assurés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alfred Almont, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de la santé et des sports, la contamination par les pesticides, au premier rang desquels la chlordécone, constitue, pour nos territoires antillais, en raison de son ampleur et de sa persistance dans le temps, un fléau sans précédent sur le plan de la santé, de l'environnement et du développement.
Certes, un plan d'action chlordécone 2008-2010 a été mis en oeuvre par le Gouvernement dans le but de renforcer les moyens de lutte contre la pollution des sols par ce dangereux pesticide interdit en France depuis 1990. Mais ce plan, que nous avions alors salué, ne serait plus suffisant ni adapté, compte tenu des récentes révélations des chercheurs. J'ajoute que certaines des études auxquelles ce plan a donné lieu font apparaître des signaux justifiant des recherches complémentaires. Ces révélations, qui s'ajoutent au développement d'autres pesticides dont on découvre les effets polluants, sont publiées dans la presse scientifique et reprises par la presse quotidienne. Elles sont, de fait, préjudiciables à l'image des Antilles, à l'heure où la pollution du milieu marin s'accentue.
À la suite de nos rencontres avec vos collaborateurs, nous prenons acte que M. le Premier ministre vient de confier au directeur général de la santé la coordination de la poursuite du plan chlordécone pour la période 2011-2013, en l'invitant à se rendre aux Antilles dans le courant du dernier trimestre de cette année afin de présenter l'avancement du plan d'action en cours ainsi que les esquisses d'un futur plan. Devant l'angoisse grandissante des populations et des professionnels, ce déplacement est l'occasion d'organiser une large communication autour tant des mesures engagées et des résultats déjà obtenus que de celles qui s'imposent désormais pour élargir de manière significative le travail entrepris.
Dès lors, pouvez-vous, madame la ministre, nous donner l'assurance que l'initiative du Gouvernement, que nous jugeons très opportune, est destinée à promouvoir une politique de conciliation sur le sujet et à mettre en oeuvre, dans la concertation la plus large, un véritable plan de sauvegarde sanitaire qui favorise l'émergence de pôles d'excellence écologique, au service de la santé et du développement, dans la droite ligne, d'ailleurs, du Grenelle de l'environnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le député, dès mon arrivée aux responsabilités, j'ai mis au premier rang de mes priorités l'affaire du chlordécone, qui frappe les Antilles et tout particulièrement votre terre de Martinique. Dans ce cadre, je mène, avec ma collègue ministre de l'outre-mer,…
Les députés UMP s'en vont ; ils pourraient tout de même écouter la ministre !
…avec Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, ainsi qu'avec le ministre de l'écologie et la secrétaire d'État chargé de l'écologie, des actions qui se déploient selon quatre axes : surveillance des populations qui ont été exposées au chlordécone ; réduction au maximum de cette exposition ; accompagnement des agriculteurs qui ont été touchés dans leur production ; enfin, surveillance particulière des populations qui cultivent des légumes racines, dans lesquels se concentre le chlordécone, afin d'éviter leur empoisonnement.
Nous agissons avec beaucoup de soin, en nous fondant sur des considérations scientifiques, et nous accompagnons les agriculteurs. Ainsi nous avons pris un certain nombre de mesures d'interdiction, notamment de la pêche dans les rivières polluées, et nous observons attentivement les limites maximales de résidus. Bien entendu, il nous faut poursuivre notre action.
Par ailleurs, nous menons un certain nombre d'études scientifiques, notamment l'étude Karu-prostate, à laquelle vous avez fait référence. Nous ne sommes pas encore parvenus à prouver le lien entre l'augmentation des cancers de la prostate et l'exposition au chlordécone. J'ai donc saisi la Haute autorité de santé pour qu'elle juge de la pertinence d'une proposition de dépistage systématique du cancer de la prostate chez les hommes vivant aux Antilles. Dès que cet avis sera rendu, nous nous y conformerons.
J'ajoute que le Premier ministre a confirmé Didier Houssin dans son rôle de coordonnateur. Encore une fois, nous suivons cette question avec beaucoup de soin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, la moindre des politesses serait que vous attendiez la suspension de la séance pour quitter l'hémicycle, et cela vaut également pour les membres du Gouvernement.
La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre chargée de l'outre-mer, la loi pour le développement économique des outre-mer a été promulguée il y a bientôt dix-sept mois et les nombreuses ordonnances que nous avons inscrites ensemble dans ce texte doivent impérativement être adoptées avant le 27 novembre, soit dans trente-huit jours. Comme vous le savez, passé ce délai, l'absence de textes signifiera que ces mesures seront perdues pour l'outre-mer et que le Gouvernement aura renoncé à tenir la parole qu'il a donnée dans la loi et devant la représentation nationale.
Certains de ces chantiers semblent à peine entamés, et je ne veux pas croire que le Gouvernement cherche à se désengager en jouant la montre, alors que de nombreux dispositifs essentiels de la LODEOM, notamment l'aide au fret, l'aide à la rénovation hôtelière ou la refonte du dispositif de continuité territoriale pour en améliorer l'équité, demeurent en suspens, faute de texte d'application.
S'agissant plus particulièrement de Saint-Pierre-et-Miquelon, les ordonnances concernent tout d'abord la réforme du système de revalorisation des pensions suivant l'évolution du coût local de la vie, ainsi que son extension tant attendue aux ressortissants de l'ENIM. Elles doivent également permettre l'extension des aides au logement, qu'il s'agisse de l'aide familiale, de l'aide sociale ou de l'aide personnalisée au logement, qui existent partout ailleurs sur le territoire français depuis 1977 – quasiment trente-cinq ans ! – et qui n'ont jamais été mises en place dans l'archipel.
Le Gouvernement a pris l'engagement personnel de permettre aux Français de Saint-Pierre-et-Miquelon de bénéficier enfin de ces aides, au même titre que leurs compatriotes de métropole et d'outre-mer. L'État français en a pris l'engagement collectif notamment lors de l'adoption d'un amendement d'origine parlementaire dans le cadre de cette fameuse LODEOM.
Je ne suis pas sans savoir que certaines administrations centrales ne l'entendent pas ainsi et cherchent à empêcher la mise en oeuvre de cette volonté politique dans les délais impartis.
Aussi aurez-vous certainement anticipé ma question, madame la ministre : le Gouvernement cédera-t-il aux pressions administratives ou affirmera-t-il, au contraire, sa volonté de soutenir les outre-mer en allant au bout des annonces faites et de ses choix politiques, en publiant la totalité des ordonnances prévues dans la LODEOM avant la date butoir du 27 novembre prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à MmeMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Madame Girardin, vous m'interrogez sur les ordonnances prévues dans la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont l'article 72 habilite le Gouvernement à étendre et à adapter certaines dispositions législatives aux collectivités territoriales d'outre-mer, en particulier à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le Gouvernement ne cherche pas à ne pas appliquer ces ordonnances, mais certaines d'entre elles sont aujourd'hui sans effet, car de nouvelles dispositions législatives ont été entre-temps adoptées par le Parlement. Je pense notamment à la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », portée par Roselyne Bachelot, et à la loi relative à la départementalisation de Mayotte, qui reprend à son compte des mesures prévues dans le cadre de ces ordonnances.
D'autres ordonnances sont en cours de préparation.
Madame la députée, vous savez dans quelles conditions la loi pour le développement économique de l'outre-mer a été votée. De nombreux amendements ont été adoptés et ces ordonnances soulèvent aujourd'hui quelques difficultés juridiques. Je pense en particulier, pour ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, à l'allocation logement, qui, vous le savez, relève de la compétence de votre territoire. Dès lors, je dois examiner de plus près l'analyse juridique qui vient de m'être remise, et je ne manquerai pas de saisir le Conseil d'État si nécessaire.
Pour le reste, sachez que nous préparons ces textes. S'agissant de la retraite des fonctionnaires de Saint-Pierre-et-Miquelon, je suis disposée à vous recevoir, ainsi qu'une délégation, afin de vous faire un certain nombre de propositions.
Ordonnances de la loi pour le développement économique de l'outre-mer
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion commune du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (nos 2823, 2840), après engagement de la procédure accélérée, et du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).
Hier soir, nous avons fini d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général du budget, mesdames et messieurs les députés, vous avez été très nombreux à réagir : j'ai noté une cinquantaine d'interventions pour quelque six heures de discussion générale, ainsi que quatre motions de procédure. C'est dire si la représentation nationale est pleinement informée des enjeux de la loi de finances pour 2011 et de la loi de programmation des finances publiques.
J'ai déjà répondu, hier, aux porte-parole des groupes – M. Brard, M. Hollande, M. Chartier et M. de Courson – et je leur renouvelle mes remerciements pour l'expression de leurs convictions. Si nous sommes en profond désaccord avec certains d'entre eux, d'autres nous ont exprimé leur soutien ; par ailleurs, des questions ont été posées, auxquelles il sera répondu au fur et à mesure de la discussion.
Je veux souligner que nous avons eu une discussion générale de qualité, qui a permis de mettre en lumière une vraie différence d'approche entre notre majorité et l'opposition. Les premiers souhaitent que la France s'engage sur la voie de l'équilibre budgétaire en agissant sur la dépense publique. Louis Giscard d'Estaing, ainsi que bien d'autres, au sein de la commission des finances notamment, ont exprimé cette exigence. J'ai noté de nombreux soutiens à cette stratégie, notamment de la part de MM. Censi, Carrez, Bouvard, Vigier, Perruchot, Chartier, Mallié, Mancel, Mathis, Cinieri, Martin-Lalande et de Mme Vasseur.
De l'autre côté, les socialistes n'ont qu'un seul projet politique : augmenter les impôts – ce qui a encore été confirmé tout à l'heure, lors des questions d'actualité. Je me permets de rappeler que le point haut du niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays aura été atteint sous l'autorité de M. Jospin – autorité entre guillemets –, Premier ministre de l'époque, qui avait placé le niveau de prélèvements obligatoires à 44,9 %. Quelle que soit l'évolution d'ici à 2012, elle ne fera que nous ramener au niveau de 2007, qui sera forcément inférieur à celui des années Jospin.
Je le redis, la hausse généralisée des impôts n'est pas une solution ; en tout état de cause, elle est écartée par le Gouvernement. Pourquoi ? D'abord parce que la France souffre de la dépense publique : elle est dans le peloton de tête des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques. Un taux d'imposition trop élevé peut, à terme, porter atteinte au consentement même à l'impôt et aux mécanismes de solidarité nationale. Nous aurons, à la fin du premier semestre 2011, un débat sur notre fiscalité. Ne nous y trompons pas : ce n'est pas plus d'impôt qu'il nous faut en France, c'est un impôt juste, proportionnel à la richesse, mais avec une garantie que l'argent utilisé le soit au service de l'intérêt général, que cet impôt ne soit pas confiscatoire ni même spoliateur.
J'ai bien entendu les critiques sur l'ISF, comme celles sur le bouclier fiscal. J'ai entendu aussi ceux qui sont favorables au bouclier et ceux qui sont favorables à l'ISF. J'ai entendu vos propositions, monsieur Perruchot, monsieur Mariton, notamment sur la fiscalité européenne ou la convergence franco-allemande. N'anticipons pas les décisions sur la fiscalité, qui d'ailleurs, pour le ministre du budget que je suis, ne devront pas diminuer le montant des recettes de l'État.
Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'une baisse de recettes, mais cette nouvelle stratégie fiscale, mise en oeuvre dans le cadre de la convergence fiscale avec l'Allemagne, voulue par le Président de la République, doit voir ses avantages et ses inconvénients mis en lumière lors d'un grand débat.
Nous avons un budget équilibré, qui a sa cohérence : la priorité de ce projet de budget, c'est la lutte contre les déficits, en jouant sur la dépense. Ce budget équilibré dans son architecture politique, dans ses choix politiques assumés, dans la stratégie proposée, va viser, pour la première fois dans l'histoire de nos finances publiques, une réduction de près de 40 % du déficit budgétaire de l'État sur un seul exercice : nous allons ainsi passer de 152 milliards d'euros à 92 milliards d'euros de déficit, ce qui est, je le répète, historique.
Dépenses de l'État, dépenses des collectivités territoriales et dépenses de la sécurité sociale : c'est bien sur ces trois sources de dépenses que nous allons agir, aussi bien par des économies de fonctionnement, des réformes de structures, comme la réforme des retraites, que par la réduction de niches fiscales ou sociales. Ces niches, il ne faut pas l'oublier, ce sont des subventions. Les Français l'ont bien compris et ils sont favorables à leur suppression. Nous ne pouvions plus continuer cette politique de saupoudrage, au risque parfois d'arroser le sable, où rien ne pousse.
Si nous avons choisi de ne pas toucher aux plus fragiles en épargnant les dispositifs de solidarité, nous avons également décidé d'affecter 70 % des économies dégagées par les réductions de niches aux organismes de sécurité sociale. C'est un choix politique qui vise à préserver notre modèle social à la française. Nous ne souhaitons pas, nous ne souhaitons plus financer à crédit notre protection sociale.
Pour ce qui est de la symbolique de ce budget, certains ont évoqué la rigueur. Le Gouvernement a assumé son caractère simplement responsable. Ce budget est responsable, en effet, parce qu'il est à la hauteur des enjeux de nos finances publiques, et par le juste équilibre visant à protéger les publics les plus fragiles.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez évoqué le « tournant de la rigueur ». Permettez-moi de vous rappeler que nous ne sommes pas en 1982, où les socialistes, élus sur un programme commun avec les communistes, le programme étatiste d'une économie dirigée…
Je sais que ça n'est jamais assez dirigé, jamais assez étatiste pour vous, monsieur Brard. De ce point de vue, vous n'avez rien appris, rien oublié, comme chacun le sait dans cet hémicycle.
Mal dirigé par un social-démocrate, ce programme ne pouvait pas marcher !
Les socialistes, disais-je, se sont rendus compte brutalement que le monde avait changé et ont dû conduire une politique économique libérale tout en augmentant massivement les impôts et les cotisations sociales pesant sur les ménages. Je rappelle le blocage des prix, la dévaluation, l'inflation à deux chiffres…
…autant de souvenirs douloureux qui me font dire que le terme de « rigueur » n'est pas approprié pour décrire ce que propose le Gouvernement. Ce n'est pas la solution portugaise – vos amis, monsieur le président. Ce n'est pas la solution espagnole, consistant à diminuer les salaires des fonctionnaires et à augmenter les impôts – vos amis, mesdames et messieurs les membres du groupe socialiste.
Ce n'est évidemment pas la solution grecque, et ce n'est même pas celle de nos amis britanniques qui proposent, selon les propres termes du ministre des finances britannique, des coupes à la hache.
Cela n'a rien à voir, ce n'est inspiré d'aucune de ces mesures, ce qui nous permet de dire que ce budget est responsable et équitable.
La politique économique que nous vous proposons à travers ce budget conserve le même cap et s'inscrit dans la continuité de celle menée depuis 2007 : des réformes structurelles d'une part, pour aller chercher les recettes par la croissance et non par des hausses généralisées d'impôts, et, d'autre part, une politique de finances publiques responsable, avec la maîtrise de la dépense publique.
Une nouvelle fois, le rapport Attali va dans ce sens, en insistant sur le fait que la consolidation des finances publiques est bien plus durable et bien plus bénéfique sur le plan économique si elle se fait par la maîtrise des dépenses, plutôt que par une hausse généralisée des impôts.
C'est pour cela que nous privilégions un redressement raisonné de nos finances publiques, en excluant à la fois les coupes aveugles dans la dépense – nous souhaitons simplement ralentir le rythme d'évolution de la dépense publique sur les années à venir, non le rendre négatif – et les hausses généralisées d'impôts. C'est un réel effort, mais il ne portera pas atteinte aux fondements du modèle français tel que nous le connaissons.
C'est bien parce que nous avons géré la crise de façon efficace – Gilles Carrez évoquait un sans-faute – que nous ne sommes pas contraints de prendre des mesures d'austérité, à l'instar de nos voisins anglais, espagnols ou portugais.
C'est bien parce que nous souhaitons conserver pour l'avenir notre souveraineté nationale par rapport aux marchés que nous visons une baisse de notre ratio d'endettement public dès 2013.
Nombre d'entre vous ont évoqué le « un sur deux » et la masse salariale de l'État, notamment le président de la commission des finances et le rapporteur général. Sur ce point, je veux rassurer M. Carrez : la conjonction du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux et d'une politique salariale responsable nous permettra bien de réduire la masse salariale de l'État à partir de 2012. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En effet, les crédits, qui passent de 82,1 milliards d'euros en 2010 à 82,7 milliards d'euros en 2011, atteindront 81,7 milliards d'euros en 2013. On peut même regretter, comme le disait Jérôme Cahuzac, que le « un sur deux » ne rapporte pas assez. Mais je trouve que nous n'avons pas de leçon à recevoir, ni sur l'objectif poursuivi – entre 2007 et 2013, nous aurons supprimé 200 000 emplois au total,…
…revenant ainsi aux effectifs de l'État du début des années 1990 –, ni sur la méthode – nous avons choisi de redistribuer 50 % des économies ainsi réalisées aux fonctionnaires de l'État, qui seront moins nombreux, mais mieux payés, pour un service public d'égale valeur.
S'agissant de la nécessaire association des collectivités locales à l'effort de maîtrise de la dépense publique, je rappelle que notre but n'est pas d'achever les collectivités locales, contrairement à ce que prétend M. Chassaigne,…
…ni de laisser pourrir la situation financière des départements, pour reprendre les propos de M. Balligand. Notre ambition est de transformer les services publics en les modernisant, pour les rendre plus performants pour un moindre coût. Je ne vois pas bien pour quelle bonne raison les collectivités locales ne devraient pas participer à ce mouvement.
Je suis moi-même maire.
Depuis quinze ans, c'est-à-dire plus longtemps que beaucoup d'entre vous ! C'est mon troisième mandat.
Cela fait de nombreuses années que le gel de la dotation de l'État aux collectivités locales était attendu. Bien sûr, une telle mesure demande du courage. Certains députés socialistes seront tentés, un peu par facilité, beaucoup par démagogie, ou pour obtenir un petit bénéfice électoral – qui n'est même pas certain, car les Français ne s'y tromperont pas –, de prétendre qu'ils ont dû augmenter les impôts locaux à cause d'une décision de l'État : ils ne le pourront pas, puisque nous avons sorti le FCTVA, arme essentielle de l'investissement, du dispositif.
Aucune mesure de l'État ne réduira l'investissement souverain des collectivités territoriales.
En revanche, s'ils veulent augmenter, comme ils le font souvent, les frais de personnel, les dépenses de fonctionnement et les subventions aux associations, ils l'assumeront devant leurs administrés, mais ils ne pourront pas renvoyer à l'État.
J'ajoute, codicille pour alimenter votre réflexion que je sais par ailleurs fructueuse…
…et assez dynamique, que nous avons aussi sorti la dotation de compensation de la taxe professionnelle du rabot général de la ligne du gel des dotations, ce qui signifie que les engagements que nous avons pris seront respectés.
Malgré tout, dans nos relations dans la durée vis-à-vis des collectivités territoriales, nous évoluons dans la bonne direction. Il y a d'abord eu le rapport d'Alain Lambert dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, qui a conclu à la nécessité de mieux associer les collectivités à l'édiction des normes.
Il y a eu ensuite la création de la Commission consultative d'évaluation des normes, instaurée il y a deux ans. Celle-ci examine les textes réglementaires normatifs qui ont un impact sur les collectivités locales et peut rendre un avis défavorable, par exemple sur des normes concernant les cages de buts ou des dojos.
Dans le cadre de la conférence sur les déficits, l'engagement a été également pris d'établir un moratoire sur les normes. Ce moratoire a été mis en oeuvre le 6 juillet dernier par une circulaire du Premier ministre.
