La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 21 juin 2008 portant convocation du Parlement en session extraordinaire le mardi 1er juillet. ((Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :
1° Le débat d'orientation des finances publiques ;
2° L'examen des projets et propositions de loi suivants :
– Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République ;
– projets de loi organique et ordinaire relatifs aux archives ;
– projet de loi relatif à la responsabilité environnementale ;
– projet de loi de modernisation de l'économie ;
– projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) ;
– projet de loi relatif aux contrats de partenariat ;
– projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ; (Protestations continues sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
– projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves ;
– projet de loi de règlement ;
– proposition de loi relative à l'installation de détecteurs de fumée ;
– proposition de loi relative à la lutte contre l'anorexie ;
3° L'examen de treize projets de loi autorisant l'approbation ou la ratification d'accord internationaux. (Mêmes mouvements.)
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Scandaleux !
C'est celui que nous a indiqué le Président de la République pour répondre aux attentes de nos compatriotes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, en un an, les prix à la consommation ont augmenté de 3,3 % selon le calcul de l'INSEE, voire de 3,7 % selon Eurostat.
Pourtant, le Gouvernement a annoncé hier que la revalorisation du SMIC au 1er juillet se limiterait à 0,9 % – soit huit centimes d'euros par heure – après celle de 2,3 % en juin. On reste en deçà du taux de l'inflation. Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi la dernière note de conjoncture de l'INSEE prévoit une baisse du pouvoir d'achat des ménages en 2008.
Face à cette situation, la réaction du Gouvernement est double. Il a d'abord tenté de casser le thermomètre en contestant les chiffres de l'INSEE. Ensuite, il va dépenser 4,33 millions d'euros dans une campagne de communication pour expliquer sa politique ou tenter de se rassurer.
« Vous êtes impatients », dites-vous ; croyez bien que les Français les plus modestes le sont plus encore.
Pourtant, depuis un an, le Gouvernement a multiplié les cadeaux aux plus riches. En ce sens, le « Président du pouvoir d'achat » a bien rempli ses promesses ; mais pour quelques-unes seulement, et notamment les patrons du CAC 40, qui ont vu leur rémunération augmenter de 52 % en un an. Ceux-là vous disent merci.
Merci pour le plafonnement de l'ISF et pour les 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux accordés en juillet dernier. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Merci pour les 32 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales patronales, dont même la Cour des comptes met en doute l'utilité.
Merci pour l'augmentation de 50 % des niches fiscales entre 2003 et 2008, malgré l'engagement de les réduire : c'est une perte annuelle de 73 milliards d'euros pour l'État.
Merci de la part des 150 contribuables parmi les plus riches qui n'ont payé aucun impôt et qui ont même obtenu, pour certains, une restitution de la part du Trésor public. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Face à tant de prodigalité, on comprend mieux que la France soit « en faillite », pour reprendre vos mots, monsieur le Premier ministre.
Cette politique, où le clientélisme le dispute à la démagogie, a un coût, en particulier pour les salariés les plus modestes auxquels vous refusez toute augmentation du SMIC au-delà d'une simple revalorisation, pour les malades (Mme Fraysse continue de lire sa question alors que son micro est coupé),…
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame le député, que de démagogie et que de caricature dans vos propos ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Oui, la priorité des Français, c'est le pouvoir d'achat et, depuis un an, le pouvoir d'achat est la priorité du Gouvernement.
Nous avons pris plus de trente mesures en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je rappelle que, pour répondre aux attentes, nous disposons de plusieurs leviers.
D'abord le travail puisque l'amélioration des salaires suppose qu'on puisse travailler davantage, ce que permet le dispositif des heures supplémentaires qui fonctionne depuis plus d'un an, et l'assouplissement des 35 heures adopté en Conseil des ministres la semaine dernière.
Le Gouvernement agit ensuite sur les prix grâce au projet de modernisation de l'économie (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) qui doit favoriser la concurrence au service des consommateurs…
…pour réduire l'écart entre la France et les autres pays européens. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il s'agit en outre d'introduire plus de justice dans les rémunérations : un prochain texte permettra à davantage de nos concitoyens de bénéficier de l'intéressement et de la participation.
Vous évoquez une campagne de communication pour présenter aux Français ces différentes mesures. ((Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Puisque 60 % des Français considèrent qu'ils sont mal informés, il est du devoir du Gouvernement de les tenir au courant des dispositions destinées à améliorer leur pouvoir d'achat,…
…de manière qu'ils puissent en bénéficier. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous le constatez, le Gouvernement est foncièrement mobilisé sur la question du pouvoir d'achat et il souhaite informer les Français des mesures susceptibles de les concerner davantage. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.
Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, ma question concerne la proposition faite ce matin dans un quotidien économique français par le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, de ne plus rembourser à l'avenir qu'au taux de 35 % les médicaments complémentaires actuellement pris en charge à 100 % pour les personnes en affection longue durée.
Alors que plus de 8 millions de personnes sont concernées, l'annonce d'une telle proposition provoque à juste titre la colère et l'inquiétude des malades qui vont voir les tarifs de leurs mutuelles augmenter. En effet, le directeur de l'UNCAM justifie cette proposition de déremboursements par la volonté de résorber le déficit de la branche maladie en transférant les remboursements vers les mutuelles et assurances privées qui ne peuvent, dans ces conditions, qu'augmenter leurs tarifs. Or celles-ci font déjà surpayer les personnes en ALD.
On sait par ailleurs que près de 8 % de la population n'a pas d'assurance complémentaire, en dépit de l'aide accordée par le précédent gouvernement aux ménages modestes.
Une telle proposition, si elle était retenue, conduirait inévitablement à des abandons de soins par les personnes les plus modestes et donc à des conséquences sanitaires graves. Pour le groupe Nouveau centre, ce transfert est une solution inacceptable car on touche là au coeur de la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Après l'instauration d'une franchise médicale de 50 euros par an et par personne et de 2 euros sur le transport sanitaire, on pourrait pénaliser ainsi à nouveau des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés qui ne peuvent bénéficier de la CMU, tout en n'ayant pas les moyens de se soigner par eux-mêmes.
Après avoir laissé se créer, au fil des décennies, des ghettos sociaux, il serait inconcevable, inacceptable de favoriser aujourd'hui la création de ghettos sanitaires.
Il ne s'agit que d'une proposition du directeur de l'UNCAM. Nous espérons donc que le Gouvernement ne la retiendra pas et nous vous demandons, madame la ministre, de rassurer les 8 millions de malades et leurs familles qui sont directement menacés (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Monsieur le député Lagarde, la commission des comptes de la sécurité sociale a, mercredi dernier, établi le bilan du respect…
…de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie et des déficits des comptes sociaux. L'assurance maladie va accuser un déficit de 4,1 milliards d'euros et un dérapage par rapport à l'ONDAM situé entre 500 et 900 millions d'euros, probablement 700 millions d'euros à la fin de l'année.
On peut néanmoins relever plusieurs points positifs puisque nous nous trouvons en deçà du déclenchement de la procédure d'alerte située à 1,1 milliard d'euros. En outre, grâce aux excellents résultats de la politique de l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et aux exceptionnelles rentrées de cotisations, le déficit qui aurait dû être de 4,2 milliards d'euros, auquel il fallait ajouter plus 700 millions, pour atteindre près de 5 milliards d'euros, ne s'élèvera qu'à 4,1 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C'est bien la politique de l'emploi, mesdames et messieurs les députés, qui a engendré ces excellents chiffres. Ils ne sont pourtant pas satisfaisants car ce déficit de 4,1 milliards d'euros signifie que nous présentons la facture de nos dépenses de santé à nos enfants et à nos petits-enfants. Et je ne me satisfais pas, pour ma part, d'un dérapage des comptes de l'assurance maladie de 700 millions d'euros.
Par conséquent, et comme la loi le prévoit, j'ai demandé au directeur de l'assurance maladie de nous faire des propositions ; nous allons les analyser avec l'ensemble des partenaires sociaux. Monsieur le député Lagarde, ce qui menace l'assurance maladie et les assurés sociaux, c'est le déficit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Madame la secrétaire d'État, vendredi dernier, s'est tenu à Meaux, sous l'autorité de M. le Premier ministre, un comité interministériel des villes, qui concrétise la mise en oeuvre de la dynamique « Espoir banlieues » dont le président de la République a tracé les lignes directrices dans son discours du 8 février dernier.
Ce comité interministériel des villes se tenait pour la première fois en grande banlieue. De nombreux ministres, onze exactement, y participaient pour faire le point sur l'instauration de mesures spécifiques et urgentes en matière d'emploi, d'éducation-formation, de désenclavement des quartiers,…
…et de sécurité. Chaque ministre est reparti avec sa feuille de route.
Madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré vouloir faire des quartiers populaires le vivier de l'élite de demain, et les élus de terrain que nous sommes, notamment en Seine-Saint-Denis, ont à coeur de s'investir au quotidien pour faire bouger ces quartiers.
Nous avons tous été sensibles aux annonces que vous avez faites et qui témoignent de l'attachement du Gouvernement à agir pour tous les habitants de ces banlieues qui connaissent un véritable parcours du combattant pour s'en sortir.
Ce plan suscite l'espoir des citoyens, des responsables associatifs et des élus. La mobilisation de toutes les énergies pour changer durablement ces quartiers est donc fondamentale.
Pouvez-vous nous préciser à nouveau les grandes lignes de ce projet et nous indiquer le mode de pilotage du dispositif ?
Par ailleurs, peut-on connaître la hauteur des participations des différents ministères ? Surtout, pouvez-vous nous préciser la traçabilité de ces opérations pour que les habitants des autres quartiers de nos villes n'aient pas l'impression que ce plan banlieue est mis en place à leur détriment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Monsieur le député, vous l'avez souligné, le comité interministériel des villes se tenait pour la première fois en banlieue – et je dis bien pour la première fois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) –, à Meaux, sous la présidence du Premier ministre. C'est le signe d'un changement radical. C'est le signe de la mobilisation du Gouvernement tout entier, comme l'annonçait d'ailleurs le Président de la République le 8 février dernier.
Il est nécessaire et urgent, en effet, que les crédits spécifiques que je gère soient réellement additionnels et que la priorité soit gouvernementale. Les sommes engagées sont donc au-delà des espérances, puisque chaque ministre contribue à travers des mesures concrètes et ciblées. La dynamique est en marche. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Le contrat d'autonomie, qui connecte les demandeurs d'emploi des cités aux entreprises, est mis en oeuvre. Des opérateurs publics et privés ont répondu à l'appel d'offre. C'est un nouveau partenariat public-privé au service du plein emploi. Les premiers contrats seront signés dès le mois de juillet.
Toutes les autres mesures en faveur de l'excellence et de la réussite scolaire seront opérationnelles dès la rentrée prochaine.
Les projets de désenclavement en Île-de-France sont engagés. Fin juin, quatre grands projets feront l'objet d'un protocole d'accord entre l'État et la région, en plus de l'amélioration de la qualité des services existants. Dès l'automne 2008, je serai en mesure de vous présenter la liste des projets retenus hors Île-de-France, l'objectif étant la mobilité au service de l'emploi.
En outre, plus d'une douzaine de programmes ministériels ont été adoptés lors de ce CIV, avec des innovations importantes, comme celles de l'ouverture de la fonction publique à la diversité, la fidélisation des fonctionnaires dans les quartiers, la création des contrats locaux de santé publique, ou encore le lancement de gardes d'enfants adaptées.
Le suivi de toutes ces actions sera assuré par le CIV, qui se réunira au moins deux fois par an, et au plus près du terrain. Il décidera des adaptations nécessaires sur la base d'indicateurs précis.
Deux cent quinze quartiers, qui font déjà l'objet d'un plan de rénovation urbaine lourd, seront suivis à la loupe.
Tout cela en complément des actions déjà menées sur le terrain dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale, qui seront évalués à la fin de 2009, en concertation étroite avec les élus de terrain.
Monsieur le député, c'est bel et bien une nouvelle politique de la ville qui a pour ambition, vous l'aurez compris, le retour de la République dans nos quartiers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il s'agit aussi de faire de ces territoires le vivier des compétences et des élites de la France d'aujourd'hui et de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, pendant que les contribuables français paient au Gouvernement des campagnes de publicité coûteuses sur un pouvoir d'achat qui ne vient pas, le directeur de l'assurance maladie annonce ce matin, par voie de presse, un plan massif de déremboursement des médicaments et des soins, dont les mesures les plus scandaleuses concernent les maladies de longue durée.
C'est un sujet très grave, qui concerne des malades, des êtres humains aux prises avec des pathologies qui rendent difficiles leur vie quotidienne. Il ne s'agit pas de remèdes de confort, c'est le droit élémentaire à la solidarité, c'est le droit de se soigner.
Ces malades étaient jusqu'ici remboursés à 100 % pour des affections comme le diabète, l'hypertension, les insuffisances cardiaques, la maladie de Parkinson, et tant d'autres. Et tout à l'heure, je n'ai pas entendu un mot pour eux, madame la ministre de la santé.
Pour l'avenir, beaucoup de ces pathologies ne seraient plus couvertes en totalité par l'assurance maladie, qui rêve de les renvoyer vers les mutuelles complémentaires et les assurances privées, en un mot, de privatiser la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Alors, vous assumerez, en conscience, après les sinistres franchises, une nouvelle atteinte inacceptable au droit des malades. Pour des millions de Français, dérembourser, c'est retarder les soins ou y renoncer. C'est contraire à toute politique de santé publique. Et quand on commence à culpabiliser les malades, on ne s'arrête pas.
Alors, vous devrez rendre compte d'une politique injuste, car ces 250 millions d'économies sur le dos des malades, c'est moins de 2 % des immenses sommes dilapidées en cadeaux fiscaux, il y a un an, pour les plus fortunés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Et personne ici ne pourra dire : « On n'avait pas d'autres solutions ». Car des solutions courageuses existent pour financer la sécurité sociale, que ce soit du côté des profits des laboratoires pharmaceutiques ou de celui des stock-options. Vous avez l'embarras du choix. Mais les profits, visiblement, pour vous, c'est tabou.
La vérité, monsieur le Premier ministre, c'est qu'il n'y a pas ceux qui agissent et ceux qui critiquent. Il y a ceux qui proposent dans un souci de justice et ceux qui décident de semer l'injustice. Eh bien, vous récolterez la colère !
Monsieur le Premier ministre, allez-vous renoncer – il est encore temps – à ce plan massif de déremboursement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Monsieur le député, j'ai rappelé à l'instant à M. Jean-Christophe Lagarde les conclusions de la commission des comptes de la sécurité sociale :…
…4 milliards de déficits (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et 700 millions d'euros de dérapage.
La solidarité, monsieur Paul, elle s'exprime à l'intérieur d'une génération.
C'est ce que fait le pacte de 1945, c'est ce que fait la sécurité sociale.
Et elle s'exprime aussi entre les générations. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Quelle génération serions-nous si nous faisions payer nos soins par nos enfants et nos petits-enfants ? Le déficit de la sécurité sociale est immoral.
Mais il nous faut garder un très haut niveau de solidarité, en particulier vis-à-vis des malades les plus gravement atteints, ceux qui souffrent d'une affection de longue durée.
Ils représentent 15 % de la population de notre pays, et 60 % des dépenses d'assurance maladie. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il faut garder un haut niveau de prise en charge solidaire. C'est ce que nous nous attachons à faire. Et il faut préserver cette prise en charge à 100 % des malades atteints d'une affection de longue durée.
Le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie a fait un certain nombre de propositions. Moi-même, de mon côté, j'ai indiqué à la commission des comptes de la sécurité sociale que je souhaitais qu'un certain nombre de mesures soient prises.
En particulier que soient rendues effectives celles que vous avez décidées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme la mise sous entente préalable de certains médecins, ou la baisse du prix de certains médicaments, notamment des génériques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il convient de maintenir un haut niveau de solidarité. Notre pays est, de tous les pays occidentaux, celui où ce niveau est le plus élevé : 90 % des dépenses sont prises en charge de manière solidaire. Et je compte encore augmenter cette prise en charge solidaire par un meilleur accès à la complémentaire santé. Actuellement, 7 % des Français sont hors de ce dispositif. Je vais l'améliorer, aussi bien au point de vue de la quantité qu'à celui de la qualité. J'en ai déjà observé les premiers résultats, puisque 11 % de Français en plus ont ainsi pu avoir accès à la complémentaire santé cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail.
Monsieur le ministre, nous aurons, dès la semaine prochaine, l'occasion d'examiner dans cet hémicycle le projet de loi sur le dialogue social et le temps de travail que vous avez déposé sur le bureau de l'Assemblée il y a quelques jours.
En attendant, il y a également, parmi tous les autres sujets qui occupent en ce moment les partenaires sociaux, la question si complexe de la pénibilité au travail. La négociation entre les partenaires sociaux sur ce sujet a commencé il y a maintenant plusieurs années. À ce jour, elle n'a pas abouti.
Il est prévu, à notre connaissance, que les partenaires sociaux se rencontrent dans les tous prochains jours, dans le cadre d'une dernière réunion, pour essayer de trouver un accord sur ce sujet. Visiblement, d'après les informations dont nous disposons, cet accord sera difficile à établir.
Dans ces conditions, vous avez dit dans la presse, monsieur le ministre, il y a quelques jours, que vous entendiez que le Gouvernement reprenne ce sujet. Le président de notre groupe et la commission des affaires sociales sont également désireux de traiter de cette question de la pénibilité. Quel calendrier envisagez-vous ? Sur quels points la représentation nationale pourrait-elle être sollicitée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille…
…et de la solidarité, monsieur Roy. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le député, c'est là un sujet que vous connaissez bien, puisque vous avez été l'auteur d'un rapport d'information sur la pénibilité au travail. Et c'est un sujet qui a longtemps été méconnu alors pourtant que c'est l'un des plus grands scandales, en matière de justice sociale dans notre pays : il y a en effet sept ans et demi de différence d'espérance de vie entre un ouvrier et un cadre supérieur en France.
C'est en raison du dispositif relatif aux carrières longues voté en 2003 pour celles et ceux qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans que le sujet n'a pas pris plus d'importance et d'acuité dans notre pays. Mais il est temps aujourd'hui d'avancer.
Trois ans de négociation, dix-sept réunions entre les partenaires sociaux, pour aboutir, pour l'instant, à pas grand-chose. La dernière réunion en question, celle dont vous avez parlé, n'est même plus fixée. Le MEDEF ne donne plus la moindre date pour cette dernière réunion.
J'ai donc décidé aujourd'hui d'écrire à l'ensemble des partenaires sociaux en leur demandant de se réunir dans le courant du mois de juillet – pas plus tard –, de façon que l'on sache exactement où ils en sont. Qu'il y ait un constat partagé sur les points d'accord ou de désaccord, mais qu'au moins l'on sache exactement où l'on en est.
Si cette réunion n'a pas lieu, l'État prendra une initiative pour relancer ce dossier. De quels sujets allons-nous parler ? De la définition de la pénibilité, de la prévention de la pénibilité, et de la prise en compte de la pénibilité.
Dans la réforme qui avait été votée à l'initiative de François Fillon, un premier aspect a été traité, à travers le dispositif relatif aux carrières longues. Il nous faut aujourd'hui aller au-delà. Sur ce sujet, votre majorité a toujours été en pointe, votre rapport en est la preuve. Je peux vous dire que le Gouvernement prendra aussi ses responsabilités. C'est au mois de juillet que l'on doit savoir ce que veulent faire les partenaires sociaux : en ce qui nous concerne, nous serons présents pour mettre un terme à ce qui constitue l'une des plus grandes injustices sociales dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
Nous sommes tous attachés au développement d'une politique familiale forte, laquelle a fait de la France l'une des rares nations occidentales dont le taux de natalité lui permet de voir l'avenir avec optimisme. Nous partageons tous les valeurs de la famille : le dépassement, le partage, l'engagement, le respect, et la recherche de l'épanouissement de tous. Encore faut-il que les familles continuent à être soutenues.
Alors que, dans quelques jours, nous allons entamer la période tant attendue des grandes vacances – ce sera un peu plus tard pour nous –, les familles pensent déjà à la rentrée scolaire prochaine et à tous les frais qu'elles vont devoir engager pour équiper leurs enfants. Frais, qui au regard du contexte économique actuel, vont être plus lourds à supporter que ceux de l'année dernière. (« Allô ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vendredi dernier, lors de votre intervention au cours du journal télévisé de France 2, vous avez annoncé, madame la secrétaire d'État, une augmentation de l'allocation de rentrée scolaire versée en août prochain pour les collégiens et les lycéens.
Cette modulation, dont le coût s'élèverait à 50 millions d'euros, est destinée à donner un coup de pouce en direction des adolescents, pour lesquels les dépenses occasionnées par la rentrée sont plus importantes que celles consacrées aux élèves du secteur primaire.
Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous nous faire part de la façon dont cette allocation de rentrée scolaire va s'articuler à la politique familiale que mène le Gouvernement et nous détailler les objectifs précis que vous voulez atteindre ? (« Allô ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Monsieur le député, devant l'assemblée générale de l'Union nationale des associations familiales, qui se tenait samedi dernier à Toulouse, Xavier Bertrand et moi-même avons présenté la politique familiale que le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre, en particulier les mesures d'accompagnement en faveur d'une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, avec la création de 350 000 places de garde supplémentaires. Xavier Bertrand a lu un message du Président de la République concernant cette politique familiale généreuse et juste à laquelle nous sommes attachés.
Avec François Fillon, nous avons souhaité, en réponse à une demande exprimée depuis longtemps par les associations familiales et les partenaires sociaux, coller à la réalité des familles et à leurs besoins. Ces besoins, nous les connaissons. Il suffit d'être dans la vraie vie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et d'aller faire ses courses au moment de la rentrée scolaire pour voir que la vie est plus chère lorsque les enfants entrent au collège ou au lycée. Nous avons choisi de moduler l'allocation de rentrée scolaire en trois tranches : pour le primaire, de cinq ans à dix ans, l'allocation s'élèvera à 272 euros, pour l'entrée au collège, de dix ans à quatorze ans, elle sera de 287 euros, et pour l'entrée au lycée, de quatorze à dix-huit ans, elle sera portée à 297 euros.
Vous le voyez, la politique du Gouvernement c'est de coller à la réalité des besoins des familles les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC)
La parole est à M. Jean-Claude Fruteau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La situation économique et sociale de notre pays n'a jamais connu une aussi forte dégradation. Pour la première fois depuis vingt-cinq ans, le taux de salaire horaire ouvrier évolue moins vite que les prix. Le SMIC ne sera revalorisé que de huit malheureux centimes d'euros.
Quant aux fonctionnaires, malgré l'écran de fumée que constitue l'annonce d'une politique salariale globale, ils subiront en 2008 – c'est l'INSEE qui le dit – une baisse de leur salaire réel.
La bataille du pouvoir d'achat, dont le Gouvernement ne cesse de parler de manière incantatoire, est donc bien loin d'être gagnée. L'inflation s'est remise à galoper ; elle s'élève désormais à 3,3 % et pèse de plus en plus sur le budget des plus modestes. Et les déremboursements médicaux, dont Mme Bachelot vient d'essayer en vain de nous convaincre qu'ils n'étaient pas dans les cartons, ne vont rien arranger !
Ce qui est difficile à vivre en métropole l'est encore plus dans les départements d'outre-mer, où les salaires sont en général plus bas et le coût de la vie plus élevé. Samedi dernier à La Réunion, invité par l'association Momon Papa lé la dans un gymnase rebaptisé pour l'occasion « le resto des mangeurs de miettes », j'ai vu en l'espace de quelques heures 1 500 personnes défiler pour recevoir un colis alimentaire de première nécessité. À ma grande surprise, une partie d'entre elles étaient des travailleurs qui n'arrivent plus à boucler les fins de mois avec leur salaire et qui comptent sur ces colis pour nourrir leurs familles.
Monsieur le Premier ministre, il vous faudra bien plus qu'une campagne de communication pour rendre le quotidien des Français plus facile ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous le dites vous-même, ils sont impatients ; eh bien, nous aussi ! Permettez-moi donc de réitérer la question que nous vous posons depuis plus d'un an : que comptez-vous faire pour répondre à l'impatience légitime des Français et restaurer le pouvoir d'achat des personnes les plus modestes ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, pour communiquer, encore faut-il avoir quelque chose à dire. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se lèvent et applaudissent en riant.)
Je comprends l'embarras du parti socialiste sur ce point.
Vous nous interrogez sur le pouvoir d'achat. En la matière, le Gouvernement a apporté des réponses précises. D'abord, sur les salaires, le dispositif des heures supplémentaires a permis d'injecter dans l'économie 5 milliards d'euros. Contrairement à ce que vous affirmez, les chiffres de la consommation, de plus 2 % ce mois-ci, indiquent que la consommation des ménages se tient en dépit d'un environnement économique international difficile.
Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement ne fait rien sur le SMIC. (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je vous rappelle qu'une première revalorisation de 2,3 % est intervenue en avril dernier et qu'une autre de 0,9 % a été décidée pour le mois de juillet prochain, de façon que l'augmentation du SMIC suive exactement celle des prix.
Nous avons également décidé d'activer le dispositif sur l'intéressement et la participation, dont trop de Français sont écartés aujourd'hui.
Le Gouvernement a donc engagé des réformes importantes en matière de pouvoir d'achat.
Vous semblez vous indigner d'une campagne de communication du Gouvernement.
Elle n'est rien à côté des trente millions de francs qu'avait coûtés celle engagée en 1998 par votre nouvelle icône, Mme Martine Aubry, et qui avait pour slogan : « Les 35 heures, du temps pour soi, une chance pour l'emploi » ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se lèvent et applaudissent.) Force est de constater que vous manquez d'idées mais pas d'air ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – « Une autre, une autre ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous ne sommes pas au spectacle ! Vous ne défendez pas les intérêts de notre institution en vous comportant ainsi, mes chers collègues.
La parole est à M. Georges Mothron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, durant les vacances de printemps, près de 85 000 élèves en difficulté des classes de CM1 et de CM2 ont bénéficié des stages gratuits que vous avez mis en place pour les aider à surmonter leur retard scolaire. Il s'agit d'un véritable progrès social, dont nul ne saurait contester l'opportunité à l'heure où toutes les études montrent que 15 % des élèves entrent au collège avec des lacunes graves dans la maîtrise de la lecture, de l'écriture et du calcul. On ne peut donc que regretter l'aveuglement idéologique dont ont fait preuve les communes qui se sont opposées à la mise en oeuvre de ce dispositif au mois d'avril, ainsi que la position de la mairie de Paris, qui a décidé de suspendre à titre conservatoire, à partir de la rentrée prochaine, la convention autorisant la mise à disposition des locaux des écoles primaires pour permettre le déroulement de ces stages. Il y a là une rupture d'égalité au détriment des enfants les plus en difficulté, dans des secteurs que ni leurs parentsni a fortiori eux-mêmes n'ont choisis.
Monsieur le ministre, pouvez-vous rappeler à la représentation nationale dans quel cadre s'inscrit la mise en oeuvre de ces stages ? Que comptez-vous faire pour que tous les élèves qui en ont besoin puissent en bénéficier ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale. (« Chatel ! Chatel ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, croyez-vous faire honneur à l'Assemblée nationale en donnant un tel spectacle ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Compte tenu des responsabilités qui nous incombent, je vous appelle à plus de retenue !
Allez-y, monsieur le ministre.
Monsieur le député, ce que je vais dire, Luc Chatel aurait pu le dire à ma place, il est vrai. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les stages de remédiation pour les élèves de CM1 et CM2 ont rencontré un tel succès, qu'on pourrait envisager d'en faire une session de rattrapage pour que les socialistes trouvent de nouvelles idées ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elle profiterait en particulier au maire de Paris, qui considère qu'il est juste socialement de nous empêcher d'offrir gratuitement…
…aux élèves qui en ont besoin ce que les familles plus aisées trouvent dans des officines. C'est sans doute ce que l'on appelle le libéralo-socialisme ! (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Je suis quant à moi un vrai libéral. Pour autant, je considère qu'il incombe à l'État de donner plus à ceux qui ont moins. Ce n'est pas un slogan, mais un principe directeur de la politique éducative que nous conduisons sous l'autorité du Premier ministre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Voilà pourquoi, à la rentrée prochaine, tous les élèves en difficulté dans le premier degré recevront deux heures de soutien de leurs propres enseignants pour pouvoir progresser. Voilà pourquoi, dans le cadre de la semaine réorganisée de quatre jours – ou quatre jours et demi pour ceux qui veulent travailler le mercredi matin – des stages d'accompagnement éducatif seront organisés en fin de journée pour ceux qui le souhaitent. Voilà pourquoi, encore, nous avons fait, devant trop de documents pédagogiques illisibles, des programmes lisibles par tous pour que la nation se ressaisisse des objectifs de son école. Voilà pourquoi, enfin, nous proposons, comme vous venez de le rappeler, monsieur Mothron, des stages pendant les vacances pour les élèves qui ont des difficultés.
Je ne saurais comprendre que le maire de Paris renonce à le faire. D'autant que, contrairement à quelques mairies socialistes, les familles approuvent massivement ce dispositif : 85 000 élèves en ont bénéficié pendant la première semaine des vacances de Pâques sans que quiconque s'en soit plaint. Mieux, les lycéens eux-mêmes, après avoir beaucoup manifesté, nous ont demandé d'organiser dans 200 lycées, à la fin du mois d'août, des stages pour les aider à mieux préparer leur année scolaire. Oui, nous sommes fiers de ce que nous faisons, car nous sommes le Gouvernement qui a donné plus à l'école pour ceux qui avaient moins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
Deux constats fondamentaux sont ressortis du Grenelle de l'environnement et semblent faire l'objet d'un consensus quasi mondial : l'un concerne les risques liés à la dégradation de l'état de notre planète ; l'autre est la reconnaissance de l'urgence. Aussi devons-nous nous réjouir que la Chancelière allemande et le Président français aient récemment trouvé un accord sur le principe de réduction des émissions de C02 des véhicules, qu'ils se sont engagés à soutenir devant la Commission européenne. Dans cet esprit, le neuvième Conseil des ministres franco-allemands, en Bavière, a permis de trouver un accord sur le futur texte relatif au paquet énergie-climat.
De plus, la conférence des Nations unies sur le changement climatique s'est achevée par un appel à accélérer le rythme des négociations. La communauté internationale s'est engagée à contracter de nouveaux engagements pour lutter contre l'effet de serre et le réchauffement global au-delà de 2012. La prise de conscience du réchauffement climatique progresse et nous devons nous en féliciter.
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy désire que les États membres de l'Union européenne arrivent à une position commune pour faire face au « choc sans précédent » de la hausse des prix des hydrocarbures.
Monsieur le ministre, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, pouvez-vous nous indiquer la stratégie française pour que les objectifs du Grenelle de l'environnement soient tenus ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur Nicolas, M. Borloo est retenu par une réunion à Bruxelles sur l'énergie. Il m'a donc demandé de vous répondre.
Vous avez fort bien rappelé les deux enjeux auxquels nous devons faire face : le réchauffement climatique et la hausse des prix de l'énergie. Un certain nombre de rendez-vous internationaux sont prévus. Après la conférence de Bali, celle de Copenhague, l'an prochain, tentera de trouver un nouvel accord, qui succèdera à celui de Kyoto.
L'Union européenne s'est fixé comme objectif de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, d'améliorer de 20 % son efficacité énergétique et de porter à 20 % la part des énergies renouvelables. Pour cela, à partir du 1er juillet, dans le cadre de la présidence française, nous allons essayer de parvenir à un accord sur le paquet énergie-climat et tenter d'obtenir des avancées concrètes dans l'aviation, les véhicules, les produits, les sources d'énergie.
Nous voulons naturellement donner l'exemple. Cela passera par la mise en oeuvre des engagements du Grenelle de l'environnement : le projet sera examiné prochainement par le Parlement.
Dans le bâtiment, nous allons soutenir la construction de logements économes en énergie et les rénovations. En ce qui concerne les transports, nous allons mettre en oeuvre le plan d'infrastructures nouvelles pour les TGV et celui du développement des transports publics, en particulier dans les quartiers – cela a été rappelé, la semaine dernière, par le Premier ministre, à Meaux. Nous réfléchissons à la possibilité d'étendre le dispositif de bonus-malus aux principaux produits consommateurs d'énergie. Nous essaierons de développer massivement la part des énergies non fossiles. Je vous rappelle le plan de soutien annoncé récemment par Jean-Louis Borloo à la construction de 22 centrales électriques alimentées à partir de la biomasse pour une puissance de 300 mégawatts, ce qui représente environ le tiers de la puissance d'un réacteur nucléaire et 600 000 tonnes d'équivalent pétrole.
Un calendrier international avec la conférence de Copenhague, une présidence française active de l'Union européenne et la mise en oeuvre des mesures du Grenelle de l'environnement : telles sont les grandes lignes de notre politique dans ce domaine. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Je voudrais auparavant faire remarquer que M. Chatel, tout à l'heure, n'avait toujours rien à dire sur le pouvoir d'achat. Cela fait plus d'un an que ça dure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pour la rentrée scolaire de 2008, le Gouvernement annonce la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge des enfants. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, cette réforme a été votée à budget constant, ce qui se serait traduit par une baisse des montants de l'allocation de rentrée scolaire pour certaines familles.
Le Gouvernement fait aujourd'hui marche arrière. Il annonce le déblocage de 50 millions d'euros. L'ARS restera à 272 euros pour les enfants du primaire. Elle sera de 287 euros pour les collégiens, soit une augmentation de seulement 15 euros. Elle sera de 297 euros pour les lycéens, soit simplement une augmentation de 25 euros.
Madame la secrétaire d'État, le compte n'y est pas. D'une part, ces montants sont insuffisants pour tenir compte de l'inflation. Une fois encore, vous faites l'impasse sur le pouvoir d'achat. D'autre part, avec la majoration unique pour âge des allocations familiales, le Gouvernement veut faire l'économie de 250 millions d'euros en année pleine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous donnez 50 millions d'euros d'une main et vous en reprenez 250 millions de l'autre ! La belle opération ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous économisez 200 millions d'euros sur le dos des familles, alors que vous avez gaspillé l'argent des Français dans le paquet fiscal, dont vous admettez l'inefficacité et les limites en lançant une campagne de communication coûteuse.
Ma chère collègue, je vous prie de conclure. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je termine.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne pas donner un nouvel élan à la politique familiale en reprenant la proposition faite par les députés socialistes radicaux et citoyens : doubler l'allocation de rentrée scolaire dès le mois de septembre prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Madame la députée, vous auriez pu rappeler que l'allocation de rentrée scolaire représente un budget de 1,4 milliard d'euros...
…que nous avons décidé d'augmenter de 50 millions d'euros.
Vous auriez pu rappeler que c'est la première fois qu'un gouvernement met en place une modulation qui correspond aux besoins des familles : l'allocation pour le primaire, l'allocation pour le collège et l'allocation pour le lycée.
Vous auriez pu également rappeler que, pour aider les familles modestes, nous avons voté, dès le 1er mai, un budget de 60 millions d'euros pour 62 000 familles qui emploient une assistante maternelle à domicile.
Vous auriez pu rappeler aussi que nous avons débloqué 50 millions d'euros pour créer 4 000 places de crèches supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la députée, vous nous demandez de doubler l'allocation de rentrée scolaire, ce qui reviendrait à prévoir un budget de 2,8 milliards. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce n'est pas ce qu'attendent les familles.
Elles attendent des équipements. Elles attendent que nous mettions à leur disposition des modes de garde diversifiée.
Vous avez abordé la question du pouvoir d'achat mais en omettant de rappeler que le taux de chômage, à 7,2 %, est le plus bas que notre pays ait connu depuis vingt-cinq ans. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous nous sommes également engagés à créer des modes de garde pour les 40 % de mères de famille qui doivent s'arrêter de travailler faute d'en avoir trouvé un. Notre objectif est de concilier vie familiale et vie professionnelle.
Critiquer et critiquer, ça vous savez faire ! (Vives Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Dépenser toujours plus, vous savez faire aussi ! (Vives Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) En revanche, pour ce qui est de gérer, on peut vraiment se poser des questions ! (Vives Protestations sur les mêmes bancs.) Où trouverez-vous l'argent ?
Vous ne parvenez même pas à convaincre dans votre propre camp. Je citerai iciles propos – rapportés par Le Monde – de Manuel Valls, député de l'Essonne, concernant le parti socialiste : « Défendre des valeurs, oui, mais en lien avec les réalités… Un discours de gauche doit s'appuyer sur des propositions réalistes. »
Où allez-vous, madame la députée, trouver les 1,4 milliard d'euros supplémentaires ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Votre proposition n'est pas réaliste.
M. Hollande a choisi le Grand Rex pour parler d'opposition utile. Il a eu raison, parce que, avec votre comportement, il n'y a qu'au cinéma que l'on peut y croire. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. J'y associe M. Guénhaël Huet, député de la Manche.
Il y a quelques jours, notre assemblée a voté le projet de loi relatif au trafic de produits dopants. Le texte que vous nous avez proposé a un triple objectif, rappelé par le rapporteur, M. Bernard Depierre. Premièrement, défendre l'éthique, élément tellement indissociable du sport qu'il en constitue la définition même de la noblesse. Deuxièmement, réprimer ceux qui, trop souvent, profitent de la faiblesse et de la vulnérabilité des sportifs, notamment des plus jeunes. Troisièmement, préserver la santé de tous les sportifs.
Nous avons ainsi renforcé le dispositif répressif existant, afin de permettre à l'autorité judiciaire de poursuivre des agissements qui, jusqu'à présent, ne faisaient l'objet d'aucune incrimination pénale. Il importe de noter que la nouvelle loi s'inscrit pleinement dans un historique juridique initié par la loi du 1er juin 1965, elle-même complétée par plusieurs textes, dont la loi du 5 avril 2006.
Dans ce cadre législatif, le renforcement de la répression ne fait pas obstacle aux actions de prévention mises en oeuvre, sous le contrôle de l'État, par les fédérations et les clubs sportifs.
La fin du tournoi de Roland Garros, le déroulement du championnat d'Europe de football, la proximité des Jeux olympiques, pour ne citer que quelques événements sportifs, remettent en lumière un fléau qui dure depuis trop longtemps et qui concerne sans exception toutes les disciplines sportives et tous les niveaux de pratique.
En effet, si chacun sait que le dopage frappe le sport professionnel, c'est également une réalité courante dans le sport amateur, et même dans des pratiques occasionnelles de simple loisir.
Monsieur le secrétaire d'État, nous connaissons votre détermination et celle du Gouvernement pour lutter contre un mal qui ronge à la fois l'intégrité physique et morale des sportifs et la crédibilité du sport.
Quelles mesures entendez-vous prendre, sur la base du nouveau texte, pour lutter contre le dopage, dans un souci d'efficacité et d'équité entre tous les sports ?
La parole est à M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur Cinieri, le projet de loi auquel vous avez fait allusion et qui vient d'être voté par le Parlement conforte la loi Lamour de 2006 et renforce l'arsenal juridique en pénalisant simplement la détention de produits dopants. Jusqu'à présent, seul le trafic était pénalisé, l'utilisation étant sanctionnée par les fédérations sportives, qui pouvaient suspendre pour plusieurs mois ou plusieurs années leurs sportifs.
À la suite de la réunion de l'Agence mondiale antidopage d'avril 2008, nous avons proposé de mettre à la disposition d'Interpol un agent français pour l'aider à lutter contre les trafics.
Une action concertée entre le ministère des sports, le ministère de l'intérieur et la Chancellerie sera menée pour organiser la lutte contre le dopage lors de tous les événements sportifs sur le sol français.
La prévention représente 15,1 millions d'euros sur un budget global de 22 millions d'euros. C'est un axe fort de notre politique. Nous allons former deux agents par région, qui accompagneront les jeunes et les sportifs amateurs. Si la répression est nécessaire, je le répète, la prévention est l'axe fort de notre politique.
En ce qui concerne l'Euro de football, pour avoir assisté à un certain nombre de matchs, je peux répondre à ceux qui pensent qu'il n'y a pas de contrôle antidopage dans ce sport qu'il a été procédé à des contrôles sanguins et urinaires complets. Il en va de même pour le rugby. Il est faux de laisser croire que seul le cyclisme est concerné par les contrôles antidopage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Armand Jung, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
C'est l'histoire de deux groupes industriels européens qui voulaient devenir plus grands, plus forts et plus rentables. D'un côté, le fabricant britannique de cigarettes et de cigares, Imperial Tobacco, quatrième producteur mondial de tabac, de l'autre, le groupe franco-espagnol Altadis-Seita, lui aussi leader européen dans sa catégorie.
Au cours des dernières années, ces deux groupes ont réalisé, de manière constante, des bénéfices faramineux, mais cela ne suffisait plus. En janvier 2008, Imperial Tobacco, « en toute amitié », a donc racheté Altadis pour la somme colossale de 12,8 milliards d'euros. Pour amortir cette opération financière purement spéculative, Imperial Tobacco vient d'annoncer son intention de supprimer près de 2 500 emplois en Europe, dont 1 060 en France.
La manufacture de cigares de Strasbourg sera rayée de la carte. L'usine de tabac à rouler de Metz va subir le même sort. Les activités commerciales et de recherche du Havre, de Riom et des Aubrais vont être restructurées.
La réglementation et la lutte contre le tabagisme ont bon dos et masquent l'absence d'anticipation de ces deux groupes industriels, qui ont laissé mourir à petit feu leurs usines avant de les fermer C'est tout un pan de l'industrie de notre pays qui est aujourd'hui remis en cause et menacé. Pourtant, l'annonce de ce démantèlement n'a suscité aucune réaction, pas même laconique, de votre part.
La France a-t-elle encore une politique industrielle à défendre ? Le silence du Gouvernement est assourdissant.
À Metz, après la crise de la sidérurgie qui a déjà si durement touché le département de la Moselle, 135 salariés d'Altadis restent sur le carreau.
À Strasbourg, 227 emplois seront supprimés sans que cela ne semble émouvoir particulièrement le conseil d'administration du groupe Altadis.
Monsieur le Premier ministre, quelle est votre politique industrielle pour la France ? Qu'allez-vous dire aux 1 060 salariés d'Altadis dont le savoir-faire est aujourd'hui englouti dans une opération financière qui, dans le mépris le plus total, ignore la valeur travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.),
Monsieur le député Jung, la situation difficile de l'entreprise Altadis est liée au recul du marché du tabac dans notre pays.
À ce stade, je vous rappelle que le projet de restructuration doit être soumis à l'avis des représentants du personnel conformément aux procédures légales en la matière.
En tout état de cause, il n'est pas concevable pour le Gouvernement d'écarter du marché du travail de manière définitive des salariés à partir de cinquante ans – ce qui serait le cas pour un grand nombre de salariés d'Altadis – dans le cadre d'un dispositif de préretraites. La France est le pays d'Europe où le taux d'emploi des plus de cinquante-cinq ans est le plus faible ; nous ne pouvons pas accepter que le travail des seniors soit la variable d'ajustement des plans sociaux.
L'État veillera donc particulièrement à ce que les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi soient à la hauteur des enjeux,..
…notamment en matière de mobilité interne afin d'éviter les licenciements.
Par ailleurs, l'État entend négocier avec l'entreprise les conditions de réindustrialisation des sites touchés. Depuis 2002, la loi de modernisation sociale a permis la mise en oeuvre de dispositifs importants de réindustrialisation. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Plus de 350 conventions ont été signées depuis cinq ans, lesquelles ont permis de réinvestir localement plus de 240 millions d'euros et de compenser la suppression de 50 000 emplois. Nous irons encore plus loin avec la mise en oeuvre d'un fonds d'aménagement et de revitalisation des territoires qui permettra d'alimenter les territoires touchés par des suppressions de postes dans des groupes de moins de mille emplois.
Ce fonds pourrait être activé dans le cadre des difficultés d'Altadis.
Le Gouvernement est totalement mobilisé sur une situation difficile en matière industrielle liée à la récession sur le marché du tabac, dont on ne peut que se féliciter pour la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Altadis-Seita
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi portant réforme portuaire sur lequel vous allez vous prononcer poursuit un objectif simple : la France doit se tourner résolument vers la mer et profiter de la situation géographique exceptionnelle que lui offrent ses façades sur la Méditerranée, l'océan Atlantique, la Manche et la mer du Nord.
Ce projet de loi démontre la volonté du Gouvernement de relancer notre activité maritime. Les enjeux sont en effet considérables : le trafic maritime mondial ne cesse de croître ; 90 % des échanges mondiaux passent aujourd'hui par la voie maritime. Ce trafic se transforme également en profondeur, avec notamment la conteneurisation croissante, à laquelle nos ports sont appelés à s'adapter.
Les sept grands ports maritimes français doivent reprendre la place qu'ils méritent dans le commerce maritime international. La présente réforme s'emploie en conséquence à restaurer leur compétitivité, en améliorant leur productivité.
J'ai rappelé à plusieurs reprises devant votre assemblée les difficultés dont pâtissent les grands ports maritimes français et les solutions que nous voulions apporter en en réformant l'organisation. Notre but est de recentrer nos ports sur leurs grandes fonctions régaliennes : ils devront promouvoir la place portuaire, développer leur domaine, améliorer leurs liaisons avec l'arrière-pays et l'intégration dans leur environnement.
Certains orateurs de l'opposition ont reproché à ce projet de loi de briser l'équilibre existant et d'aller beaucoup trop loin, d'autres, au contraire, ont mis en cause son caractère trop timoré. De ces critiques diamétralement opposées, je déduis que cette réforme est somme toute équilibrée.
En outre, ceux qui jugent insuffisant l'engagement de l'État se méprennent sur une réforme qui vise au contraire à renforcer le rôle de l'État au sein des établissements portuaires. Ils oublient également notre décision d'assortir cette réforme d'un doublement de notre participation financière. Les investissements publics et privés seront considérablement accrus : l'État y consacrera 445 millions de 2007 à 2013. Il s'agit bien de nous mettre au niveau des ports du Nord de l'Europe – Anvers, Rotterdam, Hambourg – mais aussi de ceux d'Espagne ou d'Italie.
Mesdames et messieurs les députés, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que cette réforme parachève le travail courageux commencé par Jean-Yves Le Drian et Michel Delebarre en 1992. Désormais, les grands ports maritimes ne s'occuperont plus de manutention, qu'elle soit horizontale ou verticale, ils se concentreront sur leurs missions publiques essentielles d'aménagement et de gestion du domaine, de promotion, de sécurité et de sûreté. Leurs efforts seront concentrés sur un développement durable privilégiant notamment les dessertes terrestres ferroviaires et fluviales.
Ils devront concilier le développement du port et la protection des espaces naturels – dont nous avons beaucoup parlé –, qui seront pris en compte dans les projets stratégiques que chaque port établira.
Afin de rendre le port mieux à même de remplir ces fonctions, il convient – c'est le deuxième aspect de cette réforme portuaire – d'en simplifier et d'en moderniser la gouvernance. Seront mis en place dès cet automne un conseil de surveillance, un directoire et un conseil de développement.
Je ne détaillerai pas la composition de chacune de ces instances, j'insisterai seulement sur l'importance du conseil de développement qui rassemblera l'ensemble des acteurs de la place portuaire. Les collectivités, déjà présentes dans le conseil de surveillance, y trouveront une place aux côtés des acteurs économiques et des acteurs sociaux au rang desquels, les associations, à commencer par les associations agréées de défense et de protection de l'environnement. Ce conseil sera obligatoirement consulté sur les décisions les plus importantes du grand port maritime, notamment sur le projet stratégique de l'établissement ou sur sa politique tarifaire.
Le troisième volet de cette réforme des ports, le plus discuté, porte sur l'organisation de la manutention. Tous les rapports ont souligné les mauvaises performances de nos terminaux, liées pour une part au manque de coordination et à l'absence de commandement unique. Cette réforme pallie cette déficience en installant des opérateurs de terminaux intégrés, ayant en charge l'ensemble de la manutention et de l'outillage. Les sept grands ports seront conduits en conséquence à transférer les outillages qu'ils possèdent à des opérateurs dans les deux ans suivant l'adoption de leur projet stratégique.
Le débat à l'Assemblée nationale aura permis de préciser le fonctionnement et la composition de la commission d'évaluation des biens, où siégeront des personnalités indépendantes et un représentant des collectivités territoriales. Cette commission sera garante de la valeur à laquelle seront cédés les biens et tiendra compte, pour son évaluation, des projets que l'opérateur aura proposés pour le terminal ainsi que des perspectives plus générales de développement.
Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'insister auprès de vous pour souligner que nous avons tenu à introduire dans cette réforme suffisamment de marges de manoeuvre et de souplesse pour laisser à chaque port, celui de Marseille…
…comme les autres, le soin de fixer la manière dont cette unité de commandement sera réalisée.
Quant au transfert du personnel, le projet de loi confie aux partenaires sociaux la responsabilité de parvenir à un accord-cadre d'ici au 31 octobre 2008. Cet accord-cadre déterminera les conditions dans lesquelles les agents des ports affectés aux activités de manutention intégreront les opérateurs des terminaux. En outre, il fixera les mesures d'accompagnement social de la réforme.
Nous tenons à protéger le plus possible les salariés en leur donnant des garanties d'emploi, des garanties salariales, des garanties de formation…
… et un droit de retour. Un amendement du Sénat a précisé que le salarié qui serait licencié par l'opérateur pour des motifs économiques aura la possibilité de réintégrer automatiquement le grand port maritime pendant une durée de sept ans.
De plus, nous voulons associer le plus possible les partenaires sociaux à la négociation. Animée par Yves Cousquer, elle a commencé depuis bientôt trois mois et je souhaite que ses tables rondes – je présiderai l'une d'elles après-demain – aboutissent à des décisions concrètes. En effet, si le projet de loi fixe les grands axes de la réforme, il laisse aux partenaires sociaux – et c'est une innovation majeure – une très grande latitude pour définir la manière dont elle sera mise en oeuvre dans chaque port. Les négociations se poursuivront après la promulgation de la loi et un accord-cadre devra être trouvé avant le 31 octobre.
Si vous votez ce projet de loi, mesdames, messieurs les députés, nous publierons, dès sa promulgation, les textes réglementaires qui seront soumis dans leurs grandes lignes à la commission des affaires économiques, conformément aux souhaits de son président. Les grands ports maritimes élaboreront leur projet stratégique dans les trois mois suivant leur mise en place puis, dans les deux ans, viendra la réforme de la manutention, terminal par terminal.
Le processus est progressif et le projet du Gouvernement est un projet ouvert, qui appelle la poursuite de la concertation de l'ensemble des acteurs nationaux et locaux, qu'il s'agisse des syndicats ou des collectivités territoriales. La relance de nos grands ports maritimes est indispensable, elle passe par la concertation et la participation de l'ensemble des acteurs portuaires.
Mesdames et messieurs les députés, j'attire votre attention sur ce que représente ce texte : la possibilité, si tout le monde joue le jeu, que notre pays redevienne la grande puissance portuaire qu'il aurait dû rester et qu'il reprenne sa place parmi les grandes puissances maritimes, grâce à sa flotte en augmentation.
Monsieur le président des affaires économiques, je voudrais une fois de plus vous remercier pour le travail accompli par votre commission.
J'aurai aussi une pensée particulière pour votre rapporteur, Jean-Yves Besselat, qui ne peut être présent parmi nous : il a apporté tout son enthousiasme et toute sa connaissance des dossiers pour faire en sorte que le travail commun entre le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat se déroule dans les meilleures conditions.
Mesdames, messieurs les députés, ce projet de loi n'est pas qu'un texte technique relatif aux ports, il concerne notre économie, nos exportations, le fonctionnement de nos territoires et je vous demande, au nom du Gouvernement, de bien vouloir l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en venons aux explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, pour lesquelles chaque orateur disposera de cinq minutes.
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, chers collègues, tout au long de nos débats, nous avons été nombreux à nous prononcer en faveur d'une vraie politique maritime française et à demander au Gouvernement d'affirmer une nouvelle ambition pour nos ports que, de Nantes-Saint-Nazaire à Dunkerque, du Havre à Marseille, nous aimons et nous défendons. Qu'il faille adapter certaines organisations, nous en convenons presque tous. Mais il ne suffit pas de parler de réforme pour que soit mise en oeuvre une grande politique en faveur du transport maritime et des ports. Malheureusement, comme vous le faites trop souvent, vous utilisez le mot de « réforme » pour masquer vos lacunes : en l'occurrence, votre absence d'ambition, votre absence de projets de développement et l'absence encore plus manifeste d'investissements publics pour les ports français. Ce terme est synonyme pour vous de changement autoritaire et non négocié, même si vous vous plaisez à parler de dialogue social.
Avec ce texte, vous avez poussé jusqu'à la caricature cette démarche imposée d'en haut. En effet, vous avez purement et simplement refusé tous les amendements, qu'ils viennent de l'opposition ou de la majorité. Alors même que vous parlez de réforme des institutions et que vous osez encore évoquer le dialogue social, vous foulez aux pieds les principes fondamentaux de la démocratie. Si j'en crois l'expérience de mes collègues, plus longue que la mienne, c'est la première fois qu'un projet de loi ayant été examiné au Sénat en première lecture n'a fait l'objet d'aucun amendement à l'Assemblée nationale.
Le fait que vous ayez d'abord présenté votre projet au Sénat en dit déjà long sur votre manque de respect pour les parlementaires élus au suffrage universel direct. Mais que le droit d'amendement des députés n'ait pu être exercé, voilà qui est tout simplement scandaleux. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cela est d'autant plus inacceptable qu'avec nos collègues socialistes, nous avions proposé de nombreux amendements constructifs, dont certains auraient été sans aucun doute de nature à envoyer un signe d'apaisement aux salariés des ports.
Ainsi, il est particulièrement choquant, pour ne pas dire vexatoire, que les salariés des ports n'aient que trois sièges dans les futurs conseils de surveillance.
Comment expliquer, par ailleurs, que l'État contrôle directement ou indirectement dix sièges, contre quatre seulement pour les collectivités locales, alors qu'il est aujourd'hui un moins bon financeur que celles-ci ?
Dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, nous avions proposé que les projets de développement des ports fassent systématiquement l'objet d'une étude d'impact environnemental. Nous avions également déposé des amendements qui visaient à donner leur place aux associations de défense de l'environnement et au Conservatoire du littoral, qui ont fait la preuve de leur efficacité – je viens de lire, dans Le Monde, une interview de notre collègue président du Conservatoire national du littoral à ce sujet. Mais vous avez refusé nos propositions...
Pas du tout !
..alors pourtant que les espaces naturels de nos estuaires ou de notre littoral ont déjà été largement dégradés.
Pour toutes ces raisons, et bien d'autres que nous ne pouvons pas développer aujourd'hui, les députés Verts, communistes et nos deux collègues de l'outre-mer du groupe de la gauche démocrate et républicaine voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au début de l'examen de ce texte, j'ai eu l'occasion d'affirmer mon soutien à la réforme de nos grands ports maritimes, réforme qui constitue une avancée importante pour l'avenir et la place de nos établissements portuaires en Europe et dans le monde.
L'ensemble des sept grands ports concernés par la réforme souffrent d'un manque de compétitivité dans un environnement concurrentiel difficile et dans un contexte de forte croissance mondiale des échanges maritimes. Cette situation est d'autant plus difficile à accepter que notre potentiel est très grand.
Je tiens à vous féliciter, monsieur le secrétaire d'État, pour avoir pris la mesure du problème en nous proposant ce projet de loi dans un contexte législatif chargé.
Ce texte contient des avancées notables dans plusieurs domaines. Il met fin à l'absence de commandement unique qui pèse sur l'organisation du travail depuis des années. Il modernise les règles de gouvernance et recentre les activités des établissements portuaires en distinguant nettement les missions de contrôle et la gestion courante. Ces améliorations devaient être apportées ; la réforme les propose.
Le groupe Nouveau Centre estime que le texte aurait pu aller plus loin sur d'autres sujets. Je pense notamment à la question de l'hinterland et à la desserte terrestre. Évidemment, ce texte concerne la modernisation de nos établissements portuaires et non l'aménagement du territoire du pays. Pourtant, il me semble impossible d'envisager l'un sans l'autre.
Vous l'avez entendu à plusieurs reprises pendant le débat, la bataille maritime se gagne à terre. La bonne forme économique actuelle des ports d'Europe du Nord tient à la qualité et à la rapidité de leurs dessertes ferroviaires et fluviales.
C'est pour ces raisons bien comprises que le projet vise à privilégier l'offre de ces dessertes en coopération avec les opérateurs.
Cependant, certaines questions restent en suspens, notamment les modalités de mise en application concrète de ces dispositions. Certains ont demandé à cet égard la mise en place d'un CIADT, afin de définir clairement la stratégie en la matière. Je me joins à leur demande et espère que le Gouvernement y sera favorable.
Enfin, la question du respect de l'environnement devra être également abordée afin de respecter l'esprit du Grenelle de l'environnement qui milite pour la réduction du trafic routier et le développement de l'intermodalité.
En conclusion, il s'agit d'un texte équilibré qui doit redonner à nos ports maritimes la place qu'ils méritent en Europe et dans le monde, tout en apportant des garanties satisfaisantes aux personnels de manutention et un vivier d'emplois nouveaux dans le secteur du transport.
Pour ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans la suite des explications de vote, la parole est à M. Daniel Fidelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Au nom du groupe UMP, je tiens à saluer le travail de Jean-Yves Besselat, rapporteur du présent texte, et l'assurer de toute notre amitié.
Je remercie également le Gouvernement pour la méthode adoptée dans la conduite de cette réforme, méthode fondée sur une globalité des problèmes.
La volonté de dialogue avec les représentants des personnels concernés par le transfert vers les entreprises de manutention est reconnue par tous – plus de cent réunions, deux tables rondes et une autre très prochainement. Nous espérons que les négociations de l'accord-cadre pourront aboutir bien avant le 31 octobre car toutes les dispositions sont prévues pour rassurer le salarié, notamment le droit de retour.
En outre, ce projet de loi représente 30 000 emplois supplémentaires dans la logistique et le transport, compte tenu des objectifs visés et de la croissance observée dans le trafic des porte-conteneurs.
Contrairement à nos collègues communistes, nous pensons que l'urgence économique s'impose à qui sait observer ou se renseigner.
L'urgence est structurelle d'abord, avec le poids des ports de la Mer du Nord et la part de marché de nos ports qui diminue malgré la mondialisation des échanges. Il fallait arrêter l'hémorragie. Conjoncturelle ensuite. À cet égard, je prendrai l'exemple du port du Havre qui a assisté, impuissant, à l'annulation de vingt-cinq escales cette semaine, ce qui représente 16 000 conteneurs et un chiffre d'affaires de 9,6 millions d'euros...
..ou bien encore celui du port de Marseille où des dizaines de bateaux attendent au large. Et je n'oublie pas non plus celui de Dunkerque, proche d'Anvers et de Rotterdam qui, eux, voient leur activité croître.
Après le vote, la semaine dernière, de la loi de modernisation de l'économie, il était urgent de relever le défi de la croissance dans ce secteur également. La clarification des rôles des acteurs publics et privés contribuera au renforcement de la compétitivité des entreprises grâce notamment à l'unicité de commandement, à l'investissement et au recentrage des ports sur leur mission d'aménageur et de gestionnaire du domaine.
Nous devons également veiller au développement de l'hinterland par le transport ferroviaire et le transport fluvial.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez rappelé que le Premier ministre était convaincu de la nécessité de consacrer un CIADT à nos ports. Cela me semble indispensable car la bataille des ports se gagne à terre.
Il était urgent également de moderniser la gouvernance des grands ports maritimes. Un équilibre a été trouvé entre l'État, les collectivités, les entreprises et les salariés dans les conseils de surveillance et de développement. L'instance de coordination des ports d'une même façade maritime permettra une certaine cohérence et une complémentarité dans leur activité.
Enfin, il était urgent de consentir des moyens financiers importants pour des investissements lourds qui deviennent indispensables. Le dispositif que vous avez envisagé est ambitieux puisque l'État a prévu de doubler sa participation pour la période 2009-2013. Une approche globale sur ce dossier était attendue. Nous ne sommes pas déçus. C'est pourquoi nous voterons cette réforme portuaire avec enthousiasme, en espérant que nos collègues du groupe socialiste, qui ont partagé les constats durant nos débats, seront plus audacieux que leurs collègues du Sénat qui se sont abstenus et sauront, sur ce dossier d'intérêt général, reconnaître les mérites du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Philippe Duron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les ports français n'ont pas tiré partie de l'exceptionnelle croissance du commerce international et du transport maritime constaté depuis plus d'une décennie.
Les grands ports européens de Rotterdam ou Anvers ont vu croître leur trafic de plus de 6 % par an quand les ports français progressaient en moyenne de 2 %. Une part importante des échanges extérieurs de la France se fait aujourd'hui par l'intermédiaire de ports comme Anvers ou Barcelone.
Les causes de la faiblesse des ports français sont connues. Elles tiennent à l'absence d'une grande politique maritime et portuaire, au sous-investissement chronique dont ont pâti les ports autonomes et plus encore les ports d'intérêt national que l'État a transférés aux collectivités territoriales, à la médiocrité et à l'insuffisance des liaisons ferroviaires et fluviales avec les hinterlands portuaires, enfin à l'organisation des ports français.
Le projet de loi portant réforme portuaire nous offrait l'occasion d'un grand débat à l'Assemblée nationale et la possibilité d'élaborer une réforme susceptible de redonner à nos ports l'efficacité dont ils ont le plus grand besoin.
Les parlementaires de tous les départements concernés par la réforme ont, par leur présence dans l'hémicycle, montré leur intérêt pour le débat. Michel Delebarre, le maire de Dunkerque, qui avait initié la loi Le Drian de 1992, le Président de la Région PACA, Michel Vauzelle, les maires de Rouen, Valérie Fourneyron, de Nantes, Jean-Marc Ayrault, de La Rochelle, Maxime Bonnot, les députés des Bouches-du-Rhône, de la majorité comme de l'opposition, de Seine-Maritime, de Gironde ou encore de Loire-Atlantique ou du Pas-de-Calais, s'étaient mobilisés pour un texte qu'ils attendaient.
Monsieur le secrétaire d'État, ce débat, attendu par la communauté portuaire et l'Assemblée nationale, vous l'avez confisqué. Qu'on en juge : les parlementaires de votre majorité ont été réduits au silence. N'avaient-ils rien à dire, aucun amendement à proposer ?
Les amendements de l'opposition, raisonnables et constructifs, ont tous été repoussés parfois sans explication. Ne voyez-vous pas la contradiction qu'il y a à prétendre renforcer les pouvoirs du Parlement à travers le projet de réforme constitutionnelle et, dans le même temps, empêcher l'Assemblée de faire son travail législatif et d'améliorer la loi par voie d'amendement ? Ne voyez-vous pas la contradiction qu'il y a à réserver cette possibilité au Sénat élu au second degré et à l'interdire, comme le faisait remarquer ici Michel Vauzelle, à l'Assemblée qui fonde sa légitimité sur le suffrage universel direct ?
Monsieur le secrétaire d'État, votre ignorance, votre mépris de la représentation nationale suffirait à expliquer notre refus de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mais en fait, notre vote se fonde sur une conviction : votre réforme n'est pas à la hauteur de ce que devrait être une vraie politique maritime et portuaire.
Vous n'apportez pas aux grands ports maritimes les investissements dont ils ont besoin. Vous annoncez 45 millions d'euros de crédit d'État pour les sept grands ports maritimes quand Rotterdam investira un milliard d'euros dans la même période. Et encore, nous doutons de votre capacité à mobiliser ces crédits quand l'Agence de financement des infrastructures terrestres de France annonce, pour les années à venir, une impasse de financement de deux milliards d'euros par an.
Les 15 milliards d'euros engagés trop vite, les cadeaux fiscaux imprudemment distribués dans le cadre de la loi TEPA auraient été fort utiles pour moderniser les infrastructures portuaires, ferroviaires et fluviales. Ce point de croissance dont la France a le plus grand besoin, vous l'aviez dans le transport et la logistique.
Dans notre pays, ce secteur d'activité ne contribue qu'à hauteur de 6 % du produit intérieur brut contre 11 % au Benelux.
Ensuite, nous considérons que la réussite de la réforme portuaire ne peut se faire qu'à condition de mobiliser l'ensemble de la communauté portuaire. En refusant d'associer les personnels de manutention, les portiqueurs et les dockers à la nouvelle gouvernance des ports, vous stigmatisez ces personnels et privez les ports de leur expérience.
Au moment où vous peinez à présenter au Parlement les lois de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, vous avez refusé tous les amendements de l'opposition qui auraient permis de mobiliser l'expertise des organismes et associations de protection de l'environnement au service des ports.
Enfin, nous avons souhaité élargir aux ports décentralisés les avancées que ce texte permettait notamment en termes d'avantages fiscaux. Nous vous avons également montré que cette réforme introduirait une flagrante distorsion de concurrence entre les grands ports maritimes et les ports décentralisés. Mais, une fois de plus, vous n'avez pu ou pas voulu entendre.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera contre le projet de loi portant réforme portuaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 485
Nombre de suffrages exprimés 484
Majorité absolue 243
Pour l'adoption 298
Contre 186
Le projet de loi est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (n° 916, n° 973).
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, qui nous rejoindra plus tard.
Ce texte s'inscrit dans le prolongement des débats du Grenelle de l'environnement, puisqu'il traite de questions qui ont déjà été abordées par les groupes de travail et, parfois, par les comités opérationnels, notamment en ce qui concerne la responsabilité, la lutte contre les pollutions, la préservation de la biodiversité et l'indemnisation. En outre, il permet de transposer enfin une grande partie d'une directive communautaire innovante, mais complexe.
Grâce à ce projet de loi, et grâce au travail effectué par les députés et les sénateurs, notre pays complète la transposition du droit communautaire au moment où, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, nous nous trouvons soumis à une véritable obligation d'exemplarité. En effet, plus nous serons exemplaires dans notre droit et nos politiques publiques, plus nous serons crédibles dans les discussions à venir sur le climat, la consommation durable et l'écoconception.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais préciser certains points. Le titre Ier est consacré à la transposition de la directive 200435CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en matière de prévention et de réparation des dommages environnementaux. Je rappelle que cette directive devait être transposée avant le 30 avril 2007, mais, à ce jour, elle ne l'a été que par une douzaine d'États membres. Les autres, dont la France, ont reçu de la Commission les mises en demeure, puis les avis motivés qui sont automatiquement adressés lorsque les échéances de transposition sont dépassées.
De ce fait, nous étions confrontés à deux exigences contradictoires : il fallait, d'un côté, mettre notre droit en conformité avec le droit européen dans de brefs délais, de l'autre, organiser un débat approfondi et de qualité sur des questions souvent complexes. Sans vouloir préjuger du résultat de vos travaux, il me semble que ce double pari a été tenu, puisque ce texte a fait l'objet d'une large consultation en 2006 et 2007, auprès des administrations, des organisations professionnelles, des associations et des élus.
La transposition de la directive européenne sur la responsabilité environnementale est importante. Elle engage une véritable révolution philosophique, économique et écologique, en mettant en oeuvre l'un des principes essentiels de la Charte de l'environnement, le principe du « pollueur-payeur ». Pour la première fois, la loi – et non la jurisprudence – affirme l'existence d'un préjudice écologique, indépendamment du seul préjudice économique. Pour la première fois, le droit français reconnaît que la biodiversité a bel et bien un prix, qu'elle rend des services à la collectivité et que ces services doivent être, dans la mesure du possible, valorisés.
Le projet de loi sur la responsabilité environnementale permet ainsi d'inscrire dans notre droit la prévention et la réparation de tous les dommages écologiques purs, comme la pollution des sols, les atteintes à la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines, ou les atteintes à la préservation des espèces et des habitats naturels protégés. En évoquant les notions de juste prix écologique, de valorisation des services rendus par la biodiversité, d'équilibre entre droits et devoirs de chacun, de responsabilité et de changement de paradigme, nous nous plaçons bien au coeur des préoccupations du Grenelle de l'environnement.
Ce texte va plus loin qu'une simple indemnisation, puisqu'il impose une obligation de prévention et de réparation à l'exploitant dont l'activité présente une menace potentielle pour l'environnement. L'exploitant devra en effet prendre les mesures nécessaires afin d'éviter tout risque de dommage environnemental, et, en cas d'accident, son obligation inclura la réparation des dommages et la remise en état des habitats naturels, des milieux protégés, la préservation des espèces. En cas de carence, le représentant de l'État pourra l'obliger à agir, voire, dans les cas extrêmes, se substituer à lui.
En conséquence, cette transposition crée un nouveau régime de responsabilité pour les dommages environnementaux les plus graves, qui ne se substituera pas pour autant au droit existant, lequel assure déjà un certain niveau de protection et de prévention pour les dommages inévitables. Le nouveau dispositif concernera uniquement les dommages qui ne relèvent pas d'un régime de responsabilité déjà en vigueur, comme les dommages aux biens et aux personnes, les dommages couverts par certaines conventions internationales relatives au transport maritime d'hydrocarbures ou de substances chimiques dangereuses, les dommages relatifs aux activités nucléaires, ou les dommages étendus ou diffus, dont les auteurs sont trop nombreux pour qu'une définition et une répartition de leur responsabilité soient possibles.
Je précise que le Gouvernement a décidé que les exploitants bénéficiant d'une autorisation d'exploitation ne seront pas exonérés de toute responsabilité, la transposition de la directive européenne visant à mettre en place un cadre incitatif pour toutes les activités. Toutefois, afin d'échapper à la charge financière de la réparation, les exploitants pourront invoquer le risque de développement, sous réserve qu'ils prouvent qu'ils n'ont commis aucune faute ou négligence.
Le texte soumis à votre examen atteint un équilibre reconnu aussi bien par les représentants des professionnels que par les organisations non gouvernementales. Il pose les bases d'un dialogue constructif entre l'exploitant et l'autorité compétente – en l'occurrence le préfet du département –, les mesures contraignantes n'intervenant que s'il n'existe aucune autre solution pour garantir la sécurité de chacun.
Je me félicite que les amendements proposés par votre commission, sur la base de l'excellent travail de son rapporteur Alain Gest, non seulement préservent, mais renforcent encore cet équilibre. Le nouveau dispositif de police administrative mis en place par le titre Ier ne dépasse pas les exigences de la directive tout en préservant l'acquis législatif et réglementaire français, notamment en matière de prévention et de réparation des dommages.
J'en viens au titre II, qui regroupe les dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement. Les objectifs sont globalement identiques à ceux du titre Ier : améliorer la conformité de notre législation environnementale avec les règles communautaires et réduire les risques de contentieux pour retard ou défaut de transposition. Cette partie du projet est le fruit de plusieurs amendements déposés par la commission des affaires économiques du Sénat, par plusieurs membres de la Haute assemblée et par le Gouvernement.
Au terme de débats très riches, malgré l'urgence, malgré la complexité et la technicité des textes, nous sommes parvenus, là encore, à d'importantes avancées en matière de transposition et, plus largement, de protection de l'environnement. Je n'en prendrai que quelques exemples.
L'article 6 du projet de loi permet de transposer dans sa totalité – aucune disposition réglementaire complémentaire n'étant nécessaire – la directive 200535CE « relative à la pollution par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions ». Il s'agit d'un grand progrès et d'une réponse très concrète à une préoccupation récurrente et légitime de nos concitoyens, alors que l'affaire Erika est encore dans tous les esprits.
L'article 7 comporte, quant à lui, des dispositions qui complètent la transposition de deux directives traitant du sujet, tout aussi sensible, de la qualité de l'air. Le volet réglementaire qui doit les mettre en oeuvre devrait être publié dans des délais raisonnables.
L'article 8 apporte des compléments et des précisions cruciales pour la transposition de trois directives concernant la lutte contre le changement climatique.
L'article 9 contribue à parfaire la transposition de la directive de 1998 sur les produits biocides et la mise en conformité de notre droit avec plusieurs règlements communautaires dans le même domaine. Là encore, l'attente du public est très forte en matière de transparence, de sécurité, d'information et de prévention.
L'article 10 complète la transposition de la directive de 2002 sur le traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques, et introduit, conformément à un règlement communautaire sur les polluants organiques persistants, des sanctions pénales.
L'article 11 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter notre législation à un règlement communautaire de 2006 consacré aux transferts de déchets.
L'article 12 habilite également le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter notre législation à cinq autres règlements, dont le très important « REACH », relatifs aux substances et produits chimiques, tels certains gaz à effet de serre fluorés, les polluants organiques persistants ou autres substances qui appauvrissent la couche d'ozone.
Ces adaptations extrêmement techniques seront vite finalisées et le Parlement sera dûment associé à leur mise en oeuvre, depuis l'élaboration des ordonnances jusqu'à leur ratification.
L'article 13, enfin, aborde le sujet très délicat de la protection des espèces et des habitats naturels envisagée par la directive Habitats Faune Flore de 1992 . Nous devons rapidement nous mettre en conformité avec certaines dispositions de celle-ci, qui ont d'ailleurs été précisées par la jurisprudence de la Cour de justice ; il faut éviter que la Cour, qui a été saisie le 2 juin de cette question, ne nous impose des contraintes trop fortes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je sais que nous travaillons un peu dans l'urgence et dans des conditions parfois difficiles, mais nous devons impérativement rattraper notre retard avant que ne débute, dans quelques jours, la présidence française de l'Union européenne.
À nouveau, je tiens à remercier vivement votre rapporteur, M. Alain Gest, et les membres de la commission des affaires économiques qui, au terme d'un travail de consultation considérable, se sont complètement approprié ce texte et l'ont complété et amélioré sur de nombreux points.
Nous resterons extrêmement vigilants dans l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à l'achèvement des transpositions ou des adaptations, afin de concilier l'exigence de rapidité avec celle de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Alain Gest, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le débat qui s'ouvre cet après-midi est principalement destiné à transposer dans notre droit interne la directive 200435CE du 21 avril 2004, qui vise à créer un régime de responsabilité applicable à la prévention et à la réparation des dommages causés à l'environnement. « Principalement », parce que le texte qui nous est présenté comporte désormais deux titres, dont le premier seulement concerne la directive. Le second, qui résulte d'amendements adoptés au Sénat – et n'existait donc pas le mois dernier, lorsque votre rapporteur a été désigné par la commission des affaires économiques –, procède, de façon tardive, à la transposition d'une série de directives.
Certes, on peut comprendre que le Gouvernement ait déclaré l'urgence pour la transposition d'une directive qui aurait dû être transposée avant le 30 avril 2007. Certes, il est louable, de la part de nos collègues du Sénat, de souhaiter que la France soit, à la veille de présider l'Union, irréprochable au regard de ses obligations environnementales. Mais, monsieur le ministre, la commission des affaires économiques aurait aimé discuter de ce projet depuis avril 2007, comme son homologue du Sénat. L'accélération de notre ordre du jour, que vous venez d'ailleurs de reconnaître, ne peut que donner raison à ceux qui souhaitent en rééquilibrer la définition en votant la réforme de notre Constitution.
Compte tenu de l'aspect essentiellement technique des dispositions des articles 6 à 13, je centrerai mon intervention sur ce qui demeure l'essentiel, la transposition de la directive « responsabilité environnementale ». Ce texte, relativement court, revêt pourtant, à mes yeux, une importante portée politique. Il vient en effet ajouter – et non substituer à l'existant – un régime de responsabilité en matière environnementale. Dans ce dessein est instituée une nouvelle police administrative destinée à prévenir et à réparer les dommages causés non à des biens appartenant à une personne physique ou morale, mais à des biens non susceptibles d'appropriation, autrement dit aux biens d'intérêt collectif que constituent les ressources naturelles.
Les modifications que ce texte entraîne pour notre code de l'environnement représentent bien une mini-révolution : elles mettent en oeuvre les principes édictés par la Charte de l'environnement que nous avons intégrée dans notre Constitution, dans son article 3 pour la prévention, et dans son article 4 pour ce qui est de la réparation. Il ne s'agit pas, dans ce texte, de prévoir une réparation pécuniaire, mais d'éviter la dégradation d'un site ou d'en organiser la remise en état. Même si la jurisprudence récente concernant l'affaire de l'Erika a démontré que les juges pouvaient prendre en compte le préjudice moral évoqué par une association ou l'atteinte à l'image d'une collectivité locale, ce texte franchit une nouvelle étape dans la reconnaissance de la responsabilité d'une activité, quelle qu'elle soit, à l'égard de ce bien commun qu'est la nature.
Comme la directive, le texte que nous propose le Gouvernement consacre le principe pollueur-payeur mais il ne l'interprète pas comme un droit monnayable à polluer. En cela, il est fidèle au débat que nous avions eu lors de la discussion de la Charte de l'environnement. Est-ce à dire qu'avec ce texte nous allons engager la responsabilité pleine et entière des entreprises, s'agissant de tous les dommages environnementaux que leurs activités peuvent éventuellement entraîner ? La réponse est négative.
En premier lieu, ce texte ne concerne que les détériorations qui présentent un réel caractère de gravité dans trois domaines : pour la santé humaine du fait de la contamination des sols, pour l'état écologique de l'eau et pour l'atteinte aux espèces et aux sites protégés en application de la directive Natura 2000.
En second lieu, si la responsabilité sans faute est la règle pour les activités les plus dangereuses, il en va autrement pour les dommages liés aux activités ne présentant pas, a priori, de risques pour l'environnement. Dans ce cas, la pollution doit résulter d'une faute ou d'une négligence de l'exploitant. Le lien de causalité doit être clairement établi par l'autorité compétente, à savoir le préfet, comme l'indiquera le projet de décret d'application que le Gouvernement a déjà préparé.
Pas plus que nos collègues sénateurs, votre commission des affaires économiques n'a souhaité bouleverser les équilibres de ce texte…
…qui s'appuie sur un principe, la fidélité à la directive, sans toutefois négliger le maintien de dispositions nationales parfois plus contraignantes. Je me contenterai donc d'attirer votre attention sur les traits les plus marquants de ce projet, ceux qui ont suscité des investigations plus approfondies de la part de votre rapporteur et d'importants débats en commission.
Tout d'abord, nous n'avons pas modifié la définition que les sénateurs ont donnée de l'exploitant responsable : c'est celui qui exerce la direction effective de l'activité, ce qui conduit, apparemment, à exclure la responsabilité des actionnaires ou des maisons mères. J'entends déjà s'élever les voix pour prétendre que les engagements pris par le Président de la République, lors de son discours de restitution du Grenelle le 25 octobre dernier, ne sont pas tenus.
Ce serait faire une lecture sélective de ses propos : s'il a bien évoqué la nécessité d'engager la responsabilité des maisons mères, il a manifesté sa volonté de porter le débat au niveau européen.
L'article 46 du projet de loi présenté le 11 juin dernier en Conseil des ministres en atteste. Dans l'attente que ce principe soit retenu au niveau européen, voire au plan international, il ne nous a pas paru judicieux de créer des distorsions de concurrence préjudiciables aux entreprises de notre pays. Dès lors, il ne nous a pas semblé cohérent que, dans le cas où un dommage s'avère avoir plusieurs causes, le préfet soit amené à rechercher la responsabilité du fabricant d'un produit. Nous vous proposerons donc la suppression de l'amendement sénatorial qui, de surcroît, ne nous paraît pas en mesure d'atteindre le but recherché, à savoir rassurer les exploitants utilisateurs dudit produit.
Nous avons par ailleurs souhaité ne pas nous éloigner du droit commun français. Ainsi en est-il concernant la prescription trentenaire, qui s'applique, mais à compter du fait générateur du dommage, dès lors que celui-ci n'est pas survenu avant le 30 avril 2007, dernier délai pour l'application de la directive. Nous ne manquerons pas d'avoir des débats à ce propos, bien que, sur le dernier point, il s'agisse de l'application de l'article 17 de la directive qui vise à éviter un contentieux rétroactif.
Conformément à l'annexe II de la directive, nous avons retenu trois types de mesures de réparation : primaires, visant à retrouver l'état initial ; complémentaires, tendant à ce que les services écologiques soient identiques à ce que l'état initial permettait ; compensatoires, lorsqu'il s'agit de compenser les pertes intermédiaires qui surviennent entre la date du dommage et celle du rétablissement du site.
Bien évidemment, il nous est apparu nécessaire d'examiner les options permises par la directive. S'agissant des exonérations de responsabilité de l'exploitant, nous avons maintenu celle pour risque de développement. Nous avons considéré que le coût des réparations ne pouvait être imputé à un exploitant n'ayant commis ni faute ni négligence et dont l'activité ayant provoqué le dommage n'était pas susceptible de le faire en l'état des connaissances au moment du fait générateur. En revanche, sa responsabilité peut être engagée même en cas de respect du permis d'exploiter.
En ce qui concerne le débat sur l'opportunité d'instaurer un mécanisme de garanties financières, qui a suscité de nombreux amendements, votre rapporteur vous proposera de retenir la solution présentée par le Gouvernement et maintenue par le Sénat : elle consiste à laisser le soin à une offre du marché des assureurs de prendre en compte la couverture de ce risque. Sur ce point, la « clause de revoyure » en 2010 prévue par la directive nous a semblé particulièrement opportune afin de vérifier la réalité, évoquée parfois au cours de nos auditions, d'une difficulté à développer une offre pour un risque difficile à évaluer.
Pour conclure sur ce titre Ier, je souhaiterais vous signaler, l'amendement présenté par le sénateur de Vendée, M. Retailleau, et devenu désormais l'article 4 bis, qui autorise les collectivités territoriales et leurs groupements à se constituer partie civile en cas de dommages à leur environnement. Bien entendu, il ne nous viendrait pas à l'idée de contester les motivations, ô combien légitimes, qui ont inspiré son rédacteur et le vote unanime du Sénat. Néanmoins, il me semblait de mon devoir de rapporteur de préciser que cet amendement aurait eu davantage sa place lors de la transposition de la directive pénale actuellement en préparation. Inséré dans une loi consacrée à la création et à la définition d'une police administrative, cet article pourrait éventuellement créer la confusion et, à ce titre, n'a pas été soutenu par le Gouvernement.
Pour terminer mon intervention, je souhaiterais, en quelques mots, évoquer le titre II du projet de loi qui vous est présenté. Je vous rappelle qu'il est essentiellement consacré à la transposition de directives qui auraient figuré dans le projet de loi relatif au Grenelle de l'environnement si celui-ci avait pu trouver sa place dans l'ordre du jour de juillet. Les articles ont trait à la qualité de l'air, à la lutte contre l'effet de serre et notamment à la constitution de réserves de quotas de CO2 sur lesquelles nous reviendrons probablement dans notre débat, aux biocides, aux déchets électriques ou électroniques ménagers, à la directive REACH ou bien encore à Natura 2000. Le caractère technique de la plupart de ces articles répond parfois à la volonté de respecter un degré de précision voulu par la Commission européenne.
Votre commission a essentiellement apporté des modifications au texte d'origine à propos de la répression des pollutions marines. À la demande de votre rapporteur, et à l'unanimité, elle a souhaité durcir très sensiblement les peines d'amendes encourues par les navires souvent dénommés « poubelles » et harmoniser les sanctions carcérales pour éviter que celles-ci ne concernent que les navires arborant un pavillon français, qui, à ce jour, figurent en tête du classement des navires mondiaux. Je sais, monsieur le ministre, que nous ne portons pas nécessairement la même appréciation sur ce problème. Une décision, dans ce domaine comme dans les autres, doit être juste pour être admise et comprise. Dans l'attente de conventions internationales harmonisant les peines encourues, conventions auxquelles, le moment venu, je ne m'opposerai pas, notre intérêt n'était ni de pénaliser ceux qui veulent respecter nos mers ni d'encourager l'utilisation de pavillons de complaisance.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conclusions auxquelles est parvenue votre commission des affaires économiques qui, sous réserve des amendements qu'elle propose, vous demande d'adopter ce texte qui constitue à l'évidence un progrès pour le respect de notre environnement, dans l'esprit de la Charte constitutionnelle et du Grenelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Yves Cochet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il fallait transposer la directive européenne sur la responsabilité environnementale. On ne peut donc que se réjouir que le Gouvernement ait décidé d'inscrire ce texte à l'ordre du jour. Après tous les incidents et catastrophes – Seveso, La Mède, AZF, l'Erika, le Prestige et bien d'autres – il était temps de se pencher sur ces risques toujours plus lourds, fréquents et parfois irréversibles qui affectent l'environnement. Je tiens, dès à présent, à rappeler que, derrière ces événements spectaculaires, se cachent également des pollutions beaucoup plus sournoises, moins visibles, mais tout aussi dévastatrices : l'utilisation intense de pesticides, la contamination transgénique, la destruction des forêts, l'accumulation des déchets toxiques et radioactifs.
Tous ces dommages causés à l'environnement ont, à l'origine, la même triste motivation : la maximisation des bénéfices des entreprises et l'usage de technologies qui ne sont pas maîtrisées. J'en veux pour preuve que la réparation de ces dommages coûte fort cher.
Il était donc temps de transposer en droit français le principe « pollueur-payeur » très attendu de nos concitoyens pour cesser de considérer que la nature n'est qu'une décharge.
Je critiquerai cependant la méthode à laquelle vous recourez pour la transposition. Des oublis, des manques, des négligences et des ambiguïtés figurent à toutes les pages – je devrais dire à tous les articles – du texte, lequel passe à côté des fondements du régime européen de responsabilité. Plusieurs points occultés ou négligés traduisent la mauvaise volonté dont le Gouvernement fait preuve pour mettre en place un système de responsabilité environnementale véritablement sûr et solide.
La motivation centrale de cette question préalable est donc l'inaboutissement de ce projet de loi qui mériterait d'être complété et précisé pour être notamment conforme aux engagements du Grenelle de l'environnement. Le calendrier bousculé montre d'ailleurs bien la précipitation du Gouvernement. Pendant deux ans, vous avez négligé ce texte. Il semble que le souci – évidement louable – de présenter rapidement à la Commission européenne un texte transposé ait conduit à une transposition a minima, sans ambition, une transposition que l'on pourrait qualifier de « clé en main », pour éviter une procédure en manquement. Il aurait été bien plus pertinent, au regard des espoirs qu'avait pu faire naître le Grenelle, d'aller plus loin que les simples objectifs de la directive, mais vous vous êtes limités aux orientations fixées par l'Union européenne en restreignant la portée de ce texte au profit d'une vision parfois archaïque de l'écologie, une écologie bien fade qui ne s'oppose pas à la logique productiviste.
Pourtant, l'objet de cette directive est de définir un minimum d'harmonisation européenne. Les États membres sont d'ailleurs encouragés à aller beaucoup plus loin pour faire progresser le droit communautaire.
Beaucoup d'étapes dans l'élaboration de ce texte ont été brûlées, ne serait-ce, je le rappelle, qu'au regard du Grenelle de l'environnement. Je me suis renseigné. J'ai pris connaissance des documents mis en ligne sur le site de votre ministère. Ainsi, que lit-on, dans le récapitulatif des tables rondes du Grenelle de l'an dernier au chapitre « Gouvernance » ? Il était question d'« organiser un travail conjoint avec les parlementaires français et les acteurs concernés sur les questions des indicateurs sociaux et environnementaux et de la comptabilité des entreprises, en vue de la transposition de la directive responsabilité environnementale ». Pour moi, ce travail commun n'a pas eu lieu, ou, du moins, les députés Verts n'y ont pas été conviés. Il est très regrettable que cette réflexion ait été menée très rapidement pour nous être proposée dans des délais extrêmement courts.
Dans ce texte, tout est mou. Rien n'est clairement défini. Le plus grave, c'est que les éléments les plus importants – je pense que Mme Reynaud m'approuvera – sont renvoyés à un décret.
Je vous remercie de votre approbation, madame Reynaud !
Le chapitre V du titre Ier est vaguement intitulé « Dispositions diverses ». C'est pourtant là que tout se joue. À partir de l'alinéa 127 dudit chapitre, le principe « pollueur-payeur », ses modalités et ses implications sont renvoyés au pouvoir réglementaire. Ainsi, un décret en Conseil d'État fixera la liste des activités énumérées à l'annexe III de la directive. Cette liste est mentionnée en amont à l'article L. 162-1. Pourquoi ne pas inscrire directement dans la loi une liste d'activités dont la nature présente des risques de dommages environnementaux ? Cette liste pourrait évidemment rester ouverte en vue de l'ajout de nouvelles formes de pollutions possibles. N'est-il pas raisonnable de vouloir circonscrire clairement dans le champ d'application de la loi les risques que nous faisons courir à l'environnement ? Pourquoi laisser au Conseil d'État une telle marge de manoeuvre ? Nous sommes tous là aujourd'hui, même si nous ne sommes pas très nombreux – mais nous sommes évidemment la « crème » de l'Assemblée nationale, et j'associe bien entendu à ces louanges le Gouvernement et la commission des affaires économiques…
…pour améliorer ce texte. À partir des précisions apportées par la directive, nous aurions pu énumérer, dans la loi, les pollutions les plus intenses.
Le décret en Conseil d'État aura pour objectif de désigner l'autorité administrative compétente pour mettre en oeuvre les dispositions du titre Ier. Je crois que M. le rapporteur m'approuve…
En commission, on nous a dit qu'il ne fallait pas que nous nous inquiétions et que ce serait de la responsabilité du préfet, comme précisé dans le décret. Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi ? Au moins serions-nous sûrs que l'autorité compétente sera le préfet, quitte à ergoter ensuite pour savoir si ce sera le préfet du département de départ de la pollution ou celui du département où elle sera constatée, qui ne sont pas forcément les mêmes.
Ce projet de loi n'a pas non plus eu l'ambition d'instituer une agence du risque environnemental lié aux activités des entreprises, comme nous avons pu le voir lors de l'examen de la loi sur les OGM, avec le Haut conseil des biotechnologies.
Le décret déterminera également « les conditions d'appréciation de la gravité d'un dommage ». Il ne nous reviendra donc pas de dire ce qui est grave ou non, mais cela incombera au Gouvernement et au Conseil d'État.
Il est bien fait référence à l'annexe I de la directive qui énumère les critères déterminants de l'étendue d'un dommage. Mais la formulation est ambiguë. Il est dit, par exemple, que les conditions d'appréciation de la gravité d'un dommage sont déterminées « en prenant en compte » les critères énumérés à l'annexe I de la directive. Il aurait été, selon moi, plus simple et plus clair d'indiquer dans la loi que les critères de gravité sont établis « conformément » à l'annexe I. Il ne faut pas se contenter de « prendre en compte ». Pourquoi cette rhétorique évasive ? Ne cherche-t-on pas à contourner les dispositions définies au niveau communautaire ? Il y a là un manque de rigueur et de précision.
C'est encore le décret qui précisera le contenu et les conditions de la mise en oeuvre des mesures de prévention et de réparation. Il nous revient tout de même de le dire également. Il devra aussi déterminer les conditions dans lesquelles les associations pourront saisir l'autorité compétente, c'est-à-dire le préfet. Mais c'est à nous de le faire. Nous sommes donc frustrés d'un vrai débat sur des points législatifs, alors que tout est reporté au décret.
On nous a précisé que ce décret était déjà rédigé. Ainsi, il l'est avant même que l'Assemblée n'ait discuté de ce projet de loi en première lecture. C'est le monde à l'envers ! Le décret existe, alors que nous n'avons pas débattu du texte. Où allons-nous ? C'est un déni de démocratie, monsieur le ministre !
Cela contredit, en effet, la réforme des institutions tendant à donner davantage de pouvoirs à l'Assemblée. Ici, tout est renvoyé au décret, qui est déjà écrit. Nous n'avons donc plus rien à faire. Nous allons tout de même discuter. Je pense même – et c'est l'objet de ma question préalable – que l'on devrait discuter encore plus que ce qui est prévu.
En matière de garanties financières, et contrairement à ce que nous a précisé M. le rapporteur, il y a, dans ce texte, un oubli central, une impasse totale. En effet, il passe délibérément à côté de la question du système d'assurances obligatoires.
C'était pourtant une question déterminante pour parvenir à mettre en oeuvre le principe de l'article 4 de la Charte de l'environnement, élevé au rang de principe constitutionnel, selon lequel « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement ».
Le projet de transposition tel qu'il nous est proposé faillit à cette mission. En renonçant à imposer des garanties financières, il multiplie le nombre de pollueurs insolvables potentiels, notamment pour ce qu'on appelle parfois les sites orphelins. Il faut mener une recherche historique pour savoir qui a pollué, à quel moment. Là, on ne saura pas, et c'est la collectivité qui paiera. Je donnerai quelques exemples extrêmement précis au cours du débat, par exemple les cyanures de Louvres dans le Val-d'Oise, ou l'usine Kodak à Vincennes, sur laquelle on a construit une école.
Bref, l'absence de dispositif de sécurité financière obligatoire pour les opérateurs à haut risque laisse croire que le mot d'ordre du Gouvernement est « pollueur partout, payeur nulle part ».
Pourtant, rien n'empêchait d'aller plus loin que les exigences fixées par la directive 200435.
Monsieur Cochet, évitez de fouetter la crème de l'Assemblée, elle réagit vite ! (Sourires.)
Je ne provoque pas les réactions, elles sont spontanées, plutôt du côté de mes amis d'ailleurs, car ce texte est insuffisant.
Le texte communautaire délimite des objectifs minimaux à respecter, mais il encourage chaque État membre à se doter d'instruments de protection et de garantie encore plus ambitieux. C'est d'ailleurs explicitement écrit dans l'article 14 de la directive : « Les États membres prennent des mesures visant à encourager le développement […] d'instruments et de marchés de garantie financière, y compris des mécanismes financiers couvrant les cas d'insolvabilité ». Cela ne figure pas dans le projet.
C'est donc un texte frileux qui nous est proposé aujourd'hui. D'autres États membres, comme l'Espagne et l'Allemagne, ont été beaucoup plus audacieux. Chez nous, c'est toujours l'aspect économique qui prévaut, la justification avancée étant de ne pas pénaliser les entreprises françaises en les soumettant à des obligations qui ne seraient pas présentes dans d'autres pays européens : elles existent pourtant chez nos plus proches voisins.
Le cas de l'Espagne est très intéressant. Dès 2005, une conférence autour de la question de la responsabilité environnementale a été organisée et de nombreux débats ont eu lieu, auxquels ont participé ONG, secteur marchand et compagnies d'assurances, une sorte de Grenelle espagnol avant le vôtre, monsieur le ministre, concentré sur la question de la responsabilité des entreprises. La loi espagnole a prévu la mise en place de garanties financières pour les activités à risque.
Quatre modes de garanties sont envisageables : une assurance souscrite auprès d'une société d'assurances, le cautionnement par un tiers, une garantie bancaire ou une consignation.
La mise en place du système de garanties semble être une vraie préoccupation pour les assureurs, et c'est une condition essentielle à la réalisation d'une responsabilité effective et à l'application effective du principe « pollueur-payeur ».
C'est une question de cohérence dans notre engagement en tant que parlementaires. Il serait absurde de voter ce texte qui ne respecte pas le principe « pollueur-payeur ». Cela n'aurait pas de sens pour nous, car il n'offre pas les conditions satisfaisantes pour assurer le financement des coûts liés aux dommages environnementaux.
Puisque nous parlons d'argent, vous avez dit, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que l'on pouvait réclamer des réparations en nature et non pas en espèces. Il est vrai que tout n'est pas quantifiable financièrement. Je viens d'ailleurs de lire dans Le Monde de cet après-midi qu'un économiste indien, M. Pavan Sukhdev, allait être chargé par l'Union européenne de faire une sorte d'évaluation financière, économique et monétaire de la nature. Selon lui, il faut donner un prix à la nature pour pouvoir la protéger.
C'est une vraie question. Il est évident qu'il faut parfois réparer avec quelques millions d'euros les dommages réellement causés, on l'a vu à propos de l'Erika, mais quel est le coût de la nature ? Combien valent par exemple les biens ou les services publics de la nature fournis par les écosystèmes ?
Combien vaut la raréfaction des hydrocarbures ? Ce qu'on paie actuellement, c'est le coût d'extraction, de transport, de raffinage, de distribution, auquel s'ajoutent les profits des entreprises et les taxes de l'État, mais le coût de la raréfaction n'est jamais pris en compte. Or c'est un coût géologique. Pour faire des hydrocarbures, il faut tout de même 100 millions d'années. Combien vaut-il d'ailleurs ? On peut dire que, d'une certaine manière, il est incommensurable et que toute évaluation financière est impossible.
De même, quel serait le coût de la destruction de certaines espèces ou même de la perte de la biodiversité ? Certains savants considèrent que nous sommes face à une forme de cinquième extinction d'espèces. Combien cela coûte-t-il ? Qui peut le dire dans la mesure où l'ADN, ce merveilleux mécanisme qui est à la base de la vie, a mis plus d'un milliard d'années à se constituer ? Personne ne peut dire combien valent certaines espèces. Nicholas Stern, un économiste qui a travaillé à la Banque mondiale et qui conseille le gouvernement anglais, a lui aussi essayé d'évaluer le coût du changement climatique et de sa réparation. C'est très difficile dans la mesure où l'atmosphère est un bien public mondial. Il a parlé de 5 000 milliards de dollars par an jusqu'en 2050. Qui peut le dire ?
Il y a un problème de quantification. Pour certains économistes, il faut internaliser les externalités. L'économie capitaliste dominante montre bien que le coût des dégâts dans les écosystèmes, de la pollution de l'eau, de l'atmosphère, c'est une externalité. Au départ, cela n'existe pas. Ce qui compte, c'est le circuit soi-disant vertueux entre les consommateurs et les producteurs, les entreprises et les ménages. La nature n'existe pas. C'est une espèce de non-dit psychanalytique de l'économie contemporaine.
Dans les années 70, les écologistes aimaient bien citer le grand chef indien Seattle, que certains d'entre vous connaissent peut-être. Voici ce qu'il disait, au XIXe siècle : « Combien vaut la fraîcheur de l'air ou le miroitement de l'eau ? Combien vaut chaque aiguille de pin luisante, chaque grève sablonneuse, chaque écharpe de brume dans le bois noir, chaque clairière, chaque bourdonnement d'insecte ? Les fleurs parfumées sont nos soeurs, le cerf, le cheval, le grand aigle sont nos frères ; les crêtes des montagnes, les sucs des prairies, le corps chaud du poney, et l'être humain lui-même, tous appartiennent à la grande famille de la nature. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est de la poésie ! En réalité, je pense que c'est un document apocryphe rédigé par un militant de Greenpeace il y a trente-cinq ans (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais c'est assez bien fait.
J'en viens au cinquième et dernier point de mon intervention.
Si l'on veut honnêtement mettre en oeuvre le principe de responsabilité, les sociétés doivent assumer elles-mêmes leurs torts et endiguer les effets de leurs actions polluantes le plus sérieusement possible. Il ne suffit pas d'avoir un discours verdâtre, il faut aussi un véritable engagement dans les actes. La grande mode – on le voit dans les publicités, à la télévision, dans les journaux –, c'est le green washing, ce qu'on peut appeler l'« écoblanchiment ». Ça a l'air vert, ça a le parfum de l'écologie, mais ce n'est pas de l'écologie. C'est d'ailleurs pareil à l'UMP : ça a l'air écolo, mais ça ne l'est pas du tout. Le green washing est un procédé de marketing ayant pour but de donner à l'opinion publique une image écologiquement responsable, alors qu'on a investi davantage en publicité verdâtre qu'en de réelles actions en faveur de l'environnement.
Ce texte est un peu à cette image. C'est du marketing vert. On a l'impression qu'il parle de responsabilité environnementale, que c'est un texte quasiment écolo, mais, en fait, il ne l'est pas. Il prétend transposer le principe « pollueur-payeur », mais c'est une présentation erronée des faits et de la vérité. La responsabilité environnementale consiste à intégrer tout au long des processus de gouvernance – prospective, création, gestion, décision, évaluation, réparation – les principes de l'écologie. On ne peut pas biaiser avec le principe « pollueur-payeur ».
J'aimerais souligner deux aberrations qui, à mon sens, trahissent cruellement le déficit de sincérité et d'engagement de ce texte : la prescription de trente ans – le rapporteur en sait quelque chose – et la non-prise en compte des dommages ayant eu lieu avant le 30 avril 2007. Le problème vient du fait que la prescription court à partir du commencement du fait générateur. Il faut rappeler que la directive fait suite à l'adoption du Livre blanc, lui-même issu de la convention de Lugano de 1993, par le Conseil de l'Europe. Cette convention porte en elle les bases de la directive, mais elle n'a pas été signée et ratifiée par la France ni par la plupart des pays signataires. C'est bien la preuve que l'on peut faire beaucoup de vent autour de conventions internationales environnementales qui, ensuite, ne sont pas mises en oeuvre par les États.
Ce système paraît beaucoup plus pertinent et adapté aux dommages environnementaux que la prescription prévue par la loi de transposition, trente ans à partir de la cessation du fait générateur, et le projet de loi devrait donc s'y référer, pour une plus grande sécurité juridique. La convention stipule en effet que, « lorsque l'événement consiste en une succession de faits ayant la même origine, le délai de trente ans court à partir du dernier de ces faits », et non du premier comme vous le proposez.
À force de considérer l'environnement comme un réceptacle à déchets, à force d'envisager la sécurité comme une contrainte, nous nous sommes retrouvés avec un environnement ravagé par des années d'exploitation. Le bien public que constitue un environnement sain est négligé pour des bénéfices privés. Il est temps que des sociétés qui engrangent des bénéfices faramineux assument une responsabilité pleine et entière de leurs actes.
Cette responsabilité pleine et entière n'est pas présente dans le projet. C'est pourquoi je vous demande de voter la question préalable qui nous permettra d'élaborer un meilleur texte.
La responsabilité n'est pas seulement un fait, c'est aussi une valeur. L'injonction à être responsable s'applique notamment à la manière dont nous nous comportons nous-mêmes. Je vous invite donc à vous comporter de façon responsable en votant cette motion.
Si un citoyen anonyme vide ses poubelles dans un fossé au bord d'une route (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…il est poursuivi et condamné à payer une amende. On est beaucoup plus doux avec les entreprises. Or il devrait en être de même. La responsabilité, en tant que fondement moral de notre capacité à agir, ne doit pas être bradée au profit des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je vois que vous connaissez le grand chef Seattle, monsieur le président !
Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, chers collègues, la question préalable que vient de poser notre ami Yves Cochet nous a fait entrevoir les quelques points qui restent à améliorer dans ce texte transposant une directive européenne du 21 avril 2004.
Ce texte est positif en ce qu'il étend la responsabilité civile applicable aux dommages à autrui aux préjudices causés aux milieux naturels. Néanmoins, il ne va pas suffisamment loin sur certains points, quand il ne les laisse pas de côté, et j'espère que le débat nous permettra d'avancer sur ces points.
M. Cochet a montré que les perspectives ouvertes par cette directive sont extrêmement limitées. Nous aurons notamment du mal, si elle est adoptée en l'état, à traiter la question des sites orphelins, alors qu'il s'agit d'un problème grave pour les collectivités locales. En votant un texte qui ne va pas assez loin sur cette question, nous risquons de laisser en chemin certaines difficultés que l'examen de ce projet est pourtant une occasion de traiter.
Nous pensons qu'on peut aller encore plus loin aussi en ce qui concerne la responsabilité de l'exploitant. En effet, dans l'état du texte, seul l'exploitant dont l'activité s'est avérée polluante est considéré comme responsable. Nous devrions prendre aussi en compte les commanditaires, qui contrôlent de façon indirecte cette activité polluante. Sur ce point, nous n'avons pas encore de réponse.
Il y a néanmoins certaines avancées, en particulier en matière de pollution marine. Notre collègue Yves Cochet a évoqué le cas de l'Erika, et nous avons tout intérêt à regarder plus précisément ce que nous pouvons faire dans ce domaine.
Je voudrais rappeler aussi que le Conseil constitutionnel, saisi du texte relatif aux OGM, a dit au Gouvernement qu'il ne fallait pas renvoyer au décret le soin de prendre certaines décisions. Or le texte de loi qui nous est soumis aujourd'hui renvoie au décret la fixation de la liste des activités couvertes par le régime de responsabilité environnementale, et il laisse au préfet le soin d'apprécier la gravité d'un dommage. Sur ce point, nous vous proposerons des amendements susceptibles de faire évoluer un texte qui contient néanmoins certaines avancées.
Je voudrais enfin souligner l'importance de la question posée par Yves Cochet sur ce qu'est la nature et comment nous devons l'envisager globalement : peut-on la considérer comme une boîte à déchets, ou doit-on lui assurer une protection réelle, en faisant peser une forte responsabilité sur celles et ceux qui polluent une richesse que nous devons partager ? Cette question n'apparaît pas, même en filigrane, dans la philosophie du texte que nous transposons, et je le regrette.
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera la question préalable.
La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
On ne peut qu'être d'accord avec vous, monsieur Cochet, quand vous vous réjouissez de la transposition de la directive. Mais vous ne tardez pas à amorcer la critique, opposant, comme trop souvent, l'entreprise et ses bénéfices, comme vous dites, à l'environnement. Nous souhaitons, nous, responsabiliser l'entreprise sans l'opposer systématiquement à l'environnement.
Nous ne partageons évidemment pas votre opinion quand vous accusez le Gouvernement de faire preuve de mauvaise volonté. Vous dites que vous auriez souhaité que le projet de loi aille plus loin que la directive, en faisant référence au Grenelle. Laissons donc aux lois qui mettront en oeuvre le Grenelle le soin de définir des objectifs ambitieux et des mesures d'application volontaristes. C'est ce que nous ne manquerons pas de faire.
C'est la première fois qu'une directive européenne introduit dans le droit français le principe de la réparation du dommage environnemental en tant que tel. Du point de vue de la protection de la nature, ce n'est pas rien.
Après les déclarations du grand chef indien ou de Greenpeace, monsieur Cochet, nous vous répétons que la responsabilité environnementale ne saurait être une chasse réservée. Avec le Gouvernement, nous prendrons nos responsabilités et nous voterons contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je crois que chacun comprend l'intérêt de cette question préalable, d'autant que cette motion de procédure est d'une extrême importance pour notre assemblée et que le vote d'une question préalable n'est pas sans conséquences. (Sourires.) De sorte que, si vous êtes convaincus par les arguments de notre collègue Cochet, comme je le suis moi-même, il ne fait aucun doute que nous abandonnerons ce projet de loi inabouti et négligé. C'est pourquoi j'appelle solennellement l'ensemble des députés à permettre qu'un nouveau texte nous soit soumis, puisque c'est la conséquence que le vote d'une question préalable entraîne toujours dans la République française. Dans ce nouveau texte, nous pourrons aborder la totalité des questions.
Parmi les points qui posent problème et justifient le vote de la question préalable, notre collègue Cochet a évoqué tout d'abord la méthode de transposition de la directive. Arguments à l'appui, il a abondamment démontré qu'il s'agissait d'une transposition a minima, décidée à la va-vite dans le seul dessein de gagner du temps et d'échapper à la sanction. La conséquence en est, a-t-il insisté, que la portée du texte est limitée et qu'on a brûlé les étapes prévues par le Grenelle. Le texte de Grenelle I comporte d'ailleurs des dispositions qui auraient toutes leur place dans ce texte, et qui permettraient d'aller plus loin. Il est assez incompréhensible qu'on renvoie à un autre texte le vote de dispositions qui pourraient très bien se trouver dans celui dont nous discutons aujourd'hui. Ce mode de fonctionnement, qu'on a vu à l'oeuvre pour d'autres projets de loi, et qui consiste à renvoyer toujours à demain ce qu'on pourrait décider aujourd'hui, est pour le moins curieux.
Le deuxième argument avancé par notre collègue Cochet est la mollesse et la frilosité du texte. C'est vrai, ce texte est mou et frileux. Cela me fait penser à une expression que vous connaissez peut-être et qui me semble convenir assez bien : ce texte, c'est un peu « M. Personne déguisé en dimanche » ; s'il a l'air riche à première vue, il s'agit surtout en définitive d'un renvoi à un décret. Pire, on nous dit que ce décret est déjà prêt. Je trouve cela indécent. Au moment où l'on prétend réformer les institutions afin de donner plus de pouvoirs à notre assemblée, on lui demande de voter un projet de loi qui sera finalisé par un décret déjà prêt. Je ne sais pas si l'on doit parler d'un serpent qui se mord la queue, ou si l'expression auvergnate « acheter un âne dans un sac » ne convient pas davantage. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Nous n'aimons pas, nous, acheter un âne dans un sac : nous aimons bien, avant de l'acheter, voir ses oreilles, sa dentition, son allure.
Le troisième argument, décisif à mon avis, est celui de l'impasse sur les garanties financières, dont ce texte ne rend pas la constitution obligatoire. J'ai beaucoup apprécié, au point de regretter de ne pas les avoir trouvées moi-même, les expressions utilisées par notre collègue Cochet, comme celle de « pollueur partout, payeur nulle part » par laquelle il désigne le pollueur insolvable. Avec un tel principe, on est bien loin des mots du grand chef sioux Seattle, comme de cette très belle phrase de Claude Monet : « Voir un petit cours d'eau s'enfuir dans les herbes vaut bien le sourire de la Joconde. » (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, qui nous apporte le sourire du groupe Nouveau Centre.
La position du Nouveau Centre est constante : chaque fois qu'il s'agit de construire l'espace juridique commun en transposant une directive européenne, nous soutenons cette transposition, surtout lorsque la France est en retard.
C'est d'autant plus vrai en l'espèce que cette directive applique le principe « pollueur-payeur » qui fait désormais largement consensus. Il y a certes encore des détails à discuter, et nous avons, nous aussi, beaucoup à dire sur certains arbitrages. Mais il est temps de prendre acte du consensus qui se dégage en faveur de cette directive européenne, et ce ne serait pas un drame pour l'opposition de le reconnaître. Ce le serait d'autant moins qu'on aura largement le temps de s'expliquer cet automne à l'occasion de l'examen du texte issu du Grenelle de l'environnement. Il sera temps alors d'aborder tous ces débats de fond.
Essayons donc, je vous en prie, de rattraper nos lacunes en matière de transposition des directives européennes, où nous avons été très mauvais. Pour nous, centristes, la construction d'un espace juridique européen est un chantier majeur, même s'il peut paraître à certains excessivement prosaïque et pragmatique. Pour les autres chantiers, je vous donne rendez-vous à l'automne, où nous les ouvrirons un par un.
Fidèles à notre position traditionnellement favorable à tout ce qui peut accélérer la transposition des directives européennes, nous ne voterons pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Dans une formule absolument remarquable, monsieur Chassaigne, vous nous demandez de cesser de renvoyer toujours à demain ce qu'on peut décider aujourd'hui : c'est précisément ce que je vous propose. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Puisque vous nous y invitez, monsieur le ministre, nous allons passer à la discussion générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, ce projet de loi vise à transposer une directive européenne d'avril 2004 relative à la responsabilité environnementale, et plus spécialement à la prévention et à la réparation des dommages environnementaux.
Comme vous l'avez précisé, monsieur le ministre, et comme l'a rappelé notre rapporteur, cette directive aurait dû être transposée par l'ensemble des États avant la fin du mois d'avril 2007. Mais, du fait de sa complexité relative et de la difficulté pour certains États à mettre en conformité leur législation avec le droit communautaire, moins de la moitié des pays membres ont aujourd'hui satisfait à leur obligation. Dans notre pays, un projet de loi déposé au Sénat avant la date limite de fin avril 2007 avait été ajourné pour cause d'élections. Ce projet me paraît arriver aujourd'hui tout à fait à bon escient, après le débat du Grenelle de l'environnement et avant la présidence française de l'Union européenne.
En application du principe « pollueur-payeur », les dommages écologiques graves, la pollution des sols, les atteintes à la qualité des eaux de surface et souterraines et celles aux espèces et habitats naturels protégés devront être prévenus et des mesures de réparation imposées pour permettre au milieu naturel de retrouver son état d'origine. Cela, monsieur le ministre, est tout à fait cohérent avec notre Charte de l'environnement, que vous avez vous-même rappelée.
C'est l'exploitant dont l'activité a causé un dommage à l'environnement ou le menace d'un tel dommage qui doit en assurer, à ses frais, la réparation ou la prévention.
Une autorité compétente – en France, il s'agit du préfet – doit être en mesure d'obliger l'exploitant à prendre ces mesures nécessaires de réparation ou de prévention. À défaut d'action de l'exploitant, cette autorité compétente peut prendre elle-même lesdites mesures et recouvrer ensuite près de cet exploitant les dépenses engagées.
Monsieur le ministre, je souhaite, à ce stade, vous poser quelques questions.
Un décret doit préciser les conditions d'application de ce texte. Sera-t-il publié rapidement ? Quelle sera la date d'application de la loi ? Madame la secrétaire d'État a annoncé au Sénat que des dispositions réglementaires accompagneraient les dispositions législatives que nous allons prendre pour modifier le code de l'environnement. De quel ordre seront-elles ?
Ce projet de loi qui, vous l'avez précisé, instaure un nouveau régime de police administrative, ne prévoit pas de sanctions pénales. En cela, il est parfaitement conforme à la directive. Qu'en est-il cependant du débat sur ces sanctions pénales au niveau européen ? Une autre directive est-elle en préparation ?
Autre question : l'éventuelle responsabilité des sociétés mères est-elle discutée au niveau communautaire – niveau auquel il me semble approprié et même indispensable d'aborder la question ? Pouvez-vous également nous préciser votre position sur l'exonération de la responsabilité de l'exploitant pour « respect du permis » ? Je vous remercie enfin, monsieur le ministre, de bien affirmer que la directive ne se substitue pas aux conventions internationales, ce qui se traduit logiquement dans votre proposition de loi et nous évitera peut être de longues et stériles discussions.
Au-delà de la transcription de la directive de 2004, le Sénat a ajouté au projet initial plusieurs articles visant à achever la transposition d'autres directives. Ces articles me paraissent trouver très légitimement leur place dans ce texte, qu'il s'agisse des dispositions renforçant la répression de la pollution marine ou des dispositions relatives à la qualité de l'air, à la lutte contre l'effet de serre – que ce soit pour l'entretien ou l'inspection des chaudières ou les quotas d'émission de CO2 –, aux produits biocides ou aux déchets.
Ces articles n'appellent de ma part aucune remarque de fond, si ce n'est que, au moment où la jurisprudence évolue heureusement, notamment suite au jugement relatif à la marée noire provoquée par le naufrage de l'Erika, qui reconnaît pour la première fois l'existence d'un préjudice porté à l'environnement, l'article 6 me semble tout à fait bienvenu. J'ajoute que je souscris à l'objet des amendements présentés par notre excellent rapporteur Alain Gest quant à l'aggravation et à l'harmonisation des sanctions imposées aux armateurs.
Permettez-moi, pour terminer, de formuler deux souhaits. L'un concerne les quotas de CO2 pour les nouveaux entrants sur le marché de l'électricité. L'article 5, qui traitait de ce sujet, ayant été retiré au Sénat, je souhaiterais qu'une évaluation soit réalisée très rapidement pour éclairer la représentation nationale, portant sur les quotas utilisés ou devant l'être avec certitude au cours de 2008, première année du plan national d'affectation des quotas 2 – le PNAQ2, sur les besoins réels des nouveaux entrants et sur les conséquences pour les installations existantes dont la quantité de quotas alloués pourrait être réduite.
Mon autre souhait concerne les sites Natura 2000, à propos de l'article 13 du projet de loi. Je comprends bien l'objectif d'application de la directive, mais je souhaite que la France ne pénalise pas certaines activités humaines non seulement compatibles, mais même tout à fait nécessaires à une protection « vivante » de ces sites.
Monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez, amendé par nos collègues sénateurs, est certes technique, destiné à la transposition de directives, mais, au-delà de cette technicité, sa portée est loin d'être négligeable. C'est en effet la première fois qu'une directive traduite en droit français reconnaît la réparation du dommage à l'environnement en tant que tel, la nécessaire réparation et la nécessaire prévention des atteintes aux milieux naturels.
Je tiens à témoigner de l'important travail accompli par le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, Alain Gest. Des amendements judicieux présentés par lui-même et par la commission, sous la direction éclairée du président Patrick Ollier, en préciseront certains aspects. Certains auraient peut-être souhaité un texte plus contraignant, d'autres plus de souplesse. Entre ces deux positions, ce projet de loi me paraît représenter un bon équilibre et une bonne application des directives européennes, qui prend en considération notre développement économique, dans le respect de notre environnement, à court comme à long terme.
Fort de ces considérations, monsieur le ministre, le groupe de l'UMP votera votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui, à examiner un projet de loi qui visait initialement à transposer une directive communautaire relative à la responsabilité environnementale en matière de prévention et de réparation des dommages environnementaux.
Avant d'aborder le contenu dense et très technique de ce projet de loi, j'évoquerai rapidement la procédure parlementaire et le calendrier retenus. En effet, lors de la première lecture au Sénat, le Gouvernement et sa majorité ont fait transposer un grand nombre d'autres directives par voie d'amendements dans le seul dessein que la France apparaisse, à la veille de la présidence française, comme le bon élève de l'Union européenne en matière de transposition. Parmi les autres textes européens transposés par le projet de loi, nous trouvons par exemple une directive sur la réglementation des biocides, une autre sur les échanges de quotas de CO2 entre les pays de l'Union et le règlement REACH – autant de sujets qui méritent, monsieur le ministre, un vrai travail parlementaire, et non un passage rapide, après déclaration d'urgence, devant le Parlement pour vous autoriser à transposer une partie de ces directives par voie d'ordonnance.
La méthode de travail que vous nous imposez est critiquable et réduit notre assemblée à un rôle de chambre d'enregistrement. Au moment où nous examinons le projet de loi constitutionnelle sur la modernisation des institutions, votre comportement ne nous semble pas très exemplaire pour ce qui est de la revalorisation des pouvoirs du Parlement. En matière de directives européennes, il est malheureusement très fréquent que nous ne légiférions que sous la contrainte.
Sur le fond, la directive relative à la responsabilité environnementale a été adoptée le 21 avril 2004 ; la date limite de transposition était fixée au 30 avril 2007. Il a pourtant fallu attendre un an pour que ce projet soit enfin inscrit à l'ordre du jour du Parlement, alors même que la Commission européenne a adressé à la France, le 1er juin 2007, une mise en demeure, suivie d'un avis motivé le 31 janvier dernier. Nous ne pouvons que regretter le retard pris, qui est, après la loi sur les OGM, une nouvelle illustration du manque d'intérêt du Gouvernement pour les questions environnementales. Tout ceci augure mal du projet de loi sur le Grenelle de l'environnement que vous souhaitez nous soumettre à l'automne.
Le projet de loi qui nous est présenté se contente d'une transposition minimale de la directive. Non seulement, en effet, il ne va pas au-delà des objectifs définis par le texte européen, mais il réduit en outre au maximum son incidence en droit français. Si le principe « pollueur-payeur » est au coeur de la directive, il est ici considérablement amoindri par le texte gouvernemental. J'en veux pour preuve un certain nombre d'articles.
L'article L. 160-1 du code de l'environnement, tout d'abord, pose le principe de prévention et de réparation des « dommages causés à l'environnement par l'activité d'un exploitant », mais il ne vise pas les sociétés mères des filiales. Il ne réglerait donc pas le problème qui s'est posé en janvier 2003 à Noyelles-Godault, lorsqu'une des filiales de Metaleurop a déposé son bilan pour échapper à ses obligations sociales et environnementales, obligeant la collectivité publique à prendre en charge les 30 millions d'euros correspondant au coût des opérations de dépollution.
Loin du « pollueur-payeur » institué par la directive, vous mettez en place, monsieur le ministre, le principe du « pollueur-non-payeur » et du « contribuable-payeur ». Ce nouveau dispositif illustre les limites que mes collègues du groupe socialiste avaient mises en évidence lors de l'adoption de la Charte de l'environnement.
L'article L. 161-1 dispose ensuite que le dommage causé au sol n'est pris en compte que dans la mesure où la pollution aurait un risque d'incidence « négative grave » sur la santé humaine. Il est anormal d'écarter du dispositif toutes les autres pollutions des sols sous prétexte qu'elles ne nuiraient pas à la santé des êtres humains.
Ce projet aurait encore dû préciser le régime de responsabilité : le fait générateur, le lien de causalité ou la charge de la preuve. Les exonérations de responsabilité sont ici trop extensives. À l'article L. 161-2 par exemple, nous ne pouvons que regretter l'étendue des exclusions, notamment celles qui visent la pollution aux hydrocarbures, alors que les indemnisations par le FIPOL des dommages du Prestige ont été notoirement insuffisantes et ont montré les limites des dispositions internationales. Certes, la jurisprudence de l'Erika a ouvert des perspectives intéressantes pour la reconnaissance du dommage à l'environnement, mais le législateur que nous sommes doit consacrer celle-ci par la loi. Nous sommes également défavorables à un repli sur les conventions internationales pour ce qui concerne les dommages causés par les centrales nucléaires, en particulier quand ces conventions sont moins précises et moins contraignantes que le dispositif que nous pourrions mettre en place.
L'alinéa 103 instaure un « risque de développement » permettant d'exonérer l'exploitant, qui ne supporte pas les coûts de réparation lorsqu'il apporte la preuve qu'il n'a pas commis de faute et que le dommage résulte d'une activité qui n'était pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l'environnement compte tenu de l'état des connaissances scientifiques lors de l'accident. Si cette théorie du risque de développement est déjà inscrite dans le droit français, elle ne s'applique qu'aux produits défectueux, selon le principe de responsabilité pour faute présumée. Les dispositions de cet alinéa constituent une grave régression du droit de l'environnement et doivent donc être supprimées.
Enfin, le projet de loi ne comporte, d'une part, aucun système d'alerte ou lanceur d'alerte et, d'autre part, aucune disposition visant à créer et à encourager le développement des garanties financières et des assurances, contrairement aux recommandations de la directive. À l'occasion de la transposition de cette même directive, nos voisins espagnols et allemands ont mis en place un tel système de garanties financières, qui a le mérite de contraindre les entreprises à attribuer un prix aux dommages environnementaux qu'elles sont susceptibles de provoquer. Cette disposition permettrait aussi aux entreprises de prendre en compte le coût d'un dommage, les encourageant ainsi à le réduire.
Vous proposez, à l'article 9 du projet de loi, de transposer la directive relative aux biocides. Nous déposerons un amendement de suppression de cet article en application du principe de précaution. En effet, vous n'apportez pas d'assurances suffisantes sur son efficacité pour l'ensemble des biocides et vous ne prévoyez aucune étude d'impact. Par ailleurs le dispositif repose sur l'Agence de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, dont l'avenir n'est pas assuré.
Quant à l'article 12 du projet, qui prévoit la transposition par ordonnance du règlement REACH, je vous rappelle que ce règlement rend obligatoire l'enregistrement et l'évaluation, d'ici à 2018, de plus de 30 000 substances chimiques. Son champ d'application est vaste, puisqu'il couvre presque toutes les substances chimiques fabriquées ou importées dans l'Union européenne dans des volumes dépassant une tonne par an. Il aura un immense impact sur la santé des citoyens et des travailleurs exposés à ces produits. Étant donné les conditions d'élaboration du règlement REACH et le poids des lobbies industriels lors des négociations européennes, cette question mériterait un travail parlementaire sérieux en amont, que vous nous refusez par crainte que le débat sur le règlement REACH ne s'apparente à celui que nous avons eu dans cet hémicycle sur les OGM.
Enfin, à l'article 13, nous ne pouvons que regretter que la participation des associations de protection de l'environnement à l'élaboration des listes de plans et des projets soumis à l'étude d'incidence ne soit pas autorisée.
Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez suit une constante : limiter le principe « pollueur-payeur » à sa plus simple expression pour répondre favorablement aux demandes des industriels. Vous arbitrez toujours pour l'économie contre l'écologie.
En conclusion, le groupe socialiste réserve son vote définitif sur ce texte en fonction de la bonne volonté du Gouvernement et du rapporteur, et du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Tout le monde, hormis notre collègue Patrick Roy, connaît ce monument à la fois littéraire et juridique que constitue l'article 1382 de notre code civil. (Rires.) C'est en effet une bonne partie de notre régime de responsabilité qui repose sur cette simple maxime.
Or, la directive européenne du 21 avril 2004, que l'on nous demande de transposer aujourd'hui vise à étendre cette responsabilité civile, qui concerne le dommage à autrui, aux préjudices qui affectent le milieu naturel.
Il faut véritablement se féliciter de cette grande avancée. Par cette directive, l'environnement n'est en effet plus appréhendé en fonction des conséquences immédiates sur l'homme, en particulier sur sa santé, ou sur la nature conçue à la manière d'une série de paysages ; l'environnement est envisagé en lui-même, la directive lui conférant une valeur de patrimoine dont l'homme a la charge, et dont il est, par conséquent, responsable.
Cette vision patrimoniale est fondamentale car elle prend en considération un bien à préserver pour les générations à venir, et pas seulement pour les intérêts de court terme des générations présentes. C'est d'ailleurs toute la richesse de cette belle notion de biodiversité, qui souligne la pluralité du vivant à protéger.
Cette responsabilité vis-à-vis d'un bien collectif va à rencontre de la logique de l'intérêt égoïste dont parlait mon collègue Yves Cochet, logique qui prédomine aujourd'hui et qui veut que chacun soit seulement responsable des biens dont il a la propriété ainsi que des dommages qu'il a causés aux biens appartenant à autrui. Aussi tous les biens qui n'appartiennent à personne et à tout le monde – et ils sont légion dans le milieu naturel – échappent-ils à toute responsabilité, l'État se contentant d'en protéger les éléments les plus remarquables. La directive se situe, au contraire, dans la logique d'une responsabilité à la fois individuelle et collective qui dépasse les limites du droit de propriété. Toutefois, mes chers collègues, je n'irai tout de même pas jusqu'à affirmer que nous sommes aux portes du communisme ! (Sourires.)
La prise en compte exclusive de la nocivité pour l'homme, propre à la vision traditionnelle du droit de l'environnement, implique que les dommages sont appréhendés en fonction de leur origine. Il en est ainsi des déchets, des substances dangereuses, des OGM ou encore des objets bruyants. En effet, seules les causes ayant des conséquences notoirement dangereuses pour l'homme sont alors prises en compte. Une telle approche est certes utile et concrète, et il faut bien entendu continuer à la défendre, mais, pour mieux protéger le milieu naturel, il convient d'aller plus loin en faisant des éléments de la nature des sujets de droit au même titre que les personnes humaines.
C'est pour cette raison que la directive vise explicitement les habitats naturels et les espèces protégées : ce sont des ressources non encore domestiquées au seul profit de l'homme. Leur préservation répond à un impératif d'intérêt général qui ne peut se résumer en une somme d'intérêts particuliers. C'est d'ailleurs sur le fondement de cet intérêt général que je proposerai, lors de l'examen des amendements, l'établissement d'un véritable délit d'atteinte à l'environnement. Selon moi, devrait être considéré comme coupable toute personne qui a, par inattention, imprudence ou négligence, porté atteinte de façon grave et irréversible, directement ou indirectement, à l'équilibre du milieu naturel. Cette responsabilité pénale viendrait compléter la responsabilité civile mise en oeuvre par le projet de loi.
J'ai parlé du respect du milieu naturel pris comme un tout. Les critères de gravité du dommage figurant dans l'annexe I de la directive attestent de cette approche conçue en termes d'équilibre écologique globale dont l'homme n'est qu'un élément, un simple élément, à travers une vision que l'on pourrait qualifier de « cosmique ». Ainsi, c'est l'état de conservation favorable des espèces et habitats naturels qui est pris en considération en tenant compte des aspects quantitatifs et qualitatifs des espèces concernées. De même, la gravité de la dégradation des eaux n'est appréciée que par référence à leur état écologique, chimique ou quantitatif, ou à leur potentiel écologique, sans en évaluer la conséquence immédiate sur l'activité de l'homme. La notion de service écologique d'une ressource au profit d'une autre témoigne aussi de cette vision globale de l'environnement.
Seuls les sols sont considérés uniquement en fonction de l'incidence de leur état sur la santé humaine, et on peut le déplorer. On tarde en effet à intégrer le fait que les sols constituent en eux-mêmes des organismes vivants qui interagissent avec le reste de l'écosystème.
La difficulté à prendre en compte les micro-organismes du sol dans les débats sur les OGM en témoigne.
Cela est sans doute dû au fait que ces sols sont pour l'essentiel privatifs, et qu'on a donc de la difficulté à les considérer également comme des biens communs. Les résistances à l'adoption de la directive européenne relative à la protection des sols illustrent cette difficulté, et la France y a eu malheureusement sa part : la lenteur avec laquelle on traite les sites orphelins pollués en atteste. Je crois que nous avons tous, dans nos circonscriptions, des sites pollués, et qui restent en l'état, souvent à cause d'une délocalisation : il y a eu de nombreux licenciements et l'argent a été investi ailleurs ; et puis on se retrouve avec des sites dont on ne sait pas bien quoi faire : même si un repreneur se présente, on ne sait pas trop comment il pourra dépolluer avant de produire à nouveau.
Malgré les intentions louables de la directive, va-t-elle pour autant assez loin dans son champ d'application ? Je ne le pense pas.
Certes, certaines pollutions sont difficilement imputables à une activité particulière. Il en va ainsi de la pollution atmosphérique, mais, parmi les ressources naturelles prises en compte, il aurait été possible d'étendre plus fortement le nouveau régime. La directive ne vise en effet que le champ couvert par les directives Oiseaux et Habitats. Le reste des éléments du milieu naturel a-t-il par conséquent vocation à se voir pollué sans la moindre responsabilité du pollueur ?
Pourtant, le texte que nous transposons n'interdisait pas à chaque État de désigner des habitats ou espèces non énumérés aux annexes de ces directives. Il aurait donc fallu étendre le principe de la responsabilité environnementale à l'ensemble des sites remarquables, reconnus pour leur intérêt écologique et ayant pour objectif la préservation des habitats et des espèces de la faune et de la flore.
Je pense aux parcs nationaux, aux parcs naturels régionaux, aux réserves naturelles, aux zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique, aux surfaces concernées par un arrêté de biotopes, aux forêts de protection ainsi qu'aux sites inscrits sur la liste des zones humides d'importance internationale au titre de la convention RAMSAR. J'ai l'exemple, dans ma circonscription, de tourbières qui risquent d'échapper au nouveau régime. Beaucoup de mes collègues pourraient citer des exemples semblables, notamment Geneviève Gaillard dans les Deux-Sèvres.
Une fois définis les dommages pris en compte, encore faut-il en définir les responsables ! Au risque d'apparaître exceptionnellement liberticide pour certains, j'aurais souhaité, pour ma part, que le nouveau régime concerne l'ensemble des activités des personnes physiques et morales. Le choix a été fait d'en limiter la portée aux activités économiques, lucratives ou non lucratives. Néanmoins cette extension n'en est pas moins une avancée considérable puisque, auparavant, il n'y avait qu'une liste limitative d'activités jugées comme dangereuses en fonction de la nature des émissions qu'elles généraient, comme dans le régime des installations classées. Seule compte désormais la destination du dommage, peu importe quelle est la nature du polluant, donc l'activité qui en est l'origine.
Pour trouver un responsable, cette activité économique doit être rattachée à une personne particulière. Or c'est ici que le bât blesse puisque n'est visé par le présent projet de loi que l'exploitant qui exerce ou contrôle effectivement cette activité. Cette rédaction laisse entendre que seul l'exploitant ayant juridiquement et directement en charge l'exploitation est concerné. Il aurait fallu également prendre en compte l'éventuel exploitant de fait, c'est-à-dire le commanditaire qui maîtrise indirectement l'activité alors qu'il n'est pas l'exploitant de droit. Le principe du pollueur payeur ne doit pas occulter celui du décideur payeur.
Monsieur le ministre d'État, le Livre blanc de la Commission européenne sur la responsabilité environnementale laissait pourtant entendre la possibilité d'une telle extension. Vous ne l'avez pas retenue dans votre projet de loi, et les amendements tendant à cette extension, que les membres de différents groupes ont présentés en commission, ont été retoqués.
On peut donc s'attendre à ce que les sociétés-mères donneuses d'ordre se voient retirer toute responsabilité dans la réparation du dommage. Dans un passé récent, le cas de Metaleurop montre ainsi comment une société-mère peut échapper à sa responsabilité pour des pollutions découlant pourtant des décisions qu'elle a prises.
Suite à ce cas d'école, la France a semblé réagir en intégrant cette dimension dans l'article 46 du projet de loi issu du Grenelle de l'environnement. Pourquoi ne pas la faire figurer dès à présent, puisque le texte que nous examinons en est le cadre naturel ? La France pourrait au moins, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre d'État, mettre cette question à l'ordre du jour de la présidence française de l'Union européenne qui va bientôt commencer si, dès aujourd'hui, nous inscrivions dans ce texte sur la responsabilité environnementale le principe même de l'extension du dispositif au décideur payeur.
Cela étant, 1'exploitant de fait n'est pas nécessairement la société-mère. Ainsi, une société, en tant que simple actionnaire d'une société exploitant une installation, peut engendrer un dommage à l'environnement du fait des décisions ou de l'absence de décisions qu'elle prend. Pourquoi, dans ce cas, l'établissement auteur du dommage servirait-il de fusible, alors que ce sont de plus en plus souvent les financiers qui décident de la réalité des projets de l'établissement, dictant aux dirigeants leur politique, dans le seul but d'en récolter des dividendes ? Pourquoi alors ne seraient-ils pas jugés, eux aussi, responsables du dommage ?
C'est le capitalisme, en effet. J'ai noté, mon cher collègue, que vous y faisiez allusion tout à l'heure,…
…et vous avez raison car c'est effectivement un texte qui a une dimension de classe.
J'en viens maintenant à la question des obligations qui pèseront sur l'exploitant rendu responsable du dommage.
Conformément au principe même de la responsabilité civile, l'exploitant devra réparer le dommage. La directive prévoit en effet que l'autorité compétente pourra imposer à l'exploitant une remise en état, mais, comme souvent, les intentions les plus louables se heurtent à la question financière.
Ainsi, comment les services placés sous l'autorité du préfet disposeront-ils des moyens suffisants pour assurer les nouvelles missions de contrôle qu'implique ce projet de loi, alors que la DRIRE, pour les installations classées, ou la mission interministérielle sur l'eau n'ont pas à l'heure actuelle le personnel nécessaire pour leurs propres missions ? Et je ne vous parle pas de la révision générale des politiques publiques, qui va sabrer dans ces organismes et encore supprimer des postes permettant d'effectuer les contrôles !
Ensuite, que se passera-t-il si l'exploitant en question est dans l'incapacité financière de procéder à la réparation qu'on lui impose ? À cela, la directive répond que les exploitants ont dans l'obligation de constituer des garanties financières destinées à assurer le financement des mesures de prévention et de réparation. Or un tel dispositif est tout bonnement absent du projet de loi !
Je le regrette car cette absence de garantie risque de vider une grande partie du projet de loi de son contenu. Je vous le dis solennellement, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission : à défaut d'une intégration de ce dispositif, je proposerai qu'au moins un fonds de compensation soit constitué pour faire face aux dépenses urgentes.
Je finirai en évoquant la notion même de remise en état.
Celle-ci est problématique car le vivant n'est pas à l'image d'une mécanique dont on peut changer aisément les pièces en mettant les mains dans le cambouis. C'est pourquoi il est prévu la possibilité d'une réparation complémentaire correspondant à un niveau de ressources comparable à celui de l'état initial. Ainsi, un espace forestier pourra être reconstitué à un endroit différent de son implantation initiale ; on connaît déjà cela dans le cadre des reconquêtes paysagères en zone de montagne.
Dans ce cas, le critère de la réparation dépend d'une appréciation collective du dommage. En effet, la reconstitution peut modifier de manière très sensible l'environnement des habitants situés à proximité, l'économie locale, y compris l'immobilier. C'est pourquoi je proposerai que le public, c'est-à-dire les citoyens, puisse apporter ses appréciations, suggestions et contre-propositions afin de permettre à l'autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à la reconstitution de ce patrimoine commun. Une telle consultation citoyenne pourrait prendre la forme d'une enquête publique, ou d'une procédure plus simplifiée en cas d'urgence.
Un dernier mot pour déplorer qu'un très grand nombre de dispositions soient renvoyées à un décret, comme l'a souligné Yves Cochet dans sa question préalable.
On nous répond que ce décret est déjà prêt. Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir dès à présent intégré dans la loi des précisions qui, pour beaucoup d'entre elles, ne relèvent pas du domaine réglementaire ? Je pose d'autant plus la question que nous avons constaté le travail important accompli par notre rapporteur, Alain Gest : il était en mesure d'étoffer le projet de loi en y apportant des précisions qui y avaient leur place. Nous-mêmes avons présenté des amendements en ce sens.
Nous mesurons, mon cher collègue, votre souffrance, et nous la partageons. Nous exprimerons notre déception par un vote négatif, à moins que la discussion nous réserve l'adoption-surprise de quelque amendement qui changerait l'économie générale du texte. Nous l'avons déjà vu par le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Chassaigne, le président de la commission compte pour du beurre ?
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour transposer une directive européenne et pour finir le travail de nos collègues sénateurs.
En fait, nous allons en transposer pas moins de huit, beau score dont on ne peut que se réjouir : la France va finir par être un élève correct de la classe européenne ; à la veille de la présidence française, cela ne fait pas mal dans le tableau !
Pour autant, nous ne devons pas nous cacher les difficultés que nous avons, malgré nos efforts et nos progrès en la matière, à mettre notre droit en conformité avec la législation européenne. En matière d'environnement, nous faisons mieux que l'Italie certes, mais beaucoup moins bien que l'Allemagne. Nous sommes encore sous le coup de six procédures pour infractions graves à la législation communautaire, à tel point, monsieur le ministre d'État, que vous auriez provisionné 367 millions d'euros dans les comptes de l'État – je ne sais pas si ce chiffre est exact –, au cas où nous serions sanctionnés pour non-respect de la directive européenne.
Cela témoigne tout de même des blocages et des retards français, les OGM ayant constitué un sommet en la matière. Il n'est pas mauvais de remettre les compteurs à la moyenne, à la veille de la présidence française de l'Union, mais les centristes considèrent que cette disposition d'esprit devrait être plus constante.
Certes, les travaux parlementaires pourraient se dérouler dans de meilleures conditions, cela a été dit, et c'est juste. Néanmoins, il arrive un moment où nous devons faire d'abord un effort pour respecter l'Europe de l'environnement. Un vrai consensus se dessine chez les Français, désireux d'aller vers un espace juridique européen. Le Nouveau Centre veut s'inscrire dans cet effort de construction de l'espace juridique européen, notamment dans le domaine de l'environnement.
Cela étant, par tradition centriste, nous sommes attachés à la question de la responsabilité. Cette directive, qui replace l'individu au coeur de notre société et lui rend la responsabilité de ses actes, nous convient bien. Elle met en application effective le principe « pollueur-payeur » qui n'est pas nouveau dans notre législation – il était déjà consacré dans notre Charte de l'environnement –, mais qui disposera désormais d'un cadre communautaire concernant les dommages causés à l'environnement par une activité professionnelle. Ce n'est pas un luxe : près de 300 000 sites en Europe sont lourdement soupçonnés d'être pollués, excusez du peu !
Globalement, le projet de loi est une traduction fidèle des dispositions contenues dans la directive. Cela étant, nous nous interrogeons également sur la grande liste de dérogations à cette responsabilité. Certes, la directive les prévoit, mais elle limite de fait le champ d'application du régime de responsabilité, comme l'ont souligné – à juste titre – nos collègues de l'opposition.
Pourquoi exclure les pollutions liées au nucléaire et aux hydrocarbures ? Les inclure dans la directive aurait donné un autre poids à ce texte. Nous pourrons rouvrir ces débats pendant l'examen des amendements.
D'un autre côté, au Nouveau Centre, nous sommes réservés sur le refus de prendre en compte l'exonération pour respect de permis. Cela mérite débat. C'est bien de charger la barque de l'exploitant, mais on peut tout de même réfléchir calmement deux minutes. Il n'est pas anodin d'exonérer de sa responsabilité, un exploitant qui respecte son permis et l'autorisation qui lui a été donnée. Ne pas introduire cette exonération reviendrait à mettre sur un pied d'égalité les opérateurs qui s'emploient à respecter les prescriptions réglementaires et ceux qui s'en dispensent. Attention aux effets pervers !
Surtout, rechercher la responsabilité de l'exploitant qui respecte son autorisation de mise sur le marché, revient à ne pas mettre en cause celle des autorités étatiques chargées de la délivrance de ces autorisations. C'est trop facile ! Cela a déjà conduit à certaines catastrophes dans le domaine de la santé publique. Le Nouveau Centre a pris la responsabilité de ne pas déposer d'amendements sur ce sujet lourd. Cependant, monsieur le ministre d'État, nous vous annonçons que nous y reviendrons au moment du Grenelle de l'environnement. C'est un sujet vraiment très important.
Nous voulions le marquer calmement, mais sans recourir à des amendements parce que ce sujet mérite une vraie discussion.
Nos collègues ont soulevé la question de la garantie financière. La directive encourage les États membres à mettre en place des instruments financiers. Pour le moment, seulement l'Allemagne et l'Espagne ont décidé de le faire. Nous pensons qu'il faudra y venir, tout en étant conscients de la complexité de la mise en place de ces mécanismes. Qu'il faille du temps, qu'on y revienne au moment du Grenelle, qu'on donne un peu de temps et d'espace à la jurisprudence sur ce point particulier de la mise en place de la garantie financière, pourquoi pas ? Cependant, il faudra y arriver.
Dernière question : celle de la responsabilité des maisons mères.
Pour le coup, il existait la possibilité d'une véritable avancée sur ce point. Le rapporteur soulève un argument recevable : nous voulons porter le débat au niveau européen, sinon nous allons créer une distorsion de concurrence. Toutefois je pense qu'à un moment, il faut qu'un pays pose un geste fondateur. La France s'honorerait de le faire lors de la prochaine discussion sur le Grenelle de l'environnement.
Voilà les quelques remarques que voulait faire le Nouveau Centre. Honnêtement, monsieur le ministre d'État, les députés centristes vivent ce texte comme le programme européen obligé d'un patineur.
Nous prônons un passage rapide sur le programme obligé, et nous attendons le programme libre que sera le Grenelle de l'environnement pour poser les vraies questions. Nous vous en avons posé deux : l'exonération pour l'exploitant qui respecte son permis et son autorisation de mise sur le marché ; la responsabilité des maisons mères. Avec le souci du consensus, nous vous donnons rendez-vous au Grenelle.
En attendant et conformément à la tradition de la famille centriste qui s'efforce de ne pas retarder la transcription de directives européennes, le groupe des députés du Nouveau Centre apportera son soutien à ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, alors que la France va prendre la présidence de l'Union européenne dans une semaine, le texte que nous commençons à examiner revêt un caractère particulier.
D'abord, il montre l'intérêt que nous portons et que nous devons porter de façon toujours active à l'élaboration des textes communautaires et à leur transposition dans le droit national. Ensuite, dans la droite ligne du Grenelle de l'environnement, il montre la priorité que nous accordons aux problématiques environnementales.
Après la première lecture au Sénat, je souhaite formuler trois remarques générales.
La première porte sur la question des transpositions de directives européennes.
Comme notre collègue Dionis du Séjour l'a souligné, cette discussion révèle l'impérieuse nécessité d'anticiper au maximum les textes préparés au niveau européen.
Bien sûr, les ministres français et les députés européens français participent à cette élaboration, donc à la décision. Pourtant, la transposition dans le droit national s'effectue trop souvent avec retard ou sur injonction de la Commission – cela est malheureusement vrai depuis longtemps, toutes majorités politiques confondues.
Nous devons donc organiser nos travaux de façon à pouvoir anticiper sur deux plans : prévoir la prise de décision au niveau européen, afin de mesurer l'écart entre notre législation interne et les engagements communautaires que nous prenons ; disposer d'un état précis des textes à transposer et des délais de transposition pour devenir un bon élève dans ce domaine.
La commission des affaires économiques, de l'environnement et de l'aménagement du territoire a chargé certains de ses membres de suivre la législation européenne, ce qui constitue une première étape dans cette direction. Étant chargé de suivre la législation européenne en matière d'environnement, depuis un an, pour cette commission, je mesure le chemin à parcourir. Cette première étape devrait conduire à faire de nous de meilleurs élèves. En tout cas, monsieur le ministre d'État, je vous sais particulièrement attaché à ces questions.
Ma deuxième remarque générale porte sur la notion de responsabilité du point de vue du droit, et les avancées apportées par ce texte.
Le régime de la responsabilité de droit commun est assez complexe. Les différents travaux ont montré que plusieurs textes ainsi que la jurisprudence récente avaient déjà permis de prendre en compte la question de la responsabilité environnementale. Néanmoins cette prise en compte se faisait souvent par interprétation des textes existants, essentiellement sur la question de la réparation financière du dommage causé.
Ce texte apporte plusieurs améliorations importantes. D'abord, nous passons d'une logique de réparation financière à une logique de prévention et d'action. Ainsi, les exploitants devront prévenir les dommages écologiques graves dans trois domaines clairement identifiés : la pollution des sols, les atteintes à la qualité des eaux de surface et souterraines, les atteintes aux espaces et habitats naturels protégés.
Lorsque les mesures de prévention n'auront pas empêché un dommage grave, le préfet – autorité compétente en France – sera en droit d'imposer les mesures de réparation nécessaires à l'exploitant et, en cas de défaillance de ce dernier, de se substituer à lui. Finalement, l'important sera de tout mettre en oeuvre pour empêcher toute atteinte à l'environnement et, lorsque celle-ci n'aura pas pu être évitée, d'enclencher immédiatement les actions de maîtrise du dommage. La question de la réparation financière n'interviendra qu'au terme de ce processus. Cette logique de prévention et d'action constitue une première avancée très importante.
Ensuite, les travaux préparatoires – et je rends hommage au travail effectué par le rapporteur Alain Gest – nous ont montré que l'application du droit commun de la responsabilité à la réparation des atteintes à l'environnement, présente de nombreuses limites. Ce texte permet donc, pour des événements importants, de fixer un cadre clair et précis qui facilitera la protection de l'environnement et, par la suite, donnera une base juridique claire à la réparation de certains préjudices.
Je vais terminer cette intervention par ma troisième remarque générale qui porte sur le cadre plus général des obligations nouvelles imposées aux entreprises européennes en matière environnementale.
Nous le savons tous, l'Espace européen a vocation à être un espace ouvert à la libre circulation des biens et des services entre pays membres bien sûr, mais également avec des pays extérieurs à l'Union. Pour autant, nous devons nous mobiliser pour établir dans les relations commerciales entre l'Union européenne et les autres pays, une règle qui tienne compte du modèle environnemental et aussi social que nous avons bâti depuis des années et que nous continuons à bâtir.
Il serait en effet paradoxal que nous imposions aux entreprises européennes des contraintes sociales et environnementales – avec un coût répercuté dans le prix des produits et services vendus – et que, dans le même temps, nous les laissions en concurrence avec des entreprises n'ayant pas ces mêmes contraintes. Si la technologie et la qualité de nos entrepreneurs et de leurs salariés sont un garde-fou à cette concurrence que je qualifierais de déloyale, il est temps que l'Union européenne prenne pleinement la mesure de cette situation, pour apparaître aussi comme un espace de protection de ses entreprises et de ses citoyens et, au-delà, un défenseur du modèle européen que nous souhaitons promouvoir.
Je sais, monsieur le ministre d'État, que vous êtes sensible à ce sujet et que vous porterez la voix de la France au niveau européen. Je sais que le Président de la République et tout le Gouvernement sauront aussi, lors de la présidence française et dans les grandes négociations internationales à venir, faire valoir ce point de vue avec conviction et efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'Assemblée nationale est aujourd'hui appelée à examiner le projet de loi adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement. À titre personnel, je ne peux que regretter la technicité de ce texte qui phagocyte le débat et le cantonne dans un champ tout à fait restreint, alors que l'importance du sujet et l'ensemble des dispositions auraient mérité une véritable discussion.
Monsieur le ministre d'État, si les socialistes peuvent s'accorder avec vous sur la nécessité de responsabiliser les producteurs et les utilisateurs, ils ne peuvent être tout à fait d'accord sur la méthode, non plus que sur la portée et l'ampleur des sanctions. Ainsi, la mise en oeuvre du principe « pollueur-payeur » contenue dans le texte est largement en deçà des ambitions que vous aviez pu ici ou là développer. En effet, s'il est très important que les pollueurs soient les payeurs – personne ne peut dire le contraire –, il est tout aussi primordial que ceux qui n'ont pas pollué ne soient pas, finalement, invités à payer la note.
À cet égard, vous l'aurez compris, je déplore vivement la faiblesse du montant des amendes contenues dans l'ensemble du texte au regard de la taille et du chiffre d'affaires de la très grande majorité des entités susceptibles d'être concernées. J'espère que notre assemblée en prendra conscience, et qu'en adoptant nos amendements, elle transformera ce projet en un texte plus ambitieux et aussi plus courageux : j'espère par exemple qu'elle ne limitera pas les responsabilités pécuniaires et pénales aux seules filiales responsables, et qu'elle les élargira à l'ensemble du groupe concerné ainsi qu'aux actionnaires.
Cette problématique est à mon avis essentielle. Quel serait en effet le scénario en cas de faillite de la filiale ? La réponse est simple : les collectivités territoriales, éventuellement un peu aidées par l'État, devront assumer les conséquences d'actes irresponsables. Les contribuables locaux seraient ainsi les uniques victimes d'une véritable double peine : déjà affectés par la pollution de leur espace, ils devraient en plus mettre la main à la poche pour suppléer les carences des entrepreneurs privés. Sur ce point comme sur bien d'autres, la justice sociale voudrait que les responsabilités soient pleinement assumées par les auteurs des dommages.
Permettez-moi d'élargir le propos. Si je ne peux que partager globalement la démarche entreprise ainsi que la volonté affichée par le Gouvernement en faveur de la protection de l'environnement, je déplore les atermoiements entre les annonces et les actes concrets. À cet égard, j'ai pris acte des changements d'agenda pour le projet de loi de programmation du Grenelle de l'environnement ; ces changements attestent peut-être les difficultés que vous rencontrez dans la mobilisation des moyens financiers et techniques nécessaires pour traduire en acte les ambitions affichées. Une fois n'est pas coutume, à la célérité des annonces médiatiques et à l'espoir suscité par la promesse de mesures volontaristes dans le domaine de la protection de l'environnement succède le pragmatisme de la réalité budgétaire. Cette réalité vous a rattrapé, et j'ai bien peur qu'elle ne vous bride durablement.
Transposer des directives européennes à tour de bras, au besoin par la voie des ordonnances, afin d'éviter le débat parlementaire, c'est une chose ; les rendre effectivement applicables et en assurer parfaitement le suivi en est une autre. En veut-on un exemple ?
Dans le département de La Réunion, huit communes sur vingt-quatre et quelques opérateurs privés se sont vu signifier récemment leur mise en examen pour non-respect de la directive européenne imposant la mise aux normes des stations d'épuration. Le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, interrogé ici même par une députée, a généreusement annoncé une aide exceptionnelle de l'État de 60 millions d'euros, alors que le chiffrage de l'ensemble des investissements nécessaires est évalué à plus de 365 millions d'euros : 60 millions sur 365, cela représente seulement 17 %. Est-ce cela, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, que l'on appelle assumer ses responsabilités ?
Quand on connaît les retards de développement à La Réunion et la situation budgétaire de la plupart de nos communes, il est illusoire de croire – ou hypocrite d'affirmer – que la loi sera effectivement respectée et appliquée. Je ne prône pas ici l'irresponsabilité en matière d'environnement. Bien au contraire, je souhaite plus de responsabilité, mais encore faut-il en avoir la volonté et, surtout, s'en donner les moyens.
Prendre ses responsabilités, dans tous les domaines mais surtout en matière d'environnement, ce n'est pas seulement légiférer à l'emporte-pièce pour ne pas apparaître comme le mauvais élève de l'Union européenne à quelques jours de la présidence française ; ce n'est pas seulement distribuer des bons points aux uns et stigmatiser les autres. Il faut, comme pour toute autre politique, une implication financière forte, faute de quoi les ambitions affichées resteront à jamais de beaux discours sans effet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, le nouveau régime de responsabilité instauré par le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui se réfère aux articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement adossée à notre Constitution et adoptée par le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 28 février 2005.
J'avais, pour ma part, voté en faveur de cette charte, même si elle suscitait, et continue à susciter de nombreuses interrogations. Au-delà de l'incantation ou du voeu pieux, cette charte permet-elle de régler des problèmes précis ? Telle est in fine, si j'ai bien compris, l'ambition de votre projet de loi, qui transpose une directive européenne sur la prévention et la réparation des dommages écologiques purs. La dichotomie entre l'affirmation d'un beau principe et son application concrète refait donc surface aujourd'hui. Ce débat récurrent, nous l'avons déjà eu au moment du naufrage de l'Erika et, plus récemment encore, lors de l'examen du texte sur les OGM, lorsque le principe de précaution a été purement et simplement piétiné.
Le projet de loi consacre, pour la première fois, la possibilité d'une réparation d'un préjudice résultant d'une atteinte à l'environnement, et il reconnaît le principe « pollueur-payeur ». C'est avec beaucoup d'espoir que j'en ai pris connaissance, ayant à l'esprit un exemple concret.
Permettez-moi, monsieur le ministre d'État, de citer le cas précis de Quebecor, multinationale canadienne spécialisée dans les médias et la communication ayant développé, jusqu'à récemment, des activités d'imprimerie en Europe et en France. L'une de ces imprimeries se trouvait à Strasbourg. Lorsque le secteur s'est trouvé en crise, les salariés de Strasbourg ont été licenciés et le site a été fermé et laissé en friche, alors qu'il était doublement pollué : en surface par de l'amiante et en profondeur par différents solvants industriels. Le terrain, laissé vacant par cette multinationale, est devenu une véritable verrue située en plein milieu d'un projet de parc naturel urbain dans les quartiers de Koenigshoffen et de la Montagne verte.
Quebecor, qui se targue d'être une entreprise « soucieuse de la qualité de l'environnement et [qui] multiplie [les] initiatives en faveur du développement durable » a vendu et fusionné ses activités d'exploitation européennes avec une autre société pour créer une nouvelle entité. Face à la multiplication des interlocuteurs, la question de la responsabilité se pose. Qui est responsable de ce terrain de cinq hectares laissé à l'abandon à Strasbourg ? Nos collègues sénateurs ont dénoncé le manque d'ambition de votre texte qui, contrairement à une promesse symbolique du Président de la République, exonère les sociétés mères de toute responsabilité en cas d'accident : c'est précisément le cas de figure que j'évoquais.
Lorsque l'on ne peut plus identifier aucun dirigeant réel ou que ce dernier dépose le bilan, qui remet le terrain endommagé en l'état ? Les collectivités locales ? L'État ? Mais avec quels moyens, et dans quels délais ? La pertinence d'une loi, monsieur le ministre d'État, se mesure à sa capacité à trouver des solutions concrètes.
Si vous prenez aujourd'hui l'engagement devant notre assemblée que votre projet de loi pourra résoudre des cas comme celui que je vous ai décrit, je suis prêt à le voter. Cependant après avoir pris connaissance des différents articles, j'ai les plus grands doutes. Je crains qu'une fois de plus, les belles déclarations ne soient suivies d'aucun effet : pour le cas que j'évoquais comme pour d'autres similaires, votre texte est sans doute inopérant. Il m'est donc difficile de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour transposer la directive 200435CE du 21 avril 2004. Nos collègues du Sénat l'ont fait en avril 2007, après un dépôt sur le bureau en 2006, et nous débattons aujourd'hui dans l'urgence.
Quelle urgence ? Celle de définir un régime de responsabilité pour les dommages causés aux ressources naturelles ou celle du calendrier ? Le fond ou la forme ? Je crains qu'une fois de plus, la seconde n'ait pris le pas sur le premier,…
…et que la prochaine présidence française de l'Union ne soit le véritable motif de l'examen de ce texte attendu et novateur.
Pourtant, la transposition en droit interne de la directive devait constituer la première mise en oeuvre législative de l'article 3 de la Charte de l'environnement, que j'ai moi aussi votée, ainsi que de l'article 4, relatif au principe de réparation des dommages. Vous pourrez une fois de plus nous opposer le Grenelle, monsieur le ministre d'État, mais le temps que vous avez mis pour transposer la directive n'aura même pas suffi à justifier la marge d'appréciation reconnue aux États membres.
Je passe rapidement sur le fait que le projet de loi s'est en réalité transformé en un texte portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, et que la concertation en amont ait été quasi nulle, très loin en tout cas des intentions du Grenelle. Je préfère m'appesantir sur la notion de gravité telle qu'elle est définie par l'annexe II de la directive.
Non seulement le nouveau régime ne vise pas tous les dommages, mais la part laissée à l'interprétation des juges me semble trop large. C'est vrai dans le domaine particulier de l'état de conservation des habitats naturels protégés et des espèces. C'est encore vrai dans celui de la contamination des sols, puisque c'est le risque pour la santé humaine qui sera pris en compte. Toutefois, cette dernière disposition est très limitée par le fait que les atteintes identifiées avant l'entrée en vigueur de la directive dans notre droit ne sont pas concernées si elles ont été réalisées sous couvert d'un permis d'exploitation. C'est vrai, enfin, pour les dommages affectant le bon état écologique des eaux ; je terminerai sur ce point.
L'exclusion des dommages liés au transport d'hydrocarbures prévu à l'article L. 161-2 du nouveau titre VI du livre Ier du code de l'environnement est regrettable. Comme vous le savez, monsieur le ministre d'État, les indemnisations du FIPOL pour les dommages du Prestige ont été notoirement insuffisantes, et ont montré les limites des dispositions internationales. Vous savez aussi que le jugement rendu le 16 janvier 2008 au sujet de la pollution de l'Erika a ouvert des perspectives intéressantes pour la reconnaissance du dommage environnemental : le tribunal a en effet intégré le critère d'atteinte à l'image au bénéfice des collectivités territoriales touchées par une pollution. C'était bien le moins, d'ailleurs, au regard des années de procédure qu'elles ont endurées et, surtout, de la gravité des dommages qu'elles ont subis.
C'est bien dans le présent texte qu'il aurait fallu consacrer la reconnaissance du dommage environnemental. Que valent les 6 000 euros d'amende prévus pour une pollution marine diffuse ? Pourquoi ne pas afficher clairement la responsabilité de tous les acteurs de la chaîne de transport, affréteur compris ? Nous serons vigilants sur la volonté de certains, peut-être sur les bancs de la droite, de plafonner les amendes. Où est la véritable application du principe « pollueur-payeur » ?
Dans ce texte, monsieur le ministre d'État, c'est la définition du dommage qui n'est pas bonne. Trop d'éléments, qui auraient pu et dû figurer dans la loi, sont renvoyés aux décrets d'application, voire à des ordonnances. Nous le regrettons d'autant plus qu'avec le texte relatif aux OGM, le Conseil constitutionnel vous a envoyé un signal fort en contestant le renvoi au décret de la liste des informations indispensable à l'agrément des OGM : je tenais à le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, je m'exprimerai brièvement sur le point que vient de soulever Jean Launay, non sans avoir rappelé que, souvent, c'est en transposant des directives que nous faisons des progrès en matière de protection de l'environnement.
Je pense que nos gouvernements, toutes tendances confondues, n'ont pas suffisamment écouté les écologistes. Nous avons toujours été stimulés par les directives européennes ; je pense à Natura 2000, même si ce fut très difficile. C'est encore le cas aujourd'hui avec cette transposition. Elle est intervenue trop vite, tout a été dit sur ce point. Cela étant je veux vous faire part de mes inquiétudes et de mes interrogations sur le texte qui nous est présenté.
A l'article 4 bis, sur lequel le rapporteur a fait un travail intéressant, vous avez, semble-t-il, tiré les conséquences de l'arrêt du TGI de Paris du 16 janvier 2008 sur l'Erika, en donnant aux collectivités locales la possibilité d'ester en justice non seulement pour les biens dont elles sont propriétaires, mais également pour leur territoire.
Je pense que cet article manque de précision car il ignore tout ce qui porte atteinte à l'image d'une région ou d'un territoire. Nous savons bien, pour l'avoir malheureusement vécu à plusieurs reprises, qu'après une grave pollution, il faut des années pour qu'un territoire retrouve une image positive, en termes touristiques, et pour convaincre ceux qui n'y vivent pas qu'ils peuvent revenir, malgré les images catastrophiques qu'ils ont vues à la télévision. C'est donc un élément important.
Nous reprenons également, dans cette transposition, les dispositions de la convention Marpol qui fixent un cadre juridique commun aux sanctions administratives et pénales en cas de déversement de substances polluantes. La transposition est acceptable, mais nous aurions pu en profiter, à la veille de la présidence française de l'Union, pour reprendre la discussion sur cette convention. Ce n'est pas parce que nous avons tous signé ce texte utile, bien qu'insuffisant, qu'on ne peut demander à l'Europe, après cette directive tout aussi intéressante, d'améliorer une convention qui a montré toutes ses insuffisances.
Le Sénat a fait le choix de la directive plutôt que de la convention, en dépit de certains problèmes juridiques liés à l'application des conventions internationales. Au motif d'aligner le régime répressif des navires étrangers dans les eaux territoriales et le régime français, le dispositif que nous nous apprêtons à voter supprimera les peines de prison pour les responsables de navires, mais augmentera le montant des amendes. Je ne sais pas si cela améliorera les choses, et je souhaite, monsieur le ministre d'État, que vous nous donniez des explications à ce sujet.
Je pense qu'il est préférable, en cas de catastrophe écologique, d'instaurer des amendes. Nous allons donc instaurer de nouveaux plafonds : faut-il lier l'amende à la valeur du navire ? Sur ce point, je comprends la motivation de ceux qui ont investi dans un bateau neuf. Soyons prudents, car, à chaque fois que l'on introduit un plafonnement, il a des conséquences juridiques inattendues.
Enfin, je souhaite que nous nous interrogions sur la responsabilité des maisons mères telle qu'elle est prévue dans d'autres articles de ce texte.
Lors du procès de l'Erika, nous avons vu à quel point il était difficile de retracer la chaîne des responsabilités. Ne craignez-vous pas que le nouveau droit ouvert par cette transposition ne pousse certains affréteurs, pour assurer le transport d'hydrocarbures, de liquides ou de produits chimiques très dangereux, à multiplier les filiales afin que l'on ne puisse pas retrouver les responsables ? Au cours du procès de l'Erika, nous nous sommes réjouis de ce que la responsabilité personnelle de celui qui commandait le navire – à savoir s'il avait, oui ou non, fait les gestes de nature à éviter la catastrophe – n'était pas la seule engagée.
Nous avons réussi à définir les responsabilités des affréteurs, notamment quant au choix de la compagnie à qui les produits ont été confiés, mais, lorsque nous nous trouverons devant des filiales en chaîne, comment ferons-nous ? Qui sera responsable, de quoi et dans quel pays ? J'attends que vous me répondiez sur ce point, monsieur le ministre d'État, car je crains que, par souci de clarification, la jurisprudence n'aille dans ce sens.
Même si nous sommes très prudents – je vous rappelle qu'il y a eu appel – je crains que cette transposition n'offre des possibilités d'échapper à la sanction. Or, si les pollutions aux hydrocarbures sont très graves, monsieur le ministre d'État, vous savez comme moi que nous ne sommes pas à l'abri de pollutions encore plus graves, quand on sait ce que transportent les bateaux.
On montre souvent les bateaux poubelles chargés d'hydrocarbures parce que la pollution qu'ils génèrent est visible, mais je peux vous dire que de nombreux objets tombés des conteneurs échouent sur nos côtes. Et quand on sait ce qu'il peut y avoir dans les conteneurs, on peut s'inquiéter ! J'espère, monsieur le ministre d'État, que vous allez nous dire qu'il ne sera pas possible d'échapper à ses responsabilités en créant des filiales en chaîne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, je ferai d'abord une remarque d'ordre général : je me réjouis de la tonalité de ce débat, qui est à la hauteur de la complexité des interrogations et de notre volonté commune d'avancer sur un chemin qui n'est pas simple, en évitant les faux amis et les pièges.
Je veux indiquer à M. Poignant que nous élaborerons ensemble les décrets, en particulier le principal, mais permettez-moi de dire aux parlementaires que vous êtes, en particulier à MM. Chassaigne, Fruteau et Launay, que ce ne serait pas respecter le Parlement que d'inscrire dans la loi des modalités pratiques qui sont par nature évolutives, car cela nous oblige à revenir régulièrement devant le Parlement.
Je prendrai l'exemple des normes en matière d'habitat, que vous aurez à connaître lors de l'examen du texte issu du Grenelle de l'environnement.
Franchement, nous allons passer de longues nuits à édicter des normes électriques qui ne manqueront pas d'évoluer. Pourquoi fixer dans la loi un objectif de 50 ou de 88 kilowatts-heure, alors que ces normes relèvent du règlement, simplement parce qu'on les a inscrites dans une loi précédente ? Nous ne voulons rien cacher, et le Gouvernement agira dans la plus grande transparence en vous soumettant une première version du décret. Cependant de grâce, ne faisons pas faire au Parlement un métier qui n'est pas le sien, au risque de l'encombrer inutilement !
J'en viens aux sanctions pénales, aux sociétés mères et à l'exonération du permis, qui préoccupent notamment M. Poignant et M. Dionis du Séjour.
S'agissant des sanctions pénales maritimes, je suis très embarrassé. Je comprends pourquoi le rapporteur veut relever considérablement le niveau des amendes, qui pourront aller jusqu'à 15 millions d'euros, et je ne parle pas des dommages et intérêts civils, ni des dommages et intérêts pour dommages écologiques, puisque nous allons créer trois types de sanctions financières. Quoi qu'il en soit, le fait de passer d'amendes dérisoires à des amendes lourdes est, à l'évidence, un signal fort.
M. le rapporteur souhaite poursuivre la reconquête du pavillon français. Il est vrai que, sur le plan économique et social, c'est une bonne chose. Nous en convenons tous, la reconquête du pavillon français, entreprise il y a plusieurs années, est une nécessité, et non le reflet d'un patriotisme déplacé. Le Gouvernement, s'il comprend la position du rapporteur, est plus réservé, pour la raison suivante : que ferons-nous si, cette nuit, il se passe quelque chose ? Serons-nous en mesure d'appréhender convenablement la situation ? N'entrons-nous pas dans une logique génératrice de troubles ? Nous allons en discuter ensemble. Le Gouvernement ne fuira pas ce débat. J'ai bien entendu les craintes de Mme Lebranchu dans ce domaine.
Quant à l'exonération de responsabilité de l'exploitant pour respect de permis, qui intéresse M. Poignant et M. Dionis du Séjour, on peut toujours dire qu'il vaut mieux respecter la règle que ne pas la respecter, mais ne risque-t-on pas de dédouaner les autorités qui délivrent les permis, quelle qu'en soit la forme, puisqu'on peut poursuivre un exploitant alors même qu'il a obtenu un permis ? Inversement, si l'on inquiète trop ces fameuses organisations qui délivrent les autorisations et les permis, elles pourraient refuser de délivrer quoi que ce soit pour éviter de prendre le moindre risque. Il nous faudra donc trouver un équilibre, dans ce texte ou dans le cadre du projet de loi relatif au Grenelle de l'environnement, pour régler l'une des deux grandes questions que pose ce texte.
Je vous indique par ailleurs que la directive n'a pas à interférer sur les conventions internationales.
M. Poignant a interrogé le Gouvernement sur les quotas de CO2 définis par le PNAQ, le plan national d'affectation des quotas. La France a d'ores et déjà délivré ses quotas gratuits aux opérateurs. Les nouveaux entrants sur le marché n'y auront donc pas accès. Nous souhaitons assouplir ce dispositif. Nous allons mener une étude d'impact et nous en discuterons lors de l'examen de la loi de finances initiale.
S'agissant des ordonnances, j'indique à Mme Reynaud qu'ayant été longtemps parlementaire, je sais ce qu'elle en pense. Franchement, ce sont des ordonnances très techniques, qui visent à harmoniser des dispositions. Elles ne portent pas sur des principes et ne seront pas prises dans la précipitation, mais elles sont le fruit d'un travail particulier. Je lui ferai la même réponse que pour les décrets. Sur le règlement REACH, qui est très important, je proposerai au président de la commission de constituer un groupe de travail, sur le modèle du Grenelle de l'environnement, réunissant le Parlement et le Gouvernement. Il ne s'agira pas d'une coproduction d'ordonnances, cela pourra y ressembler, car nous ne sommes pas certains que notre position est partagée par tous et il est toujours utile de comparer nos points de vue.
S'agissant du décret, je renvoie M. Chassaigne aux réponses que j'ai adressées à M. Poignant. Quant à M. Dionis du Séjour, j'ai répondu à ses deux questions.
Monsieur Fruteau, honorable parlementaire de La Réunion, je ne voudrais pas que les Réunionnais s'inquiètent en lisant le Journal officiel : il n'y a pas, à ma connaissance, de mise en examen de maires de communes, mais une mise en demeure de communes, ce qui est un peu plus rassurant. De quoi s'agit-il ?
En matière d'eau résiduelle urbaine, sur 156 sites – communes, intercommunalités, syndicats – les installations ne sont pas conformes, c'est-à-dire en état déplorable, voire inexistantes. Cela vaut pour l'ensemble de notre territoire comme pour La Réunion.
Il y a un an, j'ai « piqué » une colère. Nous avons mis en demeure les collectivités qui ont la charge de cette question, mais qui sont en partie financées par les agences de l'eau. Nous avons fait le point opération par opération, et nous avons constaté les moyens financiers nécessaires pour accélérer la mise en conformité. L'État n'a pas de responsabilité financière ; il n'est que le garant du respect des lois.
Par ailleurs, nous avons pris la précaution de nous munir d'un complément de financement d'un milliard d'euros, prévu par la Caisse des dépôts. À cette heure, 148 collectivités se sont mises en conformité, ont lancé les appels d'offres ou commencé les travaux. Il y a eu une forte accélération. Si certains sites ne sont pas achevés, c'est en général pour des raisons matérielles ou techniques, par exemple un conflit avec la loi Littoral.
Enfin, le système est initié et les 60 millions d'euros évoqués par le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, Yves Jego, correspondent à un financement complémentaire alloué à ces opérations de responsabilité communale ou intercommunale.
M. Jung souhaite savoir si ce texte changerait la donne pour Quebecor. La réponse est oui, mais pas dans tous les cas de figure. Ce texte permet en effet de poursuivre une entreprise pour un nouveau type de dommages – ce que l'on ne pouvait pas faire auparavant –, dès lors qu'ils figureront sur la liste prévue à cet effet. S'agissant de Quebecor, en l'occurrence propriétaire des sites évoqués, et si la situation est bien telle que décrite, sa responsabilité pourrait être engagée.
M. Jung se demande également si Quebecor se trouve dans le même cas de figure que Metaleurop, soit la disparition d'une personne morale du fait d'une faillite. Non, car il s'agit là de la responsabilité d'une maison mère dans le cadre du droit des faillites. C'est sur ce cas particulier que le Président de la République s'est exprimé, en souhaitant que ce problème de droit commercial prenne une dimension internationale. Pour une entreprise comme Quebecor, qui n'est pas en faillite, le texte apporte beaucoup. Il ne résout pas, en revanche, le problème posé par l'engagement de la responsabilité d'un actionnaire identifiable éventuel dans le cadre de la disparition d'une personne morale.
M. Havard a rappelé tout le monde à l'ordre concernant la transposition des directives. Michel Barnier a effectué un travail remarquable sur les nitrates, notamment en Bretagne. Les eaux résiduaires urbaines constituent l'un des rares cas, sinon le seul, où une cour de justice ayant été saisie, la Commission a retiré ses observations pour tenir compte des travaux réalisés sur les 156 sites. Avec ce texte et celui sur les OGM, nous rattrapons largement notre retard.
Enfin, j'ai bien noté les interrogations de Mme Lebranchu sur la convention Marpol et sur le débat entre amendes et responsabilité. Nous allons en reparler en toute loyauté. Personne n'a un avis tranché en la matière, mais, grâce au débat parlementaire, nous y parviendrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.
Nous allons commencer par examiner plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.
L'objectif de cet amendement est de préciser le régime des actions en réparation en cas de dommage environnemental, afin de garantir l'accès des victimes à la justice.
Il y a quelques semaines, le 6 mai 2008, notre assemblée a adopté, en première lecture, une proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile. Ce texte entend instaurer un régime particulier pour la réparation des dommages causés à l'environnement.
Jusqu'à présent, en matière industrielle, la jurisprudence administrative s'est accordée sur un délai de trente ans, à compter de la cessation d'activité, au cours duquel cette dernière peut demander la remise en état du site. Ce délai de trente ans, après des débats importants, a bien été inscrit dans la loi et élargi à d'autres domaines, conformément au délai prévu par la directive 200435 sur la responsabilité environnementale. Toutefois la rédaction retenue souffre d'imprécisions, qui sont source d'insécurité juridique.
Notre texte vise donc à répondre aux questions soulevées en apportant des précisions : le régime concerne en général les obligations liées à la réparation des dommages causés à l'environnement et non seulement les obligations financières ; le régime d'exception vise les installations, travaux, ouvrages et activités régis non seulement par le code de l'environnement, mais aussi par le code de la santé publique, le code rural et le code forestier ; enfin, le délai de trente ans commence à courir à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
S'agissant de la réparation de dommages environnementaux, le texte pose le principe d'un délai de trente ans. Or si elle était adoptée, la proposition de M. Cochet, qui élargit considérablement le champ d'application de la loi, rendrait nécessaire une étude d'impact sur ses effets réels. La rédaction proposée n'est pas assez précise. Comment évaluer la date à compter de laquelle le titulaire d'un droit « aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ?
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Défavorable.
Cet amendement de repli vise également à préciser le régime des actions en réparation en cas de dommage environnemental, afin de garantir l'accès à la justice des victimes.
Cet amendement fait référence à l'amendement précédent. Par cohérence, la commission émet un avis défavorable.
Défavorable.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 106 .
Cet amendement vise à créer un délit d'atteinte à l'environnement ou de pollution. Je me suis largement inspiré, monsieur le rapporteur, d'une intéressante proposition de loi, que vous aviez déposée le 13 février 2003, avec plusieurs de vos collègues, dont notamment Nathalie Kosciusko-Morizet, tendant à créer un délit de pollution.
La reconnaissance de la valeur d'intérêt général de l'environnement, consacrée par l'article 410-1 du code pénal, conduit à souhaiter la mise en place d'une incrimination générale réprimant la faute écologique. C'est d'ailleurs un terme que vous aviez, monsieur le rapporteur, utilisé dans votre exposé des motifs. Jusqu'à présent, la définition des infractions étant dispersée dans un grand nombre de textes, c'est le plus souvent la méconnaissance des règles administratives qui est sanctionnée. Ainsi, de nombreux domaines échappent à la répression. Il existe aussi, dans les textes actuels, le crime de terrorisme écologique qui vise, quant à lui, certaines atteintes volontaires à l'environnement.
L'objet de notre amendement est de créer, en suivant votre proposition de l'époque, monsieur le rapporteur, et celle de l'actuelle secrétaire d'État chargée de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, alors députée, un délit d'atteinte à l'environnement, en précisant : « Est coupable du délit d'atteinte à l'environnement toute personne qui aura, par inattention, imprudence ou négligence, porté atteinte de façon grave et irréversible, directement ou indirectement, à l'équilibre du milieu naturel.
Dans la mesure où je reprends votre idée, monsieur le rapporteur, je présente cet amendement en toute sérénité !
Je ne peux nier l'intérêt porté par M. Chassaigne aux propositions de loi que j'ai parfois l'honneur de présenter avec d'éminents collègues ! (Sourires.) Pour autant, il a noté, comme tout le monde, que le texte que nous examinons aujourd'hui concerne la création d'une police administrative. Or il parle de créer un délit, dont il souhaite poser le principe, mais qui semble bien difficile à définir. Il n'évoque pas non plus les sanctions qui pourraient s'appliquer : peine de prison ou amende.
Je fais remarquer à M. Chassaigne que la philosophie de ce texte n'est pas de mettre les gens en prison, mais de réparer les sites environnementaux dégradés.
Le projet de loi doit répondre à l'esprit de la directive. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Le texte visant à transposer la directive relative à la responsabilité pénale est en cours d'élaboration. Il mettra en place les procédures et définira les sanctions. Votre proposition, monsieur Chassaigne, trouvera mieux sa place dans l'examen de ce texte. Ne dénaturons pas le présent projet.
J'ai cru comprendre, monsieur le ministre d'État, qu'au moment où nous adopterions le texte de transposition de la directive sur la responsabilité pénale, vous soumettriez l'action de groupe au vote de notre assemblée. Si cela relève de la compétence de votre ministère, pourriez-vous nous confirmer cette information ? M. Chatel nous l'avait promis et j'aimerais savoir si, le cas échéant, vous pouvez relayer cette promesse. Je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais sachez que cette question lancinante vous sera probablement posée à nouveau au cours de ce débat.
Comme en témoigne le nombre d'amendements déposés, il s'agit d'un article important.
Le texte dont nous débattons aujourd'hui vise à transposer une directive européenne et à appliquer le principe « pollueur-payeur », alors que les risques de pollution et de dégradation de l'environnement se multiplient du fait des activités humaines : je pense, par exemple, au naufrage du Prestige, mais aussi au problème, plus sournois, posé par l'amiante.
J'émets d'abord une critique d'ordre général : nous avons attendu très longtemps la transposition de cette directive, et voilà que le Gouvernement déclare l'urgence sur le texte. J'avoue ne pas comprendre cette procédure, sauf à vouloir montrer que la réforme institutionnelle en cours d'examen ne revalorise en rien le Parlement.
Il s'agit d'un texte d'habillage. Nous assistons en réalité à une séance de maquillage, puisque la droite essaie de nous faire croire, ce dont nous ne sommes pas dupes, qu'elle est devenue écologiste. Elle ne l'est pas et elle ne l'a jamais été ! C'est comme si elle voulait nous faire croire qu'elle est, parfois, sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vos décisions ne sont à l'évidence ni écologiques ni sociales. Je prends un exemple : la baisse du pouvoir d'achat des retraités, que vous avez décidée. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je le regrette, mais c'est bien vous qui avez pris cette décision ! (Mêmes mouvements.)
Vous prétendez que cette loi constitue une avancée grâce à l'introduction du principe pollueur-payeur.
Vous n'avez pas eu le courage de vous en occuper lorsque vous étiez au pouvoir !
On l'a dit pendant la discussion générale : c'est surtout la règle du polluer partout mais sans payer nulle part.
Si l'on appliquait le principe pollueur-payeur, vous devriez vous inquiéter !
On cherche en effet à détourner l'esprit de la directive.
J'en veux pour preuve – c'est très grave – le fait que ce n'est pas le décideur qui est incriminé mais simplement les filiales, que la société mère est exempte de responsabilité. Comme l'a dit l'une des oratrices du groupe socialiste, si l'on prend le cas très concret de Metaleurop, ce sont les collectivités qui ont dû débourser et rien ne changera si l'on vote le texte en l'état.
Aussi avons-nous déposé de nombreux amendements et j'espère que vous les voterez si vous voulez me prouver que j'ai eu tort en disant que la droite n'était pas écologique.
L'amendement prend en compte le fait que le débat sur la charte de l'environnement a clairement établi, à propos du principe pollueur-payeur, que nous ne devons pas créer un droit monnayable à polluer. Nous avons donc préféré rappeler la nécessité de faire prévaloir l'objectif de réduction de la pollution, conformément à l'esprit de la directive et du présent texte.
Ainsi, plutôt qu'au principe pollueur-payeur, nous avons préféré faire référence au 3° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui rappelle justement la nécessité de faire prévaloir l'objectif de réduction de la pollution, de la remise en état.
Ensuite, la directive précise que la remise en état doit se faire à un coût raisonnable pour la société. J'ai trouvé que cette mention méritait d'être reprise dans le texte, d'où la proposition de l'y ajouter par le biais de cet amendement adopté par la commission.
Le Gouvernement comprend très bien l'objectif poursuivi par l'amendement de la commission ; seulement, il fait disparaître l'expression « pollueur-payeur », alors que l'amendement du Gouvernement entend la maintenir tout en insérant lui aussi les mots : « et à un coût raisonnable pour la société ».
Je ne suis favorable à aucun des deux amendements qui portent presque sur le même sujet. Je vais prendre un exemple très concret auquel, d'ailleurs, le Gouvernement a malheureusement déjà réagi.
Depuis des décennies, le Rhône est pollué de façon chronique par les PCB. Chacun le savait plus ou moins, même dans les années soixante ou soixante-dix, au moment où la pollution était libre et gratuite. Heureusement, elle n'est plus aujourd'hui ni libre ni gratuite et nous essayons, par ce projet, de resserrer et de renforcer la responsabilité des pollueurs.
Le préfet du Rhône a été chargé de mener des études il y a quelque temps. La première décision prise a été l'interdiction de la pêche de tout poisson de bien en amont de Lyon, jusque dans la Camargue, simplement parce que les poissons, évidemment, ont des taux de PCB dangereux pour la consommation humaine. Les pêcheurs amateurs ou professionnels s'en trouvent gravement lésés.
Récemment, le préfet, qui continue ses investigations, a déclaré que la dépollution du fleuve risquait de coûter cher ; il faut en effet, parfois, le draguer pour en améliorer le débit. Simplement, plus on drague, plus on soulève la pollution des PCB enfouis dans les vases au fond du fleuve. Dès lors, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, qui va j'espère bientôt nous rejoindre,…
Demain !
…– soit, demain –, a récemment déclaré, je cite de mémoire, à moins que M. le ministre d'État ne dispose des propos exacts, que la dépollution du Rhône de ses PCB coûterait trop cher. Le coût n'étant donc pas, en l'occurrence, « raisonnable pour la société », on va laisser se répandre la pollution à cause de laquelle nous n'aurons plus le droit de pêcher, plus le droit de nous baigner.
Qu'en est-il, à ce titre, de la Méditerranée, du riz de Camargue ? Sera-t-il toujours exploitable parce que lui-même se retrouvera quelque peu pollué par les PCB ? Je rappelle que les PBC sont une classe de molécules très dangereuses : elles constituent le pyralène, ainsi qu'on l'appelle en France, destiné, notamment, à fabriquer les isolations dans les transformateurs électriques. Eh bien, voilà une pollution qui dure depuis des décennies, causée par des industriels qui l'ont déversée tranquillement dans le Rhône. Or le Gouvernement affirme que la dépollution coûterait si cher qu'on va devoir y renoncer ! Pourtant, les industriels impliqués sont connus ; le Rhône n'est pas orphelin de responsabilités.
Je ne voterai donc pas ces amendements. Si la dépollution doit être réalisée « à un coût raisonnable pour la société » et qu'on y renonce, donc, si elle revient trop cher, cela au détriment de la santé humaine, des poissons, des écosystèmes de la Camargue, entre autres, je ne puis être d'accord. Nous devons faire des efforts puisque nous avons tous plus ou moins pollué, certains plus que d'autres. Eh bien, qu'ils payent !
Ainsi, ce n'est pas à la société mais aux sociétés particulières – les entreprises – de payer, et on peut les retrouver.
La question des PCB est connue et malheureusement, monsieur Cochet, elle ne concerne pas que le Rhône.
Je n'ai pas mémorisé au mot près la déclaration de Nathalie Kosciusko-Morizet sur le sujet. Reste qu'en ce qui concerne le fleuve qui traverse mon département, il n'existe pas à ce jour, à ma connaissance, de technique susceptible de répondre vraiment au problème posé. Si vous relisez bien la déclaration de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui me l'a même envoyée, il ne s'agit pas de renoncer à la dépollution parce qu'elle serait trop onéreuse.
Quel est en effet l'esprit de la directive que nous transposons ? Il est question de « remettre en état », c'est l'objectif de la police administrative que nous créons. Mon souci, à travers la mention « coût raisonnable »…
…qui, encore une fois, figure elle-même dans la directive, est de faire en sorte que l'on évite des considérations qui pourraient amener l'autorité compétente, pour diverses raisons, à proposer des solutions toujours plus budgétivores. Ainsi, l'amendement n° 1 ne remet pas en question l'esprit même du texte, à savoir la volonté de remise en état.
Pour ce qui concerne l'amendement du Gouvernement, j'ai expliqué la raison pour laquelle il nous paraissait plus logique de faire référence au code de l'environnement qui, lui-même, précise déjà bien la conception française du principe pollueur-payeur. Si le Gouvernement souhaite rétablir cette mention, la commission ne s'y opposera pas, d'autant que l'amendement n° 189 conserve la mention « coût raisonnable ».
Le renvoi à la directive 200435CE et à son considérant 3, n'est pas si clair que vous l'écrivez dans l'exposé sommaire de l'amendement n° 1 . Je reprends le texte de la directive où l'expression en question apparaît : « Étant donné que l'objectif de la présente directive, à savoir l'établissement d'un cadre commun pour la prévention et la réparation des dommages environnementaux, à un coût raisonnable pour la société, ne peut être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc […] être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures conformément au principe de subsidiarité […]. »
Autrement dit, vous interprétez à votre avantage…
…une simple expression figurant, en effet, dans le considérant 3, qui souligne qu'un relais peut être pris, à condition que ce soit à un coût raisonnable, par la communauté. Il s'agit d'une interprétation quelque peu tendancieuse des considérants de la directive.
M. le rapporteur a l'air de contester ce que je dis ; mais il suffit de reprendre le texte de la directive, dont l'article 6 sur l'action de réparation est très précis et détaille en effet toutes les réparations possibles. Certaines annexes sont encore plus précises mais, en aucun cas, il n'est dit que certaines dégradations ne devraient pas être réparées.
J'ignore où vous êtes allés trouver cette idée, ou alors il s'agit d'un petit artifice pas très glorieux, monsieur le rapporteur, qui consisterait à présenter un argument que je qualifierais de fallacieux pour un mauvais amendement.
La subtilité de la différence entre l'amendement du rapporteur et celui du Gouvernement m'a un peu échappé mais j'ai tout de même le sentiment que la portée normative de l'un et de l'autre est à peu près identique : elle exonère de sa responsabilité celui qui a pollué.
Oh !
Non !
Le mot « société » est ambigu : s'agit-il de la société en général ou bien de la société coupable de pollution ? Je comprends pour ma part qu'il s'agit de la société coupable de pollution ; c'est donc comme si l'on écrivait : « et à un coût raisonnable pour le pollueur ». L'expression est donc très ambiguë puisque directement liée à la notion de pollueur-payeur. Il convient donc de l'expliquer.
Si le pollueur n'existe plus, qu'il a disparu et qu'il faut redonner au milieu un aspect proche de celui qu'il avait avant la pollution et que c'est la société au sens large qui en a la responsabilité, peut-être faut-il s'interroger sur les modalités de mise en oeuvre et sur les financements de l'opération. Quoi qu'il en soit, nous donnons là un très mauvais signal en employant la formule : « à un coût raisonnable pour la société ». On signifie par là aux pollueurs d'y aller, qu'on ne leur fera pas payer davantage qu'ils ne peuvent en matière de réparation, à supposer qu'ils aient un peu d'argent.
Ensuite, il s'agit d'une anticipation qui préempte la suite du débat puisque je crois savoir que les articles suivants prévoient tout une série d'amendes et de sanctions. Or, si le premier article du texte précise d'emblée que, de toute façon, la « raison » prévaudra en ce qui concerne la compensation financière des dégâts causés, le vote des articles suivants ne devient-il pas inutile ?
Il est donc important que le rapporteur nous éclaire de son expertise sur la manière dont on doit entendre le terme de « société ».
Connaissant la sagacité habituelle de notre collègue François Brottes, je ne parviens pas à imaginer une seconde qu'il ait pu commettre une telle confusion.
Dans ce texte, l'entreprise ou l'activité mise en cause porte un nom clair, il s'agit de « l'exploitant ». Si j'avais souhaité viser cette entreprise, j'aurais utilisé le mot d'exploitant. Il s'agit donc bien ici de la notion générale de société. En outre, notre logique n'est pas de nous éloigner de l'esprit du texte : la remise en état et la réparation du site, sans pour autant que l'autorité compétente, éventuellement mal conseillée, n'émette de proposition inconsidérée en termes de coût.
Je précise donc simplement qu'en aucun cas le terme « société » ne s'applique à l'exploitant, terme par ailleurs explicitement repris dans le texte.
La définition de l'exploitant contenue dans le projet de loi n'est pas exactement celle proposée par la directive. La définition de l'exploitant responsable devrait inclure les actionnaires principaux. Dès le début du texte, il convient de préciser la définition du terme « activité professionnelle ». Nous souhaitons que les sociétés mères puissent voir leur responsabilité engagée, afin d'éviter la répétition de l'expérience de Metaleurop.
Je relève que nos collègues sénateurs, qui ont déjà débattu de ce texte, ont eux-mêmes, sur tous les bancs, proposé que la responsabilité des sociétés mères pour les dommages causés par leurs filiales soit précisée, conformément aux conclusions du Grenelle.
Il semblerait que ces questions aient été plus ou moins entendues, puisque l'ajout du terme "effectivement" permet de toucher la société qui a un réel pouvoir de contrôle sur une autre, ce qui permet ainsi de viser les sociétés mères pour les actes de leurs filiales.
Pour autant, cette proposition reste incomplète. Afin d'assurer l'effectivité de l'article L. 160-1 du code de l'environnement, il semble opportun de se rapporter à la définition du contrôle qui figure dans le code de commerce, et ainsi compléter la nouvelle formulation du projet de loi. C'est l'objet de cet amendement.
La parole est à Mme Marie-Line Reynaud, pour soutenir l'amendement n° 96 .
Notre amendement s'inscrit dans le droit fil de ce que vient de dire M. Cochet.
Lors du Grenelle de l'environnement, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des engagements afin que les politiques menées soient respectueuses de notre environnement et de la biodiversité.
Le Président de la République a affirmé haut et fort que « celui qui pollue des rivières pendant des années, celui qui conçoit et vend un produit chimique, celui qui crée une nouvelle cellule génétique, celui-ci doit être comptable de ses actes, même des années plus tard, si un drame survient. Il n'est pas acceptable que le principe de la responsabilité limitée devienne un prétexte à une irresponsabilité illimitée. Quand on contrôle une filiale, on doit se sentir responsable des catastrophes écologiques qu'elle peut causer. »
Pour nous, le temps des paroles est révolu. Nous voulons des actes, nous voulons que des mesures soient prises.
II est nécessaire, pour que le dispositif présenté aujourd'hui soit efficace, que la responsabilité des sociétés mères puisse être engagée, notamment lorsque l'une de leurs filiales laisse derrière elle un site pollué avant de partir.
Au cours des débats sur le Grenelle de l'environnement, plusieurs groupes se sont préoccupés de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, que le ministre de l'écologie et du développement durable a présenté le 29 avril dernier aux sénateurs, précise ceci : « De plus, la France portera au niveau communautaire le principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l'égard de leurs filiales en cas d'atteinte grave à l'environnement. Elle défendra ces orientations au niveau international ».
Le principe est très bon, mais il faut absolument avancer. Il est urgent d'agir. En 2003, une filiale du groupe Metaleurop a déposé le bilan de son usine de Noyelles-Godault, site qui relevait de la directive Seveso II et employait 830 personnes, afin de s'épargner, d'une part, la mise en oeuvre d'un plan social, et, d'autre part, la dépollution d'un des sites les plus pollués d'Europe.
La réglementation des installations classées au titre de la directive Seveso 2 prévoit en effet que le dernier exploitant doit remettre le site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun danger ou inconvénient. Dans le cas où l'entreprise parviendrait à se soustraire à cette obligation, l'État doit prendre en charge le financement du programme de dépollution.
Le coût de la dépollution du site de Noyelles-Godault a été de 300 millions d'euros, à la charge de la collectivité publique. Il est urgent de donner une portée effective au principe pollueur-payeur, qui ne doit pas se transformer en un principe contribuable-payeur.
Le débat qui s'ouvre avec ces amendements est celui de l'élargissement de la responsabilité de l'exploitant aux filiales, aux maisons mères, aux actionnaires.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler et comme le ministre l'a lui-même indiqué, lors du rendu du Grenelle, au mois d'octobre dernier, le Président de la République a fait valoir que la France avait vocation, en quelque sorte, à faire entendre à ses partenaires européens qu'il y avait lieu d'aller au-delà de la responsabilité de l'exploitant direct, et de mettre en cause les sociétés mères.
Toutefois, comme je l'ai également indiqué, il a aussi précisé qu'il fallait mettre en place ce dispositif dans le cadre d'une discussion au niveau européen.
La question qui se pose est celle de l'exemplarité française. On peut en effet considérer que, pour faire avancer les choses, il y a toujours lieu, pour notre pays, d'être exemplaire, de montrer le chemin, de prendre une disposition que n'ont pas, jusqu'à présent, adoptée nos partenaires européens. Néanmoins cela pose un problème : nous risquons de causer des distorsions de concurrence, au détriment des entreprises françaises.
C'est la raison pour laquelle, si, sur le fond, nous n'avons pas de divergence avec les auteurs de ces amendements, car nous considérons qu'il faut en effet aller plus loin, il nous paraît souhaitable de le faire de manière coordonnée avec l'ensemble des pays européens. Il convient de ne pas mettre en difficulté nos entreprises, qui pâtiraient de cette exemplarité française.
S'agissant, plus précisément, du contenu de la directive, il est exact qu'elle prévoit que le mot « exploitant » peut désigner, « lorsque la législation nationale le prévoit », toute personne physique ou morale qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique. Cependant il s'agit d'une notion qui n'est pas précisée dans les lois françaises. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à ces deux amendements.
L'avis du Gouvernement est le même que celui de la commission.
Je rappelle que ce point particulier a fait l'objet de débats très approfondis lors du Grenelle de l'environnement, et a abouti à un consensus de tous les acteurs sur la nécessité de porter cette question aux plans européen et international. En fait, le problème n'est pas celui du principe pollueur-payeur ; c'est celui qui se pose quand une personne morale disparaît dans des conditions précipitées, dans le cadre d'une procédure judiciaire, ou d'une manière ambiguë.
Le Président de la République est revenu sur ce point dans son discours du 25 octobre dernier. Voici sa phrase exacte : « Nous allons faire sauter, avec l'Europe, les barrières juridiques pour aller chercher les pollueurs là où ils se trouvent. »
J'ajoute que cette question a été inscrite à l'ordre du jour du Conseil européen informel des ministres de l'environnement des 3 et 4 juillet. Nous espérons faire avancer les choses, afin qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour du Conseil du mois d'octobre.
Je trouve que l'on commence très mal !
La transposition de la directive a déjà été affaiblie par l'amendement du Gouvernement qui vient d'être adopté. À présent, vous êtes défavorables à un amendement qui ne fait que reprendre mot pour mot la définition de l'exploitant proposée par la directive. Nous sommes strictement dans l'esprit de la directive.
Puisque vous nous dites – et je ne doute pas de votre bonne volonté – que nous allons travailler avec les autres pays européens, ce serait un signal fort, justement, que de reprendre strictement le texte même de la directive européenne.
Le premier alinéa de l'article L. 160-1 indique l'esprit du texte, et son second alinéa définit le mot « exploitant » : dans les deux cas, vous changez la donne en vous éloignant de l'esprit de la directive.
J'irai dans le même sens que notre collègue M. Tourtelier. C'est vrai que ça commence mal ! Vous utilisez la directive à géométrie variable. C'est incroyable !
J'ai sous les yeux le texte exact de la définition de l'exploitant proposée par la directive. Ce mot désigne « toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle ou, lorsque la législation nationale le prévoit, qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d'un permis ou d'une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité ».
Il y a donc écrit :« lorsque la législation nationale le prévoit » ; la directive ne dit donc pas qu'il faut exclure une telle définition ! Et vous, vous faites le contraire, en excluant justement la possibilité de viser par le terme « exploitant » ceux qui, tout en n'exploitant pas directement, ont en fait une influence réelle sur l'exploitant. C'est incroyable ! Vous tirez la directive vers le bas.
Il faut arrêter de jouer en ne retenant de cette directive que ce qui vous arrange. On peut aller en deçà ou au-delà de la directive, mais vous n'allez jamais au-delà. Vous êtes des maçons, et vous essayez d'ériger des murs qui épargnent les responsables. En fait, comme cela s'est fait ailleurs, à d'autres moments, les murs, il faut les faire tomber.
Cet alinéa 5 de l'article 1er est extrêmement important.
Ce qui est gênant, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre d'État, ce n'est pas tant le fait que vous ne repreniez pas les termes de la directive. Encore que si notre collègue Dionis du Séjour était là, il vous rappellerait à l'ordre, mais je ne vais pas le faire à sa place. Ce qui est gênant, c'est que la rédaction de ce texte permet, si je puis m'autoriser cette expression triviale, de se refiler la patate chaude. En effet le texte comporte l'adverbe « effectivement ». Or en quoi « contrôler effectivement » une activité économique est-il différent de la « contrôler » tout court ? Et qu'est-ce que contrôler effectivement « à titre professionnel » ? Celui qui n'a pas les mains dans le cambouis et siège au conseil d'administration d'une société ne serait pas visé, au motif qu'il n'agit pas « à titre professionnel », mais à titre financier ?
On voit bien qu'en ne visant que celui qui pollue directement, vous exonérez un certain nombre d'acteurs de leurs responsabilités. C'est cela qui nous inquiète. Que veut dire « à titre professionnel » ?
Je pense, monsieur le rapporteur, que si vous levez les doutes, si, avec les termes qui sont les vôtres, vous parvenez à nous démontrer que personne ne pourra se refiler la patate chaude, cela nous rassurera peut-être. Il est important, à ce moment du débat, que vous apportiez les compléments d'explication nécessaires.
La question de la responsabilité des sociétés mères, nous l'avons tous posée. Je l'ai moi-même fait dans la discussion générale. Cela étant soyons réalistes et raisonnables !
Le ministre et le rapporteur l'ont bien souligné : cette question doit être traitée au niveau européen. Ne soyons pas plus royalistes que le roi, et n'allons pas pénaliser nos entreprises à travers la transposition d'une directive dont je rappelle que, à l'heure qu'il est, moins de la moitié des États membres l'ont transposée.
Durant la présidence de l'Union européenne, le ministre oeuvrera, il nous l'a dit, pour faire en sorte que cette question puisse être abordée, mais de grâce, n'accusez pas le Gouvernement, et ne nous accusez pas, nous, la droite, de ne pas prendre nos responsabilités. Nous les prenons et le Gouvernement prendra les siennes au niveau européen, parce que c'est là que la question doit être posée.
Je me permets d'insister, monsieur le président, parce que le rapporteur est resté extrêmement silencieux, ce qui ne correspond pas à sa personnalité. Je le connais un peu, et je sais qu'il est capable de s'exprimer, quand il en a envie. Quand il ne s'exprime pas, c'est très mauvais signe ! (Sourires.)
Quand, sur un sujet majeur, nous posons des questions précises, et sans esprit de polémique, comme chacun l'a compris, nous souhaiterions avoir des réponses. Sinon, dans la suite du débat, nous n'allons pas pouvoir nous entendre.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 107 .
Cet amendement, d'une extrême simplicité, pourrait nous mettre d'accord dans l'attente du projet de loi issu du Grenelle de l'environnement. On dit chez moi que ça ne mange pas de pain, mais vous n'êtes peut-être pas de cet avis. Je propose de supprimer l'adverbe « effectivement » à l'alinéa 5 de l'article. Si vous refusez cette suppression, c'est que vous avez derrière la tête des idées pas très nettes.
Ce mot va en effet ouvrir le champ à des contentieux terribles, qui pourront même concerner des administrations ayant, à un titre ou à un autre, une responsabilité sur le contrôle d'une entreprise. Du fait des suppressions de postes qui résulteront de votre révision générale des politiques publiques, elles ne pourront plus assumer ces contrôles mais elles pourront être pratiquement exemptées de toute responsabilité. Ce point très grave a été souligné fort justement par M. Dionis du Séjour.
J'ai l'exemple, dans ma circonscription, d'une entreprise de vingt et un salariés qui fabriquait des éviers en inox et qui a fermé il y a deux ans. Sous la pression terrible de la société mère, implantée dans la région lyonnaise, elle a fait ce qu'elle a pu. Cependant cela n'a pas empêché la suppression des vingt et un emplois et la fermeture de la filiale. La société mère a délocalisé à l'étranger une partie de sa production, laissant le site complètement pollué. Elle serait exemptée de toute responsabilité.
Les chefs d'entreprise sont pressés comme des citrons par les actionnaires qui leur fixent des objectifs inatteignables. Chacun de nous connaît une telle situation où, au nom du rendement, on tire au maximum sur les hommes, sur l'environnement et sur la nature, on fait des économies qui ne sont pas sans conséquences sur les uns comme sur les autres.
Avec le mot « effectivement », vous ouvrez une boîte de Pandore judiciaire. Si c'est ce que vous souhaitez, ne votez pas l'amendement ; si vous réfléchissez, vous serez raisonnables et vous l'adopterez.
Je suis extrêmement sensible au fait que M. Brottes souhaite m'entendre. (Sourires.)
Merci. Je vais donc lui donner satisfaction sur le principe, mais je ne suis pas certain qu'il en soit de même sur le fond.
Le débat qui est relancé à travers cet amendement est le même que nous avons eu précédemment, c'est-à-dire l'élargissement de la responsabilité de l'exploitant. Je ne reviendrai pas sur ce qu'ont expliqué excellemment le ministre et notre collègue Serge Poignant, c'est-à-dire que ce problème doit être traité au niveau européen.
Le terme « effectivement » est un ajout de nos collègues sénateurs, qui souhaitaient mieux définir la responsabilité.
Pas de procès d'intention, monsieur Chassaigne ! Ils ont pensé apporter ainsi plus de clarté. Pour ma part, je ne suis pas persuadé – je parle sous l'autorité de l'éminent juriste qu'est M. le ministre – que cela résolve totalement le problème.
Le sujet que vous voulez évoquer n'est pas dans le texte parce que nous souhaitons le soulever au niveau européen, conformément d'ailleurs au Grenelle de l'environnement dont il faut respecter l'esprit. C'est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à cet amendement.
Sur le vote de l'amendement n° 107 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Même avis que le rapporteur, mais je veux répondre à la fois à M. Brottes et à M. Chassaigne.
Ce texte a pour vocation de prévenir les préjudices qui pourraient être causés par l'exploitant et d'obliger celui-ci à les réparer. Au fond, la question qui se pose est celle de l'existence ou non d'une personne morale, mais uniquement lorsque l'exploitant a disparu. C'est un problème de droit commercial qui a vocation à être traité au niveau européen. En restant dans notre système normatif, nous risquons de connaître des formes de contournement, avec des sociétés écrans basées à l'étranger. C'est pour éviter cela qu'il est indispensable de passer par l'Europe.
Le concept de la responsabilité n'est pas dit de la personne morale, mais de l'exploitant et de son contrôle effectif. Le débat est largement ouvert et il sera dans la jurisprudence pour les années à venir.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 107 .
(Il est procédé au scrutin.)
Je profite de cet amendement de repli pour citer l'exemple d'une entreprise qui ne serait pas aujourd'hui mise en cause du fait du terme « effectivement » : Metaleurop.
Rappelez-vous les victimes de l'amiante et du saturnisme. Rappelez-vous les décisions de justice, notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 16 décembre 2004 qui, constatant une confusion entre les patrimoines des sociétés SAS Metaleurop Nord et Metaleurop SA, ordonnait l'extension à la SA de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SAS. Rappelez-vous les propos du ministre des affaires sociales de l'époque, qui n'était autre que M. Fillon : « Il n'est pas acceptable qu'une entreprise se permette de décider de fermer une de ses filiales sans en assumer les conséquences sociales et environnementales ». Rappelez-vous le rapport d'expertise commandé par la cour d'appel : « Metaleurop Nord se trouvait dans une situation de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée et ses relations avec Metaleurop SA étaient devenues anormales ». Enfin, rappelez-vous l'arrêt de la Cour de cassation qui a réformé le jugement de la cour d'appel de Douai « en l'absence dans la loi française de définition des liens et des obligations entre une société dominante et une unité filialisée ».
Avec le texte tel que vous venez de le voter, attendez-vous à avoir beaucoup d'autres Metaleurop et des jugements concluant que la loi française ne permet pas de faire porter la responsabilité sur les sociétés mères. Vous en assumerez la responsabilité, en particulier lorsque de telles situations se présenteront dans les territoires où vous êtes élus.
Même avis que précédemment. La responsabilité des sociétés mères a déjà été abordée et pour ce qui est de celle des exploitants indirects, l'amendement n'est pas dans l'esprit du texte. Nous verrons ultérieurement que le préfet, autorité compétente, peut répartir le dommage entre différents responsables. Il n'est donc pas question d'éviter de mettre en cause les exploitants indirects.
Même avis. Je ne peux pas laisser M. Chassaigne partir dans l'idée que son amendement aurait apporté une solution au problème de Metaleurop, qui tenait non pas à la relation entre une filiale et une maison mère, mais à la faillite d'une personne morale.
C'est dans le domaine du droit des faillites qu'il faut, si vous le souhaitez, faire évoluer la loi. Cela sera d'ailleurs abordé lors du conseil informel de l'environnement. Ajouter « directement » ou « indirectement » ne changerait rien à l'affaire.
Sans viser les sociétés mères ou les exploitants indirects, pour reprendre l'expression du rapporteur que j'écoute toujours avec énormément d'attention (Sourires), je veux m'intéresser aux exploitants du temps présent.
Nous avons, les uns et les autres, beaucoup de difficultés à trouver des repreneurs pour des sites industriels. Le métier est de plus en plus difficile et à risque et il faut saluer le courage dont font preuve ceux qui se lancent dans une telle entreprise. Il m'est arrivé, comme à beaucoup d'entre vous sans doute, de croiser un industriel qui, ayant racheté une affaire, se retrouve exploitant effectif d'un site présentant une pollution, de nappe ou d'autre chose, qui, tel un vice caché, n'avait pas été perçue au moment de la reprise.
Ce qui me gêne dans le texte, c'est que la formulation est au présent. Est-ce une façon de viser aussi bien l'exploitant effectif du moment que celui à l'origine de la faute ? Sur cette question de responsabilité plus que de sémantique, il serait utile que le rapporteur et le ministre puissent apporter une réponse. L'interprétation du temps employé peut avoir une incidence grave sur les jugements prononcés à l'encontre des exploitants actuels, qui n'y seront peut-être pour rien.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma