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Intervention de Alain Gest

Réunion du 24 juin 2008 à 15h00
Responsabilité environnementale — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après déclaration d'urgence

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Gest, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :

L'article 46 du projet de loi présenté le 11 juin dernier en Conseil des ministres en atteste. Dans l'attente que ce principe soit retenu au niveau européen, voire au plan international, il ne nous a pas paru judicieux de créer des distorsions de concurrence préjudiciables aux entreprises de notre pays. Dès lors, il ne nous a pas semblé cohérent que, dans le cas où un dommage s'avère avoir plusieurs causes, le préfet soit amené à rechercher la responsabilité du fabricant d'un produit. Nous vous proposerons donc la suppression de l'amendement sénatorial qui, de surcroît, ne nous paraît pas en mesure d'atteindre le but recherché, à savoir rassurer les exploitants utilisateurs dudit produit.

Nous avons par ailleurs souhaité ne pas nous éloigner du droit commun français. Ainsi en est-il concernant la prescription trentenaire, qui s'applique, mais à compter du fait générateur du dommage, dès lors que celui-ci n'est pas survenu avant le 30 avril 2007, dernier délai pour l'application de la directive. Nous ne manquerons pas d'avoir des débats à ce propos, bien que, sur le dernier point, il s'agisse de l'application de l'article 17 de la directive qui vise à éviter un contentieux rétroactif.

Conformément à l'annexe II de la directive, nous avons retenu trois types de mesures de réparation : primaires, visant à retrouver l'état initial ; complémentaires, tendant à ce que les services écologiques soient identiques à ce que l'état initial permettait ; compensatoires, lorsqu'il s'agit de compenser les pertes intermédiaires qui surviennent entre la date du dommage et celle du rétablissement du site.

Bien évidemment, il nous est apparu nécessaire d'examiner les options permises par la directive. S'agissant des exonérations de responsabilité de l'exploitant, nous avons maintenu celle pour risque de développement. Nous avons considéré que le coût des réparations ne pouvait être imputé à un exploitant n'ayant commis ni faute ni négligence et dont l'activité ayant provoqué le dommage n'était pas susceptible de le faire en l'état des connaissances au moment du fait générateur. En revanche, sa responsabilité peut être engagée même en cas de respect du permis d'exploiter.

En ce qui concerne le débat sur l'opportunité d'instaurer un mécanisme de garanties financières, qui a suscité de nombreux amendements, votre rapporteur vous proposera de retenir la solution présentée par le Gouvernement et maintenue par le Sénat : elle consiste à laisser le soin à une offre du marché des assureurs de prendre en compte la couverture de ce risque. Sur ce point, la « clause de revoyure » en 2010 prévue par la directive nous a semblé particulièrement opportune afin de vérifier la réalité, évoquée parfois au cours de nos auditions, d'une difficulté à développer une offre pour un risque difficile à évaluer.

Pour conclure sur ce titre Ier, je souhaiterais vous signaler, l'amendement présenté par le sénateur de Vendée, M. Retailleau, et devenu désormais l'article 4 bis, qui autorise les collectivités territoriales et leurs groupements à se constituer partie civile en cas de dommages à leur environnement. Bien entendu, il ne nous viendrait pas à l'idée de contester les motivations, ô combien légitimes, qui ont inspiré son rédacteur et le vote unanime du Sénat. Néanmoins, il me semblait de mon devoir de rapporteur de préciser que cet amendement aurait eu davantage sa place lors de la transposition de la directive pénale actuellement en préparation. Inséré dans une loi consacrée à la création et à la définition d'une police administrative, cet article pourrait éventuellement créer la confusion et, à ce titre, n'a pas été soutenu par le Gouvernement.

Pour terminer mon intervention, je souhaiterais, en quelques mots, évoquer le titre II du projet de loi qui vous est présenté. Je vous rappelle qu'il est essentiellement consacré à la transposition de directives qui auraient figuré dans le projet de loi relatif au Grenelle de l'environnement si celui-ci avait pu trouver sa place dans l'ordre du jour de juillet. Les articles ont trait à la qualité de l'air, à la lutte contre l'effet de serre et notamment à la constitution de réserves de quotas de CO2 sur lesquelles nous reviendrons probablement dans notre débat, aux biocides, aux déchets électriques ou électroniques ménagers, à la directive REACH ou bien encore à Natura 2000. Le caractère technique de la plupart de ces articles répond parfois à la volonté de respecter un degré de précision voulu par la Commission européenne.

Votre commission a essentiellement apporté des modifications au texte d'origine à propos de la répression des pollutions marines. À la demande de votre rapporteur, et à l'unanimité, elle a souhaité durcir très sensiblement les peines d'amendes encourues par les navires souvent dénommés « poubelles » et harmoniser les sanctions carcérales pour éviter que celles-ci ne concernent que les navires arborant un pavillon français, qui, à ce jour, figurent en tête du classement des navires mondiaux. Je sais, monsieur le ministre, que nous ne portons pas nécessairement la même appréciation sur ce problème. Une décision, dans ce domaine comme dans les autres, doit être juste pour être admise et comprise. Dans l'attente de conventions internationales harmonisant les peines encourues, conventions auxquelles, le moment venu, je ne m'opposerai pas, notre intérêt n'était ni de pénaliser ceux qui veulent respecter nos mers ni d'encourager l'utilisation de pavillons de complaisance.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conclusions auxquelles est parvenue votre commission des affaires économiques qui, sous réserve des amendements qu'elle propose, vous demande d'adopter ce texte qui constitue à l'évidence un progrès pour le respect de notre environnement, dans l'esprit de la Charte constitutionnelle et du Grenelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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