Il y a enfin une démarche du Premier ministre visant à solliciter les associations d'élus – l'AMF, l'ADF et l'ARF –, afin qu'elles lui fassent connaître les domaines dans lesquels une révision générale des normes devrait être prioritairement engagée. J'attends de la gauche qu'elle accompagne au moins ce dispositif. La norme n'est pas de gauche ou de droite, elle s'applique. Nous souhaitons en geler l'application pour permettre aux collectivités locales de ne pas avoir de dépenses imposées sur des sujets sur lesquels il y a toujours des discussions hors le champ obligatoire de la définition européenne.
Avec Brice Hortefeux et Alain Marleix, nous allons examiner très rapidement, en lien avec la Commission consultative de l'évaluation des normes, l'ensemble des dispositifs qui permettront d'alléger, à travers la liste des champs prioritaires d'intervention, sur les normes relatives aux services d'incendie et de secours, les règles applicables au secteur social et médico-social ou encore les normes émanant de fédérations sportives.
Par ailleurs, de façon plus générale, pour ne pas pénaliser l'investissement local, la stabilisation en valeur des concours de l'État s'effectuera hors FCTVA.
Enfin, et tous les praticiens de la chose locale, tous les spécialistes de l'exercice des responsabilités à la tête de collectivités territoriales le savent bien, l'amélioration de la conjoncture, la reprise de la croissance devraient permettre un retour rapide à la normale des recettes des collectivités locales, en particulier pour les droits de mutation.
Sur le sujet plus spécifique des départements, abordé notamment par MM. Balligand et Bartolone, le rapport Jamet, commandé par le Premier ministre afin d'étudier la situation des départements en difficulté, a mis en avant de nombreuses pistes de maîtrise accrue des dépenses. Dans le champ des dépenses sociales, il s'agit de mettre en place un meilleur contrôle d'effectivité. Cela peut aussi passer par des mutualisations. Le Gouvernement a proposé la création de deux groupes de travail sur ces thèmes entre l'État et l'Association des départements de France.
Par ailleurs, le Gouvernement est conscient que certains départements sont particulièrement en difficulté. C'est pourquoi il a lancé une mission d'appui, mission d'inspection chargée, à la demande de départements volontaires, d'étudier leur situation, afin de proposer des pistes de redressement, avec le cas échéant une aide de l'État qui serait prévue dans le cadre d'un contrat de stabilisation. À ce stade, trois départements se sont manifestés auprès de la mission.
Rien n'est prévu dans le projet de loi de finances, au titre de ces départements. Des dispositions seront introduites dans le projet de loi de finances rectificative au vu des recommandations de la mission d'appui.
J'en viens à la remarque de M. Laffineur sur le Fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux. Une appréciation des contributions au fonds de péréquation au vu de l'évolution des droits de mutation d'une année sur l'autre uniquement ne nous paraît pas souhaitable, car elle aurait un résultat très imprévisible sur les montants à répartir, contraire à l'exigence d'une certaine stabilité des budgets des départements. En revanche, nous sommes prêts à examiner avec lui, d'ici à la discussion de seconde partie du projet de loi de finances, les différentes options possibles pour la période servant de référence. Le Gouvernement propose cinq ans dans le projet de loi de finances.
Avant d'évoquer le sujet des niches fiscales et sociales, je voudrais répondre au président Cahuzac qui s'est étonné des classifications opérées par le Gouvernement entre ce qui relève des dépenses fiscales et ce qui relève des modalités de calcul de l'impôt.
Il n'y a pas de définition absolue et incontestable de ce qui est une dépense fiscale et de ce qui ne l'est pas : c'est toujours une affaire de convention. Doit-on considérer que le taux réduit de TVA sur l'alimentation est une dépense fiscale parce qu'il déroge à la norme de la TVA à 19,6 % ? Ce serait, je crois, un peu vain et gonflerait artificiellement le montant de ces dépenses, sans nécessairement contribuer de manière constructive au débat.
La démarche de classification opérée par le Gouvernement repose sur une analyse au cas par cas de ce qui s'éloigne ou non de la norme la plus répandue. C'est le caractère dérogatoire au droit commun d'un certain nombre de dispositifs. Si le régime d'exonération des plus-values à long terme – ce que vous appelez la « niche Copé » –, a été classé dans la catégorie des modalités de calcul de l'impôt, c'est simplement parce qu'aucun pays de l'Union européenne, à l'exception de la Grèce, ne taxe ces plus-values. Dans ces conditions, il nous a paru que leur taxation n'était plus la norme, mais l'exception. Je suis prêt à débattre avec vous des choix opérés pour la classification de chacune des dépenses fiscales recensées dans les documents que le Gouvernement a mis à la disposition du Parlement, mais je vous demande de faire crédit au Gouvernement de son effort de transparence. Bien que n'étant pas classée comme une dépense fiscale, l'exonération des plus-values à long terme des entreprises y est soigneusement recensée et mesurée. C'est ce qui nous permet aujourd'hui d'en débattre devant la représentation nationale.
Cependant, une réflexion de long terme sera engagée au premier semestre 2011 sur la possibilité d'un coup de rabot plus large que celui qui concerne 15 des 75 milliards d'euros des niches fiscales existantes. Nous savons que la fiscalité sera au coeur du débat présidentiel, puisque nous devrons poursuivre le double objectif de l'équité fiscale et de la performance économique.
S'agissant plus particulièrement de la réduction des niches fiscales et sociales, M. Eckert a prétendu que la politique du Gouvernement en matière de réduction des niches fiscales et sociales ne serait pas la bonne, que nous aurions dû nous attaquer aux dispositifs qui coûtent le plus cher, plutôt que de faire un coup de rabot qui ressemble, selon certains d'entre vous, « à une lime à ongles pour les riches ».
Je laisse à leur auteur le soin de toucher des droits sur l'expression, et je prends le compliment pour ce qu'il est, car jamais nous n'avons réduit autant de niches fiscales sur un seul exercice budgétaire. D'ailleurs, ce sont souvent ceux-là mêmes qui critiquent aujourd'hui cette mesure qui nous expliquaient, il y a quelques mois, que nous ne parviendrions jamais, pour l'ensemble des niches, dans le programme de stabilité, à une réduction de 2 milliards par an pour les trois années qui viennent. Je demande à ces mêmes intervenants de considérer que nous proposons aujourd'hui 10 milliards de réduction, ce qui est bien un gage de crédibilité, de solidité et de détermination.
Le Gouvernement aurait pu choisir la facilité et supprimer deux ou trois des niches les plus coûteuses. Cela aurait été certes plus simple, mais certainement pas favorable à notre économie.
Je le répète, l'effort de réduction des niches fiscales et sociales a consisté en priorité à supprimer les dispositifs dont l'efficacité ou la nécessité n'est plus démontrée, ou qui sont peu conformes au principe d'égalité devant l'impôt. La TVA au taux réduit sur la restauration ou l'exonération des heures supplémentaires ne font pas partie de cette catégorie, contrairement à ce que certains pensent. C'est pour cela que nous n'y avons pas touché.
Quant au rabot, il est peut-être critiquable, mais on n'a jamais voulu sortir le nom du prix Nobel qui avait conseillé au Gouvernement de formuler cette mesure. Ce n'est peut-être pas la disposition la plus intelligente, mais elle est juste, efficace et elle permet d'atteindre l'objectif pour boucler notre prévision de 10 milliards de réduction et de suppression de niches.
Beaucoup, à gauche, estiment que ce sont les ménages qui vont supporter l'effort sur les niches. C'est faux. L'effort est équitablement réparti entre les ménages et les entreprises.
Monsieur Brard, vous avez été marié, ou vous êtes marié,…
…vous avez eu l'avantage, vous n'êtes pas perdant. Si vous êtes divorcé, vous n'êtes pas non plus perdant.
Si vous êtes pacsé, vous n'êtes pas non plus perdant. Comme je vous l'ai dit en commission, vous ne pouvez pas sérieusement lutter contre le bouclier fiscal en considérant qu'il s'agit d'une mesure injuste, et, dans le même temps, demander le maintien des avantages fiscaux pour les mariés, les divorcés et les pacsés.
C'est le même avantage, que l'on soit riche ou que l'on ait de très faibles revenus.
C'est donc au nom d'une certaine égalité sociale que vous devriez être le premier à monter à cette tribune pour dire combien il s'agit d'une mesure de justice sociale.
L'effort est équitablement réparti entre les ménages et les entreprises, disais-je : 37 % pour les ménages et 63 % pour les entreprises en 2011.
C'est vrai que, comme l'a rappelé Christine Lagarde, toute mesure fiscale repose in fine sur les ménages, directement ou indirectement. La répartition entre les entreprises d'un côté et les ménages de l'autre a, j'en conviens, peut être un aspect artificiel. Mais la réalité effective, c'est que le choix fiscal qui dépend de l'État est pleinement assumé. L'augmentation fiscale est évidemment refusée.
Comme le prévoient nos propositions, les entreprises peuvent et doivent intégrer les mesures qui les touchent ; c'est notamment le cas des dispositions relatives au financement de la réforme des retraites ou de celles concernant les assurances dans le cadre du financement de la CADES.
Pour prendre l'exemple de la taxation des complémentaires santé, les mutuelles vont bénéficier des mesures de maîtrise de la dépense présentées par le Gouvernement pour près de 1 milliard d'euros,...
…au titre des mesures prévues par le Gouvernement pour la maîtrise des dépenses de santé, et au titre de l'augmentation continue des affections de longue durée, prises en charge intégralement par l'assurance maladie. Les mutuelles continueront de bénéficier de la moitié de l'avantage fiscal en vigueur puisque le taux commun – pour tout ce qui ne fait pas partie de l'économie sociale – est de 7 % et que nous le fixons à 3,5 %. Les mutuelles pourront assumer ce dispositif de solidarité pour participer à l'effort de réduction des déficits et de rééquilibrage des finances publiques. Il n'y a donc aucune fatalité à ce que les ménages voient leurs primes augmenter…
…et nous développerons tous les arguments politiques nécessaires que nous relaierons en permanence, la répétition étant la meilleure des pédagogies.
Prenons la TVA sur le triple play : le basculement des offres de téléphonie mobile sur la TVA à taux réduit ne s'est pas toujours traduit par une baisse de la facture pour le consommateur.
C'est incontestable. Pourquoi, dès lors, devrait-il dans tous les cas supporter la hausse ?
Les prix évoluent en fonction de paramètres économiques et des politiques commerciales des entreprises.
Les opérateurs ont déjà annoncé qu'ils augmenteraient leurs tarifs : ce sont donc bien les ménages qui vont payer la facture !
C'est la raison pour laquelle, dans son examen sur l'effort à consentir pour réduire les niches fiscales, certaines mesures ont été comptabilisées par le Gouvernement comme pesant de manière équilibrée sur les ménages et les entreprises. Je pourrais reprendre chacune de ces mesures pour nourrir cette démonstration. Je suis intimement convaincu que son efficacité sera de nature à persuader chacun d'entre vous que cette réforme est équilibrée.
Selon M. Muet, la hausse des prélèvements sur les hauts revenus va pénaliser le travail. Les socialistes se mettent à défendre les hauts revenus, voilà qui est original. (Sourires.)
Nous avons veillé à ce que la majoration de un point pour financer les retraites soit supportée de manière équitable par tous les revenus...
Je n'invente rien, je restitue fidèlement les interventions de M. Muet qui m'a de nouveau interpellé pendant la séance des questions au Gouvernement. Je suis désolé si je lui ai fait de la peine ; il a été conseiller budgétaire de M. Jospin et…
…je lui ai rappelé quelle était la réalité au terme de cinq ans de gouvernement Jospin.
Je poursuis ma démonstration. La majoration de un point pour financer les retraites, grâce à la hausse du barème, sera supportée de manière équitable par tous les revenus : les plus-values mobilières et immobilières, les revenus des dividendes et des obligations à travers le prélèvement forfaitaire libératoire, les revenus fonciers, les revenus commerciaux et non commerciaux, au même titre que tous les autres revenus.
Depuis que la droite est au pouvoir, elle a multiplié par deux le déficit de la France !
Je rappelle également que nous avons prévu une dérogation expresse aux règles du bouclier fiscal pour s'assurer de la contribution du tous.
Vous le voyez, le financement proposé est un financement juste et universel.
M. de Rugy a interrogé le Gouvernement sur la fiscalité écologique. Nous avons dû renoncer à imposer la taxe carbone de manière unilatérale à nos entreprises, le Conseil constitutionnel n'ayant pas admis que le régime des quotas leur impose une contrainte équivalente à la taxation. Nous n'en poursuivons pas moins notre action sur le plan communautaire – cadre adapté pour allier écologie et compétitivité.
Vous ne pouvez pas, en un raccourci, ignorer les efforts considérables menés depuis 2007 pour « verdir » notre fiscalité dans tous les domaines : le crédit d'impôt développement durable, comme le précise une récente étude de l'INSEE, a permis à 4,2 millions de résidences principales de bénéficier de travaux pour contrôler leur consommation d'énergie – voilà qui va dans le bon sens – ; le bonus-malus automobile a permis un renouvellement rapide du parc automobile français au profit de véhicules moins polluants – voilà qui va dans la bonne direction, si j'ose dire – ; des critères écologiques irriguent désormais tout notre système fiscal – c'est le cas du dispositif Scellier, qui incite à la construction de logement à la norme « bâtiment basse consommation », ou de l'agriculture biologique, dont le développement est incité par un crédit d'impôt dont le Gouvernement propose la prorogation dans le cadre de ce projet de loi de finances. Vous le voyez, notre engagement en faveur de la fiscalité écologique demeure inchangé.
Pour ce qui concerne le crédit d'impôt recherche pour développer l'énergie photovoltaïque, il a été mis en place pour atteindre un objectif précis de production d'énergie renouvelable fixé par le Grenelle de l'environnement. Cet objectif devrait être atteint en 2011. Il était donc logique de réduire la dépense fiscale afférente. J'observe néanmoins que les aides à la filière demeurent, soit par le crédit d'impôt qui reste à 25 %, soit par le biais de tarifs de rachat privilégiés.
Le crédit d'impôt recherche est de tout autre nature. Il a contribué à développer la recherche privée. Depuis 2008, il représente 1,5 milliard d'euros de recherche privée supplémentaire, 3 000 entreprises nouvelles ont intégré le dispositif. C'est encore insuffisant : on ne peut pas considérer l'objectif atteint tant que notre recherche et développement reste inférieure à l'objectif de 3 % du PIB. C'est la raison pour laquelle nous devons poursuivre l'effort et préserver un dispositif qui a fait la preuve de son efficacité.
Je remercie tous ceux – MM. Giacobbi, Carayon, Vandewalle, Nicolas, Raison – qui ont conforté la position du Gouvernement sur la nécessité de maintenir le dispositif du CIR en l'état et ont considéré qu'il serait dommageable pour l'économie française d'y toucher plus que de raison.
Nous aurons l'occasion, au cours des prochains jours, de débattre de nouveau sur le sujet, notamment avec ceux qui, comme M. Habib, tout en reconnaissant la nécessité du CIR, plaident néanmoins pour son ajustement.
En ce qui concerne l'outre-mer, je rappellerai à M. Lurel que nous pourrons en discuter en abordant l'examen de l'article 13. Je remercie René-Paul Victoria et de nombreux autres parlementaires ultramarins pour leur travail sur les enjeux, pour l'outre-mer, de l'évolution du dispositif dérogatoire. M. Lurel a eu l'amabilité de rappeler mon passage au ministère de l'outre-mer. Vous savez mon attachement à ces territoires, je parlerai même de passion.
On ne revient pas le même d'un passage à la tête de ce ministère.
Vous dites que c'est comme un mariage, monsieur Brard, – comparaison curieuse. Quoi qu'il soit advenu de ce « mariage », je suis convaincu que nous devons soutenir nos compatriotes ultramarins, au nombre de 2 millions dans les territoires et de 500 000 en métropole. Nous avons envers eux un devoir de solidarité, nous devons prendre en considération l'impact de la crise, notamment aux Antilles, qui a mis en lumière leurs difficultés. Nous y sommes attentifs. Reste que l'outre-mer doit participer à l'effort collectif national de maîtrise des finances publiques. Les territoires d'outre-mer, nos compatriotes en sont conscients, ne peuvent être injustement montrés du doigt parce qu'ils bénéficient de dispositifs dérogatoires – ceux-ci doivent être pleinement expliqués. La défiscalisation demeure un outil indispensable pour assurer le développement de ces territoires. Je souhaite que, dans le cadre de l'article 13, nous nous donnions les moyens de maintenir des dispositifs permettant à ces économies trop endogènes et pas assez stabilisées, de continuer leur développement et, d'autre part, je souhaite que l'outre-mer participe à l'effort général de solidarité, ce qui serait une attitude saine pour tout le monde.
Plusieurs députés, dont MM. Laffineur et Rodet, sont intervenus pour évoquer les conséquences sur la taxe d'habitation de la réforme de la taxe professionnelle. La réforme de la taxe professionnelle prévoit en effet que la part départementale de la taxe d'habitation sera transférée au bloc communal à partir du 1er janvier 2011. Cela peut poser des problèmes que vous avez tous évoqués et à juste titre, notamment quand les politiques d'abattements des départements et des communes sont très différents : selon le cas, soit le contribuable est lésé, soit la commune perçoit moins que ce qu'elle aurait dû percevoir.
Parce qu'il n'est pas question que nos concitoyens subissent ce sursaut de taxation, parce que les communes ne doivent pas être pénalisées, le Gouvernement va présenter un amendement, dans le cadre de la clause de revoyure de la taxe professionnelle, prévue dans la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011.
Pour les ménages, le transfert de la part départementale sera automatiquement neutralisé par l'introduction d'un mécanisme correcteur dans le calcul de chacun des abattements communaux et intercommunaux.
Ce dispositif apporte toutes les réponses souhaitées par nombre d'entre vous qui sont montés au créneau pour alerter le Gouvernement. Les variations de produit fiscal qui en résulteraient pour les communes seront neutralisées, pour leur part, par un ajustement de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et du Fonds national de garantie individuelle des ressources.
On peut regretter, comme M. Rodet, cette réaction un peu tardive, mais l'important est de parvenir à une situation neutre pour les ménages et pour les communes. C'est ce que le Gouvernement a fait.
MM. Bouvard, Vigier, Mme Grosskost, MM. Vandewalle, Emmanuelli, Cousin et Piron sont intervenus sur la nécessité de revoir notre fiscalité du patrimoine. C'est un débat que nous avons depuis plusieurs années, je le reconnais. En réalité, nous le menons depuis la mise en place du plafonnement, sous l'autorité de Michel Rocard. La gauche, ayant rétabli l'ISF et mis en place la CSG, avait admis que c'était sans doute beaucoup pour les Français, d'où l'idée d'instaurer un plafonnement.
Ensuite, le gouvernement Villepin a instauré un bouclier fiscal à 60 %. Enfin, la majorité s'honore de pouvoir affirmer aux Français qu'il n'y a pas d'impôt confiscatoire ou spoliateur en France.
Le sujet n'est pas tabou pour le Gouvernement puisque, j'y insiste, nous en débattons depuis presque vingt ans. Le Président de la République…
…et le Premier ministre ont d'ailleurs pris l'engagement de mener l'an prochain, au cours du premier semestre, une réforme de la fiscalité pour définir une nouvelle stratégie fiscale ou, selon les mots de M. Bouvard, pour « remettre à plat la fiscalité ».
Qu'on l'appelle « stratégie fiscale », « remise à plat de la fiscalité » ou « Grand Soir fiscal »,…
…ce débat doit avoir lieu. Il s'ouvrira au début de l'année prochaine et nous devrons veiller, si j'ose dire, à son bon atterrissage.
Il s'agit de trouver le juste équilibre qui permette à l'impôt de remplir son rôle d'instrument de cohésion sociale et d'outil au service du développement économique et de la compétitivité de nos entreprises.
Cette réflexion ne saurait se limiter à la suppression de l'ISF et du bouclier fiscal, et cela pas seulement pour des raisons budgétaires. Je vous rappelle que nous n'avons pas les moyens de nous payer le luxe d'une réforme qui aggraverait le déficit des caisses de l'État.
Si un consensus se dégage, nous devrons engager cette réflexion aux implications multiples. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de temps. Nous ne devons pas agir dans la précipitation. Nous devons analyser dans la globalité l'ensemble des tenants et des aboutissants d'une telle réforme. Nous allons prendre le temps de réfléchir, de nous poser les vraies questions. Nombreux sont ceux qui soutiennent cette démarche ; je m'en félicite, et suis convaincu que cette étape du premier semestre autour de la fiscalité nous permettra de réfléchir sur la façon dont nous vivons ensemble, au nom d'une certaine idée de l'équité fiscale et sur la manière dont nous allons pouvoir rendre notre économie plus compétitive.
Je remercie tous les députés qui ont participé à la discussion générale commune et je me mets à votre disposition pour la discussion des articles et des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. .
Comme toujours avant l'examen du projet de loi de finances, le président de la commission des finances souhaite rendre compte à l'Assemblée de la manière dont l'article 40 de la Constitution a été appliqué.
Près de cent amendements ont été déclarés irrecevables, soit environ 16 % du total de ceux déposés. Près de la moitié des amendements jugés irrecevables avaient en réalité leur place en seconde partie de l'examen du projet. Il va donc de soi que les collègues qui avaient déposé ces amendements en pensant les défendre en première partie pourront les présenter lors de la seconde partie et faire valoir alors leurs arguments. Je pense notamment aux amendements relatifs à l'information du Parlement par le biais de rapports de toute nature.
En outre, les amendements créant une perte de recettes pour les administrations publiques doivent être gagés. Les amendements ne prévoyant pas de gage, fort peu nombreux désormais, ont donc été déclarés irrecevables. J'ai néanmoins tenté d'aider les collègues, quelle que soit la nature de l'amendement qu'ils entendaient déposer, en veillant à ce qu'ils prévoient des gages. Aussi, au prix de l'introduction d'un gage, ces amendements ont-ils été jugés recevables et seront donc appelés.
J'ai déclaré irrecevables les amendements créateurs d'une charge publique, qu'ils soient ou non gagés puisque la règle fixée par l'article 40 est limpide : toute création de charge, fût-elle gagée, ne peut être admise au titre d'un amendement.
J'ai tenté de faire respecter le départ entre loi de finances et lois de financement de la sécurité sociale. Nous ne pouvons accepter en loi de finances des amendements affectant les comptes sociaux et seulement ceux-ci. Là aussi, les amendements affectant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pourront être déposés et donc discutés à l'occasion de son examen.
Il en fut ainsi des amendements visant à affecter aux collectivités territoriales une fraction de la CSG. Je vois bien à quelles questions ces amendements souhaitaient répondre, mais nous ne pouvons les poser au cours de l'examen du projet de loi de finances si elles ont toute leur place dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Certes, une centaine d'amendements ont été déclarés irrecevables. Près de 60 % d'entre eux pourront néanmoins être déposés et appelés dans un autre cadre, que je viens de préciser. Ce sont, en tout, près de 500 amendements qui seront discutés à l'occasion de ces débats.
Sans vouloir répondre au ministre – ce n'est pas l'usage, lorsque celui-ci a lui-même répondu à des orateurs –, je souhaite cependant essayer de préciser les conditions du débat. Il ne s'agit pas de savoir ce qu'est une dépense fiscale, mais ce qu'est une niche. Dès lors que le ministère de l'économie et des finances a établi une typologie, une classification, il me semble qu'il est dans l'intérêt de tous les parlementaires de savoir ce qu'elle recouvre. En disant cela, je me contente de reprendre une demande constante et bien légitime de la Cour des comptes.
Au travers des débats que nous allons avoir, c'est l'opinion que nous tenterons de convaincre. La majorité et le Gouvernement souhaitent convaincre qu'il n'y a pas d'augmentation d'impôts, alors que l'opposition entend prouver le contraire.
Au-delà du débat budgétaire, c'est un débat d'opinion qui s'engage. Aussi important soit-il, il doit être aussi objectif que possible. À cet égard, je remarque depuis quelques jours une argumentation dont je devine ce qu'elle peut avoir d'utile, mais dont je ne suis pas sûr qu'elle corresponde parfaitement à ce que le débat parlementaire a de plus noble. Tous, nous nous inscrivons dans des histoires politiques différentes et très anciennes : prétendre que toutes furent irréprochables serait extrêmement audacieux. Aucune n'est exempte d'erreurs politiques, économiques, peut-être même historiques. Or invoquer l'une de ces erreurs pour tenter de discréditer telle ou telle proposition d'aujourd'hui, c'est sans doute un procédé aussi vieux que la politique elle-même, mais qui n'en est pas moins très insatisfaisant. Rappeler ce que fut tel porte-parole socialiste il y a quelques années pour tenter de convaincre que ce qu'il propose aujourd'hui est inepte me paraît – ou me paraîtrait, car je n'imagine pas que cela soit – aussi inélégant que de rappeler qu'un ministre du budget qui dénonce les hausses d'impôts a pu appartenir à un gouvernement qui, après avoir promis la suppression de la CSG, l'a augmentée de deux points.
Ce qu'il fit à l'époque ne discrédite pas, en soi, ce qu'il propose aujourd'hui. Et ce qu'un conseiller a pu faire dans un cabinet ministériel ne contrarie en rien la qualité de ce qu'il présente maintenant. Ce rappel incessant de ce que les uns ou les autres ont fait autrefois, pour éviter de répondre aux propositions d'aujourd'hui, n'est pas digne du débat parlementaire. Contentons-nous de ce qui est dit aujourd'hui, en évitant de rappeler ce que furent les solidarités ou les errements d'hier. Chaque histoire a eu ses heures de gloire, comme, peut-être, ses heures plus sombres. L'histoire juge.
L'histoire politique dans laquelle je me reconnais ne s'est pas inscrite dans le gaullisme. Mais qui conteste que le gaullisme a rétabli l'autorité de l'État, restauré l'image de la France, instauré la planification, et, d'une certaine manière, monsieur le ministre, une économie étatiste ? À moins de considérer que des Paul Delouvrier ou des Pierre Guillaumat ne furent pas ce qu'ils étaient en réalité : des seigneurs, de l'État autant que de l'industrie.
Ce passage est très beau.
Critiquer une économie étatiste quand on s'inscrit dans cette histoire me paraît donc peut-être un peu présomptueux.
On pourrait dire la même chose de chacun des chefs d'État, car tous, y compris celui qui a cessé ses fonctions le plus récemment, ont apporté quelque chose à la France. Je remarquerai d'ailleurs, à cet égard, que ce n'est pas parce que certains s'inscrivent peut-être plus particulièrement dans cette partie-là de notre histoire collective que ce qu'ils font aujourd'hui est médiocre, bien au contraire. Je fis partie de ceux qui furent choqués des appréciations excessives portées sur son action. Car au moins deux choses qu'il a faites peuvent, me semble-t-il, être revendiquées par tous, aujourd'hui : la professionnalisation des forces armées, qu'il fallait faire même si la méthode choisie fut probablement un peu brutale – mais comment faire autrement ? – et, avec le temps, car on lui rendra justice, la réforme des retraites en 2003 et 2004.
Un dernier mot, madame la présidente. Il y a une deuxième méthode pour discréditer les propositions présentes. Outre celle qui rappelle quelques heures sombres de chacune de nos histoires collectives, c'est celle qui consiste à prendre les propos de tel ou tel pour discréditer les propos d'un autre. Je ne choquerai personne en disant qu'aucun porte-parole politique n'est le porte-parole des députés. Ce que dit celui du parti socialiste ne peut engager les députés socialistes, pas plus que ce que dit Frédéric Lefebvre ne peut – en tout cas je l'espère – vous engager, chers collègues de la majorité.
J'ai bien compris, monsieur le président, que votre intervention était en deux parties, l'une étant relative à l'article 40, et l'autre étant une sorte de réponse à M. le ministre, qui a maintenant la parole.
Il y a naturellement un droit de réponse pour le président de la commission des finances, qui nourrit à son tour un droit de réplique pour le ministre. Et puis nous en terminerons là.
Chacun sait que je tiens le président de la commission des finances en haute estime, même si nos chemins divergent à bien des égards. Il y a eu trois très bons moments dans votre intervention, monsieur le président de la commission : le premier sur la référence au gaullisme ; le deuxième à l'évocation émue de Jacques Chirac ; et le troisième sur la situation de l'actuel porte-parole du parti socialiste. Je comprends que cela vous gêne que Benoît Hamon passe ses week-ends avec M. Besancenot, et qu'il soit un peu le pizzaiolo des agapes démagogiques de l'extrême gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je ferme la parenthèse. C'était une petite malice.
Quelle médiocrité ! Le président de la commission avait une autre hauteur de vue !
Pour le reste, notre histoire éclaire notre présent, et je ne vois pas en quoi le rappel que vous feriez de notre histoire doit empêcher le Gouvernement de rappeler la période Jospin, que vous allez porter en bandoulière sur la base d'une croissance qui était à 3,5 %, qui a duré pendant quatre ans,…
Grâce à qui, monsieur Glavany ? Grâce à l'économie américaine, boostée par la bulle internet,…
Ce n'est pas vrai. La croissance française était supérieure à la croissance mondiale.
…qui a profité exclusivement à la spéculation. Et, profitant de cette croissance, vous avez continué d'augmenter les dépenses. C'est cela que je combats, et c'est cela que je veux mettre en lumière. Dans une période de forte croissance, au lieu d'en affecter les fruits au remboursement de nos dettes et à la réduction de nos déficits, vous avez continué à nourrir le développement des dépenses publiques. Et cela, nous avons à le gérer encore aujourd'hui.
Je ferme la parenthèse. Nous avons devant nous de longues journées et de longues nuits. Nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard. Votre rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1, je suppose ?
S'agissant de l'application de l'article 40, je remercie le président de la commission des finances pour ce qu'il a dit. Qu'il me permette une suggestion. Au lieu d'être simplement victimes du couperet sans explication, nous préférerions que, chaque fois que l'article 40 nous est opposé, on nous dise que l'amendement en question est irrecevable mais qu'il peut bénéficier d'une sorte de droit de repêchage. Ce serait plus agréable. Nous avions d'ailleurs pensé que ce serait le cas, mais c'est encore mieux de le dire.
Madame la présidente, je n'ai pas qualité pour m'immiscer dans le débat qui s'est instauré entre le président de la commission des finances et le ministre, mais, en écoutant M. Baroin évoquer le général de Gaulle ou Jacques Chirac, j'entendais les accents d'un requiem, même s'il a peut-être un peu moins de talent que Mozart. Je pense qu'il est un autre Requiem dont M. le ministre est en train d'écrire la partition pour un avenir qui n'est pas si lointain : le Requiem pour Nicolas.
Quant au chapelet des « erreurs » qu'évoquait le président de la commission des finances, ce ne sont pas des erreurs, ce sont des turpitudes qui s'enchaînent les unes aux autres, qui plongent notre peuple dans la souffrance.
Ce n'est plus un rappel au règlement, monsieur Brard. Merci de conclure.
Vous allez voir que je ferme la boucle, madame la présidente.
Cette souffrance s'exprime sur le pavé de nos rues. Et vous avez vu, madame la présidente, qu'à chaque intervention d'un orateur de l'UMP, le ministre lui refile le chapelet avant qu'il ne monte à la tribune. Chacun de ces orateurs égrène le chapelet, justement, de ces turpitudes, qui ne sont pas des erreurs.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
Au moment où nous entrons dans la discussion des articles, je vous rappelle, mes chers collègues, que les interventions sur l'article sont d'une durée de deux minutes.
La parole est à M. Yves Cochet.
Je rappellerai d'abord une « erreur », pour reprendre le mot du président de la commission des finances. Il y a deux ans, dans le projet de loi de finances pour 2009, dont nous avons débattu en 2008, il était prévu que la croissance de l'économie française serait de 1 %. Il se trouve qu'elle a été de moins 2,6 % et que plusieurs dizaines de milliards se sont ainsi envolés. De telles erreurs peuvent se reproduire.
C'est sur ce point que je veux intervenir, et il concerne à la fois la loi de programmation pluriannuelle et la loi de finances elle-même. Je constate, en lisant le projet de loi de finances, que le Gouvernement a choisi de retenir l'hypothèse d'une croissance de 2 %. Il est évidemment nécessaire de fixer quelques paramètres macroéconomiques quand on fait une loi de finances. Le consensus des économistes – il paraît que cela existe – est que la croissance serait plutôt de 1,5 %. Peu importe. Mais dans le projet de loi de programmation, il est indiqué que la croissance serait de 2,5 % en 2012, puis en 2013, puis en 2014. Je ne sais pas s'il faut appeler cela de la foi, comme dirait notre collègue Brard, mais la conception sous-jacente de ces prévisions, qui a été rappelée par M. le ministre, c'est l'hypothèse d'une amélioration de la conjoncture et d'un retour de la croissance. C'est ce qu'il a dit il y a quelques minutes.
Ce n'est pas du tout ma conception. J'estime que c'est au contraire faire preuve de myopie, si ce n'est pas d'aveuglement. Non seulement la croissance risque de ne pas être au rendez-vous en 2011, mais nous entrerons sans doute, dès l'année prochaine – et je ne suis pas le seul à le penser –, dans une nouvelle, profonde et longue récession.
Bien sûr, comme vous, je raisonne en termes de probabilité. Mais mon scénario « récessionniste » a plus de chances de se produire que votre scénario « croissantiste ». Trois raisons me conduisent à le croire : la première est politique, la deuxième est économique, la troisième est géologique.
La première est un événement tout à fait prévisible. Il s'agit, hélas, de la probable défaite du camp démocrate, celui du président Obama, lors des élections américaines de mi-mandat qui se tiendront le mardi 2 novembre prochain.
Il est donc probable que nous assisterons à une forte détérioration de la situation américaine dans quelques semaines. Et, cela non plus, je ne suis pas le seul à le dire.
La deuxième raison, c'est bien sûr la situation de l'économie européenne : la force de l'euro, la fragilité persistante de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne, de l'Irlande, la fin du plan de relance allemand rendent probable une entrée en récession de la zone euro. Il faut y ajouter, bien sûr, le nouveau plan d'austérité du gouvernement britannique.
La troisième raison, c'est un événement d'ordre géologique, dont on ne parle jamais ici. Il y a une sorte d'omerta, qui relève évidemment d'un aveuglement total. Je veux parler des matières premières, et notamment du pétrole. Il y a une stagnation de la production de pétrole conventionnel depuis 2005.
La hausse des marchés est tendancielle, ce qui ne s'est démenti qu'à la fin de l'année 2008, pour les raisons que l'on sait. Il est probable que cette hausse reprendra dès la fin de cette année et qu'elle se poursuivra en 2011, en 2012 et en 2013.
De cela, il n'est pas du tout tenu compte dans le projet de loi de programmation et dans le projet de loi de finances. Je vous pose la question, monsieur le ministre : qui épongera les dettes souveraines des États-Unis, de l'Europe et de la France ?
Monsieur le ministre, je profite de la possibilité qui m'a été donnée de m'inscrire sur cet article pour vous répondre, puisque vous avez rappelé que j'avais été le conseiller du Premier ministre Lionel Jospin, ce dont je m'honore. Auparavant, j'étais d'ailleurs l'un des directeurs d'un institut de conjoncture connu, présidé à l'époque par un ancien ministre du général de Gaulle, Jean-Marcel Jeanneney. J'en ai gardé un profond attachement pour les chiffres.
Vous nous dites en substance, monsieur le ministre : « À l'époque où vous étiez au pouvoir, il y avait une croissance mondiale fantastique, et vous ne l'avez pas utilisée pour réduire les déficits. » Je rappelle que le déficit budgétaire que nous avons trouvé à l'été 1997 s'élevait à 3,5 du PIB. Nous l'avons ramené en 2000 et en 2001, à 1,5 % du PIB. Quant à la dette, elle avait, lors du dernier trimestre du gouvernement Juppé, et pour la première fois, dépassé 60 % du PIB. Nous l'avons ramenée à 58 % du PIB.
Pourquoi ? Parce que la croissance mondiale était forte ? Non. J'ai publié dans de nombreux articles, et je le ferai prochainement dans un livre, un certain nombre de données statistiques qui montrent que la croissance mondiale n'a pratiquement pas changé, sauf entre 2002 et 2008, période durant laquelle elle a été exceptionnellement forte. Elle était, auparavant, de 3,3 % et elle est passée à 5 % durant ces années, où vous étiez au pouvoir. La France, alors, n'avait pas une croissance de 3 %, comme ce fut le cas de 1997 à 2002. Entre 2002 et 2008, la croissance était bien plus faible, inférieure à 2 %. C'était également vrai dans l'année qui précédait. Il s'est donc passé quelque chose entre 1997 et 2002 qui a eu pour conséquence que, avec le même cycle que l'économie mondiale et européenne, notre croissance a été plus forte, parce que nous avons massivement créé des emplois. La création massive d'emplois est un moteur formidable de la croissance.
J'aurais l'occasion de parler d'autres sujets, tels que le commerce extérieur, qui était en excédent de 20 à 30 milliards d'euros. Lorsque l'on est ministre du budget et que l'on évoque des situations, on se doit de respecter les données. J'aurais l'occasion de continuer ma démonstration à l'article 2.
(L'article 1er est adopté.)
Je voudrais revenir à la vraie question. Si j'ai cité la période du gouvernement de Lionel Jospin, c'est pour rétablir un certain nombre de faits, mais aussi parce que je crois profondément que la seule façon de résister à une crise, c'est de mettre l'accent sur les créations d'emplois.
Il y a un an et demi, lorsque, avec Didier Migaud, j'ai écrit que le plan de relance de l'économie du Gouvernement était unijambiste, ce n'était pas une critique de la relance par l'investissement public, mais du fait qu'il y manquait une composante. À une époque où l'on effectue beaucoup de comparaisons avec l'Allemagne, il est intéressant de le rappeler, car l'Allemagne a traversé cette crise en utilisant tous les dispositifs de la politique de l'emploi : une action sur les emplois aidés ; la réduction du temps de travail, parce que le sujet n'y est pas abordé de façon idéologique, mais de façon pragmatique ; et puis le travail à temps partiel. Tout ceci a fait que l'Allemagne a réduit son taux de chômage tandis que le nôtre a fortement augmenté.
Si notre pays veut réellement sortir de la récession, il faut qu'il mette l'accent sur la création d'emplois. Tous les pays européens suivent le même cycle économique, mais on peut se situer au-dessus ou en dessous. La seule façon de se situer au-dessus, surtout dans une conjoncture comme la nôtre, c'est de mettre massivement l'accent sur la création d'emploi. C'est le reproche que je fais à votre politique : vous l'avez oublié autrefois, et vous l'oubliez aujourd'hui.
(L'article 2 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 3 , visant à insérer un article additionnel avant l'article 3.
La parole est à M. Charles de Courson.
Mes chers collègues, vous savez que le groupe Nouveau Centre a toujours distingué les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement. Nous n'avons pas le droit de nous endetter pour financer des dépenses de fonctionnement, mais c'est possible pour financer des dépenses d'investissement.
Or, ces quatre ou cinq dernières années, l'ensemble des investissements des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale se situe autour de 2 %. Nous nous félicitons donc que le Gouvernement veuille revenir à cette valeur, car, contrairement à ce que disent beaucoup de collègues, 3 % est un chiffre totalement excessif. On ne peut pas être à 3 %, surtout si l'on connaît une réduction des taux d'intérêt et une faible croissance, puisque le déficit stabilisant est d'autant plus bas que les taux d'intérêt sont bas et que la croissance est faible. Si l'on avait une croissance nulle et des taux d'intérêt proches de zéro, il faudrait être à l'équilibre budgétaire.
Par cet amendement, nous voulons rappeler que le besoin de financement des administrations publiques ne peut excéder la part de l'ensemble des investissements publics, exprimée en pourcentage du produit intérieur brut. C'est la règle d'or, appliquée globalement au secteur des administrations publiques. Monsieur le ministre, il s'agit d'un amendement d'appel pour que vous puissiez vous exprimer sur le projet de réforme constitutionnelle qui a été promis par le Président de la République sur cette question.
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 3 .
La commission a rejeté cet amendement. Comme Charles de Courson l'a dit, cette position a été défendue par le groupe Nouveau Centre lorsque nous avons réformé la Constitution au début de 2008.
Nous nous sommes posé la question d'inscrire dans la Constitution une règle d'or qui imposerait de limiter le déficit aux investissements, et donc de n'emprunter que pour investir. Cette règle existe pour les collectivités locales. Une autre option était de mettre en place des lois de programmation pluriannuelles permettant de fixer une trajectoire de réduction du déficit. C'est cette deuxième option qui a été retenue en 2008. Nous avons donc inscrit dans la Constitution les lois de programmation pluriannuelles avec l'objectif du retour à l'équilibre.
Nous avons retenu cette solution car la notion d'investissement est extrêmement difficile à apprécier pour l'État. Pour les collectivités locales, elle est plus simple, mais, pour l'État, les dépenses de l'enseignement supérieur ou de la recherche sont à mi-chemin entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement.
Par ailleurs, il faut reconnaître que l'effort aurait été beaucoup trop important. Ceci nous a conduits à choisir les lois de programmation. Celle qui vous est présentée est la seconde du genre, la première ayant été votée en 2009. Elle couvre la période de 2011 à 2014 et remplace la précédente, qui courait jusqu'à 2013.
Je voudrais ajouter un mot concernant l'article 3, qui ne fait l'objet d'aucun amendement. Il résulte d'une rédaction de la commission des finances, qui a souhaité distinguer dans les soldes publics ce qui relèvera des comptes de l'État, des comptes de la sécurité sociale et des comptes des collectivités locales. La loi de programmation pluriannuelle doit être cohérente avec le programme de stabilité. Vous avez probablement entendu parler du projet de mise en place du semestre européen, notion que nous approfondirons dans quelques instants. Le mode d'emploi des programmes de stabilité, dont la méthodologie a été définie par Bruxelles, demande de ventiler les soldes publics entre ce qui relève de l'État, des collectivités locales, par exemple les Länder en Allemagne, et des comptes sociaux. La rédaction qui va vous être proposée à l'article 3 procède de ce souci de mieux articuler la loi de programmation avec le programme de stabilité.
Vous le savez, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il aurait un effet pervers, en favorisant une augmentation du déficit par l'investissement, et créerait un élément de contournement au travers d'une règle d'or. Nous avons le même objectif en matière de réduction des déficits : je trouve donc amusant de souligner devant la représentation nationale le caractère ambigu de cette réflexion.
Mais, vous l'avez dit, il s'agit d'un amendement d'appel, destiné à connaître la position du Gouvernement et l'état actuel de ses réflexions sur une éventuelle modification de notre loi fondamentale avec l'instauration d'une règle d'or à l'allemande, qui fixerait, à terme, une forme d'obligation d'équilibre budgétaire.
Le Premier ministre démarrera les consultations au Parlement auprès des commissions compétentes, c'est-à-dire la commission des finances, son président et son rapporteur général, ainsi qu'au Sénat, pour faire un premier tour de piste. L'objectif, tel qu'il a été voulu par le Président de la République lors de la conférence sur les déficits publics, était de proposer deux idées simples.
La première idée, qui me semble une vraie révolution dans nos travaux, est l'obligation que les dispositions fiscales soient examinées pendant la loi de finances. Nous allons éliminer tous les dispositifs dérogatoires sur le plan fiscal votés au cours de l'année, qui aboutissent à des niches, à des ouvertures de crédit ou à des guichets sans limites. Ce sont ces dispositions qui font que nous nous retrouvons aujourd'hui pour débattre de ce sujet, à hauteur de 10 milliards.
La seconde idée est en débat : nous allons y travailler et de la discussion jaillira la lumière. Au-delà de nos divergences politiques, je suis convaincu qu'une révision constitutionnelle, même à quelques encablures d'une échéance présidentielle, est atteignable. La réduction des déficits, la nouvelle trajectoire des finances publiques, l'inspiration d'un nouveau regard sur la logique de dépense, peut faire l'objet d'un consensus et se retrouver noir sur blanc dans notre Constitution. L'idée serait de fixer au lendemain des élections législatives l'obligation pour le Premier ministre d'inscrire dans son discours de politique générale une trajectoire qui aboutirait à l'équilibre budgétaire. C'est autour de cela que nous avons commencé à réfléchir, et que les premières consultations se mèneront. Il y a d'autres idées dans le rapport Camdessus et le rapporteur général a développé d'autres pistes, mais, d'après notre calendrier, les discussions doivent commencer d'ici à la fin de l'année, nous profiterons du premier semestre pour voir jusqu'où nous pourrons avancer, puis nous définirons les modalités d'une réforme de notre loi fondamentale, qui serait une grande et belle avancée, à l'instar de ce qui se passe désormais dans bon nombre de pays membres de l'Union européenne.
La réduction des déficits n'est pas une question de règle, mais de volonté politique, même s'il faut s'interroger sur ce que serait un déficit optimal en situation moyenne.
D'après la règle que vous proposez, le déficit devrait, en situation normale, se situer autour de 1,5 % ou 2 %. La seule période durant laquelle cet objectif a été réalisé au cours des vingt-cinq dernières années était en 2000 et 2001.
Même s'il peut être utile qu'une règle guide la politique d'un Gouvernement, cela n'a aucun sens de l'inscrire dans la Constitution. Au-delà, il faut s'entendre sur la définition même de l'investissement. Si l'on retient une définition étroite, on aboutit à un résultat modeste – au sens de la comptabilité nationale, l'investissement représente beaucoup moins de 2 % –, et si, comme nous y invitent les réflexions de certains économistes, l'on retient une conception plus large, le résultat peut dépasser 2 %.
Cette réflexion peut effectivement guider la politique économique, mais je la trouve profondément choquante, mes chers collègues de la majorité, venant d'un Gouvernement qui n'a respecté aucune des règles existantes : ni les deux règles européennes des 3 % de déficit public et de 60 % d'endettement, qui ont un sens évident, ni les règles que le Gouvernement a lui-même fait voter. Voyez ce qui vient de se passer avec la CADES : la règle votée par la majorité a été contournée presque immédiatement. Il est scandaleux de vouloir inscrire pour ses successeurs des contraintes que le Gouvernement a violées tous les jours.
M. Muet a raison, le rétablissement des finances publiques, c'est d'abord une question de volonté politique. On peut inscrire toutes les règles que l'on voudra dans la Constitution, si cette volonté n'existe pas, ce n'est pas la peine d'essayer de l'imposer par le droit.
C'est une aide à la volonté.
En outre, cette démarche néglige une dimension importante : l'imprévisible. Avec la crise financière de 2008-2009, nous avons été amenés, pour soutenir l'économie, à avoir un déficit public important. Sans doute, on peut discuter des modalités mêmes de cette politique, mais on doit bien reconnaître qu'il était impossible de prévoir qu'elle s'imposerait. Si nous avions eu une règle constitutionnelle du type de celle qui est envisagée aujourd'hui, il aurait fallu commencer par réviser la Constitution avant d'envisager un plan de soutien de l'économie. Ç'aurait été une situation délirante.
Lorsque M. le président Cahuzac a pris la parole, j'ai cru comprendre que nous allions entrer dans un débat de loi de finances fantastique – où il n'y aurait point de rappels déplacés, point de mauvaise foi, de part et d'autre –, autrement dit un débat qui allait prendre de la hauteur. Or, après avoir écouté M. Muet, je me suis réjoui des propos tenus par M. Garrigue qui a rappelé que, à situation exceptionnelle, il fallait des mesures exceptionnelles. Comment peut-on reprocher au Gouvernement de ne pas avoir respecté les critères de convergence de Maastricht, lorsque l'on sait que personne ne les a respectés durant cette période exceptionnelle et que tous les pays peinent à revenir à ces critères de convergence de façon raisonnable et mesurée, sans pénaliser le redémarrage de la croissance et de l'emploi ?
Monsieur Muet, lorsque vous décrivez la situation allemande, notamment les mesures mises en place pour favoriser le retour à l'emploi, vous oubliez souvent de mentionner sa démarche de réduction unilatérale des salaires, proportionnellement aux revenus dont dispose chacune des classes sociales, au sein d'une même entreprise. Ces démarches de renoncement unilatéral des salaires ont permis à bon nombre d'entreprises de pouvoir sauvegarder leur situation économique et de passer le cap de périodes particulièrement difficiles.
Je souscris aux propos de M. Garrigue et pense que le Gouvernement ne peut pas se voir reprocher de n'avoir pas su tenir les critères de convergence dans une situation exceptionnelle. De surcroît, cela met à mal l'amendement que le Nouveau Centre présente de façon récurrente.
Cet amendement visait à faire préciser par le Gouvernement le calendrier de la réforme constitutionnelle, et je vais donc le retirer. Mais, avant cela, je voudrais apporter un certain nombre de précisions. La volonté politique est une chose, mais une disposition constitutionnelle prévoyant une annulation en cas de dérapage peut aider le Gouvernement.
Deuxième remarque, nous avons toujours dit qu'il fallait faire cela sur la moyenne de cycles, ce que rappelait notre collègue Muet.
Enfin, comme dans la Constitution allemande, il serait bien entendu précisé que cette mesure s'applique sauf circonstances exceptionnelles – crise économique et guerre. Faites-moi l'amitié, mon cher collègue Garrigue, de penser que je ne suis pas tout à fait un irresponsable en matière budgétaire.
(L'amendement n° 3 est retiré.)
Je voudrais d'abord faire une remarque de forme, à l'intention des collègues qui pourraient s'étonner qu'un amendement adopté à l'unanimité en commission des finances ne soit pas présenté au suffrage de l'Assemblée nationale. Mais c'est qu'il fait désormais partie du texte : dès lors qu'il s'agit d'une loi de programmation, c'est le texte adopté par la commission qui est soumis au vote de l'Assemblée.
Sur la règle constitutionnelle, j'avais espéré, dans mon intervention avant la discussion des articles, monsieur le ministre – mais c'est naturellement votre droit de le refuser –, que les projets soient jugés en tant que tels et non au regard d'événements anciens, ou même très anciens, puisque vous avez même évoqué le souvenir de l'année 1982.
Pour autant, en m'efforçant de respecter cette règle, je ne pense pas contrevenir à ce que je crois être un critère de qualité du débat, en rappelant ce que ce Gouvernement a fait depuis trois ans, et surtout depuis quelques semaines. Il existait deux règles dans la précédente loi de programmation pluriannuelle et aucune n'a été respectée – je n'ose dire qu'elles ont été bafouées – dans les semaines qui ont suivi son vote par le Parlement. La première était l'obligation de prévoir un gage pour toute nouvelle dépense fiscale – on sait ce qu'il en fut pour la TVA dans la restauration – et la seconde prévoyait de réserver tout surplus de recettes au désendettement du pays – et nous savons qu'un surplus de recettes en cours d'année fut utilisé pour gager en partie, en partie seulement, la TVA sur la restauration. Ainsi, par une seule disposition, le Parlement a contrevenu à deux règles qu'il avait pourtant adoptées peu de temps auparavant.
Il existait une troisième règle, que vous aviez vous-même qualifiée, à juste titre, de « règle d'or » : l'interdiction de transférer à la CADES un endettement supplémentaire sans prévoir les sommes nécessaires à son amortissement. Après un débat qui fut très intéressant, l'Assemblée nationale et bientôt le Sénat, si ce n'est déjà fait, ont décidé de supprimer cette règle d'or. Rappeler – voire espérer – une nouvelle règle, alors qu'il y a quelques semaines ou quelques jours, celle qui existait et était, je crois, d'une incontestable utilité a été supprimée, ne me paraît pas crédible.
Naturellement, chaque groupe est libre de désigner ceux qui le représentent dans une commission mixte paritaire. Toutefois, avec le projet de loi organique sur la gestion de la dette sociale, c'est la première fois – j'ai fait rechercher dans les archives – que le président de la commission saisie au fond n'est pas membre de la commission mixte paritaire, et c'est la première fois que le rapporteur du projet n'est pas membre de la commission mixte paritaire : il se trouve que, dans le cas d'espèce, le président de la commission saisie au fond et le rapporteur n'étaient qu'une seule et même personne. N'est pas davantage présent dans cette commission mixte paritaire le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notre collègue Yves Bur : en l'occurrence, il ne saurait être question d'invoquer un précédent, mais le premier exemple prouve de quelle façon les travaux parlementaires sont envisagés, étant précisé que, au Sénat, le rapporteur pour avis n'est pas davantage membre de la commission mixte paritaire. Chaque groupe est libre, je le répète, mais cet exemple est absolument sans précédent dans notre histoire parlementaire depuis 1958.
Le débat que nous avons eu sur la CADES est un bon révélateur d'une règle équilibrée. Charles de Courson l'évoquait dans sa réponse à MM. Chartier et Garrigue, en parlant du caractère linéaire, sauf exception. Le choix du Gouvernement fut d'intégrer l'exception. Ce fut la crise de 2008-2009 qui a entraîné l'effondrement des recettes et qui justifiait pleinement la modification de cette règle, pour allonger de quatre ans – et non sur une génération – la durée de vie de la CADES pour reprendre 34 milliards.
Nous sommes bien là au coeur du débat : il ne s'agit pas d'un précédent regrettable, mais d'une illustration du fait que l'on peut à la fois avoir une règle d'or et s'adapter aux circonstances. Cela aussi, c'est de bonne politique.
Je suis saisie d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. Charles de Courson.
Nous ne pensons pas qu'il soit possible de redresser les finances publiques en cinq ans avec une croissance globale en volume des dépenses publiques de 0,8 %. Je l'avais dit lors de la discussion générale : il faut aller au-delà de ce que propose le Gouvernement. L'ordre de grandeur de l'effort supplémentaire à accomplir est à peu près de un demi-point de produit intérieur brut.
Par cet amendement, nous proposons de réduire la croissance globale de 0,8 à 0,3 %. J'ai démontré hier soir que la croissance réelle est de l'ordre de 1,5 % en valeur, ce qui comprend les 700 millions de financement de nouvelles dépenses par des recettes affectées, qu'a évoqués M. le rapporteur général et qui échappent au budget général. Cela signifie que l'on est à zéro volume pour le budget de l'État. On ne peut pas se le permettre. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut aller plus loin – cela a été le thème central de mon intervention – et avoir une croissance plus faible. Il faudrait faire 0,3 %.
Que signifie ce pourcentage sur les trois composantes ? Cela veut dire qu'il faut aller plus loin sur le budget de l'État. Pour les collectivités territoriales, il faut descendre à 0,2 % pour une croissance d'environ 0,7 %. C'est presque une stabilisation en euros constants. Sinon, nous ne parviendrons pas à redresser les finances publiques.
Je dis cela aussi pour l'opposition, qui, comme toute opposition, aspire à revenir, un jour, au pouvoir. Ne vous faites aucune illusion : le seul débat qui vaille aujourd'hui consiste à rechercher des économies à faire.
La commission n'a pas adopté cet amendement.
Notre collègue de Courson parle d'or, une fois de plus. Mais sa proposition n'est pas réaliste. Je citerai deux chiffres. La loi de programmation prévoit que le rythme d'augmentation annuel des dépenses jusqu'en 2014 sera presque de deux tiers inférieur à ce qu'il a été, en moyenne, pendant les dix dernières années. Nous avons 1 000 milliards de dépenses publiques, entre l'État, la sécurité sociale et les comptes des collectivités locales. Ces dernières années, l'augmentation annuelle a été, en incluant l'inflation, d'environ 4 %, soit 40 à 45 milliards. L'augmentation prévue dans cette loi de programmation n'est que de 20 à 25 milliards. L'effort demandé est colossal. C'est du jamais vu.
Charles de Courson nous demande d'aller encore plus loin. Il me semble que, dans la vie, il faut se fixer des objectifs atteignables et faire preuve d'un minimum de réalisme. En effet, si les objectifs sont hors d'atteinte, le découragement empêchera de les respecter. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas retenu cet amendement.
La position du Gouvernement est identique.
L'effort produit est déjà considérable. Ce n'est peut-être pas assez, il faut toujours plus. Mais le gel en valeur – hors dettes et pensions, c'est-à-dire hors héritage –, qu'on a longtemps pris pour le gel en volume, a des effets vertueux immédiats. Le simple changement de doctrine budgétaire permet une économie de près de 1 milliard net.
Commençons par inscrire dans la loi de programmation des finances publiques un taux de croissance des dépenses publiques à 0,8 %, quand la moyenne générale est à plus de 2 % et que, certaines années de vaches grasses, il a été de plus du double de l'inflation.
Nous ferons le point ensuite. Si les circonstances économiques exigent d'aller plus loin, je suppose que le Gouvernement s'adaptera. Mais cet effort n'a jamais été réalisé jusqu'à présent.
L'ensemble consolidé n'est pas de 1 000 milliards, mais de 1 100 milliards.
Passer de 0,8 à 0,3 % correspond à 0,5 point, soit à 100 milliards. Si nous ne sommes pas capables de trouver 5 milliards supplémentaires sur 1 100 milliards, c'est que nous ne sommes vraiment pas bons. Je maintiens donc l'amendement.
Je ne viens naturellement pas au secours de M. Courson, qui n'a besoin de personne pour défendre ses amendements. Je voudrais simplement tenter de resituer les choses. Il est vrai que la réduction de la dépense publique est importante, mais il y a un effet d'affichage et une réalité. L'effet d'affichage est impressionnant. La réalité, c'est que, par l'arrêt simultané du plan de relance et par l'absence de grand emprunt l'année prochaine, il y a presque mécaniquement une baisse de la dépense publique, qui aide considérablement à l'affichage. Mais ces deux éléments manqueront cruellement lorsqu'il faudra élaborer le budget pour 2012, et l'effort entre 2011 et 2012 devra être probablement plus important que celui que nous nous apprêtons à faire de 2010 à 2011.
Je veux bien qu'on présente comme exceptionnel l'effort que le pays s'apprête à consentir entre 2010 et 2011, mais je jugerai prudent de ménager les qualificatifs exubérants, afin de garder du vocabulaire disponible pour l'année prochaine. (Sourires.)
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
(L'article 4 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. Charles de Courson.
À l'article 5, le Gouvernement s'engage à ne pas faire progresser, à périmètre constant, les dépenses du budget général de l'État plus que l'inflation, mais hors charge de la dette et hors charge de pensions.
Or, mes chers collègues, la dette continue à baisser en taux moyen pondéré et a atteint son taux historique le plus bas. Nous nous situons en dessous de 4 %, aux alentours de 3,8 %. Comment y sommes-nous parvenus ? En augmentant de façon déraisonnable, à nos yeux, la part à court terme, puisque nous avons atteint 18 %.
Le Gouvernement s'engage à faire baisser cette part, ce qui est raisonnable et prudent. L'engagement gouvernemental d'être à zéro, hors pensions et intérêts de la dette, ne correspond pas à zéro. Même si le déficit se réduit, l'encours augmentera. Nous sommes également à la merci d'un retournement des taux d'intérêt, cela a été évoqué par de nombreux collègues, notamment Jérôme Chartier.
S'agissant des pensions, je me permets de rappeler que leur coût continue à augmenter – de l'ordre de 1,5 milliard d'euros cette année.
L'amendement du groupe Nouveau Centre consiste à dire que le Gouvernement a raison, qu'il faut tenir le budget de l'État à zéro, mais en y incluant les intérêts de la dette et les pensions. Si nous ne procédons pas ainsi, nous ne réussirons pas à redresser les finances publiques.
La commission n'a pas adopté cet amendement.
Je voudrais convaincre notre ami Charles de Courson que les règles de cette loi de programmation sont beaucoup plus dures que celle – la seule – qui figurait dans la précédente et qui stipulait que, tout confondu, les dépenses de l'État ne devaient pas augmenter d'une année sur l'autre au-delà de l'inflation. C'est ce que le jargon budgétaire appelait le « zéro volume ».
En 2009, on a pu réaliser plus de 3 milliards d'économies par rapport à la prévision des frais d'intérêts de la dette, en raison de la baisse très importante des taux d'intérêt.
Ces économies, comme vient de le souffler notre collègue Michel Sapin, ont en effet été recyclées sur d'autres dépenses.
Or, monsieur de Courson, ce projet de loi de programmation propose deux règles. La première consiste à dire que toutes les dépenses en dehors de la dette et des pensions – ce qui est imposé par le passé – représentent « zéro ». Avec une inflation de 1,5 %, nous disposons d'une marge de manoeuvre de 5 à 6 milliards d'euros, mais – seconde règle – ces 5 à 6 milliards ne peuvent être utilisés que pour absorber l'augmentation des intérêts de la dette – environ 4 milliards – et l'augmentation des pensions – de l'ordre de 1,3 milliard chaque année –, puisqu'il y a de plus en de plus de retraités. Ces deux contraintes sont beaucoup plus sévères.
Par ailleurs, la loi de programmation propose une approche triennale des dépenses. Chaque mission doit faire l'objet d'une séquence de dépenses prévue pour trois ans : 2011-2012-2013. Au passage, monsieur le ministre, je veux vous féliciter vous et vos services, car cette approche triennale a été conçue il y a trois ou quatre ans. Un travail approfondi entre votre ministère et la commission des finances a été engagé pour définir petit à petit ce système pluriannuel qui, nous le constatons, fonctionne très bien aujourd'hui.
La discussion avec les ministères dits dépensiers est facilitée par cette approche pluriannuelle. Nous avons donc bien progressé.
Cela étant, je le répète, si jamais les taux d'intérêt remontaient et si nos pensions excédaient ce qui est autorisé par l'inflation, nous n'en serions pas à « zéro » sur les autres dépenses, mais à moins quelque chose !
Parmi ces dépenses, figure la part destinée aux collectivités locales – 60 milliards d'euros environ. Grâce à une règle protectrice pour les collectivités locales, celle-ci ne peut diminuer. En revanche, elle n'augmentera pas – c'est que l'on appelle le gel en valeur. En 2011, 2012 et 2013, on reconduira exactement le même montant de dotations qu'en 2010, mais ce montant ne peut pas diminuer. Si jamais les intérêts excédaient la marge de l'inflation, il faudrait diminuer de façon importante divers crédits sur différents ministères. J'espère vous avoir convaincu, monsieur de Courson, que nos règles sont extrêmement strictes.
Le Gouvernement est défavorable à la position de M. de Courson, qu'il juge trop dure. L'équilibre général du budget repose sur des mesures inédites en matière de maîtrise et de réduction des dépenses publiques, mais aussi sur une volonté politique affirmée de ne pas casser la croissance.
Or, si nous suivions le raisonnement développé par M. de Courson, il nous faudrait produire l'équivalent de 5 milliards d'économies supplémentaires. Compte tenu du contexte de sortie de crise, nous avons besoin de conforter un certain nombre de secteurs d'activités économiques en continuant malgré tout de les irriguer par de la dépense publique.
Nous pouvons partager la philosophie générale de son amendement, mais, sur cet exercice, nous avons besoin d'un peu de temps pour conforter notre économie.
Puis-je faire remarquer à mon ami Gilles Carrez qu'il se trompe pour 2011 ? (Sourires.)
En 2011, les règles fixées à l'article 5 aboutissent exactement au même résultat que l'ancienne règle dite du « zéro volume ».
Ce n'est pas moi qui le dis, mais vous, monsieur le rapporteur général, dans votre rapport. En apparence, indiquez-vous à très juste titre, on est à plus 1,3,…
…mais le Gouvernement n'a pas tenu compte de 707 millions, à savoir les augmentations de recettes fiscales affectées à des opérateurs qui viennent en majoration. Si l'on tient compte de ces 707 millions d'euros, on est pile à 1,5.
Pour 2011, votre argument ne tient pas, monsieur le rapporteur général.
Je me range à l'avis de Charles de Courson. J'ai bien conscience que ce qui est demandé aux services de l'État n'est pas trop dur, mais très dur. Il est vrai que, avec un délai de prévenance relativement court, même si l'on voit depuis quelques années qu'il va falloir faire des efforts encore plus considérables que ceux consentis jusqu'à présent, il n'en demeure pas moins que réduire la dépense est difficile à court terme.
Je ne souscris pas à l'argument du ministre. Je ne crois pas du tout que, sur le plan économique, la réduction des dépenses publiques de quelques milliards ait la moindre incidence sur la croissance de l'année prochaine. C'est le contexte mondial qui sera déterminant.
Or il suscite, à juste titre, quelques inquiétudes. Monsieur le ministre, l'argument consistant à dire que nous ne devons pas casser la croissance relève d'une certaine facilité. Certes, il est difficile de faire des économies, mais nous sommes à un moment où, après l'amplification exceptionnelle, depuis trois ans, du déficit structurel de la France, avec l'accumulation de la dette et les problèmes posés par la dette sociale, nous avons, hélas, à prendre des décisions extraordinairement douloureuses : en témoignent les discussions sur le financement de la CADES ce matin en commission des finances. L'augmentation proposée par voie d'amendement n'a pas été décidée de gaîté de coeur. Elle est tout simplement cohérente avec la situation actuelle de la CADES. Je maintiens que nous devons faire des efforts auxquels nous ne sommes pas accoutumés.
Le rapporteur général a évoqué les collectivités locales. Nous devons avoir le courage de dire qu'il existe des collectivités locales qui reçoivent trop d'argent de l'État. Certaines sont misérables ou connaîtront des difficultés dans les prochaines années, mais j'estime que les plus riches peuvent réduire leur budget de 5 %, de 10 %. Les entreprises le font. Pourquoi une collectivité qui vit dans l'aisance ne pourrait-elle pas réduire son budget de 5 ou de 10 % une année, voire plusieurs années ?
Nous sommes à un moment de notre histoire financière où il faut avoir le courage de prendre des décisions douloureuses, qui demandent de la volonté. La situation dans laquelle nous nous trouvons l'impose et Charles de Courson a raison de nous inciter à plus de rigueur.
Contrairement à François Goulard, dont le propos fut très intéressant, je ne mettrai pas les entreprises et les collectivités sur le même plan. Lorsqu'une entreprise souhaite réduire ses coûts – et je suis bien placé pour le savoir –, la variable d'ajustement est, hélas, l'emploi. C'est en effet en réduisant la masse salariale qu'il est possible de réduire les charges et de retourner à l'équilibre.
Cela passe par des départs volontaires ou des plans sociaux.
Il existe donc une différence majeure avec les collectivités territoriales, dont la masse salariale peut correspondre au minimum à 50 % des charges de fonctionnement, mais la rigidité du système ne leur permet pas de réduire facilement leur budget de 10 % d'une année sur l'autre.
Sans mettre en cause l'économie de l'amendement de Charles de Courson, je veux appeler l'attention sur la situation des investisseurs face à la dette publique mondiale. Comme chacun de nous, notre collègue est conscient des incertitudes qui planent sur les marchés dont il est un observateur attentif. L'absence d'intervention de la Banque centrale européenne s'agissant du marché secondaire sur les titres européens montre que nous ne sommes pas à l'abri de décisions interprétées de façon plus ou moins positive par les investisseurs, qui pourraient conduire à une augmentation du rating sur les marchés secondaires. Bref, si le spread augmente, nous devrons faire face à un coût supérieur de l'endettement, qui risque d'avoir un impact direct rude sur notre stratégie de réduction de la dépense publique.
Pour 2011, il me semble raisonnable d'en rester au plan décidé par le Gouvernement et amélioré par la commission des finances, et de pas nous engager dans une voie qui serait incertaine du fait de la situation particulièrement tendue du marché financier, notamment de la dette publique.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
(L'article 5 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 10 présenté par le Gouvernement.
La parole est à M. le ministre.
Amendement de coordination.
Avis favorable à cet amendement de coordination qui ajuste les chiffres figurant dans le projet de loi, suivant en cela un excellent amendement de notre collègue Charles de Courson qui vise à élargir les dépenses sociales à l'ensemble des régimes obligatoires, et pas seulement au régime général.
Il me paraît plus clair de rappeler la masse des organismes de protection sociale, puisque nous en sommes à 434 milliards d'euros pour l'année qui se termine. Année après année, l'on constate qu'il y 14 milliards d'euros supplémentaires. Cela signifie, chers collègues de gauche, que la position du Gouvernement n'est pas vraiment dure.
On continue à augmenter de 14 milliards d'euros l'ensemble des dépenses de protection sociale chaque année : 14,8 milliards d'euros, puis 13,2, puis 14,6, puis 14,5. Je mets en garde nos collègues : si la croissance annuelle du PIB est de 2,5 %, c'est tenable ; si elle est d'environ 1,5 %, hypothèse que nous jugeons prudent de préférer, il faudra faire des économies au-delà de ce que propose le Gouvernement.
Je n'accuse pas le Gouvernement, François Baroin le sait bien. Je dis simplement qu'il faudra aller plus loin. Hélas, j'espère avoir tort.
(L'amendement n° 10 est adopté.)
(L'article 8, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 6 , portant sur l'intitulé du chapitre III.
La parole est à M. Charles de Courson.
L'amendement n° 6 ne présente pas un intérêt considérable, au-delà de celui de rappeler que l'on ne parle que des prélèvements obligatoires : toutes les recettes ne sont pas des prélèvements obligatoires mais, dans le texte de ce chapitre, ne figurent que des prélèvements obligatoires.
L'amendement n° 7 présente pour sa part l'intérêt d'afficher clairement que la crise a fait chuter le taux des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire le rapport entre les prélèvements obligatoires et la richesse nationale, de deux points. Je pense que le Gouvernement a tort de ne pas le dire clairement.
Le Gouvernement propose de remonter ce taux de deux points, et je le soutiens. Tel est l'objet de l'amendement n° 7 : augmenter le taux des prélèvements obligatoires d'un point cette année, en passant de 41,9 % à 42,9 % en 2011, puis le porter à 43,2 % en 2012, à 43,5 % en 2013 et à 43,8 % en 2014. Ainsi revient-on, à un chouïa près, à la situation de 2007. C'est bien, c'est raisonnable !
Ce n'est pas de l'anti-sarkozysme, puisque le Gouvernement propose cela.
Simplement, il faut le dire, l'assumer. La crise a coûté deux points, il faut regagner deux points, et, puisqu'il faut trouver cinq points de PIB pour rééquilibrer les finances publiques, regagnons deux points sur les recettes et trois points sur les dépenses. 6040, c'est équilibré : 60 % sur la dépense, 40 % sur la recette.
La commission a repoussé ces deux amendements, qui posent un problème de fond.
Ils nuisent à la compréhension de l'effort demandé sur les recettes à travers cette loi de programmation.
Cet effort est double. D'une part, le retour de la croissance aux alentours de 2 % entraîne une augmentation mécanique et spontanée de l'afflux de recettes. On espère donc que les recettes progresseront mécaniquement, en 2011, d'un peu plus de 15 milliards d'euros. D'autre part, il y a ce que nous appelons les reconstitutions volontaires de recettes. Ce ne sont pas des hausses d'impôts, mais cela correspond à la réduction d'un certain nombre de niches fiscales, les 11 milliards d'euros évoqués. La loi de programmation fixe le niveau de cet effort discrétionnaire, tandis que la reconstitution naturelle de recettes, outre le fait qu'elle est difficile à estimer, comme l'a d'ailleurs très bien dit Charles de Courson, ne résulte pas, sinon indirectement, de la volonté propre du Gouvernement. C'est donc cette volonté gouvernementale forte de reconstituer les recettes de 11 milliards d'euros qu'il faut inscrire dans la loi de programmation.
Même avis.
(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances.
L'article 9 prévoit que l'impact annuel des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires mentionnées – cette précision a été ajoutée par les travaux en commission – dans le rapport prévu à l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances concernant la première année de la période de programmation et votées par le Parlement doit être compatible avec le tableau qui est joint.
J'aimerais donc, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez que le tableau que vous nous présentez, où figure un montant de 10 milliards d'euros en 2011, est bien compatible avec ce texte, que les 10 milliards d'euros de 2011 correspondent bien aux mesures nouvelles. De deux choses l'une : ou bien le texte adopté par la commission ne va pas avec le tableau, auquel cas il convient de se demander comment le modifier, ou bien le tableau figurant dans le rapport et prévoyant un montant de 10 milliards d'euros en 2011 ne correspond pas aux mesures nouvelles. Il faut en tout cas une clarification.
La question s'inscrit évidemment – ne nous voilons pas la face – dans le présent débat, où certains, comme le rapporteur général, parlent, avec quelques difficultés de vocabulaire et une gêne sympathique, de reconstitution de recettes et de baisse des dépenses fiscales, pour éviter de parler de hausses d'impôts, tandis que le ministre affirme pour sa part qu'il n'y a aucune hausse d'impôts. Si ces mesures nouvelles d'un montant de 10 milliards d'euros ne sont pas des impôts, que sont-elles ?
Monsieur le président Cahuzac, le montant de 10 milliards d'euros est le bon chiffre, et c'est un minimum. Tel est l'engagement du Gouvernement.
Pour le reste, oui, le Gouvernement continuera à affirmer que réduire les niches…
…c'est agir sur la dépense. Ce n'est pas là un voile pudique ni une excuse. Nous l'assumons, et c'est une réalité. Libre à vous, ensuite, de le présenter comme vous le voulez.
Vous ne pouvez nous reprocher de considérer que réduire les niches c'est agir sur la dépense, nous le reprocher en tenant un discours selon lequel le Gouvernement augmente les prélèvements obligatoires et sans accepter ipso facto l'argument que nous vous opposons, à savoir que le taux de prélèvements obligatoires était monté, sous le gouvernement de Lionel Jospin, à 44,9 %, et que vous prétendiez alors que c'était à cause de la formidable croissance dont vous étiez responsables. Choisissez donc votre angle. Soit il y a une augmentation des prélèvements obligatoires liée à la croissance, auquel cas l'augmentation constatée sous l'autorité de notre gouvernement sera elle-même liée à la croissance, soit il n'y a pas d'augmentation des prélèvements obligatoires, auquel cas vous reconnaîtrez la validité de notre argument, selon lequel réduire les niches c'est réduire la dépense fiscale.
Monsieur le ministre, je ne cherche pas d'« angle », quel que soit le sens que l'on donne au mot. Je lis simplement que le texte que nous nous apprêtons à voter évoque des « mesures nouvelles ». Il n'est pas question de prélèvements obligatoires, de niches ou de réduction dépenses, il est question de « mesures nouvelles ».
Selon la réponse que vous me faites, les 10 milliards d'euros – vous confirmez au passage le montant – mentionnés au titre des mesures nouvelles correspondent à des réductions de niches.
J'aimerais donc que vous m'indiquiez pourquoi, dans ces conditions, l'augmentation d'un point de l'impôt sur le revenu, dont le taux marginal passe de 40 % à 41 % ne fait pas partie des mesures nouvelles dont il est question dans le tableau.
Évidemment, on pourra toujours prétendre qu'une telle augmentation d'un point de l'impôt sur le revenu est une mesure réduisant une niche, et je ne répondrai même pas. On peut évidemment tout prétendre, mais c'est plus ou moins crédible. On peut également prétendre que l'augmentation de deux points du prélèvement forfaitaire libératoire est une mesure de niche.
Si les 10 milliards d'euros ne sont vraiment que des réductions de dépenses fiscales, c'est-à-dire des mesures de niche, où passe donc l'augmentation des recettes résultant de l'augmentation d'un point de l'impôt sur le revenu ? Cela devrait normalement figurer dans le tableau, puisqu'il retrace les mesures nouvelles et que cette augmentation d'un point est une mesure nouvelle. Si vous me dites que les 10 milliards d'euros ne correspondent qu'à des mesures de niches, où sont donc retracées les recettes dues à cette augmentation de l'impôt sur le revenu ?
Monsieur le président Cahuzac, je vous répondrai très aisément. Personne – et surtout pas le Gouvernement – n'a prétendu que l'augmentation d'un point du taux marginal auquel est soumise la tranche supérieure du revenu n'était pas une augmentation d'impôt. Elle est au contraire assumée pleinement et portée comme telle, portée comme un effort de solidarité accompli par celles et ceux qui ont le plus de moyens pour sauver notre système par répartition. Nous assumons à tel point cette augmentation que nous avons dit qu'elle était hors bouclier fiscal. Enfin, certes, c'est une mesure nouvelle, mais, figurant dans l'équilibre général, elle n'aura d'impact qu'en 2012, elle n'en aura pas en 2011.
Je donne acte au ministre du fait qu'il y a au moins une mesure d'augmentation d'impôt dans les mesures citées. Le débat, me semble-t-il, progresse.
Je ne peux cependant pas laisser dire que l'augmentation d'un point du taux de l'impôt sur le revenu n'impacte pas l'exercice 2011. Cela n'est pas vrai.
Si !
Non, ce n'est pas possible. Nous votons en année n un taux qui s'applique en année n + 1. Les revenus de l'année 2010 seront soumis à un impôt sur le revenu dont le taux aura été voté en 2010 dans le cadre de la loi de finances pour 2011. Les revenus de l'année 2010 se verront appliquer le taux d'imposition voté dans le cadre de l'actuelle loi de finances. En matière d'impôt sur le revenu, le décalage n'est pas de deux ans, vous ne pouvez pas dire cela, monsieur le ministre ! Ou alors, c'est que vous êtes en train de nous expliquer que le barème que nous nous apprêtons à voter en loi de finances pour 2011 ne s'applique qu'en 2012, c'est-à-dire sur les revenus de 2011. Cela ne s'est jamais fait ! Nous votons, en fin d'année n, une loi de finances pour l'année n + 1, qui détermine un barème qui s'applique aux revenus de l'année n.
Vous avez évidemment le droit de faire voter par le Parlement le fait que l'augmentation d'un point du taux de l'impôt sur le revenu ne s'appliquera qu'en 2012, mais alors ce sera un événement dans l'histoire de notre droit fiscal.
M. le président de la commission des finances s'énerve bien vite. Pour que nos travaux demeurent paisibles, je souhaite que nous ne montions ni les uns ni les autres au créneau ou sur nos grands chevaux.
Sinon, nous nous amuserons gaiement mais les débats dureront un peu plus longtemps.
Tous les documents, dont vous avez l'honnêteté de partir, tiennent compte de la contribution sur les hauts revenus et sur les revenus du capital. Vous n'avez aucune raison, monsieur le président Cahuzac, de faire de ce sujet matière à une nouvelle polémique sur l'augmentation des impôts. Celle-ci est assumée dans le cadre de la réforme des retraites. Il n'y a donc pas matière à un débat entre nous et l'on peut redescendre d'un ton.
Pour le reste, s'agissant des modalités, la contribution sur les hauts revenus s'élèvera à 495 millions d'euros pour 2011 et 505 millions d'euros pour 2012. L'incident est clos.
Nous pouvons continuer ce débat encore longtemps. Pour ma part, je laisse au ministre du budget le soin d'expliquer à nos concitoyens que l'augmentation, forte, de la TVA sur les offres triple usage de l'internet n'est que la suppression d'une niche. Tout le monde appelle cela une hausse de TVA, et une hausse de TVA est une hausse d'impôt.
Mes chers collègues, le chiffre indiqué par le ministre est exact. Il suffit de reprendre le rapport de notre rapporteur général aux pages 13, 14 et 15, qui donnent le détail des 10,3 milliards d'euros de mesures nouvelles : 3,8 milliards d'euros d'imposition directe des personnes physiques ; 4,3 milliards d'euros d'imposition directe des entreprises ; 2,2 milliards d'euros de fiscalité indirecte. Tout cela figure dans le rapport du rapporteur général ; vous pouvez le vérifier, c'est bien cohérent. On peut certes débattre ensuite de la qualification de ces mesures nouvelles, mais le montant de 10,3 milliards d'euros est bel et bien exact.
Les articles 9 bis, 10 et 11 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
(Les articles 9 bis, 10 et 11 sont successivement adoptés.)
Les dispositions de l'article 12 portent sur la mise en oeuvre de la programmation mais elles comportent une lacune importante car elles ne prennent pas en compte la nouvelle procédure du semestre européen instituée par la décision du conseil ECOFIN du 7 septembre 2010, qui vise à donner un cadre aux procédures budgétaires nationales et à les coordonner.
Les programmes de stabilité, créés en 1997, étaient restés relativement confidentiels. Le conseil ECOFIN souhaite manifestement leur donner une vigueur beaucoup plus grande à travers cette nouvelle procédure qui soulève toutefois deux problèmes.
D'une part, si l'on peut se féliciter que cette initiative vienne compléter une part manquante du traité de Maastricht en matière de gouvernement économique et de coordination des politiques budgétaires, on doit s'interroger sur ses conséquences au regard de la souveraineté des États et des Parlements nationaux.
D'autre part, des questions de forme se posent car ce semestre européen est fondé sur des catégories juridiques issues du droit anglo-saxon. Ainsi est-il question d'advice, qui se situe entre conseil et recommandation, ou encore, pour les programmes présentés par les États, de l'assessment auquel devra se livrer la Commission, qui se situe entre estimation et évaluation. À l'évidence, derrière ses termes, se profile une procédure beaucoup plus comminatoire qu'elle n'en a l'air.
Il est nécessaire, si nous voulons préserver la souveraineté du Parlement, que nous puissions introduire dans notre procédure des dispositions lui permettant d'être informé et de faire valoir son point de vue.
Je suis saisie d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Je suis saisie d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Cet amendement tend à établir une articulation entre la nouvelle procédure du semestre européen et la procédure budgétaire de notre Parlement en prévoyant que, dès que les avis et recommandations stratégiques établis par le Conseil européen – présentés en mars – sont connus, le Gouvernement en donne communication au Parlement. Il prévoit également que les programmes de stabilité feront l'objet d'un rapport déposé devant le Parlement.
En réalité, il serait même souhaitable d'aller un peu plus loin et que le Parlement se prononce sur le programme de stabilité. Dans notre règlement, l'article 151-3 permet à la commission des affaires européennes de se saisir de tout document émanant de la Commission européenne, notamment des recommandations stratégiques du Conseil européen.
Dès lors, la commission des affaires européennes pourrait adopter une proposition de résolution qui serait transmise à la commission des finances, laquelle saisirait elle-même le Parlement dans son ensemble de sorte que nous ayons en séance publique un débat sur ces programmes de stabilité, appelés à prendre une importance considérable, et, si possible, un vote sur une proposition de résolution, qui laisserait le Gouvernement libre.
Ce serait un moyen de respecter la souveraineté budgétaire du Parlement.
Tout d'abord, je voudrais remercier M. Garrigue de son amendement qui pose la question de l'articulation de nos lois de programmation pluriannuelle avec les programmes de stabilité et l'élément nouveau que constitue le semestre européen.
Nous nous sommes interrogés longuement sur cette question à la commission des finances et, comme vous allez le voir quand nous aborderons la discussion de l'amendement du Gouvernement, nous avons abouti à une première idée, liée aux travaux menés au sein du groupe de travail Camdessus auquel Jérôme Cahuzac et moi-même participons. Il s'agirait de remplacer le débat d'orientation budgétaire, qui a généralement lieu à la fin du mois de juin, par un vote sur la loi de programmation, qui vaudrait en même temps vote sur le programme de stabilité.
Les deux exercices se ressemblent. Chaque année, généralement à la fin du deuxième semestre – en 2010, toutefois, cela a été en février –, le Gouvernement envoie à Bruxelles des engagements pluriannuels sur les finances publiques. Jusqu'à présent, cela a été un acte quasi-clandestin. Le Parlement n'a jamais eu à prendre position sur ces programmes de stabilité qui constituent pourtant un élément très important du point de vue politique.
C'est difficilement explicable du point de vue démocratique. Il y a un déficit.
Ces programmes de stabilité consistent pourtant en une programmation quadriennale des finances publiques qui ressemble tout de même beaucoup à notre loi de programmation.
Avec Daniel Garrigue, qui est également membre de la commission des affaires européennes…
Pardon ! Avec Daniel Garrigue, donc, qui garde une connaissance très précise de la procédure européenne, nous nous interrogeons sur la manière d'articuler le mieux possible programme de stabilité et loi de programmation.
Par ailleurs, comme la procédure du semestre européen prévoit que la Commission rédige un rapport sur les programmes de stabilité ensuite repris par le conseil ECOFIN, il nous paraît indispensable que le Parlement soit saisi en amont.
Comme vient de le souligner à juste titre Daniel Garrigue, l'idéal serait, monsieur le ministre, que vous nous proposiez une procédure prévoyant avant la fin du mois d'avril, date à laquelle le Gouvernement doit transmettre le programme de stabilité aux autorités européennes, un débat au Parlement suivi par un vote, dans le cadre de l'article 151, alinéa 1, comme cela a été le cas pour le débat d'orientation budgétaire cette année, ou dans un autre cadre.
Nous disposerions alors d'une procédure bien adaptée, d'autant que ce débat serait suivi à la fin du mois juin par le débat d'orientation budgétaire qui pourrait prendre en compte le rapport de la Commission, présenté au début du mois de juillet au conseil ECOFIN, qui constitue la vraie instance politique en ce domaine.
Il me semblerait très utile que, cet après-midi, nous mettions au point ce dispositif, monsieur le ministre, car nous devrons l'utiliser dès l'année prochaine, ce qui suppose que nous parvenions à un accord rapidement.
Nous sommes au coeur d'un sujet très important, qui se situe dans la continuité de ce que nous avons tenté de faire avant l'été lors du débat d'orientation des finances publiques à l'issue duquel, pour la première fois, la représentation nationale a été appelée à voter sur la base d'un engagement.
Toutefois, nous pouvons reconnaître ensemble que cela n'a pas été pleinement satisfaisant car il a été demandé à la représentation nationale de s'exprimer, pour partie, sur un programme que le Gouvernement avait adressé à la Commission européenne au début du printemps.
Toujours est-il que le Gouvernement a voulu ainsi manifester sa volonté d'associer pleinement le Parlement à la position française défendue ensuite par ses représentants auprès de la Commission.
Le semestre européen fait l'objet d'un consensus : nous devons nous y adapter.
Je veux remercier la commission des finances et son rapporteur général d'avoir offert une solution en permettant au Gouvernement de trouver la bonne fenêtre de tir. Cette fenêtre était pourtant étroite car le programme de stabilité, que nous aurons à transmettre à Bruxelles à la fin du mois d'avril, devra incorporer les données statistiques de l'INSEE dont nous ne disposerons qu'au 1er avril. Cela signifie que c'est seulement autour du 15 avril que le Gouvernement pourrait exposer devant le Parlement la position française, ce qui laisserait la possibilité à la loi de programmation des finances publiques, élaborée à la fin du mois de mai, de prendre en compte ces documents.
Il reviendrait ensuite au Gouvernement, selon les circonstances, de donner rendez-vous à la représentation nationale soit pour revoir la loi de programmation, selon les évolutions observées, soit pour élaborer un calendrier là encore en partage.
C'est le sens de l'amendement du Gouvernement qui sera présenté dans quelques instants. Nous sommes parvenus à un consensus sur le principe d'un débat autour du 15 avril. Ainsi le Parlement sera informé – ce qui est la moindre des choses – avant même que le Gouvernement ne fasse part de ses positions à Bruxelles. Ce débat sera suivi d'un deuxième rendez-vous en juillet, au cours du débat d'orientation des finances publiques qui permettra de prendre la mesure des évolutions. Enfin, au début du mois d'octobre, nous ferons le point ensemble.
Cela permet d'éviter un écueil que je souhaitais ardemment contourner, à savoir altérer la sincérité et la puissance des lois de programmation. Prendre l'engagement de les revisiter de manière régulière donne moins d'impact à des lois qui portent tout de même sur quatre années.
Voilà pourquoi j'estime que l'amendement présenté par le Gouvernement constitue une juste synthèse des positions défendues par la commission des finances.
À ce stade, nous ne pouvons nous contenter de l'amendement de suppression de l'article 12 bis que propose le Gouvernement. Il est essentiel que nous adoptions un minimum de dispositions pour organiser l'articulation de notre procédure avec le semestre européen.
Dans mon amendement, le I pose l'obligation faite au Gouvernement de donner communication au Parlement des avis et recommandations stratégiques du Conseil, ce qui me paraît être un minimum. Cela peut permettre à notre assemblée de mettre en oeuvre la procédure prévue au nouvel article 151-2, alinéa 3, du règlement qui permet à la commission des affaires européennes de présenter un rapport sur tout document européen et de déposer éventuellement une proposition de résolution.
Le II, je le reconnais, n'a pas beaucoup d'utilité.
En revanche, le III est important puisqu'il prévoit que les programmes de stabilité fassent l'objet d'un rapport déposé devant le Parlement. La procédure engagée par la commission des affaires européennes pourrait porter à la fois sur l'avis venant du Conseil et sur la réponse à cet avis, autrement dit le programme de stabilité.
Dans le IV, il est prévu que le Gouvernement propose au Parlement les conditions permettant de l'associer, le plus en amont possible, aux différentes phases du nouveau code de conduite européen. Sur ce point, j'estime qu'il est nécessaire de préciser la procédure.
Il importe de fixer un minimum de règles dès maintenant puisque celles-ci auront à s'appliquer dès le début de l'année 2011.
Pour la clarté de nos débats, monsieur Garrigue, dois-je comprendre que vous proposez une rectification de votre amendement visant à supprimer le II ?
Il y a deux solutions, madame la présidente : soit une rectification avec la suppression du II ; soit un vote par division, en application de l'article 63, alinéa 3, du règlement.
La première solution me semble la plus simple.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
Ce sujet est fondamental et mériterait qu'on y consacre un peu de temps, comme nous avons pu le faire en commission.
Comme l'a fort justement souligné le rapporteur général, ces programmations à moyen terme, qui relèvent d'un engagement international, sont transmises par le Gouvernement à la Commission européenne sans jamais être débattues devant notre Parlement. Elles ont pourtant une évidente relation avec l'exercice qui consiste à élaborer une programmation triennale.
La bonne démarche, c'est donc celle que suggère le rapporteur général. L'idéal serait effectivement que cette orientation fasse l'objet d'un débat avant d'être transmise à Bruxelles et qu'ensuite, dans le cadre du semestre européen, un nouveau débat suivi d'un vote conduise, comme le propose l'article 12 bis adopté par notre commission, à une programmation pluriannuelle qui ait un sens.
Nous sommes en train de faire un exercice qui va être partiellement déconnecté de l'exercice européen. Les engagements qui sont pris à l'égard de nos partenaires européens ont quand même un sens. Si l'on veut avoir une vraie coordination des politiques économiques, il faut que ces engagements aient la force d'un débat au Parlement. Cela mérite une réflexion un peu plus approfondie que ce que nous avons entendu de la part du ministre et que l'amendement de suppression de l'article 12 bis.
L'amendement de M. Garrigue présente l'avantage d'apporter un certain nombre de solutions. Il n'y a aucune raison de supprimer l'article 12 bis. Il faudrait se doter d'un calendrier qui ait un sens pour ne pas faire des exercices complètement contradictoires. Imaginez que quatre ou cinq mois après avoir transmis à l'Europe les grandes orientations budgétaires, le Gouvernement se mette à les changer radicalement. Quel sens cela aurait-il ? Nous devons mettre de la cohérence dans nos travaux.
À ce stade, j'éprouve quelque réserve à introduire dans cette loi de programmation des éléments définissant la procédure à suivre pour le programme de stabilité, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, le semestre européen est une décision toute récente. Les différents pays de l'Union européenne concernés par le programme de stabilité de la zone euro sont en train de réfléchir à la manière dont ils vont articuler leurs procédures budgétaires nationales avec ce semestre européen. Le point essentiel, monsieur Garrigue, c'est que le ministre s'engage dès maintenant à ce que nous ayons un débat, éventuellement suivi d'un vote,…
…sur le programme de stabilité qui va être transmis à Bruxelles au mois d'avril. Je souhaite qu'il confirme cet engagement.
Introduire dès maintenant des dispositions sur une procédure qu'on ne maîtrise pas encore correctement ne me paraît pas propice à une rédaction de bonne qualité de la loi. Dans les prochains mois, une coordination entre les différentes procédures budgétaires nationales va se mettre en place. Je préfère donc que l'on attende quelques mois que les choses se stabilisent pour intégrer les différents éléments dont on aura besoin dans les lois de programmation pluriannuelles.
L'essentiel, je le répète, c'est que le Gouvernement s'engage à saisir le Parlement, qui aura à voter lorsqu'il transmettra le programme de stabilité au mois d'avril. C'est pour moi le point le plus important.
Tant le Gouvernement que la majorité et l'opposition, tout le monde fait montre de bonne volonté. J'attire toutefois votre attention sur un problème de procédure au regard de notre règlement. Je vous lis l'article 151-2, troisième alinéa : « La commission des affaires européennes peut déposer un rapport d'information sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne, concluant éventuellement au dépôt d'une proposition de résolution ». On votera donc sur une proposition de résolution.
C'est pourtant bien l'article que vous avez cité. Ce que je veux souligner, c'est qu'il faudra organiser une articulation entre la commission des affaires européennes et la commission des finances. C'est pourquoi, partageant l'avis du rapporteur général sur la nécessité d'approfondir les rouages de fonctionnement au sein de notre assemblée, il me semble prématuré d'arrêter une position aujourd'hui.
Il est bon qu'on puisse prendre le temps sur un sujet aussi central, car il s'agit bien d'un problème de souveraineté du Parlement.
L'évolution des contraintes communautaires est telle que ce qui était acceptable, tolérable jusqu'à une période récente, c'est-à-dire l'absence de consultation effective du Parlement sur le document envoyé à Bruxelles, ne l'est plus dans le format actuel. Ma position personnelle est que cette affaire mériterait l'introduction de dispositions dans la loi organique sur les lois de finances,…
…car il n'est pas pensable qu'un tel engagement, qui s'imposera à la construction budgétaire, ne soit pas sanctionné par un vote du Parlement.
Nonobstant la considération que j'ai pour les membres des autres commissions, cette affaire concerne au premier chef la commission des finances.
Je ne vois pas que cette compétence au fond puisse être partagée, même si, bien évidemment, la commission des affaires européennes a vocation à s'exprimer sur ce sujet.
Le Gouvernement considère que l'engagement qu'il prend aujourd'hui est suffisant et que point n'est besoin de voter l'article 12 bis. Encore une fois, je préférerais une formulation dans une loi organique, de laquelle relève, afin d'être sécurisée dans la durée, la construction d'une architecture complète en matière de procédure budgétaire.
Certes, la procédure est plus lourde, elle prendra plus de temps et posera un problème d'accord avec le Sénat.
À défaut d'un engagement clair du Gouvernement sur une telle évolution, mieux vaudrait voter ce que nous avons là, quitte à l'améliorer au cours de la navette et à aboutir en commission mixte paritaire, plutôt que de rester avec un vide, ce qui n'est jamais souhaitable. S'agissant d'une contrainte aussi forte dans la construction du budget par rapport aux engagements communautaires, nous devons sortir, après le vote de ce texte, avec soit un engagement ferme, soit au moins une disposition votée.
Pour résumer, nous sommes d'accord sur le fond comme sur le calendrier et les objectifs poursuivis. C'est dire si rien ne nous sépare.
Le semestre européen est un accord consensuel à l'échelle européenne, d'histoire récente, que nous devons intégrer dans notre gestion du calendrier des finances publiques. À l'origine, il était proposé dans la loi de programmation des finances publiques un rendez-vous de révision, à l'instar de ce que nous avions fait cette année, plutôt en juillet que fin juin, en intégrant les données fournies par le gouvernement français sur la stabilité. Par respect du Parlement, nous considérons que nous devons vous transmettre dès le 15 avril toutes les informations actualisées, INSEE et position gouvernementale défendue à Bruxelles. Cela ayant valeur d'engagement, nous pensons inutile de le formuler dans un amendement.
Michel Bouvard propose une loi organique, mais dans ce cas ce n'est pas maintenant qu'il faut en discuter. D'autres souhaiteraient passer par la voie d'un amendement, mais le consensus auquel nous sommes parvenus me semble plus fort. Le Journal officiel fera foi de l'engagement que je prends devant vous, et qui engage le Gouvernement : quiconque occupera la place où je me trouve aura l'ardente obligation de le suivre. Pour être tout à fait complet, j'ajoute que le rendez-vous du 15 avril est fixé par presque tous les gouvernements de l'Union européenne pour présenter à leur représentation nationale, puisque le même esprit souffle sur les autres parlements, une demande d'association.
Deuxième temps du calendrier, nous maintenons à la fin du mois de juin un rendez-vous, non pas pour revisiter la loi de programmation des finances publiques mais pour mettre en oeuvre le débat d'orientation des finances publiques, suivi d'un vote ou non, selon que la jurisprudence 2010 vaudra pour la suite ou pas. Ce sera évidemment très ouvert. Enfin, en fonction des circonstances, une loi de programmation des finances publiques interviendra à l'automne pour éventuellement corriger la trajectoire de nos finances publiques, aussi bien pour la loi de finances que pour la loi de financement de la sécurité sociale.
Ces trois points poussent le Gouvernement à proposer, dans quelques instants, un amendement de suppression de l'article 12 bis, donc de suppression de la loi de programmation des finances publiques. Cela me paraît plus pragmatique, plus souple. Cela vaut engagement politique et permet au Parlement d'être pleinement, et en temps réel, associé aux positions que le gouvernement français défendra vis-à-vis de ses partenaires.
Comme l'a très bien dit Charles de Courson, chacun est de bonne volonté pour essayer de trouver la meilleure solution possible.
Je réfléchis à cette question depuis quelques jours. S'agissant de la procédure à utiliser au mois d'avril, qui concerne un document issu du gouvernement français qui part vers Bruxelles, il revient au Gouvernement de prendre l'initiative : il fait une déclaration, propose le document au Parlement et le soumet à son vote.
C'est là, monsieur de Courson, que l'on peut utiliser l'article 50-1 de la Constitution.
En revanche, le rapport que la Commission de Bruxelles aura fait sur les programmes de stabilité qu'elle aura reçus des différents pays et qu'elle aura soumis au conseil des ministres Écofin vers la mi-juillet est un autre type de document, puisque, élaboré par Bruxelles, il viendra devant le Parlement français. Nous avons l'habitude de ce type de procédure. Chaque année, en effet, nous sommes saisis du budget européen ou des perspectives pluriannuelles. La commission des affaires européennes et la commission des finances se saisissent, émettent un projet de résolution et votent cette résolution. Cette dernière peut d'ailleurs, à la demande de l'une des deux commissions, venir en séance plénière. On peut imaginer également ce type de procédure à l'occasion même du débat d'orientation budgétaire qui intervient au bon moment.
Comment, ensuite, lorsque nous y verrons clair, intégrer ce dispositif dans la loi française ? Michel Bouvard indique à juste titre que cela relève de la loi organique. Il faudrait que le Gouvernement s'engage selon les termes du IV de l'amendement de M. Garrigue qui, à mon avis, n'a pas lieu d'être dans la loi de programmation qui recouvre un autre registre : « Le Gouvernement propose au Parlement, avant le 31 décembre 2010, les conditions permettant de l'associer, le plus en amont possible, aux différentes phases du nouveau code de conduite portant sur la mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance, baptisé “semestre européen”. » Si le Gouvernement prenait cet engagement, Daniel Garrigue pourrait s'estimer totalement satisfait.
À ce stade de la discussion, nous devons discuter de trois sujets.
D'abord, les engagements que l'on peut, que l'on doit attendre du Gouvernement pour l'année 2011. Il y en a deux. Le premier, c'est la communication au Parlement de l'avis ou des recommandations stratégiques établies par le Conseil européen au mois de mars, dont il est indispensable que nous ayons connaissance. Le deuxième, c'est le dépôt devant le Parlement du programme de stabilité. Voilà ce que nous pouvons légitimement demander pour 2011.
Ensuite, il y a ce qui dépend de l'Assemblée nationale elle-même. C'est effectivement la procédure de l'article L. 151-2, alinéa 3. Pour bien faire, il faudrait que la commission des affaires européennes se saisisse de l'avis ou des recommandations du Conseil européen du mois de mars pour engager une procédure débouchant éventuellement sur une proposition de résolution, qui serait aussitôt transmise à la commission des finances puis discutée en séance publique. Sans lier le Gouvernement, puisque nous serions dans le cadre d'une procédure de résolution, cela permettrait au Parlement de débattre et de prendre position.
Enfin, la troisième chose qui mérite également d'être examinée est l'idée selon laquelle, d'ici au 31 décembre, le Gouvernement nous communiquerait des dispositions permanentes, qui pourraient par exemple s'inscrire dans la loi organique et formaliseraient l'ensemble de cette procédure pour l'avenir.
Une réserve tout de même : je pense qu'il vaut mieux ne pas procéder à un vote, au sens où nous l'entendons habituellement. Il vaut mieux une proposition de résolution car, comme je le disais tout à l'heure, la procédure européenne obéit à des catégories juridiques différentes des nôtres, qui suivent le droit anglo-saxon, c'est-à-dire un droit qui est assez souple et évolutif. Il ne faut pas que nous nous mettions dans une position trop rigide vis-à-vis de cette procédure européenne.
Il s'agit évidemment d'un débat extrêmement important. Charles-Amédée de Courson disait tout à l'heure que nous étions tous animés d'un esprit de bonne volonté. Au risque de le décevoir, je dirai que ce n'est pas le cas. Non, nous ne sommes pas animés d'un esprit de bonne volonté, parce que nous ne voulons pas intégrer ce système qui fonctionne un peu comme une vis sans fin et nous conduit vers une destination que nous ne souhaitons pas atteindre. En fin de compte, il s'agit en effet de souveraineté et de démocratie.
Or je ne connais pour ma part qu'une souveraineté ultime – au sens du Contrat social de Rousseau –, celle du peuple français.
Tu parles !
D'ailleurs, parlons-en. Moi, je discute non pas des ectoplasmes, mais des choses qui existent réellement ! Charles-Amédée de Courson est certainement passé aujourd'hui par les vignes de la Marne, et il a dû se laisser intoxiquer par les vapeurs qui s'en dégagent en ce début d'automne, ce qui lui permet de voir un peuple européen qui n'existe pas.
Mais revenons-en à notre sujet. Nous ne sommes ici que des délégués du peuple français. Cela est si vrai, d'ailleurs, que la représentation nationale a déjà été désavouée sur ces questions européennes en 2005. Souvenez-vous du traité constitutionnel : environ 90 % des parlementaires avaient voté pour ; les médias, hormis, je crois, Marianne et L'Humanité, avaient fait campagne pour, mais le peuple français, dans sa grande sagesse, a ramené tout le monde sur terre.
Évidemment, vous n'en avez pas tenu compte ; vous avez violé la volonté du peuple français.
Vous vous êtes soustraits à la décision populaire. Mais vous vivez dans l'illusion ! Croyez-vous vraiment que c'est parce que vous avez effacé la décision populaire que la volonté populaire n'existe plus ?
Le peuple français, vous le savez bien, ne veut pas de cette Union européenne qui ne fait que relayer…
Madame la présidente, le sujet est d'importance et cela m'évitera d'intervenir après. Vous savez qu'il vaut mieux une intervention menée à son terme que des interventions à répétition qui n'en finissent pas !
Nous ne sommes pas antieuropéens ; nous voulons une Europe des peuples. D'ailleurs, vos billevesées concernant l'Europe fédérale, qui en parle encore ?
Allez donc en parler dans les quartiers de Montreuil ! J'ai une idée de ce qui peut vous arriver…
Je vous ferai par ailleurs remarquer, madame la présidente, que j'ai été interrompu.
Nous ne voulons pas de programme de stabilité ; nous ne voulons pas que vous ayez un alibi européen pour imposer vos politiques néolibérales. Nous n'entrons pas dans de tels processus, dont nous ne voulons à aucun prix.
On sait bien qu'en réalité vous voulez nous imposer une construction budgétaire qui n'est qu'un carcan, en vertu d'intérêts qui ne sont pas les nôtres. La souveraineté du peuple français doit rester, sur ces questions essentielles, inaltérée.
Imaginez d'ailleurs – et il n'y a pas besoin pour cela de faire preuve de beaucoup d'imagination – les élections de 2012. On peut quand même espérer que le peuple français, dans sa grande sagesse, reconduira un certain nombre de collègues de l'UMP dans leur circonscription…
…pour qu'ils voient la réalité de plus près.
Je termine, madame la présidente. Imaginez, disais-je, que nous soyons enfermés dans un carcan par la volonté du gouvernement précédent. Eh bien, nous ne voulons pas de cette logique, nous ne vous suivrons pas !
J'interviendrai, non pas sur la nature des politiques qui seront menées – on verra bien ce qu'il en sera –, mais sur les processus qui permettraient leur adoption, puis leur application.
Je comprends que l'article qui a été adopté en commission se heurte à des difficultés d'ordre pratique, que le rapporteur général a bien mises en évidence, tout comme Daniel Garrigue.
Je comprends également la volonté de Daniel Garrigue et de Michel Bouvard d'éviter que cette discussion se termine sans qu'une disposition soit adoptée, mais en même temps, comme le rapporteur général, je vois mal que l'on puisse, en ce moment, écrire quelque chose qui soit satisfaisant.
Je pense donc que, dans un premier temps, il faut s'en remettre aux propos que vient de tenir M. le ministre, qui sont naturellement opposables, mais qui ont d'autant moins de chances de devoir l'être que c'est précisément ce ministre-là qui a accepté au printemps dernier, sur le fondement de l'article 50, alinéa 1, qu'il y ait, non seulement une information du Parlement, mais un vote de l'Assemblée nationale – le Sénat ayant, je crois, adopté une modalité un peu différente –…
…précisément sur le programme de stabilité transmis à Bruxelles par les autorités françaises. Je ne vois pas au nom de quoi le ministre, après l'avoir accepté en 2010, le refuserait en 2011, et cela d'autant plus qu'il vient d'en prendre l'engagement devant nous.
Il me semble, monsieur Brard, que la continuité de l'État fait que ce sont moins les individus qui prennent les engagements que la fonction elle-même. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mes chers collègues, seul le président de la commission des finances a la parole.
Même si je comprends à vos réactions que vous souhaitez me voir adopter une position plus réaliste, convenez avec moi que c'est bien comme cela qu'il faudrait, à tout le moins, que les choses se passent.
Il y a moins un principe sur lequel nous pourrions être d'accord, celui d'une saisine du Parlement, avec un vote lorsque le programme a été transmis puis, je ne dirai pas validé, mais à tout le moins discuté, pour respecter la souveraineté du Parlement, c'est-à-dire la souveraineté nationale.
Je ne crois pas que l'on puisse aller au-delà d'un programme transmis et discuté. Ensuite, le Parlement est saisi et vote ; en fin d'année, il y a d'une certaine manière un nouveau vote, avec une loi de programmation, à condition – et voilà ma contribution au débat sur le processus – que cette loi de programmation soit bien annuelle, car si elle est triennale elle doit bien, tout de même, être examinée chaque année.
À défaut, nous risquerions l'année prochaine, si ce processus était mis en oeuvre, d'avoir un premier vote au printemps sur le programme transmis et discuté, c'est-à-dire une validation par le Parlement, ensuite une loi de programmation à l'automne prochain, mais, après cela, plus rien pendant trois ans, nonobstant la possibilité que, entre-temps, des programmes de stabilité différents aient été transmis, voire validés par le Parlement.
Or on ne peut quand même pas faire dire deux choses différentes au Parlement. Ainsi, et dans la mesure où c'est ce processus qui semble recueillir, non pas le consensus, mais en tout cas une adhésion très majoritaire parmi nous, je voudrais appeler l'attention de ceux qui s'intéressent à ces questions sur le fait que, si nous suivons cette voie, il faut une loi de programmation annuelle – triennale, certes, mais examinée de façon annuelle –, sinon le Parlement risque de voter des choses non seulement différentes, mais peut-être même contradictoires.
Cette idée de la loi triennale examinée chaque année était d'ailleurs – même si je ne prétends pas que c'est ce que le Parlement devra faire – l'une des conclusions du groupe de travail présidé par M. Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France. À défaut, ces conclusions seraient complètement obsolètes et le projet gouvernemental de modifier la Constitution sur le fondement de ces conclusions n'aurait plus lieu d'être.
Je crois malheureusement que les choses sont un peu plus compliquées et qu'il faudrait distinguer ce qui, du point de vue national, est logique et cohérent, de la nécessité d'avoir une discussion européenne.
Je commence par ce second aspect. Pourquoi faut-il qu'il y ait un débat sur les budgets en Europe ? Il ne s'agit pas de rentrer dans les budgets de chaque pays, dont l'Europe n'a pas à se préoccuper. Il s'agit seulement pour elle de se poser la question de savoir si les politiques conduites dans les différents pays membres sont, par exemple, expansionnistes ou récessionnistes, et de s'interroger sur ce qu'est la meilleure politique économique à mener à l'échelle de l'Europe ; rien de plus.
Au niveau national, maintenant, quelle est la logique ? On a un débat d'orientation budgétaire, qui a lieu en juin. Ce débat, pour qu'il ait un sens, doit s'accompagner d'une vision sur plusieurs années, en l'occurrence d'une vision triennale. Je persiste donc à approuver l'article 12 bis, que nous avons voté, qui consiste à dire que l'on vote cette loi d'orientation tous les ans, comme vient d'ailleurs de le dire le président de la commission des finances.
Je pense que le bon moment pour la voter se situe lors du débat d'orientation budgétaire. Autrement, celui-ci n'aura plus de sens. La discussion du PLF a lieu, quant à elle, en ce moment. Or on voit bien ce qui se passe quand on mélange les deux : nous n'avons aucune discussion sur la programmation des finances publiques, sur les évolutions à moyen terme.
Il me semble qu'ainsi le schéma est très simple et logique. En avril, des orientations sont envoyées à l'Europe. Il faut qu'il y ait alors un débat au Parlement, voire un vote. Ensuite, comme le prévoit l'article 12 bis, une programmation budgétaire à moyen terme doit être discutée au moment du débat d'orientation budgétaire, tous les ans. Enfin, le budget arrive. Je ne suis donc pas favorable à ce que l'on supprime, comme le propose le Gouvernement, l'article 12 bis qui a été voté par notre commission.
J'attire pour ma part votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le problème n'est pas de savoir si l'on est pro- ou antieuropéen.
Je voudrais dire à ce propos à M. de Courson que je ne suis pas antieuropéen. En revanche, je suis démocrate et je tiens à ce que l'on respecte la légitimité qui fonde la démocratie. Or cette légitimité, c'est le suffrage universel, et rien d'autre ; cela ne peut pas être un concours de ministres à Bruxelles ni, a fortiori, de fonctionnaires.
Il y a eu un débat, hier, à Deauville. Je ne sais pas ce qui en ressortira in fine, mais si ce devait être ce qui a été écrit hier, nous aurions un problème, et pas seulement un problème tenant à la loi organique : ce serait presque un problème constitutionnel. Je parle naturellement de la Constitution française et non de la constitution européenne. Ce genre de débat ne peut pas être réglé à la sauvette comme on est en train de le faire.
M. Emmanuelli a raison, et c'est précisément la raison pour laquelle la proposition du Gouvernement est la bonne.
On ne peut pas figer dans la loi une quelconque organisation, parce qu'il faut, effectivement, que l'on puisse laisser du temps au temps, mes chers collègues.
M. Emmanuelli le disait : c'est une question extrêmement sérieuse. Il s'agit de la première expérimentation de ce semestre européen et des conséquences qu'il aura, le cas échéant, sur la programmation des finances publiques françaises comme sur celle d'autres pays européens.
Il est donc nécessaire, à mon avis – et comme l'a répété tout à l'heure le président de la commission des finances –de se fier à l'engagement qui a été pris par M. le ministre et de regarder comment ce semestre européen va s'appliquer en 2011. Il faut attendre de voir comment, dans les faits, cela va s'organiser.
Personne n'a l'expérience de ce qui va se produire dans les six prochains mois. Or on est en train de figer dans la loi une disposition relative à cette question. Laissons donc pour l'instant les choses se faire. Après, il sera peut-être bon de légiférer, mais sans doute aurons-nous une législation qui aura beaucoup évolué par rapport à celle que l'on propose dans cet article.
Je suis d'accord avec le président de la commission des finances quand il dit que la loi de programmation des finances publiques doit être annuelle. Il faut effectivement que ce soit une programmation glissante permettant à chaque fois, avant l'examen du budget ou en même temps que lui, de connaître le cadre financier dans lequel celui-ci s'inscrit.
En revanche, je voudrais dire à M. Muet que je vois un inconvénient à la solution qu'il propose de faire voter cette loi de programmation au mois de juin. En effet, on sera alors entre le programme de stabilité et le moment où le Conseil européen se prononce sur ce programme. Si les conclusions du Conseil européen l'infirment ou demandent des corrections, nous serons obligés de remettre en question dans la foulée notre vote sur la loi de programmation.
Cela nous mettrait, me semble-t-il, dans une position extraordinairement fragile, voire difficile.
Je suis prêt à retirer mon amendement, sous réserve de l'engagement du Gouvernement de nous communiquer non seulement l'avis du Conseil européen au mois de mars, mais aussi le programme de stabilité aux alentours du 15 avril. Nous sommes d'accord : l'Assemblée nationale, sur la base de l'article 151-2, alinéa 3, du règlement, pourrait engager une procédure qui aboutisse au vote d'une résolution ; celle-ci ne porterait pas à proprement parler sur le programme de stabilité, mais sur l'avis du Conseil – car nous ne pouvons pas nous prononcer dans ce cadre sur un document national, mais nous le pouvons sur un document européen. Nous nous prononcerions ainsi en réalité à la fois sur le document du Conseil et sur le programme de stabilité.
Je remarque enfin qu'il faudrait formaliser ce que nous venons de dire : on ne peut pas faire reposer tout cela uniquement sur un accord verbal donné en séance publique.
Monsieur le ministre, je voudrais apporter une précision, afin que nous soyons certains de bien respecter les formes constitutionnelles : il serait bon que l'avis sur le programme de stabilité soit transmis par les autorités européennes en langue française – ce qui n'est, semble-t-il, pas le cas aujourd'hui.
Ce qu'a dit Daniel Garrigue est parfaitement juste, et je souhaite évidemment qu'il retire son amendement car, sur le fond, nous sommes d'accord.
Nous sommes d'accord sur la transmission du document européen.
Nous nous y efforcerons, mais je ne peux pas vous garantir que nous réussirons à imposer le français à tous les autres pays de l'Union.
Nous sommes également d'accord pour transmettre le programme de stabilité, à partir du 15 janvier – pardon, du 15 avril.
Il me semble que c'est un lapsus tout à fait présentable. (Sourires.)
Au moins, vous le reconnaissez : il n'y aura pas besoin d'enquête génétique. (Sourires.)
Nous sommes donc d'accord pour transmettre au Parlement, à partir du 15 avril, la position française.
S'il n'appartient pas au Gouvernement de se prononcer sur les modalités qui pourraient être retenues par le Parlement pour débattre de ces documents, je m'engage, au nom du Gouvernement, à soutenir l'idée d'une proposition de résolution, discutée d'abord au sein de la commission des finances, puis dans l'hémicycle, afin que chacun puisse se positionner.
Nous sommes d'accord pour un rendez-vous à la fin du mois de juin, autour de feu le débat d'orientation budgétaire, devenu débat d'orientation des finances publiques, ce qui permettra de faire un premier rapport d'étape.
Nous sommes enfin d'accord pour une éventuelle modification, à l'automne, de la loi de programmation des finances publiques, si les circonstances nous y poussaient, et en cohérence avec le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale – ce qui créera également de bonnes conditions pour préparer la loi de finances de l'année suivante.
(L'amendement n° 1 est retiré.)
Cet amendement de suppression de l'article 12 bis est dans la droite ligne des engagements que je viens de prendre devant vous.
Avis favorable : nous venons d'avoir à ce sujet un long débat, et de grande qualité.
(L'amendement n° 8 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement de coordination, n° 9, présenté par le Gouvernement.
(L'amendement n° 9 , accepté par la commission, est adopté.)
(L'article 13, amendé, est adopté.)
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 26 octobre, après les questions au Gouvernement.
Article 14
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt.)
J'appelle maintenant les articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.
Mes chers collègues, je vous informe d'ores et déjà qu'à la demande du Gouvernement, l'Assemblée examinera ce soir, à vingt et une heures trente, les articles 15 à après 17 du projet de loi de finances pour 2011.
En conséquence, les articles précédant l'article 15 qui n'auront pas été examinés à la fin de cette séance seront réservés jusqu'après l'examen des articles 15 à après 17.
Je suis saisie d'un amendement, n° 591 , portant article additionnel avant l'article 2.
La parole est à M. Charles de Courson.
Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre défend depuis des mois, vous le savez, l'idée que nous ne pourrons pas redresser les finances publiques sans réduire significativement l'ensemble des dépenses fiscales, évaluées à 75 milliards et en augmentation de 5 milliards chaque année.
Le Gouvernement a fini par entendre raison, au moins partiellement, puisque, même si nous demandions que l'effort atteigne 10 milliards par an pendant trois ans, il propose une réduction de 10 milliards. En réalité, le rapport du rapporteur général montre que l'effort porte plutôt sur 6 milliards en deux ans, les 4 milliards de différentiel ne concernant pas les niches. Pour cette année, 4 milliards seraient obtenus, notamment grâce au plafonnement de vingt-deux niches mais la réduction de 10 % proposée sur ces vingt-deux niches ne rapporterait que 440 millions.
Pour aller plus vite, nous pensons qu'il faut utiliser ce que l'on appelle le rabot, c'est-à-dire une approche peut-être un peu primaire mais efficace sur le plan budgétaire. L'amendement n° 591 est un appel au Gouvernement pour qu'il élargisse le champ des niches touchées par les réductions – nous ne lui demandons pas de le faire sur les 365 niches à l'impôt sur le revenu – et un rappel quant à l'existence des niches relatives à l'impôt sur les sociétés et à la TVA.
Les niches à l'IR représentent grosso modo 60 % de l'ensemble. Il reste donc 40 % de niches sur la TVA et l'IS.
Il serait intéressant que le Gouvernement nous dise s'il accepterait d'aller plus loin.
La commission n'a pas retenu cet amendement qui prêche pour un vrai rabot, un beau rabot de charpentier.
Avis défavorable à cet amendement car il ne répond pas à l'esprit qui a présidé à la réflexion gouvernementale sur l'équilibre concernant cette question des niches.
Nous allons déjà très loin. Au départ, je vous le rappelle, monsieur de Courson, la loi de programmation prévoyait 2 milliards de réduction des niches pour la première année, 2 milliards l'année suivante, 2 milliards la troisième année, c'est-à-dire 6 milliards cumulés sur trois ans. Or nous proposons, dès cette année, 10 milliards sur un seul exercice budgétaire.
Vous avez salué cet effort, je vous en remercie.
Par ailleurs, nous avons souhaité épargner certains dispositifs pour permettre une meilleure lecture de la politique budgétaire du Gouvernement. Le budget que nous présentons est un budget d'économies, de réduction des déficits. La nouvelle stratégie que nous adoptons en matière de finances publiques doit aboutir, à terme, à l'équilibre budgétaire, tout en protégeant les publics les plus fragiles, les dispositifs créateurs d'emplois, tout ce qui est véloce pour l'activité économique. C'est en ce sens que nous avons choisi d'un côté de supprimer ou de réduire, de l'autre de passer un rabot sur ce qui protège les secteurs que j'évoquais à l'instant.
Par extension, ce débat nous amène plus loin : à la problématique de la qualification presque juridique des niches, cet ensemble que vous évaluez vous-même à 75 milliards. Peut-être faudra-t-il, un jour, s'interroger à ce sujet, mais nous ne pouvons pas appliquer de manière uniforme, comme vous le demandez à travers votre amendement, un écrêtement de 10 % qui toucherait, pêle-mêle, des dispositifs répondant certes à la qualification de niches fiscales, mais également des modalités de calcul, par exemple de l'impôt sur le revenu.
Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut vous accompagner.
Nous sommes favorables, nous, à une révision générale des niches fiscales. Il faudra bien qu'un jour on se pose la question de nettoyer toutes ces niches qui mitent notre imposition du revenu, tout comme notre imposition des sociétés.
Nous considérons que cela doit se faire dans une réforme d'ensemble. Nous avons besoin de réformer notre fiscalité pour la rendre lisible, simple et juste.
Cela suppose une grande réforme. Mais je pense qu'à partir du moment où on se pose la question d'augmenter les prélèvements obligatoires, il faut le faire. En tout cas, nous sommes opposés au principe du rabot, qui consiste à passer un petit rabot, ou un grand comme le suggère M. de Courson, sur un ensemble de niches, alors que le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires fait des tas de propositions intelligentes pour supprimer des dispositifs injustes, inefficaces et coûteux.
Nous ne soutenons pas plus cet amendement que la politique gouvernementale du rabot.
Monsieur le ministre, la situation est paradoxale puisque la position du Gouvernement est moins réactionnaire que celle de Charles de Courson. C'est un comble !
J'adhère à ce que vient de dire Pierre-Alain Muet, mais il faut penser aux gens qui nous regardent et qui pourraient croire tout ce que dit le Gouvernement – ce serait une faute majeure évidemment. Il faut toujours décrypter, expliquer, pour que l'on ne puisse pas prendre des vessies pour des lanternes.
Quand le Gouvernement, par la voix du ministre, prétend qu'il va déjà très loin, ce n'est pas vrai : le Gouvernement ne va pas loin du tout puisque, si l'on en croit la Cour des comptes, il y a 140 milliards à récupérer. Or vous avez limité votre ambition à 10 milliards dans les conditions que rappelait Pierre Alain-Muet à l'instant et en vous attaquant même aux veuves et à ceux qui, habités d'un amour sincère, ont décidé de se marier.
En réalité, Charles de Courson a des obsessions, qui conduisent à déliter le tissu social : il y a les niches qu'il aime et celles qu'il n'aime pas. Il en est une dont il ne nous a pas parlé tout à l'heure, c'est la niche qui permet d'évider – je pense au couteau suisse de Mme Lagarde – l'ISF, par exemple. Ça, il n'en a pas parlé. Et quand le ministre dit « un jour », je pense « dans les siècles des siècles » et à la réhabilitation d'un évangile selon saint Glinglin.
Pour ma part, je parle en minutes, monsieur Brard, à défaut de parler en siècles. Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît ?
Mais je fais référence également à d'autres saints du calendrier qui visaient la justice et la réhabilitation des pauvres plutôt que la mise en selle des riches, qui est une obsession partagée, pour le coup, entre François Baroin et Charles de Courson.
Je voudrais faire deux observations sur ce qu'a dit M. Muet.
Premièrement, je lui rappellerai que, conformément à la loi de programmation 2009-2011, M. Henri Guillaume, qui s'est vu confier une mission sur l'évaluation économique des niches fiscales, devrait rendre son rapport le 30 juin prochain, en principe. Comme cela a été dit lors du débat qui vient d'avoir lieu sur le projet de loi de programmation des finances publiques, le calendrier sera tout à fait cohérent avec une réflexion approfondie sur l'éventuelle suppression de niches fiscales, envisagée de façon globale et après une évaluation économique de chacune d'entre elles, qui pourrait trouver une concrétisation, si le Gouvernement reste dans sa stratégie, ce que je souhaite, dans une loi de finances rectificative où nous parlerions beaucoup de la chose fiscale.
Deuxièmement, s'agissant du Conseil des prélèvements obligatoires et du rapport sur les niches fiscales ou, pour les entreprises, sur les dépenses fiscales, je vous rappelle que la Cour des comptes a mentionné qu'il s'agissait d'une évaluation exhaustive, qui ne prenait en compte ni les règlements communautaires qui s'opposent au maintien de certaines niches fiscales ni les conventions internationales qui imposent le maintien de certaines niches fiscales. Je le répète, il s'agit bien d'une évaluation exhaustive et en aucun cas d'une évaluation critique des niches fiscales.
(L'amendement n° 591 n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement de coordination.
(L'amendement n° 87 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Ce n'est pas possible, madame la présidente ! Nous présentons le même amendement chaque année, et il n'est jamais tombé. Je ne vois pas pourquoi il tomberait d'un seul coup !
Je voudrais comprendre ce qui explique cette mutation. C'est ma vingt-troisième loi de finances et je n'ai encore jamais vu ça !
Monsieur Brard, l'amendement de coordination de M. Carrez, qui a été adopté, visait à rédiger différemment l'alinéa 7. C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 314 , qui vise à substituer huit alinéas aux alinéas 5 à 7, tombe.
Et l'amendement n° 401 subit le même sort, de même, du reste, que les amendements nos 202 et 172 .
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette maison. En effet, nos collègues en sont témoins, nous fûmes bâillonnés il y a trois semaines par le président de l'Assemblée nationale et il faut croire que c'est une maladie contagieuse. Nous ne nous attendions point, madame la présidente, à ce que vous versâtes dans ces excès ! C'est un problème de démocratie parlementaire si nous ne pouvons même plus défendre nos amendements, d'autant plus que le rapporteur général, dans sa loyauté et son honnêteté, qui sont universellement reconnues, vient de dire qu'il n'avait pas du tout la volonté de faire tomber nos amendements et qu'il ne voulait pas empêcher la discussion. Mais j'en termine sur ce point pour ne pas vous mettre dans l'embarras.
Sur le fond, c'est toute la fiscalité qu'il faut revoir. Les amendements nos 314 et 401 ont pour objet de réaliser des améliorations, mais ne visent pas à atteindre l'objectif fondamental qui est le nôtre, à savoir refondre complètement la fiscalité pour la rendre progressive, appréhender non seulement tous les revenus, qu'ils soient du travail ou du capital, mais aussi le capital lui-même. Vous voyez bien que l'ambition de nos amendements est beaucoup plus modeste : il s'agit simplement de rétablir des tranches pour les hauts revenus, ce qui permettrait plus de justice fiscale.
Je voulais, madame la présidente, que cela fût dit. Et puisque vous avez fait preuve d'une certaine compréhension en me permettant de m'exprimer dans le cadre de ce rappel au règlement, je considère que c'est comme si j'avais défendu mon amendement.
Merci, monsieur Brard. Je crois effectivement que la solution consiste à ce que chacun puisse s'exprimer sur son amendement. Quant au fond, le fait d'avoir réécrit l'alinéa 7 fait malheureusement tomber les amendements qui s'y rapportent.
La parole est à M. François de Rugy.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'alinéa 1 de l'article 58.
Madame la présidente, cela ne vous a peut-être pas été transmis, mais j'étais inscrit sur l'article 2. Je ne savais pas qu'il y aurait cet artifice de procédure mais, si je l'avais su, cela m'aurait encore plus incité à intervenir puisque l'amendement de M. Carrez est simplement rédactionnel. L'exposé sommaire précise bien qu'il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article 3. Je ne vois pas comment un amendement de coordination pourrait faire tomber le débat de fond qu'est celui de la progressivité de l'impôt sur le revenu. Nous n'avons pas l'intention d'abuser de notre temps de parole, mais personne ne comprendrait à l'extérieur de cette assemblée que l'on ne puisse pas débattre de ce sujet alors qu'il ne fait l'objet que de trois amendements.
J'avais prévu d'intervenir sur l'article 2 pour dire que nous souhaitions avoir un débat sur ce que l'on intègre dans l'impôt sur le revenu. Moi, je suis pour refonder l'impôt sur le revenu, pas simplement pour le « réhabiliter », comme disent certains – je me méfie beaucoup de cette expression. Je pense qu'il faut le réformer avec un prélèvement à la source et intégrer dans son calcul l'ensemble des revenus, pas simplement les revenus du travail.
Dans ce cadre, je comptais bien défendre notre amendement qui vise à créer quatre tranches pour les très hauts revenus. Il faut tenir compte du fait que le nombre de contribuables percevant de très hauts revenus a augmenté. On peut s'en féliciter – tant mieux pour eux ! –, mais il est logique que la fiscalité, le mode de calcul de l'impôt sur le revenu en tienne compte, que l'on réintroduise une progressivité qui a été supprimée ces dernières années. C'est pourquoi nous proposons des tranches à 40, 50, 60 et 70 %, la dernière s'appliquant au-dessus de 500 000 euros. Cette tranche marginale concernerait très peu de personnes, mais serait tout à fait justifiée. Je souhaiterais donc que l'on puisse discuter des amendements concernant le barème.
Mon rappel au règlement se fonde également sur l'article 58, alinéa 1. Il faut vraiment que l'on nous explique pourquoi ces amendements tombent. Nous avons bien compris que l'amendement de Gilles Carrez prévoyant une majoration de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu avait été adopté, mais je ne vois pas pour quelle raison cela mettrait en cause le débat sur le barème de l'impôt sur le revenu. Ce n'est pas parce que la majorité a voté une modification de la dernière tranche que cela doit empêcher la discussion sur l'ensemble du barème qui fait l'objet de notre premier amendement, n° 314.
Quant au second, le 401, il vise à modifier les deux dernières tranches. Si on ne discute plus de la dernière, déjà fixée par le vote qui vient d'intervenir, discutons au moins de l'avant-dernière, telle que la prévoit cet amendement.
Ce qui se passe est totalement incompréhensible. Je ne crois pas que cela traduise une volonté de nous empêcher de nous exprimer, mais on pourrait presque avoir des doutes !
Monsieur Sandrier, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'amendement de M. Carrez a abouti à une rédaction différente de l'alinéa 7 et, comme vous venez d'y faire allusion, à un changement du barème. À partir du moment où cet amendement a été adopté, il serait incohérent de discuter les autres, et éventuellement de les adopter. Ces amendements n'étaient pas en discussion commune.
L'adoption de l'amendement n° 87 a fait tomber les amendements nos 314 et 401.
La parole est à M. Henri Emmanuelli.
On ne va pas passer la soirée là-dessus. Je sais très bien, madame la présidente, que ce n'est pas vous qui avez improvisé cela, c'est le « plateau ». Mais il y a quelque chose qui ne va pas. Des amendements de coordination ont été présentés par le rapporteur général en commission alors même que le vote sur les amendements dont vous dites qu'ils tombent avait déjà eu lieu. Il aurait fallu nous dire en commission qu'ils étaient tombés. Mais laisser discuter en commission ces amendements, qui ont d'ailleurs fait l'objet d'un vote négatif, pour nous expliquer ensuite en séance qu'ils tombent, cela ne tient pas, ce n'est pas normal ! Je demande que cette question soit examinée par le bureau de l'Assemblée !
L'amendement de M. Carrez est postérieur à ces amendements, me dit-on, puisqu'il en tire les conséquences.
La parole est à M. Jean Launay.
Je confirme ce que vient de dire Henri Emmanuelli sur ce qui s'est passé en commission. En fait, il s'agit d'un problème d'ordonnancement des amendements. Si les amendements nos 314 et 401 avaient été placés avant l'amendement n° 87, le rapporteur général aurait été fondé à présenter le sien et nos collègues auraient ensuite pu soutenir les leurs.
J'irai dans le même sens que mes collègues, notamment Henri Emmanuelli. La bizarrerie du dispositif, c'est que nous avons pu défendre ces amendements en commission et que cela n'est pas possible en séance.
À partir de là, nous avons du mal à imaginer que les débats vont se dérouler sereinement. Je veux simplement rappeler que nous étions favorables à la mise en place d'une tranche supplémentaire à 46 % à partir de 100 000 euros par part, ce qui correspond à peu près à 300 000 euros de revenus. Cela nous semblerait juste.
On ne fait pas sauter la discussion sur le barème de l'impôt sur le revenu avec un amendement de coordination !
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)
La séance est reprise.
Mes chers collègues, l'amendement n° 87 présenté par M. Carrez était le premier en discussion, car il modifiait à la fois la rédaction de l'alinéa 2 et celle de l'alinéa 7. Il aurait donc pu, en effet, être en discussion commune, avec les amendements nos 314 et 401, ce qui aurait permis à leurs auteurs de les défendre, sachant que ceux-ci auraient néanmoins pu tomber avant leur mise aux voix.
Comme il n'est pas question d'esquiver le débat, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 314.
Soyez remerciée pour votre geste, madame la présidente, et permettez-moi de suggérer au président de notre assemblée qu'il s'inspire de votre attitude. Merci donc de nous donner la parole, sans quoi cela aurait été la première fois en vingt-trois ans que nous n'aurions pas eu la possibilité de nous exprimer sur le barème.
L'impôt, tel que nous le concevons, plonge ses racines dans l'histoire nationale. Rappelez-vous l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés. » En d'autres termes, l'idée de progressivité de l'impôt existait déjà.
Par ailleurs, dans un texte de 1792 intitulé Sur l'impôt progressif, Condorcet affirme : « C'est l'aristocratie qui a presque partout établi ces lois, afin de concentrer, de perpétuer la richesse dans certaines familles […]. Je sais que l'existence des grandes fortunes est nuisible par elle-même ; qu'il est utile qu'elles se rapprochent de l'égalité. »
Je m'en tiens là car cela fait déjà beaucoup à accepter pour nos collègues de l'UMP.
Je suis effaré, madame la présidente, qu'un député ignore le sort qu'a connu Condorcet.
Depuis l'époque de la Révolution, la question de la progressivité de l'impôt trace une ligne de partage entre la droite et la gauche. Vous avez écrasé la progressivité et, même si certains mots heurtent vos chastes oreilles, vous mettez en place une politique de classe. En écrasant ainsi la progressivité, vous réduisez l'impôt que les plus riches doivent acquitter.
Rappelez-vous que le 20 mai 1793, sur proposition de Pierre-Joseph Cambon, la Convention avait décrété un emprunt forcé dont étaient exonérés les plus pauvres et dont le montant augmentait avec les revenus. Ce mécanisme a été supprimé par Bonaparte, sous l'impulsion de son ministre Gaudin.
Plus de deux siècles après, l'histoire bégaie, monsieur Le Fur, vous qui êtes féru d'histoire. Marx a dit que lorsque l'histoire se répétait c'était sous forme de farce, mais si Bonaparte n'est plus là, les éminences qui nous dirigent sont fidèles à ses discriminations, qui visent à faire payer davantage les plus pauvres et moins les plus riches.
Nos deux amendements avaient donc pour but, sans le refondre totalement, de rendre l'impôt sur le revenu plus juste en augmentant sa progressivité.
La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l'amendement n° 202.
Je salue à mon tour le bon sens dont a fait preuve notre présidente dans cette discussion, trop importante pour être escamotée.
Notre amendement diffère un peu de celui que vient de défendre Jean-Pierre Brard. Dans le souci de ne pas compliquer le barème de l'impôt sur le revenu, nous ne touchons pas aux tranches existantes, mais proposons de créer de nouvelles tranches pour les revenus les plus élevés.
Il y a quelques années, la tranche supérieure était taxée à 57 %, puis l'on est descendu à 40 %, ce qui a considérablement amoindri la progressivité de l'impôt et constitué un important cadeau pour les plus hauts revenus, et ce d'autant plus que cette diminution de la progressivité se cumule avec l'effet des niches fiscales.
À l'époque de leur création, ces dernières étaient censées compenser précisément la forte progressivité de l'impôt et, dans un mouvement de « donnant-donnant », diminuer la taxation des hauts revenus en contrepartie d'investissements stratégiques.
Mais les niches continuent d'exister alors que la progressivité de l'impôt a baissé et que le bouclier fiscal a été mis en place, ainsi que des dérogations à l'impôt de solidarité sur la fortune. Tout ceci donne à nos concitoyens le sentiment justifié que les plus hauts revenus sont exonérés des efforts de contribution au bon fonctionnement de l'État.
Nous proposons donc de créer une tranche imposée à 40 % pour les revenus compris entre 70 830 et 100 000 euros, une tranche à 50 % pour les revenus de 100 000 à 200 000 euros, une tranche à 60 % pour les revenus de 200 000 à 500 000 euros et enfin une tranche à 70 % pour les revenus supérieurs à 500 000 euros.
Il s'agit moins d'augmenter les recettes de l'État – car les gains seront faibles – que de faire un geste symbolique important, surtout en ces temps où les gens descendent dans la rue pour protester non seulement contre la réforme des retraites mais aussi contre l'injustice sociale et les inégalités. L'adoption de notre amendement constituerait donc un geste d'envergure en direction de nos concitoyens.
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l'amendement n° 172.
Monsieur de Rugy, vous auriez pu faire un effort et aller jusqu'à 100 % des revenus !
Plus sérieusement, notre amendement créait une tranche d'imposition supérieure à 46 %, à partir de 100 000 euros de revenus par part, ce qui correspond à 300 000 euros de revenus annuels pour un foyer fiscal. Cela nous semblerait une mesure juste, dans le contexte de crise que nous connaissons, où il est important de responsabiliser les contribuables et de moraliser l'impôt.
En matière d'imposition du revenu, nous ne devons pas nous contenter de mesures symboliques. Nous avons besoin d'une vraie refondation de la fiscalité, car notre impôt sur le revenu s'est réduit comme une peau de chagrin jusqu'à ne plus représenter que 3,5 % du PIB, quand il se situe entre 7 et 10 % dans les autres pays européens.
Par ailleurs, nous avons en réalité deux impôts sur le revenu : la CSG, qui n'est pas progressive, et l'impôt sur le revenu, tellement mité par les niches fiscales que le taux d'imposition des dix Français les plus riches est inférieur à 20 %.
Il est de plus paradoxal de constater que la courbe de l'impôt sur le revenu atteint un maximum aux alentours de l'imposition à 25 %, qui concerne des revenus élevés mais qui ne sont pas les plus hauts, pour s'infléchir ensuite, parce que presque tous les revenus du capital échappent au barème de l'impôt sur le revenu.
Il faut donc en priorité réintégrer dans le barème les revenus du capital, en finir avec les prélèvements libératoires et supprimer toutes les niches qui rendent notre impôt incompréhensible, pour ne garder que celles qui ont du sens. Fusionnons également la CSG et l'IR pour créer un seul impôt. Car rappelons-le, contrairement à ce que prétendent certains, tout le monde paie un impôt en France, puisque tous les Français s'acquittent de la CSG.
Il faudra certes poser la question de la progressivité de l'impôt, mais il faut commencer par les réformes les plus fondamentales pour que tous les revenus soient traités de la même façon, notamment les revenus du capital.
Je suis saisi d'un amendement n° 89 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement de coordination dont j'espère qu'il n'en fait tomber aucun autre. Il s'agit de coordonner le plafond de la demi-part avec le taux à 41 %.
Avis favorable.
(L'amendement n° 89 rectifié est adopté.)
(L'article 2, amendé, est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma